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Les chercheurs du passé 1798-1945

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Ève Gran-Aymerich

Naissance de l’archéologie moderne

Avant-propos

André Laronde

Full text

1C’est une banalité que de constater combien l’archéologie, sortant du cercle étroit de l’érudition, a acquis droit de cité dans notre vie. Le goût des voyages aidant, la découverte des monuments du passé séduit désormais le plus grand nombre, et la faveur obtenue par les grandes expositions est là pour le confirmer, en Europe occidentale ou encore Outre-Atlantique.

2Le brillant, la superficialité aussi de cet engouement ne doivent pas cacher l’indéniable progrès que l’archéologie a effectué depuis un siècle. Ce mouvement est l’aboutissement d’un courant qui remonte à l’aube des Temps modernes. Comment ne pas évoquer, parmi tant d’autres figures, Cyriaque d’Ancône, qui, en plein xve siècle, parcourut la Grèce continentale et insulaire pour collecter les inscriptions grecques. Dès ses origines, la Renaissance ne s’était pas consacrée uniquement à la redécouverte et à la diffusion de textes, même si cette œuvre reste d’un éclat exceptionnel. Le xvie et le xviie siècles furent l’âge des voyageurs, souvent dans l’entourage des diplomates férus d’Antiquité, tels Nicolaï au temps d’Henri II ou Nointel sous Louis XIV.

3Mais bien vite ces voyageurs furent chargés de missions précises, ainsi Fourmont, homme de lettres, ou encore le naturaliste Granger, qui reçurent comme tant d’autres des subsides de la Maison du Roi, préfigurant ainsi les missions scientifiques d’époques plus récentes. Bien vite, le souci de regarder, de copier, de mesurer et de dessiner fit place au besoin de procéder à des excavations. Mais ces précurseurs nourris de l’esprit des Lumières connaissaient aussi la botanique, la zoologie, l’ethnographie, et ils confortaient la recherche des antiques par une familiarité poussée avec les auteurs grecs et latins.

4En dépit de ses balbutiements, l’archéologie d’hier n’était pas si éloignée de celle d’aujourd’hui. Elle n’a jamais cessé d’entretenir des liens étroits avec la philologie, avec la protohistoire, avec l’anthropologie, avant d’être révolutionnée depuis quelques décennies par l’irruption des méthodes d’analyse physique, chimique ou nucléaire. Et le recours à l’informatique est aujourd’hui généralisé, pour les relevés comme pour le catalogage.

5Or ce long itinéraire n’a, curieusement, guère retenu l’attention des historiens. Certes, les anniversaires d’une grande figure de la science, d’un chantier ou de la découverte d’un site ou d’une région avaient suscité commémorations et études. Mais c’est certainement une lacune de la recherche française que de s’être montrée ici plus timide que la recherche anglo-saxonne pour s’engager dans une étude synthétique de l’archéologie, en faisant fi des barrières et des cloisonnements, ceux d’hier et ceux d’aujourd’hui.

6Ève Gran-Aymerich a su comprendre quel champ de recherche neuf s’ouvrait à elle. Sa solide formation classique, son goût du terrain, l’étendue de ses enquêtes lui avaient déjà permis de présenter le ménage Dieulafoy dans une belle étude qui a recueilli la faveur d’un large public. Mais c’est à une œuvre bien plus ambitieuse qu’elle s’est attachée depuis, en dépit du risque de verser dans l’anecdote ou dans un maquis d’informations toujours utiles, certes, mais dont le foisonnement même risquait d’étouffer le principe directeur, c’est-à-dire l’évolution des méthodes, des techniques et des liens innombrables de l’archéologie avec les autres branches du Savoir, mais aussi avec le commerce, avec la diplomatie, avec la politique.

7C’est le mérite d’Ève Gran-Aymerich d’avoir su faire face à cet ambitieux programme. Le livre que le lecteur ouvre aujourd’hui répond pleinement à son titre et ne saurait décevoir. L’Expédition d’Égypte marque un départ éclatant avec la pléiade d’hommes de science qui accompagnaient à sa demande le jeune conquérant. La fondation de l’Institut d’Égypte – toujours actif – montre combien le général Bonaparte se souciait de résultats qui furent obtenus en un temps bref, moins de deux ans, et qui aboutirent ensuite en moins de vingt ans à ce monument inégalé qu’est la Description de l’Égypte.

8La Seconde Guerre mondiale a représenté une autre borne chronologique. D’une part, les conditions politiques nouvelles du monde méditerranéen et proche-oriental exigeaient une nouvelle approche de l’archéologie. D’autre part, la fulgurante accélération du progrès scientifique et technique a bouleversé les méthodes de travail.

9Entre ces deux moments, il y a un cheminement et des évolutions que l’auteur a su analyser et présenter avec clarté et précision. L’étendue de son information, la qualité de son interprétation font de son livre un instrument de travail sûr et commode. Mais ce livre est aussi un éveilleur d’idées et de recherches nouvelles. Il ne clôt pas une recherche, il ouvre aussi, et surtout, de nouvelles voies. Si l’on ajoute qu’Ève Gran-Aymerich a travaillé tout en enseignant dans le second degré, sans le secours de détachement ou de bourse, on mesure l’effort exceptionnel de volonté et la capacité de travail peu commune qui l’animent. Il ne me reste plus qu’à souhaiter que ce beau livre, qui est un grand livre, obtienne l’audience qu’il mérite. Lege, quaeso !

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