1Il existe une multitude de lieux d’aisance qui diffèrent selon leur structure, des simples fosses, cuvelées ou non, à des architectures plus recherchées faisant appel à des égouts d’importance variable. D’autres aménagements plus modestes ont servi à évacuer seulement les urines. Un vaisselier spécifique est également lié à la récupération des déjections.

LES FOSSES

2Les latrines à fosse se divisent en plusieurs catégories : celles sans aménagement, cuvelées ou non, celles pourvues d’une alimentation ou d’une évacuation, celles enfin bénéficiant des deux. Il s’agit des structures probablement les plus nombreuses dans l’Antiquité, mais que l’archéologie ne sait mettre en évidence que depuis quelques dizaines d’années1. Leur importance doit probablement être minorée dans notre catalogue, car elles sont bien modestes. On peut penser qu’elles ne sont pas toujours mentionnées dans les inventaires généraux alors que tel est le cas lorsqu’il s’agit de structures maçonnées.

LES FOSSES SIMPLES

3Nous rassemblons dans ce paragraphe les fosses ne présentant qu’une cavité, en prenant en compte, tour à tour, les non cuvelées d’une part et les cuvelées d’autre part.

Les fosses simples non cuvelées

4Les fosses non cuvelées sont le type de base. Il s’agit d’une simple cavité creusée dans le sol. Nous n’avons retenu ici que celles pour lesquelles il n’existe aucun soupçon de cuvelage, même en bois2. Il est toutefois possible qu’un certain nombre en ait possédé, mais les mauvaises conditions de conservation l’ont fait intégralement disparaître.

5Quarante-sept fosses ont été inventoriées3 sur seize sites : Saint-Marcel/Argentomagus, Aspiran, Augst, Besançon, Butzbach, Oberaden, Oberwinterthur, Périgueux, Poitiers, Reims, Saintes, Strasbourg, Tours, Tremblay-Les-Villages et Le Boullay-Thierry, Xanten, Zurzach. Il conviendra toutefois de rester prudent en ce qui concerne les fosses en nombre indéterminé retrouvées au début du xix^e s. au 2, avenue du Cimetière (ou 7, route des Romains) à Strasbourg, dont les très grandes profondeurs (entre 6,09 m et 7,62 m) font naître un doute quand à la fonction. Nous les avons réparties selon leur forme : circulaire ou ovalaire (tabl. I et fig. 4) ; carrée, quadrangulaire ou trapézoïdale (tabl. II et fig. 5). Pour les premières, nous avons renoncé à les subdiviser car les dénominations peuvent varier selon les archéologues, des plans très voisins pouvant être considérés par certains comme circulaires, par d’autres comme ovalaires.

6Les tableaux I et II regroupent l’ensemble des données concernant les fosses non cuvelées. Le volume est approximatif car, comme le montrent certaines coupes publiées, les parois ne sont pas toujours régulières en hauteur, ce qui réduit d’autant la surface de la fosse en allant vers le fond. Les fosses circulaires ou ovalaires et celles carrées, quadrangulaires ou trapézoïdales sont en nombre presque égal (vingt-trois contre vingt-cinq). Il n’existe pas de spécificité de volume en fonction de la forme ; chaque type est de contenance très variable : de moins de 1 m³ à 8,24 m³ pour la première catégorie, et jusqu’à 7,62 m³ pour la seconde. Les fosses des camps militaires avérés (Oberaden, Zurzach) ou supposés (Place de l’Homme de Fer, à Strasbourg), construits en matériaux légers et donc d’une durée de vie relativement brève, sont, à l’exception de la fosse 47 d’Oberaden, parmi celles qui présentent les volumes les plus modestes.

Tabl. I – Fosses non cuvelées de plan circulaire ou ovalaire.

Fig. 4 – Plans et coupes de fosses circulaires ou ovalaires non cuvelées.

7Les fonds sont généralement plats, mais ils peuvent être également irréguliers (présence de deux dépressions dans la fosse 18 de l’Insula 38 à Xanten). Ils sont parfois constitués par le substrat en place jouant le rôle de drain, qu’il s’agisse de gravier à Besançon (fosse 19, état 1) ou de limon et de grave argileuse de silex induré à Tremblay-Les-Villages et Le Boullay-Thierry (fosses 37 et 38). À Poitiers (Domus 2, fosse 3) et Saintes (Clinique Richelieu, fosse 9), c’est le calcaire qui est entamé sur des profondeurs variables. La fosse d’Aspiran a conservé les traces d’une couche d’argile rouge dans sa partie basse.

8Les fosses datées du i^er s. av. J.-C. sont en nombre limité (sept), celles de la première moitié du i^er s. apr. J.-C. sont plus nombreuses (dix-neuf4), ainsi que celles de la seconde moitié du i^er s. (seize). On n’en compte que deux pour la première moitié du ii^e s. apr. J.-C. et une seule pour le milieu de ce même siècle. Les deux fosses de Tremblay-Les-Villages et Le Boullay-Thierry sont à situer entre l’époque flavienne et la fin du iii^e s. sans plus de précision, ce qui correspond à la période d’occupation du site. On constate donc que les fosses non cuvelées sont précoces : essentiellement du i^er s. av. J.-C. et du i^er s. apr. J.-C.

Tabl. II – Fosses non cuvelées de plan carré, quadrangulaire ou trapézoïdal.

9On ne connaît que peu d’éléments faisant partie des superstructures aménagées au-dessus de la fosse et destinées à recevoir l’utilisateur, même si l’on peut envisager la présence d’une banquette percée en bois5, sans qu’il soit possible de déterminer le nombre de places. Dans la fosse 216 d’Oberaden, la pente très accentuée des couches supérieures du comblement témoigne de l’existence d’une couverture en bois qui, détruite par la pourriture, s’est effondrée. Il a été noté, en ce qui concerne les cavités de l’agglomération de Tremblay-Les-Villages et Le Boullay-Thierry, que les objets trouvés dans le remplissage sont situés systématiquement au centre de l’extrémité est de la fosse, ce qui laisse supposer que la lunette devait être localisée à cet endroit. La même disposition a été observée à plusieurs reprises à Jouars-Pontchartrain, mais également dans de nombreuses latrines médiévales et modernes livrées par la fouille du Louvre à Paris (Morin et al., 2003, p. 114). Dans la fosse 9 de la Clinique Richelieu à Saintes, c’est la couche organique plus épaisse à l’est qui trahit la présence d’une banquette percée de ce côté.

10La cartographie des découvertes montre que les fosses sont très rares en Gaule narbonnaise puisque l’on ne peut citer que celle d’Aspiran (carte 1). Elles sont également réparties ailleurs, dans la moitié nord de l’Aquitaine (Saint-Marcel/Argentomagus, Périgueux, Poitiers, Saintes), mais surtout dans les deux Germanies.

Fig. 5 – Plans et coupes de fosses carrées, quadrangulaires ou trapézoïdales non cuvelées.

11Il n’existe malheureusement pas, en l’état actuel de la recherche, d’étude exhaustive sur Pompéi qui, par l’ampleur des dégagements, pourrait fournir des conclusions intéressantes. Des fosses non cuvelées ont été seulement mises en évidence sans qu’il soit possible de les quantifier précisément (Jansen, 2002b, p. 61). A. Barattolo et F. Romaldi (2000, p. 266) considèrent qu’il s’agit de puits perdus sans récupération des matières qui s’infiltraient lentement dans le sol6. À l’angle du temple d’Apollon (VII 7, 32), soit au débouché de la via Marina sur le forum, ont été aménagées au i^er s. av. J.-C. des latrines provisoires liées probablement aux travaux effectués dans le secteur (Arthur, 1993, p. 195). Sur les trois fosses fouillées par Ph. Borgard et son équipe dans la Maison I 8, 19, aucune ne comportait de cuvelage. Peut-être en existait-il un en bois aujourd’hui totalement disparu. Remplies de lapilli, on peut penser qu’elles étaient recouvertes d’un simple plancher7. Des fosses existent également à Herculanum, mais aucune n’a été fouillée, d’où l’impossibilité d’un classement précis (Jansen, 1991, p. 156).

Les fosses simples cuvelées

12Les fosses entrant dans cette série ont des cuvelages diversement construits, qui font appel au bois ou à la pierre8. Nous les avons distinguées selon leur forme : circulaire ou ovalaire (tabl. III et fig. 6) ; carrée, quadrangulaire ou trapézoïdale (tabl. IV et fig. 7a-w).

13Cent deux fosses se rattachent à cette catégorie. Elles sont regroupées sur vingt-trois sites : Alise-Sainte-Reine/Alesia, Amiens, Augst, Auxerre, Barzan, Besançon, Bliesbruck, Brumath, Chassey-Lès-Montbozon, Jouars-Pontchartrain, Ladenburg, Mâlain, Melun, Meyzieu, Néris-les-Bains, Oberaden, Oberwinterthur, Poitiers, Rom, Saintes, Schwarzenacker, Strasbourg, Zurzach.

Carte 1 – Répartition des fosses non-cuvelées.

14Les fosses circulaires ou ovoïdes sont en nombre bien plus restreint (vingt-sept) que les fosses carrées, quadrangulaires ou trapézoïdales (soixante-quinze). Les volumes sont sensiblement identiques quelle que soit la forme, de 0,30 m³ à 12,54 m³ pour les premières, de 0,11 m³ à 18,85 m³ pour les secondes. On note, en revanche, qu’une grande majorité présente des volumes inférieurs à 7 m³. Les capacités supérieures sont bien plus rares, trois pour la première série, sept pour la seconde, ce qui correspond à des proportions identiques. Dans le camp d’Oberaden, les fosses cuvelées présentent une plus grande diversité que celles non cuvelées, même si un grand nombre est à classer parmi les plus modestes.

15Les parois ne sont pas toujours parfaitement verticales. Les parements sud, est et ouest de la fosse 12 de Poitiers comportent une succession de ressauts et le mur nord accuse un léger fruit. Le mur oriental de la fosse 2 du théâtre d’Augst présente le même fruit destiné à maintenir les terres situées à l’arrière. La fosse 9 de l’Insula XVIID à Augst possède une avant-fosse identique à celle de la fosse 7 de la Römerstrasse 186 à Oberwinterthur : si l’on en croit cet autre exemple, les usagers l’utilisaient pour positionner leurs pieds mais elle pouvait également servir de marche-pied pour descendre dans la structure lors de sa vidange (Hüster-Plogmann et al., 2003, p. 161). Le fond n’est pas obligatoirement maçonné, ce peut être tout simplement le rocher en place9. Il n’est pas toujours plat.

Tabl. III – Fosses cuvelées de plan circulaire ou ovalaire.

16Contrairement aux fosses non cuvelées, ces structures se caractérisent par une dispersion chronologique plus importante10. Vingt-trois appartiennent à l’extrême fin du i^er s. av. J.-C. et se situent dans le camp d’Oberaden, à l’exception de celles d’Hyères-les-Palmiers/Olbia et de Besançon. La première moitié du i^er s. en rassemble quinze, la seconde moitié dix-huit. La première moitié du ii^e s. est bien représentée avec vingt-six exemples alors que tel n’est pas le cas de la seconde qui n’en compte que deux. Le iii^e s. en possède trois pour sa première partie et dix pour sa seconde. Ces derniers se retrouvent essentiellement à Alise-Sainte-Reine/Alesia et, dans une bien moindre mesure, à Jouars-Pontchartrain et Brumath.

Fig. 6 – Plans et coupes de fosses circulaires ou ovalaires cuvelées.

17La carte de répartition des fosses cuvelées est semblable à celle des non cuvelées. On n’en retrouve à l’heure actuelle qu’un exemple en Narbonnaise et dans la partie sud de l’Aquitaine (Olbia), alors qu’au nord, celle-ci est homogène (carte 2).

18À Pompéi, il existe des fosses, rondes ou carrées, revêtues de béton de tuileau que les Italiens nomment « pozzi neri ». On peut donc en déduire qu’elles étaient cuvelées11 ; elles semblent moins nombreuses que les fosses non cuvelées. On n’en connaît que quelques descriptions par ailleurs succinctes. Dans la Maison VII 7, 10, la fosse possédait un parement recouvert d’un enduit, ce qui l’a fait interpréter au moment de sa fouille comme une citerne. Dans les Maisons VI 14, 10, VII 4, 25 et VII 12, 12, il s’agirait de puits perdus car le fond est constitué par la roche en place et des parements ne se retrouvent que dans la partie supérieure du cuvelage. Les profondeurs varient de 5,40 m à 11,20 m en fonction du substrat12. Elles peuvent avoir des formes cylindriques, rectangulaires ou elliptiques (Barattolo, Romaldi, 2000, p. 265-266). On retrouve également un cuvelage dans une fosse de la Maison des Noces d’Argent (V 2, 1) et dans celle de Marcus Lucretius (IX 3, 5, 24) (Jansen, 1991, p. 131).

Tabl. IV – Fosses cuvelées de plan carré, quadrangulaire ou trapézoïdal.

Tabl. IV (suite)

Fig. 7 – Plans et coupes de fosses cuvelées carrées, quadrangulaires ou trapézoïdales.

Fig. 7 (suite)

Fig. 7 (suite et fin)

Carte 2 – Répartition des fosses cuvelées.

LES FOSSES AVEC ALIMENTATION

19Sont rassemblées dans cette catégorie les fosses alimentées par un égout qui s’y déverse. Nous avons fait la distinction entre celles qui ne possèdent pas de cuvelage et celles qui en sont dotées.

Les fosses non cuvelées avec alimentation

20Une seule fosse relève avec certitude de cette catégorie, il s’agit de celle (6) du Secteur 2 du quartier central de Lunel-Viel (fig. 8). Creusée dans le substrat, de forme quadrangulaire et légèrement évasée, elle mesure 2,80 m de longueur sur 2,20 m de largeur pour une profondeur de 1,70 m, soit une capacité d’environ 10,47 m³. Elle est en fonctionnement au cours des années 80 à 90/100. Il faudrait peut-être ajouter la fosse 9 en forme de « L » du camp de Butzbach, qui mesure au maximum 2,25 m sur 3 m pour une profondeur non mentionnée. Deux égouts y aboutissent. Il convient toutefois d’observer la plus grande prudence car la description des structures est succincte. Il est impossible de savoir si le cuvelage n’a jamais existé ou s’il n’est pas décrit.

Fig. 8 – Plans et coupe des fosses non cuvelées avec alimentation.

21À Lunel-Viel, nous avons la certitude que les banquettes n’étaient pas directement aménagées au-dessus de la cavité et que celle-ci servait uniquement de puisard, car les latrines, construites sur un égout latéral, sont placées dans la pièce voisine. Ceci explique d’ailleurs probablement que, parmi les fosses non cuvelées, elles présentent le volume le plus important. À Butzbach, la fosse a pu également servir de drain (pour les eaux de pluie, usagées ?) car elle se situe au point le plus bas du camp.

Les fosses cuvelées avec alimentation

22Trois fosses composent cette série : la fosse 8 des latrines publiques d’Alise-Sainte-Reine/Alesia, la fosse 3 de l’église Saint-Michel d’Orléans et celle du 17, avenue Thiers à Melun (fig. 9). La première, de forme ovalaire, de 0,90 m sur 0,70 m, profonde de 2,90 m, est délimitée par un mur de pierres sèches. Sa contenance est de 1,43 m³. La seconde, de même forme (dimensions maximales : 1,35 m sur 1,15 m), a une profondeur inconnue. Son cuvelage est constitué de matériaux divers : pierres, tuiles, blocs de mortier et de tuileau remployés. L’égout débouche à 1,50 m de profondeur. La troisième mesure 1,20 m sur 1 m et a été fouillée sur 2 m de profondeur. Son cuvelage est composé de gros moellons de meulière de Brie.

23Comme dans le cas de Lunel-Viel évoqué ci-dessus, il est certain que la fosse d’Alesia n’a servi que de puisard, car l’égout qui s’y déverse provient d’une pièce bordée sur deux côtés d’un égout latéral sur lequel étaient installées les banquettes percées. Nous n’avons aucun renseignement concernant les exemples d’Orléans et de Melun, mais nous pensons qu’il s’agit de la même configuration.

LES FOSSES AVEC ÉVACUATION

24Ce groupe rassemble les fosses dont la vidange est assurée par un égout ; il n’existe aucun mode d’alimentation. Nous les avons distinguées en fonction de la présence ou non d’un cuvelage.

Fig. 9 – Plans des fosses cuvelées avec alimentation.

Tabl. V – Fosses non cuvelées avec évacuation.

Les fosses non cuvelées avec évacuation

25Deux fosses se rapportent à cette série (tabl. V et
fig. 10).

Fig. 10 – Plans et coupe des fosses non cuvelées avec évacuation.

26La fosse de la Römerstrasse 227/229 présente des parois verticales et un fond plat. Celle de la Püntenstrasse 2 a le même type de paroi, mais une marche les entaille aux deux tiers de sa profondeur (fig. 11). L’égout débouche dans sa paroi sud, à 0,67 m du fond ; il constitue un trop-plein.

Fig. 11 – Oberwinterthur, Püntenstrasse 2 : vue de la fosse 3 (Rychener, 1988, p. 73-74 ; Kantonsarchäologie Zürich).

27Bien que l’échantillon soit réduit, on note que ces deux structures non cuvelées appartiennent au i^er s. apr. J.-C., ce qui correspond à la période chronologique où les fosses simples sans cuvelage sont les plus fréquentes.

Les fosses cuvelées avec évacuation

28Treize fosses appartiennent à cette série (tabl. VI et fig. 12-13). Nous proposons d’y adjoindre la fosse 74 d’Oberaden, très proche des fosses 58 et 73, mais sur laquelle on ne possède que peu de renseignements, y compris sur l’éventuel égout, ainsi que celle, hypothétique, de la Maison C des Villégiales à Nîmes.

29Les volumes de ces fosses sont très différents, mais à l’exception des exemples d’Oberaden, ils sont limités13. Seule l’évacuation de la fosse d’Eschenz se fait par un trop-plein (fig. 14) ; ailleurs, son positionnement permet un drainage complet des déjections. La fosse 7 d’Oberwinterthur est précédée au nord d’une avant-fosse profonde de 0,55 m par rapport au niveau du sol situé immédiatement au nord. Celle-ci a été interprétée comme l’emplacement où se tenait la personne fréquentant le lieu (fig. 15). Dans plusieurs cas (Wiersdorf, La Chapelle-Vaupelteigne, Martigny, Orange), la fosse est étroite et allongée et l’évacuation s’effectue perpendiculairement à son grand axe.

30Des latrines à fosse avec évacuation se retrouvent dans presque toutes les maisons de Pompéi ou d’Herculanum. Il ne s’agit pas obligatoirement de latrines individuelles puisque plusieurs comprennent deux places ; les latrines à trois, quatre, cinq ou six places sont plus rares14. Les structures n’étant pas placées sur un égout, elles ne sont pas parcourues par un flux d’eau continu. L’évacuation des excréments et des urines se faisait à l’aide d’un seau d’eau15. Pour cela, un aménagement spécifique avait été prévu. Les utilisateurs se tenaient sur un repose-pied surélevé surmontant un pan incliné formé de quelques tuiles destinées à recevoir le contenu du seau (Jansen, 1991, p. 156, 158 ; 1997, p. 126-127, 130 ; 2002b, p. 61, 109). Le nettoyage pouvait également être facilité par l’absence de plaque avant de la banquette16.

Tabl. VI – Fosses cuvelées avec évacuation.

Fig. 12 – Plans de fosses non cuvelées avec évacuation.

Fig. 13 – Plans des fosses non cuvelées avec évacuation d’Oberaden.

Fig. 14 – Eschenz, Propriété Rebmann, parcelle 1139 : vue depuis le nord de la fosse 2. Au premier plan, l’évacuation

Fig. 15 – Oberwinterthur, Römerstrasse 186 : coupe de la fosse 7

31L’exemple le plus proche des aménagements campaniens est celui de La Brunette à Orange (fig. 16).

LES FOSSES AVEC ALIMENTATION ET ÉVACUATION

32Cette série regroupe les fosses qui comprennent à une extrémité une alimentation et à l’opposé un égout d’évacuation. On les différencie des latrines à égout latéral par le fait que la largeur de la fosse est beaucoup plus importante que celle de la conduite.

Les fosses non cuvelées avec alimentation et évacuation

33En l’état actuel de la recherche, nous n’avons retrouvé aucune structure se rapportant à cette série dans les régions étudiées.

Les fosses cuvelées avec alimentation et évacuation

34Six fosses relèvent de cette série (tabl. VII et fig. 17). L’alimentation ne se fait pas toujours à partir d’un égout. À Baldringen, elle est fournie par un tuyau de plomb situé à 1 m au-dessus du fond. Par contre, l’évacuation en nécessite un dans la mesure où la conduite doit être suffisamment importante pour permettre une bonne circulation des flux.

Fig. 16 – Orange, La Brunette : vue depuis l’est de la cuisine 29. Au premier plan, la paillasse ; en arrière, la fosse des latrines et son évacuation

Tabl. VII – Fosses cuvelées avec alimentation et évacuation.

35La fosse de Mâlain possède une particularité difficilement explicable : l’égout d’alimentation se trouve de façon traditionnelle dans la partie haute du cuvelage ; or il en est de même de l’évacuation, ce qui sous-entend qu’une grande partie de son contenu ne pouvait être vidée, la seconde conduite jouant simplement le rôle de trop-plein (fig. 18).

36Le principe est le même dans l’état 2 d’Eschenz, bien que la fosse soit plus petite. Une différence toutefois, par le fait qu’il n’existe pas un seul trop-plein mais deux : l’un dans la paroi occidentale, l’autre à l’angle nord-ouest.

37Les quatre fosses présentant structurellement le plus de similitudes – Glanum, Baldringen, Gevrey-Chambertin (fig. 19), Colmiers-le-Bas (voir infra, fig. 120) – ont des dimensions très voisines, si bien que l’on peut se demander si elles n’ont pas eu un modèle unique. Il n’existe pas d’unité chronologique.

Fig. 17 – Plans des fosses cuvelées avec alimentation et évacuation.

Fig. 18 – Mâlain, Maison du Propriétaire, latrines 26 : vue depuis le sud-est de l’égout d’évacuation de la fosse

Fig. 19 – Gevrey-Chambertin, En Carrougeot : vue de la fosse 8 depuis le sud. À l’est, l’égout d’alimentation ; au premier plan, l’égout d’évacuation

LES LATRINES AVEC ÉGOUT

38Différents types de latrines font appel à un égout : latrines à avaloir, à égout latéral, à niches.

LES AVALOIRS

39Nous appelons avaloirs les structures présentant un regard disposé sur un égout17. On peut les distinguer selon qu’ils se situent à l’extrémité de la conduite ou sur le parcours de celle-ci.

LES AVALOIRS SITUÉS À L’EXTRÉMITÉ D’UN ÉGOUT

40On ne compte qu’un nombre réduit d’avaloirs situés à l’extrémité d’un égout. Dans la Maison aux Xenia à Lyon, deux trous de poteau délimitent une banquette de 1 m de longueur sur 0,50 m de largeur, disposée au-dessus d’une conduite en bois dont l’extrémité s’élargit (fig. 20-21). Dans la Maison à Portiques du Clos de La Lombarde à Narbonne, la pièce 2 possède une ouverture circulaire de 0,40 m de diamètre. Un aménagement similaire pourrait exister dans « l’Immeuble de rapport » de Vaison-la-Romaine, bien plus hypothétique car moins bien conservé. Dans la Maison à Portiques du Clos de La Lombarde, l’angle sud-ouest de la pièce 23 est doté de la partie mobile d’une meule qui se superpose à l’extrémité d’un égout de direction ouest. Le diamètre de l’avaloir mesure seulement 0,06 m puisqu’il correspond à l’axe de la meule (fig. 22). Dans quatre cas sur cinq inventoriés à Fréjus18, on est en présence d’une pierre percée ayant une ouverture circulaire de 0,10 m de diamètre (fig. 23). Dans l’amphithéâtre de Nîmes enfin, les cent vingt avaloirs sont tous identiques : il s’agit d’un trou de 0,05 m de diamètre percé au centre d’une demi-sphère de 0,27 m de diamètre creusée dans une pierre de taille (voir infra, Catalogue, fig. 161-162).

41Il convient également de mentionner des exemples particuliers dont on ne conserve que des traces indirectes : il pourrait s’agir d’avaloirs situés à l’étage. À l’extérieur de la Maison à Portiques du Clos de la Lombarde, à proximité de sa façade occidentale, se trouve l’empreinte vaguement circulaire d’un tuyau vertical de 0,12 m de diamètre qui se jette dans un égout sortant de la demeure et pourrait correspondre à l’exutoire d’un avaloir (voir fig. 22). Dans le Marché de Saint-Romain-en-Gal, la plupart des cellules du rez-de-chaussée possèdent une conduite censée récupérer les eaux usées de l’étage. On peut se demander s’il ne s’agit pas, là-aussi, d’exutoires de latrines. De tels aménagements à l’étage se retrouvent à Pompéi et Herculanum (Jansen, 1991, p. 156 ; 1997, p. 125 ; 2002b, p. 60-61). Ils ne nécessitent qu’une quantité d’eau très faible car l’ouverture de la banquette se situe immédiatement au-dessus de l’évacuation et les déjections sont entraînées vers le bas par leur propre poids.

Fig. 20 – Lyon, Maison aux Xenia : vue depuis le nord de la canalisation en bois des latrines et de son avaloir .

42On peut s’interroger sur l’éventualité que les avaloirs les plus petits servaient de latrines. Seuls les aménagements de Nîmes sont interprétés, avec raison selon nous, comme des urinoirs. Évacuer des excréments par une ouverture de seulement 0,06 m ou 0,10 m de diamètre relève de la gageure. Si les siphons de nos toilettes actuelles ont un diamètre de seulement 0,08 m, c’est qu’ils sont accompagnés d’un système efficace de projection d’eau sous pression. Or, dans l’Antiquité, ces avaloirs se caractérisent justement par l’absence de système d’alimentation, seule étant possible la projection d’un seau d’eau. Arriver à viser un si petit opercule en déféquant ou en urinant s’avère plus qu’aléatoire. Il faudrait alors, pour une efficacité plus grande, imaginer un support tronconique identique à nos cuvettes de w.-c. ; or, nous n’avons pas la moindre preuve de l’existence d’un tel équipement ni connaissance d’une quelconque forme céramique pouvant le rappeler19.

Fig. 21 – Lyon, Maison aux Xenia : reconstitution de la cuisine 11 et de ses latrines sur avaloir

43Nous pensons donc que l’interprétation des plus petits avaloirs de Narbonne et de Fréjus comme étant des latrines doit être abandonnée. On pourrait y voir des urinoirs, comme à Nîmes, mais la petitesse de l’opercule nous invite à ne pas retenir l’hypothèse20. Nous y verrons donc plus volontiers des évacuations d’eaux usées – de nettoyage entre autres lorsque le sol était en dur comme à Narbonne – ou des urines provenant alors seulement des vases de nuit. Il s’agit de la trua, le déversoir par lequel on chasse l’eau de la cuisine (Varron, La langue latine, V, 118).

Les avaloirs situés sur un égout

44Il existe une autre série d’avaloirs qui présentent les mêmes caractéristiques que les précédents, mais sont placés sur le parcours d’un égout. À Martigny, dans la fouille du Camping G. S. 1975, une des dalles couvrant la conduite sous la rue, contre le mur de façade occidental, est percée d’une cavité circulaire21 interprétée comme un possible urinoir (voir infra, Catalogue, fig. 134). Le plus grand nombre provient toutefois d’Augst. Dans la rue bordant à l’est et à l’ouest l’Insula XXX, dans celle à l’ouest de l’Insula XXXV ou XXII, des structures plus ou moins conservées devaient à l’origine avoir la même apparence. Dans l’Insula XXX, l’aménagement se situe sur le mur stylobate du portique longeant la rue. Une pierre percée communique par un conduit court en oblique avec l’égout qui longe ce même mur. L’ouverture est masquée par une dalle la couvrant au devant (fig. 24a). La structure est aussi bien conservée dans l’Insula XXXV, mais la pierre semble plus en saillie sur la rue (cat., fig. 402). Dans l’Insula XXII, l’état de conservation est moins bon et il ne reste que les deux blocs verticaux maintenant le support percé (cat., fig. 398). Dans l’hypothèse de latrines dans l’Insula XXX22, la banquette serait constituée d’une pierre épaisse de 0,25 m, creusée d’une ouverture de 0,30 m de diamètre. Considérant l’absence de dalle horizontale dans l’Insula XXII, les fouilleurs envisagent une banquette de bois.

Fig. 22 – Narbonne, Maison à Portiques du Clos de la Lombarde : plan de l’avaloir de la pièce 23 et de son égout d’évacuation

45L’agglomération de Schwarzenacker a livré un aménagement tout à fait similaire. Jouxtant la façade nord d’une taberna, une dalle épaisse percée enjambe un égout (cat., fig. 404). Bien que dépourvus de mesures précises, les clichés publiés suggèrent que les dimensions doivent être proches de celles d’Augst23.

Fig. 23 – Fréjus, Place Formigé : vue depuis le sud de la pièce 14

46À Augst, il ne fait aucun doute pour le fouilleur qu’il s’agit de latrines individuelles telles que l’on pouvait en trouver fréquemment le long de la plupart des rues. On pourra s’étonner toutefois de l’absence d’aménagement périphérique destiné à cacher l’utilisateur ; si l’on tient compte de la position de l’avaloir, la structure aurait en partie débordé sur la bande de roulement. De plus, le siège apparaît très bas et ne correspond pas à ce que l’on connaît dans les autres latrines. Bien qu’elle soit de facture identique, les fouilleurs de Schwarzenacker livrent une interprétation totalement différente de leur découverte. L’avaloir étant situé au pied du mur de la taberna voisine, ils restituent dans celui-ci une fenêtre ; il recueillerait ainsi les eaux usées rejetées directement depuis le cabaret (fig. 24b).

Fig. 24 – Avaloirs sur égout de rue.

47L’hypothèse de latrines ne nous paraît pas convaincante. La solution nous semble apportée par les découvertes d’Amiens (Bayard, Massy, 1983, p. 60). La fouille menée Rue des Cordeliers a mis en évidence deux avaloirs monolithes en bordure d’un caniveau constitué d’un coffrage de bois (fig. 24c). D’autres blocs semblables ont été trouvés le long de la chaussée, Square Jules-Bocquet et, plus récemment en 1994, dans le terrassement du cardo et du decumanus à la suite de la fouille du Palais des Sports/ Coliseum24 (fig. 24d). Le bloc du Palais des Sports est épais de 0,40 m ; son ouverture mesure 0,28 m de diamètre. Celle de la rue des Cordeliers est de 0,29 m25. À Beauvais (Oise), un bloc identique a été découvert en place le long d’une chaussée près de la cathédrale (Bayard, Massy, 1983, p. 60, note 36). Les fouilleurs supposent que ces avaloirs devaient recueillir les eaux usées alors que le reste de l’égout était couvert – à l’aide de planches à Amiens – afin d’éviter les obstructions éventuelles et diminuer la puanteur qui devait s’en dégager. Nous pensons qu’il en était de même à Augst comme à Schwarzenacker26. Ce système avait également pour avantage d’assurer la ventilation des conduites saturées d’émanations malsaines (Wéry, 1898, p. 86, 587). On serait donc simplement en présence de bouches d’égout27.

48Hors des régions étudiées, nous avons retrouvé un avaloir dont la fonction de latrines ne fait pas de doute. Daté de la seconde moitié du iv^e s., il réutilise l’égout drainant les eaux de pluie de l’ancien portique de la Crypta Balbi à Rome alors désaffecté. En forme d’entonnoir maçonné, il est installé dans une petite pièce de 8,64 m² en saillie sur l’ancienne aire découverte (Manacorda, 2003, p. 41-43). Cet aménagement diffère de ceux des régions étudiées.

LES LATRINES À ÉGOUT LATÉRAL

49Du fait de l’état de conservation, la plupart du temps médiocre, des vestiges des régions étudiées, nous avons retenu, comme critère de classification pour ces latrines, l’emplacement de l’égout le long d’une ou de plusieurs parois de la pièce28. Nous ferons une distinction, lorsque cela s’avèrera nécessaire, entre les égouts et les banquettes qui les surmontent. Si, le plus souvent, on peut admettre qu’il y a adéquation entre les deux, dans quelques cas toutefois les vestiges prouvent qu’il n’en était pas ainsi. Nous avons également pris en compte la présence ou non d’une colonnade intérieure. Cette typologie a été conçue comme une classification ouverte, certains types ayant été créés même s’ils ne trouvent pas à l’heure actuelle d’exemples dans les régions étudiées.

Les latrines à égout sur un côté

50Ces latrines sont répertoriées selon l’existence ou non d’une colonnade intérieure.

Les latrines simples à égout sur un côté

51Les latrines comprenant une banquette le long d’une seule paroi sont les plus nombreuses puisque l’on en compte soixante-quatre exemples dans les régions étudiées (fig. 25). On retrouve essentiellement des pièces de petite superficie29, inférieures à 20 m² et même pour la plupart à 10 m² (graph. 1). Les salles de superficie moyenne, entre 20 et 100 m², sont beaucoup plus rares, puisque au nombre de six au maximum30. Pour les grandes latrines supérieures à 100 m², on ne peut citer que l’état 2 de Toulouse et ses 113,40 m² ; comme évoqué précédemment31, on ne connaît probablement pas l’ensemble des parois de ce secteur et la pièce est vraisemblablement bien plus modeste que sa restitution.

Fig. 25 – Latrines simples à égout sur un côté.

52Les accès, lorsqu’ils sont connus, sont tous situés dans des parois différentes de celle contre laquelle s’écoule l’égout.

53Ces structures, les plus simples, trouvent d’innombrables comparaisons qu’il n’est pas possible de comptabiliser dans ce cadre, d’autant plus qu’un tel décompte ne s’avèrerait guère constructif. On peut seulement noter que, comme dans les exemples des régions étudiées, il s’agit de pièces de petite dimension. Nous n’en avons rencontré aucune s’inscrivant dans la série des grandes superficies.

Les latrines à égout sur un côté et colonnade intérieure

54On ne peut rattacher à cette série – et encore à titre hypothétique – que l’état 2b des Thermes du Nord à Saint-Bertrand-de-Comminges, avec ses 103,63 m² de superficie32 (fig. 26).

55À titre comparatif, nous n’avons trouvé que les deux latrines de Conimbriga. Les premières, accolées au mur du forum, d’une superficie de 41,04 m², mesurent 15,20 m de longueur et 2,70 m de largeur pour une capacité d’accueil de vingt-quatre personnes. Elles sont divisées dans le sens de la longueur par quatre colonnes libres et deux pilastres engagés aux extrémités. Celles-ci étaient constituées de briques enduites probablement de stuc. Les fouilleurs restituent entre ces colonnes une cloison de bois, haute de 1,80 m à 2 m, fixée dans les fûts et séparant la zone des latrines proprement dite de l’espace de circulation à l’ouest (Alarcão, Étienne, 1977, p. 147-148). Cette restitution ne repose sur aucun élément archéologique. Le bâtiment n’est pas antérieur au milieu du ii^e s./iii^e s. apr. J.-C. Les secondes, datées des ii^e s./iii^e s., mesurent 9,75 m de longueur et 3,85 m de largeur (soit 37,54 m²) et pouvaient accueillir seize personnes. Elles sont divisées longitudinalement par quatre colonnes libres et deux pilastres engagés (Id., p. 151-152).

Graph. I – Répartition des latrines simples à égout latéral en fonction de leur superficie.

Les latrines à égout sur deux côtés

56On peut distinguer deux types de latrines à égout sur deux côtés, selon qu’elles possèdent ou non une colonnade intérieure.

Les latrines simples à égout sur deux côtés perpendiculaires

57Vingt-deux salles relèvent de cette série (tabl. VIII et fig. 27) : Thermes du Forum à Martigny (latrines 12) ; Blagnac ; Gaujac (états 1 et 2) ; latrines 75 et 81 de Loupian ; quartier central, secteur 2 à Lunel-Viel ; Martigues ; Maison des Dieux Océan (latrines 70), Maison de Sucellus (latrines 18), Marché et Petits Thermes du Nord-Est (latrines 14) à Saint-Romain-en-Gal ; Tourves ; Montréal (latrines 18), Thermes du Forum à Saint-Bertrand-de-Comminges ; Newel ; Wiltingen ; Ensemble XI d’Alise-Sainte-Reine/Alesia ; Avenches ; Escolives-Sainte-Camille ; Orbe ; Oberüttfeld.

Fig. 26 – Latrines simples à égout sur un côté et colonnade intérieure.

58Dans la plupart des cas (Martigny, Blagnac, Gaujac, Loupian, Lunel-Viel, Marché et Petits Thermes du Nord-Est à Saint-Romain-en-Gal, Tourves, Montréal, Newel, Wiltingen, Alise-Sainte-Reine/Alesia, Avenches, Escolives-Sainte-Camille, Orbe, Oberüttfeld), l’accès à la salle s’ouvre sur un des côtés ne comportant pas d’égout. Situation plus étrange dans la Maison des Dieux Océan à Saint-Romain-en-Gal : la porte se trouve à l’ouest alors que la branche sud de l’égout ne se retrouve pas sur la totalité du mur. Même principe dans la Maison de Sucellus où la pièce semble desservie depuis le sud. Même constat à Newel pour la branche orientale alors que la porte est clairement identifiée au sud.

59Les Thermes du Forum à Saint-Bertrand-de-Comminges illustrent parfaitement les limites à observer dans l’extrapolation à partir de vestiges mal conservés (fig. 28). L’égout en provenance de la natatio et des piscinae longe à 0,45 m le mur oriental de la salle, avant de bifurquer à angle droit contre la paroi septentrionale. Il est suffisamment bien conservé pour avoir encore son voûtement à l’est ainsi que sur 1,40 m au début de la branche nord. Ceci s’explique par la présence d’une porte ouvrant à l’est sur la palestre et probablement d’une autre au nord donnant sur une salle située dans cette direction. Si l’état de conservation avait été moindre – au-dessous du niveau de sol – on aurait pu envisager des emplacements au-dessus de l’ensemble de la conduite33, soit au total dix-sept places. Si l’on avait seulement gardé la trace du seuil de la palestre, on aurait pu imaginer des lunettes au nord et en partie à l’est, soit treize places. On aurait abouti au même nombre de places si l’on avait considéré que le tronçon oriental était trop éloigné de la paroi pour supporter une banquette et que celle-ci se cantonnait au nord.

Fig. 27 – Latrines simples à égout sur deux côtés perpendiculaires.

Fig. 28 – Saint-Bertrand-de-Comminges, Thermes du Forum : restitution des latrines

60Le tableau VIII montre la très forte majorité des pièces de petite superficie, se regroupant presque uniformément en tranches de 5 m², entre 0 et 20 m². Les latrines de superficie moyenne sont beaucoup plus rares puisque l’on ne peut en observer que quatre dont deux d’environ 35 m² (voir supra, graph. 1).

61Les comparaisonws sont nombreuses et il est impossible d’en dresser une liste exhaustive. On peut noter toutefois, comme dans les régions étudiées, la fréquence des pièces de petite superficie (fig. 29) : villa d’El Moro à Torredembarra, en Espagne (6,40 m²) (García Entero, 2001, p. 248) ; Thermes tardo-antique de Valesio, en Italie (6,65 m²) (Boersma, 1991, p. 167) ; état 4 de la Maison IB du quartier du stade à Délos, en Grèce (7 m²) (Brun, 1999b, p. 123) ; latrines est des Thermes des Filadelfes à Timgad, en Algérie (7,50 m²) (Ballu, 1911, p. 106) ; Thermes du Forum (VI 1, 10) à Herculanum (8,20 m²) (Maiuri, 1958, p. 94-95) ; Thermes des Praedia de Julia Felix (II 4, 3) à Pompéi (9 m²) (Parslow, 1998, p. 200) ; latrines 29 des Thermes F3 à Doura-Europos, en Syrie (11,50 m²) en Lybie (Brown, 1936, p. 71) ; Thermes de la Chasse à Leptis Magna (11,50 m²) en Lybie (Squarciapino, 1966, p. 123-125) ; Thermes 2 de la villa de Centcelles à Constantí, en Espagne (12,80 m²) (García Entero, 2001, p. 241) ; Maison d’Hippolytus à Alcalá de Henares, en Espagne (19,17 m²) (García Entero, 2004, p. 153).

Fig. 29 – Latrines simples à égout sur deux côtés perpendiculaires : comparaisons.

Fig. 30 – Latrines à égout sur deux côtés perpendiculaires et colonnade intérieure.

62Nous n’avons trouvé que peu d’éléments de comparaisons pour les latrines de superficie moyenne : Bâtiment aux Alcôves (anciennement Hospitalia) (21,50 m²) (Jansen, 2003, p. 139) et Zone de service nord (anciennement caserne des Vigiles) (26 m²) (Jansen, 2003, p. 143) de la Villa Hadriana à Tivoli, en Italie. Les plus vastes, les latrines du Marché sud à Milet (Turquie), couvrent environ 107 m² (Knackfuss, 1924, p. 177)34.

Les latrines à égout sur deux côtés perpendiculaires et colonnade intérieure

63Aucune pièce ne peut être classée de façon certaine dans cette catégorie. Nous proposons toutefois, à titre d’hypothèse, d’y rattacher les latrines de Rottenburg am Neckar bien que la partie sud de la salle ne soit pas connue et que la banquette percée ait pu s’y situer (fig. 30). Nous en doutons toutefois, du fait de la présence des deux rigoles parallèles qui devaient y trouver leur alimentation en eau. La pièce mesure plus de 32 m de longueur pour une largeur de 5,30 m. La colonnade intérieure ne résulte pas d’un impératif structurel – la portée qui n’est pas très grande n’implique pas de supports intermédiaires – mais plutôt d’une volonté de monumentalisation.

64Nous n’avons trouvé aucune comparaison valable pour la salle de Rottenburg, à l’exception peut-être de la Grande Forica du Largo Argentina à Rome, mais son plan n’est pas complet. La salle, longue d’au moins 30,30 m, comprend, à l’ouest, une colonnade, dont ses limites septentrionales et occidentales ne sont pas connues du fait de l’implantation des rues actuelles. La branche sud est composée d’une petite abside (Marchetti-Longhi, 1960, p. 75-76 ; 1970-1971, p. 40-43). On peut mentionner également à titre d’hypothèse les latrines situées au sud de la basilique de la seconde esplanade monumentale de Bulla Regia (Tunisie), partiellement fouillées et dont on ne connaît qu’un plan sans description. On y remarque deux colonnes dans l’axe de la salle (Beschaouch et al., 1977, p. 105). Les latrines d’Hiérapolis de Phrygie (Turquie), datées de la fin du i^er s., larges de 6,30 m, comportent également une colonnade axiale dorique, mais les banquettes sont placées en vis-à-vis (D’Andria, 2003, p. 80-85).

Les latrines à égout sur trois côtés

65La présence ou non d’une colonnade intérieure permet de distinguer deux sous-catégories.

Les latrines simples à égout sur trois côtés

66On compte dix-neuf pièces se rattachant à cette série (tabl. IX et fig. 31) : Nice/Cimiez ; Thermes du Forum à Martigny (latrines 2) ; Arbin ; Menthon-Saint-Bernard (latrines 7) ; Maison des Dieux Océan à Saint-Romain-en-Gal (latrines 69) ; Maison au Dauphin (latrines 52), Maison du Buste en Argent, Maison des Messii (latrines 33) et Maison du Prétoire à Vaison-la-Romaine ; Bâtiment public à Poitiers ; Évreux ; Vieil-Évreux ; Chassey-Lès-Montbozon (latrines 41) ; Trèves ; Bourbonne-les-Bains ; Oberweis (latrines 63) ; Grands Thermes à Xanten (latrines 33).

67Dans plusieurs cas (Martigny, Maisons au Dauphin, du Buste en Argent et du Prétoire à Vaison35, Poitiers, Trèves), les trois parois sont longées par un égout et l’accès est restituable sur le quatrième côté. Ailleurs en revanche (Cimiez, Menthon-Saint-Bernard, Bourbonne-les-Bains), la conduite ne se retrouve pas intégralement sur l’un des trois côtés, du fait de l’emplacement de l’accès. Au Vieil-Évreux, les portes des deux pièces se trouvent sur les petits côtés bordés par les égouts36.

Fig. 31 – Latrines simples à égout sur trois côtés.

68L’état de conservation apporte également des précisions. À Arbin, où l’égout longe l’intégralité de la paroi orientale, le bon état du sol de la salle montre qu’il se développait jusque dans l’angle nord-est où devait se trouver le seuil (fig. 32). À Chassey-Lès-Montbozon, c’est une échancrure dans l’angle nord-ouest de la pièce qui permet d’y envisager l’existence de la porte. Dans la Maison des Messii à Vaison-la-Romaine, le sol recouvre la totalité de la conduite sud dans laquelle vient se jeter le tronçon ouest. Dans les latrines d’Évreux, la branche occidentale de l’égout est couverte sur 3 m, ce qui prouve l’absence de banquette ; il ne s’agit pas de l’emplacement d’un accès, si l’on en croit les restitutions proposées par les fouilleurs. À Xanten, c’est l’évidence du plan qui oblige à restituer les portes à l’ouest où se trouve la conduite.

Fig. 32 – Arbin, Mérande : vue des latrines depuis le sud-est. Le dallage s’appuie contre l’angle nord-est de la salle

69Des renseignements peuvent également être fournis par le tracé de l’égout. Dans la Maison des Dieux Océan à Saint-Romain-en-Gal, seul un court tronçon du conduit occidental longe le parement, ce qui ne permet pas d’y envisager une banquette. On peut par contre l’imaginer le long d’une partie de la paroi nord, ce qui revient à restituer deux séries de lunettes se faisant face. Dans la villa d’Oberweis, le tronçon occidental, celui qui se dirige vers la sortie, s’évase ; ce qui exclut l’existence d’un quelconque aménagement.

70Les superficies sont très variables (voir supra, graph. 1) ; on retrouve en proportions égales les petites37 et les moyennes latrines38 pour seulement trois grandes superficies (Trèves : 150,97 m² ; Vieil-Évreux : 115,20 m²- 117,60 m² ; Xanten : 115,28 m²).

71On connaît quelques latrines possédant un tel aménagement (tabl. IX et fig. 33a-u).

72Comme dans les exemples des régions prises en compte, on est en présence de latrines de petite et moyenne superficies (voir supra, graph. 1). Un très petit nombre appartient aux grandes salles.

Les latrines à égout sur trois côtés et colonnade intérieure

73Aucun exemple n’est actuellement connu dans les régions étudiées. On les rencontre dans les deux latrines des Thermes d’Hadrien à Leptis Magna (Libye) : 114 m² (latrines ouest) et 200 m² (latrines est) (Bartoccini, 1929, pl. X)39 ; dans celles des Thermes de l’Est à Nysa/Scythopolis (Israël) du iv^e s. (175 m²) (Mazor, 1999, p. 299-300) et dans celles des Thermes de l’Ouest de l’île de Cos (Grèce) du iii^e s. apr. J.-C. (360 m²) (Morricone, 1950, p. 231) (fig. 34).

Les latrines à égout sur quatre côtés

74Comme précédemment, les salles ont été réparties en fonction de la présence ou non d’une colonnade intérieure.

Les latrines simples à égout sur quatre côtés

75Les latrines à égout sur quatre côtés ne sont pas nombreuses puisque l’on peut en décompter seulement sept exemples (fig. 35) : Menthon-Saint-Bernard (latrines 11), Chassenon, Limoges (latrines 12), Montréal (latrines 21), Echternach, Liberchies, Grands Thermes à Xanten (latrines 9), soit cinq latrines publiques et deux privées. Dans deux cas seulement (Limoges et Echternach), l’égout ne longe pas intégralement un des quatre parements du fait de l’emplacement de la porte. Ailleurs, si l’on peut imaginer aisément que la banquette ne se retrouvait pas sur l’intégralité de l’égout afin d’aménager un accès, il n’est pas toujours aisé de le repérer lorsque les vestiges sont trop arasés. À Menthon-Saint-Bernard, il est envisageable tant dans la paroi orientale qu’occidentale ; à Xanten, à l’est, à l’endroit où il traverse le mur de la pièce ; à Liberchies, au droit d’une petite annexe interprétée comme un vestibule d’entrée. À Montréal, aucune banquette n’est restituée dans la partie nord de la salle du fait de la présence de deux portes (non retrouvées). On peut donc toutefois émettre l’hypothèse de son existence.

76Les superficies s’avèrent très variables :

• modestes : 9,43 m² à Montréal ; 13,34 m² à Menthon-Saint-Bernard ; 16,15 m² à Limoges ;

• moyennes : 21,28 m² à Echternach et 40,68 m² à Liberchies ;

• grandes : 110,98 m² à Chassenon et 123,72 m² à Xanten (voir supra, graph. 1).

77Les surfaces par utilisateurs sont également très variables : de 0,83 m² à Menthon à 2,26 m² à Chassenon. La présence d’un égout le long des quatre parois n’apparaît pas liée aux salles de grand module, même si celles-ci sont proportionnellement plus nombreuses que dans la série précédente.

78En nombre moins important que pour cette série, les comparaisons que l’on peut établir portent sur des latrines de superficies très différentes (fig. 36) : 6,25 m² dans les thermes de Massaciuccoli (Italie), datés du milieu du i^er s. apr. J.-C.) (Minto, 1921, p. 426-427) ; 20,60 m² dans les Thermes précoces de Leptis Magna (Goodchild, 1965, 18) ; 22,80 m² pour les latrines 15 de l’état 2 (fin du ii^e s.) des Petits Thermes de Kempten (Kleiss 1962, p. 35) ; 23,94 m² dans la villa de Torre Llauder à Mataró (Espagne), d’époque augustéenne (García Entero 2001, p. 72 et 330) ; 31,95 m² dans la Caserne des Vigiles à Ostie (II V, 1), de l’époque d’Hadrien (Sablayrolles, 1996, p. 304) ; 32,72 m² pour celles du Forum de Bolsena, datées du deuxième quart du i^er s. apr. J.-C. (Hallier et al., 1982, p. 55-67) ; 50 m² dans celles de la Voie du Temple Rond à Ostie (IV IV, 4), datant probablement du v^e s. (Meiggs, 1960, p. 143) ; 51,60 m² dans les Grands Thermes sud à Djemila (Algérie) datés de 183/184 (Ballu, 1919, pl. XX ; Thébert, 2003, p. 194) ; 53 m² pour celles du Forum de Timgad, en Algérie (Ballu, 1897, p. 112) ; 68,25 m² pour les deux latrines du Macellum de Pouzzoles, d’époque probablement sévérienne (de Ruyt, 1983, p. 155). Les latrines de la Palestre romaine de Philippes (Grèce), de 77 m², sont dotées d’une banquette sur trois des côtés, le quatrième où se trouve la porte étant longé par un égout (Lemerle, 1937, p. 96). Le même constat peut être établi dans les Thermes du Nageur à Ostie (V X, 3), de 35 m², d’époque antonine (Pavolini, 1989, p. 220).

Fig. 33 – Latrines simples à égout sur trois côtés : comparaisons.

Fig. 34 – Latrines simples à égout sur trois côtés et colonne intérieure.

Les latrines à égout sur quatre côtés et colonnade intérieure

79Aucun exemple n’est connu dans les provinces étudiées. Comme dans les latrines à égout sur trois côtés, les bâtiments visibles ailleurs ont des superficies importantes (fig. 37). Les latrines de l’Asclépiéion de Pergame (Turquie) couvrent 71 m² et datent du ii^e s. (Deubner, 1938, p. 50) ; celles des Thermes de Vedius à Éphèse (Turquie) ont une surface de 107 m² et datent de l’époque d’Antonin le Pieux (Alzinger, 1972, p. 115) ; celles de l’Agora romaine d’Athènes (Grèce) couvrent 123 m² et datent du i^er s. apr. J.-C. (Lang, 1968, p. 27) ; celles de la Grande Colonnade d’Apamée (Syrie) ont une surface de 234,24 m² et datent du v^e s. ou du début du vi^e s. (Schmidt-Colinet, 1984, p. 141). Les latrines des Thermes du Centre de Bosra (Syrie) couvrent 385 m² et sont construites dans la première moitié du v^e s. (Dentzer et al., 2002, p. 102-103)40.

Fig. 35 – Latrines simples à égout sur quatre côtés.

Les latrines à égout latéral courbe

80Cette catégorie regroupe les pièces possédant une paroi courbe au pied de laquelle court un égout. Il a déjà été noté (Neudecker, 1994, p. 43) que la suppression des angles morts dans une conduite facilite grandement la circulation de l’eau et donc l’évacuation des matières fécales. C’est d’ailleurs ce que les ingénieurs en hydraulique du xix^e s. recommandaient car la stagnation des excréments pouvait provoquer des réactions chimiques sur les mortiers, à l’origine d’une dégradation des maçonneries (Wéry, 1898, p. 83).

81Nous avons distingué deux sous-catégories : la première rassemble les espaces sans aménagement caractéristique, la seconde comprend en plus une colonnade intérieure.

Les latrines simples à égout latéral courbe

82Ont été distinguées dans cette catégorie, les latrines à égout courbe et celles présentant un plan en quart de cercle.

Les latrines simples à abside et égout latéral courbe

83Cette série regroupe des latrines dont la conception est différente bien que présentant toutes des égouts latéraux courbes (fig. 38). Dans la région étudiée, la seule pièce qui en est pourvue se trouve dans la villa de Langgarten à Nennig. Cette pièce a une superficie de 22,62 m², mais n’est pas formée uniquement d’une vaste abside de 3,50 m de diamètre. Celle-ci n’est que la partie principale où se trouvait la banquette pouvant accueillir neuf usagers, délimitée par deux colonnes. L’aménagement pourrait remonter au iv^e s.

84Les latrines de ce type ne sont pas très fréquentes. On retrouve un plan identique – une abside dans une salle plus vaste – dans les Grands Thermes nord de Timgad peut-être d’époque sévérienne. La salle, située dans l’angle sud-ouest, mesure 14,80 m sur 9,85 m. L’abside aurait été transformée en latrines à la suite d’un remaniement (Ballu, 1903, p. 46) ; à l’origine, la pièce pouvait être un salon ou un vestiaire (Thébert, 2003, p. 235). Dans les autres exemples, il ne s’agit que d’une abside. Les latrines des thermes de La Magliana, dans les environs de Rome, sont conçues selon ce principe, mais avec une abside de plan légèrement outrepassé. Son diamètre est de 4,82 m (Broise, Scheid, 1987, p. 33-35). Dans les thermes de Fuorigrotta à Naples, la pièce a un diamètre de 4,80 m (Laforgia, 1981, p. 4). Elle adopte un plan semi-circulaire ou légèrement ovalaire dans les latrines des Thermes des Cyclopes à Dougga (Tunisie) et dans celles de Sidi Khlifa/Pheradi Maius (Tunisie) non publiées. Il en était probablement de même dans les latrines ouest des Thermes des Filadelfes à Timgad (Algérie), malheureusement trop peu décrites (Ballu, 1911, p. 102).

85Dans un certain nombre de cas, le plan semi-circulaire simple a été utilisé sans avoir recours, semble-t-il, à la colonnade intérieure, malgré la grande taille des pièces. Tel est le cas dans l’écoinçon sud-est de la palestre des Thermes de la Palestre de Gigthis (Tunisie) daté du II^e s. (Constans, 1916, p. 79 ; Thébert, 2003, p. 137- 139) où la salle a un diamètre de 16,50 m. Ce même plan est reproduit pour les latrines des Grands Thermes de Lambèse (Algérie), de 14,50 m de diamètre, datés de la fin du II^e s. (Krencker, Krüger, 1929, p. 213-215 ; Thébert, 2003, p. 211-212), pour celles également de 14,10 m de diamètre des Grands Thermes sud à Timgad (Algérie), datés de la fin du II^e s. (Krencker, Krüger, 1929, p. 228- 231 ; Thébert, 2003, p. 240-242) ou encore celles de 13,55 m de diamètre du decumanus ouest (Christofle, 1930, p. 66-67).

Fig. 36 – Latrines simples à égout sur quatre côtés : comparaisons.

Fig. 37 – Latrines simples à égout sur quatre côtés et colonnade intérieure : comparaisons.

Les latrines simples en quart de cercle

86Celles-ci se caractérisent par un plan en quart de cercle dont l’une des parois est longée par un égout courbe. La forme ne résulte pas toujours d’une volonté délibérée de l’architecte. Elle vient épouser celle d’une autre pièce importante du bâtiment monumental dans lequel elle est intégrée.

87Dans les régions étudiées, une seule salle peut entrer dans cette série, celle des Fontaines-Salées à Saint-Père-sous-Vézelay (fig. 39). D’une superficie de 40,75 m² (3,03 m de largeur), son plan est déterminé par la pièce circulaire 2, qui est un des espaces principaux chauffés dans ces thermes thérapeutiques. Elle pouvait accueillir dix-neuf personnes.

88Nous n’avons trouvé que deux autres latrines comparables. Le plan des latrines des Grands Thermes de la Villa Hadriana à Tivoli s’adapte à la courbure du couloir hémisphérique, elle-même imposée par la vaste piscina du frigidarium des bains. Sa capacité d’accueil est de l’ordre d’une vingtaine de personnes (Guidobaldi, 1994, p. 147 ; Jansen, 2003, p. 142). La seule différence entre cette pièce et son homologue gaulois concerne l’emplacement de la banquette percée. Si, à Vézelay, celle-ci est accolée au mur de la pièce circulaire dont elle tire sa forme, à Tivoli, elle est installée sur la paroi opposée. À cette courte série, il faudrait peut-être ajouter l’exèdre nord-ouest de l’enceinte périphérique des Thermes de Trajan à Rome, si l’on se base sur les fragments 10r et 12 de la Forma Urbis qui représentent une ligne ondée parallèle au mur courbe pouvant correspondre à un égout41. La salle se trouve en arrière d’une vaste exèdre donnant sur le portique de la palestre (Neudecker, 1994, p. 100).

89Les latrines de l’Agora de Side (Turquie) sont conçues de façon différente : le plan est une véritable création de l’architecte. Parallèlement à la paroi42, contre laquelle se situe la banquette, se trouve un mur orné d’une niche quadrangulaire encadrée de deux niches semi-circulaires ayant accueilli des bassins. Côté agora, le parement rectiligne est orné d’une vaste niche voûtée en coupole de 5,30 m de diamètre ayant probablement accueilli une fontaine (Mansel et al., 1956, p. 30).

Fig. 38 – Latrines simples à abside et égout latéral courbe.

Les latrines à égout latéral courbe et colonnade intérieure

90Dans les régions étudiées, il n’existe pas de pièce relevant de cette série, mais nous mettons à dessein ici les latrines des Thermes des Lutteurs à Saint-Romain-en-Gal (fig. 40a). La salle présente un égout qui se développe sur trois côtés selon des angles différents43. La colonnade intérieure, en arc de cercle, borde le bassin d’un nymphée. Cet ordonnancement prouve la volonté des architectes de concevoir leur plan selon les critères précédemment énoncés44. Ils ont dû toutefois l’adapter à une parcelle contraignante et n’ont pu créer un véritable arc de cercle. La pièce, d’une superficie de 82 m², pouvait accueillir trente-neuf personnes.

Fig. 39 – Latrines en quart de cercle.

91De tels aménagements sont visibles ou envisageables dans les deux latrines des Thermes d’Antonin à Carthage (Tunisie), des années 146-162, respectivement de 35 m et 43 m de diamètre (Lézine, 1968, p. 33-35 ; 1969, p. 25) (fig. 40b-m) ; dans les Grands Thermes de Madaure (Algérie), du début du iii^e s. (Gsell, Joly, 1914, p. 95-97 ; Thébert, 2003, p. 214-216) ; dans les Thermes du Forum, de datation inconnue (Ballu, 1919, p. 57-58 ; Thébert, 2003, p. 225-226), et dans les latrines au nord-est du forum novum (Krencker, Krüger, 1929, p. 205-206) de Khamissa/Thubursicu Numidarum (Algérie) ; dans les Thermes d’Été de Thuburbo Majus (Tunisie), des années 220-225 (Drappier, 1920, p. 64-66 ; Thébert, 2003, p. 166-168) et peut-être dans les thermes Memmiens de Bulla Regia (Tunisie), mis en place lors des transformations des années 36045 (Broise, Thébert, 1993, p. 90-92). L’Italie n’est pas en reste puisque le plan a été reproduit lors des travaux trajaniens du Forum de César46, avec une salle de 26,60 m de diamètre. Quelques années plus tard, à l’époque d’Hadrien, l’exèdre de la Crypta Balbi, de 23,90 m de diamètre, a été transformée en latrines (Saguí, 1990, p. 9-14)47. À une échelle plus restreinte, les latrines de Piazza Armerina (Italie) sont conçues selon le même principe (Carandini et al., 1982, p. 115). Le même plan apparaît également en Orient, dans le Gymnase de Salamine (Chypre), pour des latrines de 11,70 m de diamètre, datées du ii^e s. (Karageorghis, 1966, 218).

Fig. 40 – Latrines à égout latéral courbe et colonnade intérieure.

Fig. 40 (suite)

92Ce type de plan est particulièrement fréquent en Tunisie et dans l’est de l’Algérie (Nielsen, 1990, p. 94), plus rare en Orient, mais il a été avant tout élaboré et mis en œuvre pour la première fois dans les aménagements trajaniens du Forum de César (Neudecker, 1994, p. 98) (carte 3).

Carte 3 – Répartition des latrines à égout latéral courbe et colonnade intérieure ; répartition des latrines simples à abside et égout latéral courbe

LES LATRINES SUR ÉGOUT ÉLARGI

93Ces latrines sont construites sur un égout élargi à la totalité de la surface de la pièce. L’usager circule donc sur un plancher. On compte quatre exemples de ces aménagements (fig. 41) : latrines 41 (fig. 42) et latrines 49 de la villa de Pardigon 3, à Cavalaire ; latrines 11 de la demeure à l’ouest de la Maison de la Nymphe et latrines 27 de la Maison de la Nymphe (fig. 43) à Mâlain.

94Les superficies sont réduites : 2,70 m² et 2,50 m² à Cavalaire ; 1,17 m² et 2,31 m² à Mâlain. Cette modeste surface est aisément compréhensible : l’eau a la possibilité de s’étaler dans la pièce et perd donc de sa puissance. Son arrivée dans la salle et sa sortie étant situées sur le même axe, les zones latérales devaient être moins efficacement nettoyées. Afin de pallier cet inconvénient, dans les deux constructions de Mâlain, une paroi oblique, édifiée sur le côté occidental, permet de diriger le flux vers la sortie.

95Nous n’avons pas trouvé d’exemples comparables. On peut se demander si ces latrines n’ont pas connu un succès restreint, dans leur diffusion tant spatiale que chronologique : début du ii^e s. pour les cas de Mâlain, première moitié du ii^e s. pour l’état 2 de Cavalaire et seconde moitié du ii^e s. pour l’état 3.

Fig. 41 – Latrines sur égout élargi.

Fig. 42 – Cavalaire, Pardigon 3 : vue des latrines 41 depuis l’ouest

Fig. 43 – Mâlain, Maison de la Nymphe : vue des latrines sur égout 27

LES LATRINES À NICHES

96Ces latrines comprennent des sièges placés dans des niches en relation directe avec l’égout. Un seul bâtiment se rattache à cette catégorie, celui de la villa de Las Peiras à Rabastens (fig. 44a). Il présente un plan quadrangulaire, terminé par une abside au nord et au sud. Dans chacune d’entre elles s’ouvrent trois niches semi-circulaires de 0,70 m de diamètre, entièrement ouvertes sur un égout périphérique qui reprend le plan général de la salle et trouve son exutoire dans la paroi sud48.

97Nous avons trouvé quelques rares exemplaires pouvant être comparés à cet édifice original (fig. 44). Dans la Domus Augustana de Rome, des latrines ont fait l’objet d’une fouille en 1775 avant d’être réenfouies. Dans une abside, se trouvent trois niches circulaires ou quadrangulaires accueillant chacune une banquette percée en marbre, délimitée par deux accoudoirs moulurés. Un gros tuyau marqué de l’estampille d’un procurateur de l’époque de Domitien alimente le tout, tandis que de petites canalisations desservent les niches (Daremberg, Saglio, 1904, III, p. 988).

98Dans la Villa Hadriana de Tivoli, une pièce de la Bibliothèque a été interprétée comme des latrines49. Elle a une superficie de 12 m² et deux niches accueillant des banquettes s’y font face. Dans la paroi nord, s’ouvre une large fenêtre. Au-devant des sièges, se trouvent les vestiges d’un bassin en marbre. Chaque niche est alimentée par un tuyau en plomb (Jansen, 2003, p. 144). Il faut également classer dans cette série les latrines individuelles aménagées dans des niches : celles du Belvédère est (Jansen, 2003, p. 144 ; De Franceschini, 1991, p. 144- 146)50 ; celles de l’édifice avec Poissonnerie (Jansen, 2003, p. 144-145 ; Guidobaldi, 1994, p. 134, 137) ; les six latrines situées à côté de la salle centrale (Jansen, 2003, p. 145 ; De Franceschini 1991, 153) ; celles non loin de l’exèdre du Nymphée de la Place d’Or (Jansen, 2003, p. 145-146 ; Guidobaldi, 1994, p. 198) ; enfin celles du Canope (Jansen, 2003, p. 146-147 ; Guidobaldi, 1994, p. 175).

99Le bâtiment de Rabastens est tout à fait original et atypique dans le panorama général des latrines du monde romain, tant par son plan51 que par le peu de comparaisons qu’il suscite. Il est d’ailleurs étonnant de constater que les ensembles les plus proches appartiennent à des demeures impériales.

LES USTENSILES MOBILES

100Parallèlement aux structures maçonnées, il existe une vaisselle de nuit, complément indispensable des latrines. Celle-ci était probablement d’usage courant. Pourtant, elle n’est mise en évidence que depuis quelques années et apparaît de plus en plus fréquemment au travers des publications52. Elle est plus diversifiée que ce que l’on pourrait penser a priori53, puisque trois mots latins – matella, scaphium, lasanum – s’y appliquent, correspondant à trois fonctions et à trois formes différentes54. À cette série, nous rajoutons les amphores servant à récupérer l’urine.

Fig. 44 – Latrines à niches.

LA MATELLA55

101La matella est une forme de vase fermé, destiné à contenir de l’eau56. Elle est également connue comme vaisselle de nuit57. Il s’agit de l’amis58 et, plus anciennement, de l’ouranê59 des Grecs (fig. 45a). Un graffito de Pompéi (CIL, IV, 4957) mentionne : « Nous avons pissé au lit. Nous avons eu tort, aubergiste, je l’avoue. Si tu demandes pourquoi : il n’y avait pas de matella »60. C’est également ce que l’on retrouve chez Martial (Épigrammes, XIV, 119) : « Matella en argile. Tandis qu’on me réclame par un claquement de doigts et que l’esclave familier s’attarde, que de fois le matelas est devenu mon rival ». Lorsque Trimalcion décide d’uriner en public au cours d’une partie de jeu de balle, c’est une matella que lui tend son eunuque (Pétrone, Satiricon, XXVII, 5). Lorsque Paneratus, ivre, veut uriner, c’est également une matella qu’il réclame (Martial, Épigrammes, VI, 89)61, ce qui confirme l’assertion de Varron qui considère que l’on utilise les amphores comme matellae (Varron, Satires, Ménipées, 104)62. C’est dans le même contexte de l’ivrognerie et du banquet qu’apparaît la matella chez Plaute (Mostellaria, II, I, 386)63. Dans la description des bagages sordides de Vacerra, expulsé de son logement, on note une matella félée qui laissait échapper son contenu (Martial, Épigrammes, XII, 32)64. La forme est donc celle du pichet, de la cruche, et sert également aux hommes pour uriner65.

Fig. 45 – Amis (en haut) et matellae (?) (en bas).

102Il est impossible de distinguer dans une fouille les pichets ayant servi au service du vin ou de l’eau de ceux servant d’urinoir66. Tout au plus, peut-on se demander si les éléments retrouvés dans le comblement de certaines latrines – Théâtre à Augst (Schwarz, 1991, p. 62), fosse 74 de la Maison 11 à Schwarzenacker (Kolling, 1993, pl. 77) (fig. 45b), fosse 23 d’Eschenz (Jauch, 1997, p. 19) (fig. 45c) et, hors des régions étudiées, à Herdonia (Italie) (Mertens, 1995, p. 220)67 – n’ont pas eu cette destination. Il n’est pas impossible également que certains pichets retrouvés dans des tombes aient été placés là dans le même but. À Pompéi, certaines trouvailles de lasana en bronze68 sont associées – entre autres – à des cruches : trois dans la Maison de M. Velusius Iuvencus (I 10, 7), deux dans la Maison de l’Ara Massima (VI 16, 15), une dans la Maison de Lesbianus et Numicia Primigenia (I 13, 9) et dans celle d’Amandus (I 7, 7). Ceci fait dire à S. Tassinari (1993, p. 233) qu’il pourrait s’agir d’ustensiles à usage hygiénique en relation avec les ablutions du repas. On peut se demander également si certains n’ont pas servi également de matellae.

103Les matériaux dans lesquels ils sont façonnés sont très variables, même si la terre cuite était probablement la plus répandue (Martial, Épigrammes, XIV, 119). Les sources textuelles rapportent – phénomène probablement exceptionnel lié à un empereur mégalomane – qu’Héliogabale urinait dans des vases murrhins ou d’onyx (Histoire Auguste, Héliogabale, XXXII, 2). On retrouve, de façon plus courante, le bronze (Juvénal, Satires, X, 63) ou l’argent (Pétrone, Satiricon, XXVII, 3).

LE SCAPHIUM69

104Le scaphium70 est un objet creux et oblong qui remplit diverses fonctions. Il s’agit d’un vase à boire en forme de barque71. Mais Martial (Épigrammes, XI, 11, 5) lui trouve une autre fonction : « C’est à toi qu’il convient de boire dans la pierre précieuse, à toi qui brises un vase ciselé par Mentor pour en faire, Sardanapale, un scaphium à l’usage de ta maîtresse ». Il s’agit donc d’un urinoir pour femmes, particulièrement bien adapté par son profil oblong. C’est l’équivalent des bourdalous en forme de saucière qui se développent à partir de la fin du xvii^e s. et au xviii^e s., dont le fond était souvent rehaussé d’un œil entouré de la sentence : « Je te vois » (Guerrand, 1997, p. 34).

105Nous n’avons pas retrouvé d’attestation archéologique de cette forme. Il ne faut toutefois pas oublier que les mentions littéraires relèvent de la satire et que ce n’est peut-être que dans ce contexte que cette fonction apparaît afin de déclencher l’hilarité72.

LE LASANUM

106Il n’existe pas de témoignage littéraire sur la forme du lasanum73. Trimalcion, s’il urine en public dans une matella (Satiricon, XXVII, 5), se lève au milieu de son festin pour aller sur son lasanum (Satiricon, XLI, 9)74, et plus loin d’évoquer les lasana mis à la disposition de ses convives pour qu’ils puissent se soulager (Satiricon, XLVII, 5)75. La définition dans les Scholia in Horatium vetustiora est claire : « lasanum, dans lequel le ventre est soulagé, c’est-à-dire, où nous purgeons le ventre, inventé pour les besoins de la nature » (Serm. I, 6, 109). On peut tirer la même conclusion du passage d’Artémidore (La Clé des songes, II, 26) : « En revanche chier assis sur des latrines ou sur un lasanon solide et excrémenter beaucoup de matière est bon pour tous ».

107La fonction du lasanum ne fait aucun doute ; c’est le pot de chambre dont la forme peut être aisément imaginée. Il s’agit du seul vase qui n’a qu’un seul usage. Il nous semble que c’est lui que les découvertes archéologiques révèlent de plus en plus fréquemment76. « Sa principale caractéristique est sa forme ovale. [...] Sa paroi avec un bord horizontal large est tournée puis ovalisée pour être adaptée sur une galette modelée ovale faisant office de fond » (Pasqualini, 2002, p. 267)77. Son fond plat et large donne une bonne stabilité ; ses bords, parfois inclinés vers l’intérieur, assurent une assise confortable.

108Dans les régions prises en compte dans cette recherche, le lasanum a été mis en évidence aux Thermes de l’Est à Nice/Cimiez (Grandieux, 2004, p. 161) (fig. 46a) ; à Antibes (Alpes-Maritimes) (Fiori, 1974, p. 93) ; dans le cimetière de La Calade, à Cabasse (Var) (Bérard, 1961, p. 137-138) (fig. 46b) ; dans l’atelier de Valescure 1 (Gébara, Béraud, 1996, p. 314 et 317) (fig. 46c) et sur la Place Formigé, à Fréjus (Rivet, 2004, p. 179 et 181) (fig. 46d) ; dans l’épave des Roches d’Aurelles à Saint-Raphäel (Var) (Bérato et al., 1986, p. 202-203 ; Gébara, Béraud, 1996, p. 309-310) (fig. 46e) ; dans le puits d’Hyères-les-Palmiers/Olbia (Var), en huit exemplaires (Bresciani, Excoffon, 2004, p. 192-193) (fig. 46f-g) ; au quartier de Besagne, à Toulon (Var) (Pasqualini, 1993, p. 355-356) (fig. 46h-j, 1) ; aux Pistoles (Moliner, 1996, p. 241) (fig. 46k), à la nécropole Sainte-Barbe (Pasqualini, 2002, p. 269) (fig. 46m) et dans le secteur de l’épave, à la Bourse de Marseille (Pasqualini, Pietropaolo, 1998, p. 85 et 89, 92-93) (fig. 46n-o) ; dans le sondage 10 (Cœur-Messoud, 1998, 153, 154 et 156) (fig. 46p-q) et les sondages 11 et 12 (Tréglia, 1998, p. 187 et 189) (fig. 46r) de la Corne du Port à Marseille ; au Cirque d’Arles (Pasqualini, 2002, p. 269 note 678) (fig. 46s-t) ; dans l’atelier de Lafoux à Remoulins (Gard) (Fiches, 1998, p. 353-354) (fig. 46u) et dans celui de Soumaltre (Hérault) (Mauné, 2001, p. 179-180) (fig. 46v) ; dans l’atelier des Demoiselles-Ouest à Tourbes (Hérault) (Mauné, 2001, p. 180) ; Rue Cuvier à Narbonne (Sabrié, 1989, p. 195 et 198) (fig. 46w) ; dans l’atelier de Sallèles d’Aude (Aude) (Laubenheimer, 1990, p. 132) (fig. 46x) ; à Bordeaux (Santrot, 1979, p. 191) (fig. 46y) ; sur le site de Campniac II à Périgueux (Carponsin-Martin, 2002, I, p. 239) (fig. 46z) ; dans l’Îlot des Cordeliers à Poitiers (Jouquand et al., 2000, pl. 27-28 ; Wittmann, Jouquand, 2003, p. 636) (fig. 46a’-b’) ; dans l’atelier de La Martinière, à Louin (Deux-Sèvres) (Robin, Chambon, 2001-2002, p. 367) (fig. 46c’) ; dans les ateliers de Lezoux (Puy-de-Dôme) (Delage, 2002, p. 73) (fig. 46d’) ; Rue des Farges (fig. 46e’-f’) et Place Tolozan (fig. 46g’-h’) à Lyon ; à Bavay (Nord), en une centaine d’exemplaires (Batigne-Vallet, Loridant, 2000, p. 515 ; Herbin et al., 2004, p. 45) (fig. 46i’-k’) ; dans l’atelier des Rues-des-Vignes (Nord) (Batigne-Vallet, Loridant, 2000, p. 515) ; sur le site de La Tannerie à Liberchies (Brulet et al., 2001, p. 335)79 (fig. 46l’) ; dans la villa d’Holnon (Aisne) (Batigne-Vallet, Loridant, 2000, p. 515) (fig. 46m’).

Fig. 46 – Pots de chambre.

Fig. 46 (suite)

Fig. 46 (suite)

Fig. 46 (suite et fin)

109Considérant la forme du bord droit simple et le marli intérieur, nous sommes réservé sur la fonction proposée pour le vase du site de l’Auribelle-Basse à Pézenas (Hérault) (Mauné et al., 2004, p. 419) (fig. 46n’).

110Ces céramiques devaient également être fréquentes en Italie, comme on peut le voir à Pompéi (dépôt des Granaï) (Annecchino, 1982, p. 759 ; Pasqualini, 2002, p. 270) (fig. 46o’) ; dans l’atelier de Cellarulo près de Bénévent (Cipriano, De Fabrizio, 1996, p. 205-206) (fig. 46p’) ou à Herdonia (Mertens, 1995, p. 220) mais également en Espagne, à Arva (Remesal Rodríguez, 1977-1978, p. 94 et 122) (fig. 46q’), Llíria (Escrivà Torres, 1994, p. 177 et 182) (fig. 46r’-u’), Rosas (Casas i Genover et al., 1990, p. 248-249, 344) (fig. 46v’-x’), Ampurias (Aquilué et al., 1984, p. 473) (fig. 46y’), Viladamat (Casas i Genover et al., 1990, p. 248-249) (fig. 46z’-a’’), et Gérone (Casas i Genover et al., 1990, p. 344) (fig. 46b’’), ainsi qu’en Allemagne, à Haltern (Loeschcke, 1909, pl. XXIV). M. Pasqualini note que les formes de Pompéi sont les plus évoluées car le rebord très large, à l’exception d’une partie réservée à l’avant, lui donne une morphologie particulièrement adaptée à l’usage.

111Le seul véritable point commun de ces vases est leur forme ovale et la présence d’un large bord. Les différences de morphologie sont importantes. Les profondeurs varient sensiblement : 9 cm à Saint-Raphaël ; 9,3 cm à Narbonne ; 11,5 à 18 cm à Llíria ; 12,7 à 23,6 cm à Lyon ; 14,5 cm à Périgueux ; 15 à 20 cm à Toulon ; 15,8 cm à Cabasse ; 16,7 cm à Arva ; 17,5 cm à Fréjus (Place Formigé et Valescure 1) ; 17,8 cm à Holnon ; 18,9 cm à Sallèles d’Aude ; 20 cm à Pompéi ; 21,5 cm à Sainte-Barbe, 22 cm aux Pistoles et 22,15 cm dans le secteur de l’épave à Marseille ; 22,5 cm à Soumaltre ; 23,5 cm à Poitiers ; 24,3 cm à Olbia ; 25,4 cm à Bordeaux ; 30 à 40 cm à Remoulins ; 33,6 cm à Louin. Les récipients sont parfois munis de préhensions, comme on peut le voir sur l’un des objets du secteur de l’épave à Marseille, à Bordeaux, à Pompéi ou à Bénévent. Dans l’immense majorité des cas, il s’agit de productions locales à l’exception de quelques importations africaines à Arles, Fos, Marseille, Toulon et en Catalogne. Aucun ne semble importé d’Italie (Pasqualini, 2002, p. 272). On note la présence de caractères locaux communs. Ceux de Fréjus, Hyères-les-Palmiers/Olbia, Toulon et parfois Marseille sont assez proches. Les exemplaires d’Espagne et l’une des découvertes marseillaises sont identiques. Les exemples d’Aquitaine (Bordeaux, Poitiers, Louin) sont particulièrement hauts ; ceux de Bavay et de Liberchies sont les seuls à présenter des oreillettes à trous de suspension permettant le passage d’une cordelette ou d’un anneau métallique. Cas unique : à Liberchies, des fragments de couvercle qui s’adaptent à ces formes ont été mis au jour, preuve que les lasana pouvaient être obturés.

112Tous les exemples évoqués sont façonnés dans la terre cuite, mais les sources mentionnent également d’autres matériaux comme l’or (Martial, Épigrammes, I, 37 ; Histoire Auguste, Héliogabale, XXXII, 2). À Pompéi, les trente-sept bassins ellipsoïdaux en bronze avec poignées mobiles et couvercles retrouvés ont été interprétés comme ayant une utilité hygiénique (Tassinari, 1993, p. 233)80(fig. 47a-r). Considérant leur grande ressemblance formelle avec les vases en terre cuite, nous pensons qu’ils faisaient office de pot de chambre. Les couvercles des exemplaires de Liberchies trouveraient là une copie dans le bronze. Il est probable qu’il existe un autre vase du même matériau dans la tombe tumulaire d’Omal (Belgique) (Batigne-Vallet, Loridant, 2000, p. 515).

113Cette forme céramique est présente à partir du i^er s. apr. J.-C. et jusqu’au début du vi^e s.81. Aupara vant, nous n’en connaissons pas d’exemples, bien que les témoignages littéraires prouvent leur existence dès le v^e s. av. J.-C.M. Pasqualini (2002, p. 272, note 9) émet l’hypothèse que certains vases classés dans la série des mortiers en Grèce (Athènes, F6182, Robinson, 1959, p. 16), soient en réalité des pots de chambre (voir fig. 46c’’). L’hypothèse est séduisante, mais il convient toutefois de demeurer prudent. Plusieurs formes de kalathos en céramique ibérique peinte dites « sombrero de copa », datées des iii^e s. au i^er s. av. J.-C., présentent des similitudes formelles avec nos lasana83. Les analyses de contenu ont montré cependant qu’ils portaient à l’intérieur des traces de miel et de fruits charnus dues à un stockage (Conde Berdós, 1997, p. 189). À l’autre extrémité de la période, même si le pot de chambre est attesté tout au long du Moyen Âge (Monestier, 1997, p. 46-47), nous n’avons pas trouvé de preuve archéologique en terre cuite avant les xvi^e et xvii^e s.84 (Maccari-Poisson, 1990, p. 168 ; Boscher et al., 1991, p. 86).

Fig. 47 – Seaux ovalisés en bronze de Pompéi.

114Lorsque l’on connaît le contexte précis des trouvailles, on se rend compte que ces pots de chambre ne se retrouvent pas en si grand nombre alors que l’on peut penser qu’ils étaient extrêmement courants. Cette absence ne peut s’expliquer seulement par le fait qu’ils sont identifiés depuis peu. À Poitiers, sur le site des Cordeliers, l’une des boutiques situées en façade de la schola85 était occupée par un marchand de céramiques. L’incendie qui, au iii^e s., détruisit ces lieux figea ainsi à jamais un instantané du commerce dans la capitale des Pictons. La fouille minutieuse a mis en évidence un stock de quatre cent quatre-vingt-deux vases. Sur cet ensemble, seuls deux pots de chambre ont été reconnus, l’un dans la boutique – peut-être pour la vente –, l’autre dans l’arrière boutique – pour l’usage privé de l’occupant ? (Jouquand et al., 2000, p. 169 ; Wittmann, Jouquand, 2003, p. 636).

115Reste enfin le mode d’utilisation. Le pot de chambre pouvait être utilisé librement, comme le sous-entend Horace (Satires, I, VI, 109)86, Plutarque (Isis et Osiris, 2487 ; Apophtegmes de rois et de généraux, 182, B, 788) ou Épictète (Entretiens, I, 1789). On peut également supposer qu’il était le complément indispensable de la chaise percée – sella pertusa90 – dont on n’a conservé que quelques rares exemplaires en marbre – deux identiques de même provenance, l’un au Vatican, l’autre au Louvre, datés probablement du ii^e s. (Cohon, 1985, p. 101), un exemplaire à l’abbaye de Montecassino91, le dernier en provenance de Rome92 au British Museum (Smith, 1892-1904, III, p. 403) – donc particulièrement luxueux ; ce qui n’exclut pas que d’autres en matériaux plus modestes aient pu exister. Le mode d’utilisation du pot de chambre et le matériau dans lequel il était façonné devaient donc varier en fonction du niveau social de l’utilisateur93. Considérant les différences formelles existant entre les pots de chambre et les pots de chaise percée d’époque moderne (fig. 48), on peut se demander si une telle distinction n’existait pas dans l’Antiquité ; ce qui pourrait expliquer la grande diversité des lasana antiques94.

LES AMPHORES95

116Il convient enfin de prendre en compte ici les amphores qui, en tant qu’emballage perdu, sont réutilisées pour recueillir l’urine dans les rues avant utilisation par les foulons96 ou par d’autres activités industrielles (orfèvrerie, métallurgie, tannerie), pharmaceutiques ou cosmétiques (Cordier, 2003b, p. 51-52). Macrobe, décrivant les magistrats ivres descendant au forum, précise que « chemin faisant, il n’y a pas de ruelle où ils ne remplissent l’amphore, tant leur vessie est pleine de vin ! » (Les Saturnales, III, XVI, 15), ce qui prouve la fréquence de ces installations. Lorsque Panaretus remplit d’urine une amphore de Spolète, c’est plus le contenu et le volume qui prêtent à sourire que le contenant (Martial, Épigrammes, VI, 89). Cette destination est également confirmée par Varron (Satires, Ménipées, 10497).

Fig. 48 – Pots de chambre (en haut) et pots de chaise percée (en bas) (seconde moitié du xvii^e s.).

117Dans les régions étudiées, on retrouve quelques attestations archéologiques d’une telle pratique. À Martigny, on peut hésiter dans la fouille du Camping G. S. 1975 sur le rôle de l’amphore Dressel 20 située immédiatement au nord des latrines, entre un récipient d’eau pour le lavage des mains ou de l’éponge98 et le recueil des urines ; en revanche, la fonction de l’amphore du même type déposée à côté du piédroit de la porte menant aux latrines des Thermes du Forum ne fait pas de doute selon nous. Aisément accessible directement depuis la rue, elle évitait aux usagers ayant seulement envie d’uriner de se rendre aux lieux. D’autres découvertes du ii^e s. ont été réalisées à Saint-Romain-en-Gal. À l’angle sud de la façade occidentale de la rue Neuve et de la rue du Portique, une amphore Dressel 2-4 a été retrouvée, enfoncée d’une vingtaine de centimètres dans le sol, protégée par une superposition de gros blocs (fig. 49). Elle prend la suite d’un autre contenant dont on ne conserve que le négatif dans le sol et qui pourrait s’apparenter à une Dressel 20 (Brissaud, 2003, p. 62-63). Un aménagement semblable a probablement été mis en place à l’extrémité occidentale de l’îlot (Brissaud, 2003, p. 67) (fig. 50). Une autre amphore de destination identique se trouve dans la petite fullonica du même site, à proximité de la zone de foulage (Desbat, 1983, p. 53-57)99. Des amphores ayant la même fonction sont installées dans le quartier artisanal du Lycée militaire à Autun (Saône-et-Loire), notamment dans l’état 1 de la cour 3-16 du bâtiment S. Une ouverture dans le mur de façade est obturée par une amphore Dressel 20 semi-enterrée, amputée de sa partie supérieure ; elle aurait pu servir à recueillir les urines (Chardon-Picault, Pernot, 1999, p. 91 et 143).

Fig. 49 – Saint-Romain-en-Gal, angle de la rue Neuve et du portique de la rue du Portique : emplacement des amphores servant d’urinoir

Fig. 50 – Saint-Romain-en-Gal, angle de la rue du Commerce et de la rue du Portique

118Dans l’agglomération secondaire de Saint-Martin-Longueau (Oise), au croisement de la voie Senlis-Roye et Senlis-Beauvais, se trouve un alignement d’amphores de semblable usage, destiné aux ateliers de tanneurs hébergés à proximité (Woimant, 1987, p. 37 ; 1995, p. 425)100 (fig. 51). Même type de découverte à Bliesbruck, à proximité d’une foulerie, à l’angle entre le portique et la ruelle qui borde la parcelle 1 au nord : il s’agit d’un fond d’amphore enterré d’une vingtaine de centimètres dans la chaussée. Deux autres amphores ont été dégagées à l’extrémité méridionale du quartier (Petit, 2005, p. 139-140).

Fig. 51 – Saint-Martin-Longueau : emplacement des amphores dans l’agglomération

119Ce type de récipients, destiné à un tel usage, se retrouve relativement fréquemment hors des régions étudiées ici : à Pompéi, à droite de l’entrée de l’édifice d’Eumachia (VII 9, 1.67) (Della Corte, 1926, p. 34-35 ; De Vos, 1982, p. 41) ou à l’angle de la fullonica de Fabius Ululutremulus (III 1, 1) (De Vos, 1982, p. 120), à Exeter (Grande-Bretagne) contre la façade orientale des pièces chauffées des thermes101 (Bidwell, 1979, p. 37, 64) et dans le camp de Strageath (Grande-Bretagne) où la Dressel 20 fut découverte près de l’extrémité occidentale de la via sagularis (Frere, Wilkes, 1989, p. 80)102.

120Lorsque la forme des amphores est mentionnée, on note la fréquence plus grande de Dressel 20, peut-être choisie pour sa robustesse et sa grande capacité : soixante-dix litres environ103.

DE LA DIVERSITÉ DES STRUCTURES

121Au terme de cette étude, il apparaît que les structures destinées à recevoir les déjections humaines revêtent des formes très diverses, bien différentes du stéréotype classique des latrines antiques. Les structures les plus modestes – fosses simples, cuvelées ou non – devaient être les plus nombreuses ; pourtant, elles sont passées pendant longtemps presque inaperçues dans les fouilles archéologiques et on ne les détecte guère dans les publications scientifiques. Ce sont elles qui sont le plus anciennement utilisées et leur répartition géographique s’avère des plus curieuses car elles sont quasiment absentes d’une bonne partie du sud de la Gaule.

122Les fosses comprenant une alimentation et/ou une évacuation sont bien moins nombreuses. Les premières véhiculent un flux de liquide et servent pour la plupart de puisards pouvant, en fonction de la nature du substrat, être vidangés ou à l’inverse, s’évacuer progressivement dans le sous-sol. Dans les secondes, les conduites servent de trop-plein afin d’éviter leur débordement.

123Il existe également plusieurs formes de latrines faisant appel à des égouts. Elles correspondent à une gestion différente mais unique des déchets, qui sont évacués au loin. On y retrouve de simples avaloirs, à l’origine de la conduite ou disposés sur leur parcours, qui ne peuvent recevoir qu’une personne à la fois et servent de latrines à part entière ou seulement d’urinoir. Dès lors que l’on souhaite une capacité d’accueil plus grande, il faut faire appel à des constructions avec égout, celui-ci étant disposé le long d’une ou de plusieurs parois. L’éventail des surfaces est très large, ainsi que les aménagements. Afin de donner une ampleur particulière et une majesté plus grande au lieu, les architectes ont parfois eu recours à l’introduction d’une colonnade intérieure. Dans cette diversité des plans, celui, si original, de la villa de Las Peiras à Rabastens mérite une mention particulière. Si le succès des latrines à égout latéral a été si important au point d’occulter les autres formes de lieux d’aisance et de devenir le parangon des latrines antiques, on ne peut pas en dire autant des latrines dont l’ensemble de la pièce est occupé par un élargissement de l’égout. Succès très modeste, dans le temps comme dans l’espace.

124La vaisselle de nuit est enfin le dernier élément de ce tour d’horizon : riche – plus riche que notre vaisselier actuel –, il devait également être d’un emploi très commun, mais la modestie des vestiges l’a fait en grande partie oublier.

125Cette diversité et cette multiplicité des structures destinées à satisfaire l’une des fonctions vitales de l’homme transparaissent également au travers de l’architecture.