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Commentaires sur les pigments de Lascaux

p. 105-112

Note de l’auteur

Note portant sur l’auteur1


Texte intégral

les matières colorantes trouvées à lascaux dans la seconde couche (1954)

1Les matières colorantes trouvées dans la seconde couche du sol (Diverticule axial, Cabinet des Chevaux), contenant par endroits des restes archéologiques, se présentent sous la forme de résidus de produits minéraux : petites parcelles, menus fragments de la grosseur d’une petite cerise à celle d’une grosse noix, tombés de la palette des artisans. Dans le Diverticule axial, les colorants étaient en plus grand nombre du côté des parois, ainsi d’ailleurs que les palettes dans le Diverticule des Félins.

2Nous avons supposé qu’on pouvait imiter ces artistes en réduisant en poudre ces morceaux, soit par grattage avec un silex, soit par pilonnage avec une pierre mousse2.

3L’examen microscopique du débris de peinture enrobant la lame du silex no 27 montre que sa pâte fine et homogène provient d’un grattage qui ne donne pas de granules, comme en ont produits les écrasements que nous avons expérimentés. Les nombreuses traces de colorants, conservées dans les minuscules éclats aux arêtes émoussées des lamelles de Lascaux, confirment cette opinion.

les teintes

4En classant par teintes les poudres placées dans des petits tubes en verre de même épaisseur, nous avons obtenu une gamme de 15 nuances, non pas que les Préhistoriques s’en soient obligatoirement servi, mais dont ils auraient pu se servir, soit à l’état pur, soit en malaxant les couleurs pour obtenir des valeurs dérivées.

5Il est bon de rappeler qu’en matière artistique, le blanc n’est pas considéré comme une couleur mais comme un complément d’une couleur simple, soit pour éclaircir un ton, soit pour donner du corps quand on peint, comme les Préhistoriques, en pleine pâte. Nous n’avons pas de certitude sur ce point, mais la présence de nombreux noyaux de kaolin blanc gris bleuté (nous en avons recueilli plus d’une vingtaine, gros comme des œufs de pigeon), les nombreuses variétés de tons atténués dans les peintures de Lascaux et l’existence d’une pâte rubescente et blanchâtre dans les poches du Cabinet des Félins et des Chevaux, enrobant les silex nos 1, 2 et 8, permettent d’envisager sérieusement ce procédé technique : le blanc change la valeur des couleurs, sans en changer le ton. Et tous les peintres anciens ont fait entrer le blanc dans la majeure partie des coloris recherchés.

6Qui pourrait nier l’aptitude3 des artistes quaternaires à utiliser le blanc dans les fabrications des pâtes, quand on sait que, dans leurs œuvres de Lascaux, ils nous ont révélé leur génie à peindre par vaporisation, à renforcer les valeurs des volumes en surchargeant les ombres et à harmoniser les teintes des polychromies ?

7Les 15 coloris ont été classés après confrontation avec la carte des gouaches établie par la maison Linel (fig. 69) :

  1. Noir manganèse, Black ;

  2. Blanc cendré, White ;

  3. Beige rosé, Rose ;

  4. Rouge de peroxyde de fer violacé, Iron red ;

  5. Rouge de Venise, Venitian red ;

  6. Ocre rouge, Red ochre ;

  7. Sienne brûlée (brun-rouge), Burnt Sienna ;

  8. Brun Van Dyck (brun marron), Van Dyck brown ;

  9. Terre d’ombre brûlée, Burnt umber ;

  10. Sienne naturelle, Raw Sienna ;

  11. Ocre jaune d’or, Golden yellow ochre ;

  12. Ocre jaune Monaco, Monaco yellow ochre ;

  13. Ocre jaune pâle ou de Naples, Light yellow ochre ;

  14. Gomme-gutte foncé, Deep gamboge ;

  15. Gomme-gutte clair, Light gamboge.

8Mélangées avec une colle de farine, ces poudres prennent une teinte foncée lorsque la poudre est agglomérée en paquets, puis une teinte vive et chaude quand elle est délayée avec de l’eau, sans pour cela changer son premier coloris.

9En résumé, ces 15 terres colorantes peuvent être classées en quatre groupes de tonalités principales : les noirs, les rouges, les bruns et les jaunes.

10Les noirs de teinte ivoire sont des bioxydes de manganèse dont les gisements naturels affleurent à proximité de la grotte, quartier de La Balutie. Celui trouvé dans la cachette des Félins était à l’état pâteux : les cristaux de pyrolusite sont très fins.

Fig. 69 — Les pigments de Lascaux. Palette de coloris classés en fonction de la carte des gouaches Linel, de 1 à 15. Les coloris 2, 4, 8, 12, 13 et 14 n’apparaissent pas sur la planche d’expérience réalisée par A. Glory.

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11Les rouges ont des coloris très riches. La noisette de peroxyde de fer de la collection Laval (no 4), ramassée dans l’Abside par MM. Marsal et Ravidat, lors de la découverte, présente un aspect violacé. Ce minerai friable se pulvérise finement entre les doigts, laisse un frottis rouge sanguine à teinte mauve. Examiné au microscope à grossissement 40, nous avons observé des zones de granulations garance claire, carmin foncé, garance brune et garance violet rouge. La différence de ton entre le rouge de Venise (no 5) et l’ocre rouge (no 6) est assez minime, et leurs frottis produisent des sanguines à fond orange très chaud.

12Les bruns, qui débutent par le brun-rouge de Sienne brûlée (no 7), passent au marron foncé tête de nègre avec le brun Van Dyck (no 8). Les auteurs qui ont décrit Lascaux lui ont donné des tonalités de sépia naturelle et de bistre, selon la manière dont ils ont éclairé et vu les dessins. Il est possible aussi que les artistes aient foncé le brun en l’additionnant de poudre de manganèse.

13Les jaunes, qui débutent par la transition de la terre de Sienne naturelle (no 10), présentent une palette de 5 coloris très nuancés, avec des valeurs très lumineuses. C’est, il me semble, cette sorte de « feu », qui fait le charme des jaunes chauds des cerfs de la salle des Taureaux et des chevaux plafonnants du Diverticule axial.

14À titre de comparaison, nous avons confronté les poudres d’ocre jaune d’or, appelées aussi jaune d’Asie, de Lascaux (no 11) avec celle que nous avons recueillie au Maroc dans le gisement néolithique de tradition capsienne de Toulkine. Celle du Maroc, de même teinte, a une tonalité plus sombre. Le frottis de Lascaux est plus chaud, car il possède des reflets jaunes chrome. Les figures du Diverticule axial ont également bénéficié des ocres jaunes Monaco (no 12) et jaune pâle (no 13), peu contrastés d’ailleurs sur le fond blanc du plafond.

15Nous avons été intrigué par des reflets verdâtres du carré basilaire droit du premier Blason, qui a été peint avec une ocre jaune. Le frottis de l’ocre gomme-gutte no 15 produit également un très léger voile d’une nuance comprise entre le vert mousse et le vert olive. C’est donc une propriété naturelle particulière à cette terre aux grains très clairs.

16À partir de ces quinze couleurs-mères, certainement apportées dans la grotte, il était possible de produire au moins le double de teintes, soit en les mélangeant, soit en les diluant, soit en renforçant les valeurs, soit en triant les nuances d’un même numéro.

17C’est ainsi que le peroxyde de fer que nous avons trouvé dans le gisement de Toulkine, environ une soixantaine de morceaux, provenant du même affleurement géologique que nous avons retrouvé dans les environs, présentait toutes les teintes de rouge : rouge garance sombre, rouge carmin, rouge sanguine, jaune rubigineux. Si le fragment de peroxyde de fer de Lascaux présentait en lui-même quatre teintes différentes selon le degré d’oxydation de ses parties internes, le gisement dont il provient avait certainement de gros morceaux de minerai coloré aussi diversement. On ne s’étonnera pas qu’une palette pourvue de ce peroxyde de fer ait peint des points rouge cerise aux Félins, rouge vineux aux Blasons, rouge violacé aux Bouquetins, rouge sombre aux Chevaux du Diverticule axial.

18La même poudre, diluée ou employée sous forme pâteuse avec un liant compact, présente aussi une coloration différente. Enfin, la façon dont on éclaire les figures, la nature de l’éclairage employé (lumière jaune des bougies, rouge de l’électricité, blanche de l’acétylène), la finesse optique et l’éducation artistique de chacun sont des éléments qui font encore varier l’appréciation de la valeur et du nombre des teintes.

19Aussi on ne peut pas évaluer avec précision le nombre des coloris que les artistes de Lascaux ont peints sur les parois ; il y en a certainement plus de vingt, probablement une bonne trentaine, mais ce qui est certain, c’est que leur palette était composée d’une quinzaine de couleurs directrices pouvant évoluer autour de quatre dominantes.

20Nous avons rapporté de Lascaux un petit bloc de calcaire que les électriciens avaient détaché du fond du Diverticule axial. Après quatre mois de dessiccation, afin de nous mettre dans les circonstances les plus critiques, nous avons appliqué à trois poudres (Sienne, gomme-gutte et noir), provenant de cette caverne, les différents traitements les plus plausibles, suggérés par les auteurs. D’après eux, les colorants auraient été délayés dans la graisse ou l’huile, le blanc d’œuf, l’eau, l’urine, des sucs végétaux, de la résine et de la cire. Puis nous les avons appliqués sur un papier Canson à gros grain.

EXPÉRIENCES CONCERNANT LES LIANTS

21Dans les peintures néolithiques de la grotte Chelo près d’Ollioules (Var), nous avions décelé avec M. Astre de la Faculté des sciences de Toulouse, de la résine polymérisée, de teinte brun noir4. Mais elle n’était pas un liant, mais une couleur qu’il faut faire couler à chaud, ce qui est hors du sujet.

22Il est très improbable que la cire jaune foncé d’abeille ait servi de ciment, car elle dénature la teinte des poudres et il faut au moins 20o de chaleur pour la maintenir molle ; elle n’aurait pu être appliquée qu’avec une spatule ou une cuillère et à petits coups, ce qui n’a pas été remarqué sur les peintures de Lascaux.

23Le suc végétal qui pourrait entrer en ligne de compte est la gomme suintant de certains arbres. La Sienne naturelle malaxée à de la gomme arabique forme une pâte excellente qui adhère bien et se colle à la pierre. Elle ne s’écaille pas en séchant. En revanche, la dilution est mauvaise, même sur le papier et les teintes diluées n’ont pu en contenir que très peu.

24L’utilisation de l’urine altère légèrement les teintes et n’offre aucun avantage sur l’eau ordinaire. Elle est employée par les populations africaines qui sont assujetties à des disettes d’eau.

25Les poudres pétries avec de l’eau forment une boue plastique qui s’applique bien sur la pierre et le papier. Sur la pierre, elle s’écaille en séchant et tombe en laissant une légère trace colorée. Au contraire, la couleur diluée avec assez d’eau reste tenace, même frottée avec le doigt. Ceci tient à ce que l’eau pénètre profondément dans le calcaire, entraînant dans les aspérités de la surface les colorants sous deux formes visibles au microscope : d’abord les granulations de couleur, et puis un voile de fond coloré assez pâle, qui pourrait être un dépôt colloïdal. C’est ce dépôt qui se voit à la place des écailles tombées lorsque la pâte se déshydrate.

26L’eau semble donc un élément très propice pour lier les granulations des couleurs et les fixer sur la pierre, à condition que le calcaire reste imprégné d’humidité, ce qui est le cas dans une grotte. Elle joue aussi un rôle important dans les mélanges des terres qu’elle dissout bien. Ainsi le blanc cendré de Lascaux, ajouté dans une proportion de moitié, adoucit les teintes en les couvrant d’une sorte de voile grisâtre.

27Poursuivant l’expérience avec du blanc d’œuf, nous avons observé que, dans une solution diluée de moitié d’eau, la poudre reste à l’état d’îlots. Appliquée sur la roche humide, la peinture reste en suspension et pénètre dans la roche dans la mesure où l’eau est absorbée. Diluée avec beaucoup d’albumine, la peinture reste davantage en suspension. Malaxée avec un peu d’albumine, la poudre forme tout de même un paquet pâteux qui adhère peu à la roche, même humide. Sur roche déshydratée, la pâte en séchant tombe en écailles en enlevant une pellicule de grains calcaires. Le blanc d’œuf semble jouer un rôle médiocre de liant et plus médiocre encore comme adhésif. En tout cas, il ne peut être employé comme diluant pour éclaircir la peinture.

28Mélangée à de la graisse (du saindoux), la peinture forme une pâte homogène. Appliquée sur une roche sèche, la graisse pénètre profondément dans la pierre, 2 à 3 mm. La pâte reste adhésive et ne s’écaille pas. Diluée dans la graisse, la peinture s’étale avec elle sans finesse. Pressée avec le doigt, elle prend mal les empreintes, mais se lisse en laissant un brillant mat. La même pâte traitée à l’eau montre un lissage plus brillant et, pressée, elle garde une empreinte digitale plus nette.

29Pour nous résumer (fig. 70), nous retiendrons que l’emploi de la cire comme liant et adhésif est très improbable, que l’urine offre peu d’avantages pour ces époques et que le blanc d’œuf présente de gros inconvénients. La graisse peut être employée pour malaxer une pâte, mais elle ne donne pas un résultat satisfaisant pour obtenir une couleur plus éclaircie par dilution. La gomme naturelle présente les mêmes avantages et les mêmes inconvénients et on ne voit pas la raison que cette matière, plutôt rare dans la nature, ait été préférée à la graisse si commune5.

Fig. 70 — Les pigments de Lascaux. Expérience par A. Glory concernant les liants, avec les teintes 1, 10 et 15, définies d’après la carte des gouaches Linel (voir fig. 69) : b, blanc d’œuf ; c, jaune d’œuf ; d, eau ; d’, eau diluée ; e’, urine diluée ; e, urine ; f, frottis ; g, avec blanc+ eau ; g’, avec blanc+ eau diluée ; h, gomme arabique. L’expérience est incomplète : elle a été effectuée complètement, seulement avec de l’eau (d et d’) et avec du blanc mêlé d’eau (g et g’).

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30En fin de compte, il reste surtout l’eau qui réunit pour la pâte et pour la dilution tous les avantages de liant et d’adhésif, à condition que la paroi reste imprégnée d’humidité6. Rapporté à Lascaux, ce jugement garde toute sa valeur, surtout pour les peintures très pâles, qui sont des teintes très diluées, et pour les figures qui ont été faites avec l’aérographe. C’est le seul fluide qui permette une projection à distance par vaporisation, mais on peut supposer que la couleur ait été projetée à l’état sec et très finement poudreux sur les parois humides. Nous avons expérimenté ce procédé qui ne s’avère pas satisfaisant. Les grains colorants restent attachés à la paroi, sans la teinter suffisamment. Pour cela, il faut frotter la paroi avec la main pour obtenir un malaxage et des solutions de la poudre.

31Force est d’admettre que la teinte rouge qui couvre uniformément les parois du début du Diverticule axial, avec des zones d’estompage et de renforcement, a été exécutée avec une vaporisation d’eau colorée préalablement, par soufflage à l’aide probablement d’un tube à la façon des Australiens. Puis les carbonates de chaux, avec le temps, tenaient le rôle de siccatif. Cet emploi de l’eau comme liant, la poudre [étant] malaxée sur la palette, et comme mordant, sur la roche, grâce à l’humidité et la perméabilité du calcaire, est suffisamment convaincant pour nous dispenser des essais avec le sérum sanguin, matière qui n’est tout de même pas aussi courante. Dans les confins sahariens du Sud marocain, nous avons vu les potiers de Ouarzazate décorer leurs bols de figures géométriques peintes avec un simple détrempage d’eau et de poudre de bioxyde de manganèse. Ils en écrasent les morceaux, qui proviennent des mines voisines de Tiouïne et de Bou Tazoult, entre deux galets du torrent. Les microcristaux de pyrolusite de manganèse érodent par leur dureté le centre du broyeur, qui se creuse lentement en cupule.

LES PIGMENTS PRÉHISTORIQUES

32La présence de fer dans les sédiments est due à la transformation des roches, généralement calcaires, en présence de substances réductrices, plantes ou animaux en décomposition. Dans les sables sidérolithiques du Périgord, on rencontre des carbonates de fer ou sidérose, des oxydes de fer et des hydroxydes de fer.

33Dans les fouilles de Lascaux, ont été trouvés de l’hématite rouge ou sesquioxyde de fer (Fe2O3), connu plus souvent sous le nom d’oligiste, [qui] se présente sous la forme d’un rouge vif carmin à l’origine de l’ocre sanguine.

34L’hématite rouge, par hydratation, devient brune tirant sur la rouille, connue souvent sous le nom de limonite ou hydroxyde de fer ou peroxyde de fer (2 Fe2O3, 3H2O).

35Ce minerai était pulvérulent et concrétionné. Quelques-uns, par la présence de manganèse, étaient d’un brun noir.

36La limonite, en colorant les silicates d’alumine hydraté, produit de l’ocre jaune, qui peut présenter toutes les nuances grâce à l’apport d’oxyde de fer rouge : on obtient la sanguine, les terres de Sienne, les terres d’ombre.

37Les noirs sont le produit des minerais de manganèse : carbonate de manganèse spathique ou dialogite (MnCO3) et acerdèse ou manganite (Mn2O3, H2O). En se décomposant, les minerais produisent le manganèse (MnO2), qui se montre en filons vers Auriac7, sous la forme de blocs noir ébène, pulvérulent ou concrétionné.

NOTES SUR LE MANGANÈSE TROUVÉ À LASCAUX8

38Au début du Passage, non à la fin, et dans la salle des Taureaux, furent trouvés une centaine de grains et de noisettes de manganèse de diverses constitutions qui peuvent se ranger sous trois groupes : 1 – matière légère et pulvérulente ; 2 – matière minéralisée ; 3 – matière argileuse.

  1. [Matière légère et pulvérulente]. J’ai été surpris de la légèreté de certains nodules du volume d’une noix, ne pesant pas 2 ou 3 grammes. Je les ai vus [cassés] en deux pour y découvrir qu’ils étaient pleins d’une poudre très ténue, disposée en feuillets très minces, exempts de pisolites ou de cristaux de pyrolusite. Serait-ce une néoformation du type sédimentaire ? Leur couleur est plus ébène que les nodules minéralisés et leur utilisation très facile car leur frottage est onctueux sans crissement sur le papier. Et il se réduit en poudre sous faible pression. Trace de frottage évidemment et non de raclage.

  2. La matière minéralisée se présente sous deux formes : les nodules et les plaquettes. Ces dernières sont de véritables quadrilatères, très lourds, fortement minéralisés. Un bloc de 4,5 cm x 3 à 3,5 cm et épais de 1,5 cm pèse 70 grammes. Une face porte des traces de raclages transversaux. Poids de deux autres plaquettes : 25 grammes ; 44 grammes. 25 grammes ; 44 grammes.

  3. Matière argileuse pulvérulente. Voir le commentaire concernant le « Site Q ».

39La fouille du Gour du Cerf a livré :

  • un morceau de bioxyde de manganèse minéralisé d’un poids de 70 grammes, de forme plus ou moins triédrique. Une face aplatie est remplie de stries de raclage, l’autre partie saillante a eu la crête arrondie par frottement sur une partie dure. Crayonnage ;

  • un autre petit morceau de manganèse ;

  • du peroxyde de fer, sous forme de pisolithes violacés et agglomérés par un ciment minéralisé, d’un poids identique.

NOTES CONCERNANT LE PIGMENT ROUGE (MATIÈRES COLORANTES, MICRO-SOLS ET NODULES)

40Le sol du Passage, situé vers la Nef, était constitué de micro-sols, d’une quinzaine de varves, pris dans une croûte épaisse de 1 à 3 cm, rouge sombre. De toute la grotte, c’était l’endroit le plus rubéfié. Aussi a-t-on supposé que le Passage était l’atelier de broyage et de malaxage des couleurs rouges. En disséquant ce sol, nous avons récupéré de menus fragments d’hématite, de peroxyde de fer, des pisolites de fer, des particules d’ocre rouge tendre et minéralisée. Sur 5,2 cm nous avons sélectionné 15 miettes de la grosseur du pépin de raisin. Comme la surface était de 6 à 7 m2, on peut se rendre compte du travail accompli en ce lieu à partir des nodules plus gros retrouvés également dans le Passage et au fond du Puits.

41Ce sont des petits blocs de la grosseur d’une noix et d’une grosse prune qui pèsent, chacun, 26 g, 40 g, 31 g, 18 g et 17 g. Ces 5 nodules viennent du Passage et de la Nef.

42Deux proviennent du Puits : un crayon conique à un bout, biseauté à l’autre, garni de stries longitudinales sur la surface, et usé cependant aux deux bouts (l’un pointu, l’autre élargi) (poids : 15 g) ; le second nodule du Puits, de forme plus ou moins globuleuse, porte aussi les menus raclages et les menus frottages (poids : 15 g).

43En plus, [il y avait] des petites plaquettes très finement feuilletées et micro-alvéolées, de 3 cmx 2,5 cm x 0,6 cm, minéralisées.

44Enfin, [il y avait] des pisolites ferrugineux englobés dans un ciment gréseux rouge ou dans une poudre brunâtre foncée. Toutes les nuances de rouge sont représentées, du violet foncé au rouge carmin.

45Tous les ocres et les boules argileuses marron et sanguine étaient enclavés dans les paléosols. À consistance plastique, elles se modelaient sous la pression des doigts et se délayaient bien dans l’eau. Une grosse quantité a été ramassée. Environ 3 kg9 (fig. 71).

Fig. 71 — Bloc d’argile : a, petit bloc d’argile fine des cavernes, grossièrement pyramidal à quatre faces (3,5 cm sur 2 cm), avec de fins et longs enlèvements à surface lisse, de quelques millimètres de large, faits avec un outil coupant ; l’une des surfaces est rugueuse et ne porte aucune trace de raclagea ; b, gros bloc d’argile en forme de boudin (9,5 cm de longueur et 5 cm de diamètre)b.

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Notes de bas de page

1  Plusieurs textes de A. Glory concernent les pigments de Lascaux. Ils ont été regroupés dans ce chapitre.

2  A. Glory ajoute, en note : « Les inventeurs auraient trouvé en 1940 un galet plat enduit de couleur, qui a dû servir de broyeur, et une plaque calcaire dont la cupule du centre contenait du noir et du rouge. »

3  A. Glory avait écrit « inaptitude » par erreur.

4  Glory et al., 1948. L’historique des diverses recherches de A. Glory est présenté dans Lascaux retrouvé. Les recherches de l’abbé André Glory (Delluc, 2003).

5  Dans ses notes manuscrites, A. Glory a laissé le compte rendu d’une expérience faite avec de la moelle animale et une note du Dr Hulin à ce sujet : « Un gros os de bovidé a été placé à sec dans une cuvette à bain-marie pour obtenir de la moelle fondue. Mélangée avec de la poudre d’ocre, on obtient une pâte colorée onctueuse, qui le devient davantage par addition d’un peu d’eau. Posée sur un échantillon de roche de Lascaux, la pâte s’étale facilement, épouse toutes les rugosités et adhère sous pression. Elle garde l’empreinte des doigts ou les sillons de la spatule ou d’un pinceau. Séchée, elle ne s’écaille pas comme la graisse, mais forme une masse compacte à consistance cireuse. C’est le meilleur diluant qui puisse se présenter pour façonner une pâte colorante. À Lascaux, en lumière frisante, nous avons remarqué des stries grossières sur la pâte noire de la Vache noire de la salle d’Entrée [c’est-à-dire le Taureau long de 5,50 m de la salle des Taureaux] et des stries fines et continues sur la pâte colorée ocre rouge des chevaux situés à droite des blasons [dans la Nef]. De telles traces proviennent de fibrilles attachées sur un manche de pinceau grossier et d’une petite pelote fibreuse d’étoupe enduite de pâte colorée. À d’autres endroits, comme sur les bandes colorées d’ocre rouge du panneau des Bisons de l’Empreinte [au début de la Nef], les étalements de la pâte indiqueraient l’emploi d’une spatule, qui a agi à la manière d’un tableau traité à la peinture au couteau. » D’après le Docteur C. Hulin, « outre les éléments cellulaires, la moelle contient une matière grasse et une proportion d’un éther de glycérine formé par l’acide margarique ou margarine. La moelle contient, en plus, de la cholestérine [ancien nom du cholestérol] : environ 20 à 25 g pour 1 000. Elle y existe à l’état d’éthers d’acide gras élevés, stéarique ou palmitique. La cholestérine absorbe l’eau en petite quantité. À l’essai, la moelle brûle sans fumée, la mèche étant constituée avec de la laine. La lanoline ou suint des moutons contient elle-même une forte proportion de cholestérine miscible à l’eau avec laquelle elle forme des solutions colloïdales. Elle absorbe son poids d’eau. Le pouvoir absorbant de l’eau de la cholestérine est une propriété essentielle pour colorer la roche, puisqu’elle fait pénétrer par capillarité les colloïdes colorés dans les pores de la roche ».

6  C. Couraud et A. Laming-Emperaire, dans leur étude sur les colorants de Lascaux, sont parvenus à la même conclusion (Couraud, Laming-Emperaire, 1979).

7  Auriac-du-Périgord est situé à 5 km au nord de Lascaux.

8  A. Glory fournit le procédé pour reconnaître la présence de manganèse, que lui a indiqué le Dr F.-E. Koby, médecin ophtalmologiste et zoologiste helvétique : « Prendre avec une anse de platine une goutte de Borax [ou borate hydraté de sodium]. La faire fondre au-dessus de la flamme d’un bec Bunsen. À l’état chaud, placer sur le borax le noir à examiner. Chauffer à nouveau et regarder la matière vitreuse à la loupe. 1 – le noir disparaît = charbon. 2 – coloration mauve = manganèse. 3 – coloration brun jaune = fer. 4 – coloration gris sale = fer + manganèse mêlés. »

9  De nombreux pigments ont été retrouvés à Lascaux. Une partie est conservée au Muséum national d’histoire naturelle, dans le fonds A. Glory, où ils ont été étudiés par C. Couraud et A. Laming-Emperaire pour Lascaux inconnu. Une autre partie (sous forme de poudres contenues dans des tubes ou de petits flacons, ou sous forme de boulettes d’argile plus ou moins grosses) était demeurée au Bugue, dans le laboratoire où l’abbé Glory poursuivait ses expériences.

Notes de fin

a  Ce n’est pas un crayon ayant servi à dessiner sur les parois de la grotte. Il a sans doute fourni du pigment en poudre.

b  Il s’agit d’une argile des cavernes, pure et fine, qui paraît avoir été malaxée et qui est aujourd’hui durcie. Le bloc porte sur la moitié environ de son pourtour d’étroits enlèvements longitudinaux, comme faits avec un mince outil coupant, du même type que ceux observés sur le petit bloc pyramidal. Une des faces du boudin n’est ni lisse ni pétrie, mais presque plane et marquée de très nombreux petits trous en forme de points ou de courts traits, comme si l’objet avait été posé sur une surface rocheuse gréseuse, mais sans frottement. Il présente aussi de très nombreuses traces de pulpe de doigts et même d’empreintes digitales. Une des extrémités est marquée d’une empreinte de tissu très fin quadrillé (comme la toile d’un mouchoir), comme si A. Glory avait transporté cet objet dans sa poche, ainsi protégé. Une note du chercheur indique que des boules d’argile de ce type ont été trouvées incluses dans les paléosols, qu’elles avaient une consistance plastique et qu’elles se modelaient sous la pression des doigts. Aussi nous paraît-il impossible de faire le partage entre d’éventuelles traces digitales préhistoriques et celles laissées par le chercheur au moment de la découverte du bloc.

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