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Les chemins de la décolonisation de l’empire colonial français, 1936-1956

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Charles-Robert Ageron

Troisième partie. Les prodromes de la décolonisation en Indochine et à Madagascar

Le Cambodge et la décolonisation de l’Indochine : les caractères particuliers du nationalisme Khmer de 1936 à 1945

Pierre L. Lamant

Texte intégral

1Les événements et les drames, qui ont jalonné, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la décolonisation de l’Indochine, ont suscité la publication de nombreux travaux. Cependant, dans cette abondante production, le Viêt Nam occupe une place très largement prédominante. La longueur, l’ampleur et l’acharnement de ses luttes justifient sans doute cette prééminence. Par comparaison, le Cambodge, – au moins pour la période qui se termine par la reconnaissance définitive de l’indépendance du pays, en 1954 – semble délaissé par les historiens et les publicistes. Certes, les deux pays, bien qu’ayant appartenu à la même Union indochinoise et ayant été soumis à la même administration coloniale, offraient deux situations très différentes. Tout les opposait : la démographie, la culture, le degré de développement économique et même l’inégale densité de l’encadrement administratif. Au Viêt Nam, jugé, semble-t-il, plus attirant et davantage rémunérateur, le colonisateur a été plus immédiatement présent, ce qui, par contrecoup, a pu provoquer un certain rejet. Au Cambodge, à l’inverse, l’influence de la France est restée relativement discrète. La prétendue indolence des Khmers n’incitait guère aux efforts créatifs. C’est pour la même raison que l’administration et l’économie étaient largement entre les mains des Viêtnamiens, sans parler des Chinois.

2On constate une opposition similaire à propos du nationalisme anticolonial. La réalité d’une certaine volonté d’indépendance des Khmers est une évidence. Mais ses origines, son ancienneté, ses moyens d’expression et d’action diffèrent de ce que l’on trouve au Viêt Nam. On n’a pas suffisamment insisté sur ces différences. La forêt viêtnamienne a caché l’arbre cambodgien.

  • 1 Pour la connaissance, surtout événementielle, de la période 1936-1945, nous renvoyons, une fois po (...)

3La liberté d’accès aux archives de cette période est trop récente et leur classement n’est pas assez avancé pour permettre d’écrire une histoire globale du mouvement nationaliste cambodgien ; cependant, il est possible, dans une première approche, de livrer quelques réflexions et de mettre en évidence certaines particularités. Nous n’entreprendrons pas une étude événementielle de la période choisie. Aussi bien les faits essentiels sont connus et nous ne les évoquerons que pour montrer l’originalité du cas khmer par rapport à celui du Viêt Nam1.

  • 2 Ch. Meyer : Derrière le sourire khmer, Paris, Plon, 1971, p. 180.

4Une première série de remarques s’impose. Un auteur, Ch. Meyer, a très justement écrit : « Le Cambodge vécut quatre-vingt-dix ans sous le protectorat français en conservant sa virginité politique, alors que le Viêt-nam se donnait avec passion à toutes les idéologies venues d’ailleurs »2.

5Effectivement, d’un côté, au Viêt Nam, on ne peut nier que la résistance à la présence coloniale n’a jamais cessé de se manifester, avec des motivations, des méthodes et surtout des résultats très variés selon les périodes. Les éléments vraiment actifs sont une minorité, mais ils sont là et s’efforcent d’agir. Des partis politiques, clandestins ou reconnus, apparaissent très tôt. Une grande curiosité d’esprit pousse la jeunesse instruite à s’intéresser aux doctrines politiques et philosophiques, aux formes littéraires venues d’horizons étrangers divers. La presse, malgré les contraintes réglementaires, joue un rôle important.

6Rien de comparable au Cambodge. La protection française est dans l’ensemble acceptée. Les premiers partis politiques, dignes de ce nom, ne se forment qu’en 1946 et encore leur audience est limitée. Les grandes idéologies, qui sèment l’effervescence dans le monde pendant la première moitié du siècle, sont pratiquement inconnues. La presse khmère est inexistante. Les rares tentatives, – à une exception près – sont le plus souvent suscitées par l’administration et avortent très vite.

7D’un côté une soif insatiable, de l’autre l’indifférence. Opposition des mentalités, opposition aussi des cultures. Alors que le Viêt Nam a une vieille tradition éducative, le Cambodge se contente de généralités élémentaires, dès lors que l’on quitte le domaine religieux. C’est un fait d’expérience que dans leur grande majorité les Khmers ne lisent pas. D’autre part, les pressions socio-économiques ne sont pas les mêmes. Le Cambodge ignore le surpeuplement et les problèmes des deltas du Tonkin et de l’Annam. Dans ces conditions, on comprend pourquoi le nationalisme khmer ne fait parler de lui que tardivement.

8Dans un pays où toutes les classes sociales sont, depuis les temps anciens, profondément attachées à la personne du roi, nimbée d’une quasi divinité, le souverain, mais aussi les princes de la famille royale, qui participent de ce caractère divin, étaient-ils les symboles du nationalisme et pouvaient-ils conduire le mouvement de décolonisation ? Il faut distinguer selon les périodes et les hommes.

9Si Norodom (1860-1904) a accepté le protectorat proposé par la France, pensant sauver ainsi son royaume d’un inévitable démembrement résultant des appétits du Siam et du Viêt Nam, par la suite, il a assez mal supporté l’implantation progressive d’une administration dont les buts et les méthodes étaient à l’opposé des coutumes des rois et de la société khmers. Après lui, Sisowath (1904-1927) et son fils Monivong (1927-1941) se sont accommodés, apparemment sans réticences, d’un état de fait qu’ils étaient incapables de changer et dont ils tiraient d’ailleurs profit.

10La venue sur le trône, en 1941, de Norodom Sihanouk semblait, dans un premier temps, devoir perpétuer cet état d’esprit. Mais le coup de force japonais du 9 mars 1945 et les événements qui le suivent jusqu’en octobre de la même année ont révélé chez le jeune roi, une finesse politique et surtout un pragmatisme peu embarrassé de scrupules, que d’aucuns ont peut-être un peu hâtivement taxé d’inconstance. Après s’être empressé, sur les injonctions des Nippons, momentanément les plus forts, de proclamer l’indépendance du Cambodge (12 mars 1945), il multiplie les déclarations pleines d’une fervente admiration et d’une reconnaissance apparemment sincère pour le grand peuple bienfaiteur. Il accepte même d’introduire dans son gouvernement Son Ngoc Thanh, un agent dévoué de Tokyo, dont nous reparlerons, qui adopte aussitôt une attitude farouchement anticolonialiste et résolument projaponaise. Mais très vite, déçu par la lenteur du gouvernement du Mikado à reconnaître officiellement cette indépendance présentée comme le retour à l’ordre normal des choses, inquiet de voir le Viêt Nam travailler à la réunion des trois Ky et mettre en avant des visées impérialistes, le roi retarde sous tous les prétextes le moment de s’engager réellement dans une participation à l’effort de guerre japonais. Et après août 1945 et la capitulation de l’empire du Soleil levant, il n’hésite pas à se rapprocher de la France, sachant bien qu’il ne peut rien imposer et estimant qu’il sera possible d’obtenir les mêmes résultats par la négociation.

11Sincèrement opposé au maintien de la puissance coloniale, Norodom Sihanouk est-il pour autant un authentique nationaliste ? Héritier convaincu de la très ancienne tradition khmère selon laquelle le roi est maître de la terre et des vies, on peut se demander s’il ne travaillait pas d’abord à assurer son maintien sur le trône et sa liberté d’action, le peuple bénéficiant ensuite par contrecoup de l’affirmation de sa position. Qu’on n’objecte pas son abdication ultérieure et l’organisation d’une monarchie constitutionnelle à velléités démocratiques ! Le « système Sihanouk » n’a jamais eu d’autre objectif prioritaire que de faire du prince, le maître du pouvoir, même si, en même temps, il a apporté au Cambodge, une longue paix et un relatif développement économique.

12Que dire des princes ? La famille royale cambodgienne, toutes branches confondues, n’a jamais beaucoup apprécié la présence française qui limitait grandement ses possibilités d’exploiter le peuple à son seul profit. Encore n’a-t-il jamais manqué de princes prêts à toutes les concessions et toutes les compromissions pour nuire à leurs parents ou accéder au trône. Il faut préciser d’ailleurs que l’hostilité la plus marquée était surtout le fait des femmes, particulièrement nombreuses à cause de la polygamie qui agglutinait, dans le palais royal, tout un réseau hiérarchisé d’épouses, de concubines et de servantes, objets de bien des passades. Cette fraction féminine de l’entourage du roi, toujours avide de cadeaux et de faveurs, coûtait cher et les Français mesuraient la liste civile au plus juste.

13Opposants platoniques, princes et princesses et leurs dépendants avaient d’ailleurs la prudence de restreindre leur action à des intrigues de palais et des conciliabules qui n’ont jamais mis le pouvoir colonial en danger.

  • 3 Amiral Decoux : A la barre de l’Indochine, Paris, Plon, 1949, p. 285-286.
  • 4 Ch. Meyer : op. cit., p. 107-109.

14Cependant, dans la période qui retient notre attention, un homme pose problème. Il s’agit du prince Monireth, fils du roi Monivong. Il existe à son sujet, une sorte d’image stéréotypée. Ancien officier, sorti de Saint-Maixent, engagé en 1939 dans la Légion étrangère pour combattre en France, il est toujours présenté comme l’ami des Français. Son père souhaitait le voir monter sur le trône, mais il ne sut pas l’imposer, ni au gouvernement de Paris, ni à celui de Hanoi. En 1941, on lui préféra Norodom Sihanouk. La justification officielle de ce choix3 insiste sur le fait que ce jeune prince rassemblait en lui les deux branches rivales de la famille royale, que l’on souhaitait réconcilier, les Norodom par son père, Norodom Suramarit, et les Sisowath par sa mère, la princesse Kossamak, fille de Monivong. Malheureusement, il en était de même pour Monireth, Sisowath par son père et Norodom par sa mère, la princesse Kansiman. Une autre justification de cette préférence, officieuse celle-là, met en avant le caractère entier et le franc-parler du fils de Monivong, à quoi s’ajoute à l’époque de la vacance du trône, une certaine causticité à l’endroit de la « Révolution nationale » vichyste, tant prônée par l’amiral Decoux. Sihanouk, alors pâle et timide jeune homme, préoccupé surtout de jazz et d’amourettes, aurait paru aux autorités coloniales un personnage plus terne et plus facile à manier4.

15En admettant même que le prince Monireth ait été sincèrement favorable à la France, sans trop exagérer la profondeur de ce sentiment, cette exclusion du pouvoir n’a pu que lui déplaire. Decoux et ses conseillers devaient en être si pleinement conscients, qu’ils s’empressèrent de le mobiliser dans une garnison de la Légion... au Tonkin.

  • 5 Arch. Nat., Section outre-mer (A.N.S.O.M.), Indochine N.F., carton 138-139, doss. 1252 : Bull, de (...)

16Mais, les documents confidentiels donnent de Monireth une image assez différente. Il avait épousé, dans les années précédant la Seconde Guerre mondiale, Rosette Pok, fille d’un magistrat, Pok Hell. Cette alliance morganatique avait déplu au roi Monivong et sa position d’héritier semble avoir été pendant un temps contestée. Surtout sa belle-famille était connue pour ses sentiments pro-siamois et ses alliances en pays thai. Une note de synthèse des services de renseignement5 affirme qu’à partir de 1935 Monireth s’est laissé peu à peu gagner par l’idée de l’éviction des Français et qu’il est devenu l’espoir d’une opposition larvée pro-siamoise. Après sa campagne en France (1939-1940), il serait revenu à de meilleurs sentiments, de l’aveu même de son père, peut-être parce qu’il croyait acquise son accession au trône. Evincé en 1941, – la note invoquée explique cette décision par la conviction des autorités qu’un Norodom accepterait mieux un héritage amputé des provinces de Battambang et de Siem Reap, c’est-à-dire, dans la situation de 1904 -, Monireth, humilié, soutenu par la famille de sa femme et la majorité du clergé, serait retombé dans le jeu siamois, d’où la mobilisation à Tong, au Tonkin, pour éviter un geste inconsidéré.

  • 6 A.N.S.O.M. Aix, Indochine, Gouv. gén., Sûreté 537, d. 59 : Favre, contrôleur de la Sûreté, au Gouv (...)

17Par la suite il est signalé, assistant en spectateur et en compagnie du consul japonais, à la manifestation des bonzes de juillet 19426. Après le 9 mars 1945, il évite de se mettre en évidence, mais resterait toujours fidèle à ses amitiés thaïes. C’est ainsi qu’il obtient de Norodom Sihanouk, son neveu, la grâce et le rappel des responsables de cette manifestation de 1942, relégués à Poulo Condore et dont certains sont liés à sa belle-famille.

  • 7 A.N.S.O.M. Aix, Indochine, Gouv. gén., 7F29 (4), Service de la sécurité du Haut-Commissariat au Ca (...)

18En août 1945, son attitude est encore une fois pour le moins ambiguë. Le 9 août, se produit une tentative de coup d’Etat fomentée par de jeunes nationalistes exaltés de la mouvance de Son Ngoc Thanh. Ceux-ci entraînent le prince Thon Norodom, commandant de la Garde nationale, en lui laissant croire que Monireth est le bénéficiaire du mouvement. Les ministres sont arrêtés, sauf Son Ngoc Thanh qui constitue un « Comité national provisoire » avec Monireth et Khim Tit. Mais, le 10 août, Monireth désavoue l’opération, fait libérer les ministres et les auteurs du coup d’Etat sont à leur tour incarcérés sur l’ordre du roi. Plus tard, après l’arrestation de Son Ngoc Thanh, (devenu entre-temps premier ministre), par le général Leclerc avec l’évidente complicité de Sihanouk, le prince prend la tête du nouveau gouvernement (18 octobre)7. Il est alors présenté comme très favorable aux Américains et cherchant à se ménager l’appui des Anglais venus recevoir la reddition des Japonais du Cambodge.

19Ainsi, faut-il probablement nuancer les jugements sur cette incontestable forte personnalité. On peut penser qu’en 1945 Monireth a eu l’intelligence de comprendre que le Japon était perdu et qu’il était sage de ne pas se compromettre. Il ne s’est pas non plus opposé au retour de la France, ayant senti que, ne pouvant compter sur la Thaïlande, attachée à faire pardonner par les Alliés son alliance nippone, et ne voulant pas s’inféoder aux Viêtnamiens, ennemis héréditaires de son pays, il fallait donc composer.

  • 8 Ph. Devillers : op. cit., p. 583.

20La colonisation, tout en réservant les postes de décision aux Français et en s’appuyant largement sur des cadres viêtnamiens, avait quand même conduit à la formation d’une petite élite khmère : fonctionnaires et employés subalternes, chefs d’équipe, etc. Il y avait peu de diplômés de haut niveau, l’enseignement étant resté au Cambodge une préoccupation secondaire de l’administration. Cependant, à partir de la crise économique de 1929 et avec le gouvernement de Front populaire, cette élite, un peu mieux formée, avait commencé de jouer un rôle légèrement plus important. Cette classe d’« évolués », selon l’expression de Ph. Devillers8, sorte de bourgeoisie moyenne, très fière de son ascension, même relative, ne pouvait manquer de souffrir de son insuffisante participation à la gestion des affaires et de la médiocrité de ses espoirs de promotion. Certes, pendant la Seconde Guerre mondiale, le blocus de l’Indochine et la politique de reconnaissance des nationalités de l’amiral Decoux conduisent à accroître la part des cadres cambodgiens dans la vie administrative et économique du pays, mais ces progrès restent modestes.

  • 9 A.N.S.O.M. Paris, Indochine N.F. carton 133, doss. 1198, Inspection générale des Services des Rens (...)

21Un document, émanant des services des Renseignements généraux, en décembre 1941, est révélateur9. Après avoir indiqué le rôle excessif et dangereux joué par les « Annamites » et les Chinois, soit dans l’administration, soit dans l’économie, l’informateur insiste avec pertinence sur le retard dans le développement de l’équipement et dans l’évolution sociale du Cambodge, retard qu’il attribue à la mollesse, l’indifférence ou l’esprit de routine des autorités coloniales et des Français en général, mais aussi à l’incompétence et à l’esprit de lucre des souverains et des hauts dignitaires khmers, dont le prince Monireth, très attaché à perpétuer un état de choses profitable à leurs intérêts égoïstes. Il note alors que tous les fonctionnaires cambodgiens jeunes et même le clergé sont acquis au mouvement organisé autour du journal Nagaravatta et de l’Association des anciens élèves du lycée Sisowath. Pour lui, il est grand temps de renverser le courant avant que les tendances politiques et les hostilités sociales se cristallisent et il préconise de remplacer le résident supérieur Thibaudeau, qui déçoit la jeune élite, par une personnalité habile et efficace, capacle de rallier la masse des Cambodgiens, de l’intéresser à la vie et à l’avenir du pays et d’en faire le meilleur atout de la politique française en Indochine.

22C’est donc au sein de cette élite peu nombreuse et souvent superficiellement instruite que se dessinent des courants de mécontentements. Le plus intéressant et le premier à faire un effort d’organisation se développe autour du journal Nagaravatta (Le Pays des pagodes), fondé en 1936 par Son Ngoc Thanh et Pach Chhoeun, qui créent également une société d’édition du même nom. En 1940, ce bi-hebdomadaire tirait à environ quatre à cinq mille exemplaires, ce qui, au Cambodge, est un succès. Son Ngoc Thanh était un Khmer krom, né en 1908, en Basse Cochinchine, de père cambodgien et de mère viêtnamienne. Ayant obtenu son baccalauréat en France, nommé magistrat, il est ensuite détaché à l’Institut bouddhique. Pach Chhoeun, né en 1898 à Phnom Penh, avait servi en France comme interprète pendant la Première Guerre mondiale. Secrétaire des résidences, puis employé dans un garage, il devient directeur-gérant du nouveau journal. A la veille de la guerre, il était membre de la Chambre des Représentants du peuple du Cambodge.

  • 10 Les rapports politiques confidentiels de 1935 à 1940, ne contiennent que quelques mots au sujet de (...)
  • 11 A.N.S.O.M. Aix, Indochine, Gouv. gén., 7F29 (4) : op. cit. A signaler en mai 1936, une grève des i (...)

23Les deux hommes prennent peu à peu de l’assurance, d’autant plus que les autorités ne semblent pas les juger dangereux10. Ils organisent des tournées de conférences, notamment dans les pagodes, et des banquets. Prudemment dans leurs articles, plus ouvertement dans leurs discours, ils critiquent le Protectorat, vitupèrent les. empiètements des Viêtnamiens et des Chinois, développent une mystique nationaliste qui leur rallie les jeunes diplômés de l’Association des anciens élèves du lycée Sisowath et les moines de la secte Nïohanikay, plus modernistes que ceux de la secte réformée Thommayut11.

24A ce propos, il est intéressant de noter la liaison entré les promoteurs de ce mouvement et le clergé bouddhique. Ce dernier a en effet toujours posé de sérieux problèmes au pouvoir colonial. Dans l’ensemble, les moines, au moins ceux qui ne font pas que passer quelques mois dans un monastère, ont été dès la première heure réticents, sinon hostiles, vis-à-vis de la présence française. Craignant soit pour la religion qu’ils représentaient et pour la culture qu’elle sous-tend, soit également, pour leur influence, profitable, sur la population, ils ont longtemps servi d’agents aux menées siamoises contre le Protectorat et d’auxiliaires aux rebelles de toutes origines. L’administration coloniale les surveillait de très près. C’est dans une large mesure pour mettre fin à leurs fréquents voyages au Siam sous le prétexte d’études et dans l’espoir de se concilier ce clergé peu coopératif que furent créés l’Ecole supérieure de Pâli et l’Institut bouddhique. Ces établissements contribuèrent à améliorer le niveau intellectuel des moines et partant leur influence.

25Les Japonais ne s’y trompèrent pas. Installés au Cambodge dès 1941, leurs services politiques s’intéressèrent très vite au clergé et aux nationalistes de l’Institut bouddhique. Le terrain était favorable. Après la défaite de la France en 1940 et surtout les amputations territoriales résultant de la guerre avec la Thaïlande en 1941, Son Ngoc Thanh et Pach Chhoeun s’enhardissent. Convaincus de la victoire finale du Japon et de l’éviction inévitable des Français, ils décident d’organiser un mouvement politique dont le but est de s’appuyer sur les Nippons pour obtenir l’indépendance et résister aux Siamois. Cette agitation conduit à la suspension, après plusieurs rappels à l’ordre de la censure, du journal Nagaravatta en avril 1942, mais parallèlement des groupes de choc sont recrutés, de l’argent est collecté, en grande partie sous l’influence du clergé.

26En juillet 1942, Son Ngoc Thanh croit le moment venu de frapper un grand coup. Il pressent les Japonais. Le lieutenant Ochi, commandant la gendarmerie nippone au Cambodge, laisse entendre qu’il interviendra en cas de répression sanglante par les autorités coloniales. On prépare un massacre des Français. Le bruit court d’un soulèvement des troupes cambodgiennes. Mais, le 18 juillet, la Sûreté arrête un moine, Hem Cheao, professeur à l’Ecole supérieure de Pâli, un des éléments les plus intelligents et les plus actifs du complot. Il s’agit de le faire libérer avant qu’il puisse dévoiler les secrets de l’organisation. Le 20 juillet, Pach Chhoeun et ses amis se répandent dans les monastères de Phnom Penh et ameutent les moines en affirmant que Hem Cheao a été torturé sans avoir été défroqué. Un cortège de religieux, mais aussi de civils, évalué par la Sûreté à 500 moines et 200 laïques, se dirige vers la Résidence supérieure. Excités par Pach Chhoeun, les manifestants tentent de forcer l’entrée. La police débordée tire en l’air. La gendarmerie japonaise, venue sur les lieux, assiste à l’échauffourée sans intervenir. Finalement, Pach Chhoeun et quelques comparses sont arrêtés, la foule reflue, les inquiétudes des religieux au sujet du moine incarcéré sont apaisées. Il n’y a de blessés que parmi les forces de l’ordre. Curieusement, Son Ngoc Thanh n’est pas apparu. Il a disparu de son domicile dès le 18 juillet. On sait que les Japonais l’ont pris sous leur protection et ont favorisé sa fuite.

  • 12 A.N.S.O.M. Aix, Indoch. Gouv. gén., Sûreté géné. 537, d. 59 : tous les rapports de juillet et août (...)

27Les prisonniers sont condamnés par la Cour martiale de Saigon. Peine de mort pour Son Ngoc Thanh, Pach Chhoeun et Hem Cheao. Ces deux derniers sont grâciés et envoyés au bagne de Poulo Condore. Hem Cheao y meurt en octobre 1943. Pach Chhoeun est libéré par les Japonais en mars 1945. Le mouvement nationaliste était provisoirement décapité. Mais il est particulièrement symptomatique que la première véritable manifestation d’hostilité à la colonisation ait été l’œuvre de moines. Cet avertissement n’empêche pas les autorités coloniales, sous l’impulsion du nouveau résident supérieur Georges Gautier, de faire promulguer, par le roi, le kram du 13 août 1943 imposant la romanisation du cambodgien et celui du 17 juillet 1944 substituant le calendrier grégorien au calendrier bouddhique12.

28Après le coup de force du 9 mars 1945, les nationalistes redressent la tête. Pach Chhoeun, libéré le 21 mars, revient à Phnom Penh et fait reparaître le Nagaravatta, qui devient un organe pro-japonais et antifrançais. Mais les Japonais trouvaient le roi et son gouvernement trop tièdes. Ils imposèrent le retour de Son Ngoc Thanh, réfugié à Tokyo, qui, le 1er juin, est nommé ministre des Affaires étrangères et place Pach Chhoeun à l’Economie nationale. Désormais, il ne cesse d’accentuer son orientation pro-nippone. Il s’efforce d’organiser ses partisans. Nous avons vu l’échec du coup d’Etat du 9 août, fomenté par les plus exaltés d’entre-eux. Se sentant menacé à la fois du côté cambodgien et du côté des Alliés, il organise le 12 septembre un plébiscite, dont les modalités sont sujettes à caution, mais qui approuve sa politique d’indépendance et de refus du retour des Français. Cependant, rien n’était résolu. Son arrestation, le 15 octobre met un terme à l’aventure. Condamné en 1947 aux travaux forcés, il est placé en résidence surveillée en France. Pach Chhoeun, qui s’est enfui, le 16 octobre, dans un camp viêt-minh de Cochinchine, s’est livré aux Français en 1946 et a rejoint Son Ngoc Thanh en France en 1948.

  • 13 Ch. Meyer : op. cit., p. 109. Dr. A. Pannetier: Au cœur du Pays khmer, Paris, Payot, 1921, passim. (...)
  • 14 A.N.S.O.M. Aix, Indoch., Résid. sup. Cambodge, caisse 137 (non classée) : rapport secret au gouv. (...)

29A côté de ces nationalistes, peu nombreux mais prêts à l’action, dont les idées simples, indépendance, xénophobie, rencontraient quelque écho dans la population, la tendance pro-siamoise, qui elle aussi veut éliminer la France, fait pâle figure, même si elle recrute des partisans dans les classes dirigeantes. C’est ainsi que l’on retrouve la belle-famille du prince Monireth. Son beau-père, Pok Hell, magistrat, a été président de la Cour d’appel du Cambodge. Il était le gendre du fameux Thiounn, ancien interprète, devenu ministre, puis premier ministre, celui que Ch. Meyer a si joliment appelé le « shogun » du Cambodge et qui domina, non sans scandales, l’histoire du pays de la fin du xixe siècle jusqu’au début de la Seconde Guerre mondiale13. La fille de Pok Hell, Rosette, d’abord compromise par son concubinage avec un fonctionnaire français, avait réussi à se faire épouser par le prince Monireth. Le frère de Pok Hell, Pok Khun, ancien employé du Mont-de-Piété de Battambang, licencié à la suite de manœuvres suspectes, s’est réfugié à Bangkok, a épousé une Siamoise et en 1940, naturalisé, travaille pour la radio thaïe. Le résident supérieur Thibaudeau signale cette famille comme activement pro-siamoise, suspectant même Thiounn, alors premier ministre. Mais, il ajoute que dans l’ensemble ces gens sont plus détestés et craints qu’influents et il ne semble pas redouter les conséquences de leurs intrigues14.

30Une autre famille pro-siamoise, celle des Boun Chan, alliée aux Pok, est accusée dans des notes secrètes d’avoir contribué avec Pach Chhoeun à fomenter l’émeute de juillet 1942.

  • 15 A.N.S.O.M. Paris, Indoch. N.F. carton 138-139, doss. 1252 : bull, du S.D.E.C.E., 3 mars 1946, op. (...)

31Boun Chan Mol et son frère, Boun Chan Phlang, fils d’un ancien gouverneur de province, participent effectivement à la manifestation des moines. Arrêtés, condamnés à cinq ans de travaux forcés, ils sont libérés de Poulo Condore, le 9 mars 1945. Le premier devient le garde du corps de Son Ngoc Thanh, et le second... le secrétaire particulier du prince Monireth15.

  • 16 Amiral Decoux : op. cit., p. 269-297 et 395-411.

32Ainsi, il existait bien des courants antifrançais dont il est quasiment impossible de mesurer l’importance et l’influence réelles. Entre les frustrations de la classe aisée, la méfiance du clergé et les ambitions de quelques activistes, la marge est grande. Jusqu’au 9 mars 1945, les menées thaïlandaises et les incitations japonaises ne semblent pas avoir réussi à mobiliser une foule de partisans. On peut penser d’ailleurs que la politique de l’amiral Decoux, visant à éveiller dans les limites du pouvoir français, l’idée de nationalité, ménageant la susceptibilité du roi, encadrant la jeunesse khmère par des activités sportives, mettant en relief la grandeur du passé angkorien, tout cet ensemble contribuait à servir le courant nationaliste, mais apportait aussi au plus grand nombre des satisfactions d’amour-propre freinant d’éventuelles velléités d’action libératrice16. Sans doute, l’effondrement brutal, en quelques heures, du pouvoir français a-t-il encouragé bon nombre d’indécis et d’incertains. Des groupes d’action apparaissent, mais leurs moyens étaient extrêmement limités et, au moins jusqu’à l’automne 1945, leur influence demeura réduite.

33Et le peuple ? A ce sujet, il est très difficile de se faire une opinion. Les masses populaires cambodgiennes étaient alors essentiellement rurales. Ces paysans disposaient de terres abondantes, qu’ils ne pouvaient cultiver dans leur totalité. Menant une vie simple, avec des ambitions limitées, sous l’influence de l’éducation traditionnelle, marquée par le bouddhisme du Theravâda, à aucun moment ils n’apparaissent comme un prolétariat rural. Que pensaient-ils de la présence française ? Les rapports politiques confidentiels et les notes de la Sûreté les présentent comme uniquement attachés aux problèmes de la vie quotidienne, le travail, les récoltes, les impôts, avec en toile de fond les fêtes familiales et religieuses. On a beaucoup insisté sur la lourde fiscalité, imposée par l’administration indochinoise. Elle était en effet conséquente, mais il faudrait se souvenir qu’avant le Protectorat, les rois et leurs mandarins n’étaient pas tendres avec le peuple. En tout cas, dans les années qui nous concernent ici, en dehors de l’habituel cortège des voleurs de buffles et des petits délinquants, mal endémique au Cambodge, la documentation ne révèle aucun mouvement hostile dans la masse paysanne. Parler de la misère des campagnes est sans doute excessif et lié à des critères d’appréciation d’origine occidentale.

34Quant au petit peuple des villes, il faut préciser les éléments qui le composent. Numériquement peu important, il est dominé par les Viêtnamiens et les Chinois. C’est dans cette fraction, éminemment dynamique, mais en marge de la société cambodgienne, que se répandent les idéologies révolutionnaires, principalement le marxisme.

  • 17 A.N.S.O.M. Aix, Indoch., Gouv. gén. F03-119 à 120 : rapports polit, confidentiels, op. cit., Ibid. (...)

35Fondé en 1930, le Parti communiste indochinois (P.C.I.) est présent au Cambodge, mais ses adhérents, surveillés de près par la Sûreté, sont essentiellement des Viêtnamiens, soit installés dans le pays, soit momentanément réfugiés loin du Viêt Nam, pour tenter de se soustraire à la police. Certes, on ne peut affirmer qu’il n’y ait pas eu un seul Cambodgien dans les rangs du parti à cette époque ; cependant, ils ne devaient être ni nombreux, ni très actifs, ni chargés de grandes responsabilités, car l’administration et la Sûreté les ignorent. D’ailleurs même dans la période suivante, les cadres viêtnamiens du P.C.I. n’ont cessé de dénoncer dans leurs rapports l’inertie, l’incapacité des Khmers et leur incompréhension à l’égard des idéaux et des techniques révolutionnaires17. De même que des souverains du passé se sont fait fabriquer des généalogies sur mesure pour affermir leur légitimité, plus récemment, des chefs populaires se sont créés des antécédents révolutionnaires dont il est bien difficile de retrouver des preuves, mais c’est une question que nous n’aborderons pas ici.

36Les caractéristiques particulières du P.C.I. au Cambodge expliquent que pendant la période du Front populaire l’agitation sociale et politique soit essentiellement le fait des Viêtnamiens, soutenus parfois par les Chinois : grèves dans les plantations, les pêcheries, les ateliers, les moyens de transport, manifestations de protestation sous divers prétextes. En mai 1936, la manifestation, déjà évoquée, des internes du lycée Sisowath est considérée par les autorités comme d’origine strictement khmère et hors de toute influence des groupes subversifs. Les Cambodgiens, dans leur quasi totalité, n’avaient certainement aucun désir de s’exprimer publiquement aux côtés des Viêtnamiens. Leurs problèmes et la façon de les appréhender étaient en partie différents.

  • 18 A.N.S.O.M. Aix, Indoch. Gouv. gén. F03-120 : rapport polit, confidentiel, 6 août 1937.

37L’agitation vient également des milieux caodaïstes, eux aussi strictement viêtnamiens, puisque le roi Monivong, approuvé par la France, a pris des mesures pour dissuader ses sujets de s’affilier à cette secte et que l’équipe du Nagaravatta se demande dans un éditorial du 10 juillet 1937 : « Pourquoi les religions étrangères ont-elles été accréditées au Cambodge ? » et adjure les Khmers de défendre le bouddhisme18.

38Pour terminer, au moins provisoirement, citons un fait révélateur. En 1937, une Commission parlementaire d’enquête, conduite par Justin Godart est venue en Indochine. Il était prévu de rassembler des cahiers de vœux ou de doléances pour les lui soumettre. Au Cambodge, les autorités ont sollicité par des communiqués, des lettres ou des démarches toutes les personnes représentatives à un quelconque degré. La date limite de dépôt était fixée au 15 novembre. Or, le 8 octobre, le résident supérieur constate qu’il n’a reçu en tout et pour tout qu’une seule lettre. Il attribue ce silence à la volonté des Khmers de ne pas paraître désavouer l’autorité protectrice, mais il craint une recrudescence de la propadande viêtnamienne pour se substituer aux Cambodgiens et créer des incidents qui feraient impression sur la Commission. Il n’en fut rien.

39Ainsi, si nous nous limitons aux années allant de 1936 à 1945, nous constatons, au niveau de l’action anticoloniale, qu’il n’existe au Cambodge, rien de comparable à ce que l’on trouve au même moment au Viêt Nam, ni sous le rapport de la quantité, ni sous celui de la qualité.

40Ceci ne veut pas dire que les Khmers ne souhaitaient pas retrouver leur pleine indépendance et la totale liberté de disposer d’eux-mêmes, mais il est incontestable que les différences de structures, de degré d’évolution et de culture entre les deux sociétés n’ont pas permis au Cambodge les mêmes prises de conscience.

41Cependant, les Cambodgiens n’étaient pas aussi sots, ni aussi méprisables que pouvaient le penser certains colonisateurs ou certains de leurs voisins. Sans ignorer totalement la lutte armée, qui resta toujours fractionnaire et tributaire du Viêt-Minh, n’ont-ils pas, par la suite, au moins jusqu’en 1954, très largement profité des efforts sanglants des Viêtnamiens pour obtenir sensiblement les mêmes résultats, mais aux moindres frais ? Mais ceci est une autre histoire.

Notes

1 Pour la connaissance, surtout événementielle, de la période 1936-1945, nous renvoyons, une fois pour toutes, à Ph. Devillers : Cambodge, in L’Asie du Sud-Est, t. II, Paris, Sirey, 1971 (L’Histoire du xxe siècle), p. 581-595.

2 Ch. Meyer : Derrière le sourire khmer, Paris, Plon, 1971, p. 180.

3 Amiral Decoux : A la barre de l’Indochine, Paris, Plon, 1949, p. 285-286.

4 Ch. Meyer : op. cit., p. 107-109.

5 Arch. Nat., Section outre-mer (A.N.S.O.M.), Indochine N.F., carton 138-139, doss. 1252 : Bull, de renseignements polit, du S.D.E.C.E., 23 mars 1946, très secret.

6 A.N.S.O.M. Aix, Indochine, Gouv. gén., Sûreté 537, d. 59 : Favre, contrôleur de la Sûreté, au Gouv. gén., 27 juillet 1942, secret.

7 A.N.S.O.M. Aix, Indochine, Gouv. gén., 7F29 (4), Service de la sécurité du Haut-Commissariat au Cambodge : 5 juill. 1951, étude sur l’évolution de la polit, intérieure et les partis polit, khmers (1945-1951). Ibid., 7F29 (7), Direction de la Sûreté: 19 août 1952, étude sur les mouvements rebelles au Cambodge (1942-1952).

8 Ph. Devillers : op. cit., p. 583.

9 A.N.S.O.M. Paris, Indochine N.F. carton 133, doss. 1198, Inspection générale des Services des Renseignements généraux: Vichy, 9 déc. 1941, note sur la situation actuelle au Cambodge, adressée à l’amiral Platon, secrét. d’Etat aux colonies.

10 Les rapports politiques confidentiels de 1935 à 1940, ne contiennent que quelques mots au sujet de cette contestation d’allure anodine (A.N.S.O.M. Aix, Indochine, Gouv. gén. F. 03-118 à 120). Pourtant, en décembre 1940, le résident supérieur Thibaudeau montre un début d’inquiétude (A.N.S.O.M. Aix, Résid. sup. Cambodge, caisse 137 [non classée] : rapport du 10 déc. 1940 sur l’état d’esprit des populations.

11 A.N.S.O.M. Aix, Indochine, Gouv. gén., 7F29 (4) : op. cit. A signaler en mai 1936, une grève des internes du lycée Sisowath, dont le prétexte est la décision récente de limiter à 20 ans, l’âge limite pour l’exemption de l’impôt personnel accordée aux élèves. D’après le rapport politique confidentiel du résident supérieur Silvestre pour mai 1936, (A.N.S.O.M. Aix, Indoch. Gouv. gén. F03-119), il faudrait tenir compte aussi du mécontentement devant un effort pour resserrer la discipline et des effets des campagnes de presse contre l’administration émanant de journaux français locaux comme La Vérité. A cette occasion, Silvestre ignore totalement Nagaravatta.

12 A.N.S.O.M. Aix, Indoch. Gouv. gén., Sûreté géné. 537, d. 59 : tous les rapports de juillet et août 1942. Ibid., 7F29 (4) et 7F29 (7), op. cit.

13 Ch. Meyer : op. cit., p. 109. Dr. A. Pannetier: Au cœur du Pays khmer, Paris, Payot, 1921, passim. Pierre L. Lamant : L’affaire Yukanthor, thèse de 3e cycle, Paris, Univ. de Paris III, 1979, non publiée.

14 A.N.S.O.M. Aix, Indoch., Résid. sup. Cambodge, caisse 137 (non classée) : rapport secret au gouv. géné., 10 déc. 1940.

15 A.N.S.O.M. Paris, Indoch. N.F. carton 138-139, doss. 1252 : bull, du S.D.E.C.E., 3 mars 1946, op. cit., A.N.S.O.M. Aix, Indoch., Gouv. gén. 7F29 (7), op. cit., Boun Chan Mol, qui fut ministre du régime de Lon Nol, a écrit et publié des souvenirs, à Phnom Penh en 1971. Les passages concernant les événements de 1942 à 1945, ont été traduits par Mme Chanthou Boua et édités en anglais dans : Ben Kiernan et Chanthou Boua, Peasants and Politics in Kampuchea, 1942-1981, Londres et New York, 1982, p. 104-126. Ce texte apporte surtout le point de vue d’un acteur, mais exagère beaucoup la portée des événements.

16 Amiral Decoux : op. cit., p. 269-297 et 395-411.

17 A.N.S.O.M. Aix, Indoch., Gouv. gén. F03-119 à 120 : rapports polit, confidentiels, op. cit., Ibid., Gouv. gén. 7F29 (2), Direction des Services de sécurité du Haut-Commissariat en Indochine : note sur l’organisation polit, et admin. du Viêt-Minh au Cambodge, déc. 1952. Ben Kiernan nous paraît imprudent en insistant sur le rôle d’un certain Thach Choeun, également connu sous le nom de Son Ngoc Minh, prétendu frère de Son Ngoc Thanh. et en se fondant sur la note précitée (7F29 (2)], où tout est au conditionnel et sous réserve (Ben Kiernan et Chanthou Boua, op. cit., p. 14 et 25).

18 A.N.S.O.M. Aix, Indoch. Gouv. gén. F03-120 : rapport polit, confidentiel, 6 août 1937.

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