Conflictualité et gouvernance portuaires
p. 125-146
Texte intégral
Introduction
1Un port est une machine cybernétique complexe, tendue vers la transmission des échanges à l’interface terre-mer. Cette transmission doit être efficace, économiquement parlant, c’est-à-dire au moindre coût pour les usagers (armateurs et chargeurs) avec, si possible, une valeur ajoutée prélevée, si minime soit-elle, par les intermédiaires portuaires, qu’ils soient gestionnaires de l’outil ou prestataires de services. On se doute évidemment qu’il s’agit de la quadrature du cercle, puisqu’il faut concilier les intérêts contradictoires de la demande de déplacements et de l’offre de services, intérêts contradictoires qui ne vont pas sans prolongement conflictuel, d’autant qu’ils déteignent sur les rapports sociaux entre les professions qui œuvrent pour la bonne animation de cette interface. Ce que nous désignons du terme commode de communauté portuaire est, de ce point de vue, une expression faussement évidente (Fabbe-Costes, op. cit.), comme le démontre le chapitre précédent, et qui cache bien des tensions et risques de conflits (Foulquier, 2009).
2Par ailleurs, la transmission des échanges a besoin d’espace, de plus en plus d’espace. La taille des navires, le volume des cargaisons, le besoin de stocker, conditionner, transformer, exigent des surfaces de plus en plus vastes, que les ports classiques, engoncés dans leur ville, ne peuvent plus fournir. On se heurte donc à un paradoxe de taille : les échanges créent des emplois qui, eux-mêmes, ont des effets d’induction, de sorte que les ports ont un réel pouvoir urbanisant, alors qu’en même temps, ils ont besoin de sortir du cadre urbain qu’ils ont contribué à créer, pour aller à la conquête de terrains vierges, souvent éloignés des sites originels. On se doute alors, qu’aux côtés des conflits d’ordre social, liés à l’organisation des métiers et à leur valorisation réciproque, s’ajoutent dans un port, des conflits propres à l’utilisation de l’espace, dont les enjeux sont liés à des choix de planification, mais aussi à des problèmes de cohabitation ou de voisinage entre usagers. Ces conflits ne sont pas particuliers aux ports, on les rencontre systématiquement à propos de toutes les grandes infrastructures (Subra, 2007). Signalons néanmoins qu’ils sont généralement plus aigus dans un port, en raison de la masse des flux traités, de leur caractère souvent accidentogène (les produits dangereux pullulent dans les ports) et de leurs incidences environnementales, tant pour les écosystèmes terrestres qu’océaniques. Par ailleurs, les contraintes inhérentes à l’obligation du contact maritime engendrent des implantations qui se focalisent sur un espace limité avec des possibilités restreintes de relocalisation.
3Si les mutations du transport maritime, liées au gigantisme, à la spécialisation des navires et à l’unitisation des charges (par la conteneurisation) paraissent d’une nouveauté extrême, il ne faut jamais oublier que le transport maritime, à l’inverse de la plupart des modes de transport, s’ancre dans une histoire multiséculaire. Autrement dit, les villes qui sont animées par leur port sont la plupart du temps « habitées », voire « imprégnées » par les activités maritimes depuis des siècles. Certes, ces interrelations villes-ports varient selon l’intensité des trafics, le poids démographique et la diversité fonctionnelle des villes (Ducruet, 2005). Mais, le propre d’une ville-port, à l’inverse d’une « ville généraliste » est qu’elle est née de son port, même si elle en dépend moins aujourd’hui, voire s’en détourne (Seassaro, 1992). Autrement dit, le contact ville-port, tant sur le plan organique qu’urbanistique, fait débat, bien au-delà de la sphère portuaire et interpelle la société civile. La reconquête des délaissés portuaires, selon la nature des projets proposés, fait alors jaillir des conflits d’ordre identitaire, dont la base matérielle est l’affectation nouvelle des espaces urbains, mais dont le référentiel immatériel est alimenté par les représentations que la société se fait d’elle-même.
4Au total, les ports sont des lieux propices à tous les conflits. Ils éclatent au sein des fonctions portuaires avec une traduction spatiale (si elle existe) qui, par hypothèse, reste interne à l’espace portuaire, mais ils peuvent aussi être alimentés par la difficile intégration de cet espace dans ses territoires encadrants. Cette double dimension fait l’objet des deux premières sections du présent chapitre. Le risque conflictuel est si fort qu’il interpelle les modes de gouvernance, ces derniers tentant de s’organiser au mieux pour que les conflits ne soient pas mortifères pour la bonne marche de l’interface.
Conflits et fonctions portuaires, des liens d’évidence
5Si certains peuvent rêver d’une intégration complète des fonctions nécessaires au passage portuaire, l’observation de la réalité oblige à dire qu’on en est encore loin. De très nombreux métiers, solidement ancrés dans leur spécialité et parfois protégés par des statuts particuliers, œuvrent pour le bon fonctionnement du passage. La surprise est que l’« escalodrame » qui résulte de ce contact entre le navire et sa marchandise se passe généralement sans heurt. L’efficacité est donc au rendez-vous, même si cette efficacité n’est pas toujours « efficiente », au sens économique du terme1. De là, des tiraillements, parfois des dysfonctionnements, conduisent infailliblement aux conflits. Ces conflits portent sur des enjeux organisationnels, mais aussi de valorisation des métiers les uns par rapport aux autres. Ils débordent parfois de ce cadre théoriquement préétabli, en convoquant, au titre d’alliés ou d’alibis, des groupes de pression ou de défense de l’espace portuaire et de son voisinage : remontent alors dans les débats des questions de planification ou d’environnement, alors que le fond des problèmes est ailleurs.
6Il faut tout d’abord rappeler que les autorités qui ont en charge les ports sont loin d’être simples dans leurs attributions. Dans la plupart des cas, l’autorité de tutelle est publique, qu’elle soit d’État ou qu’elle soit décentralisée entre les mains de collectivités territoriales de diverse nature. Rares en effet, sont les sociétés publiques ou privées qui disposent de tous les pouvoirs pour l’animation de leur port. On en a rappelé les raisons dans le premier chapitre du présent ouvrage2. Les autorités de gestion, établissements publics agissant dans le cadre d’une autonomie relative ou par concession sous la forme d’une délégation de service public, sociétés d’économie mixte ou groupements d’intérêt économique, sont alors à bien distinguer de leurs autorités de tutelle. Ces dernières disposent de divers moyens de contrôles administratif et financier, tout en conservant un droit sur certaines compétences qu’elles se gardent bien de transmettre au gestionnaire. Cet imbroglio relatif pèse sur l’ambiance des places portuaires, sachant que les compétences de l’autorité de gestion sont la plupart du temps dites de spécialité, donc limitées dans leur champ d’action ; sachant aussi que ces gestionnaires sont conviés à faire participer à leurs délibérations, sous des formes variées (de la co-décision au simple avis consultatif) les usagers, professionnels portuaires, représentants des collectivités territoriales, voire personnes qualifiées, dont la définition reste assez floue et réservée à la discrétion de ceux qui les choisissent !
7La complexité et la diversité des assemblages administratifs réservés à la gestion se renforcent encore par l’étendue variable de leurs compétences. La distinction faite entre le port-service qui englobe la totalité des charges d’exploitation, le port-outil qui propose à ses clients la location de ses outillages, et le port- « propriétaire » qui abandonne ses outillages à l’exploitation privée, pour se contenter d’être aménageur et gestionnaire des infrastructures, est une référence bien connue pour saisir les bornes les plus couramment observées dans le champ de la gestion. Mais cette distinction qui pourrait relever d’une simple taxonomie tatillonne (Stevens, 1999a), est aujourd’hui mise en mouvement, sous la pression des idées libérales et des institutions qui en ont embrassé la cause, la Banque mondiale en tête. Il s’ensuit que l’étendue des fonctions liées à la gestion est en cours de révision rapide dans la plupart des pays, ce qui ne va pas sans difficultés, résistances diverses et propositions alternatives. Pour faciliter les évolutions, l’autorité de gestion doit alors inventer des « concepts régulateurs » (Grosdidier de Matons, op. cit.) susceptibles de permettre l’adhésion de toutes les parties prenantes (intérêt général, bien commun, optimum économique, etc.).
8On a donc compris que l’étendue des activités des métiers portuaires est partiellement liée à l’extension des champs de la gestion de ces formes organisationnelles hybrides (Ménard, 1997) que sont les autorités portuaires. Ces métiers qui ont la propension naturelle à se regrouper en association de défense ou de promotion de leurs intérêts collectifs (sous la forme d’unions maritimes3), sont en réalité très disparates, selon leur destination plutôt orientée vers le navire (pilotage, lamanage, remorquage, consignation, avitaillement, courtage, etc.), ou vers la marchandise (manutention, transit, entreposage, transports terrestres, etc.). Il faut y ajouter la qualité de leurs prestations et l’étendue directe ou indirecte de leurs prérogatives. Par exemple, un pilote, si qualifié soit-il, n’exerce qu’une mission d’accompagnement du navire qui n’a aucune prise sur le déclenchement de l’opération commerciale, dont il assure pourtant l’essentiel de la sécurité de la partie nautique. À l’inverse, un transitaire et fatalement, un commissionnaire de transport, qui a pour mission d’offrir à sa clientèle des prestations de transport totalement intégrées, ont une vision bien plus étendue des opérations. Ils sont les véritables chevilles ouvrières du succès ou des difficultés de la place portuaire. Ce décalage permanent entre la qualification d’une part, et le rayonnement organisationnel d’autre part, des métiers portuaires, est une source de tensions évidente. Il faut y ajouter des effets de « surface financière » des opérateurs, qui créent des rapports de force plus ou moins inégalitaires entre eux, ainsi que leurs statuts très variables, certains pouvant conduire à des monopoles de place.
9Il est un métier souvent évoqué sur ce point. Les dockers en effet, sont désignés comme le maillon faible de la compétitivité des ports. Ils doivent cet honneur relatif aux particularités de leur statut, puisque, après de longues décennies de précarité à l’égard de leurs employeurs (les entreprises de manutention), ils ont réussi à obtenir un monopole d’embauche, arraché à des dates diverses selon les États, mais de façon assez systématique (Domenichino, Guillon, Mencherini, 1999). Pour la France, le monopole est obtenu en 1941, puis il est prolongé par l’indemnisation des jours d’inemploi en 1947. C’est du reste cette garantie d’indemnisation, plus que le monopole, qui va cristalliser tous les conflits. Sans doute pour éviter les conflits à court terme, l’ajustement du nombre des cartes professionnelles ne se fera pas en proportion de la chute de l’offre de travail. D’où le coût de plus en plus insupportable pour les entreprises de manutention et la dérive corporatiste de cette main-d’œuvre indépendante et protégée, repliée derrière son unité syndicale et ses droits dérogatoires à la condition générale des travailleurs (Segrestin, 1985). Il faut attendre juin 1992 pour une remise à plat des statuts, avec, on le devine, des résistances majeures à cette évolution4. Cela dit, bien des métiers profitent dans les ports de statuts originaux. Si les dockers ne peuvent plus s’abriter derrière la production d’un service public (la manutention n’est plus reconnue comme telle en Europe), les pilotes sont toujours en première ligne sur ce point et les États y tiennent pour des raisons évidentes de sécurité. L’argument est déjà plus spécieux pour le remorquage, dans la mesure où il serait facile de fractionner le service en deux catégories, celle d’un service public motivé pour des raisons de sécurité, celle de services commerciaux ouverts à la concurrence. Par ailleurs l’ouverture du cabotage intérieur des États-membres à tous les armateurs et pavillons européens semble créer une brèche dans les positions monopolistiques des sociétés de remorquage dans les ports (Chaumette, 2008a). C’est du reste pour cette raison que la loi relative à la sécurité et au développement des transports (5 janvier 2006) entend imposer dans les ports français, l’essentiel du droit français pour toute activité de remorquage et de lamanage dans les eaux intérieures et territoriales françaises. Cela n’a pas empêché un conflit majeur au port du Havre, entre la société Boluda (repreneur en 2007 des actifs des Abeilles) et la Société Nouvelle de Remorquage du Havre, filiale du groupe d’origine néerlandaise Kotug. Cette concurrence, souhaitée par le port autonome, pour faire baisser les tarifs de remorquage jugés peu compétitifs, s’est traduite par une guerre de tranchées entre les deux compagnies, dont les étapes sont retracées dans l’étude de cas proposée par P. Chaumette5. Elle ne fut pas sans casse sociale et financière et fut sans effet sur la relance commerciale du port.
10Cet exemple nous fait toucher du doigt une tendance à l’érosion des activités directes qui, par commodité de définition, sont les activités qui sont au plus près du navire et de la marchandise dans un port. De nos jours, le port devient relativement transparent, en raison même de son succès. Certes, il s’agit toujours d’un sas essentiel dans l’écoulement des flux, mais il ne bénéficie plus forcément des effets dérivés presque automatiques de cet écoulement. La main-d’œuvre docker, précédemment nommée, en sait quelque chose, puisqu’elle a diminué en proportion de dix pour un dans les ports des pays développés dans la seconde moitié du xxe siècle. À l’inverse, les activités indirectes ont tendance à se développer, en raison même de l’abondance des flux qui fréquentent les quais, de la possibilité de les stocker, conditionner, transformer ou co-produire sur place. On a d’abord vu se cristalliser nombre d’industries en bordure des quais, avant de constater le fort développement, avec la conteneurisation, de tous les métiers de la logistique. Ces tendances ont pour conséquence d’étendre l’influence du port dans le système urbain, avec la volonté de la part des métiers traditionnels de suivre cette extension pour pleinement en bénéficier. D’où la revendication des dockers à participer à la manutention des marchandises dans les hangars des logisticiens ou de s’imposer sur les quais privés des industriels. Ces prétentions sont des sources de conflits évidents, tout comme l’est, de manière plus sournoise, la volonté des industriels, souvent captifs de leur port, de peser sur les décisions des autorités portuaires, jugées souvent trop à l’écoute des intérêts des corporations strictement portuaires.
11Plus globalement, cette pesée de l’influence du port sur l’économie locale, par la création d’emplois indirects, voire d’emplois induits (au sens des effets d’induction des emplois spécifiques sur l’activité banale), peut créer une situation plus ou moins conflictuelle, entre la « communauté » portuaire et la « collectivité » locale (les deux termes sont employés à dessein), dans la mesure où cette collectivité supportera avec plus ou moins de tolérance, en fonction de sa dépendance envers son port, les coûts qu’il engendre (coûts internes, par les aides financières qu’elle lui consent, coûts externes par les dégradations qu’elle supporte, par usure des réseaux ou dégradation de l’environnement). Rappelons-nous de ce point de vue que le coût global d’un port est le résultat de la somme algébrique des coûts d’exploitation (liée à l’efficience des activités directes) et des coûts pour la collectivité (liés aux aides directes ou indirectes supportées par cette même collectivité). C’est de la part réciproque des deux origines du coût global que résulteront les sujets de controverse entre la communauté portuaire et la collectivité locale. À ces dimensions financières de la conflictualité, peuvent se greffer des tensions de tonalité plus politique liées à des rapports de pouvoir.
12Enfin, si les activités directes ont tendance à fléchir au regard des emplois qu’elles créent, elles sont organisées, en raison même de la productivité qu’elles ont gagnée en quelques décennies, sous une forme de plus en plus oligopolistique, en particulier pour les échanges conteneurisés. Dans ce segment fondamental du transport maritime, non seulement les armements sont de moins en moins nombreux, et donc de plus en plus puissants, avec des stratégies qui ne s’arrêtent plus à leurs ports d’escale et qui s’évaluent sur l’ensemble de la chaîne de transport, mais les opérateurs de la manutention ont suivi les mêmes tendances, selon des objectifs d’expansion très mondialisés. Il est certain que la tendance à la régression rapide des ports-outils s’explique à bien des égards par l’affirmation des prétentions de ces opérateurs privés, de sorte que le partenariat public-privé qu’on se plaît à décrire, derrière les concessions ou les conventions d’exploitation des terminaux accordés à ces opérateurs par les autorités portuaires, procède d’un jeu inégal, et donc inéquitable. Quelle marge de manœuvre peut en effet espérer cultiver une autorité portuaire, quand elle doit négocier des accords contractuels avec ces géants du transport, sachant que ces derniers jouent volontiers la concurrence interportuaire ? Il s’agit bien de conflits d’ordre commercial et qui sont transposés dans le registre social, lorsque les nouvelles conditions de travail qui résultent de ces accords contractuels, sont jugées inacceptables par la main-d’œuvre. Il y a d’ailleurs, une tendance généralisée à la « terminalisation » des ports, dans les conteneurs comme dans les vracs, qui a la double conséquence de faire perdre de la pertinence à la gestion unifiée des espaces portuaires et à faire exploiter ces installations sous un régime exclusif, les petits opérateurs se trouvant alors rejetés des quais par les ténors de la manutention.
Le port dans son territoire, une insertion naturellement conflictuelle
13Par l’ampleur des incidences directes et indirectes qu’il engendre, un ensemble portuaire est nécessairement source de tensions et de conflits dans la mesure où il s’insère dans une entité géographique systématiquement multifonctionnelle (hinterland et umland) et multiscalaire (ville-port, façade portuaire, région, territoire national, grands espaces). Les perceptions et les attentes des différentes parties prenantes des espaces concernés sont donc variées et les intérêts sont fréquemment divergents, voire contradictoires. Ces acteurs peuvent au mieux s’accorder sur une sorte de consensus, nous y reviendrons dans la troisième section, mais celui-ci est généralement dessiné après des phases de confrontations... ou bien, dans certains cas, en mettant de côté les sujets qui fâchent.
14Cette insertion du port dans son territoire, ou plutôt « ses » territoires, peut donc être qualifiée de « naturellement conflictuelle ». En cela, le conflit ne doit pas être perçu comme une anomalie ou un dysfonctionnement mais bien davantage comme un processus normal, un passage obligé ou bien un objet récurrent, la manifestation d’oppositions ayant la capacité de s’exprimer ; des oppositions qui bien que variables dans le temps et dans l’espace affichent aujourd’hui certaines constantes, que cela concerne les espaces portuaires proprement dit et leurs périphéries proches ou bien les complexes relations villes-ports, emblématiques de certaines de ces relations territoriales conflictuelles.
15L’observation des tensions relatives au port et à son territoire d’insertion recouvre en réalité deux états conflictuels selon leur niveau de cristallisation (Kirat, Torre, 2008 ; Torre et al., 2010). Entre les deux, la frontière est parfois ténue. Le conflit déclaré, d’une part, va se caractériser par la manifestation d’une opposition entre acteurs identifiés, qu’ils soient institutionnels, professionnels ou associatifs. Ce passage à l’acte peut prendre des formes extrêmement variées : recours juridique, lettre ouverte, manifestation sur l’espace public, etc. Le conflit potentiel, d’autre part, renvoie quant à lui à l’identification des facteurs socio-spatiaux à même de conduire au passage à l’acte, au regard des incompatibilités d’évidence entre fonctions, de la réactivité connue des acteurs. Signalons enfin que ces situations conflictuelles peuvent tout autant être la résultante de nuisances, qu’elles soient officiellement mesurées/constatées ou bien ressenties/perçues, que du positionnement des acteurs face à des projets : anticipation des risques et nuisances, opposition liée à la méthode d’élaboration et de décision dudit projet.
16La vision d’un port se réduisant aux quais de cœur de ville est désormais révolue. Les mutations précédemment évoquées – hausse des échanges de biens et de personnes, développement industrialo-portuaire, gigantisme naval, spécialisation des navires et des terminaux – sont autant d’éléments qui ont contribué et contribuent encore aujourd’hui au déplacement partiel (ce que l’on a nommé « glissement aval » dans les ports d’estuaire) et à l’augmentation systématique de l’emprise portuaire. Le port apparaît désormais fréquemment comme une mosaïque inachevée et réalisée sur le temps long, un ensemble en devenir plus ou moins précisément borné et dont les dimensions et formes sont extrêmement variables.
17Les zones portuaires en elles même, tout comme leurs bordures, sont confrontées à deux problématiques fondamentales classiques de la gestion territoriale. C’est, d’une part, l’occupation spatiale qui conduit à décider de l’affectation des lieux à une fonction : un quai, une zone de stockage, une route de desserte, une usine... C’est, d’autre part, la juxtaposition spatiale qui conduit à anticiper ou à atténuer les incompatibilités et les nuisances pouvant résulter de la proximité de certaines fonctions. La relativité de cette problématique de cohabitation est fondamentale dans le contexte portuaire, ne serait-ce que dans la mesure où les liens hydrauliques peuvent unir, et en l’occurrence opposer, des espaces géographiques éloignés (diffusion de polluants, modifications issues des dragages, artificialisation des berges...). Mais la question est similaire concernant les flux de marchandises, base même de la fonction portuaire, que nous aborderons ultérieurement au travers des relations villes-ports.
18Occupation et juxtaposition sont de fait sources de conflits potentiels au sein même de l’espace portuaire entre ses différents acteurs. Au-delà, ces lieux peuvent aussi être le théâtre d’autres usages pouvant aller de la promenade ou la pêche pratiquées par certaines populations locales, à la circulation automobile de desserte locale ou de désengorgement. Ainsi, l’analyse du port de Livourne6 pointe les tensions récurrentes et la difficile cohabitation dans certains secteurs périphériques de la ville entre d’une part les installations et les flux portuaires, et d’autre part l’accès et la fréquentation des plages. Si la fermeture amorcée des zones portuaires en application des nouvelles normes relatives à la sûreté des navires et des installations portuaires (ISPS) pourrait à terme minimiser ou faire disparaître ces sources de tensions, elle est toutefois parfois confrontée à la dispersion de certains ensembles portuaires, l’interpénétration des fonctions portuaires et non-portuaires, et les habitudes des populations riveraines. Autant d’éléments qui peuvent rendre illusoire une fermeture qui viserait à aller au-delà des seules zones les plus sensibles et en règle générale parfaitement bien circonscrites. Par ailleurs, les zones portuaires se caractérisent par une forte porosité et une propension constante à l’extension. Ainsi, les conflits inhérents aux problématiques d’occupation et de juxtaposition s’expriment très fortement sur les périphéries proches, phénomène particulièrement lisible sous l’angle environnemental puisque ces pressions s’exercent pour l’essentiel au détriment d’espaces naturels ou à vocation primaire (agriculture, pêche).
19Ces conflits « autour de l’environnement » (et les usages et usagers de ces espaces sous pression portuaire) impliquent de façon récurrente trois compartiments de l’espace nécessairement liés : les surfaces terrestres, l’interface terre/mer des berges, l’accès maritime. L’ensemble portuaire Nantes – Saint-Nazaire7 est ainsi tout à fait caractéristique de ces conflits à la fois anciens et très actuels (Guillaume, 2009). Ce port classique de fond d’estuaire (Nantes), sans faire le deuil total d’une vocation portuaire dans sa partie nantaise qui conserve encore aujourd’hui les terminaux de Roche-Maurice (agro-alimentaire) et Cheviré (bois), s’est donc logiquement principalement développé vers l’aval (Saint-Nazaire, Montoir, Donges). Celui-ci offre aujourd’hui, sur la rive droite du fleuve, une courbe quasi-parfaite de berges équipées où se succèdent les terminaux spécialisés avec en retrait les zones de manutention, stockage ou transformation. Seule subsiste au sein de ce linéaire une sorte « d’anomalie naturelle » qui fit l’objet de tensions par le passé et dont le remblaiement envisagé par le plan stratégique de 2009 du grand port maritime pourrait stimuler de nouvelles crispations : la vasière de Méan (Grand Tourteau) associée au débouché du Brivet, au pied du pont de Saint-Nazaire. La spécialisation des terminaux, fortement consommatrice d’espaces, s’est donc opérée de concert avec l’évolution des navires. Il en va de même pour le creusement et l’entretien du chenal d’accès qui doit quant à lui s’adapter à l’augmentation du tirant d’eau des navires et ce, tout au moins pour certaines unités, jusqu’à l’accès aux sites portuaires les plus en amont. Les incidences de ces transformations portuaires et les conflits que cela a pu engendrer, ont été largement étudiés et l’objet n’est pas ici de revenir sur cet aspect de la question (Guillotreau, Choblet, Després, 2009 ; Vigarié, 1989).
20Au-delà de l’actuel, un port vise constamment à se projeter dans l’avenir, perspectives à moyen ou long terme, dans une double logique de stratégie et de capacité à répondre favorablement à des opportunités. Projets et réserves foncières sont donc des éléments clés de l’insertion du port dans son espace. La prééminence du tout-portuaire était peu contestée par le passé, ou plutôt fortement contestée mais par une infime minorité d’acteurs. Primaient alors la certitude ou la croyance qu’un port était moteur de l’industrie et par là-même du développement régional, ainsi que la puissance de l’acteur portuaire, en l’occurrence l’État pour un port comme Nantes – Saint-Nazaire. Cette image apparente d’acceptation ou d’unanimité commence à se lézarder à partir de la fin des années 1970 et les projets d’extension portuaires deviennent alors de plus en plus des objets privilégiés de conflits au cours desquels d’autres acteurs expriment des visions et des projets divergents pour les espaces concernés.
21Concernant Nantes – Saint-Nazaire, trois exemples très différents sur bien des aspects permettent d’en avoir un bon aperçu. Le premier exemple, mixte d’opposition à l’extension portuaire et de crispation sur le type d’équipement programmé, est le projet d’implantation d’une centrale nucléaire sur le site du Carnet (rive gauche, à proximité de la petite ville de Paimboeuf). Conçu comme un moteur du développement industriel de la rive sud de l’estuaire et comme un équipement énergétique indispensable pour l’ouest de la France, ce projet a vu s’opposer principalement les acteurs portuaires et énergétiques d’une part, et des groupes associatifs d’autre part. Le projet désormais abandonné, la zone du Carnet qui avait été viabilisée dans cette perspective devrait notamment accueillir un port de plaisance à sec.
22Le deuxième exemple, beaucoup plus localisé, met quant à lui principalement en évidence la confrontation de deux acteurs institutionnels ayant un pouvoir décisionnel sur l’espace concerné, symbole de la modification progressive des rapports de force et des orientations du début des années 1990. C’est le conflit dit de Port-Lavigne qui va opposer le port autonome de l’époque et la municipalité de Bouguenais, petite commune en périphérie de l’agglomération nantaise. L’un inscrit cette zone de Port-Lavigne, qui est dans la circonscription portuaire, comme secteur industrialo-portuaire dans son schéma de développement. L’autre fait de cette même zone, qui est sur son territoire communal, un secteur à vocation principalement récréative dans son document local d’urbanisme (POS). Au final, et après un processus conflictuel riche (expertise, médiatisation, recours juridique, etc.), l’orientation portuaire sera abandonnée.
23Le dernier exemple a quant à lui été parfaitement bien décrypté et montre un positionnement d’acteurs beaucoup plus complexe et qui plus est résolument multi-scalaire (Guillotreau, Choblet, Després, op. cit.) symbolique en cela de l’élargissement des parties prenantes concernées par l’espace portuaire, ou plutôt les marges portuaires. C’est le conflit dit de Donges Est où le projet d’extension portuaire, prolongation vers l’amont de la courbe portuaire précédemment mentionnée, va se heurter aux stratégies de préservation des zones humides de ce secteur. Ce projet est désormais abandonné par le plan stratégique de 2009, si tant est que les projets de cette nature soient définitivement enterrés tant que l’espace ne s’est pas vu attribuer une fonction qui obère d’autres perspectives.
24Au-delà des particularités de chaque exemple, ceux-ci montrent que l’espace portuaire est de plus en plus aussi le fait d’autres acteurs qui expriment leurs vues notamment dans la confrontation. Les trois cas présentés se soldant par un abandon de l’orientation portuaire laissent à penser que le processus conflictuel peut être « productif », cela même si d’autres considérations (financière, technique, stratégique) peuvent aussi permettre d’expliquer le retrait de ces différents projets.
25Schématiquement, les conflits opposant les tenants du développement portuaire face aux autres parties prenantes du territoire voient donc se développer des argumentaires récurrents. Pour les uns la nécessité d’anticiper l’avenir, de disposer de suffisamment d’espaces portuaires ou industriels, de limiter les pertes de temps, de s’adapter aux évolutions des navires et aux besoins des opérateurs, doivent être les moteurs de l’aménagement de cet espace. Pour les autres, les interrogations sur le coût et la rentabilité des investissements portuaires, le respect des éléments de nature ou des besoins des autres usages, la nécessité d’être économe en termes de consommation spatiale doivent conduire à une meilleure réflexion collective pour une bonne gestion de cet espace limité. Le cas de Vigo, enserré entre la ville et sa ria, montre que l’étroitesse des lieux conduit à l’émergence d’une « crise spatiale », révélant une conflictualité d’ordre institutionnel8. De part et d’autre, ces arguments sont construits et défendus à des échelles multiples allant du niveau local d’une implantation portuaire jusqu’au niveau supranational d’un ensemble portuaire de dimension internationale ou d’une zone humide (au sein d’un port) d’intérêt communautaire (européen).
26Les relations villes-ports, tout en élargissant et exacerbant les tensions sont aussi emblématiques de la complexité des liens conflictuels associant le port et son espace. Le lien historique puissant, voire fondateur comme par exemple pour Livourne ou Saint-Nazaire, qui unissait ces deux facettes d’un même espace s’est progressivement distendu aboutissant à une dissociation double. Celle-ci est d’une part spatiale et de ce fait clairement perceptible dans le paysage : le port de commerce est de moins en moins présent au cœur de ces villes, voire désormais totalement absent dans certains secteurs. En retour, et du fait de la relocalisation des sites portuaires, la pression est accentuée hors la ville sur le front de mer ou d’estuaire (terminaux spécialisés) ou bien dans le proche arrière-pays (réseaux, aires de stockage, plates-formes logistiques). Cette dissociation est d’autre part sociétale à la fois car la population de la ville est de moins en moins liée, professionnellement ou familialement, à la vie maritime et portuaire mais aussi du fait de la moindre présence physique et visible au sein de la ville des professionnels du portuaire. Cette déconnexion est en elle-même de nature à favoriser le développement de logiques indépendantes et la confrontation entre les logiques urbaines et portuaires, car de fait, le port marque encore la ville de son empreinte.
27Les enjeux relatifs à l’utilisation de l’espace portuaire ou industrialo-portuaire au sein des villes européennes sont probablement les plus facilement perceptibles, et les plus générateurs de conflits, déclarés ou potentiels. Bien que globalement déclinante sur ces lieux, une véritable activité portuaire, au sens de port de commerce, peut s’y maintenir à des degrés variés comme observable aujourd’hui de façon caricaturale entre la ville-port historique d’un fond d’estuaire et la ville-port de l’embouchure du même estuaire. Mais quelles que soient la configuration et l’ampleur de ce maintien portuaire, cela s’inscrit dans un processus de réintégration urbaine de ces espaces, amorcée dans les dernières décennies du siècle dernier. Dans cet esprit, la fonction portuaire de ville doit être en adéquation avec la recherche d’un cadre de vie urbain fait d’aménités. La zone portuaire doit alors s’inscrire dans une démarche d’amélioration paysagère, de réduction des nuisances, d’accessibilité (permanente ou dans le cadre d’événementiels) et de sécurisation pour les populations, tout en préservant les éléments d’efficacité indispensables à sa vocation économique.
28Au-delà de ce premier niveau d’adaptation, la confrontation des besoins et stratégies portuaires et urbaines peut aussi se traduire par une mutation des « fonctions portuaires ». Le port de commerce laisse alors place, partiellement ou totalement, à une vocation portuaire autre. Celle-ci peut être qualifiée de touristico-récréative et l’accueil, ou le souhait de pouvoir accueillir, des paquebots de croisière dans la plupart des grandes villes-ports européennes (telles Gênes, Nantes, Naples9...) s’inscrit pleinement dans cette logique. Le quai à paquebot est alors à la fois un lieu d’accueil et de débarquement, et un lieu de promenade des populations non croisiéristes. Cette fonctionnalité touristico-récréative est aussi présente, et ce quelle que soit la taille de la ville-port, dans les projets de réutilisation des bassins et quais au profit de la plaisance. Le petit port de Rochefort10 est sur ce point tout à fait symbolique de cette éventualité, l’enjeu étant ici d’autant plus fort au plan urbanistique que l’emprise portuaire actuelle est au cœur de la ville comme du linéaire urbain Rochefort-Tonnay... et que l’activité portuaire est jugée faible. Enfin, et sous une forme mixant la stratégie touristico-récréative et l’amélioration du cadre de vie urbain, la « fonction portuaire » peut être réduite à sa patrimonialisation, à coup de vieux-gréements ou de quelques navires emblématiques tels à Nantes le trois-mâts « Le Belem » ou bien le « Saint-Michel 2 », copie de celui de Jules Verne, à Rochefort « l’Hermione ».
29Dans son évolution extrême, l’arrêt de toutes vocations portuaires pose la question de la réutilisation de ces friches au sein des villes, thème largement traité notamment par toutes les agences d’urbanisme subissant ou souhaitant une telle configuration. Au début des années 1990, la création de l’Association Internationale Ville et Port (AIVP) ébauche la construction d’un réseau mondial de partages d’expériences en matière de reconquête de ces fronts d’eau. Là encore, les enjeux et tensions ont été et sont encore aujourd’hui extrêmement forts, accentués par l’incidence possible des erreurs stratégiques pour ces secteurs géographiques d’ampleurs et de situations privilégiées. Les confrontations sont liées à des éléments à la fois juridique et financier (la propriété des lieux, l’état des quais, le niveau de pollution du sol ou sous-sol, etc.), fonctionnelles et architecturaux (nouveaux usages, nouvelles constructions, mémoire des lieux, etc.), sociaux (espace public, population résidente, etc.). Le nouvel embourgeoisement des cœurs de ville touche tout particulièrement ces anciennes zones portuaires ou industrialo-portuaires, et le vocable de « gentrification » privilégié par les aménageurs français ne peut masquer la ségrégation socio-spatiale qui découle de cette mutation. Le terme désormais couramment utilisé de waterfront est ici symbolique de cette logique résolument urbanistique, soulignant la disparition localisée de la vocation « port de commerce » si ce n’est éventuellement par le maintien de ses seules fonctions directionnelles (Chaline, 1994 ; Baudoin, Collin, Prélorenzo, 1997).
30Par ailleurs, au-delà des seuls sites portuaires, les axes et les flux, dont les bonnes performances sont essentielles pour l’activité portuaire, constituent une autre famille d’enjeux et conflits alors même que la circulation, au centre comme en périphérie des villes, est un objet majeur de la gestion urbaine. Lorsque le port est encore fortement inséré dans le tissu urbain, les problèmes se concentrent sur les engorgements récurrents d’une part en front de mer ou d’estuaire et la difficulté de miser sur ces « voies sur berges » en termes de circulation urbaine, et d’autre part sur la gestion des flux de certaines entrées/sorties de villes. Une problématique pour partie similaire existe aussi lorsque, malgré l’éloignement des sites portuaires, les axes de desserte de ceux-ci traversent la ville. C’est encore fréquemment le cas pour le trafic ferroviaire, à l’image du port de Nantes – Saint-Nazaire dont les trains de marchandises passent en plein cœur de Nantes, pour partie en surface et pour partie dans un tunnel sous haute surveillance. S’ajoutent donc à la fois les nuisances liées à ce trafic de marchandises et les questions de sécurité, autant d’éléments qui entrent en dissonance avec la quête mentionnée précédemment d’un cadre de vie urbain qui vise à réduire ces facteurs négatifs. L’organisation héritée des réseaux de transport tout comme les contraintes liées aux caractéristiques du site urbano-portuaire (topographie, urbanisation, zones naturelles protégées) peuvent rendre difficile le développement d’axes périphériques et le report des trafics portuaires vers ceux-ci, tout comme cela questionne les responsabilités et l’engagement financier des différents partenaires (ville, port) dans la réalisation de nouvelles infrastructures. Lorsque cette circulation périphérique est possible, les problématiques sont parfois atténuées tout en étant décalées vers les marges urbaines. Enfin, pour certaines villes-ports du fait de leur configuration, la question des franchissements (d’estuaire par exemple) est souvent un objet central de confrontations. Si les franchissements favorisent la fluidité des liaisons terrestres, ils peuvent constituer un frein à la circulation sur les voies d’eau sauf à être conçu spécifiquement en tenant compte de cette particularité, le coût et la fonctionnalité de l’équipement n’étant alors pas de même nature.
31Bien que le port soit souvent un élément fort de l’image d’une ville, et que la communication des municipalités en joue fréquemment, les perceptions et attentes des différents acteurs peuvent être divergentes voire contradictoires. Au-delà des villes, les liens entre port et territoire suppose la gestion des conflits, en les anticipant – l’idéal théorique – ou bien en les régulant.
Les modes de gouvernances à l’épreuve des conflits portuaires
32Nous formulons l’hypothèse que les évolutions des modes de gouvernance observables dans les ports européens depuis quelques décennies sont étroitement interdépendantes des situations conflictuelles qui viennent d’être présentées. Le conflit se caractérise en effet par : (1) une mobilisation et une structuration des acteurs ; (2) une formalisation de la réflexion, des arguments et ce fréquemment dans une logique de projection dans un avenir plus ou moins proche ; (3) une confrontation, sous des formes variées, d’acteurs aux intérêts divergents qui de ce fait entendent les discours opposés, ne serait-ce que pour être en capacité d’annihiler l’argumentaire adverse ou bien de l’intégrer. Par là même, le conflit peut constituer une sorte de préambule mettant en lien, d’association ou d’opposition, des acteurs impliqués et informés, processus initial de nature à « faire bouger les lignes » des systèmes de gouvernance en place.
33Les réseaux socio-techniques qui se mettent en place à propos des objets de controverse, ne sont donc jamais donnés a priori, mais ils se construisent en fonction de la position des uns et des autres qui peut évoluer au fur et à mesure du déroulement de la controverse, avec des alliances parfois inédites. La configuration organisationnelle, qui résultera du règlement final de la controverse, ne reproduira donc pas forcément l’organisation initiale à l’identique. Le conflit est alors perçu, non seulement comme un moyen d’affirmation sociale, comme le pensait Max Weber, mais comme un carburant des mutations et de l’adaptabilité sociale.
34Les ports semblent un lieu intéressant pour suivre les controverses techniques, dans la mesure où ces lieux sont « imprégnés » de technologies et d’innovations en matière d’ingénierie, de logistique, d’informatique, etc. Les enjeux sociaux à propos de ces objets innovants paraissent passer en second plan. Remiser les enjeux sociaux au second plan est une posture qui permet la mise en mouvement de la controverse, l’issue de cette dernière n’étant pas prévisible à l’avance, en cheminant selon des rapports de force déjà construits, entre classes sociales, fonctions et métiers. Du reste, lorsque ces enjeux sociaux passent au premier plan, ils subissent une sorte de « délégitimation », qui les fait basculer dans la défense des « droits acquis » de telle ou telle corporation. Il en fut ainsi des dockers, face au chariot à fourche, puis au conteneur (Barzman, 2005).
35Au regard de ce binôme conflit/gouvernance, on peut admettre deux attitudes bien différentes. L’une, que l’on pourrait qualifier de classique, vise à considérer le conflit comme un phénomène perturbateur et foncièrement négatif, à éradiquer dans la mesure du possible, par neutralisation ou anticipation. Elle s’alimente pour l’essentiel par les modes de gouvernement verticaux qui « disent » la solution, sans réellement chercher à la « faire ». L’autre attitude admet le conflit, comme carburant d’une bonne gouvernance et justifie même pour certains l’existence d’un gouvernement portuaire (l’autorité), par le fait qu’il s’arroge le droit de parler au nom des divers acteurs particuliers du port, en raison d’une légitimité acquise par la médiation, la négociation contractuelle, la hauteur de vue, la mise en perspective, le désintéressement, toutes ces valeurs étant progressivement reconnues par tous, au profit de cette autorité qui a su les imposer par la discussion, la persuasion ou le bon sens. Comme l’écrit Jean-Pierre Gaudin (2002), « la nouvelle action publique... en appelle maintenant à une sorte de Sainte Trinité : agences de régulation, politiques contractuelles, forums de débat public. C’est-à-dire à une négociation explicite des normes, des partenariats sur projets et des modalités développées de concertation ». Autrement dit, la légitimité va dériver de la « traduction », terme développé par Michel Serres et repris par certains sociologues (Akrich, Callon, Latour, 2006), c’est-à-dire l’ensemble des intrigues, des actes de persuasion, des calculs, grâce à quoi un acteur se permet ou se fait attribuer l’autorité de parler ou d’agir au nom d’un autre acteur. « Vos intérêts sont les nôtres » dit le langage commun. « Or, dès qu’un acteur dit « nous », voici qu’il traduit d’autres acteurs en une seule volonté dont il devient l’âme et le porte-parole » (Akrich, Callon, Latour, op. cit.). Par conséquent, le gouvernement légitime va dériver d’une bonne gouvernance, et non l’inverse, comme pourraient le penser les adeptes des impulsions verticales et hiérarchiques.
36La première attitude cherchera à débattre avec les « initiés », ceux qui partagent les mêmes objectifs, même s’ils ne sont pas forcément d’accord avec les protocoles ou les moyens pour les atteindre, la crainte étant que le conflit transforme la complication supposée compréhensible en complexité ingouvernable ; la seconde aura plutôt tendance à associer le maximum d’acteurs, puisque la légitimité de la traduction viendra de la complexité illisible, transformée en complication intelligible.
37À des degrés très différents, tout spécialement aux extrêmes en fonction des deux attitudes précédemment exposées, l’analyse des transformations relatives à la gouvernance portuaire au travers du prisme des conflits fait clairement apparaître une constante : l’idée selon laquelle l’élargissement du cercle des parties prenantes impliquées serait le signe d’une « bonne » gouvernance. Cet élargissement mixte deux aspects qui se superposent pour partie au travers des acteurs ; organismes ou individus. Déjà amorcé avant les plus récentes réformes, ce processus semble aujourd’hui conforté.
38D’une part, cet élargissement se veut thématique ou fonctionnel. Dans cette logique, et sans nier l’existence de décideurs portuaires, la gouvernance portuaire est censée ne pouvoir se réduire à ceux-là. On va donc chercher à impliquer un plus grand nombre d’opérateurs portuaires, chefs d’entreprises privées et représentants de salariés des métiers portuaires, qu’ils siègent en leur nom ou par l’intermédiaire d’instances représentatives à l’image des unions maritimes en France ou bien sur le modèle d’associations localisées telles « AILE », Association des Industriels de Loire Estuaire, regroupant les six industriels majeurs de l’ensemble portuaire, dans l’exemple de Nantes – Saint-Nazaire. Cela constitue ce que nous pourrions qualifier de premier cercle, celui des acteurs qui vivent de façon presque exclusive par et pour le port. Cette « exclusivité » est toutefois à nuancer dans la mesure où un grand nombre d’opérateurs privés s’inscrivent dans des stratégies nationale ou mondiale, un port n’étant alors qu’une interface maritimo-terrestre parmi d’autres. Cette intégration, tout en restant dans le cercle des acteurs du maritime, peut aller au-delà des partenaires classiques des ports de commerce et industriels et opérateurs associés. Ainsi, dans le cas du port de Sète11, les conflits relatifs à la pêche maritime, se traduisant par des blocages de l’outil portuaire, ont participé de la création de l’Union maritime portuaire Sétoise en 2004, organisme regroupant aujourd’hui trente-sept entreprises et intégrant pleinement dans ses priorités les acteurs et problématiques de la pêche.
39Cette intégration vise aussi un cercle encore plus large d’acteurs que sont : (1) les collectivités territoriales, au sens politique et technico-administratif ; (2) les groupements de protection du patrimoine et surtout de l’environnement ; (3) les autres usagers des espaces portuaires ou limitrophes, voire (4) l’ensemble de la population locale dans certaines configurations12. Ce cercle élargi associe des acteurs de rôle et de poids extrêmement variés liés par cette particularité commune que l’activité et l’espace portuaires ne constituent qu’une partie de leur centre d’intérêt sauf cas particulier. En France, la réforme portuaire de 2008 valide cet élargissement au travers de la composition des conseils de chaque grand port maritime : le conseil de surveillance au sein duquel siège les principales collectivités locales ; le conseil de développement qui en plus de ces collectivités, voit siéger des représentants d’associations environnementales et des opérateurs économiques.
40D’autre part, cet élargissement se veut aussi géographique, à savoir que la gouvernance portuaire ne peut se réduire à l’espace utilisé directement par les activités portuaires et industrialo-portuaires, se réduire par exemple au périmètre des anciennes circonscriptions portuaires des ports autonomes français. Cet aspect a déjà été partiellement abordé ci-dessus pour l’échelle la plus fine dans la mesure où l’implication des collectivités, protecteurs ou usagers conduit le plus souvent à appréhender l’espace au-delà du seul « périmètre portuaire » pour s’inscrire dans des réflexions de niveau communal ou municipal. Mais au-delà de cette dimension micro-locale, cet élargissement conduit à intégrer des dimensions plus larges dont les niveaux varient suivant les pays : l’agglomération ou la métropole urbaine, dont la ou les municipalités partiellement « occupées » par le port ne sont qu’un élément ; la région ou la façade maritime au sein de laquelle plusieurs ports peuvent entrer en compétition ou complémentarité ; l’hinterland et son réseau de transports, élément vital de l’approvisionnement du port et de la desserte des marchandises et des personnes. La mise en place de coopérations portuaires symbolise cette volonté d’une gouvernance à une autre échelle territoriale, coopérations diversifiées à l’image de l’association MPC (Med Ports Community) associant six ports espagnols (Carthagène, Tarragone), français (Sète) et italiens (Livourne, Salerne, Bari), ou sous une forme plus officielle comme le conseil de coordination interportuaire de l’Atlantique qui regroupe les trois grands ports13 de la façade océanique française. Signalons que ce dernier cumule élargissement géographique et institutionnel dans la mesure où les régions ainsi que les trois agglomérations concernées siègent au sein dans cette instance.
41Les élargissements thématique/fonctionnel et géographique, signes admis d’une « bonne » gouvernance, se traduisent de fait par une démultiplication et une diversification des acteurs impliqués, à des degrés divers, dans la gestion portuaire. Tout l’art consiste donc à tenter de mettre en musique cette complexité nouvellement admise.
42En cela, et même si le recul est encore parfois faible pour cerner la réalité de certaines évolutions affichées, des indices laissent à penser que la transition est laborieuse. Acteur majeur historique en France, Italie et Espagne14, l’État bien que mis à mal par les évolutions récentes, maintient aujourd’hui encore son implication et sa propre stratégie tout au moins vis-à-vis des principales places portuaires, jugées d’intérêt national, ce qui n’est pas sans incidence sur la mise en œuvre réelle de nouveaux modes de gouvernance. Ainsi en Italie, la réforme de 1994 semble porter ses fruits au sens où localement, l’autorité portuaire parvient à se positionner dans son rôle de médiateur-développeur aux contacts des différentes parties prenantes du port comme des territoires liés. L’exemple de Livourne, montre ainsi comment celle-ci cherche à se placer dans une position centrale consensuelle afin d’asseoir sa mission d’animation territoriale, l’opération Porto Aperto étant en cela tout à fait caractéristique. Pour autant, pour Livourne comme lors de l’analyse des autres places portuaires italiennes, il ressort clairement que le processus d’autonomie est perçu localement comme inachevé, que le contrôle exercé par l’État bride l’émergence de stratégies et d’actions propres aux différentes places portuaires. Partant d’une intention similaire sur ce point, la réforme française de 2008 affiche une volonté de rupture entre État et autorités portuaires des anciens ports autonomes, terme ici extrêmement ambigu au regard de la thématique de gouvernance. À charge dans chaque port pour le nouveau directoire et ses conseils d’établir ses propres stratégies tout en se posant davantage que par le passé comme aménageur du territoire dans toutes ses composantes, y compris bien sûr environnementale. Pour autant, dès mars 2009, le secrétaire d’État aux transports rejette le plan stratégique validé par le conseil de surveillance du port de Nantes – Saint-Nazaire et demande la démission de son directeur, sous l’argument de non compatibilité avec l’esprit libéral de la réforme. Le décalage constaté entre affichage et réalité dépasse les seuls liens État/port, et l’action des conseils interportuaires instaurés par cette même loi de 2008 semble pour l’instant assez ténue. Il n’est alors pas surprenant de voir le rapport de Charles Revet au Sénat (2011) soulever de nouveau ce sujet dans son titre III, en appelant à « Élaborer une stratégie nationale ambitieuse, donnant la priorité aux collectivités territoriales réunies dans des structures cohérentes pour chaque façade maritime », cela afin de contribuer à la relance des ports français.
43Plus largement, les évolutions observées des modes de gouvernance affichent des objectifs et des ambiguïtés somme toute assez communes. La motivation initiale théorique part du postulat qu’une large participation des acteurs favorise la construction collective d’un projet, et par là-même son assimilation et plus encore l’implication de chacun dans sa mise en œuvre. Plus prosaïquement, cette participation lie aussi les acteurs qui de ce fait peuvent moins aisément s’inscrire dans un positionnement conflictuel. Le conflit est alors supposé anticipé, régulé dans le cadre de ces démarches concertées. Pour autant, le pouvoir de débattre, de se confronter, de s’accorder, n’est pas nécessairement celui de décider. En la matière, l’intervention du ministère dans la gouvernance du port de Nantes – Saint-Nazaire en 2009 a eu le mérite de rappeler de façon claire où était le lieu décisionnel. Par ailleurs, la co-construction n’est parfois que fictive et celle-ci n’est que l’habillage d’une communication efficace visant à obtenir l’acceptation sociale. Le vocabulaire utilisé pour la présentation du projet Port Center de Livourne est assez significatif de ce mixte action-communication en direction de la population : « initiatives citoyennes », « démarche bottom-up », etc. Enfin, la multiplication des instances de concertation, en fonction des acteurs concernés et des échelles, peut être à la fois chronophage et d’une faible efficacité. Cette situation nécessite alors d’affiner l’analyse localisée, à l’image de ce que développe A. Nicolas dans son étude de cas sur la communauté portuaire nanto-nazairienne15. Ce particularisme local est aussi pointé d’une certaine façon dans le rapport Revet (2011) qui suggère de « modifier immédiatement et au cas par cas le statut des grands ports maritimes ». Les situations constatées et les évolutions engagées, jusqu’à la lourdeur du processus et aux blocages décisionnels affichent de grandes similitudes avec ce qu’on observe plus largement en matière de mutations des modes de gestion territoriale, et pour s’approcher au plus près du contexte portuaire, ce qu’on observe en matière de gestion urbaine d’une part, et d’autre part en matière de gestion des littoraux. Ainsi, la « gestion intégrée des zones côtières » pourrait être dans sa conception, ses flous et ses tâtonnements mise en résonance avec ces tentatives non dites de « gestion intégrée des espaces portuaires ».
Conclusion
44Au total, il apparaît que les ports sont d’excellents sujets d’investigation pour les sciences humaines, sociales et politiques, tant les conflits sociaux, sociétaux et spatiaux y sont nombreux et variés. La recherche permanente d’efficacité et d’efficience de l’outil portuaire y est pour beaucoup, mais pas seulement. En effet, le port, à la différence d’autres plates-formes d’échanges ou de nœuds de circulation, est chargé d’enjeux, touchant bien sûr à son animation fonctionnelle ou aux projets d’affectation ou d’extension des espaces qui lui sont alloués, mais aussi aux charges affectives et identitaires qu’il véhicule et qui ne s’expliquent qu’en référence à la durée historique de ses enracinements territoriaux. Si l’on accepte de se limiter à l’assiette spatiale sur laquelle le port imprime sa marque et au corps social dans lequel il infuse directement, sans tenir compte du potentiel de confrontation observable à plus petite échelle, nous avons déjà la possibilité de faire apparaître une véritable taxinomie des familles de conflits, dans un jeu à trois bandes entre les fonctions, le port et la ville encadrante (fig. 5).

Figure 5 : Une taxinomie des familles de conflits.
45La typicité des conflits peut s’observer en couples singuliers, touchant des catégories d’acteurs spécifiques, avec des origines et des objectifs qui leur sont propres, selon des pas de temps et des scénarios qui peuvent varier très fortement d’un type de conflit à un autre. Par exemple, les conflits liés à la valorisation des métiers, sur le plan fonctionnel, sont à mettre en comparaison avec les conflits liés à l’organisation de ces mêmes métiers. On ne saurait toutefois écarter toute interférence avec des questions spatiales ou identitaires. L’organisation des métiers interagit directement sur les questions de planification spatiale, alors que ces dernières ne concernent pas les mêmes acteurs, la planification étant du ressort des autorités portuaires, l’organisation des métiers dépendant plutôt du monde de l’entreprise. On pourrait en dire autant des conflits de valorisation des métiers, l’image que la ville se fait de son port dépendant de la perception des métiers portuaires dans les catégories sociales de la population urbaine. Il résulte de ces constats d’évidence que des alliances objectives peuvent se tisser entre des catégories d’acteurs qui, au départ, n’avaient aucune vocation à s’entendre. Des argumentaires peuvent se « coloriser » ou s’édulcorer au contact d’acteurs du « voisinage sociétal », pour arriver à des résultats dont la cible était au départ nettement plus catégorielle ou corporatiste. Le cheminement inverse peut également s’envisager, les alliances objectives permettant de faire éclore des scénarios inimaginables au départ, le conflit laissant une large part à l’improvisation productive.
46Les processus conflictuels relatifs aux ports européens tout comme les tensions et évolutions qui en découlent en termes de gouvernance, en interne aux fonctions et communautés portuaires ou bien dans un cadre socio-spatial élargi, ne se déroulent pas dans un huis-clos déconnecté des influences externes mais sont même davantage sous certains aspects les symboles de mouvements sporadiques et conjoncturels ou bien de mutations plus profondes des sociétés qui mixent de façon contradictoire transformations économiques, néo-libéralisme, remise en cause du rôle de la puissance publique, aspirations sociétales, etc. Pour autant, dans cette combinaison qui dépasse la question portuaire, celle-ci présente des particularités fortes qui freinent ou altèrent les processus engagés. C’est donc bien un système fondamentalement conflictuel qu’il faut parvenir à gérer de façon concomitante à la fois dans ses dimensions internes (le port) et externes (les territoires). Les ports n’ont donc pas fini d’enchanter les observateurs ou de désespérer les gestionnaires !
Notes de bas de page
1 Voir le chapitre « La performance des systèmes portuaires » de C. Bagoulla, R. Lacoste, S. Abbes.
2 Voir le chapitre « L’État, “entrepreneur portuaire” » de J. Guillaume.
3 Voir le chapitre « La notion de communauté portuaire » d’É. Foulquier et S. Maugeri.
4 Voir l’étude de cas « 1993, l’an 01 pour la communauté portuaire de Nantes – Saint-Nazaire ? » de C. Patillon et M. Noyer.
5 Voir l’étude de cas « Remorquage, lamanage et pilotage. Les professions portuaires dans la modernité européenne » de P. Chaumette.
6 Voir l’étude de cas « Le principe d’intégration sociale du port de Livourne » de F. Morucci.
7 Le port de Nantes – Saint-Nazaire est l’un des ports étudiés dans le cadre du projet de recherche ANR GeCOPe.
8 Voir l’étude de cas « Vigo, du conflit institutionnel à l’institutionnalisation du conflit » d’É. Foulquier et M. Ortiz.
9 Gênes et Naples en Italie ont également fait l’objet d’une étude dans le cadre du projet ANR GeCOPe.
10 Le port de Rochefort, en Charente-Maritime (France), a également été étudié dans le cadre du projet ANR GeCOPe.
11 Le port de Sète a également fait l’objet d’entretiens dans le cadre du projet ANR GeCOPe.
12 Voir l’étude de cas « Le principe d’intégration sociale du port de Livourne » de F. Morucci.
13 Nantes – Saint-Nazaire, La Rochelle et Bordeaux.
14 Ces trois pays ont été analysés dans le cadre du projet ANR GeCOPe.
15 Voir l’étude de cas « Nantes – Saint-Nazaire : une improbable communauté portuaire » d’A. Nicolas.
Auteurs
Professeur des Universités Émérite en géographie, UMR 6554 CNRS LETG Littoral, Environnement, Télédétection, Géomatique – Nantes Géolittomer, IGARUN & FR 3473 CNRS IUML Institut Universitaire Mer et Littoral, Université de Nantes
Maître de conférences en géographie, UMR 6554 CNRS LETG Littoral, Environnement, Télédétection, Géomatique – Nantes Géolittomer, IGARUN & FR 3473 CNRS IUML Institut Universitaire Mer et Littoral, Université de Nantes
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