Introduction de la partie 6
Dynamiques partagées et conflits
p. 222-223
Texte intégral
1Pour envisager le monde commun, le regard peut se porter sur des dynamiques partagées au sein des sociétés ou, à l’inverse, sur des conflits qui les divisent. Or les études ont longtemps obéi à quelques grandes caractéristiques : un intérêt prononcé pour les « grandes civilisations » ; un ancrage dans des cadres souvent exclusivement nationaux ou locaux ; des divisions fortes entre objets disciplinaires (concepts, territoires, événements, sociétés humaines, structures sociales, marchés…) et disciplines. A contrario, la démarche des Annales comme les mutations plus contemporaines des sciences humaines et sociales ont consacré la nécessité de favoriser le dialogue interdisciplinaire, de mêler les angles d’études et de complexifier les grilles d’analyse.
2Les phénomènes sociaux sont envisagés à différentes échelles temporelles et de manière enchevêtrée : la longue durée, le temps moyen des crises ; le temps court de l’événement ; l’histoire des possibles et du non advenu, telle qu’elle se pratique dans l’histoire contre-factuelle. Ainsi, au croisement de la sociologie, de l’histoire et de la science politique, Serge Dauchy, soulignant l’irréductible historicité des phénomènes sociaux et politiques, invite à penser ensemble leur genèse et leurs développements ultérieurs. Plus précisément, la période allant de la Première à la Seconde Guerre mondiale peut être envisagée comme une nouvelle « guerre de Trente ans » (Caterina Zanfi). À ces questions de temps s’ajoutent celles des espaces, comme dans ces « zones de guerre » où se déroulent des expériences de conflits partagées par des communautés hétérogènes et qui conduisent à des formes d’action singulières (Perrine Poupin).
3Dans tous les cas, l’importance accordée aux processus est décisive. L’histoire des civilisations et des empires, de leurs conquêtes et de leur expansion, de leurs crises ou de leur déclin, se trouve réinterrogée. Les processus d’identification à telle ou telle civilisation sont alors essentiels, quand bien même ladite notion de civilisation pourrait être interrogée (Hervé Inglebert). L’approche par les processus concerne également les radicalisations. En ce sens, l’attention accordée aux histoires de vies ainsi que l’intérêt porté moins au problème du sens qu’à celui des pratiques contribuent à rapprocher les études consacrées aux violences infra-étatiques de celles dédiées aux guerres civiles ou aux révolutions (Isabelle Sommier). Si l’« infra », le « micro » ou l’étude de cas sont là essentiels, les phénomènes globaux et connectés, les circulations internationales, les métissages ou les hybridations donnent lieu à des analyses tout aussi stimulantes. Sur ce plan, Yves Déloye montre que l’histoire du droit, constituée et étudiée dans des cadres nationaux, gagne à prendre en compte les connexions entre cultures juridiques différentes, les transplantations, les résistances et les adaptations des normes importées.
4Ces différents décloisonnements sont particulièrement à l’œuvre dans les études relatives aux guerres et aux conflits. Aux travaux longtemps réduits aux seules dimensions militaire, diplomatique ou étatique s’ajoutent des recherches dans lesquelles les conflits sont envisagés selon des logiques de plus en plus globales. Ils sont conçus comme des moments et des espaces qui voient les individus et les groupes être confrontés à des formes multiples de violence : discours, symboliques, usages d’armes variées, massacres, assassinats, viols… La priorité accordée aux violences invite à mettre l’accent sur la pluralité des expériences combattantes et le sort des populations civiles. Toutes sortes de conflits sont concernés : guerres de conquête, coloniales ou civiles, luttes armées, coups d’État, guerres asymétriques, terrorismes, cyberguerres, conflits liés à l’énergie, écocides… Cette même priorité conduit à montrer comment les phénomènes génocidaires imposent leurs propres temporalités, combien ils menacent l’existence du monde commun mais aussi de quelle façon ce même monde peut se mobiliser contre eux (Vincent Duclert).
5Plusieurs autres pistes de travail sont arpentées : les enjeux géopolitiques, de la sécurité et du renseignement ; les sorties de conflits, les traces mémorielles individuelles et collectives ou les phénomènes de résilience ; la médiatisation des conflits en lien avec l’usage d’outils numériques ; la dimension judiciaire et juridique de leur résolution ; les réconciliations ou la perpétuation des dynamiques de violence dans une forme de continuité entre les temps de guerre et de paix.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Les chemins de la décolonisation de l’empire colonial français, 1936-1956
Colloque organisé par l’IHTP les 4 et 5 octobre 1984
Charles-Robert Ageron (dir.)
1986
Premières communautés paysannes en Méditerranée occidentale
Actes du Colloque International du CNRS (Montpellier, 26-29 avril 1983)
Jean Guilaine, Jean Courtin, Jean-Louis Roudil et al. (dir.)
1987
La formation de l’Irak contemporain
Le rôle politique des ulémas chiites à la fin de la domination ottomane et au moment de la création de l’état irakien
Pierre-Jean Luizard
2002
La télévision des Trente Glorieuses
Culture et politique
Évelyne Cohen et Marie-Françoise Lévy (dir.)
2007
L’homme et sa diversité
Perspectives en enjeux de l’anthropologie biologique
Anne-Marie Guihard-Costa, Gilles Boetsch et Alain Froment (dir.)
2007