L’organisation administrative des territoires conquis
p. 58-59
Texte intégral
1L’une des préoccupations des musulmans, dès la conquête, fut l’organisation des territoires conquis. En Syrie-Palestine (Bilād al-Shām*) comme en Égypte (Miṣr), la réorganisation des circonscriptions militaires et des provinces fut un enjeu majeur.
2Avant même de devenir le cœur du califat, le Bilād al-Shām fut divisé en quatre gouvernements militaires (jund*), correspondant à d’anciens districts militaires byzantins (themata) réunis : celles de Palaestina Prima et Palaestina Secunda devinrent les jund-s de Filasṭīn et d’al-Urdunn, avec al-Ramla et Tibériade comme capitales ; les provinces de Palaestina Salutaris, d’Arabia et l’essentiel des deux Phénicie devinrent le jund de Damas, tandis que Homs était la nouvelle capitale des anciennes provinces de Syria Prima et Syria Secunda et de celle de l’Euphrate, avant que le calife Yazīd Ier n’en sépare le jund de Qinnasrīn avec compétences sur les territoires du nord jusqu’à la frontière byzantine.
3L’organisation militaire de la région prit définitivement forme sous les Abbassides. Alep remplaça Qinnasrīn et un réseau de forteresses fut mis en place. Puis les frontières furent remodelées par Hārūn al-Rashīd, porté par l’idéologie de jihad*. Il ordonna en 786 la création d’une sixième circonscription, au débouché du Taurus, désignée par l’expression al-thughūr* wa-l-ʿawāṣim*, « les Places fortes et les Protectrices » (cf p. 304-305). D’Antioche à Adana et de Tarse à l’Euphrate, y furent installés des soldats en tant que murābiṭūn* (ou encore mujāhidūn), combattants de la foi, chargés de défendre le califat et d’attaquer le territoire byzantin.
4Après avoir conquis la Syrie et l’Iraq, en 641, les musulmans se dirigèrent vers l’Égypte dont ils s’emparèrent en 642 sous le commandement de ʿAmr b. al-ʿĀṣ. Jusqu’alors partie de l’Empire byzantin, elle était divisée en quatre duchés dirigés par un dux (grec byzantin) ou amīr (arabe) qui avait des attributions militaires et fiscales : au nord-est, l’Augustamnique, capitale Péluse ; au nord-ouest, l’Ægyptus, capitale Alexandrie ; dans la vallée du Nil, l’Arcadie, capitale Oxyrhynchos et, au sud du pays, jusqu’à Syène/Assouan, la Thébaïde, capitale Antinooupolis.
5Après leur conquête de l’Égypte, les musulmans envisagèrent d’en faire une province unique et qu’Alexandrie en soit la capitale. Mais le calife ʿUmar b. al-Khaṭṭāb préféra, selon la légende, donner ce statut à une ville plus proche de Médine, alors capitale du califat, et les musulmans fondèrent Fustat (642) (cf p. 112‑113). À l’époque omeyyade, l’Égypte fut découpée en deux provinces : le Delta ou Terre Basse (Asfal al-arḍ) et la Haute Égypte (Ṣaʿīd). Elles étaient divisées en pagarchies dirigées par un pagarque (grec : pagarchos, arabe : ṣāḥib al-kūra) sous l’autorité de l’amīr. Ces responsables, hérités du système byzantin, furent remplacés par des fonctionnaires musulmans dès le début du viiie siècle.
6S’il y eut une certaine permanence, l’Égypte arabe ayant hérité du système administratif byzantin dans les prérogatives des gouverneurs et dans l’occupation des sites, la toponymie, en revanche, changea : Héracleopolis devient Ahnās (on en a une attestation dans un papyrus bilingue arabe/grec de 643), Péluse devient al-Faramā, Oxyrhynchos, Bahnasā, et Antinooupolis, Ansīna.
Changement de domination et mutations administratives en Égypte.

Lettre sur papyrus datée de 710, du gouverneur d’Égypte, Qurra b. Sharīk, à l’administrateur local, le pagarque Basile, pour réquisitionner du pain pour les matelots de la marine arabe, dans le cadre de la guerre contre Byzance.

© Institut de Papyrologie de la Sorbonne. Papyrus arabe, Inv. 2344, édition par Yūsuf Rāghib, « Lettres nouvelles de Qurra b. Shārik ».
Les circonscriptions administratives de Syrie-Palestine, entre l’époque byzantine et la première période islamique.


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