Le monde connu d’al-ʿUmarī
p. 36-37
Texte intégral
1Au milieu du xive siècle, Ibn Faḍl Allāh al-ʿUmarī (1301-1349) livre, dans une encyclopédie destinée à la chancellerie mamluke du Caire, une description du monde connu divisé selon des critères géopolitiques, soulignant ainsi d’une manière réaliste l’importance des États qui entretiennent des relations avec l’Égypte de l’époque.
2Au lieu de s’appuyer sur des sources livresques anachroniques, al-ʿUmarī fait le choix d’accorder sa confiance à des informateurs qui reviennent de ces territoires qu’ils connaissent pour y avoir travaillé ou exercé des fonctions étatiques. Après avoir présenté l’ensemble de l’œkoumène avec une digression remarquable sur treize États chrétiens de Méditerranée – ce qui constitue pour notre auteur l’Europe « utile » vue du Caire –, il s’attache à décrire le monde musulman qu’il divise en quinze entités politiques, énumérées et décrites d’est en ouest. Il commence par le sultanat de Delhi (royaume de l’Inde et de Sind, cf p. 102-103) et passe ensuite aux trois « royaumes gengiskanides » établis respectivement en Chine, en Iran et au Turkestan (cf p. 96-97).
3Il revient alors dans les territoires musulmans pour décrire les pouvoirs tribaux établis au nord-ouest de l’Iran, dans le Gilan, pouvoirs qu’il appelle des « montagnes », notamment les Lors et les Kurdes (cf p. 92-93). Continuant à l’ouest, il aborde les pouvoirs turcs d’Anatolie qu’il subdivise en seize principautés, dont celle d’Orkhan, les futurs Ottomans.
4Après avoir traité les territoires mamluks (Syrie, Égypte, Hedjaz), il s’attache au Yémen rasūlide et traverse ensuite la mer Rouge pour aborder l’Éthiopie chrétienne et musulmane, subdivisée en sept « royaumes ». Il décrit alors rapidement le Kanem et la Nubie, mais s’étend sur le royaume du Mali et ses dépendances, avant de passer aux « royaumes berbères des montagnes » (sultanats de l’Aïr, d’Aoudaghost et de Tadmekka).
5Il revient alors à la Méditerranée pour parler des Hafsides, des Abdelwadides et des Mérinides. Il termine avec les Nasrides de Grenade. L’originalité d’al-ʿUmarī vient du fait qu’il ne délimite pas un territoire, n’en décrit pas les itinéraires ni ne s’attarde sur la topographie des villes principales, mais qu’il évoque le pouvoir de l’État par la puissance politique, économique et militaire qu’il détient. Et cet État est représenté par une dynastie qui met en scène publiquement cette puissance par un protocole déterminé ou des cortèges publics. Si l’auteur, dans son discours, suit un ordre géographique, il n’hésite pas à hiérarchiser ces puissances selon leur plus ou moins grande hégémonie locale.
La mappemonde circulaire d’al-ʿUmarī, c. 1340.

© The Presidency of the Republic of Turkey/The Directorate of National Palace Administration. Istanbul, Topkapı Sarayı, ms. Ahmet 2797, fol. 292v-293.
« Le plus puissant des rois des Faranğ [comprenons des Européens] est le roi de France, souverain de France, alors qu’Alphonse, souverain des territoires chrétiens en Andalous est son représentant. Mais le plus fort militairement est l’empereur, roi des Allemands. Le roi de France et l’empereur sont les plus importants des rois occidentaux. »
Al-ʿUmarī, Masālik al-abṣār, I, p. 31.
La vision d’al-ʿUmarī.

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