Autonomisation des provinces abbassides au ixe siècle
p. 66-67
Texte intégral
1Dès la fin du viiie siècle, sous le califat de Hārūn al-Rashīd (r. 786‑809), plusieurs régions s’autonomisèrent vis-à-vis de Bagdad, une tendance qui s’accentua lors de la guerre civile opposant ses fils al-Amīn et al-Maʾmūn.
2Dans un premier temps, des gouverneurs nommés par le calife parvinrent à pérenniser leur pouvoir, donnant naissance à des dynasties locales, comme celles des Aghlabides en Ifriqiya (800‑909), des Samanides dans l’Orient iranien (Khorasan et Transoxiane, 819-1005) ou, plus tard, des Tulunides d’Égypte et de Syrie (868‑905). Dans d’autres régions, certains chefs arrivés au pouvoir par les armes étaient suffisamment puissants pour faire reconnaître leur autorité par le calife, comme les Saffarides d’Iran oriental (861‑1003) ou les Tahirides (821‑873). Dans les deux configurations, ces souverains continuaient à reconnaître l’autorité nominale des Abbassides, mentionnant le nom du calife à côté du leur lors de la khuṭba* ou sur les monnaies, mais ils menaient une politique autonome, conservant tout ou partie des impôts, et entretenant leurs propres armées et administrations.
3Ce phénomène d’autonomisation des provinces s’accompagna du dynamisme des cours locales et des villes promues au rang de capitales de ces petits États ; mais il engendra aussi un affaiblissement de l’État abbasside, de ses revenus fiscaux et de son contrôle effectif du territoire, désormais limité aux régions centrales du Dār al-Islām* : péninsule Arabique, Iraq, Haute Mésopotamie, Iran occidental et central.
4L’Iraq fut lui-même le théâtre de révoltes contre le pouvoir central, comme celles des Zuṭṭ-s* dépeints comme des brigands des marais, ainsi que de tentatives d’autonomisation (Bagdad, Kufa) dès le début du ixe siècle. Pour réaffirmer son autorité et rétablir l’ordre, le calife al-Maʾmūn (r. 813‑833) s’appuya sur son général Ṭāhir b. al-Ḥusayn qu’il nomma chef de la police de Bagdad. Il lui confia également des forces de police rurales expressément créées pour renforcer le contrôle de l’État sur le territoire iraqien. Des circonscriptions policières furent alors mises en place pour quadriller les campagnes dont le maintien de l’ordre était jusque-là assuré pour l’essentiel par des acteurs locaux, et ponctuellement par l’armée. La perte de contrôle du calife sur des espaces plus éloignés, conjuguée à une forte instabilité en Iraq, à la fin du ixe siècle (révolte des esclaves Zanj-s*, puis des dissidents ismaéliens* qarmates*), favorisa ainsi l’extension de la couverture spatiale policière étatique aux campagnes iraqiennes et aux axes les reliant aux régions environnantes, phénomène que l’on observe également dans le domaine de la judicature.
Les circonscriptions policières en Iraq au début du ixe siècle.

« Le pouvoir dans l’Islam n’a pas cessé d’être tout entier rassemblé dans une seule dynastie sous les quatre califes et sous les Omeyyades après eux, à cause de l’unité de la ʿaṣabiya (esprit de corps) des Arabes. Après quoi fut proclamé le pouvoir des Shiites, c’est-à-dire
le parti de la Famille du Prophète ; le parti
des Abbassides s’empara du pouvoir
et se réserva pour lui seul le califat de l’Empire,
cependant que les débris des Omeyyades
se maintenaient en al-Andalus […] ;
pour cette raison l’Empire islamique se brisa en deux parties, à cause de l’éclatement
de la ʿaṣabiya des Arabes. Puis apparurent
au Maghreb et en Iraq les missionnaires alides de la Famille du Prophète, qui entrèrent en conflit avec les Abbassides et s’emparèrent des confins des provinces […]. L’empire
se brisa en dynasties très éclatées. […] »
Ibn Khaldūn, Kitāb al-ʿIbar, p. 9‑10.
Autonomisation des provinces abbassides au ixe siècle.


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