1Le présent ouvrage fournit les résultats des travaux d’André Glory dans la grotte de Lascaux, de 1952 à 1963. Cet archéologue est le seul à avoir conduit des recherches sur l’archéologie de cette exceptionnelle grotte ornée, au décor particulièrement riche et au mobilier très abondant. Nous avons recueilli, déchiffré, classé et analysé les documents qu’il a laissés et nous les présentons ici avec nos commentaires. Selon les cas, ceux-ci figurent en introduction ou dans le corps du texte (entre crochets ou en notes de bas de page).

2Ses apports majeurs concernent :

• la description minutieuse des coupes stratigraphiques levées par lui dans toutes les galeries, pendant les travaux de terrassement de 1957-1958 ;
• la description des petites fouilles, qu’il réussit à pratiquer presque « à la sauvette », comme celle du Gour du Cerf dans le Passage en 1957 ;
• la présentation et la localisation des objets découverts dans la grotte, soit par lui, soit par des tiers qu’il put interroger ;
• sans parler de ses commentaires.

3Deux chapitres inédits de Christiane Leroy-Prost et de Astrid Vannoorenberghe complètent l’ensemble.

historique

4Pendant douze ans, de 1952 à 1963, tout au long des mois d’été, l’abbé André Glory a travaillé à Lascaux. Sans relâche. La nuit dans la grotte et le jour dans des laboratoires de fortune.

5Ses missions, comme vacataire des Beaux-Arts, puis comme ingénieur au CNRS à partir de 1958, ont comporté quatre volets.

6– 1. En un premier temps, il reçut la mission de calquer les gravures pariétales : 2 000 animaux et signes environ1. Ce travail se poursuivit tout au long de ces douze années et il n’était pas totalement achevé lors de la fermeture de la grotte en 1963. Il lui restait à relever quelques panneaux, en particulier celui de la Vache noire.

7– 2. En 1957 et 1958, il fut chargé de surveiller les travaux de terrassement qui excavaient le sol de toutes les galeries pour installer une ventilation.

8Sans fouilles préalables, les sédiments du sol furent bouleversés par les tranchées (90 m³, soit 250 tonnes environ) et le cône d’éboulis de l’Entrée fut évacué (350 m³, soit un millier de tonnes). Cette ventilation polluera la grotte qui dut être fermée en avril 1963.

9– 3. Avant de pouvoir fouiller dans le sol du Puits, il lui fallut évacuer les tonnes de déblais extraites de cette galerie. Elle avait, en effet, servi de dépotoir à plusieurs reprises. Du 19 au 23 décembre 1959 et du 25 avril au 4 mai 1960, les manœuvres de l’entreprise Dagand en remontèrent, seau par seau, environ 32 m³, soit près de 100 tonnes.

10André Glory put ensuite examiner et tamiser ces énormes déblais. Ils provenaient des premiers travaux dans la caverne en 1940, de son aménagement pour son ouverture aux touristes entre 1945 et 1948, c’est-à-dire de l’abaissement du sol de l’Abside, et, enfin, d’une excavation rapide, au fond du Puits, par Henri Breuil, Séverin Blanc et Maurice Bourgon, à la recherche d’une sépulture ou d’un « puits à offrande ».

11Le Rapport des trouvailles faites dans la grotte de Lascaux, commune de Montignac (Dordogne), les 2, 3, 4, 5 et 7 septembre 1949, par MM. L’Abbé Breuil, Séverin Blanc, Maurice Bourgon dans la faille improprement appelée « Le Puits », signé par S. Blanc aux Eyzies le 15 novembre 1949, fournit quelques informations précieuses sur les trouvailles et les observations faites par ces trois chercheurs en 1949 dans le Puits2.

12« Sous un sol en partie moderne, il reste une couche archéologique montant du fond actuellement connu de la faille vers la scène ‘‘Rhinocéros, homme, totem, bison éventré’’. Cette couche, qui appartient au Paléolithique supérieur et qui nous semble être du Magdalénien ancien, est marquée par une sorte de dallage formé par des lampes entières ou brisées, souvent renversées. Ces lampes sont des pierres calcaires apportées de l’extérieur et portant : soit une grande cupule naturelle peu profonde, soit une cupule aménagée. Sur et sous ces lampes il y a du charbon souvent réduit en poussière, mais parfois en morceaux assez gros pour que l’essence végétale employée puisse être déterminée par un spécialiste. Entre ces lampes, nous avons recueilli d’assez nombreux fragments osseux tachés de charbon et de rouge ocreux : esquilles d’os longs, épiphyses, fragments de côtes, purée de bois de cervidés, comme bois de cerf. La détermination exacte des espèces animales semble possible.

13« Nous avons mis au jour : 1 – une sagaie courbe à section circulaire, pointue à un bout, émoussée à l’autre bout et portant une ligne très fine menée parallèlement à l’axe de la pièce ; les divers morceaux mis bout à bout ont une longueur totale de 45 cm tandis que la corde de l’axe de cette sagaie mesure 42 cm ; 2 – une sagaie de même genre mais droite de 24 cm portant 6 lignes convergeant vers un point central indiqué [avec un schéma] ; 3 – deux sagaies plus petites et incomplètes, de la grosseur des épingles aurignaciennes ou solutréennes ; 4 – des fragments d’épingles ou de sagaies altérées ; 5 – des fragments de sagaies ornées à section ovale ; 6 – trente éclats, lames ou lamelles de silex ; trois de ces pièces semblent avoir eu l’un de leurs bords enrobé dans une matière pulvérulente (mastic desséché ?), l’une de ces trois [pièces est] à bord abattu, et c’est ce bord qui est enrobé. Nous avons l’impression de nous trouver en présence de vestiges matériels de cérémonies rituelles.

14« Nos travaux nous ont permis de nous rendre compte que d’autres peintures pariétales noires ont existé dans la partie inférieure de la faille que cachaient les dépôts modernes. Il sera nécessaire de nettoyer les terres qui recouvrent les parois pour essayer de déchiffrer ces peintures. Les dépôts stériles sont très épais, la faille est très étroite, l’évacuation des déblais sera longue et délicate3. Leur criblage est indispensable. Il est possible que les travaux ultérieurs nous amènent à un niveau bien inférieur à celui du niveau actuel. Le travail est délicat et la pauvreté de l’air en oxygène augmente la difficulté de la tâche. Toutefois, au cours d’un arrêt de travail, nous avons tous les trois senti l’existence d’un léger courant d’air venant du fond de la galerie. Cela joint à d’autres observations que nous avons faites nous incite à penser que nos travaux doivent nous faire découvrir la véritable entrée. Le déblaiement d’une galerie en voûte obstruée (à droite du bison) par le sable et l’argile pourrait nous amener, soit vers la sortie, soit vers les galeries actuellement connues. Nous avons le ferme espoir de trouver un jour des fossiles types qui nous permettront de fixer définitivement l’âge des peintures et gravures de la grotte, nos trouvailles actuelles étant insuffisantes pour que nous puissions en tirer des conclusions définitives. »

15La conclusion de ce rapport est une demande de crédit pour permettre aux chercheurs « de continuer [leurs] recherches en employant de la main-d’œuvre chargée d’évacuer les déblais et de les cribler ». Le travail confié à A. Glory en 1959 et 1960 est, en quelque sorte, l’aboutissement de ce projet.

16– 4. En 1961, A. Glory put enfin fouiller le seul endroit de la grotte où le sol demeurait intact : une courte et étroite banquette de sédiments, au bas du Puits.

17À la demande d’André Leroi-Gourhan, il devait présenter les résultats de ses travaux dans Gallia (aujourd’hui Gallia Préhistoire). Sa mort brutale ne l’a pas permis. Son texte, intitulé Lascaux, ses manuscrits et les objets qu’il avait conservés dans le cadre de la préparation de sa monographie avaient disparu. Ils n’ont été retrouvés qu’une trentaine d’années plus tard.

18Aujourd’hui, en raison du temps écoulé depuis la rédaction de ce Lascaux, compte tenu aussi de la publication ultérieure de Lascaux inconnu (XII^e supplément à Gallia Préhistoire, 1979), sous la direction d’Arlette Leroi-Gourhan et de Jacques Allain, il nous est apparu impossible de présenter le travail d’André Glory sans commentaires ni notes de bas de pages.

L’HOMME DE LASCAUX

19André Glory est donc le seul à avoir étudié sur place – à la fois – la décoration rupestre de Lascaux et son archéologie, si riche. Mais ses investigations ne se sont pas menées sans difficultés.

20Ce préhistorien (1906-1966) est un ecclésiastique. Il avait fait ses études de théologie en Alsace, avait été ordonné prêtre en 1933 et exercé une activité pastorale à Orbey (Haut-Rhin) jusqu’en 1939. C’est durant ce temps qu’il a commencé à pratiquer la préhistoire en Alsace et la spéléologie dans le Midi. La guerre le conduit à Toulouse en 1940, où il suit les cours du comte Henri Bégouën. Il y rencontre l’abbé Henri Breuil, effectue ses premiers relevés (Baume-Latrone, Ebbou), et soutient une thèse d’université sur le Néolithique d’Alsace. Il est un des premiers visiteurs de Lascaux. Il effectue des relevés traditionnels, par calque, en Dordogne (La Mouthe, Bara-Bahau, Villars, La Forêt, Saint-Cirq), dans le Lot (Roucadour et Les Fieux) et au Portugal (Escoural). En 1955, l’abbé H. Breuil, devenu très âgé et presque aveugle, confiera à A. Glory la mission de publier ses relevés. Avec le Spéléo-Club de Périgueux, A. Glory participe à la découverte de quelques grottes ornées (galerie profonde de la Mouthe, Saint-Cirq et Villars).

21Sur la demande de l’abbé Breuil, et malgré de lourds problèmes rhumatismaux, il est en charge des études à Lascaux de 1952 à 1963. Il bénéficie de vacations de la direction de l’Architecture (Beaux-Arts), mais il doit donner de nombreuses conférences pour vivre et financer ses recherches. Il sera enfin nommé ingénieur au CNRS en 1958. À la mort de l’abbé Breuil (1961), le Dr Léon Pales deviendra le directeur des recherches de A. Glory, jusqu’à la fermeture de Lascaux en avril 1963. A. Glory, handicapé par une intervention orthopédique, ne fouillera pas en 1962 et la grotte de Lascaux sera fermée définitivement aux trop nombreux visiteurs le 20 avril 1963, après les fêtes de Pâques. Il ne pourra plus travailler alors à Lascaux. Au début de 1964, il sera rattaché au laboratoire de Préhistoire du Muséum national d’histoire naturelle, dirigé par le Pr Lionel Balout (Delluc, 2003a et 2007). Grâce à Lascaux, la vie d’André Glory, qui, jusqu’ici, n’avait guère publié que des notes et des notules peu importantes, va connaître une véritable métamorphose.

22À Lascaux, les conditions de travail sont éprouvantes. La cavité est livrée à une exploitation touristique intensive, bouleversée par des aménagements brutaux et imprudents, envahie par le gaz carbonique. Le chercheur solitaire ne bénéficie que d’une aide matérielle et financière dérisoire : un échafaudage et de maigres vacations quelques mois par an. Il ne dispose pas de main-d’œuvre ni de collaborateurs réguliers. Ses travaux intéressent peu de monde. Il n’a aucun soutien moral ni amical, si l’on excepte de jeunes collaborateurs bénévoles4 et la protection lointaine de l’abbé Breuil, qui vit alors les dernières années de sa vie.

23Les travaux de climatisation de 1957-1958 ont saccagé le sol de la caverne et les vestiges archéologiques qu’il contenait. Assez vite, on se rend compte, en outre, que cette ventilation pollue la cavité et met en danger les œuvres pariétales. Lascaux est donc fermée à tous en avril 1963, juste avant la fin des recherches d’A. Glory. En juillet 1966, celui-ci se tue dans un accident de la route.

24Tout son minutieux et méritoire travail avait-il été effectué en vain ? Non, car, à la demande d’André Leroi-Gourhan, il avait méthodiquement consigné les résultats de ces recherches dans son manuscrit destiné à la revue Gallia. Ce texte, précédé d’un sommaire tracé à grandes lignes, était en cours de rédaction. Malheureusement, après la disparition de A. Glory, ce document ne put être retrouvé par son directeur de recherche, le Pr Lionel Balout5, venu, au Bugue et à Strasbourg, explorer les deux logements du chercheur. Il fut considéré comme perdu pendant plus de trente ans. Peut-être même dérobé...

ARLETTE LEROI-GOURHAN ET LASCAUX INCONNU

25Au début des années soixante-dix, que restait-il des cinq mille heures consacrées par A. Glory à Lascaux ? Quelques courtes publications préliminaires ; des dessins de coupes stratigraphiques (avec des commentaires très incomplets) et des photographies ; des rapports intermédiaires rédigés par le chercheur ; heureusement, la quasi-totalité des calques des gravures, assortis de leur inventaire (environ 1 500 gravures, soit 110 m de calques), car, chaque année, il adressait « ses relevés originaux mis au propre au secrétariat d’État aux Affaires culturelles, avec des rapports descriptifs » (Vialou, 1979, p. 191).

26La richesse artistique de Lascaux et le besoin de connaître son contexte archéologique conduisirent Arlette Leroi-Gourhan à réunir, autour d’elle et de Jacques Allain, une équipe pluridisciplinaire pour tenter d’explorer et d’exposer ce que l’on savait alors des résultats obtenus par A. Glory6. Elle dirigera alors la rédaction d’un ouvrage exemplaire, reconstituant ce puzzle dont certaines pièces faisaient malheureusement défaut. Ce sera Lascaux inconnu (XII^e supplément à Gallia Préhistoire), publié en 1979. Bien que ce livre puise l’essentiel de ses informations dans les recherches de l’abbé Glory, ce chercheur demeurera méconnu et même, assez souvent, mésestimé7.

LE « TRÉSOR » DE L’ABBÉ GLORY

27C’est bien plus tard que le « trésor » de l’abbé Glory réapparaîtra.

28Une valise, bourrée de calques et de dossiers, est retrouvée, tout d’abord, par nous-mêmes à Saintes (Charente-Maritime), en 1987 : elle contient essentiellement des calques sur cellophane, quelques dossiers de travaux en cours (dont celui de Roucadour, Lot), mais relativement peu de documents concernant Lascaux8.

29Surtout, de nombreux objets (pièces précieuses ou simples objets de collection) et des dossiers sont enfin dénichés en 1998 au Bugue (Dordogne), dans la maison même de l’abbé, au cours de son nettoyage en vue de sa mise en vente. Ils sont découverts, par hasard, par MM. Jacky Gipoulou et Jean Batailler, et mis en sûreté par la municipalité de cette ville, sous la direction du maire M. Gérard Fayolle.

30C’est l’année suivante que nous est confiée l’étude de ces objets et de ces documents. Dans ce fonds A. Glory, assez disparate, nous identifions vite un ensemble très riche concernant Lascaux. L’objet le plus important est un modeste cahier beige : le précieux manuscrit perdu. Il a été le fil conducteur de notre enquête. Il est au centre de la présente publication.

LE MANUSCRIT D’ANDRÉ GLORY SUR LASCAUX

31Même imparfait, le texte d’André Glory est essentiel. C’est la seule publication d’ensemble de l’archéologue.

32Assurément, tout était clair dans la tête de l’auteur : il avait longtemps réfléchi aux problèmes posés par l’art et l’archéologie de Lascaux et fait de nombreuses découvertes, bien étudiées et bien comprises. Mais le déchiffrement de son manuscrit ne fut pas aisé, tant sur le plan de la graphie que sur celui de la structure même du texte. Le déchiffrement et la mise en forme de son mémoire, de même que l’intégration des multiples notes qui l’accompagnaient, nous ont demandé un labeur de plusieurs années.

UN CAHIER D’ÉCOLIER

33Le cahier d’écolier porte, au crayon rouge, un titre : Lascaux. Manuscrit Gallia. Le texte est rédigé sur les petits carreaux, en simple interligne, d’une fine écriture, régulière certes, mais souvent ardue à décrypter. Durant plusieurs années, nous avons peiné pour aboutir à un déchiffrement complet, mot à mot et même parfois lettre par lettre9.

34La structure même du document n’allait pas sans poser des problèmes. Il se présente un peu comme un brouillon, sans en être un : c’est une première rédaction, au fil de la plume. Le simple interligne utilisé ne permettait pas à l’auteur de raturer, ni de surcharger. De là, de nombreuses notes adventices, sur des feuilles volantes ou sur des billets séparés, plus ou moins bien numérotés ou reliés au texte par des flèches. Certains de ces ajouts ou de ces renvois comportent même plusieurs versions et c’est la dernière, bien sûr, qui a été choisie pour mettre au propre le texte définitif.

DATE DE LA RÉDACTION DU MANUSCRIT

35La rédaction de ce Lascaux d’André Glory a dû être commencée vers 1962, un peu avant la fermeture de la grotte. En effet, pour son chapitre sur la faune, il s’appuie quasi exclusivement sur les publications de Jean Bouchud, qui datent de 1960 et 1961. Ensuite, la rédaction définitive de l’ouvrage a été retardée pour de multiples raisons.

36L’abbé a fait l’objet d’une lourde intervention chirurgicale au début de 1963 et demeure handicapé. Il compte toujours pouvoir travailler à nouveau dans la grotte pour contrôler et compléter ses observations. Il souhaite reprendre ses recherches en 1965, comme en témoigne une demande d’autorisation en date du 28 mai 1964. Aucune suite n’y fut donnée.

37En outre, à partir du printemps de 1965, il effectue plusieurs missions dans la grotte de Roucadour (Lot), pour relever au calque les parois si finement gravées.

38Il meurt dans un accident de la route en juillet 1966, au retour d’un voyage en Espagne : suivant les consignes testamentaires de l’abbé Henri Breuil, il préparait une suite aux Quatre cents siècles d’art pariétal.

STRUCTURE DU MANUSCRIT

Les chapitres

39Malgré le sommaire proposé par l’auteur, les chapitres et les sous-chapitres se suivaient de façon cursive, page après page. Le plus souvent sans intertitre et sans hiérarchie. Les chapitres 1 à 6 étaient rédigés ; le chapitre 7 était pratiquement terminé ; les chapitres 8 à 11 n’étaient pas rédigés, mais des notes concernant ces sujets étaient préparées.

40Pour faciliter la lecture, sans trahir l’auteur, il a fallu compléter les titres et les sous-titres du sommaire d’André Glory en suivant le manuscrit. Le texte original a été intégralement conservé. Il a été structuré : certains titres et sous-titres ont été ajoutés pour le scander lisiblement. Des annotations sont apparues nécessaires à une bonne compréhension du discours : courtes, elles sont insérées entre crochets (dans le corps du texte) ; plus longues, elles figurent en notes de bas de page.

Chapitres non rédigés

41– De nombreux documents inédits ont été retrouvés au Bugue, en 1998 : inventaires descriptifs, résultats de fouilles, textes, notes et commentaires divers, notes bibliographiques, planches soigneusement dessinées. L’abbé prévoyait de les insérer dans sa publication définitive sur Lascaux. Sa mort brutale ne lui en a pas laissé le temps.

42– La rédaction de certains chapitres n’avait pas encore été mise au propre par leur auteur. Pour l’industrie lithique, nous disposons de plusieurs textes de nature différente : un commentaire détaillé sur une des collections de silex (la collection Laval), des observations technologiques, des inventaires, des décomptes typologiques et des conclusions générales. Nous fournissons ces documents dans le chapitre Commentaires sur l’industrie lithique.

43Le travail de A. Glory sur l’industrie lithique était, semble-t-il, pratiquement achevé. Il avait conservé, au Bugue, seulement deux silex provenant du site de Lascaux ou des environs : ils n’ont, sans doute, rien à voir avec la grotte. Nous les signalons ici pour que notre présentation du matériel retrouvé au Bugue soit complète : 1) un gros éclat à patine blanche épaisse, marqué « Lascaux 57. Déblais » ; 2) une grosse lame ébréchée, à patine blanche épaisse, marquée « Lascaux. Plateau ».

44– Plusieurs textes préliminaires avaient été rédigés par A. Glory concernant les pigments. Ils ont été réunis dans le chapitre Commentaires sur les pigments. A. Glory avait classé les teintes de façon méthodique et effectué une expérimentation sur les liants possibles. En vue de poursuivre ses expérimentations, le chercheur avait conservé au Bugue une partie des pigments (sous forme de poudres contenues dans des tubes ou de petits flacons, ou sous forme de boulettes d’argile plus ou moins grosses). En voici le détail : neuf tubes ou flacons contiennent des terres en poudres fines ; deux flacons marqués « 10 » (les nombres marqués sur les flacons correspondent aux coloris des gouaches Linel) ; deux flacons marqués « 13 » ; un tube marqué « 15 » ; trois tubes marqués « 23 » ; un flacon marqué « 24 »10.

45En outre, nous avons retrouvé, au Bugue, plusieurs flacons et boîtes contenant des terres colorées : un flacon rempli de terre brune en poudre, marqué « Fouilles 1960. Puits. Éléments colorés » ; une boîte, marquée « Lascaux. Manganèse mêlé à de l’argile, proche du fond de la galerie des Félins », contenant une trentaine de boulettes d’argile mêlé à du manganèse ; une petite boîte métallique (à aiguilles de phonographe) contenant deux blocs de sédiment (environ 4 cm x 2 cm et 2 cm x 1 cm), avec d’infimes particules noires, recouverts d’une pellicule brillante qui paraît être du vernis.

46– Les documents concernant les objets de pierre sont assez disparates. A. Glory avait dessiné et légendé trois planches relatives à des plaques calcaires11 (voir fig. 72, 73 et 74), interprétées par le chercheur comme des palettes à couleurs façonnées pour la préhension. Ces documents sont regroupés dans le chapitre Documents concernant les objets de pierre.

47En outre, nous avons inséré dans ce chapitre les documents qui nous ont permis d’identifier et de localiser deux exceptionnels godets à coupelle façonnée : l’un, en silex, provient de la salle des Taureaux, proche de l’entrée du Passage ; l’autre, en calcaire, provient du Passage.

48– Le chapitre sur l’éclairage avait été rédigé par A. Glory. Nous n’avons retrouvé aucun texte complémentaire à ce sujet. Il avait cependant conservé par-devers lui, au Bugue, 32 pierres provenant de Lascaux (nous les avons numérotées : pierres n^os 1 à 32), sans autre indication précise du lieu de découverte : 20 pierres ne présentent aucune trace significative ; 12 pierres portent des traces charbonneuses faisant évoquer des vestiges de lampes (pierres n^os 1 à 12). Les pierres n^os 8 à 12 semblent être des fragments d’un même objet brisé12. De même, pour les pierres n^os 3 et 7 (et sans doute n^o 6)13 (voir infra, fig. 66, p. 83).

49– Le texte destiné au chapitre Matériel osseux n’était pas rédigé. Il est vraisemblable que cette étude était prévue pour l’été 1966. C’est sans doute la raison pour laquelle un grand nombre de pièces osseuses se trouvaient au Bugue. Ces dernières ont été numérotées : Bugue 01 à Bugue 31. Elles font ici l’objet d’une étude particulière par C. Leroy-Prost.

50– Les références bibliographiques et les sources ont été vérifiées et leur liste figure ici en fin de volume. D’autres ont été ajoutées dans cette énumération. Le lecteur est invité à s’y reporter : elles renvoient essentiellement aux divers chapitres de Lascaux inconnu.

51– Pour l’iconographie, nous avons utilisé les planches d’illustrations préparées par A. Glory, telles que nous les avons retrouvées au Bugue. Le plus souvent, elles regroupent non pas tel ou tel type de matériel (os, silex...), mais des objets de même provenance (collections Ravidat, Marsal, Laval, fouilles du Gour du Cerf...). Elles étaient destinées à illustrer la présentation archéologique de Lascaux. Au moment de sa mort, A. Glory complétait, peu à peu, ses planches d’illustrations en dessinant les séries des collections périgordines.

52Ces planches, avec leurs légendes descriptives, souvent très documentées, sont présentées ici telles qu’il les avait conçues. Le choix du lieu d’insertion de ces planches nous a posé quelques problèmes, dans la mesure où elles regroupent parfois des objets de nature différente. Nous avons choisi de les placer au moment où elles sont appelées pour la première fois dans le texte.

53Des clichés avaient été pris, sous sa direction, par son photographe, Jacques Lagrange14. Nous avons complété l’illustration à la demande, en fonction du texte de l’auteur, notamment grâce aux manuscrits et aux documents figurés provenant du fonds A. Glory du Muséum national d’histoire naturelle et grâce à nos propres clichés.

54Pour les coupes, nous avons utilisé les dessins mis au propre par Michel Orliac pour Lascaux inconnu. Ainsi que l’indique Arl. Leroi-Gourhan, dans son avant-propos, « M. M. Orliac a dessiné silex et sagaies, mais, surtout, a repris avec fidélité tous les plans et dessins de l’abbé Glory, dont certains comportaient une dizaine de brouillons. » (Leroi-Gourhan Arl., Allain J. [dir.], 1979, p. 9.) M. Orliac, interrogé à ce sujet, nous a confirmé que, dans cet ouvrage : « Tous les dessins sont miens, la mise au net des plans et des coupes » (courriel du 7 novembre 2005). C’est à lui que l’on doit aussi le croquis de lecture du panneau de la Vache noire (Leroi-Gourhan A., 1979a, pl. XXV). Il avait reçu, en outre, la mission de dessiner, pour J. Allain, tous les silex disponibles (les silex conservés à l’IPH, ceux du musée des Eyzies et les collections particulières disponibles alors). Pour l’industrie osseuse, il était venu en Dordogne en 1976 pour dessiner, pièces en main, les objets de la collection Blanc et ceux de la collection Ravidat. Pour « le n^o 2 de la figure 91 » (Allain, 1979, p. 112), « il s’agit de la reprise d’un dessin de Glory, car la morphologie de la pointe ne me semble pas réaliste ; et puis, si j’avais eu l’objet en mains, j’en aurais donné plusieurs sections, comme pour les autres » (courriel du 7 novembre 2005). Cet objet faisait, en effet, partie de la collection Marsal, qui avait disparu lors de « l’inondation de Montignac » (témoignage oral de J. Marsal, le 10 mars 1976), sans doute lors de la crue de 1960 qui avait envahi toutes les rues basses de la ville, en particulier celle où se trouvait la maison familiale de J. Marsal (témoignage oral de F. Laval).

LE MATÉRIEL OSSEUX ET LA FAUNE

55En même temps que le manuscrit destiné à Gallia et les notes manuscrites en cours de rédaction pour compléter ou préparer certains chapitres, nous avons trouvé au Bugue de nombreux objets issus des fouilles effectuées à Lascaux.

56Certains de ces objets faisaient sans doute partie de la collection personnelle de A. Glory. D’autres, issus de collectes anciennes, avaient été recueillis par lui. Tous avaient été soigneusement mis de côté par l’abbé. Nous avons pu les identifier avec certitude, en utilisant soit les notes de A. Glory soit les publications anciennes. Certains étaient connus par un dessin ou par une photographie. D’autres étaient inédits mais portaient un marquage précis. Quelques-uns, enfin, étaient placés dans des récipients bien identifiés.

57Certains objets étaient manifestement en cours d’étude pour la publication : des outils en os ou bois de renne (numérotés Bugue 01 à Bugue 31) ; des pigments (ocre et manganèse) ; quelques « lampes » (dont le fragment de la seconde lampe en grès rose) ; un godet à pigment rouge ; des charbons de bois et des vestiges osseux.

58Le matériel osseux et la faune, retrouvés au Bugue, ont donné lieu à deux études spécifiques publiées dans le présent volume, à la suite du mémoire de A. Glory.

L’INDUSTRIE SUR MATIÈRE DURE ANIMALE

59Elle est étudiée par C. Leroy-Prost. Son analyse porte sur les 31 pièces retrouvées au Bugue, mais aussi sur les pièces des autres collections déjà recensées. C’est ainsi qu’elle a pu examiner minutieusement les pièces de la collection Blanc et qu’elle a pu observer celles de la collection Ravidat dans la vitrine familiale où elles sont conservées depuis des décennies.

60Certains des objets retrouvés au Bugue étaient connus par des dessins publiés dans les publications préliminaires de A. Glory ou dans Lascaux inconnu, mais aucun de ces objets n’avait donné lieu à une étude précise.

• Trois objets (Bugue 01, Bugue 02 et Bugue 03), provenant du Passage, sont de remarquables pièces connues, jusqu’ici, par les publications préliminaires de A. Glory ou par les notes utilisées pour la publication de Lascaux inconnu (Allain, 1979, fig. 87, n^os 3, 4 et 5). A. Glory leur avait consacré une planche particulière (voir infra, fig. 22, p. 46).
• Six objets (Bugue 09, Bugue 10, Bugue 16, Bugue 19, Bugue 20 et Bugue 21) sont des fragments de pointes ou de sagaies dessinées sur une planche préparée par A. Glory (fig. 36, n^os 2, 3, 4, 5, 6 et 8).
• Six objets (Bugue 04, Bugue 05, Bugue 06, Bugue 07, Bugue 12 et Bugue 15) sont des pièces fragmentaires provenant du tamisage par A. Glory des déblais extraits du Puits en décembre 1959, comme l’indiquent les légendes rédigées par lui et jointes aux objets.
• Douze objets (Bugue 08, Bugue 11, Bugue 13, Bugue 14, Bugue 17, Bugue 18, Bugue 22, Bugue 23, Bugue 24, Bugue 25, Bugue 26 et Bugue 27) sont des pièces fragmentaires, sans localisation indiquée.
• Quatre objets (Bugue 28, Bugue 29, Bugue 30 et Bugue 31) étaient classés avec la faune : deux fragments osseux utilisés et deux fragments d’objets façonnés.

LA FAUNE

61A. Glory avait rédigé les chapitres consacrés à la faune d’après les études faites, à sa demande, par J. Bouchud et publiées en 1960 et 1961.

62Dans Lascaux inconnu, J. Bouchud explique minutieusement les conditions dans lesquelles il a été appelé à identifier la faune de Lascaux, « au fur et à mesure de sa récolte, soit par les fouilleurs et ceux qui relevèrent les peintures et les gravures, soit par des spécialistes étrangers venus pour visiter la grotte » (Bouchud, 1979, p. 147). Dans son tableau 2, il donne « la distribution des débris osseux appartenant aux diverses espèces identifiées. Le nombre total des restes fauniques récoltés s’élève à 133 » (Id., p. 148). Il précise en note qu’« il s’agit du nombre de restes étudiés par l’auteur du présent travail [J. Bouchud] et des indications pouvant être chiffrées ». Le contenu des sacs de « faune Bouchud », conservés au Muséum national d’histoire naturelle (à l’IPH), correspond à cette description, à quelques nuances près. Ils sont étiquetés d’après leur origine : Escalier (20 pièces) ; rien pour la salle des Taureaux ; Diverticule axial (60 à 80 pièces, qui semblent bien correspondre à tout ou à la plus grande partie de la description de J. Bouchud, mais sans les sabots d’adultes signalés) ; Passage (6 pièces) ; Nef (un grand nombre de pièces fragmentées, qui semblent bien correspondre à l’inventaire de J. Bouchud) ; rien pour l’Abside ni pour le Diverticule des Félins. À noter que J. Bouchud ne décomptait pas, dans la Nef, la ramure et les deux hémi-mandibules que A. Glory conservait encadrées dans sa maison du Bugue15 : l’archéozoologue ne les avait sans doute pas examinées ; au moment de la publication de Lascaux inconnu, il disposait seulement d’une photographie de A. Glory (Bouchud, 1979, fig. 115, p. 150).

63Nous avons été intrigués par la quantité de pièces de faune conservées dans la demeure de A. Glory, au Bugue.

64Trois de ces pièces seulement étaient connues de J. Bouchud : « un andouiller de cerf long de 25 cm » provenant du Passage (cité dans une note de A. Glory) et deux pièces provenant du Diverticule des Félins : « une épiphyse proximale de métacarpien gauche de renne femelle » trouvée coincée dans une fissure en face du premier félin (Cabinet des Félins), identifiée par F. Ed. Koby et publié par A. Glory en 1958, « une dent de lait jugale de cheval » provenant du Cabinet des Chevaux et signalée par H. Breuil. Avec un « osselet pyramidal de carpe droit de petit renne » déterminé par F. Ed. Koby et publié par A. Glory en 1958, c’est tout ce que publiait J. Bouchud pour le Diverticule des Félins (1979, p. 148).

65La plus grande partie de ce matériel, provenant assurément de Lascaux, ne semblait pas avoir été pris en compte. Les seules indications concernant ces pièces sont les étiquettes des sacs. Nous n’avons retrouvé aucune autre précision concernant leur recueil.

66Les lots les plus nombreux proviennent du Diverticule des Félins, une galerie très exiguë du fond de la grotte. Il est donc vraisemblable que les fouilles ont été effectuées au cours des derniers mois de travail de A. Glory à Lascaux. C’est la raison de l’étude que nous avons demandée à A. Vannoorenberghe.

67Voici l’inventaire du matériel retrouvé au Bugue. Il est composé de lots paraissant a priori bien classés et identifiés16 :

• débris divers, éclats, gouttières, déchets (« Escalier et sas ») ;
• un fragment de diaphyse très usée (« Sas 2. Éboulis ») ;
• deux fragments de diaphyses de renne, un tube de microfaune, une dizaine de fragments osseux (« Bouquetin »), coquille d’œuf brisée, coquillages, petits fossiles, une boîte de réglisse contenant les « myriapodes » (« Cheval inversé ») ;
• sept longs fragments de diaphyses plus ou moins pointus, dont Bugue 29 (fig. 29) (« Passage ») ;
• un fragment de diaphyse pointu et usé – Bugue 28 (fig. 29) (« Passage, Gour du Cerf ») ;
• dix fragments osseux + une cheville osseuse (« Passage 1958 ») ;
• sept fragments osseux (« Nef ») ;
• quatre fragments de diaphyses ouvertes longitudinalement, nommées « Gouttières », avec des indications de colorants marquées « Coul. » (« Cabinet des Félins ») ;
• une épiphyse et une dent (« Cabinet des Félins ») ;
• un fragment osseux du « Gouffre » (« Cabinet des Félins ») ;
• des fragments osseux « après les gouffres » (« Cabinet des Félins ») ;
• nombreux os en mauvais état, très secs et délités (« Cabinet des Chevaux », près de la grande palette et silex) ;
• un fragment de diaphyse (« Déblais 1959 » du Puits) ;
• une épiphyse, deux fragments de côte (« Le Puits 1959 ») ;
• un tube de microfaune (« Le Puits 1961 ») ;
• six fragments de bois de renne et une esquille (« Le Puits 1959 ») ;
• un lot d’une vingtaine de fragments de mandibules et de dents, d’origine inconnue, sauf pour un fragment qui est marqué « Lascaux ».

COMMENTAIRES

68En 1962, A. Glory avait rédigé un petit livret, intitulé Lascaux, Versailles de la Préhistoire. Il voulait présenter aux visiteurs, d’une façon synthétique et simple, les peintures et les gravures de la grotte, mais aussi les résultats de ses travaux archéologiques dans la grotte depuis 1953. Ce livret, attentivement corrigé par le Dr Léon Pales, a été retrouvé au Bugue et publié intégralement dans Lascaux retrouvé. Les recherches de l’abbé André Glory (Delluc, 2003a).

69En une vingtaine de feuillets dactylographiés, l’auteur envisageait, rapidement : 1) la géologie de la caverne ; 2) les pigments minéraux et leur utilisation ; 3) les 300 pièces de silex recueillies ; 4) les luminaires (lampes, « chandeliers » fixes, torches et « brûloirs ») ; 5) les résultats de l’étude des pollens et des charbons de bois ; 6) la faune ; 7) les datations au carbone 14 ; 8) le style des figures et leurs techniques (dont les superpositions des peintures de la salle des Taureaux et les gravures-peintures-gravures du Passage et de la Nef).

70L’auteur situait, non sans prudence, les œuvres de Lascaux « vers 17 000 ans, avec une arrivée et un terme compris entre 20 000 ans et 16 000 ans, qui nous conduirait au Magdalénien II ». Il se posait des questions sur les motivations des artistes de Lascaux, lieux de réunions périodiques, de cérémonies magiques, mais, pour lui, cette magie n’excluait pas les préoccupations artistiques. Il traitait de la décoration pariétale peinte de façon détaillée mais il ne faisait qu’évoquer les innombrables gravures17.

71Pourtant, à l’époque déjà, A. Glory avait calqué avec soin pratiquement toutes les parois gravées (ce volume, fig. 1 et 2). Il avait numéroté et commenté chaque gravure (fig. 3). C’est ce travail qui a été publié dans Lascaux inconnu (Leroi-Gourhan, 1979a et Vialou, 1979). On ne sait pas sous quelle forme précise A. Glory envisageait lui-même de les publier : soit un chapitre de sa monographie, soit un ouvrage à part. Nous n’avons pas trouvé d’indications à ce sujet.

Fig. 1 — Pour relever les gravures de la grotte de Lascaux, André Glory utilisait du papier cellophane tenu contre la paroi grâce à des étais terminés par d’épais manchons de tissu. Il était souvent aidé par de jeunes collaborateurs

Fig. 2 — Les séances de relevés dans la grotte étaient suivies de longs travaux de mise au propre des relevés de gravure : A. Glory, couché sur le sol, décalquait minutieusement chaque trait sur du papier calque épais

Fig. 3 — Relevé d’un panneau gravé de la conque E du Passage, avec mise en couleurs par A. Glory des animaux peints et gravés. Les couleurs apparaissent en grisé. Ce tableau était encadré dans la demeure de l’abbé au Bugue.

72Le texte du livret ne dit pas toute la somme des travaux de l’auteur (5 000 heures environ, pendant plus de dix ans), les innombrables obstacles, matériels et administratifs, rencontrés sur sa route, les difficultés de ses recherches dans cette cavité surexploitée par le tourisme et l’acharnement dont, solitaire ou presque, malade et handicapé, A. Glory a dû faire preuve. Il ne fournit pas tout le détail de ses recherches, résultats qu’il réservait pour son étude scientifique.

73Le présent Lascaux de A. Glory, dès l’origine destiné à la revue Gallia à l’initiative de A. Leroi-Gourhan, est riche de tout cela. Mais sa conclusion n’était pas rédigée. Nous avions pensé fournir celle du livret, écrit par l’auteur un an seulement avant la fin de son étude dans la grotte. Cela ne s’est pas révélé possible. Il aurait fallu recueillir des phrases trop dispersées dans ce texte destiné au grand public et fabriquer une sorte de patchwork discutable.

74Dans son livret, A. Glory considère que, en définitive, la grotte de Lascaux a été fréquentée à une seule époque, il y a 17 000 ans BP, et il attribue son archéologie au Magdalénien II. C’est exactement la conclusion à laquelle sont parvenus J. Évin et Arl. Leroi-Gourhan pour la datation et J. Allain pour l’attribution archéologique. Cette observation ne fait guère avancer le problème car, bien sûr, l’équipe de Lascaux inconnu s’est entièrement appuyée sur les documents laissés par A. Glory. Mais cela mérite néanmoins d’être signalé car ces auteurs n’ont jamais eu en mains les conclusions de A. Glory et nous nous souvenons encore de la surprise d’Arl. Leroi-Gourhan découvrant cette information dans une édition posthume du livret, quelque temps après la publication de Lascaux inconnu.

75Grâce au texte du chercheur lui-même, attendu depuis près de quarante années, l’archéologie de Lascaux s’éclaire d’un jour nouveau. La précision et la pertinence de ses observations surprennent souvent. Jusque-là, on n’avait pas d’exemples d’une grotte ornée aussi riche que Lascaux sur le plan archéologique. La connaissance de l’archéologie de la grotte s’enrichit enfin du texte du chercheur lui-même. Les textes rédigés par A. Glory, bien qu’un peu vieillis et jamais corrigés par leur auteur, en raison de son décès prématuré, sont néanmoins d’une extrême importance et méritent d’être livrés dans leur intégralité à la communauté scientifique. Pour en faciliter la lecture, nous y avons associé de très nombreuses notes, entre crochets ou en bas de page.

76A. Glory, au cours de ses onze années de recherches à Lascaux, avait pris la précaution de tout noter. Si bien que son Lascaux fourmille d’informations inédites.

UN ÉCLAIRAGE NOUVEAU

77La présente publication ne fait pas double emploi avec Lascaux inconnu, elle en est le complément documentaire. Le plus souvent, elle confirme la validité des informations concernant les collections présentées dans ce premier ouvrage.

78Mais elle permet d’aller beaucoup plus loin dans la connaissance de l’archéologie de la grotte. Ainsi, grâce aux précisions concernant les lieux de découverte des objets, elle apporte un éclairage nouveau sur le fonctionnement de cette grotte ornée exceptionnelle.

79La salle des Taureaux a livré très peu de matériel. Les observations de A. Glory, le long des tranchées de terrassement, ont montré que, dans la partie centrale, la couche archéologique était protégée par le plancher stalagmitique des gours. C’est, en fait, le seul endroit dans la grotte où une partie de la couche archéologique est encore scellée. Les talus argileux à la base des parois conservaient, semble-t-il, des empreintes humaines : leurs études n’ont pas fourni d’informations très convaincantes. Un texte de Léon Pales, demeuré inédit (de par la volonté de l’auteur), rapporte essentiellement les difficultés qu’il a rencontrées à l’époque pour mener à bien une étude à ce sujet dans le cadre de la recherche pluridisciplinaire programmée qui aboutit à la publication de Lascaux inconnu.

80Le présent texte de A. Glory apporte un élément très intéressant : il a été découvert dans la salle des Taureaux, entre le Diverticule axial et le Passage, sous le Taureau de 5,50 m, un énorme godet en silex creusé d’une coupelle circulaire, ayant sans doute servi de godet à couleurs. Ce godet a été trouvé renversé, la coupelle contre le sol. Il ne s’agit pas d’un outil de fortune, mais certainement d’un objet ayant eu une fonction importante au cours des travaux de décoration, voire des cérémonies qui eurent lieu dans cette salle, il y a 17 000 ans. Enfin, un cliché de A. Glory d’un bloc tombé de la paroi (à droite de la licorne), aujourd’hui indéchiffrable, nous a permis, il y a une vingtaine d’années, de reconstituer la figure manquante (Delluc, 1981) : c’est une grande tête de cheval et non de taureau comme on l’imaginait.

81Les traces observées sur les parois du Diverticule axial nous avaient permis de dessiner le plan des échafaudages des peintres et d’en restituer le montage (Delluc, 1979c). Les fouilles et les observations de A. Glory dans le fond du Diverticule axial ont livré quelques objets des peintres, telle une palette, et les traces d’un petit atelier de taille, avec un nucléus et des éclats de silex blond, dont l’un s’adapte à l’un de ses côtés. La découverte de trois lames enfoncées dans une petite excavation de la paroi, juste en face du Cheval renversé, permet, en outre, de parler du dépôt d’un ex-voto, tel qu’il en a été signalé dans plusieurs grottes ornées ariégeoises et périgordines.

82Les observations concernant le Passage sont encore plus étonnantes. Dans ce couloir très bas de plafond, « où les Magdaléniens étaient obligés de s’asseoir pour graver et peindre les parois », Arl. Leroi-Gourhan avait signalé un dépôt de plantes à fleurs ayant servi d’isolants aux artistes (Leroi-Gourhan Arl., Girard M., 1979). Une fouille de A. Glory, effectuée à l’emplacement qu’il a appelé le « Gour du Cerf », lui a livré divers objets : certains peuvent s’interpréter comme les outils des artistes (une palette, un godet à couleurs, un crayon de manganèse), mais d’autres sont plus exceptionnels, comme une sagaie encore munie des traces du mastic et du lien qui la solidarisaient avec sa hampe et une aiguille à chas (brisée), sans compter quelques outils de silex et plusieurs esquilles osseuses, émoussés par l’usage. Bref, dans cet endroit très inconfortable où les hommes se sont allongés, au printemps, pour peindre et graver, ils ont abandonné au sol plusieurs objets précieux.

83À l’époque de la découverte (1940), le sol de l’Abside formait une butte argilo-sableuse, qui s’élevait à 1,50 m au-dessus du niveau actuel, au débouché du Passage. Cette butte dominait la Nef, qui est une galerie plongeante. Le sommet de la butte de l’Abside fut certainement le théâtre d’activités nombreuses. En effet, le plafond, alors à portée de la main pour l’essentiel, est orné d’un ensemble complexe de gravures et de peintures et le sol recelait, en surface, un nombre considérable d’outils de silex et d’os, en particulier d’admirables pointes en os, souvent très bien conservées. Parmi elles, une étonnante pointe en os quasi intacte de plus de 8 cm de longueur et d’une finesse extrême (à peine 0,15 cm de diamètre).

84Grâce au récit minutieux des fouilles dans le Puits, on sait maintenant que beaucoup des fragments de pointes en os proviennent du tamisage des déblais retirés du Puits en 1959-1960 pour préparer la fouille méthodique que A. Glory y conduira en 1960-1961. Ces déblais remontés du Puits étaient formés en grande partie des sédiments extraits du sol de l’Abside, en 1948, pour en abaisser le niveau et aussi des sédiments remués par H. Breuil, S. Blanc et M. Bourgon en 1949 au fond du Puits. Plusieurs des fragments de pointes qu’ils contenaient proviennent donc sans doute du sol de l’Abside. Cette constatation vient encore augmenter l’impression que des activités très nombreuses se sont déroulées dans l’Abside, juste au-dessus du Puits, à l’écart des deux grands axes salle des Taureaux-Diverticule axial et Passage-Nef.

85Les objets trouvés dans la Nef posent aussi de nombreuses questions. Certes, on savait que la vire, située sous la frise de la Vache noire, avait servi d’étagère pour ranger des lampes en calcaire non façonnées et divers objets que l’on associait aux peintures et gravures susjacentes. Mais les découvertes effectuées au sol, entre ce panneau et la paroi opposée où figure la frise des Cerfs, sont encore plus surprenantes : une mandibule et un grand bois de renne, une lampe en calcaire façonnée. Et, tout en bas de la galerie, dans la partie terminale de la Nef que l’on appelle la galerie du Mondmilch, près du passage qui donne accès à la galerie des Félins, une accumulation de bois de renne.

86Les objets trouvés tout le long de la galerie des Félins montrent que, malgré sa difficulté d’accès et son étroitesse, cette petite galerie a été parcourue par un certain nombre d’individus. Certains de ces objets peuvent avoir été perdus par les artistes. La cordelle, dont A. Glory découvrit l’empreinte, a pu servir à faciliter le dangereux franchissement du Gouffre. Mais que dire de l’extraordinaire accumulation de pigments, ocre et manganèse préparés, mis en réserve tout au fond de cette galerie, accessible seulement au prix d’un très grand effort ? Que dire de la grande quantité de faune consommée retrouvée dans cette galerie si exiguë, en particulier dans le « Cabinet des Félins » et dans le « Cabinet des Chevaux » ?

87La galerie du Puits a subi beaucoup de dommages avant d’être fouillée correctement par A. Glory. En 1940, de l’argile était tombée du seuil de l’Abside, lorsque les premiers visiteurs y installèrent une échelle pour descendre. Mais surtout, la galerie avait servi de dépotoir au moment de l’abaissement du sol de l’Abside en 1947-1948, juste avant l’ouverture de la grotte au public, le 13 juillet 1948.

88On sait cependant que le sol du Puits conservait certainement plusieurs objets importants. Le rapport de S. Blanc permet de se faire une petite idée des fouilles hâtives qu’il y effectua en 1949, avec H. Breuil et M. Bourgon, au pied de la paroi ornée du bison blessé et de l’homme (voir infra, p. 10). En outre, H. Breuil a fourni à A. Glory des indications pour établir la coupe de cette galerie, avec les niveaux du sol aux différentes périodes (voir infra, fig. 50, p. 69). Il a aussi raconté comment S. Blanc récupéra la plus grande des sagaies, en se penchant la tête en bas : elle était tombée tout au fond de l’étroite diaclase.

89Lorsque A. Glory fouilla en 1960-1961, il ne restait pas beaucoup de sédiments non remaniés. Il en demeurait suffisamment pour lui permettre de découvrir en place le brûloir en grès rose. Ce jour-là, il fouillait avec Jean-Louis Villeveygoux et Jean-Pierre Vialou, rejoints bientôt par Jacques Lagrange. C’est aussi du sol du Puits que provient très vraisemblablement le fragment d’un second brûloir (que nous avons identifié au Bugue). C’est aussi tout près de là que A. Glory mit en évidence, en fouillant, une structure faite de plusieurs pierres associées à une grosse mèche de charbon, qu’il interpréta comme un « chandelier ».

90La galerie du Puits, comme les autres parties de la grotte, fut certainement le théâtre d’activités particulières, peut-être de cérémonies. Mais les fouilles furent trop imparfaites pour permettre de donner une interprétation globale pour tous ces étonnants vestiges matériels.