Avant-propos
p. 304
Texte intégral
1Cournot, comme Dupuit, fait partie des rares auteurs considérés comme des pionniers pour la formalisation mathématique en économie et la théorie des prix. Mais alors que Dupuit a toujours considéré que les progrès de la science économique étaient inséparables de ceux de la formalisation, on constate chez Cournot une sorte de retour en arrière puisqu’il a renoncé au style mathématique au bénéfice du style littéraire. Dans un premier article, François Vatin essaie de comprendre pourquoi.
2Pour l’auteur, cette conversion à contre-courant est difficile à expliquer : refus de se laisser embrigader pour un combat mené par Léon Walras, problème physique très concret dû à une déficience oculaire, conscience de ses propres limitations en mathématiques ? Tout cela est peu convaincant. En fait, en schématisant, pour François Vatin, le changement de style de Cournot va de pair avec une réflexion de nature épistémologique sur le statut de l’économie par rapport aux autres sciences physiques et sociales et s’explique par une téléologie. Passés les enthousiasmes de la jeunesse, Cournot aurait mûri et en serait arrivé à la conclusion selon laquelle l’épaisseur du social, prise dans l’histoire et les particularités nationales, ne saurait être réduite aux abstractions et à la démarche hypothético-déductive des mathématiques, du moins dans cette phase intermédiaire de l’histoire de la civilisation en marche vers l’ère de la raison. Dans cette perspective, ses Recherches sur les principes mathématiques de la théorie des richesses seraient, au sens strict, un roman de science-fiction.
3Les deux derniers articles sont consacrés à Jules Dupuit. Là aussi la question des prix est posée mais d’une façon beaucoup plus pragmatique. L’apport de l’article d’Arnaud Diemer est de montrer, à partir de nombreux exemples issus des écrits de Dupuit, qu’il peut être considéré comme un des premiers auteurs à s’être intéressé au problème de la discrimination par les prix. Mises à part les questions traditionnelles de la mesure de l’utilité et de la signification de la notion de surplus, tout l’article va dans le même sens : à partir du moment où un vendeur est en position de fixer le prix, la règle de gestion optimale consiste d’abord à s’inspirer des pratiques effectives observées sur les marchés, caractérisées par la « ruse » et « l’art » des commerçants. Le lecteur pourra juger de l’actualité de ses recommandations, mais tout ceci laisse entier le problème des sources du calcul économique.
4Cette question, abordée par Bernard Grall, avait fait l’objet de nombreuses discussions au Centre Walras avant la disparition tragique de Bernard. Bien que tous les exemples soient tirés des écrits de Dupuit, l’article va beaucoup plus loin qu’un simple commentaire, même éclairé. Bernard Grall, en expliquant et en développant la notion de « substitution », nous invite en fait à assister aux premières moutures du calcul économique.
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