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    Plan

    Plan détaillé Texte intégral Se mobiliser en s’organisant ensemble : des convergences peu surprenantesTrouver sa place et (re)définir son rôle en tant que militant·e·s : entre autocritique et impératif d’agir Notes de bas de page Auteur

    Cheminements révolutionnaires

    Ce livre est recensé par

    • Atmane Aggoun, Lectures, mis en ligne le 17 mars 2022. URL : https://journals.openedition.org/lectures/55034 ; DOI : https://doi.org/10.4000/lectures.55034
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    Table des matières

    3. « Notre seul rôle, c’est celui de militant ». Devenirs contestataires à l’heure du soulèvement

    Layla Baamara

    p. 69-93

    Texte intégral Se mobiliser en s’organisant ensemble : des convergences peu surprenantesSe retrouver et discuter entre militant·e·sDes lignes de séparation ordinairesTrouver sa place et (re)définir son rôle en tant que militant·e·s : entre autocritique et impératif d’agirUn enthousiasme singulier, des préoccupations habituelles« Être dans le mouvement », l’« accompagner » ou l’« encadrer » : variations militantes Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    1Comment les individus engagés de longue date dans des formes organisées de contestation se mobilisent-ils dans l’Algérie qui se soulève à partir de février 2019 ? Comment les hommes et les femmes qui militent contre le régime depuis dix, vingt, trente ans, parfois plus, réagissent-ils·elles et perçoivent-ils·elles ce qui est en train de se passer ? Quelles positions adoptent-ils·elles face à ce mouvement protestataire de masse qui les dépasse ? Le soulèvement populaire est un événement perturbateur d’ampleur, qui bouleverse le quotidien des acteur·rice·s ancien·ne·s de la contestation. Les militant·e·s sont – comme tout le monde – surpris·es et débordé·e·s par la mobilisation sans précédent de citoyen·ne·s ordinaires qui déferlent dans les rues algériennes contre le cinquième mandat auquel prétend le président sortant Abdelaziz Bouteflika. Une mobilisation qui se caractérise aussi par un dépassement des pratiques habituelles de contestation, l’absence de leaders et le rejet des structures existantes. À l’exception des protestations qui éclatent en avril 2001 en Kabylie suite à la mort par balle d’un jeune lycéen dans les locaux d’une gendarmerie et qui ont duré près de deux ans, les routines protestataires qui caractérisent les années 2000 et 2010 sont davantage marquées par un éclatement des contestations. Des manifestations de plusieurs centaines, voire milliers, de personnes ont lieu notamment en 2011 pour des revendications sectorielles ou anti-régime, en 2013 avec les chômeurs à Ouargla et en 2015 contre le gaz de schiste dans le sud du pays1. Éphémères ou durables, violentes ou pacifiques, portant des revendications sociales, économiques ou politiques, les contestations font partie de la conjoncture routinière algérienne. Ces routines sont radicalement bouleversées à partir du mois de février 2019.

    2Si des militant·e·s ont perdu l’illusio et préfèrent se tenir à distance des organisations pour rejoindre les mobilisé·e·s ordinaires ou s’investir dans des modes d’action différents, d’autres croient toujours à la force et au rôle des organisations militantes. C’est aux devenirs de ces militant·e·s de l’opposition institutionnalisée pris·es dans une dynamique protestataire inédite que ce chapitre s’intéresse. Je propose d’explorer comment, dans une telle configuration, les manières de contester et d’organiser la contestation se recomposent dans les espaces militants.

    3Pour ce faire, cette contribution s’appuie sur des entretiens avec des militant·e·s et des observations de réunions et de manifestations réalisés en mars 20192. Elle se concentre sur un temps court – celui du début du mouvement de contestation – mais elle s’inscrit dans une recherche de plus longue durée – entamée en 2009 – sur les formes d’opposition et de mobilisation contestataire. Les militant·e·s enquêté·e·s sont, pour la plupart, des personnes que je connais depuis plusieurs années et que j’ai notamment suivi·e·s dans le contexte des mobilisations de 2011. Ils·elles appartiennent à l’espace contestataire institutionnalisé3. Cet espace regroupe des membres de partis politiques d’opposition, d’associations et de syndicats, qui revendiquent collectivement et dans la durée, leur opposition à l’ordre politique en place et se mobilisent, conjointement ou non, dans l’espace public. Ces acteur·rice·s ont en commun des compétences pratiques et cognitives spécialisées4 acquises au cours de leur socialisation et de leur trajectoire militante. Les groupes militants qui composent cet espace contestataire sont pour la plupart issus des mobilisations protestataires des années 1970 et 1980 et se sont créés ou formalisés au moment de la reconnaissance constitutionnelle du pluripartisme, des libertés syndicales et associatives entre 1989 et 1990. Leurs membres se définissent et se présentent comme « démocrates » ou « de gauche » par opposition à ceux qu’ils désignent et qui se présentent comme « islamistes5 ». Les trajectoires de ces groupes et des militant·e·s qui en font partie sont marquées par des expériences de mobilisation communes (mouvement culturel berbère, protestations étudiantes, grèves, appel au boycott d’élections, etc.) qui éclairent l’imbrication de leurs relations et la proximité des enjeux et des discours qu’ils·elles portent, jusqu’à aujourd’hui.

    4Que deviennent donc ces militant·e·s dans le contexte du soulèvement populaire de 2019 ? Que se passe-t-il dans cet espace contestataire institutionnalisé quand les dynamiques protestataires prennent une tournure révolutionnaire ? Pour le dire encore autrement, qu’est-ce que les mobilisations massives et disruptives d’aujourd’hui font aux contestataires d’hier ?

    5Les développements qui suivent montrent comment les acteur·rice·s s’adaptent dans ce contexte de mobilisations et en quoi ces adaptations sont faites à la fois d’ajustements, d’innovations et de recours à des habitudes anciennes de contestation. Les discours et les pratiques rassemblés témoignent d’inflexions significatives par rapport aux routines contestataires caractéristiques des années 2000 et 2010 qui se comprennent à l’aune des logiques de situation dans lesquelles les militant·e·s sont pris·es. Cependant, si certaines formes de lutte du passé ne semblent plus opératoires6, les ressources, les dispositions et les réseaux formés avant le soulèvement continuent de travailler les pratiques actuelles7.

    Se mobiliser en s’organisant ensemble : des convergences peu surprenantes

    6Les militant·e·s que je retrouve en mars 2019 participent toutes et tous aux manifestations depuis plusieurs semaines, qu’ils·elles soient toujours membres d’une organisation ou non. À l’image de ce que j’observe sur de nombreux visages en arrivant à Alger, leur engouement et leur enthousiasme sont palpables. La ville est en effet méconnaissable tant l’ambiance générale y est survoltée, en particulier les mardis et les vendredis, mais également, bien que dans une moindre mesure, les autres jours de la semaine qui sont, à cette période, ponctués de manifestations et de rassemblements dans l’espace public8. Les militant·e·s sont transporté·e·s individuellement par la dynamique inédite de ces mobilisations et expriment leurs émotions à voir autant de personnes rassemblées dans la rue pour contester l’ordre en place. Mais il s’agit rapidement pour certain·e·s d’entre eux·elles de réagir aussi collectivement, de manière plus organisée.

    Se retrouver et discuter entre militant·e·s

    7Durant les premières semaines qui suivent le soulèvement populaire amorcé en février, des réactions de soutien aux mobilisations provenant d’organisations partisanes, associatives et syndicales connues pour leur opposition au régime sont diffusées par le biais de communiqués dans la presse et sur les réseaux sociaux numériques. Ces organisations semblent globalement plutôt dépassées par l’ampleur du phénomène. Parmi les initiatives observées, certaines visent à se réapproprier les espaces publics à l’image des « forums » organisés par l’association Rassemblement actions jeunesse (RAJ9) ou des débats citoyens qui se tiennent toutes les semaines devant le Théâtre national algérien – situé dans le centre d’Alger – dont les appels sont diffusés sur Facebook et fortement relayés dans les milieux opposants. Plusieurs dizaines de personnes sont présentes, chacune pouvant prendre librement la parole sur un sujet de son choix. Une partie d’entre elles se connaissent et se sont spécialement déplacées pour l’occasion, l’autre se compose des passant·e·s qui viennent se joindre aux discussions. Un autre type d’initiative consiste plutôt à ouvrir et à construire un dialogue entre différentes organisations dans le but d’adopter des positions et des actions coordonnées. C’est à cet objectif qu’aspirent les militant·e·s qui se réunissent dès la fin du mois de février, formellement au moins deux fois par semaine, au siège de l’association RAJ. Ils·elles se présentent comme membres de « collectifs des dynamiques de la société civile pour une transition pacifique et démocratique10 ».

    8À travers ces réunions et les discours rapportés par les enquêté·e·s y participant, ce sont des pratiques et des formes d’organisation somme toute ordinaires de la contestation qui s’observent à plusieurs niveaux. Dans un contexte de mobilisations contestataires extraordinairement massives et généralisées qui bouleversent tant les agendas politiques que les pratiques et les croyances individuelles de nombreux·ses Algérien·ne·s, les acteur·rice·s contestataires impliqué·e·s dans ces réunions demeurent globalement fidèles à leurs alliances et leurs positionnements habituels.

    9D’abord, on se rapproche et on discute avec des partenaires que l’on connaît bien. La réunion qui a lieu le samedi 16 mars se tient dans les locaux de l’association RAJ, un appartement situé dans le centre d’Alger qui comprend une salle de réunion, deux autres pièces plus petites, un studio de radio équipé11, une cuisine, des commodités et un grand balcon qui donne sur la rue Larbi Ben M’hidi. Les murs sont ornés d’affiches, de posters, de banderoles et de slogans de luttes et d’événements passés (tels que des manifestations, mais aussi des universités d’été et des conférences). On y trouve aussi la Déclaration universelle des droits de l’Homme, une affiche pour la libération de la Palestine, un drapeau algérien ainsi que les portraits de Nabila Djahnine, militante féministe assassinée en 1995 et de Matoub Lounès, célèbre chanteur et militant kabyle assassiné en 1998. Plusieurs personnes présentes ce jour-là – des hommes et des femmes âgé·e·s de 40 à 60 ans environ – ont pris l’habitude de se voir régulièrement depuis le début des mobilisations pour échanger et discuter des événements en cours et de leurs possibilités d’action. À 11 h – heure prévue de la réunion –, la dizaine de personnes assises autour de la table se connaissent – elles s’appellent par leurs prénoms – et bavardent en attendant les autres participant·e·s pendant que les membres de l’association RAJ, plus jeunes (18-30 ans), déambulent et discutent dans le couloir et les autres pièces du local où ils·elles ont l’habitude de passer l’essentiel de leur temps depuis plusieurs semaines.

    10Avant d’entrer plus en détail dans le déroulement et l’objet de cette réunion, il importe de souligner que celle-ci s’inscrit dans une dynamique de rencontres régulières, bien établie depuis plusieurs semaines, avant même le début du soulèvement populaire. La fréquence du rythme de ces rencontres s’inscrit en effet dans le prolongement des « Forums du RAJ » une activité de l’association depuis environ un an, que celle-ci choisit d’organiser, à partir du mois de janvier 2019, de manière hebdomadaire en invitant une personnalité politique ou un·e universitaire pour débattre autour de l’échéance présidentielle alors programmée pour le 18 avril 2019. Des représentants de partis politiques – tels que le Parti socialiste des travailleurs (PST), le Front des forces socialistes (FFS), Jil Jadid ou le Mouvement démocratique et social (MDS) – et le candidat à l’élection présidentielle Ali Ghediri ont par exemple été invités au siège de l’association. Une vingtaine à une trentaine de personnes viennent à chaque fois assister et participer à ces forums pour questionner et échanger avec les intervenant·e·s. Ces activités sont systématiquement relayées en amont (affiche traduite dans les trois langues) et en aval (avec photos et vidéos de l’événement) sur la page Facebook de l’association ainsi que sur celles de ses membres. La plupart des personnes qui participent à la réunion du 16 mars ont participé à un ou plusieurs de ces forums et ont donc pris l’habitude de se retrouver et d’échanger sur la situation du pays.

    11Bien plus, la proximité entre les acteur·rice·s présent·e·s et leurs organisations respectives est ancienne. L’association RAJ, qui accueille l’événement et dont le président fait partie des principa·ux·les initiateur·rice·s et organisateur·rice·s de ces réunions, a été créée en 1992 et officiellement agréée en 1993. C’est une association de dimension nationale. Bien que particulièrement ancrée et active à Alger et en Kabylie, elle est présente dans plusieurs wilayas principalement à travers des comités établis dans les universités et les cités étudiantes. Les actions principales de l’association se concentrent autour de la question de la jeunesse et des contraintes sociales, économiques et politiques que les jeunes rencontrent. Contrairement à la majorité des organisations qui composent le secteur associatif algérien, RAJ est une association qui porte des revendications explicitement politiques et qui est connue pour son opposition au régime. Interpellant les pouvoirs publics sur des questions liées au respect des droits humains en défendant des causes ou des personnes (telles que des journalistes, des militant·e·s, des migrant·e·s arrêté·e·s par les autorités) et en dénonçant par exemple les manquements des gouvernants aux conventions internationales ou l’adoption de mesures considérées comme liberticides, l’association recourt souvent au plaidoyer comme mode d’expression et d’action. Pendant les années 1990, dans un contexte de guerre qui limite drastiquement les possibilités d’agir et de protester, ses membres s’associent à d’autres organisations – telles que la Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme (LADDH) ou SOS Disparus – pour dénoncer la torture, les disparitions et les détentions abusives. Depuis près de trente ans, l’association exprime ouvertement une position contestataire contre les gouvernants du pays en se mobilisant régulièrement pour protester dans l’espace public12. RAJ est une association bien insérée dans l’espace contestataire dont les liens avec d’autres organisations parties prenantes de cet espace sont ancrés de longue date. Ces liens ont été construits et entretenus par ses fondateur·rice·s et sa première génération militante à travers des expériences de mobilisation – et de répression – communes, des partenariats inter-organisationnels pour défendre des causes, des multi-engagements et, plus largement, des espaces de sociabilités partagés. Bien que n’étant plus organiquement lié·e·s à l’association, plusieurs ancien·ne·s enRAJé·e·s – comme ils·elles se présentent – continuent de participer aux activités et sont toujours intégré·e·s dans les mêmes réseaux de sociabilités et d’amitiés militantes qu’ils·elles contribuent à perpétuer. Ils·elles ont ainsi transmis aux générations suivantes non seulement leurs savoirs et leurs savoir-faire militants, mais aussi leurs réseaux et leurs partenariats privilégiés.

    12Plus généralement, la présence d’ancien·ne·s contestataires appartenant aux générations militantes des années 1980 et 1990 est d’ailleurs une caractéristique saillante de ce microcosme contestataire qui éclaire la persistance – et la reproduction – de l’imbrication des engagements et des luttes. Majoritairement masculine et d’une moyenne d’âge d’environ 50 ans, l’assemblée du 16 mars est à l’image de la composition de l’espace contestataire structuré. La répression et la rareté des ressources qui contraignent les possibilités de s’opposer peuvent aussi expliquer à la fois la fragmentation et l’atomisation des contestations et le regroupement, voire le repli, des acteur·rice·s contestataires dans un espace d’entre soi commun. Fortement dotée en ressources militantes et matérielles, l’association RAJ offre, à cet égard, avec son local un cadre privilégié pour se réunir entre opposant·e·s. Dans une ville marquée par un accès restreint aux salles publiques, il est ainsi courant que les organisations militantes qui ont leurs propres locaux les mettent à disposition des groupes qui n’en ont pas et pour des événements communs. Peu nombreux, ces locaux constituent des lieux familiers à l’ensemble des militant·e·s de l’opposition.

    13Accueillie par l’association RAJ, la réunion du 16 mars regroupe une quinzaine d’organisations qui sont représentées par une ou plusieurs personnes13. Il s’agit principalement d’associations (socio-culturelles, féministes, de défense des droits humains) et de syndicats autonomes14 (enseignement, télécommunications, administration publique) ancrés de longue date dans l’espace contestataire. Les militant·e·s qui les représentent se connaissent bien ; ils·elles évoluent dans les mêmes milieux militants et partagent de nombreuses expériences de lutte (manifestations pendant la période d’ouverture 1989-1991, mouvement culturel berbère, grèves étudiantes, mouvement citoyen de 2001, etc.) ainsi que d’organisation d’actions communes. En 2011 par exemple, dans un contexte de multiplication atypique des protestations15, ces groupes participent à une tentative de coalition contestataire. Alors que la plupart des mobilisations portent sur des revendications ciblées souvent liées à un secteur d’activité particulier (avocats, médecins, salariés du textile, enseignants, greffiers, etc.), d’autres initiatives appellent ouvertement à un changement et à la chute du régime. Parmi celles-ci, une coalition, créée en janvier 2011 – la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD) –, regroupe plusieurs groupes et acteur·rice·s de la scène contestataire. La plupart des membres des associations et des collectifs présents le 16 mars 2019 ont participé à cette entreprise de convergence et aux rassemblements alors organisés à Alger. D’autres expériences de mobilisation commune ont marqué les trajectoires individuelles et collectives des militant·e·s et de leurs organisations au fil des années 2010. L’association RAJ, la LADDH, SOS Disparus, Thawra N’Fadhma N’Soumeur et Djazaïrouna sont par exemple membres d’un collectif d’associations constitué pour protester contre la loi sur les associations de 201216 considérée comme « liberticide » et dénoncer la « pénalisation de la liberté d’association17 ». Nombreux·ses sont celles et ceux, parmi les militant·e·s rassemblé·e·s en 2019, qui ont aussi participé au mouvement Barakat (« Ça suffit ! ») pour contester la candidature d’Abdelaziz Bouteflika pour un quatrième mandat présidentiel en 2014. À travers les regroupements et les actions de protestation collectives qui ponctuent les années 2010, les militant·e·s de l’espace contestataire entretiennent ainsi des réseaux d’interconnaissance, des liens inter-organisationnels et de camaraderie anciens. Ce socle commun d’expériences constitue un puissant ressort de la formation du collectif qui s’opère au moment du soulèvement populaire de février 2019.

    Des lignes de séparation ordinaires

    14Les expériences passées de convergence entre acteur·rice·s contestataires éclairent aussi les contours des rapprochements observables en 2019 et leurs corollaires : les lignes de démarcation entre les différentes organisations de l’opposition. D’abord, les militant·e·s que je retrouve restent entre militant·e·s se revendiquant « démocrates » ou « de gauche ». Les militant·e·s rencontré·e·s se revendiquant « de gauche » sont pour la plupart membres ou sympathisants d’organisations d’extrême gauche issues des différents mouvements communistes qu’a connus l’Algérie contemporaine. Les membres et les sympathisants de partis sociaux-démocrates et libéraux – comme le FFS ou le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) – ont plutôt tendance à se définir comme « démocrates ». Cela dit, les deux qualificatifs ne sont pas exclusifs l’un de l’autre. Les militant·e·s qui s’en réclament se définissent ainsi en opposition à celles et ceux qu’ils·elles désignent comme « islamistes ». Il s’agit ici d’un clivage ancien notamment lié à l’histoire politique du pays – celle des années 1990 en particulier – et à celle de la formation des groupements militants de l’opposition sous le parti unique18. Non seulement les islamistes appartiennent à des milieux militants distincts, mais ce sont aussi les valeurs et les principes politiques qui leur sont associés qui alimentent le maintien de la distance exprimée par les enquêté·e·s rencontré·e·s. Plus qu’absents lors des réunions observées, les « islamistes » sont présentés comme un danger potentiel duquel il faut se prémunir. Un participant à la réunion qui se tient au siège du RAJ insiste par exemple sur la nécessité de « discuter d’un projet de constitution en instaurant des garde-fous pour pas que les islamistes fassent une constitution à leur sauce ». Lors d’une autre réunion à laquelle j’ai assisté entre militant·e·s du PST, organisation d’extrême gauche, un intervenant dénonce les « tentatives de caporalisation du mouvement de la part des islamistes », tandis qu’un autre explique qu’« il faut qualifier la constituante pour éviter que les intégristes en fassent ce qu’ils veulent ».

    15Pourtant, les frontières entre les militant·e·s dit·e·s « islamistes » et les militant·e·s dit·e·s « démocrates » ou « de gauche » sont loin d’être complètement étanches. Des rencontres et des convergences ont eu lieu par le passé. On peut citer, entre autres exemples, la conférence de Sant’Egidio19 pendant les années 1990 et, dans son sillage, des rencontres entre personnalités politiques d’appartenances politiques différentes dans les années 200020. En fait, il importe de souligner qu’une autre ligne de clivage a traversé le champ politique algérien à partir de 1992 et a, dans une certaine mesure, fait passer à un second plan la polarisation politique et idéologique entre « islamistes » et « démocrates » : celle fondée sur la position de soutien ou de dénonciation de l’intervention de l’armée dans les affaires politiques21. Dans les années 2010, les deux axes de division de l’espace politique oppositionnel ont tendance à s’estomper. En 2011, la CNCD réunit par exemple deux figures de proue s’étant particulièrement distinguées pour leurs positions divergentes pendant la décennie noire : Abdennour Ali Yahia, président d’honneur de la LADDH et avocat de plusieurs dirigeants du FIS, d’une part, et Saïd Sadi, alors président du RCD, parti s’étant radicalement opposé au FIS, d’autre part. En 2014, une autre initiative de l’opposition prônant le boycott de l’élection présidentielle – la Coordination nationale pour les libertés et la transition démocratique (CNLTD) – rassemble des organisations partisanes appartenant à différents bords du champ politique, à l’exception notoire des partis de gauche et d’extrême gauche22. Si des échanges peuvent avoir lieu entre militant·e·s et groupements d’appartenances politiques divergentes, les rapprochements qui se formalisent concernent les principales organisations partisanes de l’opposition. La distance entre les deux pôles – « démocrate » et « islamiste » – de l’opposition se maintient dans les espaces militants que j’observe dans le contexte des premières semaines du soulèvement, en particulier lorsqu’il s’agit de s’organiser plus formellement.

    16L’autre ligne de séparation qui apparaît assez nettement est celle entre mouvements sociaux et partis politiques. Celle-ci est pourtant historiquement et sociologiquement beaucoup plus poreuse compte tenu de la proximité des trajectoires entre militant·e·s partisan·e·s et militant·e·s protestataires, des phénomènes de multi-engagement et des nombreuses expériences communes de mobilisation antérieures. Lors des réunions qui se tiennent au siège de l’association RAJ, aucun·e représentant·e d’organisation partisane n’est présent·e malgré les relations de sympathie et de camaraderie que la plupart des participant·e·s entretiennent avec certains partis d’opposition sociaux-démocrates ou de gauche. Bien plus, lorsqu’est posée la question de la place des partis politiques dans le mouvement de contestation et, surtout, dans la stratégie à privilégier par ce collectif en formation, les interventions expriment globalement une réticence à se rapprocher de ce type d’organisation, à l’image de celle de Samir (30 ans environ, membre d’un collectif de médecins résidents constitué en 2018) qui affirme sans détour : « les partis politiques ont échoué, il faut garder cette initiative de la société civile ». Sa voisine abonde dans le même sens en déclarant : « les partis ne sont pas présents sur le terrain ». Quelques jours plus tôt, à l’occasion d’échanges informels entre militant·e·s, un ancien militant de RAJ assis à côté de moi concède : « En réalité les seuls qui sont dans les marches, ce sont les militants du PST, du MDS et du parti non agréé de Karim Tabbou. Ce sont des gens qui sont avec la population. Karim Tabbou a fait des vidéos où il appelle à soutenir les mobilisations. Et je l’ai vu dans la foule à scander des slogans ». L’immixtion de cette figure de l’opposition et des militant·e·s des partis d’extrême gauche dans la foule protestataire et leur acceptation – particulièrement démonstrative et enthousiaste en ce qui concerne Karim Tabbou – par les manifestant·e·s aident à comprendre pourquoi ces acteurs trouvent grâce aux yeux de l’enquêté.

    17Les critiques émises par les militant·e·s rencontré·e·s à l’égard des partis politiques reflètent – en même temps qu’elles sont façonnées par – le discrédit qui leur est largement associé dans la société algérienne23. La distance préconisée, qui va de pair avec ces critiques, est aussi liée à des logiques d’autonomisation et de démarcation plus anciennes de la part des groupes protestataires. Par exemple, c’est sur cette ligne de clivage que s’opère en 2011 la scission de la CNCD entre la CNCD dite « Partis politiques » et la CNCD dite « Barakat » qui regroupe associations, syndicats autonomes et autres collectifs protestataires non agréés. L’échec de cette tentative de convergence est imputé par de nombreux·ses militant·e·s à la présence des partis politiques. Au-delà de ce précédent, la participation de certaines organisations partisanes aux élections est souvent perçue comme une forme d’acceptation d’un jeu politique pourtant faussé à laquelle les acteur·rice·s protestataires ne veulent pas être assimilé·e·s. En plus des écarts entre les logiques propres à leurs domaines d’action, la compétition pour le leadership de la contestation peut aussi expliquer les stratégies de distinction qui ressortent des discours des militant·e·s non partisan·e·s. Cela dit, l’affirmation et la revendication d’autonomie s’accommodent en pratique d’interactions régulières avec des membres de partis politiques, à un niveau individuel, mais aussi organisationnel. Du fait de l’appartenance aux mêmes espaces de sociabilités et des proximités amicales, militant·e·s d’associations, de syndicats et de partis politiques ne cessent de se croiser et de dialoguer, et ce, de manière plus intense en période de mobilisation. C’est ce que j’observe également en mars 2019. Si les participant·e·s à la réunion du 16 mars s’accordent sur un « projet de conférence nationale de la société civile avec les syndicats, mais sans les partis », ils·elles décident en même temps d’engager des rencontres avec les représentant·e·s des partis d’opposition. Les positionnements à l’égard des partis ne sont pas figés ni exclusifs. Ils peuvent aussi se chevaucher : la LADDH intègre par exemple en juin le Pacte de l’alternative démocratique (PAD) qui regroupe essentiellement des partis politiques d’opposition24.

    18Souvent stratégiques ou tactiques, les lignes de séparation au sein de l’espace contestataire militant peuvent aussi être politiques. Par exemple, les militant·e·s et dirigeant·e·s du PST25 décident, lors d’une réunion en mars, de constituer un « carré de gauche » lors des marches du vendredi. Le but de la réunion, qui se tient une veille de manifestation, est de discuter du contenu des banderoles et des slogans. À travers ceux retenus – tels que « Pour la justice sociale » ou « Oui à la solidarité entre les peuples, non aux ingérences étrangères impérialistes » –, les membres de ce parti affirment et affichent leur ancrage à gauche et anticapitaliste. Dans les interventions lors de la réunion qui expriment des points de vue sur les mobilisations en cours, cet ancrage ressort également : « auto-organisation », critique des « libéraux » et des « sociaux-démocrates », « lutte avec les étudiant·e·s et les travailleur·se·s », « objectif de propagande », références à Marx et Lénine, évocation de la « Révolution de 1917 », etc., renvoient à des références et des modes d’expression et d’action typiques de cette organisation trotskiste.

    19Un dernier élément révélateur de la persistance de certaines structures routinières de la contestation militante organisée lors de ces premières semaines de soulèvement populaire réside dans la reproduction d’un entre soi militant distinct des mobilisés « ordinaires ». Les militant·e·s que j’ai suivi·e·s marchent ensemble et s’organisent entre eux·elles. Hormis pendant les manifestations et les autres rassemblements dans l’espace public, leurs interactions avec les autres protestataires semblent assez limitées.

    20En somme, les entretiens et les observations directes réalisés en mars 2019, conjugués à l’analyse sur un temps plus long des formes militantes de contestation, permettent de souligner le maintien d’alliances et de divergences caractéristiques de l’espace contestataire institutionnalisé. Voyons désormais en quoi la singularité et l’effervescence des mobilisations qui rythment le quotidien des militant·e·s depuis le mois de février ne sont cependant pas sans effet sur leurs positionnements et leurs pratiques.

    Trouver sa place et (re)définir son rôle en tant que militant·e·s : entre autocritique et impératif d’agir

    21Dès les premières semaines qui suivent le surgissement des protestations populaires en février 2019, les discours et les pratiques observés dans les milieux militants de l’opposition semblent pris en tenaille entre, d’une part, un attachement à des positions et des modes d’action déjà éprouvés et, d’autre part, les bouleversements du champ des possibles provoqués par l’événement propre. Certes, comme les convergences, des lignes de calcul et d’action habituelles ressortent. Bien ancrées, elles peuvent, d’une certaine manière, apparaître rassurantes dans un contexte marqué par une forte incertitude. Mais cette même incertitude et l’exceptionnalité de la situation présente sont aussi sources de nouvelles questions. Cette seconde partie explore dans quelle mesure le soulèvement populaire bouscule les croyances, les manières de voir et d’agir chez les militant·e·s.

    Un enthousiasme singulier, des préoccupations habituelles

    22Les journées des militant·e·s que je suis en mars 2019 sont rythmées par le mouvement de contestation. Ils·elles participent quasi quotidiennement à des marches, des réunions, des forums ou des rassemblements. En dehors de ces temps « chauds » de mobilisation, les temps « froids » y sont également consacrés : les militant·e·s postent leurs photos et leurs vidéos sur Facebook, communiquent avec les médias et sur les réseaux sociaux, lisent des informations en lien avec le soulèvement et en débattent, préparent les supports des prochaines manifestations, etc. Du matin jusque tard le soir – selon ce que leur permet leur situation professionnelle – le soulèvement et leur militantisme prennent le pas sur tout le reste. Dans les paroles exprimées, le sentiment d’être en train de vivre une expérience originale et bouleversante revient souvent. Celui-ci s’accompagne pour beaucoup de l’expression de la conviction qu’un changement est désormais possible et d’une envie d’agir dans ce sens. « Les choses et les gens sont en train de changer », affirme Nassim, militant trentenaire de l’association RAJ, lors d’une discussion qui a lieu à la terrasse d’un café devant la Grande Poste, où les militant·e·s ont l’habitude de se retrouver en fin de journée. Dans la foulée, Hassan, du même âge et militant dans la même association, ajoute : « Tout le monde parle de politique, tout le temps, c’est incroyable ! ». Il poursuit : « On va enfin pouvoir faire quelque chose pour dégager ce système ». L’enthousiasme se lit sur les visages à travers les sourires, parfois des larmes aux coins des yeux, quand sont évoquées les premières marches, et dans la tonalité et la teneur des discussions particulièrement animées. Lors des réunions, plusieurs interventions commencent par souligner le caractère exceptionnel des événements en cours : « on assiste à quelque chose d’inédit », « c’est une mobilisation de masse et de qualité ». Pour une militante d’une quarantaine d’années, « c’est un rêve qui est en train de se réaliser ». Cette joie palpable contraste nettement avec la lassitude, voire la morosité, souvent exprimée auparavant en dépit de la poursuite des engagements militants. Elle révèle en ce sens une forme de réenchantement militant. Le vendredi avant le début de la marche, l’ambiance est galvanisante au siège de l’association RAJ où les jeunes militant·e·s finalisent leurs pancartes. Ils·elles dansent, chantent, prennent des vidéos et des selfies qu’ils·elles postent aussitôt sur leurs pages Facebook.

    23Si l’atmosphère générale et le rythme des mobilisations des premières semaines qui suivent le soulèvement sortent les enquêté·e·s rencontré·e·s de leur ordinaire militant et bouleversent leurs perceptions des possibles, les objectifs, le contenu des revendications et les modes d’action privilégiés demeurent largement façonnés par les routines protestataires antérieures. Les militant·e·s puisent dans ce qu’ils·elles connaissent, maîtrisent, savent faire. Leurs discours et leurs pratiques s’inscrivent dans un répertoire de l’action collective contestataire que les engagements et les mobilisations des décennies précédentes ont alimenté. Les critiques du « régime », du « pouvoir » et les aspirations au « changement », désormais exprimées publiquement par des centaines de milliers de personnes, entrent en résonance avec celles pour lesquelles les militant·e·s sont engagé·e·s et luttent depuis plusieurs années. Les revendications plus ciblées ne sont pas non plus nouvelles. Celle de l’élection d’une assemblée constituante est par exemple chère à nombre d’entre eux·elles et émerge dès le début du mois de mars, dans les réunions, puis dans les cortèges. L’organisation et le déroulement des réunions observées renvoient aussi à des manières de faire usuelles dans les milieux militants. À la réunion des militant·e·s du PST comme à celle regroupant associations et syndicats autonomes, les interventions se font majoritairement en français plutôt qu’en arabe. L’usage courant du français dans les réunions et les discours des milieux militants de l’opposition de gauche s’explique notamment par la composition générationnelle et sociale de ces milieux. De nombreux·ses militant·e·s ont fait leurs classes pendant les années 1970 et 1980 dans des formations politiques et/ou universitaires dans lesquelles la langue française était ordinairement employée. Il y a aussi, comme à l’accoutumée, un président de séance chargé de distribuer les prises de parole et une personne chargée de la prise de note. Chaque participant·e doit se manifester au président pour s’inscrire sur la liste des prochain·e·s intervenant·e·s. Ce fonctionnement n’est pas explicité en amont de chacune des réunions ; il est supposé connu de tou·te·s. Un rare novice, étudiant d’environ 20 ans, qui commence à s’exprimer spontanément sans demander la parole, en est aussitôt empêché par sa voisine. Manifestement gêné, il garde le silence jusqu’à la fin de la réunion. Outre les modes d’expression et de communication internes aux organisations, la diffusion publique des prises de position et des actions par les militant·e·s prend la forme classique de communiqués à la presse écrite et électronique locale et nationale privée, de publications sur les réseaux sociaux et d’interventions dans les médias étrangers (presse, radio, télévision).

    24Les réunions et les échanges qui s’y expriment témoignent aussi des préoccupations et des revendications auxquelles les militant·e·s sont habituellement attaché·e·s selon les types d’engagement et les types d’organisation dans lesquelles ils·elles sont engagé·e·s. Les membres d’organisations principalement tournées vers la défense des droits humains rappellent la nécessité de garantir « le respect des droits fondamentaux » et « l’adhésion aux protocoles internationaux sans réserve ». C’est un membre d’un syndicat autonome qui ajoute au débat la question des « libertés syndicales ». Et ce sont des militantes féministes qui demandent à ce que soient mentionnés dans le texte final « l’égalité des sexes », « le respect des droits des femmes » et « l’abrogation du Code de la famille ». Enfin, la « liberté de culte », la « séparation entre le religieux et le politique », la « laïcité » sont présentées comme des impératifs à défendre par des militant·e·s se mobilisant déjà sur ces questions depuis plusieurs années. Le contenu des revendications est étroitement lié aux engagements militants des un·e·s et des autres – rappelant d’ailleurs la pluralité de ces derniers. Des appréhensions et des peurs communément partagées dans les milieux militants ressortent également. Elles apparaissent déterminantes dans l’anticipation que les acteur·rice·s font des intentions et des coups des autres protagonistes.

    25La première crainte commune que l’on peut mentionner est celle de la répression et, plus largement, de la réaction des autorités. Les militant·e·s réuni·e·s au siège du PST la veille d’une manifestation de vendredi hésitent sur l’endroit et le moment de leur rendez-vous pour se retrouver : à la Grande Poste ou Place du 1er mai, avant ou après la prière. Pour chaque possibilité sont anticipés la présence policière et les risques que celle-ci pourrait impliquer pour se rassembler. Les militant·e·s appréhendent une potentielle action répressive alors que jusqu’à présent, si la police est fortement présente dans les rues de la capitale, les arrestations semblent plutôt avoir lieu à la fin des marches ou sur les lieux proches de la résidence présidentielle. En mars, quelques heures avant le début d’une marche de vendredi, je croise un groupe de militants devant la Grande Poste où une centaine de manifestant·e·s, plutôt jeunes, sont déjà rassemblé·e·s. L’un d’entre eux semble préoccupé, sans raison apparente ou évidente de mon point de vue. Quand je lui demande comment il « sent » la marche d’aujourd’hui, il répond : « Il faut être vigilant aujourd’hui… J’ai la même sensation que le 14 juin [2001]. J’ai peur qu’il y ait des débordements et que ça pète ». Le précédent de cette manifestation, qui s’inscrit dans le contexte des protestations du printemps de 2001 parties de Kabylie, qui a été violemment réprimée et que ce militant a vécue, nourrit – ou est en tout cas mobilisé pour exprimer – son anticipation et sa crainte de la possibilité d’une répression. Cette appréhension de la répression policière ressort également lors des directions que prennent les militant·e·s pendant les manifestations. Lorsqu’un vendredi, le barrage de policiers placé à la sortie du tunnel des facultés pour empêcher que les manifestant·e·s ne se dirigent vers le siège de la présidence, cède face à la pression populaire, les militant·e·s avec lesquel·le·s je marche ne veulent pas suivre le flux de manifestant·e·s qui empruntent en nombre et avec exaltation le boulevard Mohammed V : « Ça risque de chauffer, mieux vaut attendre un peu » m’explique Nassim, militant d’une trentaine d’années. Lorsqu’il se tourne interrogatif vers ses camarades situés à quelques mètres, l’un d’entre eux déclare catégorique : « Ça ne sert à rien d’aller à la présidence, on n’y va pas. Ils empêchent, donc ce n’est pas la peine d’insister ». L’anticipation de potentielles altercations avec la police conduit ainsi ces militant·e·s à éviter les abords de la présidence et à se rediriger vers la Grande Poste. Dans la foulée de cette bifurcation dans le trajet de la manifestation, Nassim me rappelle que les violences policières perpétrées pendant les protestations de 2001 l’ont profondément marqué et que pour lui « les slogans de bienveillance avec la police, ce n’est juste pas possible. Je ne pourrai jamais être d’accord avec ça ». L’anticipation des réponses répressives possibles est étroitement liée aux expériences passées de confrontation avec les autorités vécues et/ou héritées par les militant·e·s. Elle façonne leurs manières de voir la situation présente et d’agir dans cette situation. On peut observer ici la reproduction d’une autolimitation caractéristique des modes d’action privilégiés dans l’espace oppositionnel institutionnalisé qui consiste à contester dans des « formes acceptables », « autorisées ». La définition de ces formes repose sur l’estimation par les militant·e·s « de ce que les autorités sont susceptibles de tolérer26 ». Les configurations répressives et autoritaires qui se succèdent depuis l’indépendance dans lesquelles les oppositions se sont construites et institutionnalisées ont produit des effets durables sur les engagements et les pratiques protestataires toujours observables à l’heure du soulèvement.

    26Les appels à « être vigilant », « prudent » et à « se méfier du pouvoir » revenus de manière récurrente dans les propos des enquêté·e·s – en entretien et lors des observations – sont souvent accompagnés de l’expression d’une peur du « chaos ». Celle-ci ressort à plusieurs reprises lors de la réunion du 16 mars au siège de l’association RAJ : « le départ du régime entraîne un risque de désordre » ; « il faut éviter le vide » ; « il faut éviter les dérapages » ; « on doit protéger le pays ». Ces expressions ponctuent les interventions des militant·e·s ; elles viennent en quelque sorte justifier l’initiative, voire la nécessité, de s’organiser et de proposer une alternative. Les expériences de contre-révolution et de guerre civile qui ont suivi les révolutions de 2011 sont parfois évoquées, un intervenant déclare par exemple : « on n’est pas à l’abri d’un scénario à l’égyptienne ». L’appréhension d’un désordre qui entraînerait une guerre et profiterait à l’armée est aussi évidemment liée à l’histoire des années 1990. Les expériences vécues et héritées de cette période fonctionnent comme un repoussoir et imprègnent les définitions que les militant·e·s font de la situation présente ainsi que leurs anticipations des coups que joueront les autres protagonistes, principalement l’armée et les islamistes. Un des organisateur·rice·s de la réunion, militant d’une cinquantaine d’années de la LADDH, déclare ainsi lors de la même réunion : « Il faut une transition sécurisée et éviter l’expérience des années 1990. C’est pour ça qu’il faut une assemblée préalable qui mette des garde-fous. Et éviter d’avoir une constituante avec une majorité d’islamistes ». Les positions, les stratégies et les modes d’action à adopter sont ainsi travaillés par les positionnements et les bilans de mobilisations passées. Mais il s’agit aussi pour les acteur·rice·s de l’opposition institutionnalisée de se distinguer et de s’imposer comme acteur·rice·s légitimes de la contestation.

    « Être dans le mouvement », l’« accompagner » ou l’« encadrer » : variations militantes

    27Si les militant·e·s rencontré·e·s s’accordent sur la nécessité de se réunir pour échanger et « agir ensemble », les points de vue divergent sur les modalités de ce rassemblement : avec qui, pour quels objectifs, sous quelle forme, dans quel cadre, selon quelles étapes, etc. Ces questions sont soulevées et donnent lieu à des propositions de réponse variées. Elles s’articulent principalement autour d’un enjeu principal : celui qui consiste à se présenter et à définir son rôle par rapport à ce qui est en train de se passer dans le pays et, en particulier, dans la rue. La place des acteur·rice·s organisé·e·s de la contestation dans les mobilisations, qui est régulièrement questionnée dans les débats journalistiques et universitaires depuis le début du soulèvement, se pose de manière à la fois saillante et problématique pour les premier·ère·s concerné·e·s. Pris·es dans la dynamique propre de l’événement, les militant·e·s se livrent à un travail individuel et collectif de réflexivité qui consiste à donner du sens à ce qu’ils·elles sont en train de vivre et à définir leur position dans un espace protestataire profondément bouleversé.

    28Ce travail se traduit d’abord par des prises de parole sur les expériences et les manières de faire antérieures. Celles-ci apparaissent plus ou moins critiques selon les militant·e·s. Certain·e·s n’hésitent pas à parler d’échec. Samia, militante féministe d’une quarantaine d’années, affirme par exemple au cours de la réunion des collectifs de la société civile : « Nous avons échoué : on n’est pas des mobilisateurs ». Un autre intervenant, membre d’une association socio-culturelle algéroise, met en garde l’assistance : « Il ne faut pas reproduire les mêmes erreurs, il faut ouvrir les mouvements, ne pas se couper des jeunes des quartiers populaires ». Sur un point plus précis, une militante de l’association SOS Disparus d’environ quarante ans confie, avant le début de la réunion, à ses camarades sa « cécité par rapport aux mobilisations étudiantes » et se dit « curieuse de savoir comment ils s’organisent ». La distance vis-à-vis d’autres formes et d’autres acteur·rice·s protestataires, en dehors des milieux militants, est ainsi mise en avant pour être dépassée. D’autres militant·e·s insistent davantage sur le fait que le mouvement de contestation en cours découle des luttes antérieures. « Tout ça, c’est le résultat de dizaines d’années de luttes menées par les militants », déclare le président de l’association RAJ dans son discours d’ouverture de la réunion. En réaction aux prises de parole plutôt critiques, un autre militant d’une cinquantaine d’années connu pour son activisme répond fermement dans son intervention : « On n’a pas échoué, il faut arrêter de s’auto-flageller. C’est un mouvement qui a mûri, qui est la somme de toutes nos expériences ».

    29D’autres variations apparaissent dans les propos collectés autour des positions à adopter vis-à-vis des mobilisations populaires. Il en ressort une tension entre l’affirmation d’avoir un rôle à jouer et le souci de ne pas être accusé de « récupérer » le mouvement. S’organiser constitue pour certain·e·s un impératif en vue d’« encadrer » les protestations. Une syndicaliste de l’enseignement secondaire d’environ 60 ans explique :

    « Il faut une organisation, un encadrement sinon ça va partir en émeutes. C’est la responsabilité des organisations de la société civile. C’est notre responsabilité. C’est une nouvelle indépendance ces mobilisations, mais il faut encadrer ces jeunes. Beaucoup sont là pour se défouler et ne savent pas ce qu’ils veulent. Et il faut encadrer aussi, car ça peut dériver à tout moment. Les gens du pouvoir sont de fins psychologues. »

    30Cette militante résume sa lecture de la situation lors de la réunion organisée quelques jours plus tard au siège de l’association RAJ : « On doit encadrer toutes ces énergies pour porter leur voix plus haut et faire aboutir les revendications ». Donner du sens, un cadre et un but au mouvement de contestation apparaît ainsi au cœur des perceptions que les militant·e·s ont de leur propre rôle. Cela est particulièrement frappant dans les propos que tiennent les participant·e·s à la réunion des « dynamiques de la société civile ». Quand Mokrane, militant (32 ans) de l’association RAJ me fait part de la tenue de cette réunion quelques jours plus tôt, il m’explique dans la même phrase : « Tu comprends, il faut que la société civile s’organise, qu’elle réfléchisse à une feuille de route pour accompagner le mouvement ». L’objet affiché de cette réunion est en effet de discuter autour d’une « feuille de route alternative de transition ». C’est ainsi que le président de RAJ ouvre la réunion : « On est là – poursuit-il – pour discuter autour d’un projet de sortie de crise avec l’idée de constituer un gouvernement de transition avec des représentants de la société civile ». Le vice-président de la LADDH, qui a également activement contribué à l’organisation de cette réunion, défend cette position :

    « La volonté du peuple doit être respectée, mais il faut avoir le courage de porter les mots de la rue. On doit contribuer au mouvement, c’est notre devoir en tant qu’acteur de la société civile. On n’aspire pas à prendre le pouvoir, mais à être acteur à part entière du mouvement. On doit offrir une solution de sortie de crise pour protéger le pays. […] On ne prétend pas représenter la société. On est des dynamiques de la société, on a une vision. On est une partie de ce mouvement. On doit faire des propositions. »

    31Dans une intervention ultérieure, le même enquêté insiste de nouveau : « On doit peser dans la transition, se faire entendre et se poser comme interlocuteurs. On doit s’imposer comme contre-pouvoir ». Ces propos viennent en fait justifier une position et une ligne directrice qui semblent principalement portées par les militant·e·s qui ont initié cette rencontre et qui se heurtent, au fil de la réunion, à des réceptions mitigées à l’image de celle d’un militant d’environ trente ans particulièrement actif dans un collectif de médecins résidents en 2018, qui avertit par exemple : « On risque d’être accusé de faire notre cuisine ensemble. Les marches doivent nous pousser à reconsidérer certaines choses ». L’intervention d’une militante féministe d’une vingtaine d’années va également dans ce sens et interpelle ainsi les participant·e·s : « Le peuple dit “dégage” et nous on parle de négocier. On risque d’être autant rejeté que le système ». « Nous sommes le peuple » ou « à l’avant-garde », c’est ainsi que semblent pouvoir se résumer les manières dont les militant·e·s perçoivent et énoncent leur place dans le mouvement protestataire. L’hypothèse d’une différence générationnelle peut ici être avancée. Les militant·e·s les plus jeunes, pas forcément en âge, mais en termes d’expérience protestataire, sont en effet celles et ceux qui expriment le plus leur réticence à engager un dialogue ou une transition impliquant de négocier avec les gouvernants en place. Davantage tourné·e·s vers les mobilisations, leur attachement à la crédibilité et la cohérence avec la dynamique protestataire semblent l’emporter sur les actions tactiques et politiques envisagées par leurs aîné·e·s. Cette différence d’ordre générationnel se double d’une divergence politique. Les militant·e·s en question sont aussi les plus radicaux·les, notamment – mais pas uniquement –, celles et ceux qui sont engagé·e·s dans la lutte pour l’égalité homme/femme. On peut enfin émettre l’hypothèse d’une différence en termes d’appartenance sociale ou du moins d’ancrage dans la société, les militant·e·s les plus jeunes et les plus radicaux·les s’inscrivant davantage que celles et ceux plus anciennement organisé·e·s dans des espaces sociaux ordinaires, non militants.

    32Des divergences s’expriment enfin sur le contenu des revendications à faire apparaître dans la feuille de route. Alors que plusieurs militant·e·s, notamment d’associations féministes, insistent sur l’importance de défendre l’égalité des sexes et la liberté de culte, d’autres participant·e·s expriment leur réticence, voire leur refus, à aborder ces questions. Un intervenant, militant d’un syndicat autonome, affirme ainsi : « Le meilleur moyen pour diviser un groupe c’est de parler de religion et des femmes : ce sont des revendications légitimes, mais ce n’est pas opportun pour l’instant. Si on veut fédérer au maximum, on doit éviter les questions clivantes ». « Ce n’est pas le moment de rentrer dans les questions idéologiques : il faut rassembler, ne pas être clivant » ; « On ne va pas pinailler sur des choses qui peuvent diviser. On doit se mettre d’accord globalement » ; « Il faut mettre le seuil au minimum pour brasser le plus large possible, et rassembler toutes les tendances » : ces extraits témoignent de l’association qui est faite par de nombreux.ses militant·e·s entre la défense de certaines revendications et les risques de division du mouvement. Bien que soutenue pendant la réunion, dénoncée comme un « tabou à casser » et finalement intégrée au texte final, l’égalité homme/ femme est euphémisée dans les déclarations collectivement signées et fait partie des revendications laissées au second plan dans les initiatives collectives – dépassant les réseaux féministes – émanant de l’espace oppositionnel institué. L’égalité des sexes et la séparation du religieux et du politique sont des revendications autour desquelles achoppent les tentatives ultérieures de coordinations plus larges, les collectifs y étant attachés s’en retirant face à leur mise à l’écart.

    33Dans le soulèvement populaire qui bouleverse massivement les routines des Algérien·ne·s, les organisations militantes de l’opposition étudiées ne sont pas en reste : l’espace des possibles s’ouvre et le quotidien des militant·e·s, plutôt morose en temps ordinaire, s’emplit de l’effervescence et de la dynamique révolutionnaires qui débordent de la rue. Les militant·e·s font partie du mouvement protestataire. Ils·elles contribuent à en dessiner les contours en marchant, en chantant, en arborant leurs banderoles et leurs pancartes parmi les manifestant·e·s, en réinventant leurs modes d’action et en s’engageant dans des initiatives d’organisation et de coordination collectives. Les possibilités qu’offre ce moment protestataire extraordinaire – et les recompositions dans les institutions gouvernantes qu’il entraîne rapidement – sont perçues par les militant·e·s organisé·e·s comme l’occasion de jouer de nouveaux coups. En même temps, l’incertitude qui lui est inhérente les conduit à se replier sur leurs habitus27, hérités du temps long des contestations. De l’enquête réalisée au printemps 2019, il ressort que les formes militantes d’action et d’organisation contestataires ne sont pas d’emblée bouleversées en profondeur. Des réflexions et des débats – parfois conflictuels – ont lieu autour des modalités que doivent prendre l’organisation et le contenu de la mobilisation dans un contexte aussi inédit. Cependant, malgré les contrastes et les subtilités observables dans les collectifs militants, la puissance mobilisatrice du soulèvement populaire ne transforme que marginalement les logiques organisationnelles habituelles qui semblent en fait davantage dominées, jusqu’à présent, par un objectif d’encadrement des mobilisations et d’organisation de la transition que par une logique de débordement révolutionnaire.

    Encadré 3 : « L’archive des luttes des femmes en Algérie », par Leyla Dakhli
    Le projet participatif de récolte d’archives des luttes féministes et féminines en Algérie est une des modalités de la lutte en cours sur le territoire algérien. À un moment où l’histoire, sous de multiples formes, est mobilisée par les marcheuses et les marcheurs, mais aussi instrumentalisée par le pouvoir, les chercheuses Awel Haouati et Saadia Gacem ont souhaité réactualiser les traces de luttes anciennes pour, comme elles le disent les « ramener à la vie28 ». Elles conçoivent ce mouvement d’archivage comme un acte politique qui, loin de consigner et de remettre à sa place le passé, le réinvestit et permet aux militant·e·s d’aujourd’hui de se situer dans le prolongement de combats anciens. Elles se conçoivent comme des re-tisseuses de lien.
    Ce re-tissage s’opère d’abord par un double mouvement de sollicitation pour la collecte et de restitution par la numérisation et la mise en circulation d’une partie au moins des « trouvailles ». Les deux chercheuses retrouvent des militantes, numérisent les traces conservées par ces militantes, les donnent à voir via les réseaux sociaux. Cette restitution provoque à son tour d’autres « dons » ou d’autres invitations à visiter des archives privées.
    Le re-tissage s’opère aussi par la réflexion qu’elles mènent dans le même temps sur la vie de ces archives et sur la vie de leurs détentrices et productrices. En retraçant l’itinéraire suivi par la documentation, en documentant à travers des entretiens le lien qui unit les détentrices avec ces objets du passé, elles rendent compte de circulations conscientes et inconscientes d’une mémoire des luttes.
    Enfin, elles opèrent une nouvelle action qui relève du soin, du care, elles aident à remettre en ordre et en sens, à préserver et à conserver des matériaux qui sont souvent fragiles, parce qu’anciens, mais aussi parce que produits dans des conditions précaires : affiches, photographies, journaux, notes éparses retrouvent un sens en se liant et en se connectant dans une histoire parcellaire et pointilliste des féminismes et des mouvements féminins algériens.
    Mais c’est aussi bien sûr à la lumière du présent que cette collecte trouve sa cohérence et s’impose comme un fonds d’archive des luttes contemporaines et un support pour la résistance en cours. Elles le conçoivent comme un projet critique et documentaire, qui « entend participer à la reconstruction d’un lien entre les luttes du passé et celles du présent ». Dans cette perspective, le combat féminin et féministe a une place particulière puisqu’il est d’évidence celui que l’État algérien a abandonné dès sa constitution en État indépendant, renvoyant les combattantes de l’émancipation nationale à des rôles subalternes une fois l’indépendance acquise. La reprise de l’histoire par l’histoire des femmes est ainsi une manière de souligner cette trahison dans le cadre de ce qui est vécu comme une reprise des luttes et un « achèvement de l’indépendance » algérienne. À cela, il faut ajouter que l’archive du féminisme permet d’établir un lien entre le politique et le privé. Ces archives sont conservées chez des femmes ou chez leurs descendant·e·s, elles sont collectées dans cet écrin. Elles relatent aussi une histoire de la politique qui est au plus près des corps et des histoires familiales et intimes, qu’elles touchent à lutte contre le Code de la famille ou à celle des familles de disparus.

    Notes de bas de page

    1  Naoual Belakhdar, 2015, « “L’éveil du Sud” ou quand la contestation vient de la marge. Une analyse du mouvement des chômeurs algériens », Politique africaine, vol. 137, n° 1, p. 27-48.

    2  Dans le cadre et grâce au soutien de l’ERC DREAM.

    3  Frédéric Vairel, 2014, Politique et mouvements sociaux au Maroc : la révolution désamorcée ?, Paris, Presses de Sciences Po.

    4  Lilian Mathieu, 2007, « L’espace des mouvements sociaux », Politix, vol. 77, n° 1, p. 146.

    5  Hormis à l’Université où les militant·e·s des deux tendances se côtoient et s’affrontent, les expériences de mobilisation et les milieux de sociabilité des uns et des autres sont distincts.

    6  Boris Gobille, 2008, « L’événement mai 68 : pour une sociohistoire du temps court », Annales. Histoire, Sciences Sociales, 63e année, n° 2, p. 324.

    7  Choukri Hmed, Laurent Jeanpierre, 2016, « Révolutions et crises politiques au Maghreb et au Machrek », dans Choukri Hmed, Laurent Jeanpierre (dir.), « Révolutions et crises politiques. Maghreb/Machrek », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 211-212, n° 1-2, p. 12.

    8  Mercredi 13 mars, ce sont par exemple des enseignant·e·s qui manifestent. Le lendemain, un rassemblement d’une centaine de personnes en situation de handicap se tient devant la Grande Poste.

    9  RAJ est une association créée en 1993 dont les activités à dominante sociale et culturelle sont destinées aux jeunes. L’association est connue pour son opposition au régime en place. Ses membres ont été particulièrement actif·ve·s pendant les années 1990. L’association est pleinement insérée dans l’espace oppositionnel et agit depuis sa création avec d’autres groupes militants. Elle est aussi solidement intégrée dans des réseaux d’associations transnationaux tels que le Forum social maghrébin.

    10  Entretien avec le président de l’association RAJ, mars 2019.

    11  Depuis 2017, les membres de l’association ont développé leur web radio libre : « Radio RAJ : Voix de jeunes ». En plus des subventions publiques, c’est en répondant à des appels à projets de bailleurs de fonds internationaux que l’association parvient à rassembler des financements suffisants pour organiser ses activités.

    12  Depuis sa création, l’association organise par exemple chaque année un rassemblement pour commémorer le 5 octobre 1988 malgré les arrestations préventives et la répression qui l’accompagnent et en limitent la tenue quasi systématiquement.

    13  Sont ainsi présents : la LADDH, Djazaïrouna, SOS Disparus, le réseau Wassila, Thawra N’Fadhma N’Soumeur, le SATEF (Syndicat autonome des travailleurs de l’éducation et de la formation), le SNAPEST (Syndicat national des professeurs de l’enseignement secondaire et technique), le SNAP (Syndicat national autonome des postiers), le CNES (Conseil national des enseignants du supérieur), le SNAPAP (Syndicat national autonome des personnels de l’administration publique), SOS Culture Bab el Oued et le CNDDC (Comité national pour la défense des droits des chômeurs).

    14  On parle communément en Algérie des syndicats dits « autonomes » pour désigner les organisations syndicales indépendantes de l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA), ancienne « organisation de masse » du Front de libération nationale (FLN) sous le régime de parti unique (1962-1989). À la différence de l’UGTA, qui est associée aux dispositifs de concertation bipartite avec le gouvernement et tripartite avec, en plus, les organisations patronales, les autres syndicats, bien qu’agréés (depuis la reconnaissance constitutionnelle du pluralisme syndical en 1990), demeurent exclus de ces rencontres. S’ils se mobilisent essentiellement pour des revendications socio-professionnelles, des syndicats autonomes inscrivent aussi leur action dans une perspective d’opposition plus large, pouvant mettre directement en cause le pouvoir en place. Pour plus d’éléments sur les syndicats autonomes, voir infra dans cet ouvrage le chapitre de Siham Beddoubia ainsi que Siham Beddoubia, 2019, « Les syndicats autonomes en Algérie, initiateurs des luttes démocratiques ? », Confluences Méditerranée, vol. 111, n° 4, p. 119-134 ; Nacer Djabi et al., 2020, Travail et justice sociale. Les syndicats en Algérie : histoire, état des lieux et scénarios, Alger, Friedrich Ebert Stiftung [En ligne : http://library. fes.de/pdf-files/bueros/algerien/15980.pdf].

    15  Pour rappel, en janvier 2011, après une hausse significative des prix du sucre et de l’huile, des milliers de jeunes expriment leur mécontentement dans les rues des principales villes du pays. Avant la chute du président tunisien, les morts, les blessés et les arrestations résultant des affrontements violents entre protestataires et forces de police provoquent l’indignation. Les places et les rues d’Alger sont pendant plusieurs mois la scène de rassemblements, de sit-in, de grèves et de marches de citoyen·ne·s en colère. Pour plus de détails, voir Layla Baamara, 2016, « L’écart difficile aux routines contestataires dans les mobilisations algériennes de 2011 », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 211-212, no1-2, p. 109-125.

    16  Loi nº 12-06 du 12 janvier 2012 relative aux lois sur les associations.

    17  Voir EuroMeds Droits, 2015, « Mémorandum – Analyse de la loi n° 12-06 du 12 janvier 2012 relative aux droits sur associations », Euromedrights.org, 16 février [En ligne : https://euromedrights.org/fr/publication/memorandum-analyse-de-la-loi-no12-06-du-12-janvier-2012-relative-aux-lois-sur-les-associations/]. Cette loi introduit pour les associations l’obligation d’obtenir un accord préalable des autorités pour se constituer. Elle réduit également leurs possibilités de financement en imposant l’encadrement des dons et legs d’associations étrangères dans des « relations de coopération dument établies ». L’accord préalable des autorités est par ailleurs nécessaire pour tout partenariat avec des associations étrangères et des ONG. Enfin, les modalités de suspension et de dissolution des associations tendent à renforcer le contrôle des autorités administratives. Une association peut par exemple être suspendue ou dissoute sur simple décision administrative « en cas d’ingérence dans les affaires internes du pays ou d’atteinte à la souveraineté nationale » (articles 39, 63, 65 et 67 de la loi no12-06). Ce collectif faisait encore paraître un communiqué à propos de cette loi en janvier 2019 : LADDH, 2019, « Pour une nouvelle loi sur les associations : communiqué du collectif des associations algériennes », laddh.org, 11 janvier [En ligne : http://www.droits-laddh.org/pour-une-nouvelle-loi-sur-les-associations-communique-du-collectif-des.html?lang=fr].

    18  Sur la sociologie du militantisme et de la contestation en Algérie : voir, entre autres, Myriam Aït Aoudia, 2013, « La genèse d’une mobilisation partisane : continuités et politisation du militantisme caritatif et religieux au sein du FIS », Politix, vol. 102, n° 2, p. 129-146 ; Layla Baamara, 2017, La contestation institutionnalisée. Sociologie d’un parti d’opposition en contexte autoritaire. Le cas du Front des forces socialistes algérien, thèse de doctorat de science politique, Aix-en-Provence, IEP d’Aix-en-Provence.

    19  La LADDH et des partis politiques dont le FFS, le Front islamique du salut (FIS), le FLN, Ennahda ont signé à l’issue d’une rencontre à Rome la plateforme dite de Sant’Egidio, le 13 janvier 1995, qui visait à proposer une solution négociée pour mettre fin à la guerre et à poser les conditions d’un retour à la légalité constitutionnelle et à la souveraineté populaire.

    20  En 2000, le président de la LADDH, Abdennour Ali Yahia, la présidente du Parti des travailleurs (PT) Louisa Hanoune et le dirigeant du FIS Mourad Dhina ont par exemple participé à un colloque organisé à Genève par l’Institut Hoggar auquel étaient également conviés des universitaires algérien·ne·s. En 2008, un événement du même type organisé par la Fondation Cordoue sur les « perspectives de changement politique en Algérie » a rassemblé universitaires, journalistes et personnalités politiques avec parmi eux·elles des membres ou sympathisant·e·s d’organisations militantes islamistes et de gauche.

    21  La principale branche des Frères musulmans en Algérie représentée alors par Mahfoud Nahnah et son parti Hamas, la principale organisation communiste issue du Parti de l’avant-garde socialiste (PAGS) représentée alors par Ettahadi et son leader El Hachemi Chérif ainsi que le RCD – un parti issu du mouvement pour la cause berbère –, ont par exemple pris position contre le FIS et soutenu l’armée. Tandis que les dirigeants du FFS et du FIS ont dialogué pour trouver une solution politique de sortie de crise et dénoncé les violences militaires. Les uns ont été qualifiés dans les médias d’« éradicateurs » et les autres de « dialoguistes » ou de « réconciliateurs ».

    22  On peut mentionner la participation du RCD, du Mouvement de la société pour la paix (MSP), d’Ennahda, du Front pour la justice et le développement (FJD), de Jil Jadid. La coordination a pris fin en 2017.

    23  Des dirigeant·e·s de partis politiques tel·le·s que Saïd Sadi (ancien dirigeant du RCD) ou Louisa Hanoune (secrétaire générale du PT) sont hué·e·s par des manifestant·e·s lors des premières marches. Les deux organisations ont en commun d’avoir – à des moments différents et pour des durées et des raisons certes contrastées – soutenu le pouvoir en place.

    24  Parmi lesquels le RCD, le FFS, le PT, le PST, l’Union pour le changement et le progrès (UCP), le Parti pour la laïcité et la démocratie (PLD).

    25  Le PST est créé en 1989 par les militant·e·s du Groupe communiste révolutionnaire (GCR), formé en 1974 par des syndicalistes et des étudiant·e·s. Le parti est actuellement dirigé par Mahmoud Rechidi.

    26  Frédéric Vairel, 2018, « Les formes autolimitées de l’action collective : sur le fonctionnement de l’espace protestataire marocain », dans Brigitte Gaïti, Johanna Siméant (dir.), La consistance des crises. Autour de Michel Dobry, Rennes, Presses universitaires de Rennes, p. 266.

    27  Boris Gobille, 2008, op. cit., p. 346 ; Choukri Hmed, Laurent Jeanpierre, 2016, op. cit., p. 21.

    28  Entretien sur le blog Fotota, 2019, « Archives des luttes des femmes en Algérie – Entretien avec Awel Haouati et Saadia Gacem », fotota.hypotheses.org, 27 octobre [En ligne : https://fotota.hypotheses.org/7281].

    Auteur

    • Layla Baamara

      Sociologue du politique, spécialiste de l’engagement, de l’action collective et des mobilisations protestataires en Algérie. Chercheuse associée à Sciences Po Aix (CHERPA) et à l’université de Rouen Normandie (DySoLab), elle a notamment co-dirigé (avec Camille Floderer et Marine Poirier) l’ouvrage Faire campagne, ici et ailleurs. Mobilisations électorales et pratiques politiques ordinaires aux éditions Karthala (2016).

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    1  Naoual Belakhdar, 2015, « “L’éveil du Sud” ou quand la contestation vient de la marge. Une analyse du mouvement des chômeurs algériens », Politique africaine, vol. 137, n° 1, p. 27-48.

    2  Dans le cadre et grâce au soutien de l’ERC DREAM.

    3  Frédéric Vairel, 2014, Politique et mouvements sociaux au Maroc : la révolution désamorcée ?, Paris, Presses de Sciences Po.

    4  Lilian Mathieu, 2007, « L’espace des mouvements sociaux », Politix, vol. 77, n° 1, p. 146.

    5  Hormis à l’Université où les militant·e·s des deux tendances se côtoient et s’affrontent, les expériences de mobilisation et les milieux de sociabilité des uns et des autres sont distincts.

    6  Boris Gobille, 2008, « L’événement mai 68 : pour une sociohistoire du temps court », Annales. Histoire, Sciences Sociales, 63e année, n° 2, p. 324.

    7  Choukri Hmed, Laurent Jeanpierre, 2016, « Révolutions et crises politiques au Maghreb et au Machrek », dans Choukri Hmed, Laurent Jeanpierre (dir.), « Révolutions et crises politiques. Maghreb/Machrek », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 211-212, n° 1-2, p. 12.

    8  Mercredi 13 mars, ce sont par exemple des enseignant·e·s qui manifestent. Le lendemain, un rassemblement d’une centaine de personnes en situation de handicap se tient devant la Grande Poste.

    9  RAJ est une association créée en 1993 dont les activités à dominante sociale et culturelle sont destinées aux jeunes. L’association est connue pour son opposition au régime en place. Ses membres ont été particulièrement actif·ve·s pendant les années 1990. L’association est pleinement insérée dans l’espace oppositionnel et agit depuis sa création avec d’autres groupes militants. Elle est aussi solidement intégrée dans des réseaux d’associations transnationaux tels que le Forum social maghrébin.

    10  Entretien avec le président de l’association RAJ, mars 2019.

    11  Depuis 2017, les membres de l’association ont développé leur web radio libre : « Radio RAJ : Voix de jeunes ». En plus des subventions publiques, c’est en répondant à des appels à projets de bailleurs de fonds internationaux que l’association parvient à rassembler des financements suffisants pour organiser ses activités.

    12  Depuis sa création, l’association organise par exemple chaque année un rassemblement pour commémorer le 5 octobre 1988 malgré les arrestations préventives et la répression qui l’accompagnent et en limitent la tenue quasi systématiquement.

    13  Sont ainsi présents : la LADDH, Djazaïrouna, SOS Disparus, le réseau Wassila, Thawra N’Fadhma N’Soumeur, le SATEF (Syndicat autonome des travailleurs de l’éducation et de la formation), le SNAPEST (Syndicat national des professeurs de l’enseignement secondaire et technique), le SNAP (Syndicat national autonome des postiers), le CNES (Conseil national des enseignants du supérieur), le SNAPAP (Syndicat national autonome des personnels de l’administration publique), SOS Culture Bab el Oued et le CNDDC (Comité national pour la défense des droits des chômeurs).

    14  On parle communément en Algérie des syndicats dits « autonomes » pour désigner les organisations syndicales indépendantes de l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA), ancienne « organisation de masse » du Front de libération nationale (FLN) sous le régime de parti unique (1962-1989). À la différence de l’UGTA, qui est associée aux dispositifs de concertation bipartite avec le gouvernement et tripartite avec, en plus, les organisations patronales, les autres syndicats, bien qu’agréés (depuis la reconnaissance constitutionnelle du pluralisme syndical en 1990), demeurent exclus de ces rencontres. S’ils se mobilisent essentiellement pour des revendications socio-professionnelles, des syndicats autonomes inscrivent aussi leur action dans une perspective d’opposition plus large, pouvant mettre directement en cause le pouvoir en place. Pour plus d’éléments sur les syndicats autonomes, voir infra dans cet ouvrage le chapitre de Siham Beddoubia ainsi que Siham Beddoubia, 2019, « Les syndicats autonomes en Algérie, initiateurs des luttes démocratiques ? », Confluences Méditerranée, vol. 111, n° 4, p. 119-134 ; Nacer Djabi et al., 2020, Travail et justice sociale. Les syndicats en Algérie : histoire, état des lieux et scénarios, Alger, Friedrich Ebert Stiftung [En ligne : http://library. fes.de/pdf-files/bueros/algerien/15980.pdf].

    15  Pour rappel, en janvier 2011, après une hausse significative des prix du sucre et de l’huile, des milliers de jeunes expriment leur mécontentement dans les rues des principales villes du pays. Avant la chute du président tunisien, les morts, les blessés et les arrestations résultant des affrontements violents entre protestataires et forces de police provoquent l’indignation. Les places et les rues d’Alger sont pendant plusieurs mois la scène de rassemblements, de sit-in, de grèves et de marches de citoyen·ne·s en colère. Pour plus de détails, voir Layla Baamara, 2016, « L’écart difficile aux routines contestataires dans les mobilisations algériennes de 2011 », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 211-212, no1-2, p. 109-125.

    16  Loi nº 12-06 du 12 janvier 2012 relative aux lois sur les associations.

    17  Voir EuroMeds Droits, 2015, « Mémorandum – Analyse de la loi n° 12-06 du 12 janvier 2012 relative aux droits sur associations », Euromedrights.org, 16 février [En ligne : https://euromedrights.org/fr/publication/memorandum-analyse-de-la-loi-no12-06-du-12-janvier-2012-relative-aux-lois-sur-les-associations/]. Cette loi introduit pour les associations l’obligation d’obtenir un accord préalable des autorités pour se constituer. Elle réduit également leurs possibilités de financement en imposant l’encadrement des dons et legs d’associations étrangères dans des « relations de coopération dument établies ». L’accord préalable des autorités est par ailleurs nécessaire pour tout partenariat avec des associations étrangères et des ONG. Enfin, les modalités de suspension et de dissolution des associations tendent à renforcer le contrôle des autorités administratives. Une association peut par exemple être suspendue ou dissoute sur simple décision administrative « en cas d’ingérence dans les affaires internes du pays ou d’atteinte à la souveraineté nationale » (articles 39, 63, 65 et 67 de la loi no12-06). Ce collectif faisait encore paraître un communiqué à propos de cette loi en janvier 2019 : LADDH, 2019, « Pour une nouvelle loi sur les associations : communiqué du collectif des associations algériennes », laddh.org, 11 janvier [En ligne : http://www.droits-laddh.org/pour-une-nouvelle-loi-sur-les-associations-communique-du-collectif-des.html?lang=fr].

    18  Sur la sociologie du militantisme et de la contestation en Algérie : voir, entre autres, Myriam Aït Aoudia, 2013, « La genèse d’une mobilisation partisane : continuités et politisation du militantisme caritatif et religieux au sein du FIS », Politix, vol. 102, n° 2, p. 129-146 ; Layla Baamara, 2017, La contestation institutionnalisée. Sociologie d’un parti d’opposition en contexte autoritaire. Le cas du Front des forces socialistes algérien, thèse de doctorat de science politique, Aix-en-Provence, IEP d’Aix-en-Provence.

    19  La LADDH et des partis politiques dont le FFS, le Front islamique du salut (FIS), le FLN, Ennahda ont signé à l’issue d’une rencontre à Rome la plateforme dite de Sant’Egidio, le 13 janvier 1995, qui visait à proposer une solution négociée pour mettre fin à la guerre et à poser les conditions d’un retour à la légalité constitutionnelle et à la souveraineté populaire.

    20  En 2000, le président de la LADDH, Abdennour Ali Yahia, la présidente du Parti des travailleurs (PT) Louisa Hanoune et le dirigeant du FIS Mourad Dhina ont par exemple participé à un colloque organisé à Genève par l’Institut Hoggar auquel étaient également conviés des universitaires algérien·ne·s. En 2008, un événement du même type organisé par la Fondation Cordoue sur les « perspectives de changement politique en Algérie » a rassemblé universitaires, journalistes et personnalités politiques avec parmi eux·elles des membres ou sympathisant·e·s d’organisations militantes islamistes et de gauche.

    21  La principale branche des Frères musulmans en Algérie représentée alors par Mahfoud Nahnah et son parti Hamas, la principale organisation communiste issue du Parti de l’avant-garde socialiste (PAGS) représentée alors par Ettahadi et son leader El Hachemi Chérif ainsi que le RCD – un parti issu du mouvement pour la cause berbère –, ont par exemple pris position contre le FIS et soutenu l’armée. Tandis que les dirigeants du FFS et du FIS ont dialogué pour trouver une solution politique de sortie de crise et dénoncé les violences militaires. Les uns ont été qualifiés dans les médias d’« éradicateurs » et les autres de « dialoguistes » ou de « réconciliateurs ».

    22  On peut mentionner la participation du RCD, du Mouvement de la société pour la paix (MSP), d’Ennahda, du Front pour la justice et le développement (FJD), de Jil Jadid. La coordination a pris fin en 2017.

    23  Des dirigeant·e·s de partis politiques tel·le·s que Saïd Sadi (ancien dirigeant du RCD) ou Louisa Hanoune (secrétaire générale du PT) sont hué·e·s par des manifestant·e·s lors des premières marches. Les deux organisations ont en commun d’avoir – à des moments différents et pour des durées et des raisons certes contrastées – soutenu le pouvoir en place.

    24  Parmi lesquels le RCD, le FFS, le PT, le PST, l’Union pour le changement et le progrès (UCP), le Parti pour la laïcité et la démocratie (PLD).

    25  Le PST est créé en 1989 par les militant·e·s du Groupe communiste révolutionnaire (GCR), formé en 1974 par des syndicalistes et des étudiant·e·s. Le parti est actuellement dirigé par Mahmoud Rechidi.

    26  Frédéric Vairel, 2018, « Les formes autolimitées de l’action collective : sur le fonctionnement de l’espace protestataire marocain », dans Brigitte Gaïti, Johanna Siméant (dir.), La consistance des crises. Autour de Michel Dobry, Rennes, Presses universitaires de Rennes, p. 266.

    27  Boris Gobille, 2008, op. cit., p. 346 ; Choukri Hmed, Laurent Jeanpierre, 2016, op. cit., p. 21.

    28  Entretien sur le blog Fotota, 2019, « Archives des luttes des femmes en Algérie – Entretien avec Awel Haouati et Saadia Gacem », fotota.hypotheses.org, 27 octobre [En ligne : https://fotota.hypotheses.org/7281].

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    Baamara, L. (2021). 3. « Notre seul rôle, c’est celui de militant ». Devenirs contestataires à l’heure du soulèvement. In A. Allal, L. Baamara, L. Dakhli, & G. Fabbiano (éds.), Cheminements révolutionnaires (1‑). CNRS Éditions. https://doi.org/10.4000/books.editionscnrs.56549
    Baamara, Layla. « 3. “Notre seul rôle, c’est celui de militant”. Devenirs contestataires à l’heure du soulèvement ». In Cheminements révolutionnaires, édité par Amin Allal, Layla Baamara, Leyla Dakhli, et Giulia Fabbiano. Paris: CNRS Éditions, 2021. https://doi.org/10.4000/books.editionscnrs.56549.
    Baamara, Layla. « 3. “Notre seul rôle, c’est celui de militant”. Devenirs contestataires à l’heure du soulèvement ». Cheminements révolutionnaires, édité par Amin Allal et al., CNRS Éditions, 2021, https://doi.org/10.4000/books.editionscnrs.56549.

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    Allal, A., Baamara, L., Dakhli, L., & Fabbiano, G. (éds.). (2021). Cheminements révolutionnaires (1‑). CNRS Éditions. https://doi.org/10.4000/books.editionscnrs.56454
    Allal, Amin, Layla Baamara, Leyla Dakhli, et Giulia Fabbiano, éd. Cheminements révolutionnaires. Paris: CNRS Éditions, 2021. https://doi.org/10.4000/books.editionscnrs.56454.
    Allal, Amin, et al., éditeurs. Cheminements révolutionnaires. CNRS Éditions, 2021, https://doi.org/10.4000/books.editionscnrs.56454.
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