Version classiqueVersion mobile

Hollywood à la conquête du monde

 | 
Nolwenn Mingant

Prologue. Qu’est-ce que le marché international ?

Texte intégral

Marché américain et marché étranger

  • 1 Il faut garder en tête le poids de la fluctuation de la valeur du dollar dans l’importance relative (...)

1Avant de chercher à dessiner les contours précis du marché extérieur, il faut le saisir dans sa relation intime au marché intérieur. Le graphique ci-dessous compare l’importance des deux marchés entre 1966 et 2004, en présentant le pourcentage représenté par chacun dans les revenus totaux en salles des majors hollywoodiennes1. Trois grandes étapes dans l’équilibre entre marchés intérieur et extérieur apparaissent. De 1966 à 1974, les deux marchés sont à peu près d’importance égale, avec un équilibre 52 %-48 % qui alterne chaque année. De 1975 à 1993, le marché intérieur est prépondérant. L’année 1984 marque un pic : le marché intérieur représente 66,8 % des recettes, le marché extérieur 33,3 %. De 1994 à 2004, les deux marchés sont à nouveau proches. En 2004, le marché extérieur correspond à 62,2 % des recettes mondiales. Les deux évolutions principales sont donc d’abord la perte progressive d’importance du marché extérieur entre 1977 et 1984, puis sa lente remontée à partir du milieu des années 1980.

  • 2 On préfère utiliser des pourcentages pour ce graphique, car les valeurs en dollars sont brouillées (...)

Pourcentage des recettes en salles provenant des marchés extérieur et intérieur (1966-2004)2

Pourcentage des recettes en salles provenant des marchés extérieur et intérieur (1966-2004)2

1966-1974 : le balancier

  • 3 Dans les années 1920, 30 à 40 % des recettes venaient de l’étranger. Après une forte baisse au mome (...)

2Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la préoccupation majeure des grandes compagnies du cinéma hollywoodien est la reconquête du marché étranger3. Elles sont soutenues dans leur entreprise par le gouvernement américain qui y voit l’occasion de propager les valeurs américaines de liberté et de démocratie. Pour les majors, cette reconquête prend d’autant plus d’importance que la fréquentation des salles américaines se met à baisser régulièrement à partir de 1946 avec l’arrivée de la télévision, la multiplication des loisirs et le développement des banlieues. À l’étranger, les années 1950 sont marquées par la réouverture des marchés fermés par la guerre et la construction de nombreuses salles de cinéma. Le marché extérieur reprend alors peu à peu de l’importance et représente environ 40 % des recettes mondiales au cours des années 1950 et environ 53 % au début de la décennie suivante. À la fin des années 1960 et au début des années 1970, s’installe un mouvement de balancier autour d’un partage 52 %-48 %. L’équilibre entre marché intérieur et marché étranger s’explique par la faiblesse de la fréquentation aux États-Unis jusqu’au début des années 1970, mais aussi par la forte implication des majors sur le marché étranger. Après la Seconde Guerre mondiale, les pays européens désireux d’endiguer le flot d’argent quittant leur pays pour aller remplir les coffres des majors hollywoodiennes appliquent le système des fonds bloqués (frozenfunds, blockedfunds), selon lequel une partie des recettes des majors dans un pays ne peut être rapatriée et doit être utilisée dans le pays. Les majors investissent ces fonds dans les cinématographies locales. Dans les années 1960, alors que ces restrictions se relâchent, les majors restent très présentes dans le domaine de la production européenne, car elles y trouvent un autre avantage : les aides étatiques au cinéma, comme la Taxe Eady (Eady Levy) Grande-Bretagne. Ainsi, les recettes venant de l’étranger correspondent à la fois aux profits des films hollywoodiens exportés et à ceux des films produits et distribués sur des territoires spécifiques. La forte vitalité des cinémas européens après la guerre et dans les années 1960 participe ainsi à l’augmentation des recettes extérieures des majors. L’affaiblissement du marché américain, la reconquête du marché étranger et la participation des majors à des industries cinématographiques européennes dynamiques expliquent donc l’installation d’un mouvement de balancier entre recettes intérieures et extérieures entre 1966 et 1974.

1974-1985 : la prépondérance du marché intérieur

3À partir de 1974, le marché intérieur reprend la première place. Tandis que le marché extérieur décline en termes réels de 1979 à 1984, l’avance du marché intérieur ne cesse de s’affirmer. Le marché intérieur représente 51,1 % des recettes mondiales en 1974, 56,7 % en 1980 et 66,8 % en 1984. Les évolutions inverses des marchés extérieur et intérieur expliquent ce déséquilibre. En Europe, la fin des années 1970 et le début des années 1980 sont marquées par une baisse de la fréquentation. Elle passe de 983,72 millions de spectateurs en 1980 à 667,07 millions en 1985. Au début des années 1980, le domaine de l’exploitation en salle se trouve enfermé dans un cercle vicieux. La baisse de la fréquentation entraîne la dégradation de l’état des salles, voire leur fermeture, ce qui accentue encore cette baisse. De plus, au cours des années 1970, les majors cessent d’investir dans les cinématographies locales. La crise économique qui secoue Hollywood entre 1969 et 1971, ainsi que la montée d’un fort sentiment antiaméricain alimenté par les théories de l’impérialisme culturel et l’opposition à la guerre du Vietnam entraînent un repli sur les productions américaines et sur le marché intérieur. Bien que les majors continuent d’acquérir des films étrangers pour leurs réseaux de distribution, on peut estimer que ce retrait participe dans une certaine mesure à la diminution des recettes extérieures. De plus, à la fin des années 1970 et le début des années 1980 la force du dollar contribue à diminuer encore le montant total rapatrié aux États-Unis.

  • 4 L’arrivée de Reagan au pouvoir fait évoluer la législation et les pratiques vers une plus grande li (...)

4Alors qu’en Europe, la fréquentation décline et que les majors se retirent du domaine de la production, les salles de cinéma américaines connaissent une période de renaissance. L’année 1971 marque la fin du lent déclin de la fréquentation. À partir du début des années 1970, la fréquentation reprend et ne cesse d’augmenter. Au début des années 1980, cette remontée de la fréquentation est encore accentuée par les investissements des majors dans le domaine de l’exploitation, à la suite du mouvement reaganien de déréglementation4. À partir de 1983, Columbia, Universal, United Artists et Paramount investissent dans la construction de multiplexes, ce qui redynamise le secteur de l’exploitation.

  • 5 DONAHUE, Suzanne (1987), p. 143.
  • 6 La bataille des formats opposent Betamax (Sony) et VHS (JVC). Sony commence à diffuser son format a (...)

5Un second facteur vient expliquer le fort dynamisme du marché américain à la fin des années 1970 et au début des années 1980 : le développement des marchés secondaires (ancillary markets), c’est-à-dire de « tous les moyens d’exploiter un film en dehors de la sortie en salle »5. Ce sont des technologies développées à partir de la fin des années 1970 qui révolutionnent la distribution des films. Dans les années 1980, les marchés secondaires sont la télévision, notamment le câble qui prend ainsi son essor avec la création de la chaîne câblée Home Box Office (HBO) en 1975, et surtout la vidéo, apparue sur le marché en 1976. Alors même que la bataille des formats fait rage6, la vidéo connaît une forte expansion et dès 1986, les recettes provenant de ce marché égalent les recettes en salles. Au cours des années 1980, les marchés secondaires, particulièrement la télévision payante et la vidéo, prennent donc de plus en plus d’importance aux États-Unis, au détriment des salles de cinéma.

  • 7 DONAHUE, Suzanne (1987), p. 143. Les réseaux de télévision (network television) sont « des chaînes (...)

Pourcentage des recettes, sorties en salles et marchés secondaires7

Pourcentage des recettes, sorties en salles et marchés secondaires7

6Ces innovations technologiques qui viennent détrôner la sortie en salles donnent en fait le jour à de nouveaux canaux de distributions. L’allongement de la durée de vie du film et la multiplication des sources de revenus entraînent le marché intérieur dans une nouvelle ère de prospérité. Ainsi, de la fin des années 1970 au milieu des années 1980, l’écart se creuse fortement entre un marché extérieur en perte de vitesse et un marché intérieur en pleine expansion tant dans le domaine de l’exploitation en salles que dans celui des marchés secondaires, un marché intérieur qui demande l’attention sans partage des majors.

1985-2004 : la renaissance du marché extérieur

7À partir du milieu des années 1980, des évolutions technologiques, mais aussi politiques viennent changer radicalement le visage du marché extérieur. Tout d’abord, le secteur de l’exploitation connaît une révolution avec l’introduction de multiplexes à l’américaine. Le processus de revitalisation du marché mondial de l’exploitation commence en Grande-Bretagne, avec la construction par American Multi-Cinema (AMC) d’un premier multiplexe en 1985. D’autres investisseurs, dont les majors hollywoodiennes, suivent rapidement et en une décennie le chiffre de la fréquentation double, passant de 54 millions de spectateurs en 1984 à 123,53 millions en 1994. Le succès de la renaissance du secteur de l’exploitation en Grande-Bretagne pousse les majors à construire des multiplexes dans le reste de l’Europe. En Allemagne, la construction de 700 salles entre 1990 et 1997 entraîne une augmentation de la fréquentation de 40 %. Alors que la fréquentation monte en flèche en Europe et en Australie, la construction de multiplexes s’étend à tous les continents. Au cours des années 1990, les multiplexes se développent en Europe et en Australie, mais aussi en Asie et en Amérique latine.

  • 8 L’Italie autorise la création de chaînes de télévision privées dès 1976. La France autorise d’abord (...)
  • 9 Parmi les pays ayant un taux supérieur à 60 % en 1991, on trouve par exemple l’Australie, les États (...)
  • 10 DONAHUE, Suzanne (1987), p. 162.
  • 11 VOGEL, Harold (2001), p. 84.

8Le second facteur de renaissance du marché étranger est le développement des marchés secondaires à partir de la seconde moitié des années 1980. En Europe, la déréglementation du secteur de la télévision dans les années 1980 entraîne la création de chaînes commerciales indépendantes l’État8. la fin années apparaissent également les chaînes commerciales payantes, telles Canal Plus en France (1984) ou British Sky Broadcasting en Grande-Bretagne (1987). Au Japon, des chaînes satellites sont lancées dès 1983. La prolifération des chaînes commerciales (hertziennes, câblées, satellites) entraîne une multiplication de la demande de programmes et les stations se tournent vers la prolifique (et peu onéreuse) production américaine. Si les spectateurs tendent peu à peu à plébisciter les programmes télévisés (séries, jeux) locaux, les films américains restent très demandés. Les films hollywoodiens à succès sont ainsi indispensables à ces chaînes commerciales dont la survie dépend de l’audimat. À la fin des années 1980, la vente de films de cinéma aux télévisions étrangères présente ainsi un taux de croissance de 15 à 25 %. Les majors entrent très rapidement sur ces nouveaux marchés, en vendant leurs programmes (programmes télévisés, films de cinéma), mais également en exportant leurs chaînes payantes. L’exemple le plus frappant est probablement la diffusion rapide de Disney Channel dans le monde entier : Royaume-Uni et Irlande en 1988, Pologne, Union Soviétique, Tchécoslovaquie, Hongrie en 1990, France, Moyen-Orient en 1997, Espagne, Italie en 1998, Allemagne en 1999, Portugal, Corée du Sud, Indonésie en 2002, Japon en 2003, Inde en 2004. C’est cependant surtout l’arrivée de la vidéo qui transforme le marché mondial. Considérée comme l’une des causes du déclin de la fréquentation à son apparition sur le marché extérieur au début des années 1980, la vidéo se révèle au cours de la décennie être une importante source de revenus, passant de 35,9 % des recettes mondiales (tous média confondus) en 1986, à 42,6 % en 1991. Le taux moyen de pénétration dans le monde passe ainsi de 15,8 % des foyers possédant une télévision en 1985 à 33,7 en 19919. Cette adoption rapide du magnétoscope dans le monde s’explique notamment par le manque de choix à la télévision. À la fin des années 1980, « certains pensent que le marché de la vidéo sur ces territoires étrangers va devenir le marché premier »10. En 1990, le marché de la vidéo représente 35 à 40 % des recettes d’un film en Europe, la sortie en salle 26 à 30 %, la télévision 30 % et la télévision payante 4 à 6 %. Enfin, notons également une dernière source secondaire de profits pour les majors : la construction de parcs à thèmes et de magasins à leur effigie dans le monde entier. Au-delà des parcs du précurseur Disney (Tokyo Disneyland, 1983, EuroDisney, 1992, Hong Kong Disneyland, 2005), se multiplient les parcs d’autres studios : Warner Bros. Movie World (Australie, 1991), Warner Bros. Movie World (Allemagne, 1996), Universal Mediterranea (Espagne, 1999), Universal Studios Beijing (Chine, 2000). Bien que les sources secondaires prennent la première place dans les recettes, elles n’annihilent pas le marché des sorties en salles, mais le stimulent dans une certaine mesure. Le développement des marchés secondaires en Europe va donc, comme aux États-Unis, dans le sens d’une plus grande rentabilité de l’objet-film dont la durée de vie s’allonge de plus en plus. En 2000, Harold Vogel décrit ainsi une durée de vie de sept ans, partagée entre les différents médias, entre le marché intérieur et extérieur11.

9La fin des années 1980 est également marquée par des changements qui dépassent largement le cadre de l’industrie du film, et touchent à l’équilibre géopolitique du monde. Symbolisé par la chute du mur de Berlin en novembre 1989, l’effondrement du bloc soviétique entraîne l’ouverture d’une vaste partie de l’Europe restée fermée aux majors américaines par la Guerre froide. Les majors comprennent immédiatement les opportunités commerciales apportées par cette révolution politique et, à la fin des années 1990, toutes les majors distribuent dans les anciens pays du bloc communiste. À partir de la fin des années 1980, les recettes venant de l’extérieur s’enrichissent donc au rythme de l’ouverture de nouveaux territoires : l’Europe de l’Est, la Russie, mais également, en Asie, la Corée du Sud, le Vietnam ainsi que la Chine.

10Alors que le marché extérieur est en pleine expansion, en termes de territoires et de canaux de distribution, le marché intérieur connaît une période de ralentissement, après les pics de fréquentation de l’année 1984 et du début des années 1990. Dans les années 1990, une évolution vient indiquer un affaiblissement proportionnel du marché intérieur. De plus en plus de films rapportent plus sur le marché étranger que sur le marché intérieur. Ce phénomène est révélé au grand jour en 1997-1998 par le film Titanic (J. Cameron) dont la recette extérieure est le double de la recette intérieure, mais la liste de ces films inclut également Jurassic Park (S. Spielberg, 1993, + 57,5 % entre les recettes intérieures et extérieures), Harry Potter et la chambre des secrets (C. Columbus, 2002, + 134,7 %) ou encore Le Seigneur des anneaux : la communauté de l’anneau (P. Jackson, 2001, + 76,5 %). Le ralentissement de la fréquentation aux États-Unis au début des années 1990 est d’autant plus préoccupant pour l’industrie du cinéma hollywoodien que les marchés secondaires (vidéo, câble, télévision) semblent arrivés à saturation. Le dynamisme du marché extérieur s’accompagne donc d’un déclin des marchés primaire et secondaire aux États-Unis. Cette évolution inverse est visible dans la baisse du pourcentage des recettes aux États-Unis et l’augmentation du pourcentage des recettes à l’étranger. Une zone d’équilibre entre les deux marchés apparaît au milieu des années 1990.

11On constate cependant à nouveau une légère avance du marché intérieur (52-54 %) à la fin des années 1990 et tout au début des années 2000. Trois facteurs semblent expliquer ce décrochage. À la fin des années 1990, apparaît aux États-Unis un nouveau marché secondaire, le DVD (Digital Versatile Disk) : 30 millions de lecteurs sont vendus aux États-Unis entre 1999 et 2002. Un deuxième facteur est la renaissance des industries cinématographiques nationales dans de nombreux pays. Si les majors continuent à faire de forts profits à l’étranger, leurs parts de marché diminuent. Enfin, des raisons économiques viennent également expliquer l’affaiblissement proportionnel des recettes venant du marché extérieur. En 1998, l’Asie et l’Argentine sont touchées par une grave crise économique. Face à la monnaie dévaluée de ces pays, le dollar américain est fort, ce qui entraîne une diminution des montants rapatriés aux États-Unis.

  • 12 Le Digital Millennium Copyright Act (DMCA), signé par Bill Clinton en 1998, vise à mettre en place (...)

12À partir de 2002, le mouvement de prise d’importance du marché extérieur se confirme cependant. Plusieurs facteurs donnent à penser que ce déséquilibre entre marché intérieur et extérieur continuera de croître en faveur de ce dernier. Le développement rapide des nouveaux médias à l’échelle planétaire va dans le sens d’une vie du film toujours plus longue, et donc d’une source intarissable de profits. Le DVD peut être pris comme précurseur de ce type de développement. Exploité d’abord sur le marché intérieur, il s’étend presque simultanément au monde entier. Dès 1999, la vente de DVD vient atténuer la baisse des recettes en salles des majors au Japon. En France, les recettes de la vente de DVD passent de 83,3 millions d’euros en 1999 à 710 millions en 2002 (+752,3 %). Dès 2000, le Congrès américain reconnaît dans le Digital Millennium Copyright Act12 le système de brouillage du contenu (Content Scrambling System) mis en place par les majors, en concertation avec les grands fabricants de matériel électronique, afin de partager le marché mondial en zones hermétiques (zoning). On peut penser qu’à l’avenir, tout nouveau média sera développé simultanément sur le marché intérieur et extérieur. Il est peu probable que l’on assiste désormais à des décalages comme dans le cas de la télévision ou la vidéo, décalages qui donnaient un temps une importance prédominante au marché intérieur. Par ailleurs, l’implication grandissante des majors dans les industries cinématographiques nationales va également dans le sens d’une importance toujours plus grande des recettes provenant du marché extérieur. Enfin, le début du xxie siècle offre aux majors des marchés encore inexploités, particulièrement la Russie, l’Inde et la Chine. Le potentiel de croissance du marché extérieur est donc encore très vaste. Si les forts résultats de l’année 2004 peuvent en partie s’expliquer par la faiblesse du dollar, on peut penser que le développement constant de nouveaux médias à l’échelle mondiale, l’investissement croissant des majors dans les industries cinématographiques nationales et l’existence de marchés inexploités vont confirmer la courbe ascendante du marché extérieur par rapport au marché intérieur dans les décennies à venir, bien au-delà des variations ponctuelles de la monnaie américaine.

  • 13 Par exemple : « Chile, Other Soft Spots Overseas, Offset by Better U.S. Prospects », Variety, 24 ma (...)
  • 14 « Megahits Push Global B.O. to Record High », Variety, 16 décembre 1996.
  • 15 « What saved the U.S. film industry of the 1950s from even more distress as domestic attendance plu (...)
  • 16 « Some executives see foreign markets as the bridge that will carry Hollywood studios from the vide (...)
  • 17 C’est par les marchés secondaires que les majors reviennent vers le marché extérieur à la fin des a (...)
  • 18 « Europe didn’t compensate for US disappointment », in « The Incredible Shrinking Aud », Variety, 5 (...)

13Les évolutions du marché extérieur ne peuvent s’envisager séparément de celles du marché intérieur, car elles sont intimement liées dans les résultats économiques, mais également dans l’esprit des dirigeants hollywoodiens. La prise d’importance proportionnelle d’un marché est ainsi souvent en partie la conséquence du soudain affaiblissement de l’autre. Les deux marchés sont unis par une relation où le plus faible doit à chaque fois être rattrapé par le plus fort13. Dans cette relation basée sur la compensation, le marché étranger est très tôt vu comme un filet de sécurité (safety net)14. Kerry Segrave estime ainsi que « ce qui permet d’éviter à l’industrie américaine du film d’être dans une situation encore plus désespérée dans les années 1950, alors que la fréquentation aux États-Unis est en chute libre, ce sont les recettes à l’étranger »15. Plus encore que sous l’angle de la compensation, c’est sous l’angle de la prise de relais que l’on peut envisager la relation entre marché intérieur et extérieur. Ainsi alors que le marché extérieur n’est pas encore touché par l’arrivée de la télévision, il prend le relais du marché intérieur affaibli par ce nouveau média. Lorsque le marché de la vidéo sature aux États-Unis, à la fin des années 1980, il explose à l’étranger. Alors que la fréquentation baisse aux États-Unis au début des années 1990, la construction de multiplexes fait remonter de façon spectaculaire la fréquentation à l’étranger. Jusque dans les années 1990, on peut donc considérer le marché étranger comme une roue de secours qui permet au marché américain de tenir en attendant une nouvelle roue : un nouveau média qui redynamisera le marché intérieur. Le marché extérieur servirait alors uniquement à patienter entre deux phases de croissance aux États-Unis : « Certains cadres considèrent les marchés étrangers comme un moyen pour les studios hollywoodiens de faire le lien entre le boum de la vidéo des années 1980 et 199016. La grande importance prise par les marchés secondaires17 vient cependant modifier cette relation entre marché intérieur et extérieur. Si l’idée de compensation entre les territoires existe toujours18, la notion de prise de relais a de moins de moins de réalité. Le DVD est ainsi lancé à très peu d’intervalle aux États-Unis et dans le reste du monde. On peut penser que les prochaines technologies seront développées de façon quasi-simultanée dans tous les marchés. L’idée de prise de relais perd d’autant plus de sens que le marché extérieur est de moins en moins considéré comme un marché séparé, servant de pont entre deux phases de prospérité aux États-Unis. Il devient, à l’orée du xxie siècle, un marché capital que l’on cherche à développer en même temps que le marché intérieur, même quand le marché américain va bien. Cette tendance à la simultanéité brosse le portrait d’un marché désormais mondial.

Un espace géographique et économique

14Vaste ensemble de pays très différents, le marché extérieur comprend aussi bien la Suisse que les Philippines, le Paraguay ou l’Éthiopie. Afin de faire face à l’étendue de ce marché, les majors le segmentent en zones (areas) et en territoires (territories).

La classification du monde par les majors

15Le réseau de distribution du film hollywoodien est ainsi organisé de façon géographique, sur le marché intérieur comme sur le marché extérieur. L’Est, le Sud, l’Ouest et le Canada sont les zones principales du marché intérieur. La gestion segmentée du marché garantit, aux yeux des majors, une meilleure efficacité. De même, le marché extérieur est découpé en un certain nombre d’espaces. Au début des années 2000, la MPA divise ainsi ses opérations extérieures en trois grandes zones : Europe/Moyen-Orient/Afrique (Europe, Middle East, Africa, EMEA), Australie/Asie, Amérique latine. Trois bureaux gèrent ces zones : Bruxelles, Singapour et Rio. Dans le discours des majors, dans l’organisation de leurs bureaux, apparaissent quatre grandes aires géographiques :

  • Europe – Moyen-Orient – Afrique : Albanie, Allemagne, Autriche, Belgique, Biélorussie, Bulgarie, Croatie, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, France, Gibraltar, Grande-Bretagne, Grèce, Hongrie, Irlande, Islande, Italie, Lettonie, Lituanie, Malte, Monténégro, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République tchèque, Roumanie, Russie, Serbie, Slovénie, Suède, Suisse, Ukraine ; Algérie, Chypre, Égypte, Émirats Arabes Unis, Israël, Koweït, Liban, Maroc, Tunisie, Turquie ; Afrique centrale (Burundi, République centrafricaine, Tchad, République démocratique du Congo, Rwanda), Afrique de l’Est (Kenya, Tanzanie, Ouganda, Djibouti, Érythrée, Éthiopie, Somalie, Mozambique, Madagascar, Malawi, Zambie, Zimbabwe, Comores, île Maurice, Seychelles), Afrique de l’Ouest (Bénin, Burkina Faso, Côte-d’Ivoire, Cap-Vert, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Libéria, Mali, Mauritanie, Niger, Nigéria, Sénégal, Sierra Leone, Togo), ainsi que l’Angola, le Gabon, la République du Congo et l’Afrique du Sud.

    • 19 Comme le Canada, Porto Rico a un statut ambigu. Politiquement, c’est un État libre associé aux État (...)

    Amérique latine : Antilles, Brésil, Bolivie, Chili, Colombie, Costa Rica, Équateur, Guatemala, Honduras, Jamaïque, Mexique, Nicaragua, Panama, Paraguay, Pérou, Porto Rico19, République dominicaine, Salvador, Trinidad, Uruguay, Venezuela.

  • Asie : Birmanie, Chine, Corée du Sud, Hong Kong, Inde, Indonésie, Japon, Malaisie, Pakistan, Philippines, Singapour, Taiwan, Thaïlande, Vietnam.

  • Océanie : Australie, Nouvelle-Zélande.

16Si ces zones semblent au prime abord s’appuyer sur les divisions naturelles que sont les continents, des éléments indiquent que la géographie n’est pas ici le seul critère. Ainsi, quand une zone « Afrique » apparaît dans l’organisation des majors, elle n’inclut jamais l’Afrique du Nord, mais est en règle générale exclusivement dédiée à l’Afrique du Sud, pays qui est parfois lui-même compris dans la zone « Océanie ». Si le choix des zones ne se fait pas sur des critères géographiques (les continents), les références à une zone « pays de langue anglaise » pourraient donner à penser qu’il s’agit d’une classification sur critères culturels. L’inclusion de l’Afrique du Nord et de l’Europe dans la même zone se comprendrait alors comme une conséquence culturelle de la période coloniale. Cependant, un certain nombre de combinaisons viennent contredire l’hypothèse culturelle. Ainsi, comment appliquer une explication culturelle à des zones aussi hétéroclites que « Extrême-Orient/Australie/Nouvelle-Zélande/Afrique du Sud », « Europe de l’Est/Moyen-Orient » ou encore une zone « Extrême-Orient » qui inclurait aussi bien l’Australie que la Malaisie ? Si les dimensions géographiques et culturelles entrent en ligne de compte, elles ne suffisent pas à expliquer la segmentation du monde par les majors, la zone « Europe/Moyen-Orient/Afrique » culturellement hétéroclite venant à la fois contredire ces deux types de critères. La logique commerciale des majors apporte donc un troisième critère : les revenus. En effet, les deux circonstances où les majors font références à ces zones sont dans la description de leur structure interne et dans le bilan des activités de l’année passée.

17Ce second usage lie alors la division géographique du monde à des critères d’ordre économique. Ainsi, la segmentation du monde en grandes zones géographiques permet aux majors d’évaluer les différentes régions du monde sur un plan économique. C’est donc moins l’unité géographique ou la cohérence culturelle d’une zone qui semble intéresser les majors que son poids économique. Les majors ont la vision d’un marché extérieur segmenté en termes de revenus. L’économique prime alors sur le géographique et le culturel, et la valeur d’une zone tient à la rentabilité des territoires qui la composent. La segmentation du marché extérieur opérée par les majors pour des raisons organisationnelles et économiques frappe par le fort déséquilibre entre les différentes zones. La zone « Europe/Afrique/Moyen-Orient » paraît ainsi disproportionnée par rapport à la zone « Océanie ». Cette disproportion en termes géographiques s’explique par le fait que tous les territoires n’ont pas la même importance en matière de revenus. Dans la même zone géographique sont alors inclus des territoires qui rapportent beaucoup, comme l’Europe, et des territoires qui rapportent peu, comme le Moyen-Orient ou l’Afrique.

18Si les majors segmentent d’abord le monde en quatre grandes zones, ils opèrent également une classification des types de territoire qui composent ces zones. Ces territoires sont principalement classés par importance en termes de revenus. Chaque année, Variety présente les résultats des majors par territoire en trois groupes (tier) : les cinq premiers marchés en terme de revenus (top five), les marchés de la sixième à la dixième place, les marchés de la onzième à la quinzième place. Sur toute la période étudiée, les cinq premiers territoires représentent entre 45 et 55 % des recettes en salles mondiales totales des majors, et les quinze premiers marchés représentent entre 75 et 80 %. Une minorité de territoires représente donc la majeure partie des revenus. À l’opposé des « territoires clés » (top export markets, key export markets), un grand nombre de petits territoires fournissent seulement 15 à 20 % des revenus. Il s’agit de pays de petite taille, de pays avec peu de salles de cinéma, ou de pays où les majors vendent leurs films à prix fixe. En 1984, quand Variety décide de rappeler à ces lecteurs la liste des pays dans lesquels les films hollywoodiens sont distribués, le magazine présente alors logiquement un classement basé sur la valeur économique de chaque territoire.

Liste des marchés à l’exportation du film hollywoodien en 1983.
(Recettes totales perçues sur le marché extérieur :
environ 850 000 000-900 000 000 dollars.)
Les marchés les plus importants (environ 80 % des recettes)
Japon, Canada, France, R.F.A., Royaume-Uni, Australie, Italie, Espagne, Brésil, Mexique, Afrique du Sud, Suisse, Suède, Pays-Bas, Taiwan, Belgique, Venezuela

Les 60 autres marchés

Les 60 autres marchés

Source : « 83 Global Film rentals Set new $2.1-Bil record », Variety, 25 juillet 1984.

Stratégies

19Si segmenter le marché extérieur permet aux majors de mieux organiser leur réseau de distribution mondial, l’intérêt en est surtout stratégique. En identifiant les zones et territoires intéressants en termes de revenus réels ou potentiels, les majors peuvent alors concevoir des stratégies dirigées spécifiquement vers ces régions. Les marchés de moindre importance ne rentrent dès lors que très peu en ligne de compte dans les décisions des majors. Ainsi, en 1985, UIP décide de recentrer son attention sur ses dix meilleurs marchés, c’est-à-dire principalement le Japon, son marché le plus important, et l’Europe, qui représente 60 % de ses recettes. Un exemple concret de ce choix stratégique : UIP décide de se passer des services de Cannon en Hollande et d’y distribuer lui-même ses films, car c’est un territoire « fort ». Cette segmentation stratégique ne concerne d’ailleurs pas uniquement le domaine de la distribution en salles. Les marchés secondaires sont gérés selon une logique similaire. La mise en place de zones hermétiques pour la distribution des DVD est également un exemple de stratégie basée sur la segmentation géographique du marché mondial. L’immense zone 5 (Afrique, Russie) constituée de marchés moins importants s’oppose aux zones 6 (Asie) et 2 (Europe) concentrées sur quelques marchés très rentables. Organisation plus efficace des structures, concentration des ressources sur les zones rentables sont donc des choix stratégiques fondés sur cette vision géographique et économique du monde.

La conquête des marchés

20Ce type de classement ne reflète pas cependant l’une des activités principales de toute entreprise capitaliste : la conquête de nouveaux marchés. Un second type de classement est donc nécessaire, un classement dynamique, mais a-géographique et synchronique, un classement selon le stade d’ouverture du marché. Considérons qu’aux yeux des majors tout marché doit être un marché en cours d’ouverture. Chaque marché progresse alors d’un état de fermeture partielle ou totale à un état d’ouverture complète au film hollywoodien et à ses distributeurs. Cette échelle de progression est composée de trois phases :

  1. Le marché est fermé.

  2. Le marché est en cours d’ouverture.

  3. Le marché est ouvert, voire établi.

Marché fermé

  • 20 Entre 1959 et 1969, l’URSS n’achète ainsi qu’un total de 44 films américains. En 1980, au Pakistan, (...)

21Un marché fermé est un territoire où les majors ne peuvent distribuer leurs films. Ce sont principalement des raisons idéologiques qui en expliquent la fermeture. Cuba, entièrement fermé au film américain depuis la prise de pouvoir de Fidel Castro en 1959, en est certainement l’exemple le plus symbolique. Certains pays peuvent décider d’interdire des films ou des compagnies de façon ponctuelle. En 1967, les pays arabes interdisent dans leur pays la diffusion de films de stars américaines aux sensibilités sionistes affirmées, tels Frank Sinatra, Elizabeth Taylor ou Jerry Lewis. On peut également placer dans cette catégorie des marchés « semi-fermés ». Ce sont des marchés qui autorisent l’entrée d’un faible nombre de films américains, mais où les majors n’ont pas le droit de distribuer elles-mêmes. Le choix des films importés et leur distribution est en général assuré par un organisme d’État : C’est le cas de l’URSS et du bloc communiste à partir de la fin des années 1950, de la Chine après 1971, mais aussi du Kenya, de l’Algérie (1968, 1969), de la Tunisie (1980). De plus, ces organismes acquièrent les films hollywoodiens uniquement à prix fixe au lieu de s’accorder sur un pourcentage des recettes, c’est-à-dire selon une pratique que les majors ne peuvent considérer comme viable. Ainsi, si quelques films américains sont admis sur ces marchés, leur nombre est trop infime et leur prix de vente trop faible pour que ces marchés soient vraiment rentables20. Ces marchés sont donc considérés comme fermés, inexistants. Certains marchés sont également fermés de façon temporaire à l’initiative des majors. C’est le cas des boycotts imposés pour des raisons économiques, par exemple en Thaïlande (1976-1981) ou au Kenya (1968). Puisque ces marchés sont le plus souvent fermés pour des raisons idéologiques, tout changement politique peut faire passer ces marchés à un premier stade d’ouverture.

Marché en cours d’ouverture

22Un marché en cours d’ouverture est un marché où les majors peuvent distribuer elles-mêmes leurs films, un marché où elles peuvent obtenir un pourcentage des recettes en salles, mais où la distribution rencontre encore des obstacles. C’est sur ce type de marché que la MPEA concentre ses efforts. Si de nombreuses difficultés existent, comme des restrictions sur la présence des majors ou une censure trop stricte, on peut identifier trois obstacles principaux : blocage des recettes dans le pays, taxes et quotas. La pratique du gel ou du blocage des recettes des majors dans le pays n’est pas exclusive à l’Europe d’après-guerre. Elle est adoptée par des pays aussi divers que l’Égypte en 1968, la Turquie au début des années 1970 ou encore le Brésil en 1982. Cette pratique est gênante pour les majors, car elle les empêche de disposer librement des sommes gagnées dans le pays et de les rapatrier aux États-Unis. Le deuxième obstacle est la mise en place de taxes, particulièrement des taxes à l’importation. Ces impôts touchent également les marchés secondaires. Les majors protestent en général contre l’existence et surtout le montant des taxes. Le troisième obstacle, très répandu, est l’existence de quotas limitant le nombre de films américains pouvant entrer sur un territoire, ou limitant le temps de passage à l’écran autorisé. Les majors craignent alors d’être à la merci de gouvernements qui peuvent décider soudainement de revoir ces quotas à la baisse, comme aux Philippines en 1972. À ces obstacles d’ordre économique, viennent parfois s’ajouter des obstacles d’ordre idéologique, comme les mouvements populaires antiaméricains. Alors que les majors tentent d’ouvrir le marché sud-coréen, la population manifeste pendant des semaines contre le premier film distribué par UIP, Liaison fatale (A. Lyne, 1987), et certains spectateurs vont jusqu’à lancer des serpents dans les salles diffusant des films américains.

  • 21 BARBER, Benjamin (1992).

23Si le travail de la MPEA est de négocier dans ces pays afin d’atténuer le sentiment antiaméricain et de réduire le nombre et l’ampleur des restrictions, un type de difficultés dépasse ses compétences : l’instabilité économique ou politique. Dans son étude du « McWorld », Benjamin Barber souligne ainsi que le capitalisme, en poussant les firmes à chercher sans cesse des marchés nouveaux, « a renforcé la quête de la paix et de la stabilité internationales, éléments indispensables à une économie internationale efficace21 L’instabilité d’un territoire vient donc perturber le processus d’ouverture. Les majors se voient ainsi obligées d’interrompre leur distribution lors de la crise économique turque en 1973 ou pendant la guerre civile au Niger en 1967. Les marchés qui s’ouvrent progressivement peuvent être sujets à des rechutes soudaines, pour des raisons économiques, politiques ou culturelles. Il s’agit donc ici de l’étape la plus longue dans l’échelle de progression des marchés.

24Prenons comme exemple de la longueur et la difficulté de l’ouverture des marchés deux pays : l’Espagne et l’Inde. Au cours des quarante dernières années, les relations des majors avec le marché espagnol sont troublées par des obstacles de plusieurs natures : les quotas (système du baremo), les taxes (particulièrement sur le doublage), l’obligation de distribuer des films espagnols, mais aussi la dévaluation de la peseta, la censure et les manifestations antiaméricaines. Le marché indien est également un marché difficile pour les majors tout au long de la période étudiée. Il est caractérisé par la renégociation régulière du traité d’importation, autour des questions des fonds bloqués, du quota à l’importation, de l’éventuelle nationalisation de l’importation et de la distribution, mais aussi de la censure et du piratage. Les difficultés de négociation se traduisent par la fermeture du marché indien entre 1972 et 1975, et à nouveau en 1983-1984.

L’exemple espagnol (1960-2004)
début des années 1960 : Les licences de distribution sont accordées selon un système complexe de points (baremo). Pour chaque groupe de quatre films étrangers importés, un distributeur doit distribuer un film espagnol (ratio de 4 pour un).
1964-1967 : La distribution du film Et vint le jour de la vengeance (F. Zinneman, 1964) traitant de la guerre d’Espagne entraîne l’interdiction pour Columbia de distribuer en Espagne.
1967 : Leo Hochstetter, représentant de la MPEA en Europe, se rend en Espagne afin d’évaluer l’impact de la dévaluation de la peseta sur la distribution des films hollywoodiens.
1967 : Le baremo entraîne une baisse du nombre de films distribués par les majors.
1968 : Le Festival du film de San Sebastian est dominé par les films américains. Tout film présenté au festival peut être distribué ensuite en Espagne, en dehors du système de quota.
1968, 1969 : Le quota de film importé est de 254 : 105 films américains, 90 films du Marché Commun, 25 films britanniques, 25 films d’autres pays.
1969 : La MPEA négocie avec le gouvernement espagnol au sujet du quota à l’importation des films : « Of all West European lands, only Spain in a major way continues to enforce such quotas. »
1970 : Sous la pression du gouvernement espagnol, United Artists et PEA changent la nationalité des « méchants » au cours de la production du film Queimada (G. Pontecorvo).
1971 : baremo est aboli. Désormais, les licences de doublage aux films étrangers sont accordées sur la base des recettes des films espagnols distribués par le même distributeur. Un distributeur ne peut cependant distribuer plus de 40 % de ses films d’un même pays. Le nombre de films importés est limité à 120, américains pour la plupart.
1972 : La MPEA négocie avec le gouvernement espagnol au sujet de la loi de 1971.
1974 : La MPEA quitte le Festival du film de San Sebastian au bout de deux jours en signe de protestation contre les taxes de doublages, système du baremo et la mise en place d’un nombre limite de films étrangers achetés par un distributeur.
1977 : Un décret abolit le système des quotas et instaure la libre importation. Les quotas de passage à l’écran sont également abolis.
1979 : Une nouvelle loi oblige chaque distributeur sur le marché espagnol à distribuer un film espagnol pour trois films étrangers doublés.
1980 : Un nouveau décret réinstaure les quotas à l’importation et à l’écran. Tout film doublé doit obtenir une licence.
1983 : Le gouvernement socialiste projette de modifier les quotas. Pour trois films étrangers, chaque distributeur devrait distribuer non plus un, mais deux films espagnols. Le gouvernement espère ainsi encourager la production de films espagnols. La MPEA entame des négociations.
1984 : La réforme est votée, mais, sous la pression, le ratio un film espagnol pour trois films étrangers est conservé. Les majors dénoncent cette loi comme protectionniste.
1988 : En signe de protestation contre une dizaine d’années d’attaques antiaméricaines et antimultinationales de la part du journal espagnol El Pais, les majors décident de cesser de faire de la publicité dans ce journal pour leurs films, sauf pour les films espagnols.
1990 : Dans une intervention devant la Cinema Exhibitors Association, Myron Karlin, de la MPEA, dénonce les pratiques protectionnistes espagnoles, comme les quotas à l’importation et les licences dedoublage.
1992 : Une nouvelle loi durcit les conditions de distribution. Pour deux films américains, un film espagnol ou européen doit être distribué. Le deuxième film américain ne peut être distribué tant que le film national n’a pas atteint un certain résultat. Si le distributeur participe à la hauteur de 25 % au financement du film national qu’il distribue, il peut alors distribuer un troisième film américain. Jose Maria Otero, directeur du groupe de pression Procnie déclare qu’il s’agit de « limiter la domination américaine et protéger le cinéma européen et national ».
2004 : Feece, groupe de pression des exploitants, lance un procès contre les majors américaines pour pratiques anticompétitives. Le nouveau gouvernement socialiste apporte son soutien à la politique française de défense de l’exception culturelle.
L’exemple indien (1969-1993)
1969 : Les majors ont 6 000 000 de dollars en fonds bloqués en Inde. Goerge Vietheer, vice-président de la MPEA dénonce la difficulté d’investir ces fonds dans l’industrie cinématographique indienne (notamment la censure opérée par le gouvernement indien sur les scripts), ainsi que le manque de cinémas et le faible prix des billets. Les majors distribuent environ 155 films hollywoodiens par an.
1971 : Les majors sont autorisés à rapatrier 335 000 dollars par an et ont 6 500 000 dollars en fonds bloqués. Le traité d’importation entre la MPEA et le gouvernement indien arrive à expiration. Sous la pression de la gauche et en signe de protestation contre les engagements non tenus de la MPEA (promouvoir le cinéma indien aux États-Unis, investir les fonds bloqués en Inde), le gouvernement décide de ne pas renouveler l’accord et se propose de gérer lui-même l’importation des films étrangers par l’intermédiaire de l’Indian Motion Picture Export Corp. (IMPEC). L’importation de films hollywoodiens est interrompue.
1972 : Les films américains se font de plus en plus rares. L’URSS propose de prêter de l’argent à l’IMPEC afin d’investir dans le domaine de l’exploitation.
1973 : L’Inde importe 111 films étrangers, dont des films russes et tchèques, mais aucun film américain. L’IMPEC propose d’importer 20 films des majors par an. Les majors refusent, considérant que ce ne serait pas rentable.
1974 : L’Inde propose de laisser MGM, Twentieth Century-Fox, Paramount, Columbia et Warner Bros. distribuer 6 films chacun.
1974-1975 : Sous la pression du secrétaire d’État américain Henry Kissinger, la MPEA et le gouvernement trouvent un nouvel accord pour quatre ans : les majors peuvent distribuer 150 films américains. 15 % de leurs recettes en salles peuvent être rapatriées, avec un plafond de 300,000 dollars. Les conditions d’utilisation des fonds bloqués sont élargies.
1978 : Les majors continuent de se plaindre des difficultés d’investir dans le cinéma indien (obligation d’engager des acteurs indiens, d’obtenir l’accord du gouvernement sur le script).
1979 : À la suite de l’arrivée d’un nouveau gouvernement, les négociations avec la MPEA reprennent pour mettre en place un nouveau traité.
1980 : nouveau traité valable quatre ans est signé. Le nombre de films américains importés est limité à 100, mais le plafond pour les sommes rapatriées est élevé à 500 000 dollars. Le système des fonds bloqués est maintenu. Les majors, qui ont des bureaux en Inde, sont exempts de la loi limitant la présence d’investisseurs étrangers (Coca-Cola et IBM quittent le marché indien).
1983 : Le traité de 1980 arrive à expiration. Le gouvernement indien et la MPEA entament des négociations. Les majors craignent que le gouvernement indien veuille prendre en charge la distribution des films à travers son organisme, le Nation Film Development Corp.
1984 : Le gouvernement indien abandonne l’idée de distribuer par l’intermédiaire du NFDC, mais veut un pourcentage des royalties. C’est « totalement inacceptable », dit la MPEA. Jack Valenti se rend en Inde. Pendant les négociations, aucun nouveau film ne peut être importé et aucune somme ne peut être rapatriée aux États-Unis.
1985 : Le traité est renouvelé. Les majors peuvent importer 100 films par an.
1987 : La MPEA refuse de prendre part au Indian Film Festival en signe de protestation contre le « traitement injuste » de la part du NFDC en terme d’importation. Des films soviétiques, cubains et chinois remportent les prix.
1989 : Le gouvernement indien et l’AFMA signent un traité valable deux ans.
1991 : Au cours des négociations pour le renouvellement du traité d’importation, la MPEA proteste contre la censure opérée par le Film Import Selection Committee, la lenteur de cet organisme, mais aussi le retard de paiements des sommes rapatriées et les problèmes de piratage. Le FISC a par exemple rejeté Terminator, Cobra et Rambo III.
1993 : Les restrictions à l’importation sont supprimées. Les majors ne peuvent cependant rapatrier plus de 6 millions de dollars. Williams-Jones (UIP) juge ce plafond « complètement irréaliste » et prédit de nouvelles négociations. Le gouvernement indien commence à autoriser le doublage des films en Hindi (Jurassic Park).

25La relation entre distributeurs américains et gouvernement indien est rendue plus difficile encore par le fait que l’Inde, chef de fils des pays non-alignés, n’hésite pas à se tourner vers des films venant du bloc communiste en cas de fracture avec les majors, comme en 1973 ou en 1987. L’Inde ne commence à relâcher ses lois restrictives qu’au début des années 1990. Ces deux pays démontrent également la largeur du spectre couvert par la catégorie « marché en cours d’ouverture », d’un marché difficile, mais profitable (l’Espagne fait partie des marchés les plus importants) à un marché où les obstacles interrompent fréquemment la distribution (l’Inde). Comme ces deux pays, beaucoup de marchés restent longtemps au stade « en cours d’ouverture ». Le travail de la MPEA auprès de ces marchés est fondamental, car à tout moment, les marchés en cours d’ouverture peuvent revenir au stade précédent de marché fermé. Lorsque les conditions économiques et politiques sont stables et que la MPEA est parvenue à faire tomber les obstacles d’ordre législatif, un territoire peut alors être considéré comme ouvert.

Marché ouvert

  • 22 Des restrictions telles les quotas existent encore sur ces territoires, mais elles ne mettent plus (...)

26Suivant la théorie du libre-échange, un marché ouvert n’oppose plus de barrières significatives à l’entrée des films hollywoodiens et à leur distribution par les majors, et bénéficie d’une stabilité économique et politique. À la fin des années 1960, la plupart des pays européens passent dans cette catégorie. La France abandonne ainsi toute restriction sur l’entrée des films étrangers en 1961. En Grande-Bretagne, les quotas de passage à l’écran, qui demeurent en vigueur jusqu’au milieu des années 1970, sont peu respectés dès les années 1960. En Asie, le marché japonais et le marché sud-coréen font actuellement partie de cette catégorie. Les marchés ouverts restent cependant fragiles et peuvent régresser au gré de crises passagères. La présence des majors en Europe est par exemple ébranlée par deux crises dans les années 1980 et 1990. Ainsi, au début des années 1980, le ministre français de la culture, Jack Lang, inquiète les majors. En dénonçant un monopole des majors hollywoodiennes en France, en refusant d’assister au Festival du film américain de Deauville, et en appelant à « une contre-stratégie au niveau européen », Jack Lang remet en question la position des majors sur ce marché important. Au début des années 1990, on peut également considérer que la violence de l’attitude de Jack Valenti (voir Annexe 1) dans les négociations sur le GATT s’explique par la hantise de voir l’état d’ouverture du marché européen compromis. De même, en Corée du Sud, le statut de marché ouvert est remis en cause au début des années 2000 lorsqu’un groupe nommé « Coalition pour la protection de la diversité culturelle dans le domaine de l’audiovisuel » appelle tous les pays à reconnaître le statut d’exception culturelle du film dans les traités commerciaux et demande au gouvernement sud-coréen de mettre en application le système de quota en discussion depuis 1998. Malgré les possibles rechutes, un marché peut être considéré comme ouvert à partir du moment où la libre distribution des films hollywoodiens par les majors est reconnue d’un point de vue législatif22.

27Dès lors qu’un marché est ouvert, les majors peuvent entamer un travail de consolidation de leur présence afin d’arriver au stade suprême : celui de marché établi. Très peu de marchés peuvent vraiment être considérés comme établis. Cette catégorie n’est donc qu’une forme achevée du statut de marché ouvert. Dans un marché établi, la distribution des films hollywoodiens se fait sans entrave. Les majors sont en position relativement forte ou forte. Mais surtout, ce marché ne risque pas de retomber au stade de marché en cours d’ouverture. Ce groupe est alors principalement constitué des marchés historiques des majors, comme la Grande-Bretagne, la France, l’Allemagne ou l’Australie, à la fin des années 1990. Ce sont des pays industrialisés avec des structures politiques stables, et donc des pays moins sujets à des crises politiques ou économiques graves. Les majors sont libres de distribuer, mais également d’investir dans ces pays et des liens d’interpénétration se tissent. En 1992, par exemple, la Suisse vote une loi autorisant l’importation de films sans limites et éliminant toute restriction sur les investissements étrangers. Les majors distribuent leurs films ainsi que des films du pays, et investissent dans la production et l’exploitation. Il y a alors interpénétration des structures des majors et de celles des industries cinématographiques, comme en Grande-Bretagne ou en Australie.

28Le processus d’ouverture des marchés frappe donc par sa grande fragilité. Les marchés en cours d’ouverture peuvent très facilement repasser au stade de marchés fermés. Les marchés ouverts ne peuvent jamais être considérés comme totalement acquis et sont également sujets à des crises. Ainsi, peu de marchés dans le monde peuvent actuellement être considérés comme établis, c’est-à-dire complètement libres d’accès pour les majors hollywoodiennes. Cette instabilité des marchés, même des marchés importants et anciens, nécessite donc un travail constant de la part de la MPEA et une collaboration entre les majors dans certains domaines, comme la lutte contre la censure ou les quotas. Si chaque marché passe par ces différentes étapes, la progression se fait par à-coups et à des rythmes différents. Ainsi, les marchés européens, que l’on peut considérer comme ouverts depuis longtemps, n’entrent dans la catégorie des marchés établis que dans les années 1990. Par contre, des marchés dont l’ouverture est beaucoup plus récente, comme en Asie, pourraient atteindre ce statut beaucoup plus rapidement.

  • 23 « Got Biz with Vietnam ? », Variety, 7 février 1994. « H’w’d Says Good Morning, Vietnam », Variety, (...)

29Cette classification en terme d’ouverture de marché vient donc utilement compléter une première classification en terme de revenus. Son atout particulier est de permettre à la fois une analyse synchronique et diachronique. Ainsi, si l’on étudie l’année 1973, on peut distinguer des marchés fermés et semi-fermés (Corée du Nord, Corée du Sud), des marchés en cours d’ouverture (Argentine, Espagne) et des marchés ouverts (Italie, République fédérale d’Allemagne). Mais l’intérêt de cette typologie est surtout la possibilité de saisir l’évolution des marchés dans le temps. Ainsi, le marché vietnamien est totalement fermé de 1973 à 1994, puis en cours d’ouverture23. Munis de cette double définition des territoires étrangers, selon leur poids économique et selon leur stade d’ouverture, nous pouvons maintenant présenter une chronologie de l’évolution du marché extérieur depuis le milieu des années 1960.

Chronologie

30Les deux cartes de l’annexe 2 présentent le marché extérieur en 1983 et au début des années 2000. Leur comparaison met en lumière l’évolution considérable qui a eu lieu au cours des quarante dernières années. Le terme « marché extérieur » recouvre en effet 75 pays en 1979, plus de 80 en 1990 et plus de 150 au début des années 2000. Si de nombreux marchés se sont ouverts au film américain, certains se sont également fermés.

Marchés fermés, fermeture de marchés

  • 24 SEGRAVE, Kerry (1997), p. 227.

31Certains marchés restent fermés au film américain tout au long de la période étudiée. Au début du xxie siècle, on dénombre ainsi six marchés fermés : Cuba, la Corée du Nord, l’Irak, l’Iran, la Libye, et la Syrie. Immédiatement après la Seconde Guerre mondiale, un régime communiste se met en place en Corée du Nord. La confrontation avec les États-Unis au cours de la Guerre de Corée (1950-1953) confirme la rupture des relations. À Cuba, alors que le gouvernement américain continue d’autoriser l’envoi de films hollywoodiens après la prise du pouvoir par Fidel Castro en 1959, celui-ci saisit les possessions des studios, dénonçant les films américains qui « empoisonnent l’esprit des jeunes gens24 Le rapprochement de l’île l’URSS au des années 1960 marque la rupture définitive avec les États-Unis. De même, l’Irak se rapproche de l’URSS avec la prise de pouvoir d’Abdul Karin Qassim en 1958. En 1979, année où Saddam Hussein arrive à la tête de l’État, les distributeurs américains n’opèrent plus en Irak depuis quelque temps déjà. Au cours de la présidence de Saddam Hussein, des actions militaires, telle l’invasion du Koweït en 1990, entraînent la mise en place de sanctions internationales. Les films font partie des produits qui ne sont pas envoyés. En Libye, le colonel Kadhafi mène depuis 1969 une politique opposée à celle des États-Unis, tant sur le plan intérieur, par l’application d’un socialisme d’État, que sur le plan extérieur, par son soutien à des actions terroristes internationales. En 1986, les États-Unis procèdent par exemple à des raids aériens en signe de représailles. La Syrie, dirigée de 1970 à 2000 par le président Hafez el-Assad, est également un régime socialiste fréquemment opposé aux États-Unis, qui lui impose de ce fait des sanctions économiques. Dès 1969, les films américains n’entrent plus sur le territoire syrien. L’Iran, enfin, est un cas particulier, car c’est un marché qui se ferme au cours de la période étudiée. Jusque dans les années 1970, les majors distribuent leurs films dans ce pays. En 1975, un boycott voté par la MPEA est rapidement remis en cause par les majors qui veulent participer au Festival du film de Téhéran. En 1979, cependant, l’ayatollah Khomeiny instaure une république islamiste, fermant définitivement le pays au film hollywoodien. Au début des années 2000, ce marché est maintenu fermé par une sévère censure alignée sur la religion musulmane. Considérons enfin le marché pakistanais. Les conditions d’entrée du film hollywoodien en font un marché semi-fermé. Le Pakistan est déstabilisé par de nombreux changements de régime tout au long de la période étudiée, ainsi que par sa relation tendue avec l’Inde, notamment à la suite de la sécession du Bangladesh en 1971. Le pays tend à être gouverné selon un modèle de socialisme islamique. La distribution du film hollywoodien y est très restreinte voire impossible. La fermeture de certains marchés est, on le voit, étroitement liée au régime politique des pays. Exportation du film hollywoodien et politique étrangère américaine se rejoignent. Cuba, la Corée du Nord, l’Irak, l’Iran et la Libye et la Syrie font ou ont fait partie de la liste des « États voyous » (rogue states) sanctionnés par le gouvernement américain. Le changement des équilibres internationaux, à la suite des interventions militaires américaines en Afghanistan en 2001 et en Irak en 2003, et les nouvelles alliances du gouvernement américain pourraient avoir des conséquences positives pour Hollywood. Les États-Unis retirent ainsi le Pakistan, l’Irak et la Libye de la liste des États voyous. En 2000, on apprend dans l’International Motion Picture Almanac l’existence d’un bureau de distribution de la Warner Bros. à Karachi (Pakistan). En 2001, les majors sont encouragées par le gouvernement américain à envoyer des films au Festival de Damas. Malgré ces bouleversements géopolitiques, ces marchés restent fermés ou semi-fermés. La situation de guerre qui règne en Irak semble indiquer que ce marché restera fermé encore longtemps. Les films hollywoodiens n’entrent encore qu’au compte-gouttes au Pakistan. Mais les politiques de réorganisation du monde de l’administration américaine des années 2000 auront certainement des conséquences à long terme sur l’étendue du marché extérieur du film hollywoodien.

Ouverture de marchés

32Le phénomène le plus marquant au cours des dernières décennies est la forte extension du marché extérieur. Si les marchés fermés en 1983 et au début des années 2000 sont presque similaires, quasiment tous les marchés semi-fermés sont passés au stade de marchés en cours d’ouverture. Les années 1980 et 1990 sont en effet marquées par une rapide extension du marché extérieur, résultat des efforts des majors, mais également de bouleversements politiques. La première ouverture de marché importante est celle de la Corée du Sud à la fin des années 1980. Avec 14 films américains importés par an avant 1988, la Corée du Sud peut être qualifiée de marché semi-fermé. Les salles de cinéma et les chaînes de télévision doivent passer au moins 40 % de programmes nationaux. Les majors n’ont pas le droit de distribuer elles-mêmes leurs films et doivent passer par l’intermédiaire de distributeurs sud-coréens. En 1987, la Corée du Sud, jusqu’alors soumis à un régime autoritaire, entame un processus de démocratisation. En 1988, à la suite d’une plainte pour obstacle au commerce (unfair trade complaint) déposée par la MPEA, la Corée du Sud s’ouvre aux majors, qui peuvent désormais obtenir un pourcentage des recettes en salle. Le gouvernement promet également d’assouplir la censure. Une forte opposition populaire à l’arrivée des majors se développe, mais elle s’estompe à partir des années 1990 et s’il existe encore des quotas à l’importation et des quotas à l’écran en 1992, ils ne gênent pas l’activité des majors. En 1991, la Corée du Sud passe dans le groupe des dix marchés les plus importants. En 1993, les majors sont autorisées à importer autant de copies d’un même film qu’elles le désirent. En 1997, les majors américaines détiennent 60 % du marché sud-coréen. En 2004, le gouvernement s’engage à réduire le quota réservant 40 % de temps de passage à l’écran aux films nationaux. Ainsi, en une décennie, la Corée du Sud, qui était jusqu’alors un marché semi-fermé, devient un marché ouvert. C’est actuellement l’un des marchés les plus importants pour les majors.

  • 25 C’est le cas également de huit des dix meilleurs films au box-office en République tchèque et sept (...)

33À la fin des années 1980, un grand nombre de marchés européens s’ouvrent également aux majors hollywoodiennes. Le bloc communiste d’avant 1989 est un marché semi-fermé. Depuis la fin des années 1950, la MPEA mène régulièrement des négociations avec le gouvernement soviétique, et quelques films hollywoodiens entrent en URSS, particulièrement à l’occasion des fréquentes participations américaines au Festival international du film de Moscou. Avec l’arrivée de Mikhaïl Gorbatchev à la tête de l’URSS et la mise en place de la politique de glasnost, les relations américano-soviétiques commencent à se détendre. Dès 1987, Jack Valenti obtient de Gorbatchev la promesse de réfléchir aux demandes de la MPEA : l’abandon du système d’achat à prix fixe d’un nombre défini de films américains, l’autorisation de faire des accords entre compagnies, l’acceptation de la pratique du pourcentage des recettes. Alors que les échanges culturels entre États-Unis et URSS se multiplient, les majors commencent à s’intéresser à ce marché. Columbia envisage des coproductions et des échanges d’artistes dès 1987. En mars 1989, RCA/Columbia signe un accord de distribution vidéo avec Videofilm Goskino. En juillet, Warner Bros. discute avec Sovexport de la construction de multiplexes à Moscou et Leningrad. Le phénomène touche le bloc communiste dans son ensemble. En 1989, la Hongrie autorise le partage des recettes au pourcentage. Dès mars, UIP signe un accord de distribution sur le marché hongrois. La chute du mur de Berlin en novembre 1989 et le démantèlement de l’Union soviétique en 1991 ouvrent la voie à l’entrée des majors sur les territoires de l’ancien bloc communiste. UIP commence à distribuer en URSS en 1990 et en Pologne en 1991. À la fin des années 1990, les majors ont réussi leur entrée sur ces marchés. En 1998, les dix meilleurs films au box-office en Russie et en Hongrie sont américains25. Notons enfin le cas particulier de l’Albanie. L’arrivée au pouvoir du communiste Enver Hoxha en 1946 marque le début d’un processus de fermeture totale du pays. Ce n’est que dans les années 1990 que l’Albanie commence à sortir lentement, et de façon chaotique de son isolement. L’effondrement du bloc soviétique à la fin des années 1990 projette donc un grand nombre de territoires semi-fermés dans la catégorie des marchés en cours d’ouverture. Si de nombreux problèmes persistent encore, notamment l’instabilité politique et le piratage, les majors sont largement présentes sur ces marchés.

  • 26 En 1994, Warner Bros. est le premier studio hollywoodien à bénéficier d’une part des recettes avec (...)
  • 27 On peut penser à l’incident de l’avion espion en 2001. La distribution des films étrangers est égal (...)

34Ce mouvement d’ouverture de nouveaux territoires se poursuit dans la seconde moitié des années 1990 avec deux pays asiatiques jusque-là entièrement hermétiques : le Vietnam et la Chine. L’ouverture progressive de ces deux marchés est intimement liée aux relations économiques et politiques qu’ils entretiennent avec les États-Unis. Ainsi, en 1994, Clinton met fin à dix-neuf années d’embargo contre le régime communiste vietnamien, et ouvre la voie aux entreprises américaines. Les majors restent prudentes, car quelques éléments encourageants, comme le début de la construction de multiplexes, ne peuvent cacher la longue liste des obstacles encore présents, telles la censure gouvernementale ou l’absence de doublage. Les relations avec le marché chinois, qui attire beaucoup plus les majors, font elles aussi écho à l’évolution des relations politiques et commerciales internationales. Dès les années 1970, dans le contexte international de détente au moment de la présidence de Richard Nixon, les États-Unis tentent de se rapprocher de la Chine. Ce changement de contexte international donne aux majors l’espoir de voir s’entrouvrir les portes du marché chinois. Dès septembre 1971, Jack Valenti essaie d’établir un contact avec les autorités chinoises à l’occasion du Festival de Venise. Malgré la mise en place de quelques programmes d’échanges culturels, des obstacles idéologiques et économiques ne permettent pas de trouver un accord et le marché chinois s’arrête au stade de marché semi-fermé. Quelques films américains sont sélectionnés, achetés à prix fixe et distribués par un organisme d’État, la China Film Group Corporation. Les années 1990 sont cependant marquées par un mouvement d’ouverture du marché chinois, au moment où le pays décide de s’insérer dans le système économique international. En 1994, dans le souci d’ouvrir de nouveaux marchés aux entreprises américaines, Bill Clinton donne à la Chine le statut de nation la plus favorisée. Cette même année, China Film Group Corporation accepte de donner un pourcentage des recettes (percentage deal) pour dix films étrangers par an, tout en continuant d’acheter les autres films à prix fixe et à sélectionner les films entrant dans le pays. C’est un premier progrès important pour les majors26. On peut dès lors considérer que le marché chinois est en cours d’ouverture. Warner Bros. s’allie avec une entreprise d’État pour distribuer des vidéos. United Cinemas International (Paramout-Universal) s’allie à des groupes malaisien et chinois pour construire un multiplexe à Shanghai. En 1999, le gouvernement américain soutient la candidature chinoise à l’Organisation mondiale du commerce (OMC). En 2000, la Chambre des représentants normalise les relations commerciales avec la Chine de façon définitive. En 2001, la Chine entre dans l’OMC. En 2003, le gouvernement chinois met fin au monopole de China Film Corporation. L’importation des films étrangers est désormais contrôlée par l’Administration gouvernementale de la radio, du film et de la télévision (State Administration of Radio, Film and Television, SARFT). La distribution est partagée entre deux groupes : China Film Group et Hua Xia. Au milieu des années 2000, la Chine importe environ 18 films américains par an avec un contrat de partage des recettes attribuant 13 à 15 % des recettes aux majors. Les majors investissent dans le domaine de la production pour le cinéma et la télévision, de la distribution vidéo, de la télévision et de l’exploitation. Disney projette même la création d’un parc à thème à Pékin. La persistance du contrôle étatique, d’un quota très limité et de périodes de tensions politiques maintient cependant la Chine dans la catégorie des marchés en cours d’ouverture27. Ainsi, le bouleversement de l’équilibre politique et économique international depuis la fin des années 1980 s’est traduit pour les majors par la possibilité d’accéder à des marchés jusqu’alors fermés, comme le Vietnam ou l’Albanie, ou semi-fermés comme le bloc soviétique et la Chine.

Hiérarchie des marchés

  • 28 Il est en sixième place pendant toute la fin des années 1960.

35Intéressons-nous en dernier lieu à l’évolution des marchés les plus importants depuis la fin des années 1960. Le magazine Variety publie régulièrement la liste de ces top 15 export markets qui représentent 80 % des recettes extérieures des majors. Au cours des quarante dernières années, la liste reste presque la même (annexe 3). Cependant, des variations dans l’ordre du classement et l’apparition de quelques pays traduisent l’évolution du marché extérieur. L’Europe reste au cours des quatre dernières décennies le marché le plus important, représentant en général cinq des dix premiers marchés. Les marchés européens importants sont l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, la France, l’Irlande, l’Italie, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Suède et la Suisse. Leur classement évolue cependant. De la fin des années 1960 au milieu des années 1970, le Royaume-Uni et l’Italie se disputent la première place. Les deux nations connaissent ensuite un recul dans le classement. À l’inverse, le milieu des années 1970 voit une montée en puissance des marchés allemands et français qui restent généralement en deuxième et troisième position tout au long des années 1980. Au début des années 1990, l’Allemagne est en première place à deux reprises, tandis que la France s’installe en troisième place. Hormis l’Espagne qui arrive dans le groupe des cinq premiers marchés au milieu des années 1990, les autres marchés européens restent sur toute la période dans la deuxième moitié du classement. Les marchés d’Amérique latine sont l’Argentine, le Brésil, le Mexique et le Venezuela. Si ces quatre marchés apparaissent régulièrement jusqu’au début des années 1980, seuls le Brésil et le Mexique parviennent à rester dans le classement tout au long de la période. Le classement des quinze premiers marchés montre surtout la prise d’importance des marchés asiatiques. Les Philippines font une brève apparition en quinzième place en 1968, mais le marché se maintient généralement autour de la vingtième place. Deux pays asiatiques s’installent cependant dans ce classement. Taiwan, qui était à la quarantième place dans les années 1960, commence à monter dans le classement à partir des années 1970. Il entre dans le groupe des marchés les plus importants à la quinzième place en 1983. En 2000, le marché taiwanais est le dixième marché d’exportation. En 1990, la Corée du Sud apparaît, en onzième place. Elle oscille depuis entre la dixième et la onzième place. Actuellement, la Corée du Sud se situe autour de la cinquième place. Enfin, le classement met en évidence la montée du marché japonais. Ce marché présent dès le début de la période étudiée28 arrive dans les cinq premiers marchés en 1974 et atteint la première place en 1978. À partir de 1985, le Japon s’installe en première place et ce n’est qu’au milieu des années 1990 que l’Allemagne vient le déloger périodiquement. Cette soudaine importance des marchés asiatiques reflète la forte croissance économique de ces pays à partir des années 1960. Notons enfin le maintien de l’Australie autour de la septième place sur toute la période et la disparition de l’Afrique du Sud de ce classement à partir du début des années 1990. Forte prédominance des marchés européens sur toute la période (sept pays sur les quinze plus importants en 1966, huit sur quinze en 1996), recul des marchés d’Amérique latine (quatre en 1966, et deux en 1996) et prise d’importance des marchés asiatiques (un seul en 1966, mais trois en 1996) caractérisent donc l’évolution des quinze marchés les plus importants. L’évolution des contours du marché extérieur vient déterminer les stratégies des majors.

Notes

1 Il faut garder en tête le poids de la fluctuation de la valeur du dollar dans l’importance relative du marché extérieur. Les évolutions du taux de change entre dollar et monnaies étrangères ont une influence sur les montants des recettes rapatriées aux États-Unis. Même si les recettes sont les mêmes d’une année sur l’autre en monnaie du pays, les variations du taux de change peuvent donner l’impression que ces recettes à l’étranger ont augmenté ou diminué. Lorsque le dollar est faible par rapport aux autres monnaies, le montant des profits réalisés à l’étranger augmente. Lorsque le dollar est fort, il diminue.

2 On préfère utiliser des pourcentages pour ce graphique, car les valeurs en dollars sont brouillées à la fois par les fluctuations de cette monnaie et par le fait que les données correspondent souvent à la recette distributeur brute (rentals) jusque dans les années 1990 et à la recette brute au guichet (box office gross) ensuite.

3 Dans les années 1920, 30 à 40 % des recettes venaient de l’étranger. Après une forte baisse au moment du passage au son, les recettes extérieures retrouvent à peu près ce niveau dans les années 1930. En 1944, le marché extérieur représente 34,7 % des recettes mondiales.

4 L’arrivée de Reagan au pouvoir fait évoluer la législation et les pratiques vers une plus grande libéralisation. La Federal Communications Commission assouplit la réglementation dans le domaine de la concentration horizontale, augmentant par exemple en 1985 le nombre maximum de stations de radios et de télévision qu’un groupe peut posséder. À partir de 1985 également, le ministère de la Justice commence à accorder des dérogations au Paramount Decree de 1948, permettant ainsi aux majors d’investir dans l’exploitation.

5 DONAHUE, Suzanne (1987), p. 143.

6 La bataille des formats opposent Betamax (Sony) et VHS (JVC). Sony commence à diffuser son format aux États-Unis en 1975 et JVC en 1977. Dès 1978 cependant, le format VHS prend le dessus. À partir de 1985, la production de Betamax ralentit. Elle s’interrompt définitivement en 1988.

7 DONAHUE, Suzanne (1987), p. 143. Les réseaux de télévision (network television) sont « des chaînes commerciales nationales diffusant sur l’ensemble du territoire nord-américain ». La « syndication » est « le maché de programmes d’occasion » pour les stations locales. Voir AUGROS, Joël (1996), pp. 238, 257.

8 L’Italie autorise la création de chaînes de télévision privées dès 1976. La France autorise d’abord la création de la chaîne câblée Canal Plus en 1984, puis la création de deux chaînes commerciales, c’est-à-dire financées par la publicité, en 1985 : La Cinq et M6. Enfin, en 1987, la chaîne publique TF1 est privatisée. En Allemagne, quatre chaînes commerciales sont créée en 1984 : Sat-1, RTL-Plus, Tele-5 et Pro-7. En Grande-Bretagne, si ITV est créée dès 1955, le secteur privée ne devient important qu’à partir des années 1980 avec la création de Channel 4 en 1982 et la remise en cause du statut de la BBC en 1988.

9 Parmi les pays ayant un taux supérieur à 60 % en 1991, on trouve par exemple l’Australie, les États-Unis, la Grande-Bretagne, le Japon ou encore Hong Kong. Des pays comme la France, la Belgique ou l’Espagne connaissent une croissance rapide, passant d’un taux de pénétration d’environ 15 % en 1986 à un taux d’environ 50 % en 1991. En dehors des marchés importants d’Europe et d’Océanie, le taux de pénétration du magnétoscope passe, pour ces mêmes dates, de 32,2 % à 46,3 % au Moyen-Orient, de 6,8 % à 25,1 % en Afrique, de 5,5 % à 23,5 % en Amérique centrale et de 4,9 % à 16,6 % en Amérique du Sud. « Global Entertainment », Wall Street Journal, 26 mars 1993.

10 DONAHUE, Suzanne (1987), p. 162.

11 VOGEL, Harold (2001), p. 84.

12 Le Digital Millennium Copyright Act (DMCA), signé par Bill Clinton en 1998, vise à mettre en place un cadre juridique pour une protection des droits d’auteurs adaptée aux nouvelles technologies (le numérique, Internet).

13 Par exemple : « Chile, Other Soft Spots Overseas, Offset by Better U.S. Prospects », Variety, 24 mai 1972. « Valenti Cites U.S. Pix O’seas Gain Offsetting Domestic Dip », Variety, 19 décembre 1973.

14 « Megahits Push Global B.O. to Record High », Variety, 16 décembre 1996.

15 « What saved the U.S. film industry of the 1950s from even more distress as domestic attendance plummeted was foreign business. », in SEGRAVE, Kerry (1997), p. 186.

16 « Some executives see foreign markets as the bridge that will carry Hollywood studios from the video boom of the 1980s to the widely anticipated pay-per-view boom of the late 1990s », « Hollywood Goes Boffo Overseas », Los Angeles Times, 30 mars 1992.

17 C’est par les marchés secondaires que les majors reviennent vers le marché extérieur à la fin des années 1980.

18 « Europe didn’t compensate for US disappointment », in « The Incredible Shrinking Aud », Variety, 5 janvier 2004.

19 Comme le Canada, Porto Rico a un statut ambigu. Politiquement, c’est un État libre associé aux État-Unis, ce qui lui vaut parfois d’être inclus dans le marché intérieur par les majors.

20 Entre 1959 et 1969, l’URSS n’achète ainsi qu’un total de 44 films américains. En 1980, au Pakistan, où l’industrie du film est contrôlée par la National Film Development Corp. (NAFDEC), les majors ne peuvent envoyer que 50 films américains, qu’ils doivent vendre à prix fixe.

21 BARBER, Benjamin (1992).

22 Des restrictions telles les quotas existent encore sur ces territoires, mais elles ne mettent plus en danger les activités des majors.

23 « Got Biz with Vietnam ? », Variety, 7 février 1994. « H’w’d Says Good Morning, Vietnam », Variety, 12 décembre 2002.

24 SEGRAVE, Kerry (1997), p. 227.

25 C’est le cas également de huit des dix meilleurs films au box-office en République tchèque et sept en Pologne.

26 En 1994, Warner Bros. est le premier studio hollywoodien à bénéficier d’une part des recettes avec le film Le Fugitif (A. Davis, 1993). China Film Corporation garde cependant 75 % des recettes. Sur les dix films étrangers autorisés, 7 à 8 sont américains. « Warner Bros. Inks China Deal », Variety, 19 septembre 1994.

27 On peut penser à l’incident de l’avion espion en 2001. La distribution des films étrangers est également interrompue un mois par an à l’occasion de l’anniversaire de la fondation du parti communiste chinois.

28 Il est en sixième place pendant toute la fin des années 1960.

Table des illustrations

Titre Pourcentage des recettes en salles provenant des marchés extérieur et intérieur (1966-2004)2
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/8039/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 28k
Titre Pourcentage des recettes, sorties en salles et marchés secondaires7
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/8039/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 36k
Titre Les 60 autres marchés
Crédits Source : « 83 Global Film rentals Set new $2.1-Bil record », Variety, 25 juillet 1984.
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/8039/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 179k

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont sous Licence OpenEdition Books, sauf mention contraire.

Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search