Documents concernant les objets de Pierre
p. 113-118
Texte intégral
1Les documents manuscrits concernant les objets de pierre, retrouvés au Bugue, sont de natures très disparates. Beaucoup ne sont que des brouillons griffonnés. Nous [B. et G. D.] fournissons ici les quelques textes utilisables.
les palettes de couleurs
2« Ce sont des écailles de calcaire coniacien assez compact, détachées par le gel de la couche supérieure qui couvre le plateau. On en trouve dans les bois avoisinant la grotte, généralement plus ou moins discoïdes à l’état naturel. Les Préhistoriques en ont abattu les saillies, pour leur donner une forme préhensible, que nous avons classée typologiquement en quadrangulaire ou oblongue (nos 1, 2, 3 et 4, série A) (fig. 72), losangique (nos 2 et 3, série B) et triangulaire (fig. 73), la forme la plus fréquente et aussi la plus pratique (nos 1, 4, 5, 6 et 7, série B), car la pointe, obtenue par les deux coins abattus, est un manche façonné à peu de frais1.
3« Le plateau est teinté de rouge, de noir et de jaune. Elles sont monochromes sauf une (no 5, série A) (fig. 72), qui est bichrome, jaune et noir, association de teintes des Chevaux chinois, du cerf no 2 [de la Frise], d’un cheval de la Nef.
4« Elles étaient taillées dans la grotte elle-même, car nous avons retrouvé une cinquantaine de déchets de taille : généralement de petits triangles calcaires.
5« C’est le même procédé qui a été employé pour jumeler les bobèches des chandeliers, sauf que ces derniers n’ont pas une forme géométrique définie, mais le côté de jonction généralement aménagé. La démonstration de taille pour les palettes illustrées ici nous dispensera d’une illustration spéciale pour les bobèches (fig. 72 à 74).
6« On peut s’étonner de ne pas trouver des plaquettes en schiste ou en grès comme dans les grottes pyrénéennes. Les gisements schisteux ou gréseux sont à 100 à 200 km de Lascaux dans le Massif central ou vers le Limousin. Et le calcaire coniacien et santonien offre une pierre dure, gréseuse et souvent rugueuse par les débris de fossiles qu’il contient, soit des échinodermes soit de petits bivalves. Beaucoup de ces palettes ont été choisies en ce sens, présentant l’aspect de râpes sur lesquelles on râpait les nodules pulvérulents. »
Fig. 72 — « Série Aa.

1 – Plaque calcaire de forme rectangulaire taillée en trois endroits indiqués par les flèches, avec l’abattage de trois sailliesb. Plateau très aplani avec traces d’usure. 16,5 cm x 9,5 cm x 3 cm. 2 – Plaquette calcaire de forme rectangulaire. Plateau usé mais vallonné. 19 cm x 10 cm x 1,5 cm. 3 – Plaquette calcaire, de type quadrangulaire, à plateau très aplani, avec traces d’usure. 17 cm x 9,5 cm x 2 cm. 4 – Plaque calcaire de type oblong, retaillée en deux endroits par abattage des saillies. Le manche (?) est légèrement incurvé. Trace de noir dans la partie centrale du plateau. 25 cm x 15,5 cm x 3 cm. 5 – Plaquette calcaire épaisse taillée en biseau par deux saillies abattues. Noir de manganèse sur le haut de la pièce et poudre jaune sur la basec. 25 cm x 20 cm x 3,5 cm. »
GODET À COULEURS, EN CALCAIRE, À CUVETTE FAÇONNÉE
7« Objet provenant de la fouille du Gour [du Cerf, dans le Passage].
8« Plaque discoïde en calcaire à dessous aplani et à rebords formant bourrelet convexe remontant en quart de cercle. Le plateau est formé d’une sorte de margelle large de 40 mm, contenant une cavité centrale plus ou moins ellipsoïde teintée d’ocre rouge. Il semble bien que ce galet naturel ait été aménagé pour la préhension et sa stabilité. Longueur : 145 mm ; largeur : 130 mm ; épaisseur : 25 à 35 mm. »
9Ce texte de A. Glory écrit sur une feuille volante nous a permis d’identifier un remarquable godet à couleurs qui était conservé au Bugue, sans identification (voir supra, fig. 25, p. 48)2.
10Cet objet apparaît sous le no 1 de la planche VII dessinée par A. Glory (fig. 26). La légende de cette planche VII est précieuse, car elle confirme l’identification de l’objet3. B. et G. Delluc avaient trouvé le dessin isolé, sans légende, dans les archives A. Glory à l’Institut de paléontologie humaine en 1985. Ils l’avaient identifié par erreur comme une « lampe possible à cupule ovalaire paraissant façonnée » (Delluc, 1985, p. 202, fig. 3).
Fig. 73 – « Série B.

1 – Plaque-bloc calcaire, épaisse à verso bombé, de forme triangulaire, taillée en pointe par l’abattage de deux saillies. Plateau incurvé, teinté de noir. A-B, profil du pan abattu à droite. 14 cm x 15 cm x 5,5 cm. 2 – Plaquette calcaire de forme losangique ou double pointe, taillée en biseau aux deux extrémités par trois abattages indiqués par les flèches. Plateau teinté de couleur rouge indiquée par pointillage [non visible sur le dessin]. 14 cm x 10,5 cm x 2,5 cm. 3 – Plaquette calcaire épaisse, à verso bombé, de forme losangique, avec manche aminci naturellement, teinté en rouge à l’extrémité appointéed. Coupe axiale. 16 cm x 10 cm x 4,5 cm. 4 – Petite plaquette calcaire de forme triangulaire, taillée en pointe à une extrémitée. Plateau vierge, sans couleurs. 15,5 cm x 8,5 cm x 2 cm. 5 – Grande plaquette calcaire, peu épaisse, à profil incurvé, de forme triangulaire, taillée en pointe à une extrémitéf. Deux cupules naturelles peu profondes situées vers la tête. Plateau teinté de gris beige. 24 cm x 18 cm x 2 cm. 6 – Petite plaquette de calcaire épaisse, de forme plus ou moins triangulaire, taillée en pointe à une extrémitég. Plateau teinté de rouge. 10,5 cm x 9,5 cm x 3 cm. 7 – Grande palette trouvée dans le sol de l’Abside en 1958 par l’auteur, de forme plus ou moins triangulaire par aménagement du manche naturel. Le plateau était garni de poudre de manganèse très fine, pulvérulente, avec un morceau de pyrolusite (?) très friableh, pulvérulent au doigt. 24 cm x 20 cm x 4,5 à 6 cm d’épaisseur. »
COLLECTION PARVAU
11Au moment de la préparation de Lascaux inconnu, M. B. Parvau, ancien régisseur de la grotte de Lascaux pour M. de La Rochefoucauld, propriétaire, nous a confié 78 pierres de natures diverses pour qu’elles soient remises au musée national de Préhistoire des Eyzies : LR1 à LR78. Nous avons étudié ce matériel dans le cadre de notre étude sur l’éclairage pour Lascaux inconnu (Delluc, 1979b, p. 121-142). Parmi ces pierres, le godet en silex LR33 et le pilon LR34 : ces deux objets ont été mis en dépôt dans le sas muséographique de Lascaux II en 19834.
Fig. 74 — « Série C. Palettes [à] couleurs accompagnées en couche de crayons colorants ou de silex

1 – Cabinet des Chevaux, no 7. Plaque de calcaire gréseux de forme triangulaire avec enlèvement des saillies aux deux flèches. Plateau d’aspect rugueux avec dépression centrale garnie de poudre d’ocre rouge [ici deux mots non déchiffrés] et celle de la paroi (?). 12 cm x 10,5 cm x 2,5 cm. 2 – Cabinet des Chevaux, no 3. Petite plaquette en calcaire très gréseux fossilifère, de forme à profil incurvé et à base épaisse et rétrécie à la façon d’un manche. La zone convexe est teintée de rouge et, au recto, concave teintée de noir. La tête est arrondie naturellement. 9,5 cm x 8 cm x 1 cm. 3 – Fouille du Gour du Cerf [Passage]. Plaquette de calcaire gréseux de forme triangulaire, taillée en pointe grâce à l’abattement d’une saillie sur le côté gauche ; une autre sur la tête à droite. Les creux du plateau sont fortement teintés de rouge carmini, comme certaines peintures du Passage. L’assise n’en possède pas. 13 cm sur 11,5 cm et 1,5 cm d’épaisseurj. 4 – Cheval retournék. Micro-palette en calcaire gréseux fossilifère, de forme triangulaire par abattement des deux côtés, garnie de teinte rouge vif, sur la partie concave, et noire, sur la partie convexe. 6,5 cm x 4 cm x 0,7 cm. 5 – Passage. Godet à couleurs. Débris de stalagmite en forme de conque à base incurvée. La cupule a gardé des plages de rouge carmin qui font un effet saisissant sur [une] certaine partie lisse et blanche de la calcite. 6,5 cm x 4 cm x 0,4 cm. 6 – Passage. Débris d’un test d’une coquille formant cuilleron, brisé anciennement. 5,5 cm x 3,2 cm x 0,4 cm. »
Fig. 75 — Dessin schématique de A. Glory représentant le bloc à cupule retrouvé dans la salle des Taureaux, près du Passage.

12Au Bugue, nous avons retrouvé un inventaire du matériel en dépôt chez M. Parvau à l’époque des travaux de Glory à Lascaux : « Boîte métal – Déchets et nucléus, éclats ; Caisse grande – 43 lampes ; Caisse moins grande – 9 lampes et débris, 2 écrasoirs, 1 godet, 6 palettes. »
13Un autre texte, écrit sur une feuille volante, décrit le matériel contenu, à l’époque, dans une certaine « deuxième caisse ». Il nous a permis d’identifier deux objets importants : le godet retrouvé dans la salle des Taureaux, près du Passage, et une pierre interprétée comme un pilon. Le voici.
« Deuxième caisse [de la collection Parvau]. Palettes et godet
Godet
14« Un bloc de chaille en silex, qui était retourné dans le Passage (24 cm x 17 cm x 11 cm). Recouvert de tout son cortex [sur une] surface mamelonnée. [Il] a une cupule en sa partie centrale. La surface, à cupule tournée vers le sol, est recouverte d’une couleur rouge vif orangé. La cupule est fortement imprégnée de rouge vif. L’autre face, plus irrégulière et plus aplatie, ne présente aucune trace de colorant5.
[Deux] grandes palettes
15« Des petites écailles de même forme que les lampes : surface bombée d’un côté et surface concave de l’autre. Cette dernière partie est colorée rouge ou noire. Celles-ci sont plus petites de volume que les lampes (16 cm x 10 cm et 12 cm x 11 cm).
Petites palettes
16« On peut appeler palettes des petites écailles de calcaire plat, généralement de forme triangulaire, dont une surface plate, non apprêtée, quelquefois concave, est imprégnée de peinture rouge et noire (10 cm x 14 cm ; 10 cm x 10 cm ; 9 cm x 13 cm ; 6 cm x 8 cm ; 8 cm x 12 cm ; 7 cm x 8 cm). Une dizaine d’écailles de pierrailles, couvertes de rouge ou de noir, ont pu servir de support à couleurs (soufflées ?).
Écrasoirs
17« La couleur a été écrasée ou broyée sur des plaquettes calcaires ou siliceuses, à surface plate et usée par frottement. Cette surface abrasée est imprégnée de rouge ou de noir.
18« 1 – Grosse chaille en silex6, en forme de raquette plate (18 cm x 16 cm), usée, carbonatée et imprégnée de rose d’un côté. [Un schéma de l’objet est dessiné en marge (fig. 76)].
19« 2 – Grand écrasoir plat, de type ovoïde (26 cm x 21 cm), bombé en bas, [mot indéchiffrable] sur l’autre face, à surface grumeleuse autour, sauf au centre. Partie centrale circulaire usée sur 10 cm x 12 cm, avec déversement sur un côté. Plage de noir ancien sous calcite. [Un dessin schématique de l’objet figure en marge (fig. 77)]. »
Fig. 76 — Dessin schématique de A. Glory en marge de sa description de l’« écrasoir » en silex, vu de profil sur la figure 12, car posé à plat sur le rebord du bloc de silex à cupule de la salle des Taureaux.

Fig. 77 — Dessin schématique de A. Glory en marge de sa description du « grand écrasoir plat ».

Notes de bas de page
1 Pour illustrer ce commentaire, A. Glory a laissé : 1 – trois planches correspondant aux séries A, B et C (fig. 72, 73 et 74) ; 2 – le relevé minutieux d’une plaquette figurant aussi sous le no 3 de la série C (voir fig. 74). Aucune de ces plaquettes n’a été identifiée. En revanche, les légendes nous révèlent le lieu de découverte d’un certain nombre de ces objets.
2 C’est, en effet, une pierre calcaire assez plate (14,5 cmx13,5 cm avec une épaisseur moyenne de 2,5 cm, dans notre observation), entièrement couverte d’un voile de calcite blanche, plus ou moins écaillé (voir supra, fig. 25). Sa partie supérieure est creusée d’une cuvette ovale (7,5 cm x 4 cm et 0,9 cm de profondeur maximum), entourée par un rebord plat, sauf en un point où il présente une protubérance (l’épaisseur de la pierre atteint alors 3,5 cm). La cuvette présente des traces rouges imprégnant le calcaire, sur le fond et sur une partie du bord : ces traces rouge lilas évoquent plus des traces de pigments que des stigmates de combustion, mais le diagnostic n’est pas clair. Il n’y a pas de traces noires, sauf deux très limitées sur un côté du rebord. On peut décrire cette pierre comme un godet à pigments avec une cuvette façonnée ovale.
3 Il fait sans doute partie « des palettes » signalées par le chercheur dans la couche 3 de la coupe G.
4 M. Parvau nous a indiqué que l’objet LR34 était considéré par A. Glory comme le pilon du godet en silex LR33. C’est la raison pour laquelle nous avons présenté ces deux objets, ensemble, dans le sas muséographique de Lascaux II (voir fig. 12).
5 Cet objet a été dessiné par A. Glory (fig. 75). Il s’agit d’un gros rognon de silex blond à veines gris clair. Globalement, c’est une sphère tronquée (environ 26 cm sur 27 cm et 17 cm de hauteur). Elle présente naturellement une face relativement plane, lui assurant une assise stable. Le cortex est présent presque partout, mais il semble avoir été ponctuellement martelé. Par place, le silex apparaît. La surface porte, en outre, des traces de calcite blanche. La face supérieure a été creusée par piquetage d’une large cuvette, d’une profondeur variant de 1,2 à 2 cm et d’une capacité d’environ 60 ml. Le piquetage a eu pour effet de faire disparaître une grande partie du cortex faisant apparaître le silex au fond de la cuvette. Les traces de pigments signalés par A. Glory sont moins visibles aujourd’hui : le fond de la cuvette et ses bords présentent des traces de coloration rose (Delluc, 1979b, p. 122-123 et fig. 94).
6 Il s’agit de l’objet numéroté LR34, considéré par A. Glory comme le pilon du godet LR33.
Notes de fin
a Les légendes des trois planches de plaquettes (Séries A, B et C) avaient été préparées par A. Glory.
b A. Glory interprète les surfaces éclatées comme des traces de façonnage (indiquées par des flèches). En l’absence d’une observation directe, il n’est pas possible de fournir une appréciation sur ce diagnostic.
c Sur le brouillon du texte, on lit : « sur le manche ».
d « Sur la partie opposée au manche », selon le brouillon.
e « En biseau », selon le brouillon.
f « En biseau », selon le brouillon.
g « En biseau épais », selon le brouillon.
h « Avec un morceau de manganèse pulvérulent », selon le brouillon.
i « Ou rouge violacé », selon la légende d’un des calques.
j L’épaisseur est de 1,7 cm, selon un des brouillons de A. Glory. En effet, cette pierre a donné lieu à plusieurs relevés sur calque. L’un d’eux porte un commentaire complémentaire : « Plaquette calcaire, surchargée d’ocre rouge et couverte en superficie d’une légère couche de concrétion blanche ».
k A. Glory nomme plus souvent ce panneau du fond du Diverticule axial : « Cheval inversé ».
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