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Agriculture roumaine en mutation

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Sabina Stan

Deuxième partie. Pouvoir, réseaux et savoir légitime : les cadres du secteur associatif après 1990

Chapitre 3. Le changement « du dedans » : les trajectoires des cadres de la nouvelle agriculture associative

Texte intégral

1Partout à travers l’Europe de l’Est, les transformations survenues après 1990 ont fourni aux anciens cadres de l’économie socialiste l’occasion de se reconvertir dans la nouvelle économie privée (Verdery, 1996, p. 213). Mais comment et dans quelle mesure le nouveau secteur associatif créé après la dissolution des CAP a-t-il constitué un terrain de « recyclage » pour les anciens cadres agricoles ? Et de quelle manière ceux qui ont réussi à se maintenir ou à parvenir à la tête des nouvelles associations ont-ils répondu aux nouvelles conditions auxquelles les associations ont été confrontées après 1997 ?

La transformation de la « grande » agriculture coopérative après 1990

2Après 1990, le désir des gouvernements successifs du parti d’Iliescu de garder sous leur contrôle la production agricole du pays s’est traduit par la constitution d’un système de distribution des appuis et des subventions étatiques qui a renforcé l’emprise de l’État sur la circulation des intrants et des produits agricoles. Ce système, appelé le « système des intégrateurs » (sistemul de integratori), a été centré, en ce qui concerne la production végétale, autour de Romcereal, l’entreprise étatique de collecte, de stockage et de distribution des céréales et des plantes industrielles. Cette dernière s’est (re)constituée en « intégrateur » ayant non seulement la mission de conclure des contrats pour l’acquisition de la production agricole des différents producteurs (en accord avec les prix et quantités dictés par les autorités centrales) mais aussi de chapeauter les contrats entre producteurs et fournisseurs de services (« agromec », Semrom, entreprises de production d’engrais), de servir d’intermédiaire entre les producteurs et la Banque agricole (pour l’octroi de crédits subventionnés) et de canaliser les différentes subventions destinées aux producteurs (concernant les engrais, les semences et les services mécanisés) (Kideckel, 1993a, p. 129 ; Lhomel, 1995, p. 130-137). En raison de ce système, les producteurs agricoles n’ont eu accès aux prix garantis, aux subventions et aux appuis étatiques que s’ils vendaient leur production aux intégrateurs contrôlés par l’Etat (von Hirschhausen, 1997, p. 67).

3En raison des réseaux de collaboration datant de la période socialiste et des avantages que procuraient de grosses livraisons, les intégrateurs ont privilégié fortement les gros producteurs au détriment des petits. Ainsi, les associations ont pu profiter de prix minimaux garantis pour les produits, de subventions étatiques et d’un marché assuré pour leur propre production, donc d’un contexte sécurisant et favorable à leur bon fonctionnement (Genberg, 1993, p. 93 ; Commission européenne, 1998b ; Tesliuc, 2000, p. 41). C’est, entre autres, grâce à ce système que le secteur associatif est resté un acteur important de l’agriculture roumaine, même après la décollectivisation formelle qui a suivi l’application de la loi foncière. En 1996, en effet, quelque 3 700 associations juridiques et 15 000 associations familiales couvraient un total de 3,2 millions d’hectares, soit presque 21 % de la superficie agricole totale du pays (Guvernul României, 2000, p. 407).

  • 1 Il s’agit de mes propres calculs à partir des données fournies par Sarris et Gavrilescu (1997. p. 2 (...)

4Le maintien général d’un secteur associatif assez important n’a toutefois pas débouché sur une copie de l’ancien secteur coopératif. Tout d’abord, le nouveau secteur associatif comprend des unités dont la taille moyenne est significativement réduite par rapport aux anciennes coopératives. Si, en 1989, la taille moyenne des CAP était de quelque 2 000 hectares (Cooper, 1993, p. 41), en 1996, celle des associations juridiques n’atteignait que 466 hectares, tandis que celle des associations familiales était seulement de 95 hectares (Guvernul României, 2000, p. 407). De fait, la structure de la production agricole des associations postsocialistes s’est modifiée elle aussi par rapport à celle des CAP. Il semble que, généralement, les deux formes d’associations aient restreint la gamme de leurs activités, délaissant en particulier l’élevage animal et la culture des légumes pour se concentrer sur la culture de céréales et de plantes industrielles. En effet, si, en 1989, les coopératives réalisaient 72 % de la production de légumes du pays, en 1994, les associations n’en produisaient que 2 %. De la même manière, alors que, en 1989, les coopératives totalisaient 34 % de la viande de bœuf et 8 % de la viande de porc, en 1994, la production du secteur associatif ne dépassait pas 0,13 % de la production totale de viande de bœuf et 0,06 % de la production totale de viande de porc1. Ce n’est que de manière marginale, à l’intérieur de très petites associations familiales, que l’élevage se maintint. En 1994, par exemple, les quelque 3 000 associations familiales qui pratiquaient l’élevage (Jackson, 1997. p. 310) réalisèrent une production déclarée de moins d’une vache et d’un porc par association. Elles étaient alors des acteurs de la « petite » agriculture plutôt que de la « grande ».

5Hormis cet abandon de l’élevage et des cultures maraîchères, les associations ont toutefois continué à maintenir à peu près le même profil au niveau des grandes cultures. Dans la structure d’ensemble des cultures pratiquées par les associations, le poids des cultures de blé et de maïs semble être resté sensiblement le même entre 1989 et 1994, s’élevant respectivement aux environs de 40 % et 30 %. Mais la contribution du secteur associatif à la production agricole totale, bien que continuant d’être significative, a diminué considérablement par rapport à l’apport des CAP socialistes. Ainsi, en 1989, alors que les coopératives fournissaient 78 % de la production totale de blé et 57 % de celle de maïs, en 1994, le secteur associatif ne réalisait plus que 26 % de la production de blé et 15 % de la production de maïs (Sarris et Gavrilescu, 1997, p. 206-207).

6Le maintien des associations s’est réalisé dans un contexte de précarité. En effet, si le système des intégrateurs a facilité leur réémergence au début de la transition et a favorisé leur maintien par la suite, il n’a finalement pas réussi à devenir une source de réel dynamisme pour les associations. Bien qu’il leur ait assuré l’accès aux subventions et aux appuis étatiques, ces moyens n’ont été que partiellement dirigés vers des investissements (par exemple l’achat d’outillage). Vers la fin du dernier mandat du parti d’Iliescu, la détérioration des prix agricoles a fait que les subventions étatiques ont été principalement utilisées par les associations pour assurer la reprise du cycle de production.

  • 2 Elles sont incluses (avec les individus indépendants) dans la catégorie des « autres », dans les st (...)

7Il semble donc que les associations créées après l’application de la loi foncière de 1991 n’aient constitué que très lentement leur propre base d’actifs. Les associations juridiques ont continué d’être caractérisées par la même faible dotation en équipement et outillage agricoles qui était déjà celle des CAP de la période socialiste. À la fin de 1995, elles détiennent seulement 5,5 % de la flotte totale de tracteurs du pays (9 000 tracteurs), ce qui revient à une moyenne de moins de 3 tracteurs par association (Sarris et Gavrilescu, 1997, p. 199). Bien que les chiffres concernant les associations familiales ne soient pas disponibles2, nous pouvons supposer que, dans la mesure où elles ont été confrontées aux mêmes contraintes financières, elles n’ont pas connu de plus hauts niveaux de dotation en outillage et équipement agricoles.

8Cette faible dotation des associations en moyens mécanisés découle non seulement de leurs performances, mais aussi de leur imbrication continuelle avec ceux qui étaient les compagnons obligés des CAP durant la période socialiste, les stations de mécanisation de l’agriculture (les SMA). Non seulement on n’a pas liquidé ces dernières, mais elles ont été incluses à part entière dans le système des intégrateurs, étant chargées des services de travaux agricoles et du transport de la récolte, des engrais et des semences. On pourrait même dire que le système des intégrateurs a facilité leur survie à travers, en particulier, la place de choix qu’elles ont reçu dans les contrats conçus et imposés par Romcereal. Dans la mesure où elles n’ont pas hérité – ou pour une très faible part – de l’outillage des anciennes CAP, les associations se sont trouvées contraintes d’accepter les conditions de Romcereal et, ainsi, de continuer à faire appel aux services des stations de mécanisation.

  • 3 Au milieu de 1993, les stations de mécanisation étaient encore à 100 % à capital d’État, tandis qu’ (...)
  • 4 Car, durant les sept premières années qui suivirent la chute du régime, on ne comptait d’autres act (...)

9Toutefois, le maintien des anciennes stations de mécanisation s’est accompagné d’une réduction importante de leurs activités et de leur personnel. Restant au départ encore largement entre les mains de l’État3, elles ont connu, tout comme les fermes d’État, une quasi-interruption des investissements en provenance des autorités centrales et ainsi une décapitalisation en termes d’équipement et d’outillage agricoles. Qui plus est, la libéralisation des prix des différents intrants (pièces de rechange et combustible) a joué négativement sur la capacité des « agromec » à faire face aux coûts croissants liés à leurs activités. En même temps, puisque les équipements et l’outillage des stations de mécanisation n’étaient adaptés qu’à la « grande » agriculture, leur sort est demeuré lié à celui des associations4. De par la réduction postsocialiste des superficies exploitées en mode coopératif/associatif, les « agromec » ont dû faire face à une contraction importante de la demande de services. Ces facteurs ont entraîné une réduction progressive de leurs principaux actifs, les équipements et l’outillage agricoles, et donc de leur importance en tant que fournisseurs de services agricoles mécanisés. Leur équipement, mal entretenu, s’est détérioré rapidement ou encore a été vendu à des particuliers. Ainsi, alors que les SMA utilisaient plus de 100 000 tracteurs, en 1989, les « agromec » n’en utilisaient plus que 30 000 environ en 1995, ramenant leur poids dans les effectifs totaux à un maigre 18 % (Sarris et Gavrilescu, 1997, p. 199).

10Après 1997, les politiques de la Convention démocratique amènent la dissolution du système des intégrateurs et l’arrêt des appuis étatiques envers les associations. Produit hybride des transformations postsocialistes, elles ne sont ni des unités étatiques – pouvant être sauvées à partir du budget de l’État (comme les IAS) – ni un vrai « secteur privé » relevant de l’initiative individuelle – pouvant recevoir directement des « coupons » (comme les petits propriétaires fonciers). Les politiques agricoles de la Convention démocratique et la détérioration de la situation dans le secteur de l’agriculture (détérioration des prix, baisse de la production) accentuent le manque de moyens des associations et limitent encore plus leur marge de manœuvre. Entre 1996 et 1998, on assiste ainsi à une « concentration » des associations. Tandis que leur poids total dans les superficies cultivées du pays se maintient autour de 21 %, leur nombre diminue (passant de quelque 3 700 à 3 500 pour les associations juridiques et d’environ 15 000 à 7 100 pour les associations familiales) alors que leur taille moyenne augmente (passant de 466 à 620 hectares pour les premières et de 95 à 132 hectares pour les secondes).

11Nous allons voir à travers ce qui suit dans quelle mesure le maintien du secteur associatif s’est accompagné d’une reproduction sociale des anciens cadres agricoles et des réseaux qu’ils avaient développés durant la période socialiste. Par la suite, nous verrons comment les nouveaux défis posés à l’agriculture roumaine après 1997 se sont reflétés dans la reconfiguration de ces réseaux et dans les stratégies poursuivies par les associations.

La reproduction sociale des cadres agricoles

12La vaste zone du département de Dâmboviţa qui s’étend au sud de la ville de Târgovişte se situe aux marges de la Plaine roumaine et constitue une zone de caractère mixte, combinant la plaine à des collines de faible altitude. Comme toute zone largement collectivisée au temps du communisme, elle a connu pleinement le double mouvement de décollectivisation formelle et de reconstitution des associations qui s’est emparé des campagnes roumaines après 1989.

  • 5 Les facteurs ayant joué dans cette variabilité sont multiples. Ils tiennent par exemple, pour certa (...)

13Ce qui a remplacé les anciennes CAP (coopératives agricoles de production) a été une combinaison mouvante d’associations juridiques, d’associations familiales et de petites exploitations familiales (voir aussi von Hirschhausen, 1997). Mais alors que les anciennes CAP s’étendaient sur le territoire de plusieurs villages et parfois sur celui de tout un arrondissement, les nouvelles associations se retrouvent généralement à l’intérieur d’un seul village, occupant, de plus, seulement une partie de son territoire. La variété des cas rencontrés sur le terrain va de villages ayant une ou plusieurs associations juridiques et/ou une, voire plusieurs, associations familiales, à des villages sans aucune association familiale ou sans aucune association du tout5.

14De la sorte, la structure de l’exploitation de la terre a connu des changements assez importants. La division nord-sud, qui, pendant la période socialiste, scindait le département en une zone de collines à petites exploitations privées (nord) et une zone de plaine à grandes exploitations coopératives et étatiques (sud), a été atténuée. La zone de plaine a connu une multiplication considérable des petites exploitations et la réduction concomitante de l’importance des grandes exploitations. Qui plus est, la réduction de la superficie totale travaillée en mode coopératif/associatif s’est traduite non seulement par la réduction de la superficie contrôlée par la ou les associations du village, mais aussi parfois par la disparition de toute forme associative d’exploitation de la terre à l’intérieur d’un village ou d’une commune. Le nord du département n’a pas connu, quant à lui, de tels bouleversements. La zone des collines demeura caractérisée, de façon presque exclusive, par les petites exploitations. En 1998, des 38 associations juridiques du département, seules 2 se trouvent dans la zone nord de Dâmboviţa, tandis que des 44 associations familiales, seulement 4 y figurent.

15Même si elles sont plus nombreuses, les associations familiales ont une importance et une taille moindre que les associations juridiques. En 1998, l’ensemble des associations juridiques de Dâmboviţa détient un total de 10 775 hectares, avec une taille moyenne de quelque 280 hectares. Leur taille peut varier d’un peu plus d’une dizaine d’hectares à un peu plus de 1 000 hectares. Plus de la moitié ont plus de 200 hectares et seulement 6 d’entre elles se situent en dessous de 100 hectares. En revanche, les associations familiales occupent ensemble seulement 2 470 hectares et ont une taille moyenne d’environ 50 hectares. La grande majorité des associations familiales ont une superficie située en deçà de 100 hectares, seules huit d’entre elles s’élevant en effet au-delà de ce seuil et seules deux au-dessus de 200 hectares. Finalement, la moitié seulement d’entre elles ont une superficie de plus de 10 hectares (la limite fixée par la loi n° 18 pour les propriétés agricoles privées) et pourraient être ainsi considérées comme étant plus que de simples exploitations familiales agrandies.

16La structure de production des associations juridiques de Dâmboviţa suit la tendance observée au niveau national. Elles se concentrent exclusivement dans le secteur de la production agricole (céréales et plantes industrielles), ayant largement délaissé les productions spécialisées. Ainsi, alors que les sections de production de semences ont parfois été gardées, les sections maraîchères ont été converties à la production céréalière. Comme ailleurs dans le pays, les sections qui ont souffert le plus ont été, dans tous les cas étudiés, les sections d’élevage. Même dans le cas où les nouvelles associations juridiques qui ont hérité des actifs des anciennes CAP ont réussi à reprendre les étables, l’activité zootechnique n’a continué que sporadiquement, pour être finalement abandonnée. Généralement, les animaux ont été redistribués ou vendus aux villageois et parfois, les étables mêmes ont été vendues en tant que matériau de construction.

17Par contraste, les associations familiales connaissent une situation plus diversifiée. Les plus grandes (au-dessus de 5 hectares) se sont consacrées presque exclusivement à l’agriculture, tandis que les plus petites (moins de 5 hectares) se sont orientées vers l’élevage bovin. Néanmoins, la faible étendue de leurs terres et le bas niveau de leurs effectifs (en deçà de 30 têtes par association) ne font de ces dernières guère plus que des exploitations familiales un peu développées. Seules les associations familiales à caractère agricole seront ici prises en compte, et en particulier celles qui présentent une certaine envergure (plus de 10 hectares) et peuvent ainsi être considérées comme faisant véritablement partie de la « grande » agriculture.

18L’examen des associations familiales et juridiques du sud de Dâmboviţa (zone où se concentre la quasi-majorité des associations à caractère agricole du département) nous donne accès aux processus de recomposition des réseaux de relations et aux stratégies dans lesquelles se sont engagés les acteurs du secteur associatif après 1990. Ce qui en ressort est que le secteur associatif a connu non pas tant une infusion de nouveaux acteurs qu’une circulation interne des anciens cadres de l’agriculture. Cette circulation reflète des phénomènes différents affectant la structure d’ensemble de l’ancienne bureaucratie agricole : une partielle « sortie dirigée » au bas de la hiérarchie ; un maintien plus important au sommet de la hiérarchie ; et, au milieu, un mouvement multiple de maintien, entrée et sortie, largement interne au secteur agricole.

  • 6 Et ceci en dépit de l’importance que les cadres au niveau communal et les ingénieurs agronomes ont (...)

19Au bas de la hiérarchie bureaucratique agricole, une partie des anciens cadres de l’agriculture ont quitté le secteur de l’exploitation agricole pour rejoindre les rangs des fonctionnaires6. Comme nous l’avons vu au chapitre 2, ceux qui se trouvaient, pendant la période socialiste, au bas de l’échelle de la hiérarchie interne des cadres agricoles étaient les agronomes des CAP et en particulier ceux qui ne combinaient pas emploi agricole et postes politiques. Après 1990, ces derniers ont été recyclés généralement dans les « Chambres agricoles » des communes. Ils sont ainsi employés par le ministère de l’Agriculture, chargés de collecter des données concernant la production agricole et de dispenser des conseils spécialisés aux unités agricoles du département. En pratique, ils effectuent leur activité dans les mairies et sont parfois utilisés par le maire pour diverses tâches administratives. Plus d’une fois, durant mes pérégrinations dans le sud du pays, j’ai retrouvé à la mairie un de ces agronomes, aussi bien informé sur la situation de la commune que désireux d’en parler. Depuis le changement de gouvernement, à la fin de 1996, et face à la situation d’incertitude résultant des multiples vagues de restructuration, ils espèrent s’assurer un emploi en prenant la place des agents agricoles locaux en charge des « registres agricoles » communaux.

20Les échelons supérieurs de la bureaucratie agricole socialiste, constitués par les cadres employés dans les unités agricoles d’État (IAS, complexes d’élevage animal ou SMA), ont, en revanche, généralement conservé leurs emplois tout comme leurs positions privilégiées à l’intérieur de leurs unités. Le maintien de ces unités pendant les sept premières années de la transition a fait que, même dans les conditions d’une réduction de leurs activités (plus prononcée dans le cas des SMA et moindre dans le cas des IAS et des complexes), les cadres qui se trouvent à leur tête ont été les derniers à subir la restructuration du personnel. Quand celle-ci les a touchés, elle a pris plutôt la forme des retraites anticipées que celle des licenciements.

  • 7 J’estime que cette catégorie des véritables cadres politisés constituait, pendant la période social (...)

21Entre ces deux niveaux de la hiérarchie agricole, nous constatons, au niveau intermédiaire, une plus grande volatilité. Ce niveau est formé par les anciens cadres supérieurs des CAP – les présidents de coopérative ou les ingénieurs agronomes détenant un poste politique (par exemple, secrétaire de l’organisation locale du Parti, membre des CUASC)7. Ce sont eux qui, avec la dissolution des anciennes coopératives, ont connu les premiers la perte de leur emploi et, ainsi, de leur position dans la hiérarchie agricole.

22Le recyclage de ces cadres dans le secteur associatif postsocialiste n’a pas été automatique. Tout d’abord, le bassin d’emploi dans des postes de décision offerts par le nouveau secteur associatif a été réduit par rapport à ce que l’ancien secteur coopératif offrait. Ainsi, même si le total des associations postsocialistes dépasse de beaucoup le nombre des anciennes coopératives, elles n’offrent qu’un nombre très réduit de postes de décision correspondant à un emploi permanent. En fait, dans la mesure où les associations exploitent une superficie réduite par rapport à celle des coopératives, disposent de revenus restreints et ne sont plus divisées en sections spécialisées, à chaque association ne correspond plus qu’un seul véritable poste de décision, celui du président. De plus, dans les associations familiales et juridiques de petite taille (dont les premières fournissent la majorité), les postes de président ne sont que des postes à temps partiel.

  • 8 En particulier grâce au degré auquel ils ont su concilier, du temps de Ceauçescu, les demandes des (...)

23À l’intérieur de ce bassin d’emploi en contraction, les anciens cadres du secteur coopératif ont dû résoudre un problème de légitimité, dans la mesure où ils ont été associés de près aux sévices que le régime de Ceauşescu a infligés à l’agriculture, et plus particulièrement aux petites exploitations développées autour des lots personnels. Le recyclage à la tête des associations n’a ainsi été rendu possible que grâce à une conjoncture particulière tenant à leurs anciennes relations avec les villageois8, mais aussi au charisme et à la détermination qu’ils ont su manifester lors du renversement du régime et, plus tard, après l’adoption de la loi foncière. Ce sont toujours ceux qui ont su prendre l’initiative pour la constitution d’une association, lors de la dissolution de la coopérative, qui ont réussi à se reconvertir dans le secteur associatif.

  • 9 De nombreux cadres agricoles ne sont pas originaires du village où se trouve la coopérative, ou mêm (...)

24Certains de ces cadres n’ont toutefois pas réussi à faire le saut, soit à cause de la contestation locale qu’ils ont connue après le renversement du régime, soit en raison de leur faible insertion locale9. Ils ont donc pris d’autres chemins – soit pour bénéficier d’une retraite anticipée, soit pour reprendre un ancien emploi (dans l’industrie ou à la SMA, par exemple), soit finalement pour se lancer à leur propre compte dans le nouveau secteur privé.

25Cette sortie multidirectionnelle des anciens cadres des coopératives a été accompagnée de l’entrée de nouveaux acteurs. En fait, les associations ont constitué un domaine où les cadres sortants du secteur agricole étatique ont pu trouver eux aussi, parfois, un débouché. C’est ainsi qu’à la tête des associations juridiques et des grandes associations familiales, on trouve, à côté d’anciens présidents et d’anciens agronomes des CAP, des ingénieurs mécaniciens des SMA ou des agronomes des IAS. Généralement, ce qui leur a valu d’être acceptés tient non seulement à l’image positive qu’ils ont laissée au temps du communisme, mais aussi à leur insertion locale à travers les liens de parenté qui les unissent au village. En effet, les présidents d’association de cette dernière catégorie sont soit originaires du village ou de la commune de l’association, soit mariés avec une fille de l’endroit, ou encore habitent dans le village où se trouve l’association.

26Le secteur associatif s’est ainsi constitué dans un espace qui a connu à la fois l’expulsion et le recyclage d’anciens acteurs et l’arrivée de nouveaux. Notons que cette arrivée s’est effectuée de façon horizontale, c’est-à-dire que les nouveaux venus proviennent, de manière générale, de l’autre partie de la bureaucratie agricole, celle qui a travaillé dans le secteur étatique. Je n’ai rencontré sur le terrain que deux cas de présidents d’association étrangers à cette bureaucratie : un prêtre et un ancien gestionnaire de taverne villageoise. Bien qu’exceptionnels, ces cas renvoient toujours à l’élite villageoise, ce qui confirme que la décollectivisation n’a pas entraîné la circulation verticale des élites économiques au niveau des associations.

27Les mouvements que nous venons d’identifier à l’intérieur des structures de pouvoir du secteur agricole ont été plus accentués au début de la « transition » que par la suite. C’est à ce moment-là que les anciens cadres ont dû faire face au bouleversement de leur situation entraîné par le changement de régime de décembre 1989 et, un peu plus tard, l’adoption de la loi foncière de 1991. Après une période plus intense, en 1991-1993, le rythme de création des nouvelles associations s’est ralenti, ainsi que celui de remplacement des acteurs déjà en place. Ce n’est qu’après l’arrivée au pouvoir du gouvernement de la Convention démocratique et grâce à la nouvelle direction qu’il a donnée à la politique agricole, en 1997, que les structures de pouvoir dans l’agriculture – en particulier dans la « grande » agriculture – connaissent un réaménagement significatif. Comme nous allons le voir dans le chapitre suivant, c’est à partir de cette année que l’apparition de nouveaux acteurs à l’intérieur de la grande agriculture, tendance négligeable jusqu’alors, prend une ampleur nouvelle et modifie la place que le secteur associatif et ses cadres y occupent. Cela s’accompagne, comme nous l’avons vu plus haut, d’un processus de concentration du secteur associatif qui, forcément, en faisant baisser le nombre total des associations, restreint le nombre d’emplois disponibles pour les nouveaux cadres agricoles. Ceux qui restent à la tête des associations ne constituent pas un afflux de sang nouveau, mais perpétuent, par leur présence à ces postes, le processus de reproduction sociale des cadres agricoles entamé après la décollectivisation formelle de 1991.

28La reproduction des anciens acteurs à l’intérieur du secteur associatif a été accompagnée d’une reproduction des anciennes relations et des réseaux établis durant la période socialiste entre les différents acteurs économiques. En fait, bien que le système de planification centralisée ait été dissous, le système des intégrateurs a servi de cadre structurant aux relations entre les associations et leurs partenaires d’affaires selon des coordonnées similaires à celles de la période socialiste. Les flux des intrants et des produits agricoles ont suivi les anciens chemins et les anciens liens entre les acteurs du système ont été encore opérants. Les associations du département de Dâmboviţa n’y ont pas fait exception. Tous les présidents avec lesquels j’ai parlé témoignent de cette implication dans le système des intégrateurs. Car c’est à travers ce système qu’ils ont établi des rapports d’affaires avec leurs principaux partenaires, autant en amont (« agromec », par exemple) qu’en aval (Romcereal).

  • 10 D’après les témoignages des ingénieurs mécaniciens auxquels j’ai parlé, il semble que. surtout vers (...)

29Ces rapports ont été contrôlés et structurés par le principal « intégrateur » du système, Romcereal. C’est lui qui établissait, à travers des contrats à trois partenaires (Romcereal/association/ « agromec ») les rapports que l’association entretenait avec son « agromec » partenaire. Le paiement de ces services s’effectuait à travers un schéma complexe. Tout d’abord, en vertu d’un contrat stipulant la livraison d’une certaine quantité de produits agricoles (vers, justement, Romcereal), l’État (à travers la Banque agricole) allouait un certain crédit (subventionné) à l’association signataire. La gestion concrète du crédit était entre les mains de Romcereal, qui payait, à partir du compte de crédit de l’association, la contre-valeur des services mécanisés qu’un « agromec » réalisait pour l’association en question. Au moment de la récolte, l’association rendait à Romcereal non seulement la quantité de produits qu’elle s’était engagée à lui vendre, mais aussi la valeur en nature des services exécutés par l’« agromec ». Dans la mesure où les prix des produits et des services agricoles étaient établis par l’État et où le crédit dont disposait le producteur ne portait pas d’intérêt, il semble que les termes de ces contrats aient été plus favorables aux associations qu’aux « agromec ». En effet, étant donné que les « agromec » ne pouvaient pas augmenter les prix de leurs services, alors que les prix de leurs intrants (pièces détachées, gazole) augmentaient à un rythme assez soutenu10, il semble que leur entrée dans le système des intégrateurs ait constitué un autre facteur contribuant à la baisse de leur activité, tout en prolongeant la survie des associations.

30En donnant accès à des crédits à intérêt subventionné, le système des intégrateurs a permis aux associations non seulement de faire certains investissements dans l’outillage et l’équipement agricole, mais aussi, dans le cas où elles ont démarré sans aucun revenu initial, de recommencer le cycle de production. C’est le cas, par exemple, des associations familiales qui non seulement n’ont rien hérité des anciennes CAP, mais ont aussi eu du mal à convaincre leurs membres d’y mettre plus que leurs simples terres (par exemple, de l’argent). L’incapacité des associations à se constituer en des entreprises mobilisant les ressources de leurs « associés » a été ainsi contrebalancée par les ressources fournies par l’État à travers le système des intégrateurs.

31Le système des intégrateurs a toutefois contribué, tout comme le système de planification du socialisme, à forger et à maintenir non seulement des liens formels, mais aussi des liens informels entre les acteurs du « système ». En fait, tout comme auparavant dans l’économie planifiée, la simple participation des associations au système des intégrateurs n’a pas garanti le succès de leurs actions. Encore fallait-il pouvoir utiliser les possibilités offertes par le système à son propre avantage, avoir accès aux meilleurs contrats, aux meilleures subventions et surtout, dans un environnement en constant changement, à l’information sur les différentes politiques gouvernementales en cours ou à venir.

32L’accès à cette information passait par les liens informels qui unissaient les présidents des associations aux autres acteurs de l’économie et de l’administration locale. Les endroits clés où se réaffirmaient ces liens et où se réalisait l’échange d’information se trouvaient être justement les sièges des agences gouvernementales impliquées dans la coordination de la chaîne agroalimentaire, Romcereal et la Banque agricole. C’est là, ainsi qu’à la direction agricole du département (la « DGAA »), que les présidents d’associations, les directeurs des fermes d’État et des « agromec » se rencontraient et côtoyaient les fonctionnaires de la structure économique et ministérielle locale dont ils essayaient d’obtenir les informations concernant les nouvelles possibilités d’affaires. Cette structure a toujours représenté le lieu du savoir, l’endroit où il fallait se trouver si l’on ne voulait pas être exclu du partage du « gâteau ». Conscient de l’importance de l’insertion dans cette structure, un président d’association familiale a même préféré garder, en dépit d’un salaire fort modeste, son emploi dans un centre zonal de protection des plantes appartenant au ministère de l’Agriculture. Comme il me l’a confié lui-même, « je garde cet emploi non pas pour le salaire, mais parce que, comme ça, je peux avoir accès à des informations de dernière heure ».

33L’accès à l’information et, par le fait même, aux subventions et aux contrats n’a pas été le même pour les différents acteurs du secteur associatif. En fait, cet accès, et donc le fonctionnement des associations, dépend de la place que leurs chefs ont occupée durant la période socialiste et pendant la « transition » dans les réseaux locaux de connaissances. Ces réseaux transgressent la frontière entre le secteur associatif et le secteur d’État et peuvent englober les présidents d’association aussi bien que les directeurs des unités étatiques. Ainsi, par exemple, la présidente d’une association juridique a réussi à trouver un débouché pour sa production de semences grâce aux relations de longue date qui la lient aux cadres de l’entreprise étatique en charge de la commercialisation de semences certifiées, Semrom. Ceci lui a permis de continuer à pratiquer la culture plus lucrative du blé de semence, d’avoir des rentrées plus substantielles et de se maintenir ainsi en activité. Un autre président, cette fois d’une association familiale, a réussi non seulement à vendre son blé à travers Romcereal, mais aussi à écouler son maïs en direction d’une « fabrique de fourrages combinés » (FNC). Il faisait partie de la strate supérieure de la bureaucratie agricole pendant la période socialiste, ayant été l’employé d’un centre régional spécialisé appartenant au ministère de l’Agriculture. De la même manière, une ferme d’État a pu vendre sa viande (produite dans sa ferme porcine et à son abattoir) grâce aux relations qui unissent son directeur aux autres bureaucrates locaux. En outre, après 1989, la mairie d’une commune voisine a mis gratuitement à la disposition de la ferme un espace où elle pourrait vendre ses produits.

34Il y a eu, bien entendu, des cas où ces liens informels n’ont pas pu être entretenus après le changement de régime. C’est le cas des cadres qui ont été marginalisés dès la période communiste. Il est intéressant de remarquer que, dans tous les cas que j’ai observés sur le terrain et qui constituent des unités étant parvenues à se maintenir jusqu’en 1998, leurs chefs m’ont fait part de leur collaboration avec d’autres unités étatiques et, ainsi, de leur capacité d’assurer un débouché à leurs associations. Il semble que ceux qui n’ont pas réussi à se maintenir jusqu’en 1998 soient justement ceux qui n’ont pas su conserver leur position dans les réseaux de collaboration qui les unissaient aux unités étatiques bénéficiaires.

35Dans le cas des stations de mécanisation de Dâmboviţa, les mouvements de reproduction des cadres qui se trouvaient à leur tête s’est accompagné de la diminution des activités de ces unités. Ainsi, si certaines stations de mécanisation ont continué à travailler les terres des associations, elles ont généralement enregistré une baisse assez rapide de leur activité, suite à la diminution des superficies exploitées en régime coopératif/associatif et en raison des termes défavorables des contrats de Romcereal. Comme le disait un directeur d’« agromec », les stations de mécanisation ont perdu « l’objet du travail », le « front du labour ». Par exemple, une station de mécanisation du sud de Dâmboviţa, qui travaillait pendant la période socialiste quelque 13 000 hectares répartis entre sept coopératives, ne travaille, en 1998, pas plus d’un quart de cette superficie.

36Par ailleurs, les stratégies postsocialistes des cadres des « agromec » ont visé la survie plutôt que le développement de leurs unités. Les directeurs et chefs de section des « agromec » n’ont pas fait d’efforts pour développer leurs entreprises (entretenir l’équipement, trouver des contrats intéressants et de nouveaux débouchés), mais, comme le commentait un agronome, « ils ont préféré vivre au jour le jour ». Ils se sont plutôt souciés du maintien de leurs postes et, éventuellement, de ceux de leurs employés. C’est ainsi qu’un des plus gros « agromec » du département a continué à exister en tant qu’entreprise en dépit de la disparition quasi totale de ses activités. En effet, se cantonnant principalement dans la réparation et la vente de l’outillage, il n’effectuait qu’occasionnellement des services agricoles. En 1997, à la veille de sa privatisation, il employait encore, à part une dizaine de conducteurs de tracteurs, une dizaine d’employés appartenant au personnel administratif.

37De nombreuses stations de mécanisation survivent ainsi au bord de la faillite. Souvent, elles gardent encore quelques tracteurs et moissonneuses-batteuses en fonction, mais la majorité de leur équipement est devenue avec le temps du « fer de récupération ». Elles ont largement recours aux liquidations et aux ventes afin d’arriver à payer les salaires des quelques conducteurs qu’elles emploient encore. Selon les mots d’un de leurs directeurs, les « agromec » ont « mangé » leur capital pendant la « transition » ; vers 1998, ils sont « moribonds ».

Les stratégies économiques postsocialistes des associations agricoles

  • 11 En 1997, on estime qu’en moyenne 50 % de ce qu’une famille roumaine consomme provient de sa propre (...)

38Durant les sept premières années de la « transition », les essais d’appui et de contrôle des secteurs agricoles associatif et étatique de la part de l’État ont été fortement modulés par l’évolution de la demande interne pour les produits agroalimentaires. Dans la mesure où une bonne partie de la population roumaine a continué de s’approvisionner en produits agroalimentaires à l’extérieur du marché, en faisant appel à la production des petites exploitations familiales dont ils disposent désormais à plein titre, la demande interne pour des produits agroalimentaires destinés à la consommation humaine est restée relativement faible11. En même temps, la baisse dramatique de l’activité dans l’industrie agroalimentaire a fait que l’utilisation industrielle des produits agricoles a diminué elle aussi (Guvernul României, 2000, p. 400 ; Pouliquen, 2001, p. 131-132). Plus important encore, la demande interne pour des produits agricoles destinés à la consommation animale a baissé dramatiquement. En fait, la décollectivisation et le retrait de l’investissement étatique dans le domaine de l’agriculture ont fait que les associations, les fermes d’État et les combinats d’élevage animal ont délaissé ou encore réduit leurs effectifs. En 1996, les effectifs totaux d’animaux s’élevaient à des niveaux situés entre les deux tiers et la moitié de ceux de 1989 (Guvernul României, 2000, p. 415-418 ; Commission européenne, 1998b, p. 35).

39De manière globale, la démodernisation de l’agriculture au sens strict s’est ainsi doublée d’une « désindustrialisation du secteur agroalimentaire au sens large » (Pouliquen, 2001, p. 134). Cela s’est réalisé dans un contexte où la contraction de la demande interne pour les produits agroalimentaires s’est conjuguée au relatif isolement de l’agriculture roumaine par rapport aux influences externes dans le but de mettre les associations agricoles à l’abri de la concurrence des produits étrangers. Du coup, les associations sont devenues très dépendantes, en ce qui concerne l’écoulement de leur production, à l’égard du système étatique des intégrateurs.

40Après 1997, tandis que la demande interne pour les produits agroalimentaires continue de décliner (Guvernul României, 2000, p. 415-418 ; Commission européenne, 1998b, p. 35), les barrières à l’importation sont baissées et le marché interne est envahi par des produits étrangers qui commencent à concurrencer les produits locaux (Pouliquen, 2001, p. 142-145). En même temps, puisque l’État ne garantit plus l’achat de produits agricoles à travers les entreprises de Romcereal, les associations sont laissées à la merci d’un « secteur privé » qui s’avère incapable de prendre la relève des réseaux étatiques pour écouler la production locale. C’est ainsi qu’elles doivent faire face à un nouveau problème, celui de l’écoulement de leurs produits.

  • 12 En partant des témoignages locaux, j’ai calculé que les prix en lei ont baissé, entre 1997 et 1998. (...)

41En parallèle, le démantèlement du système des intégrateurs met fin à l’accès privilégié aux subventions et aux crédits préférentiels dont les associations ont bénéficié jusqu’alors. Dans la mesure où les coupons distribués aux petits propriétaires ne représentent qu’une aide insignifiante et ne parviennent (comme on va le voir plus loin) que partiellement aux associations, ces dernières subissent pleinement les effets de la politique de libération des prix et des marchés du gouvernement. Tandis que les prix des intrants montent en flèche, ceux des principaux produits agricoles restent au même niveau que les années précédentes (ou même baissent pour certains produits tels que le soja ou l’orge12). Selon un président d’association locale, « le prix du blé est en 1998 le même qu’en 1997, mais les coûts de production sont trois fois plus élevés ». La chute des prix et des revenus agricoles débouche sur la réduction dramatique du champ d’action des associations.

42Le retrait de l’État du contrôle et du soutien de l’agriculture, et de l’économie roumaine en général, aboutit à un « grippage » général qui a des répercutions majeures sur les flux de circulation tout au long de la chaîne agroalimentaire. Il découle de la diminution absolue des prix et de la demande, mais est entretenu également par l’atmosphère de persistante incertitude qui caractérise l’économie roumaine après 1997. De manière paradoxale, en même temps que le gouvernement essaie de soustraire l’économie à l’emprise de l’État, il continue à la rendre dépendante de par ses propres hésitations dans l’adoption et la mise en place de ses politiques.

43Les producteurs agricoles sont dépendants, en particulier, de l’avancée de la politique de privatisation des stations de mécanisation, des fermes, des complexes et des silos d’État, tout comme de la politique des prix agricoles. L’écoulement de la production de maïs et de fourrages, par exemple, est largement entravé non seulement par la baisse de la demande interne de viande et la concurrence des produits étrangers, mais aussi par l’incertitude quant au rythme et à l’ampleur de la privatisation des unités zootechniques. L’hésitation réformatrice du gouvernement de la Convention démocratique ralentit considérablement l’activité des complexes d’élevage porcin et de volailles et des sections zootechniques des IAS. Dans le département de Dâmboviţa, le ralentissement de l’activité zootechnique de 1997-1998 se combine à la fermeture, dès 1992, de « AvicolaTitu » (un grand complexe d’élevage de volailles) pour déboucher sur la réduction dramatique de la demande pour les céréales et fourrages produits par la grande agriculture étatique et associative. En fait, comme les entreprises de Romcereal ne garantissent plus l’achat de la production des associations, la nouvelle baisse de la production animale entraîne un effet domino sur l’activité des fabriques de fourrages combinés et, subséquemment, sur celle des fermes d’État et des associations qui leur vendent céréales et fourrages.

  • 13 La devise nationale.
  • 14 Ce dernier prix s’est finalement situé non pas à 1 000 lei le kilo, comme prévu, mais est descendu (...)

44L’écoulement de la production de blé n’est pas moins dépendant des politiques étatiques et de leur indétermination. Une des mesures qui affectent le plus les producteurs agricoles, après 1997, est l’octroi, par le gouvernement, d’une « prime de soutien à la production locale » de blé destinée à compenser la différence entre le prix national et le prix mondial. Comme le prix du blé sur le « marché libre » est toujours plus bas que celui visé par l’État, aucune vente de blé ne se fait avant que la prime soit accordée. C’est ainsi que, en 1998, quand l’adoption finale et l’octroi du montant de la prime du blé sont retardés de plusieurs mois, toute vente de blé – et donc l’obtention même de revenus monétaires par les producteurs – est bloquée. Finalement approuvée en octobre 1998, la prime de 200 lei13 par kilo est accordée néanmoins aux acheteurs et non pas aux producteurs de blé. Contrairement aux attentes des producteurs, elle contribue à diminuer le prix que paient les acheteurs et non pas à augmenter le prix de vente à la ferme14. Les producteurs doivent ainsi faire face à des retards de paiement de la part des acheteurs de blé et consentir à des revenus monétaires de plus en plus maigres, ce qui entrave sérieusement le démarrage des travaux agricole d’automne.

45Le blocage est parfois accru par la lourdeur de l’appareil bureaucratique d’État, non pas dans l’adoption de nouvelles mesures, mais dans l’application même des mesures déjà adoptées. Ainsi, la diminution des revenus des associations qu’entraînèrent plusieurs années de « calamités » (grêle en 1996 et 1997, sécheresse en 1998), ne fut pas contrebalancée par des appuis gouvernementaux, alors que de telles mesures étaient pourtant prévues. Par exemple, une association affectée par la grêle de 1996 réussit à obtenir une aide spécifique absorbant presque entièrement la dette qu’elle avait contractée à cette époque. Malheureusement, l’aide promise et dûment notifiée n’arriva dans ses coffres que deux années plus tard. Dans un contexte de forts taux d’intérêt, l’augmentation de sa dette initiale fit en sorte que l’aide reçue ne couvre plus, deux années plus tard, que moins du tiers de la dette.

46Le grippage des flux de circulation est accompagné d’une modification des relations et des positions structurelles des différents acteurs à l’intérieur de ce secteur agricole. Dans un premier temps, sous le choc des transformations économiques intervenues après 1997, les anciennes relations de coopération qui liaient les acteurs à l’intérieur du système des intégrateurs se « grippent » elles aussi. Dans ce contexte de blocage général, les anciens partenaires des associations, « intégrateurs » ou autres, qui facilitaient naguère leurs activités, deviennent leurs nouveaux rivaux.

47C’est ainsi que les entreprises de Romcereal se transforment : d’abord coordonnateurs de la production et de la vente des récoltes des associations, ils deviennent de simples intermédiaires entre celles-ci et les éventuels acheteurs. N’ayant plus de subventions à distribuer et ne garantissant plus l’achat de la récolte, Romcereal est perçu par les associations comme un autre facteur de blocage, un autre chaînon qui contribue au retard des paiements de leurs produits. Comme le disait un président d’association, faisant preuve d’un mélange de compréhension, d’appréhension et de résignation, « ce n’est pas qu’ils ne veuillent pas prendre notre récolte, mais ils n’ont pas d’argent. Et alors tu dois attendre, la laisser en consigne et attendre ».

48Pour certaines associations produisant du tournesol, les fabriques d’huile s’avèrent être un substitut partiel de Romcereal, version « libre marché » néanmoins. Reproduisant la position dominante de Romcereal, elles prennent le contrôle de la production des associations. Tout comme leurs prédécesseurs, elles fonctionnent autant en acheteurs de la récolte qu’en fournisseurs et intermédiaires pour les intrants (semences, engrais, herbicides ou même gazole pour les travaux). Ainsi, certaines associations trouvent à travers elles un débouché assuré pour leur production. Dans le cas où le paiement de la production se fait à temps, les contrats conclus avec les fabriques d’huile s’avèrent aussi être une issue à la situation de blocage.

  • 15 La canicule a duré deux mois en 1998, atteignant quelquefois plus de 40 degrés Celsius.

49Toutefois, même quand la fabrique respecte les délais prévus, c’est toujours elle qui a le contrôle du contrat tout en assumant les moindres risques. En fournissant les intrants, elle peut imposer la qualité et les prix de ces derniers aux associations. C’est ainsi, par exemple, que ces dernières se sont vu livrer des semences françaises une fois et demie plus chères que la semence roumaine. Ces semences n’ont pas résisté aux chaleurs accablantes de l’été 199815 et n’ont permis que de maigres récoltes, de trois fois inférieures à celles escomptées. De plus, dans la mesure où le prix de vente de la production des associations n’était pas établi à l’avance, mais laissé au gré de variation d’un marché par ailleurs à la baisse, les revenus réalisés ont été finalement de beaucoup inférieurs aux coûts de production.

50Après 1997, de nombreuses associations se retrouvent ainsi dans une situation de crise, criblées de dettes croissantes et souffrant de retards de paiement, autant en amont de la part des fournisseurs qu’en aval envers leurs clients. À l’automne 1998, elles arrivent difficilement à faire face aux semailles sur leurs terres et à maintenir le cycle de production dont dépendent leurs activités.

51Face à ces difficultés, une des stratégies les plus courantes est la réduction de l’activité. N’ayant plus de liquidités pour faire face aux dépenses liées à la production et affaiblies par les années de « calamités » qui ont fortement réduit leurs revenus, les associations sont contraintes de diminuer leurs activités, restreignant aussi bien l’utilisation des intrants, et leurs dépenses en général, que les superficies exploitées.

52Certaines associations réduisent ainsi, dans une première étape, la superficie ensemencée à l’automne en fonction des ressources dont elles disposent déjà (semences, engrais, argent pour les travaux), espérant achever les semailles sur le reste de la superficie au printemps. La persistance du blocage a en effet débouché sur une diminution sévère des superficies ensemencées par l’association. Dans une commune du sud de Dâmboviţa, par exemple, des quelque 1 000 hectares exploités par les deux associations juridiques de la commune, à peu près la moitié ont été laissés en jachère durant l’année agricole 1997-1998.

53Certains présidents d’association essaient de sortir de la crise en évitant de faire appel à des intrants de l’extérieur, qu’il s’agisse de crédits ou de semences, d’engrais ou d’herbicides. Plusieurs associations produisent ainsi leurs propres semences ou les achètent directement à certains producteurs, sans passer par les firmes intermédiaires de certification et de traitement des semences (telles que Semron). D’autres encore diminuent considérablement l’utilisation des engrais. Une association juridique qui, avant 1997, utilisait 300 tonnes d’engrais chimiques par année (dont 200 reçues, gratuitement, de la part du gouvernement) ne se permet d’en acheter, en 1998, que 50 tonnes. C’est à cette diminution drastique de l’utilisation des intrants que son président attribue d’ailleurs la baisse de sa production par hectare (de 3 500 kg/ha à 2 500 ou même 2 000 kg/ha pour le blé).

  • 16 Durant mon étude de terrain, j’ai entendu parler à maintes reprises, à travers les villages visités (...)

54En même temps, la vente de produits de la part des associations diminue. Certains présidents préfèrent, face aux prix très bas des produits agricoles (et en particulier du blé et de l’orge), garder la récolte de l’association en stock (en attendant l’annonce et l’accord des primes par le gouvernement) ou encore augmenter les quantités redistribuées aux membres. Pour les associations dans leur ensemble, la réduction de leur activité est telle que, comme le disait un agronome d’une Chambre agricole communale, elles en arrivent à pratiquer une agriculture « au niveau des sommes obtenues à travers les coupons ». Cette contraction débouche parfois même sur la division ou sur la liquidation des associations16.

55La contraction des activités des associations a joué non seulement, comme nous l’avons vu plus haut, dans la transformation de leurs relations en aval avec de nouveaux bénéficiaires, mais aussi a contribué à la reconfiguration de leurs relations en amont, avec les « agromec ». En fait, la dissolution du système des intégrateurs a joué de façon négative sur les rapports entre associations et « agromec ». Y étant contraints en partie par l’augmentation des prix de l’énergie, et profitant de leur nouvelle liberté par rapport à la camisole de force des prix imposés par l’État, les « agromec » ont considérablement augmenté les prix de leurs travaux agricoles. De leur côté, face à leur propre manque de liquidités, les associations ont préféré rembourser de manière prioritaire les dettes contractées envers l’État et la banque, puis, éventuellement – c’est-à-dire très tardivement – s’acquitter de leurs dettes envers les « agromec ».

56Dès avant 1997, certains « agromec » ont essayé de trouver des voies leur permettant de ne pas se limiter au seul travail des terres des associations. Ainsi, certains se sont réorientés, du moins partiellement, vers les petits propriétaires, considérés comme plus fiables et plus prompts à payer les services fournis. Néanmoins, cette réorientation ne fut pas toujours heureuse, tant en raison de la difficulté à réaliser des bénéfices intéressants à partir du travail de petites parcelles éparpillées, qu’à cause de la concurrence des petits propriétaires eux-mêmes, dont certains acquirent des tracteurs. D’autres « agromec » ont essayé de se lancer dans l’exploitation directe des terres, en prenant en location celles des petits propriétaires. Néanmoins, ne disposant pas de capitaux à investir pour amorcer le cycle de production, les « agromec » ont dû, tout comme les associations, faire appel aux crédits. Au moment où les crédits n’ont plus été subventionnés, les stations de mécanisation sont entrées en suspension de paiement et leurs dettes ont augmenté en flèche.

57Parallèlement, les associations elles-mêmes ont essayé, dès avant 1997, de se doter d’une certaine autonomie par rapport aux « agromec » en se procurant leurs propres équipements et outillages agricoles. En fait, les associations qui avaient réussi étaient celles qui avaient su, entre autres, devenir les plus autonomes sur le plan des services agricoles. La plus grande association du département (elle compte plus de 1 000 hectares), par exemple, s’est dotée de quinze tracteurs, lesquels lui assurent une certaine indépendance. Les autres associations, plus modestement fournies en équipement mécanique, essayent elles aussi de faire avec les moyens du bord. Il y a ainsi des chefs d’association (autant juridiques que familiales) qui, devant exploiter de 200 à 300 hectares, ont essayé de se débrouiller avec les deux ou trois tracteurs qu’ils possèdent, même si cela suppose une utilisation maximale pendant les campagnes agricoles. Ils déclarent même avoir limité les superficies exploitées, et donc avoir refusé de nouveaux membres, afin de ne pas être contraints de faire appel aux services mécaniques de l’extérieur et de tomber dans la spirale des dettes. Ainsi, après 1997, comme l’achat de nouveaux tracteurs n’était plus vraiment envisageable pour les associations (suite au manque de crédits et à une marge de manœuvre financière insuffisante), leur marche vers l’indépendance se manifesta surtout à travers l’utilisation maximale des ressources déjà disponibles.

58Certaines d’entre elles ont toutefois choisi de répondre à leurs besoins en travaux mécanisés par de nouvelles formes de partenariat, ou même de « fusion » avec les « agromec ». Dans le village de Crovu, par exemple, la nouvelle association juridique formée en 1992 sur quelque 200 hectares entre, dès sa constitution, en étroite collaboration avec l’« agromec » local. Dirigées par les mêmes chefs qu’au temps du régime communiste (les anciens chefs de la CAP et de la SMA), les deux unités continuent d’entretenir, sous des formes nouvelles, la collaboration institutionnelle qui a uni auparavant la CAP et la SMA. Aussi, après 1996, le président de l’association pallie-t’il le manque de liquidités en redistribuant les coûts des services mécanisés fournis par l’« agromec » entre les membres de l’association, qui prennent en charge un montant proportionnel à la superficie détenue dans l’association. De plus, la privatisation des « agromec » donne l’occasion aux deux chefs de pousser encore plus loin leur collaboration. C’est ainsi qu’ils convainquent les membres de l’association de devenir les actionnaires de la station de mécanisation. Au demeurant ils envisagent, à la fin du processus de privatisation, la fusion entre une section de la SMA et l’association juridique. Comme le disait le chef de l’« agromec », « nous, nous allons tous unis ensemble ».

59Ces solutions, qui semblent viables et capables de parer, du moins partiellement, au blocage, n’ont toutefois pas été adoptées par de nombreuses associations. Je n’ai pu en observer que quelques cas épars sur le terrain (un cas de fusion et deux cas de « marche vers l’indépendance »). La majeure partie d’entre elles arrivent à peine à assurer leur survie, se débattant avec des moyens en diminution et des relations problématiques avec les « agromec » dont elles ne peuvent ni s’affranchir, ni arriver à payer à temps les services mécanisés.

60Devant les nouveaux défis posés par les changements survenus après 1989, et surtout après 1997, les anciens cadres de l’économie coopérative ont développé des stratégies visant à maintenir leur place dans le système de production et de pouvoir local. Ils l’ont fait en essayant de sauver les unités qu’ils dirigeaient, mais aussi, parfois, en créant des unités en dehors du système associatif. Nous verrons dans ce qui suit qu’il y existe en effet une troisième voie permettant de sortir du système des intégrateurs, voie qui va vers la transformation des associations et vers le départ de leurs cadres du secteur associatif pour devenir des entrepreneurs indépendants disposant de leur propre outillage. Cette même porte de sortie est du reste partie prenante d’un mouvement plus important de transformation du secteur associatif, qui comprend, de manière plus large, la constitution de nouvelles unités qui ne sont ni des associations, ni des Agromec. Ces unités poseront, comme nous le verrons, de nouveaux défis aux associations.

Notes

1 Il s’agit de mes propres calculs à partir des données fournies par Sarris et Gavrilescu (1997. p. 206).

2 Elles sont incluses (avec les individus indépendants) dans la catégorie des « autres », dans les statistiques du ministère de l’Agriculture.

3 Au milieu de 1993, les stations de mécanisation étaient encore à 100 % à capital d’État, tandis qu’en 1995, seulement 86 des plus de 500 « agromec » furent privatisés (Commission européenne, 1998b. p. 46).

4 Car, durant les sept premières années qui suivirent la chute du régime, on ne comptait d’autres acteurs de la « grande » agriculture que les IAS, qui, elles, disposaient de leur propre outillage et équipement.

5 Les facteurs ayant joué dans cette variabilité sont multiples. Ils tiennent par exemple, pour certains villages qui n’ont pas d’association, à la qualité de leurs sols. Dans quelques villages dont les sols fertiles sont propices aux cultures maraîchères (notamment ceux qui sont situés en bordure des rivières), les nouveaux propriétaires se sont orientés vers l’exploitation personnelle de leurs propriétés en vue de la commercialisation des légumes sur les marchés urbains. Dans les villages qui ont des associations, les facteurs ont tenu, du moins en partie, à la capacité des cadres locaux à se maintenir dans une position de pouvoir en convainquant une partie, au moins, des villageois de garder certaines de leurs terres en forme associative.

6 Et ceci en dépit de l’importance que les cadres au niveau communal et les ingénieurs agronomes ont eue pendant les toutes premières années du processus de décollectivisation (von Hirschhausen, 1997, p. 63-76).

7 J’estime que cette catégorie des véritables cadres politisés constituait, pendant la période socialiste, un contingent assez nombreux, représentant autour d’un tiers du total des cadres de la CAP (qui comprend également les ingénieurs agronomes « non politisés »).

8 En particulier grâce au degré auquel ils ont su concilier, du temps de Ceauçescu, les demandes des villageois aux pressions croissantes de la part de l’État en vue d’une ponction maximale du surplus des coopératives.

9 De nombreux cadres agricoles ne sont pas originaires du village où se trouve la coopérative, ou même n’y habitent pas. mais font la navette.

10 D’après les témoignages des ingénieurs mécaniciens auxquels j’ai parlé, il semble que. surtout vers la fin du deuxième mandat du parti d’Iliescu (1994-1996), ces prix aient augmenté beaucoup moins rapidement que les prix des intrants des « agromec ».

11 En 1997, on estime qu’en moyenne 50 % de ce qu’une famille roumaine consomme provient de sa propre production, tandis que les familles rurales produisent environ 80 % de ce qu’elles consomment (Tesliuc. 2000, p. 4-5).

12 En partant des témoignages locaux, j’ai calculé que les prix en lei ont baissé, entre 1997 et 1998. de 35 % pour le soja et de 18 % pour l’orge. Pendant la même période, l’inflation est de 150 % en 1997 et de 40 % en 1998.

13 La devise nationale.

14 Ce dernier prix s’est finalement situé non pas à 1 000 lei le kilo, comme prévu, mais est descendu en deçà de 800 lei le kilo.

15 La canicule a duré deux mois en 1998, atteignant quelquefois plus de 40 degrés Celsius.

16 Durant mon étude de terrain, j’ai entendu parler à maintes reprises, à travers les villages visités, d’associations qui avaient restreint leur superficie ou qui avaient carrément disparu.

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