INTRODUCTION

1En 1939, la plupart des grandes entreprises françaises de Travaux publics menaient d’importants chantiers dans l’Empire colonial.

2Entre 1940 et 1956, elles durent opérer une reconversion difficile. 1940 fut un tournant, car avec l’intervention japonaise en Indochine, s’engageait une période nouvelle qui, hormis en Algérie, s’acheva en 1956 avec la perte de l’Indochine, l’accession à l’indépendance du Maroc et de la Tunisie et le vote de la loi-cadre Defferre. Trois axes de recherche ont été retenus. Il s’agit d’abord d’étudier les effets de la crise indochinoise sur l’activité des firmes et les stratégies qu’elles adoptèrent pour lui faire face. Les dossiers de dommages de guerre constituent ici une source privilégiée, en raison du poids de trois des quatre entreprises étudiées1, mais surtout de l’intérêt qu’ils offrent pour l’histoire des événements, des rapports entre administrations et entreprises coloniales, et de l’activité des firmes. Le second objectif consiste à esquisser une analyse du comportement des entreprises dans les différentes zones de l’Empire colonial. Deux exemples ont été retenus : la vie ralentie d’une agence d’Afrique noire à Dakar, durant la guerre et l’immédiat après-guerre, grâce aux archives exceptionnelles de la famille Hersent2, et la croissance incertaine d’une firme familiale, remarquablement implantée en Algérie, la Société algérienne des Entreprises Léon Chagnaud et Fils. Morte avec l’indépendance, elle a légué un fonds d’archives substantiel. Enfin, l’enquête tente de définir les stratégies de marché des firmes les plus actives outre-mer, en particulier les Entreprises métropolitaines et coloniales et la Société française d’Entreprises de Dragages et de Travaux publics. De la confrontation des archives publiques et privées3, se dégagent trois grandes constatations : le rôle décisif de la crise indochinoise, la détérioration des marchés coloniaux et la nécessité d’une reconversion pour les entreprises.

1. L’INDOCHINE, MARCHÉ TÉMOIN

3A partir de 1940, le marché indochinois perdit son caractère d’espace privilégié. Le changement ne fut cependant pas immédiatement sensible. En 1939, les Travaux publics constituaient un secteur essentiel pour l’économie de la Fédération et très concentré au profit de quelques grandes entreprises métropolitaines. Ces dernières, par leurs rapports étroits avec leurs fournisseurs4, leurs clients5 ou leurs associés6, s’inséraient très fortement dans les circuits d’exploitation au profit de la métropole. Le retard de l’industrie lourde sur les mines, les chemins de fer et les plantations avait d’ailleurs favorisé l’hypertrophie du secteur. Sur un marché rigoureusement protégé, seules les firmes françaises étaient en mesure de s’affronter. Alors que les petites entreprises locales cumulaient les handicaps – expérience réduite, retard technique, manque de capitaux – quelques grandes sociétés jouissaient de puissants soutiens bancaires, comme la S.F.E.D.T.P., que contrôlait la Banque d’Indochine, ou industriels, à l’exemple des G.T.M., derrière qui se cachait le groupe Thomson. Elles dégageaient des marges élevées, parce que le gré-à-gré constituait en Indochine le mode le plus fréquent de passation des marchés et en raison de la faiblesse de leurs prix de revient. Elles bénéficiaient d’une fiscalité réduite et d’une main-d’œuvre peu coûteuse, des disparités salariales très fortes opposant un encadrement européen bien payé et une main-d’œuvre indigène sous-rétribuée.

4L’occupation japonaise puis la guerre entre Vietminh et Français obligèrent les grandes entreprises de Travaux publics à réviser en profondeur leurs choix traditionnels. Entre 1940 et 1954, les stratégies des firmes se définissaient en fonction de trois critères : l’ampleur de leurs dommages de guerre, la nature de leurs rapports avec l’administration et les perspectives du marché. A partir de 1940, la guerre ne cessa de peser sur une activité réduite. Les entreprises souffrirent beaucoup de l’occupation japonaise entre 1940 et 1945, surtout lors du coup de force de mars 1945, et de l’action du Vietminh, notamment depuis novembre 1946. Les entreprises travaillant au Tonkin, comme les G.T.M., furent les plus touchées, mais aucune ne fut épargnée, la guerre provoquant des dommages très importants. Les relations avec les pouvoirs publics constituaient en outre un paramètre essentiel de la stratégie des firmes, ainsi que le révèle l’histoire du règlement des indemnités de dommages de guerre. La loi du 28 octobre 1946 retenait le principe du droit à leur répartition intégrale, mais sous réserve de la réalisation d’un plan de reconstitution et de fournir la preuve de l’utilité publique des biens détruits. Les firmes choisirent entre deux attitudes. Les unes, désireuses de poursuivre leur activité en Indochine, définirent un plan de reconstitution, dont le rythme de réalisation influa sur le montant des avances ou des réglements définitifs effectués par l’administration : ce fut le cas de la S.A.E.E. et de la S.F.E.D.T.P. D’autres, à l’exemple des G.T.M., préfèrèrent céder leurs droits quand la reconstitution s’avérait peu rentable. Certaines entreprises, comme les E.M.C., surent tirer bénéfice de tels rachats. Souvent étroits, les rapports entre les firmes et l’administration n’étaient pas toujours bons. Les administrateurs, surtout les « financiers », se méfiaient des firmes les plus puissantes – G.T.M. ou S.F.E.D.T.P. Au contraire, les entreprises familiales jouissaient d’une cote d’amour ; la S.A.E.E., en raison de la place privilégiée qu’elle tenait en Cochinchine et les E.M.C., du fait de l’influence considérable de leur président Léon Joseph Dubois auprès des hommes politiques de la Quatrième République. La stratégie des firmes en Indochine dépendait cependant pour une large part de leur taille. Une meilleure maîtrise de leur environnement favorisa le désengagement des plus grandes, que leur repli ait été précoce et brutal – les G.T.M. –, ou que leur redéploiement se soit effectué prudemment et par étapes – la S.F.E.D.T.P., mieux établie –. Les entreprises familiales cherchèrent à se maintenir assez tard, soit que des zones pionnières, comme au Laos, aient donné leur chance aux plus petites, soit qu’elles aient disposé d’une implantation exemplaire au Sud-Vietnam. La S.A.E.E. conservait encore, après les accords de Genève, une activité importante dans l’ancienne Cochinchine.

2. DANS LE RESTE DE L’EMPIRE, DES AFFAIRES MOINS ATTRAYANTES

5Dans le reste de l’Empire aussi, les marchés devenaient plus difficiles et moins rémunérateurs. En Afrique noire, l’irruption de nouveaux compétiteurs bouscula les positions acquises, celles de la S.A.H. par exemple, dont l’agence de Dakar semblait pourtant bien établie. Fin 1941, le ministère de l’Air avait pris contact avec la société. Il s’agissait de réaliser en un an une hydrobase civile pour le compte de cette administration et du ministère de la Marine. Un tel projet exigeait la mise en œuvre d’un très important matériel que ne possédait pas l’agence et qu’il fallait faire venir de Bizerte. La S.A.H. enleva le marché dans des conditions difficiles : insuffisance des sondages préalables, pénurie de combustibles, concurrence forte de la part de la S.F.E.D.T.P., de l’entreprise Chemin et du groupe de la Compagnie générale des Colonies. Mais la S.A.H. bénéficiait de réels atouts, en raison de son implantation ancienne et d’une assez large trésorerie. Surtout des références prestigieuses – Bizerte, Casablanca et Abidjan – la posaient en grande spécialiste des travaux d’équipements portuaires. Disposant d’un matériel plus puissant et plus performant que celui de ses concurrents, elle pouvait en outre recourir à ses sous-traitants pour commencer immédiatement le chantier.

6L’ambitieux projet resta cependant inachevé, bien que la S.A.H. ait recruté un personnel nombreux, au sein duquel une abrupte hiérarchie des salaires opposait cadres français et ouvriers noirs. L’agence de Dakar subissait la concurrence acharnée des G.T.M., alliés à la Compagnie générale des Colonies. Surtout les risques de guerre ne cessèrent de s’aggraver : au 6 août 1943, une partie seulement du matériel tunisien avait atteint Dakar, car les bombardements de Casablanca et de Bizerte en avaient détruit la plus grande partie. Ce fut la cause première des déboires de l’agence. En mars 1945, la nouvelle administration de l’aviation s’était pourtant engagée à payer les travaux effectués depuis 1942. Encouragée par ces perspectives favorables, la S.A.H. amorça sa reconversion vers la construction d’aérodromes, les dragages et surtout le bâtiment, dans le cadre d’opérations immobilières engagées par les Banques de l’Afrique Occidentale et d’Indochine. Mais la reprise butait sur trois obstacles : il lui fallait acquérir du matériel américain, éviter une excessive spécialisation de son nouvel équipement et coordonner ses moyens avec ceux de l’administration. Or cette dernière resserrait son contrôle. La S.A.H. redoutait d’importants redressements fiscaux. Surtout, la Commission centrale des marchés du ministère de la Marine lui donna bien du fil à retordre. En raison du blocage qu’elle opérait, la firme finit par accepter des conditions très rigoureuses qui retiraient au marché de l’hydrobase tout intérêt financier. En mars 1946, les deux administrations de la Marine et de l’Air le résilièrent. Le climat de concurrence se dégradait avec des partenaires peu scrupuleux ou des concurrents sans pitié. La situation financière de l’agence de Dakar restait fragile, du fait des retards dans les paiements administratifs. La S.A.H. ne dut son salut qu’à un effort drastique d’austérité, dont l’ensemble du personnel fit les frais. Mais la compression des salaires aggrava un malaise latent entre le siège social et l’agence. En retardant sans cesse le choix entre abandon et maintien sur place, la S.A.H. perdait peu à peu des points vis-à-vis des concurrents.

7En Algérie, l’activité des entreprises de Travaux publics resta longtemps importante, mais avec des marges bénéficiaires moindres qu’avant la guerre. La S.A.E.L.C., par exemple, contribua largement à la mise en place d’une infrastructure moderne. Pourtant, malgré ses rapports excellents avec l’administration, jamais elle ne retrouva les bénéfices élevés obtenus entre 1928 et 1935. De cette date à 1960, sommet de son activité, tous les critères de mesure du profit s’orientèrent à la baisse, car obérés par les frais financiers. La S.A.E.L.C. réinvestissait dans l’entreprise l’essentiel de ses bénéfices. Surtout les grands chantiers de construction de barrages provoquaient la création d’activités à l’amont – trois usines de préfabrications de tuyaux en ciment et d’éléments de bâtiment – et à l’aval – avec les travaux d’aménagement du réseau d’irrigation des plaines du Chéliff –. Dirigée par un grand patron social et un ingénieur innovateur7, la S.A.E.L.C. dut cependant s’adapter à un environnement de plus en plus défavorable. Entre 1938 et 1962, le marché se dégrada progressivement sous l’effet de l’étroite dépendance de la firme envers le volume des crédits publics d’investissements, et de la guerre d’Algérie. La première expliquait pourquoi la S.A.E.L.C. ne trouva aucun substitut aux grands chantiers de barrage et au ralentissement des grands travaux d’aménagement des plaines du Chéliff. La seconde rendit la poursuite de l’activité particulièrement difficile à partir de 1956, surtout dans ce secteur du Chéliff. La société tenta de s’adapter. Elle se réorienta vers le bâtiment en deux étapes qui, chacune, correspondirent à la mise en application d’un brevet de préfabrication : en 1948, le système Vuillemin ; en 1958-59, le procédé Bonnet, Calad et Estiot. Elle s’efforça encore d’améliorer son efficacité, par une stratégie d’intégration, afin d’économiser sur ses consommations intermédiaires. Surtout, elle veilla à maintenir une rentabilité suffisante, une réelle indépendance financière et un autofinancement correct.

3. UNE RECONVERSION NÉCESSAIRE

8La décolonisation provoqua une révision difficile, mais profonde des modèles de croissance. Les entreprises adoptèrent une grande diversité de stratégies. Les vieilles firmes dominantes – S.A.H., G.T.M., S.C.B. – durent s’adapter. La S.A.H. ne put retrouver ses marchés de jadis. Son repli sur l’Afrique du Nord fut un échec en raison des destructions massives de son matériel et sa percée en A.O.F. et A.E.F. prit brutalement fin en 1952, parce que l’entreprise n’avait pas réussi à se diversifier. Par contre, la S.C.B. mena à bien sa reconversion sans rompre avec la tradition. Dans l’entre-deux-guerres, elle avait opéré un brillant repli sur l’A.E.F., grâce aux travaux portuaires et de chemins de fer. Après la Seconde Guerre mondiale, elle engagea très tôt son retour en métropole, et se tourna précocément vers les pays en voie de développement : Egypte, Asie mineure, Union sud-africaine et Amérique du Sud. Les G.T.M. s’étaient, après la Première Guerre Mondiale, tournés vers l’Empire : Antilles, Afrique noire, surtout Indochine et Algérie. Ils abandonnèrent précocement l’Indochine au profit d’une rapide croissance en métropole, depuis 1945, et d’un vigoureux effort d’exportation vers l’étranger, à partir de 1948. Par contre, ils se maintinrent tardivement en Afrique noire et surtout en Algérie, où ils participèrent à tous les grands chantiers. L’irruption de nouveaux compétiteurs rendait, il est vrai, plus ardue l’adaptation des vieilles firmes, car les nouveaux concurrents s’appuyaient sur des filiales locales de taille réduite, moins dynamiques et dotées d’une large autonomie de gestion. Les Etablissements Sainrapt et Brice réussirent ainsi une remarquable percée en Afrique noire, grâce à leur filiale Travaux Afrique, une petite entreprise locale, dont ils prirent le contrôle en 1951. Devenue grosse société par l’absorption d’une série de concurrents, elle connut une spectaculaire croissance qui compensa l’échec de l’agence d’Alger, créée trop tardivement en 1959. La S.G.E. n’avait, en 1939, de positions solides qu’au Maroc et en Algérie, mais, à partir de 1947, grâce à la remarquable intégration de ses filiales, ells s’y tailla une position de leader. Dès 1952, elle amorça une diversification à la fois géographique -vers l’A.E.F., la Nouvelle Calédonie et le Congo belge – et technique – en direction du bâtiment ainsi que des travaux routiers, qui lui permit de surmonter les crises de la décolonisation. La S.R.C., elle, rechercha plus la diversification géographique que l’intégration. Dans les années trente, elle acquit en Afrique du Nord et en Afrique noire une position de force pour les travaux routiers et de leader pour la fourniture d’émulsions de bitume. Malgré les plaies de la Seconde Guerre mondiale, elle se développa avec vigueur en Algérie et au Maroc, depuis 1947, en A.O.F., à partir de 1948 et aux Antilles, de 1949. Comme la S.G.E., elle supporta assez bien la décolonisation, grâce à un effort précoce d’exportation vers le Proche-Orient, puis l’Amérique du Nord et l’Europe de l’Ouest.

9La reconversion des firmes coloniales s’avéra souvent difficile, lorsque – comme les E.M.C. – elles avaient réalisé dans l’Empire l’essentiel de leur croissance. En 1945, les E.M.C. détenaient une position de premier plan à Madagascar, à la Réunion, à Djibouti ou aux Antilles. Cette firme entrepreneuriale connut un spectaculaire développement grâce à son fondateur, Léon Joseph Dubois, un Nantais à la personnalité exceptionnelle. Entre 1945 et 1965, elle sacrifia toutefois la rentabilité à l’expansion. Pour pallier le déclin des marchés coloniaux, elle fournit un considérable effort d’exportation, vers le Moyen-Orient surtout, et de diversification technique, au profit des constructions métalliques. Sa croissance fut très irrégulière. Au boom des années 1945 à 1950 succéda une très difficile reconversion. Entre 1950 et 1958, elle tenta de se dégager de Madagascar et des Antilles, où la conjoncture devenait fort médiocre, et de Métropole, où elle manquait d’une implantation suffisamment profonde. De 1958 à 1965, son développement, plus régulier et équlibré, resta toujours fragile.

10D’autres entreprises s’adaptèrent avec succès. La S.F.E.D.T.P. fut de celles-ci. Elle tirait sa force de son appartenance au puissant groupe de la Banque d’Indochine, laquelle déléguait toute sa confiance à un manager de grande classe, Jean Rigal. Ayant relevé, depuis 1929, une firme languissante, il en avait fait un ensemble au potentiel technique exceptionnel et remarquablement diversifié, en lui agrégeant des firmes de taille équivalente et de vocation complémentaire : les Entreprises de Grands Travaux Hydrauliques, en 1936, et la Régie générale des Chemins de Fer, en 1948. Le chiffre d’affaires de la S.F.E.D.T.P. s’accrut très vite entre 1945 et 1969 grâce à une diversification technique réussie – les dragages perdant leur prépondérance au profit d’autres activités de Travaux publics – et à un considérable redéploiement géographique : retour en force sur le marché national, rapide percée sur les marchés d’Afrique noire et effort d’exportation vers l’Asie du Sud-Est. Dès 1945-1952, elle commença à se dégager d’Indochine. Réorientation technique et redéploiement de son activité hors zone franc lui permirent de réussir sa reconversion, de 1952 à 1955, puis de retrouver, entre 1955 et 1963, une croissance plus équilibrée, stable et soutenue.

CONCLUSION

11De l’étude du comportement des firmes face à la décolonisation ressortent trois observations :

• La stratégie des grandes entreprises de Travaux publics dépendait étroitement de la politique des investissements publics. Dans l’entre-deux-guerres, l’Etat métropolitain dut se substituer peu à peu aux investisseurs privés et aux budgets locaux. La Seconde Guerre mondiale provoqua une brutale prise de conscience de la nécessité de développer les colonies, que tenta de réaliser la Quatrième République. L’Afrique noire en profita proportionnellement le plus, jusqu’en 1953. Les restrictions budgétaires se firent alors sentir avec brutalité, au moment où l’on abandonnait l’Indochine et où la situation se dégradait en Algérie.
• Les grandes entreprises de Travaux publics pesèrent souvent en faveur d’une mise en valeur accrue des colonies. En Indochine surtout, elles furent au cœur du débat sur l’industrialisation8. En réalisant l’infrastructure d’une économie conçue en fonction des besoins de la métropole, elles contribuèrent certes à freiner l’apparition d’une industrie locale. Mais leur apport fut cependant très largement positif, en raison de la haute qualité technique des travaux qu’elles effectuèrent et de leur action en faveur de plus de cohérence et de continuité dans la politique d’investissements des pouvoirs publics. Elles purent ainsi renouer facilement avec les gouvernements des pays décolonisés : tel fut le cas de la S.F.E.D.T.P. et de la S.A.E.E. au Sud-Vietnam et de la plupart des entreprises en Afrique noire.
• La décolonisation provoqua une crise profonde, mais assez bien surmontée par les firmes. Celles-ci préservèrent des positions très fortes en Afrique noire. Certaines le devaient à une implantation traditionnelle, comme la S.A.H., la S.C.B. ou les G.T.M. ; d’autres se replièrent d’Indochine -la S.F.E.D.T.P. – ou d’Algérie – la S.R.C. –. En effet, nulle part, sauf en Guinée, il n’y eut d’arrêt brutal de l’activité. Surtout les grandes entreprises de Travaux publics cherchèrent très tôt à renouer avec leur grande tradition exportatrice d’avant 1914. La crise indochinoise les incita à se diversifier. Dans les années cinquante, elles fournirent un intense effort d’exportation hors zone franç. Elles bénéficièrent de leur potentiel technique : à l’abri de la protection coloniale, elles avaient développé des solutions originales bien adaptées aux besoins du Tiers-Monde. Renouvelant leurs succès d’avant 1914 en Europe du Sud, au Moyen-Orient et en Amérique latine, elles réussirent à s’implanter en Amérique du Nord et en Asie du Sud-Est, puis, plus tardivement, à opérer un retour en force sur les marchés de la zone franç.