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Les traditions économiques françaises

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Pierre Dockès
, 
Ludovic Frobert
, 
Gérard Klotz
, 
et al.

Première partie. Questions de méthode

La tradition éclectique dans la pensée économique française : Paul Cauwès entre individualisme et socialisme

Didier Taverne

Texte intégral

1L’éclectisme n’a assurément pas bonne presse tant on l’assimile à un fourretout. Il n’y a pour s’en convaincre qu’à ouvrir l’ Encyclopédie Universelle, à la rubrique Victor Cousin. Sa pensée y apparaît comme dénuée d’intérêt, peu cohérente. Ce jugement valant explication. On comprend mal comment cet auteur et homme politique a pu obtenir de si puissants appuis, dont celui de Hegel, faut-il le rappeler.

2Cette situation n’est pas nouvelle puisque tout au long du xixe siècle, l’éclectisme fut attaqué de toutes parts. Cela n’exclut en rien le fait qu’il s’agit d’un courant philosophique assez novateur dans sa démarche et qu’il aura une influence certaine, sous la Monarchie de Juillet bien sûr, mais, peut-être devrait-on dire surtout, à la fin du siècle, lorsque la république devra s’inventer une philosophie.

  • 1 Nous nous référerons à son « Cours d’économie politique », Larose et Forcel, 1893, qui est la trois (...)
  • 2 Voir « P. Cauwès, 1843-1917, un nationaliste pour l’État régulateur » de A. Gélédan in L’Économie p (...)

3Certains économistes également, en cette fin de siècle, se référeront explicitement à l’éclectisme. Parmi ceux-ci, P. Cauwès1 est peut-être celui qui s’en réclamera le plus explicitement. Nous voudrions montrer quelles incidences cette référence eut sur ses démonstrations. Il faut pour cela déconstruire une certaine image de cet auteur que l’on classe parmi les suppôts de l’intervention de l’État, économiste « au service du gouvernement » a-t-on écrit2. Ce classement est, nous semble-t-il, trop rapide. Il occulte une réflexion précieuse sur la méthode et l’objet des sciences sociales, sur les relations entre l’économie et la justice notamment et sur le rôle de l’État et des groupes sociaux dans l’économie. Au contraire des conceptions doctrinales orthodoxes des libéraux conservateurs, Cauwès invite à aménager un libéralisme concret, pragmatique, assis sur une « raison pratique », en cette fin de siècle dominée par la question sociale.

L’élclectisme, de V. Cousin à P. Cauwès

Les fondements philosophiques de l’éclectisme

  • 3 V. Cousin, Manuel de l’histoire de la philosophie, traduit de l’allemand de Tenneman, deux tomes, A (...)

4Il ne s’agit pas ici de discuter au fond de l’éclectisme mais de rappeler les choix que cette philosophie illustre. Pour cela, on peut s’en remettre à son principal représentant : Victor Cousin. Il présente dans sa préface à la traduction de l’histoire de la philosophie3, plusieurs voies qui constituent selon lui autant d’impasses sinon de retours en arrière pour la philosophie.

5Le retour en arrière serait d’en revenir au joug de la théocratie, comme si une rupture essentielle n’avait pas été consommée au xviie siècle. Les impasses sont constituées par la prétention des philosophies modernes à expliquer l’intégralité des connaissances humaines ou la totalité de l’intelligence humaine. Avec d’un côté le sensualisme de Locke qui eut d’importants épigones en France et, d’un autre, les spiritualistes cartésiens qui côtoient encore les kantiens. La première voie conduit au matérialisme et à l’athéisme alors que la seconde, reposant sur le doute mène tout droit au scepticisme. Quant à la troisième voie, elle est peu claire au plan de l’ontologie, trop enfermée dans sa psychologie.

  • 4 P. Rosanvallon, Le Moment Guizot, Gallimard, 1985.

6Pourtant, dans l’un et l’autre des « systèmes », il y a nécessairement « du vrai et du bon », puisqu’ils sont des produits de l’esprit humain. La tâche du philosophe vue par V. Cousin n’est donc pas d’en détruire un au profit de l’autre mais de dégager « la portion immortelle de vérité que chacun d’eux renferme ». P. Rosanvallon4 a bien montré les implications politiques de cette conception qui mène à une conception très particulière de la représentation politique : dans sa recherche de la vérité, elle ouvre la porte à la « dispute » c’est-à-dire, en grossissant le trait, à une éthique de la discussion rationnelle.

  • 5 V. Cousin, op cit., préface, p. xiij.

7On peut donc énoncer très simplement les fondements de l’éclectisme : « Cette prétention de ne repousser aucun système et de n’en accepter aucun en entier, de négliger ceci, de prendre cela, de choisir dans tout ce qui paraît vrai et bon, et par conséquent durable, d’un seul mot, c’est l’éclectisme5. »

Éclectisme fin de siècle

  • 6 J. Rambaud, Histoire des doctrines économiques, J. Larose, Paris, 1899.
  • 7 Th. Funck-Brentano, Nouveau précis d’économie politique, Plon, Nourrit, Paris, 1887.
  • 8 Ibid., p. 13.

8Dans le monde économique, on n’a pas une idée bien précise de ce qu’est l’éclectisme quoiqu’elle forme un référent assez général et assez péjoratif. Ainsi J. Rambaud6, dans un chapitre consacré à « l’éclectisme libéral », range sous cette bannière des auteurs comme Courcelle-Seneuil pour ses travaux sur le crédit et les banques, Molinari « malthusien doctrinaire et ardent partisan des théories libre-échangistes », Léon Say « qui s’est illustré pour son œuvre financière », Y. Guyot, « auteur de bonnes publications contre les collectivistes ». Le point commun à tous, selon Rambaud, est leur appartenance délibérée à « l’école libre-échangiste, sans aucun tempérament ». On comprend moins comment peut encore figurer dans cette liste P. Leroy Beaulieu « esprit modéré et libéral, éclectique plutôt que doctrinaire », Th. Funck-Brentano, préfère – plus classiquement – parler d’éclectisme à propos de Schaeffer et Wagner qui « se distinguèrent par leur éclectisme en s’efforçant de prendre à chacune des grandes écoles ce que leur doctrine paraissait renfermer de plus pratique7 ». Immédiatement après vient le jugement : l’éclectisme est une négation de la science car on ne peut concilier les ambitions contraires : « Entre le principe de liberté du travailleur et celui de sa soumission à quelque titre que ce soit, il n’y a point de conciliation possible8. » On doit préciser, cet auteur étant assez peu connu, qu’il enseignait comme professeur à l’École libre des sciences politiques, qu’il se rattachait à une conception organique de « l’état social » et qu’il recherchait, naturellement, des lois à caractère absolu.

  • 9 Journal des économistes, mai 1878, p. 329.
  • 10 L. Le Van-Lemesle, « De la Société d’économie politique aux facultés de droit : caractères et parad (...)

9C’est d’ailleurs à ce titre que l’éclectisme va être attaqué, quelquefois sauvagement. On connaît bien la position de Courcelle-Seneuil9 pour qui les thèses développées par Cauwès sont anti économiques et anti scientifiques. Pour comprendre ce débat souvent fort virulent, il faut rappeler quelques éléments importants du contexte. D’une part, il y a un raidissement des « libéraux » qui n’acceptent pas que les lois économiques puissent être mises en doute. D’autant plus que cette remise en cause vient de « non-économistes » à leurs yeux. Alors qu’une censure très forte avait pu être maintenue jusque-là, ils voient l’économie politique leur échapper dans cette période d’institutionnalisation de l’économie politique10. Enfin, troisième élément d’importance, ces « libéraux », dont un bon nombre sont ultra-conservateurs au plan social et politique, envisagent d’un très mauvais œil la politique menée par les républicains, auxquels certains auteurs, dont Cauwès, apportent des arguments de poids, notamment en matière sociale.

L’éclectisme de Paul Cauwès

10On accordera aisément à ces critiques que les ambitions théoriques de Cauwès sont somme toute assez limitées. On peut dire qu’il adopte un profil épistémique bas ou encore que ce n’est pas, ainsi d’ailleurs qu’un bon nombre d’économistes français du xixe siècle, un théoricien – voir le jugement sévère de Schumpeter. Son objet réel est bien plutôt de montrer les liens nécessaires de l’économique et du politique et sur cette analyse, de construire des interventions pratiques et rationnelles. En quelque sorte, on a le sentiment à la lecture de Cauwès que la théorie économique telle qu’elle s’englue dans des débats abscons en cette fin de siècle, aux antipodes d’une position réaliste, est vaine car incapable de porter un jugement correct et de définir une ligne d’action efficace sur tous les grands problèmes, notamment sociaux, qui affectent la société française. Pour lui, les diverses écoles économiques individualistes sont avant tout « doctrinaires et contraires aux nécessités pratiques ». Ce sont ces nécessités pratiques qu’il met au premier plan de sa conception de l’économie.

11Ce qui conduit Cauwès, fidèle à la méthode éclectique dont il se réclame explicitement, à critiquer l’ensemble des économistes sur trois points fondamentaux, fortement articulés entre eux.

12Au plan de l’analyse sociale, il s’oppose à l’économie anglaise qui distingue intérêt particulier et intérêt général, ce qui mène selon lui au socialisme. Pour lui, et sur ce point il est proche de Bastiat, il n’y a pas d’antagonisme social qui serait fondamental car naturel ; mais il ne peut retenir la position « optimiste » de Bastiat qui est contraire à la moindre observation de la réalité sociale ; celle-ci montre la relativité des faits, la diversité des sociétés et surtout les effets des intérêts particuliers, laissés à eux-mêmes, qui ne mènent pas à la justice mais au contraire au chaos. Retenir cette naturalisation des comportements revient de fait à annihiler la moralité et à légitimer la lutte permanente des hommes entre eux, à accepter l’anarchie croissante et le socialisme, ce que refuse catégoriquement Cauwès.

  • 11 P. Cauwès, op cit., vol. I, p. 52-53.

13D’une manière plus générale, Cauwès réfute les économistes individualistes qui posent que ce sont les forces du marché, c’est-à-dire les individus qui produisent l’évolution. Au contraire là encore, si les individus sont atomisés et placés ainsi en situation de lutte, on ne peut que s’attendre à des débordements. Au final, « cette délimitation entre l’autorité et la liberté est une des questions fondamentales de la science sociale. Deux solutions extrêmes doivent être écartées : l’une le laisser-faire... l’autre le socialisme. La vérité se trouve dans une doctrine éclectique11... »

  • 12 A. Cherbuliez, Précis de la science économique, tome 1, p. 7.

14Au plan de l’objet de la science économique, il rejette dos à dos catallactique (science de l’échange) et chrématistique (science des richesses) car elles oublient toutes deux que l’économie n’a pas seulement un objet mais qu’elle a aussi un but. Cherbuliez qui avançait que la science économique « existerait encore et ne changerait pas d’objet si les richesses, au lieu de contribuer au bien-être, n’y entraient pour rien du tout, pourvu qu’elles continuassent d’être produites, de circuler et de se distribuer12 » est en ligne de mire. Tout comme Say car, selon Cauwès, le plus important dans l’économie ne saurait être la richesse. Prendre pour point de départ la production de richesse, qui devient donc une fin en soi, c’est aliéner l’homme à l’efficacité, à un type d’organisation le plus productif possible, en niant donc sa liberté.

15Au plan de la méthode, il rejette encore en bloc, quoiqu’ayant opéré entre eux des distinctions, le courant utilitariste et le darwinisme, (représentés par Bentham et J.S. Mill, de même que Spencer, Bagehot, Huxley et Fouillé ou encore leurs précurseurs, Cabanis et Gall), au titre que dans ces conceptions, les sciences sociales ne sont qu’une biologie, ne sont plus régies que par les lois de la matière. Dans ce cas, il n’y a plus de libre arbitre puisque l’homme est soumis à des lois physiques. On ne peut donc faire de parallèle entre structure du corps humain et structure sociale. Au mieux y a-t-il analogie entre les deux mais elle ne doit pas être confondue avec la réalité.

16Cela l’éloigne encore d’Auguste Comte qui, avec sa loi des trois états, réintroduit une évolution nécessaire. Y. Guyot, Littré, Courcelle-Seneuil et Say, Rossi et Turgeon dans une moindre mesure, rentrent dans cette catégorie car ils mettent en avant des lois scientifiques inéluctables auxquelles les pratiques doivent se plier.

17On ne peut retenir davantage la métaphysique (Guyau et Fouillé) représentée dans le champ économique d’une part, par la métaphysique mathématique développée par Cournot, Wolkoff, Walras, levons, Lardner qui réduisent eux aussi l’économie à la science des choses, dans l’esprit du xviiie siècle ; d’autre part par une économie métaphysique-déductive, qui est représentée par Ricardo, Malthus, J.S. Mill, Bastiat et Menger, qui subsume l’homme à des lois normatives. S’appuyant sur List, il repousse l’idée rationaliste d’une économie politique universelle. En bref, la méthode déductive comme la méthode mathématique doit être évitée.

18Pour autant, on ne peut accepter les préceptes de l’École historique. Ce courant s’opposait à deux principes clefs de l’économie politique, à savoir la constante des lois économiques et l’antériorité logique de la société sur l’État qui commande à ce dernier de laisser les hommes vivre et produire pour eux-mêmes en laissant les lois économiques s’appliquer pleinement.

L’apport de l’analyse éclectique

19Autant la déconstruction des théories économiques est aisée et somme toute assez banale à cette époque où les contradictions entre les différentes écoles ouvrent une large voie à la critique, autant la « reconstruction » est beaucoup plus problématique car elle ne peut emprunter uniquement à l’économie, mais renvoie nécessairement au politique, aux questions d’organisation, en même temps qu’il s’agit de définir un certain nombre de lois économiques telles que l’intervention publique soit limitée. Cela conduit d’une part à une réflexion sur le rôle de l’État non pas tel qu’il devrait être si... mais dans la société concrète et complexe qui est celle de cette fin de siècle ; d’autre part, à une réflexion sur l’objet de la science économique.

Objet et méthode de la science économique

20Pour Cauwès, le sujet de la science économique, c’est l’homme et la société, d’une part, la répartition plus que la production d’autre part. Sur ce dernier point, il est proche de Gide qui, dans l’introduction de son cours, remarquait que très souvent les économistes évacuaient la question de la consommation alors qu’elle forme à ses yeux une partie essentielle de l’économie. Cette conception de l’économie en fait, selon Cauwès, une science morale. En effet, la vie économique étant faite de contrats, elle renvoie immédiatement à leur substrat, soit à la liberté et à la volonté, donc à des données morales. La vie économique est soumise d’emblée à la loi de l’équité et, à défaut, la loi positive intervient et sanctionne. Outre le fait qu’il s’agit avant tout pour cet auteur de former des administrateurs, on voit bien pourquoi droit et économie sont, dans son esprit, fortement liés.

21Que l’économie politique soit la science de l’utile, Cauwès ne le met pas en doute mais il remarque aussitôt que tout ce qui est utile n’est pas juste et c’est justement du côté de la justice que doit être pensée l’économie. L’économie dans cette conception, n’a pas seulement un objet, elle a également un but et, à ses détracteurs, Cauwès fait remarquer que définir l’économie comme la science de l’utile c’est bien (et déjà) lui donner un but : l’utile. La référence à Smith est bienvenue car non seulement celui-ci avait posé lui aussi le problème moral mais encore, dans sa logique de justification, il avait posé un but dépassant les actions individuelles, (même) poursuivi inconsciemment : l’accroissement du bien-être général.

22La définition qu’il donne de la justice est assez classique : pour que la justice commutative soit respectée, les deux parties doivent recevoir l’équivalent de ce qu’elles donnent et sur le plan distributif (social), on admet l’échange tant que les uns ne s’enrichissent pas au détriment des autres. Cela suppose une conception particulière du prix (non lié à la rareté) et de la valeur, telle que l’échange porte sur la peine épargnée.

  • 13 L. Wolowski, Introduction aux principes d’économie politique de Roscher, p. LV.

23Le libre arbitre, la liberté individuelle ont donc une place essentielle dans la réflexion de Cauwès qui, à ce propos, cite assez volontiers Wolowski : « Les déductions abstraites de la science pure... traitent l’homme beaucoup plus comme une force matérielle que comme une force morale. En contact avec les procédés rigoureux de la spéculation mathématique, l’homme devient une constante pour tous les temps et pour tous les pays, tandis qu’en réalité, il est une variable13 ». Cette liberté implique donc, d’une part, que les politiques économiques menées dans les différents pays ne peuvent être automatiquement les mêmes ; d’autre part, que la relativité des faits, d’une société à l’autre rend les sciences sociales plus complexes (en accord avec Spencer) que les sciences exactes, ce qui requiert une étude partant des faits simples, à partir desquels on généralisera. La méthode est ici historique et fondée sur l’observation.

  • 14 V. Cousin, op cit., p. XVIJ.
  • 15 On verra à ce propos de D. Gil, Alain : le Matérialisme ou la République, Paris, Ed Méridiens Klinc (...)

24À ce propos, on doit faire une remarque. La méthode historique allemande eut sans aucun doute de l’influence sur la pensée de Cauwès mais on ne doit pas oublier que l’éclectisme est une méthode historique par nature. V. Cousin, à propos de la philosophie, était très explicite : « Si cette philosophie doit être éclectique, elle doit s’appuyer sur l’histoire de la philosophie14. » D’autre part, la première moitié du xixe siècle avait vu la multiplication des études nationales ou régionales qui se donnaient comme but de rechercher les constantes, les lois opérant dans le développement de la France. Ces monographies historiques menées par de très nombreuses sociétés savantes répondaient à des finalités diverses. En cette fin de siècle, trouver les lois, les constantes de telle sorte que la politique adoptée soit adaptée aux réalités est toujours de mise mais il s’agit plus encore d’éviter la soumission du politique au matérialisme. C’est ainsi que l’on nomme tout ce qui, de près ou de loin ressemble à l’empirisme et au sensualisme, qui font à l’époque figure d’ennemis numéro un15.

  • 16 C. Gide, Cours d’économie politique, p. 23 de la 5e éd., Sirey, 1919.

25Cela implique, pour Cauwès comme pour Gide d’ailleurs, que la méthode préconisée doit impérativement éviter les « a priori », comme l’observation pure. Pour Gide, il faut observer les faits sans idées préconçues et surtout les faits les plus signifiants, imaginer une explication générale, formuler une hypothèse dont on vérifie le bien-fondé par l’expérience ou l’observation conduite d’une façon spéciale16. La méthode doit donc pour reprendre les termes de Cauwès, combiner induction et déduction. Partant de l’observation menée de manière particulière, on induit des principes dont on déduit des conséquences que l’on soumet au contrôle de l’observation. Mais il n’est pas question pour Cauwès, on l’a vu, et contrairement à ce qu’avance Gide, de tomber dans les errances de l’École historique ou de cumuler, comme le fait l’école de Le Play, les monographies décousues. Dire qu’il existe une grande diversité des comportements et des sociétés, poser la relativité historique ne signifie pas qu’aucune loi n’existe. Simplement aucune loi de type naturelle ou biologique ne prescrit le comportement humain (en accord avec Carrau), pas plus que les lois « a priori » des économistes métaphysiciens de l’école anglaise ne rendent compte de manière sérieuse de ce comportement.

26Poser la liberté de l’homme comme fait premier et fondamental ne signifie en rien que les actions humaines ne puissent être analysées scientifiquement. Pour preuve, il y a progrès. Mais ce progrès n’est pas un ordre nécessaire. Il n’y a progrès que parce que l’homme est un être moral, mû par sa volonté. Cette conception a trois conséquences majeures.

27La première est une exigence accrue de Justice. En effet, les conquêtes du droit naturel rationnel orientent les sociétés vers le progrès. Progrès matériel mais aussi progrès moral.

28La seconde conséquence en est, ainsi que Comte l’avait proposé, que l’économiste peut analyser les éléments de la statique et de la dynamique sociale. La liberté contractuelle, la propriété privée et l’initiative individuelle sont autant d’éléments progressifs alors que la coopération et la répartition forment l’élément immuable. Il y a donc bien une loi économique universelle, faite de sociabilité naturelle et de coopération, correspondant à la recherche du bien-être et au travail qui permet la satisfaction des besoins. C’est d’ailleurs selon Cauwès le « thème des enseignements économiques » que cette « combinaison sociale » liant besoin, travail et jouissance. On voit là encore l’intérêt d’insister sur la répartition puisqu’elle permet la jouissance et qu’elle correspond à la loi universelle de coopération. Avec la liberté individuelle, elles forment les deux idéaux types dont la société française doit se rapprocher.

  • 17 P. Cauwès, op. cit., vol. I, p. 13.

29Enfin, en tant qu’être moral, le comportement humain est probabilisable. Ne le serait-il pas tant que pèsent sur son comportement la raison, la tradition, l’imitation (accord avec Tarde). « Il en est sous ce rapport des lois économiques comme des lois physiques ; nous agissons à nos risques et périls lorsque nous nous en écartons et, ce faisant, nous mettons les probabilités contre nous. Les lois économiques existent parce qu’elles sont l’expression d’un ordre latent17. » L’intérêt personnel est ici le moteur, qui pousse l’ensemble des individus à respecter l’ordre économique, c’est-à-dire les probabilités.

  • 18 J. Locke, Draft A, Première esquisse de l’essai philosophique concernant l’entendement humain, 1671 (...)

30Cette idée d’un ordre latent, d’un monde probabilisable, n’est pas nouvelle. Loin s’en faut. Elle est posée on ne peut plus clairement par Locke mais la réponse qu’il apportait aux conditions d’observance de ces lois de probabilité était brutale : « La majeure partie de l’humanité, absorbée par le travail, enchaînée aux nécessités de sa basse condition... ne peut donner son assentiment à des probabilités qui sont si proches de leur vue qu’il leur suffirait seulement de diriger les yeux du bon côté18. » C’était alors nier aux ouvriers la possibilité de se comporter rationnellement et cela ouvrait la voie au pouvoir « notabiliaire ». A. Smith n’est pas très éloigné de cette position. Si l’époque qu’il décrit dans la Théorie des sentiments moraux n’est plus au scepticisme ou au fatalisme mais au contraire au respect des probabilités, les ouvriers risquent fort selon lui d’être trompés. Pour cette raison, la logique de l’enfermement corporatiste l’emporte qui, restreignant le cadre d’expérience, permet une meilleure appréciation des risques et une meilleure modélisation du comportement.

31Cauwès rompt avec cette approche car la réponse qu’il apporte à la question de la réalisation de l’ordre emprunte une voie beaucoup plus libérale. Pour que l’ordre, de latent devienne réel, plusieurs conditions sont requises, relatives au degré de connaissance de leur intérêt par les individus et de l’information dont ils disposent quant aux probabilités, c’est-à-dire finalement quant aux conditions de l’ordre et du progrès. L’éducation, sous les différentes formes qu’elle peut prendre, joue de ce point de vue un rôle fondamental car « l’intérêt, plus peut-être que nos autres inspirations instinctives, a besoin d’éducation ».

  • 19 P. Cauwès, op cit., vol. I, p. 42 et 43.
  • 20 Sur un autre plan, on doit remarquer que cette analyse fit scandale ne serait-ce qu’en ce qu’elle r (...)

32L’intérêt de cette démonstration réside en ce que Cauwès soutient l’idée que le traitement individuel et moral de la question ouvrière ou sociale est dépassé. Il opère en effet une inversion des priorités en affirmant que « le sens de la responsabilité et de la dignité personnelle ne se développe communément qu’au sein du bien-être... si [l’ouvrier] entrevoit la possibilité d’améliorer son sort, n’aura-t-il pas plus de goût pour l’épargne et pour l’étude19 ? », alors que les « libéraux » avancent une doctrine du renoncement, nourrie de moralisme et de la théorie du fonds de salaire, fidèles en cela à la ligne dominante de la première moitié du siècle. Il fait au contraire du bien-être la condition du développement. Cette démonstration accompagne et annonce la mise en œuvre des politiques fonctionnalistes et indique bien que la répartition du revenu ne peut être laissée aux « hasards » de l’offre et de la demande20.

Organisation, État et progrès

33Le fait de lier ensemble production et répartition, intérêt personnel et intérêt collectif conduit donc à une conception très particulière de l’évolution. L’étude historique sur laquelle s’appuie Cauwès montre notamment le rôle que les institutions publiques jouent dans le progrès. Les causes sociales, les institutions et des causes secondaires comme les traditions en sont à l’origine.

34Plus encore, il y a au fond convergence entre intérêt personnel et général mais par méconnaissance de notre intérêt notamment, nous ne voyons pas cette convergence. De là aussi les conflits qui viennent au final d’une mauvaise organisation. L’organisation n’est pas un obstacle mais est nécessaire à la croissance, ne serait-ce que sous la forme de la loi qui vient protéger « l’individu dont la volonté ne peut être indépendante ou éclairée » ou encore sous la forme de l’éducation qui, justement, vient éclairer la conscience.

35Ayant posé comme élément immuable la coopération, l’organisation doit venir la préserver. Elle est en effet soumise aux tensions que lui fait subir l’intérêt peu éclairé, la dérive de l’intérêt personnel en égoïsme. Pour maintenir sa cohésion « à la société économique », deux types d’organisation sont absolument nécessaires : les associations et la puissance publique. La méthode éclectique joue à plein sur ce plan, quand elle réfute l’atomicité, l’intérêt personnel égoïste comme seul moteur de l’économique aussi bien que l’État prôné par nombre de socialistes. L’association renforce la coopération et évite l’autorité et la réglementation.

  • 21 P. Cauwès, op cit., vol. I, p. 97.

36Cette conception de l’organisation nécessaire est particulièrement intéressante quand elle est appliquée à la détermination des salaires. Sur ce point, on voit s’opposer les tenants d’une fixation autoritaire (les passéistes de l’Ancien Régime et les communistes de Louis Blanc), les ouvriers qui s’agitent, en s’appuyant sur la théorie du fonds de salaires développée par Ricardo, Malthus et Mill, les tenants du laisser-faire intégral avec une fixation individuelle du salaire auxquels répondent ceux qui sont favorables à un minimum légal ou à un régime de subvention. Pour Cauwès, aucune de ces solutions n’est la bonne. La première voie fait de l’État un opérateur essentiel, contrairement à l’idée qu’il a soutenu de la primauté de la liberté individuelle. Mais les zélateurs du laisser-faire intégral se trompent aussi car ils ne pensent que la liberté individuelle et oublient le versant collectif, la répartition équitable. En fait, « la véritable théorie a pour base la combinaison du droit individuel, du droits des associations, et du pouvoir tutélaire de l’État21 ».

  • 22 Ibid., t. III, p. 98. Ce qui le conduit bien sûr un peu plus loin (p. 116) à poser que le prix du t (...)
  • 23 Ibid. Pour mesurer la portée polémique d’une telle position, il n’est que de se souvenir de la posi (...)
  • 24 Cauwès cite à titre d’exemple les fonctions du « Bureau of Labor » créé en 1886 aux USA ou encore l (...)
  • 25 P. Cauwès, op. cit., vol III, p. 99.

37Autrement, dit, on a là une autre conception de la liberté, qui n’est plus seulement la liberté individuelle. Plus exactement, la liberté individuelle n’est pas toute la liberté et l’on doit aller vers une liberté totale, y compris d’association. En d’autres termes, les lois qui, depuis 1791, limitent, voire interdisent la liberté en ce domaine, viennent d’une erreur doctrinale. Cette erreur tient, d’une part, à la conception de la liberté mais aussi à la conception du travail. « Le travail n’est pas une marchandise comme les autres ; ce sont les forces que l’ouvrier met à disposition d’autrui et il n’en cède pas volontiers l’usage mais seulement par suite d’une nécessité d’existence22. » Ce besoin de vendre son travail introduit une dissymétrie forte dans la relation qui lie l’ouvrier, les ouvriers devrait-on dire, avec l’employeur ; il signifie l’absence de réelle liberté contractuelle, toutes choses contraires à la justice. « Le travail n’est pas chose d’intérêt purement privé ; c’est une fonction sociale, la source de la prospérité générale23. » Ces caractères autorisent l’intervention légitime de la puissance publique dans le domaine. Mais là encore l’intervention de l’État ne doit venir qu’en dernière instance, lorsque la liberté contractuelle et son corollaire, la responsabilité, sont prises en défaut. C’est pour cela que l’État selon Cauwès est appelé à jouer un rôle, dont celui d’informateur24, mais il ne saurait lui revenir d’être un organisateur25.

38L’État a des actions tutélaires, c’est-à-dire que son action correspond à une garantie que la société se donne contre un danger la mettant en cause. Bien évidemment, de tels propos ne pouvaient à l’époque que choquer les plus intransigeants, car d’une part, cette conception proche des préceptes sociologiques, pose que la société n’est pas réductible à la somme de ces parties ; d’autre part, sous des considérations d’humanité et de justice, s’ouvre de fait une large voie à l’intervention de l’État : réglementation du travail des enfants, des femmes enceintes, du temps de travail, etc. Néanmoins, une partie de l’opinion et des acteurs politiques (Jules Simon par exemple) se ralliaient à ces thèses qui prenaient à contre-pied les libéraux orthodoxes. L’exemple des grèves et du traitement qu’on leur réserve est exemplaire et éclaire la conception que Cauwès se fait de la liberté.

  • 26 Ibid., p. 116.
  • 27 Ibid., p 140.
  • 28 Cauwès sur ce point ne fait que reprendre une véritable litanie au xixe siècle, dont on pourrait fa (...)

39Les données du problème sont de deux ordres. D’un côté, les patrons sont en quelque sorte toujours coalisés. De l’autre, l’ouvrier isolé ne peut rien contre la grande industrie. Conséquence, les grèves sauvages, les insurrections qui sont, en l’état, légitimes. La grève apparaît dans l’optique de Cauwès comme la conséquence du principe de liberté de l’industrie. L’empêcher par la loi ne fait que renforcer l’insurrection et pousse les communistes à demander l’intervention de l’État dans la fixation du prix du travail, ce qui, Cauwès l’affirme26, n’est pas du pouvoir de l’État. Si l’on veut être réellement libéral, alors on doit reconnaître que la coalition n’est pas contraire au principe de la concurrence, pour la simple raison que le pouvoir du capital est contrebalancé par la coalition. « Si la liberté d’action est respectée, le droit de coalition doit être maintenu parce qu’il est juste dans son principe27. » Autoriser la coalition au titre de la prévention de la grève fait partie des attributions tutélaires de l’État puisque le conflit représente une menace pour la société, tout autant qu’il témoigne d’une injustice, d’une liberté pensée différemment selon la position sociale des individus. Il va de soi que cette fausse conception de la liberté est à mettre au compte d’une bourgeoisie fort peu éclairée quant à son intérêt véritable28.

  • 29 Ibid., p. 140.
  • 30 On est ici très proche des conceptions de J. Simon : Une liberté nécessaire, le droit à l’associati (...)
  • 31 Par conséquent les bourses du travail reposant sur une conception du travail comme marchandise sont (...)
  • 32 P. Cauwès, op. cit., t. I, p. 203.

40La question est entendue : si l’on veut faire se calmer les passions, cesser les grèves, désamorcer le conflit menaçant, alors il faut jouer la carte de l’association et ce malgré les menées révolutionnaires, d’une part parce que cette liberté est juste dans son principe, d’autre part parce que « par l’association, l’éducation économique et sociale des ouvriers (se) sera faite29 ». Cette éducation, cet apprentissage de la liberté, de la négociation dans le cadre syndical permettra la création d’un équilibre30. Autrement dit, les syndicats doivent être les réels organisateurs du marché du travail31. Cependant, qu’on ne se méprenne pas. Cette liberté ne saurait totalement invalider l’action tutélaire de l’État. En effet, logiquement, « l’éducation de la liberté et la pratique de l’association devraient amener la diminution des attributions gouvernementales32 »... mais ce ne peut être le cas en pratique. D’une part parce que le pouvoir syndical peut mener des grèves stratégiques telles que l’ensemble de l’économie soit bloquée sans qu’il y ait délit d’entrave ; d’autre part parce que la société dans son progrès se complexifie. Là réside peut-être l’aspect les plus intéressant et surtout le plus novateur de la pensée de Cauwès.

  • 33 Ibid., p. 205.

41Contrairement aux auteurs qui pensent que les progrès de la civilisation, de l’ordre si l’on préfère, signifient un recul de l’État, Cauwès avance que les nouveaux organes (banques, associations, chemins de fer, etc.) suscitent l’intervention de la puissance publique. Ces nouveaux organes seraient-ils exploités par des compagnies privées qu’il n’en irait pas autrement selon lui. Bien sûr parce qu’il impulse, dans une logique positiviste, une partie de ce progrès, mais encore parce que le développement économique fait surgir de nouvelles attributions. « L’action progressive d’un gouvernement... est une conséquence nécessaire du progrès économique et social33. »

  • 34 J. Simon, De la liberté civile, Paris, Hachette, 1867, p. 230.
  • 35 Pour reprendre les termes même de Cauwès, le droit de coalition accordé par la loi de 64 est une «  (...)
  • 36 Ces principaux discours à partir de 1871, retraçant son œuvre, ont été regroupés dans Discours du c (...)

42En quelque sorte, les conceptions de Cauwès prennent en compte le déplacement du conflit qui, d’individuel, engageant le rapport ouvrier-patron devient syndicat-patrons ligués. Cette prise de conscience est assez peu souvent le fait des économistes orthodoxes. En revanche, dans le champ politique les choses sont claires depuis un certain temps déjà : « La lutte est entre le capital et le travail ; elle n’est donc pas entre le patron et un ouvrier, mais entre le patron qui représente le capital et tous les ouvriers... qui représentent le travail34. » On est donc au cœur de la question sociale et de son traitement, qui induit une certaine intervention de l’État, laquelle, dans cette conception renouvelée du libéralisme35, doit être limitée. Et pour cela, l’association a un grand rôle à jouer, d’éducation des ouvriers, d’apprentissage de la négociation et d’arbitrage. Les choses sont claires, les syndicats calment les passions, organisent le marché du travail et la mobilité. On sort définitivement avec ce type de réflexion de la période où « l’hégémonie bourgeoise », pour reprendre les termes de P. Rosanvallon, dominait pour une période où l’essentiel sera de trouver un compromis entre les groupes sociaux qui doivent négocier leur intérêt et, par là même, sous les hospices de l’utilité confondue avec la justice, inventer l’intérêt général. Il ne s’agit plus de concilier les intérêts, à l’exemple de l’Œuvre des Cercles de Mun36 qui sont restés fidèle à l’harmonie d’Ancien Régime et qui veulent des associations libres regroupant patrons et ouvriers, car il devient manifeste que les deux groupes ont, en l’état, des intérêts différents, tout aussi légitimes les uns que les autres.

43Cauwès représente en quelque sorte une voie intermédiaire entre, d’une part, les « nationalistes durs » dont Thiers pourrait être la figure emblématique, qui se méfient à l’extrême de la société civile et a fortiori des associations au point de ne jamais se résoudre totalement à les accepter, en souvenir des soubressauts révolutionnaires avec lesquels il faut rompre ; de l’autre, les tenants d’une voie tocquevillienne, où la grande menace est constituée par l’État et sa tendance nécessaire à accroître son emprise sur la société civile. Entre les deux, Cauwès propose des associations libres, vecteurs d’organisation... sous la bienveillance tutélaire de l’État dont on ne peut attendre la disparition. Tout au contraire le développement économique induit l’extension du rôle de la puissance publique qu’il s’agit dès lors de limiter plutôt que de se contenter de la dénoncer sans effet.

Notes

1 Nous nous référerons à son « Cours d’économie politique », Larose et Forcel, 1893, qui est la troisième édition, en quatre tomes, du « précis du cours d’économie politique professé à la Faculté de droit de Paris », 1re éd. en 1878 où il se montrait plus historiste qu’éclectique.

2 Voir « P. Cauwès, 1843-1917, un nationaliste pour l’État régulateur » de A. Gélédan in L’Économie politique en France au xixe siècle, sous la dir de Y. Breton et M. Lutfalla, Economica, 1991. Plus généralement, on ne retient de lui que ses tendances protectionnistes (pourtant fort banales à l’époque) et son « étatisme » sans trop s’attarder sur les raisons (pourtant essentielles) qui le conduisent à repositionner l’État dans son rapport à la société civile. De là une tendance qui semble imparable : Cauwès ne serait pas libéral.

3 V. Cousin, Manuel de l’histoire de la philosophie, traduit de l’allemand de Tenneman, deux tomes, A. Sautelet, Bruxelles, 1829.

4 P. Rosanvallon, Le Moment Guizot, Gallimard, 1985.

5 V. Cousin, op cit., préface, p. xiij.

6 J. Rambaud, Histoire des doctrines économiques, J. Larose, Paris, 1899.

7 Th. Funck-Brentano, Nouveau précis d’économie politique, Plon, Nourrit, Paris, 1887.

8 Ibid., p. 13.

9 Journal des économistes, mai 1878, p. 329.

10 L. Le Van-Lemesle, « De la Société d’économie politique aux facultés de droit : caractères et paradoxes de l’institutionnalisation de l’économie politique en France au xixe siècle », Économies et sociétés, PE 6, t. X, octobre 1986.

11 P. Cauwès, op cit., vol. I, p. 52-53.

12 A. Cherbuliez, Précis de la science économique, tome 1, p. 7.

13 L. Wolowski, Introduction aux principes d’économie politique de Roscher, p. LV.

14 V. Cousin, op cit., p. XVIJ.

15 On verra à ce propos de D. Gil, Alain : le Matérialisme ou la République, Paris, Ed Méridiens Klincksieck, 1990.

16 C. Gide, Cours d’économie politique, p. 23 de la 5e éd., Sirey, 1919.

17 P. Cauwès, op. cit., vol. I, p. 13.

18 J. Locke, Draft A, Première esquisse de l’essai philosophique concernant l’entendement humain, 1671, Paris, Vrin, 1974, p. 121.

19 P. Cauwès, op cit., vol. I, p. 42 et 43.

20 Sur un autre plan, on doit remarquer que cette analyse fit scandale ne serait-ce qu’en ce qu’elle repose sur l’idée que « la méthode historique enseigne l’importance qu’il faut donner aux formes particulières d’organisation sociale » (Cauwès, op. cit., p. 97), mais qu’elle est aujourd’hui tout à fait banale dans le champ de l’économie régionale ou de l’économie du développement. À titre d’exemple, son analyse des conditions du développement est assez proche sur certains points de la démonstration faite par Galbraith des cercles vicieux de la pauvreté.

21 P. Cauwès, op cit., vol. I, p. 97.

22 Ibid., t. III, p. 98. Ce qui le conduit bien sûr un peu plus loin (p. 116) à poser que le prix du travail ne peut se fixer selon l’offre et la demande mais qu’il est fonction de la productivité. Il s’appuie sur l’exemple anglais pour expliquer qu’une limitation du temps de travail participe au « développement des capacités intellectuelles de l’ouvrier » ce qui finalement accroît la productivité du travail de telle sorte que l’on peut réduire le temps de travail sans réduire le salaire.

23 Ibid. Pour mesurer la portée polémique d’une telle position, il n’est que de se souvenir de la position d’un Y. Guyot à l’égard du travail des femmes par exemple. Voir sur ce point les débat à la Chambre du 2 juin 1888 ou de Y Guyot, La Tyrannie socialiste, Delagrave, 1893. Néanmoins, à ce sujet, la référence de Cauwès à J. Simon et à son discours à la conférence de Berlin, témoigne, dans l’esprit bien connu de la IIIe République, que la protection des femmes emprunte autant à des considérations d’humanité, de protection des personnes et par-delà de la société, qu’à des considérations très politiques liées à la nécessité de produire des citoyens par le biais de la famille et de l’école.

24 Cauwès cite à titre d’exemple les fonctions du « Bureau of Labor » créé en 1886 aux USA ou encore le rôle des inspecteurs des fabriques et les lois (27 mai 1878) sur l’hygiène des fabriques en Angleterre.

25 P. Cauwès, op. cit., vol III, p. 99.

26 Ibid., p. 116.

27 Ibid., p 140.

28 Cauwès sur ce point ne fait que reprendre une véritable litanie au xixe siècle, dont on pourrait faire remonter la généalogie fort avant, qui veut que la bourgeoisie doit être raisonnable, penser son intérêt réel et à long terme.

29 Ibid., p. 140.

30 On est ici très proche des conceptions de J. Simon : Une liberté nécessaire, le droit à l’association, Calmann-Lévy, 1894.

31 Par conséquent les bourses du travail reposant sur une conception du travail comme marchandise sont peu pertinentes.

32 P. Cauwès, op. cit., t. I, p. 203.

33 Ibid., p. 205.

34 J. Simon, De la liberté civile, Paris, Hachette, 1867, p. 230.

35 Pour reprendre les termes même de Cauwès, le droit de coalition accordé par la loi de 64 est une « Réforme libérale » (Livre III, p. 132).

36 Ces principaux discours à partir de 1871, retraçant son œuvre, ont été regroupés dans Discours du comte A. de Mun, Paris, Poussielgue, 1895, trois tomes.

Auteur

Université de Montpellier

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