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Les sépultures individuelles campaniformes en France

 | 
Laure Salanova
, 
Yaramila Tcheremissinoff

Première partie. Le Nord

Chapitre III. Les sépultures individuelles campaniformes de Normandie

Cyrille Billard

Texte intégral

1Bien qu’en effectif limité, le corpus des sépultures individuelles campaniformes de Normandie est relativement important en comparaison avec d’autres régions du Bassin parisien. Il comporte cinq sépultures associées à des dépôts campaniformes, auxquelles nous avons ajouté deux sépultures sans attribution certaine au Campaniforme (la sépulture 5 de Léry et la sépulture double de Poses « La Fosse Sulpice », dans le département de l’Eure), ainsi que quatre sites ayant fourni un gobelet campaniforme sans contexte funéraire assuré. Au sein de cet ensemble, la basse vallée de la Seine est la zone géographique ayant livré le plus de sites (5 sur 11 : Léry, Poses, Tourville-la-Rivière), en partie grâce aux opérations menées lors du suivi des carrières d’extraction de granulats (fig. 22).

Fig. 22 — Les sépultures individuelles campaniformes de Normandie. Carte de répartition des sites étudiés.

Fig. 22 — Les sépultures individuelles campaniformes de Normandie. Carte de répartition des sites étudiés.

Léry « Les petits prés » et « le chemin des vignes » (Eure)

2Cinq sépultures individuelles ont été étudiées par E. Mantel, durant l’hiver 1985-1986, dans la Boucle du Vaudreuil (Mantel et al., 1991), à l’emplacement d’un site daté de la fin de l’âge du Fer, à quelques centaines de mètres de l’habitat campaniforme des Florentins à Val-de-Reuil (Billard et al., 1991). Deux d’entre elles ont livré du mobilier campaniforme (sépultures 1 et 2) ; la sépulture 5 ne comportait pas un tel mobilier, mais sa datation14C permet de la rattacher au même ensemble. Les deux autres sépultures (3 et 4), très dégradées, ne contenaient aucun mobilier et n’ont pas donné lieu à des datations14C.

3Les sépultures sont très dispersées (300 m séparent la sépulture 1 de la sépulture 5). L’emprise de l’opération de fouilles réduite à une étroite bande par l’exploitation antérieure de ballastières ne permet pas de connaître la nature ni l’extension réelle des structures funéraires : véritable nécropole ou ensemble de quelques inhumations isolées. On remarquera toutefois que les sépultures fouillées ont pour point commun d’occuper le rebord d’une basse terrasse bordant un vaste paléochenal occupé par l’habitat de Val-de-Reuil « Les Florentins ».

La sépulture 1

4Les limites de la fosse sépulcrale n’étaient pas visibles. L’individu inhumé est une femme de 30 à 35 ans, d’une taille de 1,55 m. Le squelette, couché sur le côté droit, les membres inférieurs et supérieurs fléchis, les mains à hauteur du visage, est orienté nord-ouest - sud-est. Il était enterré à moins de 0,40 m de profondeur.

5Le dépôt funéraire comprend un gobelet non décoré, déposé devant les membres inférieurs, ainsi qu’un ensemble de trente-huit boutons hémisphériques à perforation en « V », localisés principalement autour du cou.

6Le gobelet offre un profil moins galbé que la plupart des gobelets campaniformes : sa panse est haute et relativement anguleuse, tandis que sa moitié supérieure est presque droite.

7La sépulture 1 a donné lieu à une datation14C avec le résultat suivant : Gif-7456 : 3760 ± 90, soit [2452- 1956] av. J.-C. en datation calibrée.

Fig. 23 — Léry « Les Petits Prés - Le Chemin des Vignes » (Eure). Vue de la sépulture 2 (d’après Mantel, 1991).

Fig. 23 — Léry « Les Petits Prés - Le Chemin des Vignes » (Eure). Vue de la sépulture 2 (d’après Mantel, 1991).

La sépulture 2

8Localisée à 190 m à l’ouest de la sépulture 1, les contours de la sépulture 2 (fig. 23-24) sont apparus plus aisément. De forme ovalaire, la fosse mesure 1,50 m sur 1,25 m et sa profondeur est de 0,50 m. Le défunt est un adolescent de 15 à 18 ans mesurant 1,53 m et son corps reposait sur le côté droit, les bras et les jambes en position très fléchie, les mains très proches du visage.

9Le mobilier funéraire est regroupé derrière la tête et comprend un gobelet décoré, un petit bol grossier, quatre pendeloques cannelées en os, plus d’une centaine de dentales disposées en petits tas et onze coquilles de gastéropodes perforées.

10La forme du gobelet est assez proche de celui de la première sépulture : panse haute et peu galbée, col presque droit. Son décor s’organise en trois bandes délimitant des espaces non décorés. La bande inférieure est constituée de cinq lignes horizontales, tandis que les deux autres comportent à la fois des lignes horizontales, des bandes de lignes hachurées ou de chevrons.

11En ce qui concerne le petit bol, sa facture assez grossière laissait supposer une production locale (Mantel, 1991). Il n’en est rien puisque, parmi l’ensemble des trente-neuf vases ayant fait l’objet d’analyses pétrographiques par l’étude de lames minces (G. Querré in Billard, Guillon, Verron [dir.], 2010), ce bol est l’un des deux seuls à offrir un cortège d’éléments minéraux susceptibles de témoigner d’une production exogène (dégraissant de quartz très bien classé et sans silex, traces de muscovite et d’amphibole).

Fig. 24 — Léry « Les Petits Prés - Le Chemin des Vignes » (Eure). La sépulture 2 et son mobilier.

Fig. 24 — Léry « Les Petits Prés - Le Chemin des Vignes » (Eure). La sépulture 2 et son mobilier.

les sépultures 3 et 4

12Très perturbée par l’occupation du site à l’âge du Fer, la sépulture 3 comporte les restes partiels d’un individu probablement en position dorsale, les membres inférieurs légèrement fléchis et la tête inclinée vers le côté gauche. Sa tête est orientée sud-est.

13La sépulture 4 a été presque intégralement détruite par des travaux de terrassement menés par les carriers en dehors de la zone de fouille du site de l’âge du Fer. Elle n’a livré que quelques ossements suggérant une orientation est-ouest.

14Aucun argument (en dehors de la proximité) ne permet de rattacher ces deux tombes aux autres sépultures campaniformes.

La sépulture 5

15Partiellement endommagée lors du décapage, la sépulture 5, dont les contours n’étaient pas visibles, contient les restes d’un individu adulte, une jeune femme de 18 à 25 ans mesurant 1,58 m, et ceux de deux sujets périnataux arrivés à terme. Orienté ouest-est, le corps de l’adulte est couché sur le côté droit, les membres inférieurs fortement repliés, la main droite au niveau du maxillaire et le bras gauche partiellement fléchi. Les deux squelettes de périnataux sont situés à droite du thorax de l’adulte et couchés sur le dos.

16Le seul mobilier de cette tombe est constitué d’une patelle et d’une vertèbre de salmonidé (truite ou saumon), qui proviennent de la région buccale de l’adulte (accolée aux vertèbres cervicales en ce qui concerne la vertèbre de salmonidé).

17La datation14C réalisée sur cette sépulture (Gif- 7457 : 3880 ± 70 BP, soit [2607-2101] av. J.-C., en datation calibrée) nous autorise à la rattacher aux autres inhumations campaniformes.

Poses « la plaine de poses » (eure)

18Lors d’un diagnostic archéologique mené dans une carrière d’extraction de granulats, une structure campaniforme isolée a été découverte en bordure d’un paléochenal (Billard, Penna, 1995). Bien que n’ayant pas livré d’ossements, la structure correspond très probablement à une sépulture (fig. 25-26). Elle comprend :

  • une fosse centrale rectangulaire aux contours arrondis de 2 m sur 1,10 m, profonde de 0,75 m sous le sommet de la grave (profondeur totale supérieure à 1 m) et contenant un gobelet entier et un gros bloc de meulière. Cette fosse est orientée ouest-nord-ouest - est-sud-est ;
  • un petit fossé subcirculaire entourant la fosse, de 2,80 m à 3,30 m de diamètre, interrompu en divers points et de faible profondeur.

19Le petit fossé évoque des structures connues aux Pays-Bas sous le nom de « encircling trench » et qui peut être interprété comme la marque d’une palissade délimitant uniquement l’espace sépulcral.

20Le remplissage du fossé ne comportait que quelques pièces intrusives. La position du gobelet dans la fosse est plus significative. Il a été trouvé dans le tiers supérieur du remplissage de la fosse, en position inclinée vers le sud-est.

21Les conditions pédologiques ne peuvent que difficilement expliquer la disparition totale des ossements. Dans des contextes chronologiques différents, les sépultures de la Boucle du Vaudreuil ont toujours livré des ossements bien conservés, à l’exception des inhumations médiévales en sarcophage. Compte tenu des grandes dimensions de la fosse de la sépulture de Poses, une sorte de caveau en bois, comme c’est le cas dans plusieurs sépultures des Pays-Bas, est envisageable et pourrait expliquer la position perchée du gobelet par rapport au fond de la fosse.

22Le gobelet à décor régulier à la cordelette couvre le vase du fond jusqu’à 2 cm du bord. Il appartient au style AOC des auteurs néerlandais (Lanting, Waals, 1976), du type 2IIb de leur classification, considéré comme la phase la plus ancienne du complexe campaniforme à l’échelle de la France. Sa forme relativement trapue et sa panse basse bien marquée renvoient davantage aux productions de l’ouest de la France qu’à celles des Pays-Bas.

23D’après J. N. Lanting et J.D. Van der Waals (1976), un tel petit fossé circulaire a été observé dans des sépultures PFB (Protuding Foot Beaker), quelques autres ayant contenu un gobelet de type 2IIb, comme celles d’Anlo (tombes B et C) et Aalden. Le seul exemplaire connu sur le territoire français est la sépulture de Poitiers (Y. Tchérémissinoff et al., ce volume, chap. I, p. 16, fig. 10) ; il est d’ailleurs intéressant d’observer que certains détails argumentent en faveur d’une inhumation en coffre et que le gobelet décoré figurant dans cette tombe affecte également une position inclinée à 45o, indice d’un déplacement de ce mobilier lors de la décomposition du contenant funéraire.

Bernières-sur-mer (Calvados)

24Les deux sépultures individuelles de Bernières-sur-Mer ont été découvertes de manière fortuite lors de travaux de terrassement, livrant deux gobelets très proches de ceux de Léry, ainsi qu’un poignard losangique en cuivre arsenié et une pendeloque conique cannelée en bois de cerf (Verron, 1976 ; voir infra, l’étude de J.-Y. Noël, chap. IV, p. 47-55).

Fig. 25 — Poses « La Plaine de Poses » (Eure). Plan et coupes de la sépulture et de ses structures associées.

Fig. 25 — Poses « La Plaine de Poses » (Eure). Plan et coupes de la sépulture et de ses structures associées.

Fig. 26 — Poses « La Plaine de Poses » (Eure). Gobelet décoré.

Fig. 26 — Poses « La Plaine de Poses » (Eure). Gobelet décoré.

Autres sépultures sans attribution certaine au campaniforme

Poses « la fosse sulpice » (Eure)

25Un enclos circulaire simple de 8,50 m de diamètre a été fouillé à quelques centaines de mètres des sites de Poses « La Plaine de Poses » et de Léry « Les Petits Prés » et « Le Chemin des Vignes » (Boguszewski et al., 1997). Une fosse centrale contenait les restes de deux individus, l’un en décubitus latéral sur le côté droit (tête vers le nord), le second présent sous la forme d’une réduction du squelette sur un côté de la fosse. L’état de conservation des ossements nous empêche de déterminer le mode de décomposition du dernier sujet inhumé ; toutefois, la pratique de réduction du premier squelette évoque l’hypothèse d’un coffrage en matière périssable.

26Aucun mobilier ne permet d’attribuer une chronologie précise à ce monument, qui peut tout à fait se situer dans une période plus avancée de l’âge du Bronze. Une tentative de datation14C a échoué par manque de collagène.

Découvertes de gobelets campaniformes sans contexte funéraire assuré

Yport-Saint-Léonard (Seine-Maritime)

27Plusieurs fragments d’un même gobelet ont été découverts au début des années 1960 à Yport (Lechevalier, Watté, 1966), en surface, à l’emplacement d’un important gisement néolithique. Une reconstitution en a été proposée plus récemment (Watté, 1990) à partir des tessons, qui ne comportent aucun élément de bord. Il s’agit d’un gobelet AOC de petite dimension (diamètre inférieur à 9 cm), à profil peu galbé et à pied légèrement débordant. Les fouilles menées par J.-P. Watté sur le site n’ont pas mis en évidence d’autres traces d’une occupation campaniforme. Seule la découverte des tessons appartenant à un seul et même vase peut suggérer l’hypothèse d’une sépulture individuelle détruite par des travaux agricoles.

Tourville-la-Rivière « Le clos bâtard » (Seine-Maritime)

28Lors de prospections géologiques, P. Martin (géologue au BRGM) a mis au jour un gobelet campaniforme entier dans le front d’une ancienne carrière de granulats abandonnée (Verron, 1975b). Il était posé horizontalement à environ 0,70 m de profondeur, sans qu’aucune limite de fosse ne soit visible (fig. 27). La fouille de contrôle envisagée par G. Verron n’a malheureusement pu avoir lieu à cette époque. Le gobelet est de petite dimension (H. : 11,1 cm ; diamètre à l’ouverture : 10,1 cm à 10,6 cm), sans décor et de forme relativement irrégulière. Son profil très anguleux est très proche de celui de la sépulture 1 de Léry (Mantel, 1991).

Fig. 27 — Tourville-la-Rivière (Seine-Maritime). Gobelet non décoré.

Fig. 27 — Tourville-la-Rivière (Seine-Maritime). Gobelet non décoré.

Le vase campaniforme de sées « le grand herbage » (Orne)

29Fouillé par G. Leclerc, « Le Grand Herbage » à Sées est un site d’habitat gallo-romain sur lequel a été découvert un ensemble de tessons appartenant à un grand gobelet campaniforme (fig. 28). Ces tessons étaient regroupés à la base des fondations d’un mur antique et aucune limite de fosse n’a pu être déterminée.

30La majeure partie des tessons correspond à la zone supérieure du vase comprenant le bord. Quelques rares tessons appartiennent au col ou au fond et permettent d’affirmer que le vase était initialement entier lors de son dépôt à cet endroit.

31Ce vase se démarque par ses dimensions exceptionnelles : 40 cm de hauteur, pour un diamètre maximal de 27 cm. Le diamètre de son fond est estimé à 8 cm. Ses proportions et sa forme sont pourtant conformes à celles des gobelets campaniformes de type « standard ».

32La pâte du récipient est de couleur dominante brun à brun orangé à l’extérieur, tandis que l’intérieur est surtout de couleur brun orangé. Le dégraissant semble principalement minéral (petits fragments de silex et de calcaire ?) et relativement fin. Il est peu apparent, un lissage soigné sur pâte humide l’ayant fait disparaître de la surface du vase. Si cette surface est régulièrement lissée aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur, elle ne semble pas polie comme c’est le cas sur de nombreux vases de ce type.

Fig. 28 — Sées « Le Grand Herbage » (Orne). Grand gobelet décoré.

Fig. 28 — Sées « Le Grand Herbage » (Orne). Grand gobelet décoré.

33Le gobelet est presque entièrement décoré de lignes horizontales réalisées très probablement à la coquille et dont l’écartement moyen est de 8 mm. Seules deux bandes sont sans ornement sous le bord et au contact du fond. Le décor est nettement moins bien conservé sur la partie supérieure du vase. Une utilisation prolongée du récipient, qu’atteste la réalisation d’au moins cinq trous de réparation, en est probablement la cause. Aucune incrustation n’apparaît dans le creux du décor. Le bord est également marqué d’une ligne assez effacée, peut-être réalisée avec le même outil ou bien à l’aide d’une cordelette.

34La découverte de ce récipient offre un caractère remarquable. En premier lieu, l’Orne est un département qui n’a quasiment pas livré de mobilier campaniforme à l’exception de la sépulture mégalithique de Passais-la-Conception. La plupart des gisements connus sont situés en position littorale ou en contexte fluvial. En second lieu, on peut supposer, compte tenu de la nature de la découverte, que ce vase a pu appartenir à une sépulture individuelle : le squelette n’aurait alors pas été conservé ou bien la construction du mur gallo-romain à proximité aurait entraîné sa destruction.

35Le vase de Sées est un gobelet de type AOO (All Over Ornamented) de la chronologie néerlandaise (Lanting, Waals, 1976), qui inscrit ces gobelets dans une phase précoce de développement du complexe campaniforme. Toutefois, ses dimensions ainsi que le décor du bord le rapprochent de certains récipients rencontrés dans le groupe des « urnes à décor plastique » (décor de cordons arciformes parfois associés à des cordons horizontaux, décors à la grosse cordelette), dont l’attribution au début du Bronze ancien est probable. Par ses dimensions, le grand vase à décors digités de la sépulture collective de Beausoleil 3 à Val-de-Reuil dans l’Eure (associé à des vases campaniformes tardifs) lui est proche.

IFS, ZAC « object’ifs sud » (Calvados)

36La fouille préventive d’Ifs, à l’emplacement de la « ZAC Object’Ifs Sud », a livré les restes d’un gobelet proche de celui de Sées par sa forme et ses grandes dimensions : environ 34 cm de hauteur, pour 25 cm de diamètre maximal (information orale E. Le Goff ; Le Goff, 2002). Le vase est décoré uniformément de lignes horizontales réalisées au moyen d’une grosse cordelette : le bord est également décoré d’une ligne du même type. Les tessons de ce vase quasiment complet ont été découverts à la base de l’horizon labouré et aucune limite de fosse n’a pu être perçue lors de la fouille. Précisons enfin que ce gobelet est le seul vestige antérieur au Bronze final sur une surface décapée intégralement d’environ 15 hectares.

Bilan

Localisation

37La basse vallée de la Seine a livré un nombre important de sépultures individuelles (Léry, Poses, Tourville-la-Rivière), en même temps que des sites d’habitat et des sépultures collectives. Les autres sépultures ou indices de sépulture affectent souvent une position littorale marquée (Bernières-sur-Mer, Yport, Ifs se situant à une dizaine de kilomètres à vol d’oiseau de la côte). Seul le vase de Sées est très éloigné du rivage ou d’un axe fluvial.

Architecture de la tombe et gestes funéraires

38Lorsqu’elles ont été observables, les dimensions des fosses sépulcrales sont généralement importantes et dépassent même le volume du corps inhumé, laissant un large espace aux dépôts mobiliers. Les corps des trois adultes de Léry sont fléchis sur le côté droit ; les orientations des tombes sont nord-ouest - sud-est et ouest-est. Des indices de coffrages existent dans les sépultures de Poses, qui sont associées à un fossé circulaire.

Données anthropologiques

39Seuls les ensembles de Léry et de Bernières-sur-Mer ont donné lieu à une étude anthropologique et principalement dans une perspective de peuplement. Le corpus des sépultures suffisamment bien conservées est trop limité pour une véritable analyse de la démographie et de l’état sanitaire des populations se rattachant à la sphère campaniforme. L’individu masculin de Bernières-sur-Mer, âgé d’environ 50 ans, à côté duquel a été trouvé le poignard en cuivre est du type brachycéphale.

40En ce qui concerne les sépultures de Léry, l’ensemble est qualifié d’homogène, pédomorphe, gracile, aux reliefs peu accentués et de petite taille. Sur quatre calottes reconstituées, deux sont mésocrânes, une dolichocrâne et une bracycrâne. Le faible effectif global n’appelle pas de commentaire particulier.

Les types de dépôts mobiliers

41Les dépôts comportent des vases, des parures et, dans un cas, un poignard métallique. Dans le cas de la sépulture 1 de Léry, les parures sont portées en collier, tandis que dans la sépulture 2, elles font partie d’une offrande à l’arrière du corps avec les deux récipients. Les armatures de flèches ou les poignards en silex sont absents.

Chronologie et relations entre sépultures individuelles, sépultures collectives et habitat

42Au regard de la zone la mieux documentée que constitue la basse vallée de la Seine, les sépultures individuelles sont associées spatialement à des sites d’habitat rattachables à la phase supposée la plus tardive dans le développement du complexe campaniforme. Plus spécifiquement dans le cas de la Boucle du Vaudreuil, cette association est renforcée par la présence d’allées sépulcrales ayant livré du mobilier campaniforme (Billard, Guillon, Verron [dir.], 2010).

43Dans les sépultures collectives, on a pu mettre en évidence deux types différents de dépôts funéraires campaniformes (Billard et al., 1998) :

  • le premier, considéré comme appartenant à une phase précoce, est quasi exclusif à ces monuments collectifs (style « International » ou « Épimaritime », production « standard », décor à la coquille, à la cordelette ou à l’aiguillon dorsal de poisson). On le retrouve néanmoins dans la sépulture individuelle de Poses (voire à Sées ou à Ifs) ;
  • le second, moins représenté dans les allées sépulcrales, peut être mis en relation avec les occupations domestiques environnantes (décors complexes, céramique domestique caractéristique). C’est le type de mobilier que l’on retrouve le plus souvent dans les sépultures individuelles de Léry (mais aussi à Tourville-la-Rivière ou Bernières-sur-Mer). En particulier, le mobilier du monument de Beausoleil 3 atteste très clairement des inhumations simultanées en contextes individuel et collectif dans cette phase avancée du Campaniforme, à la charnière du Bronze ancien.

44Mais l’exemple de Poses, même si son gobelet n’est pas daté, suggère que cette double pratique de l’inhumation individuelle et de la réutilisation de caveaux collectifs a probablement couvert l’ensemble de la période de développement du complexe campaniforme.

45Si les gobelets sans contexte sépulcral attesté de Sées et d’Ifs se rapprochent du standard campaniforme (Salanova, 1997), tel qu’on le rencontre en particulier dans le mobilier des sépultures collectives de la façade atlantique (décor à la coquille, au peigne ou à la cordelette, motifs de lignes horizontales ou de bandes hachurées, ligne sur le bord, lissage soigné), ils s’en écartent toutefois par leurs très grandes dimensions et la forte épaisseur de leurs parois. L’utilisation d’une cordelette grossière à Ifs ou d’un décor sur le bord évoque davantage le répertoire du début du Bronze ancien.

*
**

46Sur le plan anthropologique ou des pratiques funéraires, les sépultures individuelles campaniformes de Normandie n’offrent que des informations très clairsemées. Elles forment néanmoins un ensemble non négligeable bénéficiant de la documentation fournie par les autres types de sites campaniformes (habitats et sépultures collectives). Elles se décomposent en trois ensembles distincts.

47Le plus important en nombre de sites est représenté par les tombes en fosse à mobilier céramique tardif associé en France au développement de styles régionaux : gobelets à décor de zones contractées réalisé au peigne ou gobelets non décorés à profil légèrement biconique. Ces mobiliers trouvent des parallèles avec ceux des sites d’habitat voisins, relativement moins avec le mobilier des sépultures collectives.

48L’inverse s’observe pour les sépultures à gobelets « standards » et à décor AOO, AOC ou maritime. Les deux seuls cas de Poses « La Plaine de Poses » et Yport-Saint-Léonard attestent probablement d’un fonctionnement précoce en sépulture individuelle mais moins représenté par rapport à la réutilisation des sépultures collectives. Ce type de mobilier, probablement associé à une phase antérieure à celle à décor de zones contractées, n’a pas encore été rencontré en contexte d’habitat. La structure circulaire de Poses « La Plaine de Poses » témoigne de dispositifs monumentaux relativement légers et donc difficiles à repérer ; le site de Poses dans la zone de débordement du fleuve correspond bien à ce type de contexte privilégié.

49Le troisième ensemble est beaucoup moins bien défini. Représenté uniquement par deux gobelets isolés sans contexte funéraire (Ifs et Sées), se pose en particulier la question de sa datation. En l’état de nos connaissances, les grands gobelets peuvent être aussi bien assimilés à des gobelets standards du type AOO ou AOC, ou bien s’inscrire dans un horizon de transition Campaniforme-Bronze ancien de type « urnes à décors plastiques ». À Ifs, le gobelet n’est associé à aucune structure monumentale de type fossé circulaire. De nouvelles fouilles devront apporter des précisions sur les contextes d’utilisation de ce type de récipients.

Table des illustrations

Titre Fig. 22 — Les sépultures individuelles campaniformes de Normandie. Carte de répartition des sites étudiés.
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Titre Fig. 23 — Léry « Les Petits Prés - Le Chemin des Vignes » (Eure). Vue de la sépulture 2 (d’après Mantel, 1991).
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/55000/img-2.jpg
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Titre Fig. 24 — Léry « Les Petits Prés - Le Chemin des Vignes » (Eure). La sépulture 2 et son mobilier.
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/55000/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 75k
Titre Fig. 25 — Poses « La Plaine de Poses » (Eure). Plan et coupes de la sépulture et de ses structures associées.
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/55000/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 58k
Titre Fig. 26 — Poses « La Plaine de Poses » (Eure). Gobelet décoré.
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/55000/img-5.jpg
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Titre Fig. 27 — Tourville-la-Rivière (Seine-Maritime). Gobelet non décoré.
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Titre Fig. 28 — Sées « Le Grand Herbage » (Orne). Grand gobelet décoré.
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