Version classiqueVersion mobile

La politique et l’âme

 | 
Giuilo De Ligio
, 
Jean-Vincent Holeindre
, 
Daniel J. Mahoney

Troisième partie. Le monde moderne et nous

De la politique à la guerre : la Révolution française et ses héros

Patrice Gueniffey

Texte intégral

  • 1  Maistre J. de, Considérations sur la France, (1796) in ID., Œuvres, éd. P. Glaudes, Paris, R. Laff (...)

1Jusqu’à une époque récente – le milieu du xxe siècle –, la guerre a fait partie de la vie des hommes. Elle pouvait ne pas être toujours immédiatement présente dans la vie de chacun, mais elle était toujours présente quelque part, comme si elle se déplaçait sur la surface de la terre sans jamais cesser, au point qu’on pouvait croire, avec Joseph de Maistre, « que la guerre est l’état habituel du genre humain et que la paix, pour chaque nation, n’est qu’un répit1 ».

2L’auteur des Considérations sur la France tirait de ce constat des conclusions qui, déjà, ne faisaient plus l’unanimité. La guerre n’avait jamais entravé les progrès de la civilisation, faisait-il observer ; au contraire, ajoutait-il, puisque c’est dans la guerre, grâce à la guerre même, qu’elles avaient atteint leur apogée. La guerre, affirmait-il, loin de corrompre purifie ; elle régénère en détruisant, elle délivre les peuples « de la mollesse, de l’incrédulité et des vices gangréneux qui suivent l’excès de la civilisation » et les ramène ainsi à leur première jeunesse. Loin de la juger à l’aune des souffrances réelles qu’elle provoque, il convient de l’apprécier d’après ses seuls résultats :

  • 2  Ibid., p. 216.

Le genre humain, écrit Maistre, peut être considéré comme un arbre qu’une main invisible taille sans relâche, et qui gagne souvent à cette opération. […] Les lieux communs sur la guerre ne signifient rien : il ne faut pas être fort habile pour savoir que plus on tue d’hommes, moins il en reste dans le moment ; comme il est vrai que plus on coupe de branches, moins il en reste sur l’arbre ; mais ce sont les suites de l’opération qu’il faut considérer. Or, […] on peut observer que le jardinier habile dirige moins la taille à la végétation absolue, qu’à la fructification de l’arbre : ce sont des fruits, et non du bois et des feuilles, qu’il demande à la plante2.

  • 3  Ibid., p. 217.
  • 4  Montaigne, Les Essais, Paris, Gallimard, Bibl. de la Pléiade, livre III, chap. 13, p. 1145-1146.

3« En un mot, concluait Maistre, on dirait que le sang est l’engrais de cette plante qu’on appelle génie3. » Apologie insupportable de la guerre, a-t-on dit, surtout aux yeux de nos contemporains épris de paix et peu soucieux de gloire militaire et d’héroïsme. Le souvenir des hécatombes du xxe siècle, sans exemple dans l’Histoire, a beaucoup contribué à dépouiller la guerre du charme qu’on avait pu lui prêter. Qui pourrait, aujourd’hui, comme jadis Montaigne, affirmer sans réserves qu’il « n’est d’occupation plaisante comme la militaire » ? Montaigne en énumérait les attraits, à commencer par « la compagnie de tant d’hommes nobles, jeunes et actifs », « la vue ordinaire de tant de spectacles tragiques, une façon de vie mâle et sans cérémonie, la variété de mille actions diverses, cette courageuse harmonie de la musique guerrière qui vous entretient et échauffe et les oreilles et l’âme, l’honneur de cet exercice, son âpreté même et sa difficulté… », sans compter le plus important : qu’il n’est point d’occupation plus noble que la guerre, « noble en exécution (car la plus forte, généreuse et superbe de toutes les vertus est la vaillance), et noble en sa cause [car] il n’est point d’utilité ni plus juste, ni plus universelle que la protection du repos et grandeur de son pays. » Et Montaigne de conclure : « La mort est plus abjecte, plus languissante et pénible dans un lit qu’en un combat : Vivre, cher Lucilius, c’est porter les armes4 ! »

  • 5  Voir Audouin-Rouzeau S. et Becker A., 14-18. Retrouver la guerre, Paris, Gallimard, 2000.
  • 6  Voir Hanson V.D., Le Modèle occidental de la guerre. La bataille d’infanterie dans la Grèce classi (...)
  • 7  Constant B., De l’esprit de conquête et de l’usurpation dans leurs rapports avec la civilisation e (...)

4À cet égard, la Première Guerre mondiale constitue le point au-delà duquel l’héroïsme de la guerre devient plus difficile à concevoir. Quelle image héroïque peut en effet présenter à l’esprit le spectacle de deux armées enterrées face à face, à portée de fusil, dans la boue des tranchées, et qui se bombardent quotidiennement pendant quatre ans ? Quelle image de l’héroïsme peut-on découvrir dans la mort monotone et anonyme qui a été le lot des combattants pendant tant de mois, où nul ne voyait l’ennemi, où chacun attendait la mort qui, en vérité, frappait au hasard ces hommes enterrés que la guerre n’ennoblissait plus, mais ravalait concrètement au-dessous de toute humanité5 ? L’héroïsme que l’on prêtait à la guerre était lié à une forme de combat que la mécanisation de la guerre a fait disparaître presque complètement : les charges sabre au clair, les corps à corps à l’arme blanche, dans lesquels chacun avait en effet l’occasion de démontrer sa bravoure, face à un adversaire dont il pouvait saisir le regard6. Avec la mécanisation de la guerre, les progrès de l’artillerie, plus tard les bombardements aériens, « il n’y a plus de lutte contre le péril », pour reprendre un mot de Benjamin Constant : « il n’y a plus que de la fatalité7 ». La mort n’est plus glorieuse, elle est anonyme.

  • 8  Un peu plus tard en fait, comme vient de le rappeler Keith Lowe dans L’Europe barbare (1945-1950), (...)

5Depuis, une expérience inédite de la paix – en Europe du moins, et depuis 19458 –, a conforté les sentiments pacifistes que le souvenir des tragédies européennes avait fait naître. Nos contemporains voient aujourd’hui la guerre par les yeux du Voltaire de Candide : il n’y a rien de grand ni de beau, et encore moins de moral, dans la guerre. Sa réalité, c’est la violence, la cruauté et la mort ; non pas la vertu, mais le déchaînement des instincts les plus primitifs. La guerre est le mal, la négation de toute morale et le contraire de la civilisation : une régression vers la sauvagerie primitive. Mais la guerre n’est pas seulement la manifestation extrême du Mal : elle est absurde, pour les combattants comme pour les victimes civiles. La guerre n’a aucun sens, aucune utilité, aucun effet bénéfique, puisque – Voltaire en était convaincu – jamais le mal ne peut engendrer le bien, jamais une expérience qui ravale les hommes au rang de la bête ne pourra rendre l’humanité meilleure et plus morale. N’est-ce pas la condamnation portée par Voltaire contre la guerre qui imprègne les pages écrites par le plus grand historien actuel de la guerre, John Keegan ? N’est-ce pas cette même condamnation qui inspire les revendications de ceux qui, au nom de l’horreur de la guerre, voudraient que l’on honorât les mutins et les déserteurs fusillés pendant la Première Guerre mondiale au même titre que ceux qui accomplirent jusqu’au bout leur devoir, comme si tous, quelque eût été leur comportement, avaient été victimes d’une même abomination ?

6Si bien des hommes éclairés du siècle des Lumières auraient refusé de s’associer à l’apologie de « la destruction violente de l’espèce humaine » à laquelle se livrait Joseph de Maistre, ils étaient assurément moins nombreux qu’aujourd’hui ceux qui auraient fait leurs les griefs de Voltaire contre la guerre. La plupart d’entre eux habitaient une région moyenne où la guerre, tout en apparaissant indubitablement comme un mal, passait en même temps pour posséder quelques mérites.

  • 9  Constant B., De l’esprit de conquête et de l’usurpation, op. cit., p. 127.
  • 10  Manent P., Les métamorphoses de la cité, Paris, Flammarion, 2010, p. 57.
  • 11  Keegan J., La Première guerre mondiale, Paris, Perrin, coll. « Tempus », 2005, p. 11-19.
  • 12  Helie de Saint-Marc, Les Champs de braise. Mémoires, Paris, Perrin 1995, et ID., Les Sentinelles d (...)
  • 13  Galtier-Boissiere J., Mémoires d’un Parisien, Paris, La Table ronde, 1960, 3 vol., t. I, p. 257.

7Au début du xixe siècle encore, Benjamin Constant, tout en associant progrès de la civilisation et arts de la paix, reconnaissait bien volontiers la grandeur morale que la guerre portait en elle. Certes, disait-il, elle répand la mort et la destruction, mais en même temps elle encourage les combattants à cultiver « la grandeur d’âme, l’adresse, le sang-froid, le courage, le mépris de la mort » : « la guerre, ajoutait-il, leur enseigne des dévouements héroïques, et elle les unit de liens plus étroits à leur patrie et à leurs compagnons d’armes9. » Comment mieux dire que la guerre était aussi une éducation à la vertu qui rachetait, au moins en partie, sa violence ? La guerre élevait en quelque sorte les hommes au-dessus d’eux-mêmes ; elle ne révélait pas seulement ce qu’il y a de pire en eux, mais également ce qu’il y a de plus noble. Homère ne présentait-il pas, dans l’Iliade, la guerre comme l’exploration même des possibilités de la vie humaine, puisqu’elle offrait aux combattants, écrit Pierre Manent, l’opportunité de « la plus grande action possible – infliger la mort à l’ennemi – et [de] la plus grande passion possible – subir la mort », la vraie vie, la vie noble, la vie héroïque consistant « à se tenir toujours sur le tranchant de cette double possibilité10 » ? Du reste, si j’ai cité le nom de John Keegan et fait allusion aux pages qui ouvrent sa Première Guerre mondiale, si pleines de la représentation de la guerre comme expérience de la souffrance plutôt que de la grandeur ou de l’humanité11, on lui opposera bien des témoignages directs ou indirects qui, de Hélie de Saint-Marc aux récits recueillis par Sebastian Junger – patronyme prédestiné – témoignent qu’aux yeux de beaucoup, en particulier de ceux qui la font, la guerre demeure une expérience, la plus profonde sans doute et toujours mêlée d’effroi, de l’humaine condition12. D’ailleurs, la Première Guerre mondiale, avec ses tranchées et sa guerre de position, fut-elle autant qu’on le dit une pure expérience de la fatalité ? Le facétieux Galtier-Boissière, qui combattit plusieurs mois en première ligne et vouait à la guerre une haine que Voltaire eût approuvée, donne malgré lui une autre image de cette expérience, s’étonnant lui-même de ce que la confrontation à tant de violence, de sang et d’absurdité n’eût pas eu plus d’effet sur ses contemporains qui, lorsqu’ils évoquaient « le baptême du feu, les heures tragiques de la rase campagne, l’inoubliable désordre, […] les fourragères pleines de blessés qui laissaient sur la route un sillage écarlate et […] les artilleurs à demi fous s’évadant au grand trot du champ de bataille sur des chevaux éclaboussés de sang », sentaient encore « un frisson leur parcourir la nuque13 ».

  • 14  Manent P., Les métamorphoses de la cité, op. cit., p. 64. Voir également son interprétation du tex (...)

8On ne saurait imaginer démenti plus probant de la croyance moderne à l’extinction, sinon de la guerre, du moins de la « passion » de la guerre qui signalerait le passage du monde des anciens à celui des modernes, la guerre, supposée être dans celui-là un moyen rudimentaire de satisfaire des besoins et des intérêts, laissant dans celui-ci la place aux procédés plus sophistiqués du commerce pour obtenir à moindre coût ce dont la guerre permettait jadis de s’emparer en courant le risque d’être tué. De cette thèse à laquelle Benjamin Constant a donné ses lettres de noblesse, Pierre Manent écrit qu’elle n’a aucune chance de devenir vraie un jour14. Et d’ajouter :

  • 15  Manent P., Les métamorphoses de la cité, op. cit., p. 64.

En faisant de la guerre simplement un moyen de posséder ce que l’on désire, Constant oublie que l’on désire aussi la guerre pour elle-même, qu’elle peut être elle-même l’objet du désir parce que c’est seulement dans la guerre que certaines dispositions humaines trouvent à s’exprimer, que certaines expériences humaines peuvent être faites15.

9Constant, il est vrai, n’oublie pas cet aspect des choses. Il en déplore, au contraire, la disparition, puisque son discours est moins de dénonciation de la guerre que de croyance à l’abâtardissement de l’âme humaine avec l’extinction des passions guerrières, supplantées progressivement par les calculs du commerce. D’autre part, il est bien vrai que nous sommes passés, pour citer les auteurs convoqués par Pierre Manent, du monde d’Homère, peuplé de guerriers héroïques, à celui de Hobbes, avec ses citoyens d’autant plus attachés à la loi qu’elle les délivre de la peur d’une mort violente et leur offre les moyens de vaquer tranquillement au soin de leurs intérêts privés. Mais il est non moins vrai que Constant a tort en supposant une évolution – de la « condition guerrière » à la « condition civile » – et une substitution – de la paix à la guerre –, là où ces phénomènes sont, en fait, coextensifs :

  • 16  Ibid., p. 66.

Il est bien vrai que nous sommes allés d’une société militaire à une société commerçante, d’une société héroïque à une société humaine, et que nous en sommes satisfaits et pour ainsi dire soulagés. En même temps, la guerre et les héros, ces anachronismes selon Constant, n’ont cessé de nous accompagner, non seulement à l’occasion de ces éruptions guerrières qui scandent l’histoire des corps politiques modernes, mais aussi dans cette insatisfaction chronique caractéristique des sociétés démocratiques, dans cette révolte sourde et continue contre l’ennuyeuse paix bourgeoise. Cette insatisfaction, cette révolte n’ont-elles pas été pour partie suscitées, et entretenues, par les images de l’héroïsme antique, par ces auteurs grecs et latins contre lesquels Hobbes déjà nous mettait si vivement en garde ? Contrairement aux affirmations de Constant, entre les héros et les hommes la querelle n’a pas été définitivement tranchée16.

  • 17  Ibid.

10L’histoire des Modernes n’est pas avare de moments qui témoignent de cette polarité. Périodes de troubles, de danger et d’incertitude, bien sûr. La Révolution française en offre un exemple particulièrement intéressant parce que, paradoxalement, elle fut pour commencer, comme l’État hobbien, du côté « d’une critique implacable de l’héroïsme et des héros17 », et c’est bien malgré elle qu’elle développa une culture de l’héroïsme qui devait aboutir à Napoléon.

Du héros sans qualités au héros révolutionnaire

  • 18  Thomas A.-L., Essai sur les éloges, in Œuvres complètes, Paris, Desessarts, 1802, t. III, p. 1.
  • 19  Les études rassemblées par Sylvain Menant et Robert Morrissey dans Héroïsme et Lumières (Paris, Ch (...)
  • 20  Thomas A.-L., Essai sur les éloges, op. cit., t. III, p. 6.

11La Révolution avait commencé en élève du siècle des Lumières. Celui-ci avait renouvelé les bases du culte rendu aux grands hommes afin qu’il devînt réellement « l’hommage que l’admiration rend aux vertus18 ». Rois, saints, conquérants, trop de fausses idoles avaient été offertes par les puissants à l’adulation des foules. Le siècle éclairé leur avait donc préféré des hommes rendus fameux par des découvertes scientifiques ou des actions utiles au bonheur de l’humanité. Mais en redéfinissant les titres, les formes et les objets de la célébration, les Lumières n’en avaient pas contesté le principe. Du reste, elles n’avaient pas renié, loin de là, tous les héros du passé19. Elles voyaient d’abord dans le culte des grands hommes l’expression d’un besoin très humain d’admirer ; ensuite, un appui salutaire pour les citoyens les plus faibles qui, prenant appui sur ces exemples sublimes, y trouveraient la force de se conduire vertueusement ; enfin, une institution qui perdait de sa dangerosité dans les sociétés modernes : en effet, l’opinion publique exerçant dans celles-ci une sorte de magistrature souveraine, les louanges adressées aux grands hommes, qui jadis paraissaient n’élever « quelques hommes sur les hauteurs » que pour mieux confondre les autres dans un « troupeau » anonyme, étaient décernées désormais par le libre suffrage des citoyens et ne faisaient ainsi que consacrer la toute-puissance de l’opinion. Mais, à mesure que le siècle avançait, des doutes s’élevèrent : une société fondée sur l’égalité des droits pouvait-elle célébrer de prétendus grands hommes sans créer de funestes distinctions entre les citoyens ? Ne devait-elle pas plutôt décerner ses hommages à des formes plus authentiques de grandeur ? La geste du citoyen vertueux, celle du bon père de famille ne valent-elles pas l’épopée d’Alexandre ? Le simple accomplissement du devoir n’est-il pas aussi digne de respect que la gloire la plus éclatante ? Antoine Thomas, qui ne partageait pas ces doutes, s’en fait toutefois l’écho dans son Essai sur les éloges : « Athènes éleva un autel au dieu inconnu ; on pourrait élever sur la terre une statue avec cette inscription : aux hommes vertueux que l’on ne connaît pas. Ignorés pendant la vie, oubliés après la mort, moins ils ont cherché l’éclat et plus ils ont été grands20. »

  • 21  Bernardin de Saint-Pierre J.-H., « D’un Élysée », dans ID., Études de la nature, Paris, Crapelet, (...)
  • 22  Birnbaum A., « L’héroïsme n’est plus ce qu’il était… », Cahiers philosophiques de Strasbourg, n° 2 (...)

12En 1784, c’est ce « citoyen juste », héros modeste, anonyme, obscur même, que Bernardin de Saint-Pierre plaça au centre de son « Élysée », panthéon verdoyant et parsemé de statues, où il est entouré de mères de famille non moins anonymes et, plus loin, beaucoup plus loin, par le cercle des défenseurs illustres de la patrie, des hommes de lettres et des inventeurs21. Bernardin de Saint-Pierre ne contestait pas seulement les critères traditionnels de la grandeur ; il récusait jusqu’à l’inégalité et la séparation que la grandeur introduit parmi les hommes. La véritable grandeur, disait-il, ne sépare pas les hommes, elle les rassemble et les rend même plus égaux, puisqu’elle gît en chacun d’eux. Haro donc sur le grand homme de l’âge classique, qui révélait des dons exceptionnels à la faveur de circonstances extraordinaires et qui, pour ne devenir grand homme ou héros que par les suffrages librement exprimés de l’opinion publique, n’était pas moins séparé de ceux qui lui décernaient leurs hommages par une distance incommensurable. À cette grandeur qui singularise les individus, Bernardin de Saint-Pierre en opposait une autre qui les rassemble, remplaçant ainsi l’héroïsme fondé sur des qualités exceptionnelles par « un héroïsme sans qualités, sans attributs [et] parfaitement quelconque22 ».

  • 23  Furet F., « Michelet », dans François Furet et Mona Ozouf, Dictionnaire critique de la Révolution (...)

13La Révolution française fut d’abord du côté de Bernardin de Saint-Pierre. Ne rêvait-elle pas d’instaurer une société de citoyens égaux et qui, sans être parfaitement vertueux, le seraient assez du moins pour imposer silence à leurs intérêts particuliers ? Si la France régénérée devait rendre hommage à un grand homme, ce devait être au peuple lui-même. La Révolution n’était-elle pas l’œuvre de cet être collectif qu’on disait doué de sentiment, de raison et de volonté ? Michelet, dont l’histoire de la Révolution est pour ainsi dire écrite de l’intérieur, tant il était pénétré de ses idéaux et de ses représentations, a été le plus profond de ceux qui, de Maistre à Marx, ont dit de la Révolution française qu’elle était « une grande époque sans grands hommes23 », où le peuple menait ses meneurs eux-mêmes.

  • 24  Joseph Agricol Viala, 13 ans, avait été tué sur les bords de la Durance en juillet 1793, alors qu’ (...)

14Les révolutionnaires ne pensaient pas autrement, et longtemps ils s’efforcèrent de matérialiser l’idée d’un héros collectif et parfaitement anonyme en recourant aux métaphores corporelles pour représenter la nation régénérée et manifester sa puissance. Ils s’approchèrent même au plus près du rêve de Bernardin de Saint-Pierre lors de la fête de l’Être suprême, célébrée à Paris le 8 juin 1794 : si les organisateurs avaient pris soin d’éviter toute allusion aux déchirements de la Révolution, c’était pour mieux offrir le spectacle d’une société réconciliée et délivrée de la politique, où la grandeur était partout parce qu’elle n’était nulle part, et s’ils avaient jeté aux oubliettes les bustes des Philosophes, des héros de l’Antiquité et des martyrs de la Révolution jusqu’alors exhibés dans les cérémonies civiques, c’était pour tirer de l’anonymat Viala et Bara, des enfants encore, appelés à devenir les héros presque ordinaires d’une République sans héros24. Mais donner à la France régénérée deux héros à admirer et à imiter, c’était admettre que le rêve de Bernardin resterait une utopie ; c’était admettre que la vertu, loin d’être une qualité innée, exige de chacun des efforts que tous ne sont pas capables de consentir, du moins sans aide : la République avait besoin de grands hommes à offrir en exemple. L’idée avait inspiré, en 1790, la création du Panthéon ; mais n’ignorant pas qu’il n’y a qu’un pas de l’admiration à l’idolâtrie, les révolutionnaires avaient réservé les hommages de la nation aux morts.

  • 25  Quinet E., « Critique de la Révolution », dans ID., La Révolution, Paris, Belin, 1987, p. 55.
  • 26  Tocqueville A., L’Ancien Régime et la Révolution (livre III, chap. 2), éd. J.-C Lamberti et F. Mél (...)
  • 27  Sur le subjectivisme révolutionnaire et ses liens avec le terrorisme, voir Raynaud Ph., « Les orig (...)

15Toutefois, rien n’y faisait : la société rêvée, si parfaitement égalitaire qu’on n’y admirerait personne, restait dans les limbes. La Révolution – et cela vaut pour toute révolution – entretenait en effet avec l’héroïsme une relation qui, pour être conflictuelle, n’était pas moins étroite. Si « le grand homme est celui qui brise les fatalités apparentes25 », si l’héroïsme est, en définitive, essentiellement transgressif, alors quoi de plus héroïque que la révolution ? Ne consiste-t-elle pas à renverser l’ordre existant pour en élever un autre sur ses ruines ? Et, s’agissant de la Révolution de 1789, le culte de l’héroïsme n’y fut-il pas comme une nouvelle religion qui, remplaçant temporairement l’ancienne, arracha les Français « à l’égoïsme individuel, les [poussa] jusqu’à l’héroïsme et au dévouement, les [rendit] souvent comme insensibles à tous ces petits biens qui nous possèdent » et permit à la France, en définitive, d’échapper à la tragédie d’une complète et irréparable dissolution26 ? Plus encore, l’héroïsme est un trait constitutif du personnage du révolutionnaire, d’un côté convaincu que la révolution est inscrite dans la nécessité mais incapable, d’un autre côté, d’en imaginer l’accomplissement indépendamment de sa propre intervention et de son propre sacrifice. Dès lors, le révolutionnaire est moins l’agent purement passif de la nécessité qu’un héros qui, par ce qu’il immole à la cause – jusqu’à sa vie –, s’élève au-dessus des autres hommes, de leurs désirs, de leurs peines et des règles qui régissent leur existence27. La Révolution française, de Marat à Robespierre, n’en finit donc pas d’engendrer des héros : ils sont à la fois le symbole d’une collectivité anonyme exerçant sur elle-même un pouvoir sans visage et ces exemples qui ont déjà parcouru en entier le chemin où leurs contemporains se sont encore à peine engagés. Ils reçoivent, les uns après les autres, le pouvoir de matérialiser le peuple souverain dans son anonymat et d’incarner un peuple qui n’existe pas encore. Du même coup, ces grandes figures, par leur exceptionnalité – fût-ce, comme dans le cas de Marat, sur un mode monstrueux et carnavalesque –, recréent entre elles et la foule de leurs admirateurs la relation distanciée et inégalitaire propre au héros de l’âge classique que la Révolution avait voulu abolir. Aussi cette dernière ne cessa-t-elle à la fois d’honorer ses grands hommes, pour brûler ensuite ce qu’elle avait adoré en dénonçant un penchant populaire pour « l’idolâtrie individuelle ».

Un héros nouveau pour le nouveau siècle

16Tout change après le 9 thermidor. La dénonciation des crimes de la Terreur déprécie d’un coup la conception héroïque de la politique. Ces « buveurs de sang » qui nient leurs crimes pour sauver leur tête, ces despotes ignorants et avinés que met en scène L’Intérieur d’un comité révolutionnaire, pièce fameuse de l’époque thermidorienne, voilà donc, dépouillés de leur costume et sans fard, les héros qu’on célébrait avec tant de ferveur ! C’est alors que les valeurs héroïques, devenues sans emploi dans la sphère politique, retrouvent une nouvelle jeunesse sur un théâtre peuplé depuis toujours de héros et de gestes héroïques : la guerre ; et en 1796 et 1797, en Italie, Bonaparte relève un rôle tombé en déshérence depuis la mort de Robespierre, mais en le renouvelant : au héros figurant l’avant-garde de la Révolution succède le personnage du « sauveur » auquel aspire le pays.

17Pourquoi un général ? Non seulement la France était engluée dans une crise si complexe et si profonde qu’elle semblait sans issue, mais les esprits demeuraient si imprégnés de l’idée monarchique que, les difficultés aidant et la République apparaissant à beaucoup comme un accident, nombreux sont les Français qui ne voyaient de remède que dans le retour d’une forme de pouvoir absolu, sinon de droit divin, que les généraux incarnaient naturellement.

18Pourquoi Bonaparte, plutôt qu’un autre de ces généraux dont la France ne manquait pas ? Les exploits de « l’incroyable armée d’Italie », comme disait Monge, ne comptèrent pas pour rien. Mais Bonaparte n’était pas fort seulement de ses étonnantes victoires, de l’ascendant qu’il exerçait sur ceux qui l’approchaient et d’un incontestable talent pour faire sa propre réclame, il l’était aussi de sa capacité – et lui seul la possédait à ce degré – à concilier dans sa personne, ou plutôt dans l’image qu’il donnait de lui-même, les aspirations contradictoires de l’opinion thermidorienne. Les Français, en effet, étaient las d’une Révolution qu’ils désiraient par-dessus tout voir finir ; mais en même temps, ils refusaient de rien sacrifier des biens matériels ou symboliques qu’elle leur avait apportés. Équation a priori insoluble, que Bonaparte était le seul à pouvoir résoudre, grâce à ce que son personnage comportait à la fois de révolutionnaire et de postrévolutionnaire.

  • 28  Baczko B., Comment sortir de la Terreur, Thermidor et la Révolution, Paris, Gallimard, 1989, p. 35 (...)

19Figure révolutionnaire, il l’est avant tout par sa jeunesse, d’autant que la Révolution a vieilli, vite, et mal. Elle avait passionnément aimé la jeunesse : ne prétendait-elle pas « marquer un nouveau départ de l’Histoire, […] incarner la jeunesse d’un monde qui durerait toujours28 » ? Tandis qu’elle entre dans son hiver, avec ses acteurs usés et ses idéaux en berne, le mythe de son éternelle jeunesse se réincarne dans l’armée, et d’abord celle d’Italie dont les soldats étaient si jeunes, dira Stendhal, que leur chef, vingt-sept ans seulement, « passait pour l’homme le plus âgé de son armée ». La campagne de 1796, avant d’être un chef-d’œuvre de stratégie ou de politique, est un hymne à la jeunesse.

  • 29  Furet F., « Dix-huit Brumaire », dans François Furet et Mona Ozouf, Dictionnaire critique de la Ré (...)

20De la Révolution, Bonaparte incarne aussi le volontarisme – ne fondera-t-il pas en Italie des États, dont il rédigera les constitutions ? – et la promesse d’égalité : l’esprit de la Révolution, le sentiment de pouvoir accomplir l’impossible, se réinvestissait d’autant plus aisément dans la sphère militaire que ces généraux de vingt-cinq ans étaient pour la plupart, c’est le cas de Bonaparte, sortis du rang. Leur ascension fulgurante apportait aux principes de la Révolution une confirmation qu’on chercherait en vain dans la sphère civile où les notabilités de la fortune avaient vite remplacé celles de la naissance ; elle explique aussi pourquoi l’armée devint « le suprême refuge des révolutionnaires29 ». Comment aurait-il pu en être autrement, du reste, s’agissant d’un corps où les ambitions avaient été si longtemps bridées par des règles d’avancement aristocratiques ? L’armée craignait fort logiquement une restauration qui l’eût dépouillée, au profit des privilégiés, des grades conquis sur les champs de bataille de la Révolution. Rien ne pouvait la faire rétrograder : on le verra encore en 1814 et 1815. La Révolution détestait les émigrés mais l’armée, elle, les haïssait, parce qu’elle était habituée à les rencontrer en face d’elle dans les rangs de l’ennemi. Révolutionnaire par intérêt, elle l’était également par passion, et avec d’autant moins de réserve qu’à la différence du personnel politique empêtré dans son passé, 1793 ne lui rappelait pas la Terreur, mais un gigantesque effort contre l’envahisseur ponctué de batailles et de victoires. Il était ainsi possible à l’armée de se réclamer de toute la Révolution, y compris de ses heures les plus sombres. En résumé, et même si elle avait été mêlée à des épisodes de guerre civile – dans le Midi, dans l’Ouest –, elle incarnait la Révolution délivrée de la Terreur. La défense des frontières et les victoires remportées sur les armées des « tyrans » effaçaient tout.

  • 30  Aron R., « La Ve République ou l’Empire parlementaire » (novembre 1958), dans ID., Une histoire du (...)
  • 31  Baczko B., Politiques de la Révolution française, Paris, Gallimard, coll. « Folio-Histoire », 2008 (...)

21C’est en cela que le personnage de Bonaparte, touchant à la Révolution par tant de côtés, est en même temps postrévolutionnaire : il incarne la Révolution, mais pas la guerre civile. La légitimité qu’il opposera bientôt à celle du gouvernement, il l’a conquise sur les champs de bataille, hors de l’arène politique. Fils de la nation en guerre et non de la politique, il en reçoit le pouvoir d’incarner des valeurs que ne souillent ni les intérêts partisans ni le souvenir des déchirements récents. Encore deux ans et il en tirera le pouvoir, comme Raymond Aron le dira du général de Gaulle en 1958, de « transcender les querelles françaises, d’être à la fois de droite et de gauche, d’unir la France d’avant à celle d’après 178930 ». Seul un militaire le pouvait. En effet, les armées qui répandaient les idées de la Révolution hors des frontières et menaçaient les vieilles monarchies, renouaient, par leurs marches à travers l’Europe, « la trame du temps » : « En Italie et en Rhénanie, les armées républicaines empruntent les mêmes chemins qu’avaient parcourus les armées de Turenne et de Condé. Au-delà des siècles, les braves se reconnaissent et se répondent. Sur son champ de bataille, le soldat républicain redécouvre les valeurs qui font la grandeur du métier d’armes : courage, honneur, dévouement, fidélité31. »

22Renouant avec des valeurs qui étaient déjà celles de la vieille société aristocratique, la Révolution met ses pas dans ceux de l’Ancien Régime, en même temps qu’elle dépossède celui-ci du passé et de la tradition qui figuraient parmi ses principaux titres à la légitimité. La guerre finit d’exproprier l’ancienne société en incorporant ses valeurs, notamment militaires, à l’héritage de la Révolution. D’une certaine façon, il revient aux hommes de guerre de réussir là où ceux de 1789 ont échoué : la guerre leur permet de s’emparer des valeurs de l’aristocratie, grâce à quoi l’égalité se réalise par le haut, tandis que dans l’ordre politique on avait tenté de la réaliser par le bas au prix de la destruction de toutes les valeurs anciennes. L’armée accomplit ainsi le rêve de toute une génération, qui ne consistait nullement à vouloir faire table rase de la culture aristocratique, mais à en donner une version démocratique en remplaçant le titre de la naissance par celui du mérite. La politique de « fusion » conduite par Bonaparte sous le Consulat ne sera finalement que le prolongement politique de ce qu’il avait découvert en combattant en Italie, ce mariage entre démocratie et aristocratie qui devait, l’épopée impériale aidant, remodeler la société européenne du xixe siècle et mettre, non sans tensions ni conflits, à côté du personnage du bourgeois, celui du militaire ; à côté de la morale utilitariste des intérêts, l’honneur, la fraternité des combats et le sacrifice à la patrie ; à côté de la liberté des Modernes, celle des Anciens. Plutôt que de représenter une étrange, ultime et éphémère résurrection du monde ancien, comme Nietzsche le pensait, Bonaparte incarne cette association des contraires qui caractérise le premier siècle de l’histoire du monde démocratique. Sans doute le xixe siècle verra dans la chute de Napoléon la preuve de la défaite finale du héros ancien devant le bourgeois moderne, mais que sera plus tard l’épopée coloniale, sinon le redéploiement à l’échelle du monde des passions, inextricablement anciennes et modernes, aristocratiques et bourgeoises, qui s’étaient exprimées dans les guerres révolutionnaires et impériales ?

  • 32  Humboldt G. de, Journal parisien (1797-1799), Arles, Actes Sud, 2001, p. 29.
  • 33  Correspondance générale de Napoléon Bonaparte publiée par la Fondation Napoléon, n° 693 (à Joséphi (...)
  • 34  Carlyle Th., Les Héros, Paris, Maisonneuve & Larose, 1998, p. 260.
  • 35  Goethe, Conversations avec Eckermann, éd. C. Roëls, Paris, Gallimard, 1988, p. 550.
  • 36  Ibid.
  • 37  Ce point est fortement souligné par Mascilli Migliorini L., Le Mythe du héros, Paris, Nouveau Mond (...)

23Cette association du bourgeois et du héros féconde le culte qui prend forme autour de Bonaparte, à la fois invincible conquérant et modeste lecteur du poète Ossian. Son mariage lui-même, à la fois bohème, aristocratique et bourgeois, illustre le télescopage ou plutôt l’entrelacement de traditions a priori antagonistes qui imprégnera le nouveau siècle. Bonaparte n’est pas seulement moderne par son côté bourgeois, parce qu’il aime sa femme, partage son lit et lui fait des scènes de ménage inconcevables chez un aristocrate d’Ancien Régime, mais tout aussi bien par le côté héroïque de son personnage. Ce qu’il a de plus ancien en apparence, de presque antique, est peut-être en même temps ce par quoi il est le plus moderne. Humboldt, qui l’aperçut en 1797 à une séance de l’Institut, note finement que Bonaparte « pourrait concourir à l’idéal moderne32 ». Rien de plus exact. Ce qui, en lui, parle aux imaginations modernes, c’est la conviction qui était la sienne que « jamais [s]on sort ne résistera à [s]a volonté33 ». Pour les contemporains, Bonaparte représentait l’homme qui, sans ancêtres et sans nom, se crée lui-même à force de volonté, de travail et de talent, l’homme pour ainsi dire né de lui-même qui transforme sa vie en destin et s’élève jusqu’à des sommets inédits en repoussant toutes les limites connues. Il y a quelque chose d’existentiel dans la vie de cet homme qui, ne voyant le parfait bonheur que dans « le développement le plus complet de [ses] facultés », s’employait chaque jour à le vérifier en ne laissant pas une heure se perdre, du reste convaincu que la vie n’a de sens que toujours plus large et plus grande. Il cherchait dans la gloire, comme dans l’amour que lui inspirait Joséphine, cette même énergie où sa vie trouvait son sens. C’est là le secret de la fascination exercée, aujourd’hui encore, par le personnage de Napoléon. Il est celui qui fait, ou, pour reprendre la définition du héros donnée par Carlyle, « celui qui peut le plus et le mieux34 », une incarnation des valeurs – la célébration de l’énergie et des individus hors normes – qui furent plus tard celles du romantisme. Et Goethe de s’exclamer, lors de ses entretiens avec Eckermann : « Voilà où Napoléon était quelqu’un de formidable ! Toujours illuminé, toujours clair et résolu, et doué à toute heure de l’énergie suffisante pour mettre en œuvre aussitôt ce qu’il avait reconnu avantageux et nécessaire. Sa vie fut celle d’un demi-dieu35. » Mais cela ne signifie pas pour autant que ses contemporains rêvaient de faire comme Bonaparte, car, en cela, il était inimitable, incomparable, hors d’atteinte. « Sa destinée, ajoute Goethe, fut d’un éclat tel que jamais le monde n’en avait vu de pareil avant lui, et jamais peut-être n’en reverra après lui. Oui, oui, mon bon : c’était là un [gaillard] que nous ne pouvons, bien entendu égaler36 ! » Le héros s’offre à l’admiration, non à l’imitation. Cela veut dire, en revanche, qu’ils rêvaient d’être comme lui, animés de cette même énergie vitale qui lui permettait, dès cette époque, de transformer le monde qui l’entourait pour en faire la matière et le décor de son destin37. Il était exemplaire et inimitable à la fois. Mais les héros de la mythologie n’étaient-ils pas eux-mêmes mi-hommes mi-dieux, à la fois proches et incommensurablement lointains ?

Notes

1  Maistre J. de, Considérations sur la France, (1796) in ID., Œuvres, éd. P. Glaudes, Paris, R. Laffont, coll. « Bouquins », 2007, p. 213.

2  Ibid., p. 216.

3  Ibid., p. 217.

4  Montaigne, Les Essais, Paris, Gallimard, Bibl. de la Pléiade, livre III, chap. 13, p. 1145-1146.

5  Voir Audouin-Rouzeau S. et Becker A., 14-18. Retrouver la guerre, Paris, Gallimard, 2000.

6  Voir Hanson V.D., Le Modèle occidental de la guerre. La bataille d’infanterie dans la Grèce classique, Paris, Les Belles Lettres, 2001.

7  Constant B., De l’esprit de conquête et de l’usurpation dans leurs rapports avec la civilisation européenne, (1814) in ID., Écrits politiques, Marcel Gauchet (éd.), Paris, Gallimard, coll. « Folio Essais », 1997, p. 132.

8  Un peu plus tard en fait, comme vient de le rappeler Keith Lowe dans L’Europe barbare (1945-1950), Paris, Perrin, 2012.

9  Constant B., De l’esprit de conquête et de l’usurpation, op. cit., p. 127.

10  Manent P., Les métamorphoses de la cité, Paris, Flammarion, 2010, p. 57.

11  Keegan J., La Première guerre mondiale, Paris, Perrin, coll. « Tempus », 2005, p. 11-19.

12  Helie de Saint-Marc, Les Champs de braise. Mémoires, Paris, Perrin 1995, et ID., Les Sentinelles du soir, Paris, Les Arènes 1999 ; et Junger S., Guerre, Paris, De Fallois, 2011, dont les récits font écho aux analyses sur l’expérience du combat, et notamment sur l’importance de la fraternité d’armes, développée par V. D. Hanson tant dans son Modèle occidental de la guerre que dans Hanson V., Carnage et Culture, Paris, Flammarion, 2002.

13  Galtier-Boissiere J., Mémoires d’un Parisien, Paris, La Table ronde, 1960, 3 vol., t. I, p. 257.

14  Manent P., Les métamorphoses de la cité, op. cit., p. 64. Voir également son interprétation du texte de Constant (De l’esprit de conquête et de l’usurpation [1814]), dans Manent P., Cours familier de philosophie politique, Paris, Fayard, 2001, chap. 7-8, p. 117-161.

15  Manent P., Les métamorphoses de la cité, op. cit., p. 64.

16  Ibid., p. 66.

17  Ibid.

18  Thomas A.-L., Essai sur les éloges, in Œuvres complètes, Paris, Desessarts, 1802, t. III, p. 1.

19  Les études rassemblées par Sylvain Menant et Robert Morrissey dans Héroïsme et Lumières (Paris, Champion, 2010) montrent combien la figure du héros militaire reste encore présente dans la France des Lumières.

20  Thomas A.-L., Essai sur les éloges, op. cit., t. III, p. 6.

21  Bernardin de Saint-Pierre J.-H., « D’un Élysée », dans ID., Études de la nature, Paris, Crapelet, 1804, t. III, p. 375-403.

22  Birnbaum A., « L’héroïsme n’est plus ce qu’il était… », Cahiers philosophiques de Strasbourg, n° 2, déc. 1994, p. 123-124.

23  Furet F., « Michelet », dans François Furet et Mona Ozouf, Dictionnaire critique de la Révolution française, Paris, Flammarion, 1988, p. 1034.

24  Joseph Agricol Viala, 13 ans, avait été tué sur les bords de la Durance en juillet 1793, alors qu’il combattait les fédéralistes. Quant à Joseph Bara, âgé de 14 ans, il avait été tué en Vendée le 7 décembre 1793. À la suite du discours de Robespierre sur l’Être suprême, la Convention leur décerna les honneurs du Panthéon. La cérémonie, fixée au 10 thermidor, n’eut jamais lieu : ce jour-là, on guillotina Robespierre et ses partisans.

25  Quinet E., « Critique de la Révolution », dans ID., La Révolution, Paris, Belin, 1987, p. 55.

26  Tocqueville A., L’Ancien Régime et la Révolution (livre III, chap. 2), éd. J.-C Lamberti et F. Mélonio, Paris, R. Laffont, coll. « Bouquins », 1986, p. 1045-1046.

27  Sur le subjectivisme révolutionnaire et ses liens avec le terrorisme, voir Raynaud Ph., « Les origines intellectuelles du terrorisme », dans François Furet, Antoine Liniers et Philippe Raynaud, Terrorisme et démocratie, Paris, Fayard, 1985, p. 35-135.

28  Baczko B., Comment sortir de la Terreur, Thermidor et la Révolution, Paris, Gallimard, 1989, p. 353.

29  Furet F., « Dix-huit Brumaire », dans François Furet et Mona Ozouf, Dictionnaire critique de la Révolution française, 2e éd., Paris, Flammarion, coll. « Champs », Événements, p. 108.

30  Aron R., « La Ve République ou l’Empire parlementaire » (novembre 1958), dans ID., Une histoire du xxe siècle, Paris, Le Grand livre du mois, 1997, p. 712.

31  Baczko B., Politiques de la Révolution française, Paris, Gallimard, coll. « Folio-Histoire », 2008, p. 531-532.

32  Humboldt G. de, Journal parisien (1797-1799), Arles, Actes Sud, 2001, p. 29.

33  Correspondance générale de Napoléon Bonaparte publiée par la Fondation Napoléon, n° 693 (à Joséphine, 15 juin 1796), Paris, Fayard, 2004, t. I, p. 451.

34  Carlyle Th., Les Héros, Paris, Maisonneuve & Larose, 1998, p. 260.

35  Goethe, Conversations avec Eckermann, éd. C. Roëls, Paris, Gallimard, 1988, p. 550.

36  Ibid.

37  Ce point est fortement souligné par Mascilli Migliorini L., Le Mythe du héros, Paris, Nouveau Monde Éditions, 2002, p. 35-36.

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont sous Licence OpenEdition Books, sauf mention contraire.

Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search