Le périple d’Ibrāhīm b. Yaʿqūb en Europe
p. 22-23
Texte intégral
1Ibrāhīm ibn Yaʿqūb, juif espagnol de Tortosa, parcourut l’Europe, entre la fin 960 et 962 pour des raisons inconnues, mais qui relevaient vraisemblablement du commerce. Il était aussi probablement chargé d’ambassade par le calife omeyyade de Cordoue auprès de l’empereur Otton Ier qu’il rencontra à deux reprises, à Magdebourg et à Rome.Le récit de ce voyage, qu’il écrivit en arabe, est aujourd’hui uniquement connu par des citations ultérieures qui permettent d’en reconstituer le trajet. Ainsi, selon toute vraisemblance, il quitta al-Andalus par le nord-ouest et remonta la côte atlantique passant, entre autres, par Dax, Bordeaux, Tours et Rouen d’où il prit sans doute le bateau pour rejoindre Utrecht. Dans ces villes, ce sont les constructions en pierre (comme le temple des piliers de Tutelle) et l’activité économique qui ont attiré son attention. Il se peut qu’il ait continué par le Rhin pour entrer dans l’Empire et atteindre Mayence où il détaille les biens qui font l’objet de négoce et où il reconnaît un dirham frappé à Samarcande, ce qui met en lumière l’ampleur des routes commerciales qui y aboutissaient. Il continue par Fulda dont les trésors de l’abbaye le stupéfient et il poursuit par Soest – où il décrit la production de sel – pour atteindre Schleswig (Haithabu), important emporium viking sur la Baltique. Il traverse les territoires slaves de Poméranie, décrivant la forteresse slave de Schwerin pour s’arrêter à Magdebourg.
2Là, sans doute, Otton Ier lui parla-t-il de la légendaire cité des femmes, censée se situer quelque part plus au nord ? Il est à la cour quand arrive une ambassade bulgare dont il dépeint les costumes. De là, suivant les rivières, il atteint Prague, dont il précise l’activité commerciale. Il note, chemin faisant, la nature des pouvoirs slaves qui côtoient l’Empire à l’est, et parmi leurs souverains, le duc Mieszko, à Cracovie, premier souverain de la future Pologne et Boleslav Ier en Bohème.
3Ibrāhīm se rend alors en Italie par le Frioul et la Lombardie, en passant par Vérone dont les arènes l’impressionnent, pour finalement se trouver à Rome en février 962. Il y rencontre derechef Otton Ier qui lui confie la mission de demander une relique chrétienne conservée à Lorca. Il repart peut-être par le sud de l’Italie, et passe à Trapani en Sicile.
4Notons que le merveilleux est quasi absent de son témoignage, et qu’Ibrāhīm a signalé l’importance du bâti des lieux visités et donné à voir une société industrieuse, qui luttait parfois pour sa subsistance, mais où le commerce à longue distance prospérait. Les Francs et les Slaves se partageaient ce territoire, mais l’empereur Otton semblait prédominer. Aux yeux de ce voyageur juif, l’Europe était alors surtout chrétienne et possédait de grands sanctuaires qui attiraient les dons et la dévotion par leurs reliques.
5Son itinéraire étant fragmentaire, seules les villes par où l’on sait qu’il est passé ont été portées sur la carte.
Arènes de Vérone.

© Claconvr, 2018.
Le temple des Piliers de Tutelle à Bordeaux.

Gravure sur acier vers 1845.
« Tours fait partie des villes franques les plus nobles. Elle connaît une importante foire en automne qui dure huit jours. Il n’y en a pas de plus grande, s’y rassemblent des commerçants de tous les pays. Tours se trouve sur le plus grand fleuve du pays des Francs. »
Jean-Charles Ducène, L’Europe et les géographes arabes du Moyen Âge, p. 170.
Le périple d’Ibrāhīm ibn Yaʿqūb en Europe.

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