La péninsule Arabique à la veille de l’Islam
Royaumes, religions, langues
p. 52-53
Texte intégral
1L’île des Arabes (Jazīrat al-ʿArab), la péninsule Arabique, est une région majoritairement désertique dont l’histoire est intimement liée à celle des Arabes. La partie méridionale de l’Arabie, l’Arabia Felix des Romains, abrita les royaumes de Sab’ et de Hadramaout, annexés par celui de Ḥimyar à la fin du iiie siècle. Au centre de la péninsule, quelques confédérations tribales semblent avoir dominé la vie politique de la région, l’exemple le plus notoire étant celle de Maʿadd.
2L’histoire de la péninsule Arabique au vie siècle est essentiellement marquée par le conflit entre les royaumes de Ḥimyar en Arabie méridionale et d’Aksoum en Abyssinie. En novembre 523, Joseph, un prince juif yéménite, monta sur le trône de Ḥimyar, imposa le judaïsme à son royaume et commit le massacre des chrétiens de Najran, cité de l’Arabie méridionale alliée de Byzance et carrefour important du commerce caravanier. En réaction, le Négus d’Aksoum (re)conquit l’Arabie et restaura le christianisme. L’un des généraux abyssiniens, Abraha, usurpa le pouvoir et se proclama roi de Ḥimyar, comme le montrent quelques inscriptions en sudarabique, découvertes récemment. En 565, il lança une expédition contre La Mecque dont le Coran et la tradition musulmane rendent compte. En 570 un prince juif yéménite appela les Sassanides pour chasser les Abyssins. Cette invasion « perse » marque la fin du royaume himyarite.
3Au nord de la péninsule, dès le ve siècle, deux structures monarchiques arabes se mettent en place : les Naṣrides à Ḥīra (en Iraq), dans la mouvance de l’Empire sassanide et les Jafnides aux marges de la Syrie, sorte de royaume fédéré à Byzance. Les plus anciennes inscriptions arabes parvenues jusqu’à nous témoignent du contrôle politique exercé par les Jafnides sur le sud de la Palestine, tandis que les sources syriaques, grecques et arabes attestent de la puissance des Naṣrides et de leur participation active aux campagnes militaires des Sassanides au vie siècle. Au sud, le royaume ḥujrite (de la tribu de Kinda), sous tutelle politique du royaume de Ḥimyar, s’en affranchit et ses dirigeants devinrent les premiers rois arabes indépendants, permettant la généralisation de l’usage de l’écriture arabe.
4Les découvertes épigraphiques montrent la grande perméabilité de la péninsule Arabique aux courants chrétiens tels que le miaphysisme* et le nestorianisme* ainsi qu’au manichéisme*, présents essentiellement à al-Ḥirā, et au judaïsme, implanté dans plusieurs oasis de la péninsule, dont Yathrib (la future Médine). L’image d’une péninsule Arabique dominée par le paganisme, véhiculée par la tradition musulmane à travers la notion d’Ignorance/Jāhiliyya*, n’est plus de mise aujourd’hui. Les travaux récents sur le Coran, dont les strates les plus anciennes remontent à l’époque de Muhammad, montrent que les destinataires du Texte étaient sans doute très avertis de l’histoire biblique et des différents courants monothéistes en vogue dans l’Antiquité tardive. Sans cela, le Coran aurait été un texte inintelligible pour ses récepteurs. De ce fait, il est légitime de le considérer comme le dernier grand texte religieux de l’Antiquité tardive.
5La question du statut de La Mecque comme centre commercial et culturel à la veille de l’islam reste encore ouverte. En l’absence de fouilles archéologiques dans la cité sacrée, seuls les textes arabes du ixe siècle permettent d’interpréter la saga de l’islam autour d’un fondateur (Muhammad), d’un temple (la Kaʿba*) et d’une tribu (Quraysh).
Inscription de Murayghān (détail).

© Mission franco-séoudienne.
لِإِيلَافِ قُرَيْشٍ
إِيلَافِهِمْ رِحْلَةَ الشِّتَاءِ وَالصَّيْفِ
فَلْيَعْبُدُوا رَبَّ هَذَا الْبَيْتِ
الَّذِي أَطْعَمَهُم مِّن جُوعٍ وَآمَنَهُم مِّنْ خَوْفٍ« À cause du pacte des Quraysh ;
de leur pacte concernant la caravane
d’hiver et celle d’été !
Qu’ils adorent le Seigneur de cette maison :
ils les a nourris ;
il les a préservés de la famine ;
il les a délivrés de la peur. »
Coran CVI, versets 1‑4 (sourate Quraysh). Trad. : D. Masson.
La péninsule Arabique à la veille de l’Islam.

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