1. Pensées critiques urbaines : vers un paradigme relationnel
p. 27-49
Texte intégral
1La recherche urbaine est actuellement soumise à des injonctions paradoxales. Sociétales et/ou techniques, ces interpellations sont autant de demandes de solutions face aux grands défis sociaux contemporains (migrations, crises environnementales et économiques...) marqués du sceau d’un régime d’incertitude généralisée (Berthelot 1996). En effet, les acteurs de l’aménagement et de l’urbanisme, qu’ils soient privés ou publics, cherchent à maîtriser et contrôler des situations voire des aléas et négligent les réflexions et problématiques propres à la recherche ou à l’approfondissement des connaissances sur les villes et leurs relations à l’action des groupes sociaux (Grossetti 2004 ; White 2007). Cette diversité d’enjeux questionne non seulement le sens et les orientations de la prospective de la recherche urbaine, mais aussi et surtout donne prise à de nouvelles interrogations dans le champ de la pensée critique liée aux études urbaines. Mais comment définir la critique ?
2En mettant en parallèle sociologie critique et sociologie de la critique, pour discuter des positions expertes versus des positions vécues relatives aux questions d’inégalités, Luc Boltanski (1990) précise quelques conditions de la critique en sciences sociales et notamment que « critiquer, c’est se désengager de l’action pour accéder à une position externe d’où l’action pourra être considérée d’un autre point de vue » (p. 131). Dans ce contexte, apparaissent deux acceptions de la pensée « critique ». La première renvoie à un jugement empreint de moralité, de valeurs, en somme un certain dessein normatif pour le « monde social ». La seconde réfère à une grille d’analyse (au sens de la méthodologie et de l’analyse des données collectées par le scientifique) sur un fait ou un phénomène social dont on peut interpeller la stabilité sur la longue durée.
3Si la critique procède de l’expérimentation de la pratique scientifique, engageant un jeu controversé, et parfois paradoxal, entre totale intégration et marginalité dans l’institution universitaire, c’est aussi « l’art de n’être pas tellement gouverné » (Foucault 1990, cité par De Lagasnerie 2013) ou encore de mobiliser à rebours les outils et modèles de nos disciplines scientifiques pour en faire des instruments axiologiques aptes à révéler certains fonctionnements humains ou politiques (De Lagasnerie 2013, p. 64). Pour d’autres penseurs (Latour 2004), la critique est épuisée par manque de radicalité. Une critique vraiment radicale est une « critique immanente », procédant d’un empirisme radical, qui demande aux chercheurs eux-mêmes de s’impliquer au cours d’une expérience de recherche qui les transforme eux-mêmes (Murphie 2008 ; Massumi 2002).
4Pour construire l’argumentation de ce chapitre, il nous paraît nécessaire de mentionner deux champs importants de la recherche urbaine qui permettront de montrer comment nous envisageons de revisiter l’approche critique, pour quelle orientation et vers quels modes de diffusion. Ainsi, le premier champ concerne une certaine conception de la science, centrée sur des solutions et développements techno-centrés censés répondre à des enjeux contemporains (par exemple, la crise écologique, la croissance des inégalités socio-économiques au sein des villes, etc.). Cette conception effacerait la contribution des individus et des groupes sociaux et renforcerait les positions dominantes d’une science en surplomb relativement au vécu et à la construction sociale (voire politique) des inégalités socio-économiques. À l’opposé, le « droit à la ville » et la très discutée « justice spatiale » questionnent le second champ de notre propos, à savoir la pensée dite « critique » qui, depuis quelques décennies, s’est développée au sein des études urbaines et a alimenté les différentes approches et représentations de ce que peut ou doit être le « travail scientifique », voire la « science ». Construite en grande partie sur l’héritage des théories critiques aux fondements marxistes, le prisme de lecture et d’analyse repose souvent sur des approches socio-économiques du monde social où les fondements du/des capitalisme(s) (valeur, excédent, profit, accumulation, etc.) imprègnent la société, les formes de propriété, d’actions des groupes sociaux et leurs expressions au travers de la lutte des classes. Si cette pensée critique souligne légitimement les contradictions internes des politiques, notamment urbaines et d’aménagement, sa maigre portée opérationnelle et sa faible prise en compte des pratiques et usages de la ville par les individus et groupes sociaux nous paraissent devoir être interrogées. Au risque des orientations guidées par des perspectives normatives, technicistes et à court terme, et dans un contexte scientifique critique qui appelle à une « nouvelle épistémologie urbaine » (Brenner 2014), le propos du présent chapitre vise à revaloriser la place de l’action des individus et des groupes sociaux dans la relation à la ville. Pour ce faire, il oriente la réflexion vers un paradigme plus relationnel où la notion d’agentivité1, c’est-à-dire la faculté d’action des agents vivants et/ou non, et à une autre échelle d’analyse des collectifs socio-environnementaux, permet d’équilibrer le rôle de l’ensemble des acteurs, mais aussi des auteurs impliqués dans la recherche urbaine. L’argument d’une pluralité d’agents signifie aller au-delà de la reconnaissance des subjectivités, qui finit par réduire aux seuls humains la possibilité d’une agentivité et est donc une expression d’une pensée anthropocentrique. Il s’agit donc de valoriser une réflexion sur les formes de domination en relation avec une pluralité d’agents dans des espaces et des temporalités spécifiques.
5Cette démarche réinvestit de vieux débats méthodologiques et donc épistémologiques sur l’analyse et la compréhension des phénomènes sociaux qui ont notamment été marqués en sociologie autour d’un affrontement particulièrement vif entre l’individualisme méthodologique et des approches plus holistiques dans la compréhension des phénomènes observés. Cependant, plutôt que de les opposer, il s’agit de valoriser l’articulation ou l’intégration méthodologique de ces approches.
6Une première section rendra compte d’une histoire récente de la pensée critique dans le champ des études urbaines. Une deuxième section, développée à partir des particularités de la thèse de l’urbain généralisé, illustrera, à l’aide d’études de cas, la pertinence du besoin de renouvellement de la pensée critique dans les recherches contemporaines. En effet, il s’agit de pointer des réponses aux apories contemporaines d’une critique d’inspiration marxienne aux approches néo-structuralistes. Une dernière section portera sur des travaux récents introduisant d’autres perspectives critiques qu’il reste à mettre à l’épreuve de la ville.
La pensée critique possède différentes acceptions historiquement circonscrites mais essentielles à la science
De l’intérêt d’un retour épistémologique et historique
7Au préalable, rappelons que la pensée critique a d’abord été définie en philosophie et en pédagogie pour enseigner un certain usage de la pensée, en opposition aux préjugés et à l’obscurantisme, à un rapport à la foi et au fait religieux qui organisaient et expliquaient les sociétés pré-révolutionnaires ou pré-scientifiques, mobilisant des croyances ou des mythes dans l’organisation du monde social et de l’action des individus, des collectifs et groupes sociaux. La définition d’une pensée critique est donc complexe. Elle s’inscrit dans une histoire des sciences et des humanités ainsi que dans la construction épistémologique du fait scientifique (Gingras 2013). Parmi les écoles de pensée, l’école de Francfort (Theodor W. Adorno, Herbert Marcuse, Jürgen Habermas ou même précédemment Walter Benjamin) demeure celle dont l’héritage marque de nombreux courants de la science appliquée aux mondes urbains. En s’opposant au positivisme scientifique dès les années 1930, elle s’appuie notamment sur les théories freudiennes pour mettre en avant les principes de l’agir.
8L’élaboration d’une pensée, et donc d’une grille d’analyse critique, s’accompagne alors d’outils qui lui donnent sa consistance sur les plans théorique et empirique, tels le marxisme ou le déconstructionnisme. L’expansion du « fait urbain » et le développement des politiques d’inspiration keynésienne dans le domaine de l’aménagement des villes ont conforté l’essor de la pensée critique dans ce domaine.
9En France notamment, la recherche urbaine s’en empare dès les années 1960 suivant plusieurs étapes qui dépendent des étroites relations entre pouvoirs publics et chercheurs, mais aussi entre l’évolution des aménagements urbains, les moyens consacrés à la recherche urbaine et les débats scientifiques qu’ils engendrent (Racine 1996). Cette pensée critique vise autant les formes de production de l’espace et les ségrégations sociales produites, que les types de diffusion du pouvoir et les formes de résistances ou d’appropriations habitantes. Dans cette optique, la ville est appréhendée comme un outil au service de l’économie et du capital. Aménager reviendrait à participer à différents objectifs économiques, mais surtout à la reproduction d’intérêts de classes qui iraient à l’encontre de l’intérêt général. Mais ces lectures du monde urbain, dont l’angle d’approche reste celui de l’économie et, plus généralement, des contradictions propres au capitalisme négligent deux points importants. La variété des capitalismes et de l’économie de marché sur la longue durée est peu appréhendée (Braudel 1985). Le caractère autonome de l’activité économique vis-à-vis du monde social est également éludé. Or, depuis Karl Polanyi (1983) et ses travaux conduits sur la « grande transformation », on sait que ce « désencastrement » de l’économique vis-à-vis du social peut certes servir de point d’appui à des discours performatifs sur l’existence et le bien-fondé du marché, mais peine à nourrir les travaux réalisés en sociologie (Steiner et Vatin 2013 ; Bidart et al. 2011 ; White 2011), en anthropologie, en histoire et, bien entendu, en économie politique – travaux qui doivent s’attacher à prendre une bonne distance vis-à-vis du postulat d’une rationalité économique qui gouvernerait l’ensemble des registres d’action des individus et des collectifs qui « font » les mondes urbains. À l’instar des questions soulevées par les analyses en termes de (néo) libéralisme et de (néo) libéralisation, la question plus générale posée à la pensée critique est alors celle du postulat d’une autonomie du champ économique qui s’imposerait comme tel à l’urbain.
Critique de l’espace urbain comme catégorie du pouvoir
10Dans les études urbaines, c’est bien la géographie radicale qui porte l’étendard d’approches ayant émergé au tournant des années 1970 dans un environnement anglo-saxon alors empreint de contestations sociales (ex : la guerre du Viêt Nam, la remise en cause progressive du pacte social fordiste centré sur l’État-nation) rejointes par la volonté pour une nouvelle génération d’enseignants et de chercheurs de rompre avec les traditions méthodologiques à l’œuvre dans l’analyse spatiale des phénomènes sociaux. La pensée critique se prolonge alors en opposition aux analyses fonctionnalistes et productivistes du fait urbain. La recherche urbaine, qui connaît de grandes heures avec des penseurs tels Henri Lefebvre (dont La révolution urbaine paraît en 1970) ou encore Manuel Castells (dont La question urbaine paraît en 1972 en France) montre que la ville se révèle bien plus qu’une catégorie d’espace particulière, et ne peut être seulement analysée en termes de rapports des espaces entre eux, ce qui reviendrait à un fétichisme spatial. L’espace urbain doit se comprendre à la fois comme l’expression de rapports sociaux et d’une volonté collective, nationale ou étatique ou même « comme catégorie du pouvoir » (Le Breton 2012). Cette pensée critique, héritière de l’école de Francfort, se refuse à donner à l’espace un rôle explicatif en ignorant les processus sociaux qui le fondent et lui donnent sa puissance explicative. Elle identifiera « le capital et sa circulation, non pas, comme le voudrait l’économie classique en tant que stock de monnaie, de marchandises ou de moyens de production, mais comme rapport social, en ce sens que sa détention par la bourgeoisie permet à cette classe de s’approprier le travail de ceux qui ne possèdent que leur force de travail » (Racine 1996, p. 223). Dès lors, le travail et son exploitation deviennent des grands principes d’interprétation des composantes spatiales (et donc urbaines) d’un monde social structuré autour de rapports de domination et de luttes d’appropriation de ressources, essentiellement économiques, inégalement distribuées. Il détermine les inégalités socio-spatiales dont l’analyse alimentera les réflexions au sujet des inégalités environnementales à partir des années 1990. En France (et en Europe), les géographes soucieux de mettre en lumière les modes de production et de reproduction des inégalités socio-spatiales (Pierre George, Raymond Dugrand, Bernard Kayser) ont joué un rôle certes plus discret mais tout aussi moteur, en amendant les théories de l’urbain proposées par Manuel Castells et Henri Lefebvre, mais également par des économistes marxistes comme Samir Amin (1973).
11Plus généralement, le rôle important de l’espace en sciences sociales (ou le « tournant spatial » des sciences sociales s’attardant sur l’urbain) témoigne de la volonté de chercher une problématique générale d’explication du fait urbain, en passant, pour certaines approches, par une explication de la création de territoires jalonnés de pratiques et appropriations variées au sein du capitalisme. Le capital se fixe dans le sol, expliquera plus tardivement David Harvey (2012, p. 236) ; perspective que l’on retrouve dans de nombreux et anciens travaux en histoire urbaine (Lepetit 1988), mais également en économie où le foncier constitue une composante intrinsèque du « capital » (Piketty 2013). Ainsi, l’environnement naturel et construit est le produit d’un capitalisme à la recherche de nouvelles sources de profit, tirant parti d’une distinction urbain/rural (Blanc 2012). L’une des hypothèses, issue du courant critique héritier des travaux de Lefebvre sur le droit à la ville, met en avant l’idée selon laquelle la problématique environnementale implique un contrôle collectif sur les espaces urbains ou ruraux dans le cadre des communs notamment2. Dès lors, l’espace de vie – plus que le lieu de travail – devient la raison et l’objet de la lutte pour la reconquête d’une autonomie de vie, loin des processus de déterritorialisation communs aux différentes variétés de capitalisme. Vie quotidienne et logement sont ainsi compris dans leurs dimensions symboliques et relationnelles et constituent des niveaux d’action interdépendants (Chombart de Lauwe 1959). Dans ce champ de développement des espaces de vie et de reprise d’autonomie des individus, un autre courant important issu du CERFISE3 prône la « production habitante d’espaces de liberté, affranchis de l’emprise du pouvoir » (Le Breton 2012, p. 141).
De l’espace public à l’espace vécu : émergence de courants critiques alternatifs
12C’est en ce sens également qu’émergent à partir des années 1980 à la fois les réflexions sur la notion d’espace public (Joseph 1984), mais aussi une pensée de l’espace vécu qui va donner toute sa force aux analyses inspirées d’une phénoménologie de l’espace et d’une philosophie existentialiste. Une « vision humaniste » de la production de l’espace anime les études urbaines (Racine 1996). Il s’agit d’étudier les processus de formation des groupes sociaux dans les espaces urbains dans une perspective héritée de l’école de Chicago et des premiers temps de la sociologie urbaine (Grafmeyer 1991 ; Ledrut 1973). La perspective vise moins la verticalité des relations liées au pouvoir que « l’horizontalité » des processus d’appropriation. En effet, pour les travaux qui se concentrent sur l’empreinte spatiale des réseaux sociaux, les relations interpersonnelles donnent corps aux espaces. Elles révèlent les formes et les dimensions spatiales de l’horizon relationnel des individus, sorte de « capital social » qui constituerait les territoires à partir des formes de solidarités et de leurs inscriptions (ou relations de dépendance) dans différents groupes et collectifs qui organisent la vie quotidienne des individus. L’objectif est de saisir l’espace, au-delà de la seule distance métrique, comme une variable explicative d’organisation et de compréhension d’un monde social qui, en retour, nous donnerait à voir un plus vaste « monde urbain » amené comme une macrostructure dans laquelle serait immergé le niveau plus « micro » de l’action. Loin des revendications hygiénistes qui dénoncent les pathologies liées aux espaces et à leurs formes d’organisation4, ces travaux vont également accompagner la montée en puissance des revendications de bien-être et de qualité de vie dans l’environnement urbain5.
13Par ailleurs, la géographie radicale, avec des penseur.e.s tel.le.s Doreen Massey (2005) en Grande-Bretagne ou David Harvey (1973) se transforme en géographie critique à partir des années 1990, contemporaine de l’écologisme, du mouvement queer et du féminisme (Mangeot 2012). Au-delà de ces revendications, de nombreux chercheurs récuseront le point de vue du scientifique comme étant le seul légitime pour instruire le dossier des raisons et des causes de la production des espaces urbains. Une telle critique oblige le chercheur en sciences sociales à développer une réflexivité à l’égard de son point de vue et à le mettre en relation avec d’autres produits dans la fabrique des espaces urbains : il s’agit d’adopter une vision de la ville incluant les représentations situées des minorités ethniques, des femmes, des homosexuels, des handicapés, des SDF, etc. De tels positionnements rejoignent alors certaines formes critiques de la recherche urbaine dénonçant le caractère aseptisé, trop fonctionnaliste ou discriminant de la production des espaces de la ville, en particulier l’approche sémiologique centrée sur les formes de représentation et le sens qui en est donné par les habitants (Ostrowetsky 1983). La géographie critique affiche ainsi son éclectisme et cherche à réintégrer dans l’horizon normatif de la justice sociale de nouvelles catégories d’exploités et de dominés. Ainsi, si cette géographie critique perd effectivement de vue la notion de « classe » (Racine 1996), elle n’en gagne pas moins une diversité de grilles d’analyse et de compréhension associées à la prise en considération de différents courants critiques. Outre la volonté d’analyser pour mieux les dénoncer, la diversité des formes de domination, les différents courants de la géographie critique affirment leur engagement auprès des mouvements sociaux. Il s’agit de dépasser les frontières du monde académique pour intervenir dans l’espace public et soutenir certaines luttes. Dans un contexte néolibéral de privatisation de la recherche et de l’enseignement ainsi que de financiarisation de la production des savoirs, la géographie critique soutient la création de réseaux alternatifs de recherche (Gintrac et al. 2012).
« Désoccidentalisation » de la pensée critique et nouvelles formes de domination
14À partir des années 2000 se développe également une critique de la critique, le Southern turn, avec l’ouvrage souvent cité de Jennifer Robinson, Ordinary Cities, publié en 2006. Il milite pour une « désoccidentalisation » de la pensée critique dans le champ des études urbaines, y compris celle d’inspiration marxiste. En effet, l’essentiel des constructions théoriques, et pour ainsi dire des paradigmes des études urbaines, s’appuie sur des résultats établis dans des contextes occidentaux et notamment des grandes villes et métropoles (Sassen 1996). Cette nouvelle pensée critique invite alors à reconsidérer l’épistémologie des études urbaines en introduisant les points de vue théoriques et critiques des chercheurs et penseurs d’autres traditions culturelles (Inde, Chine, Afrique, etc.) en révisant à ce titre une part des études comparées. Il s’agit de revoir les modes d’aménagement et de planification des espaces non occidentaux au regard de leurs histoires spécifiques et singularités socioéconomiques (Amin et Graham 1997). La coupure nature/culture propre à la pensée occidentale (Descola 2005), par exemple, engendrerait un art de la composition urbaine et une police des espaces urbains contre-nature, étrangers aux traditions culturelles non occidentales (Pattaroni et Baitsch 2015). Cependant, les modes de composition néolibérale de l’espace urbain tendent à réduire la portée subversive de ces critiques ; la prise en compte des diversités sociales, biologiques, culturelles serait ainsi une nouvelle injonction des politiques urbaines contemporaines qui tendraient, par ailleurs, à instrumentaliser les attachements et les sentiments d’identité liés aux lieux.
De la qualité de vie au processus de city branding
15Cependant, les observations convergent sur le fait que le capitalisme urbain joue des valeurs de rente foncière dans la production urbaine au mépris des cultures locales dans leur complexité socio-historique et de la paupérisation de pans entiers des sociétés urbaines (Gagnon et May 2010). L’aménagement urbain et l’urbanisme promeuvent en ce sens des grilles d’analyse très normatives sous couvert de bien-être et de qualité urbaine qui participent de la concurrence des villes sur un marché mondialisé de l’offre résidentielle et de l’investissement économique (ville verte, ville créative...) (Bardet et Purenne 2010 ; Pattaroni et Baitsch 2015). Harvey (2010) dénonce alors le branding, c’est-à-dire « la transformation actuelle des villes en marques » et l’absorption de leurs traditions culturelles spécifiques dans les calculs de l’économie urbaine (Mangeot 2012).
16Depuis les années 2010, l’influence de la théorie urbaine critique s’est étendue, en particulier en France avec de nombreuses traductions, publications (par exemple, Garnier 2010 ; Clerval 2010 et le dossier « Géographies critiques » de la revue Carnets de géographes en 2012) et conférences (par exemple le colloque international « Espace et rapports de domination » organisé en septembre 2012 et dont les actes ont été publiés en 2015). Elle devient le moteur d’une recherche urbaine dénonçant les formes de domination, « ce qui se traduit notamment par le choix des thèmes de recherche, soit l’étude des groupes dominés (habitants des favelas, migrants, expulsés selon les cas) et des processus de domination urbaine » (Gintrac 2017). Les nombreux travaux sur le capitalisme financier appliqué aux espaces urbains, et notamment sur la place du langage gestionnaire dans la dépolitisation des enjeux propres aux espaces publics (Newman 2012), montrent la reproduction néolibérale de l’ordre urbain aux dépens des capacités des acteurs à déterminer leur propre vie, soit leur agentivité que nous développerons plus loin. Ces énoncés, parfois associés à une grille d’analyse aux accents marxistes, effacent les singularités locales, y compris la manière dont les individus et les collectifs (ré) interprètent les productions normées de l’aménagement urbain. On peut faire l’hypothèse que cette critique d’inspiration marxienne concourt à la production d’une normativité aménagiste par l’emploi de catégories d’analyse généralistes (inégalité sociale et spatiale, exclusion, etc.) (Abbott 2016). Le projet critique auquel renvoie ce chapitre ne vise plus, dès lors, les processus de production des espaces urbains, mais porte sur le caractère normatif et surplombant d’une critique d’inspiration marxienne avec des concepts totalisants tels qu’inégalité, ou rapports de domination, devenue une grille d’analyse explicative très générale qui fait abstraction de la capacité d’action des individus, des groupes sociaux et de l’émergence d’arrangements, qui, inscrits dans des collectifs, peuvent nous donner à voir des formes de bifurcation des trajectoires des individus et donc des actions imprévisibles contrecarrant l’idée d’une irréversibilité des situations sociales inscrites ou non dans un espace urbain. Quel rapport entretient donc, de manière plus générale, la pensée critique à l’égard de la diversité des visions du monde, qu’il s’agisse des représentations scientifiques ou ordinaires ? Les sociétés objectivées comme objets d’étude seraient vues de manière essentiellement statique. Certains travaux plaident cependant pour la prise en compte du contexte dans l’analyse des formes du capitalisme (par exemple, les écrits de Niel Brenner, Jamie Peck et Nik Theodore sur variegated neoliberalization et variegated capitalism, 2010).
Exemples des apories contemporaines des approches néo-structuralistes
Surplomb critique et approche relationnelle
17Il suffit de donner quelques exemples pour saisir les apories théoriques et critiques d’une recherche urbaine néo-structuraliste que nous avons mises en exergue dans la première section du chapitre. Il en est de même des réponses dont témoignent certains travaux contemporains.
18Nous l’avons souligné, les sociétés urbaines sont des champs d’interaction inscrits dans des contextes sociaux (ou spatiaux pour le coup) et temporels. Il s’agit donc de reconnaître les différentes formes de contingences (notamment culturelles, historiques et géographiques) plutôt que de croire que le modèle d’analyse et de compréhension néolibéral ou même néo-marxiste des formes de domination s’impose aux territoires du monde (Abbott 2016). Les courants critiques aujourd’hui encore dominants dans les sciences de la société limitent le développement de normativités alternatives dans leurs rapports aux faits attribuant une place essentielle à l’économique dans la détermination du réel.
19Or, une dimension critique du travail scientifique pourrait reposer sur l’appréhension d’un réel contingent, de situations toujours différentes, de successions de déploiements particuliers. Elle s’inscrirait hors de toute vocation d’aboutir à une compréhension totalisante en tant qu’elle réifie (dévitalise ou rend hétéronome) son objet (Boltanski 1990). Les transformations urbaines passent par des évolutions imperceptibles sur lesquelles les acteurs portent des regards divers dans des contextes urbains tout aussi variés. C’est d’ailleurs dans cette perspective qu’un pan entier de la recherche liée aux ambiances urbaines comme formes labiles de production des espaces s’est développé (Augoyard 1979), donnant le signe que l’urbain tire ses formes de la diversité des expériences sensibles, psychologiques et sociales que font les individus de ces transformations. La mise en question des limites spatio-temporelles de l’action des individus et des collectifs conduit à redéfinir la notion d’environnement qui pourrait être entendue dans ses acceptions plus écologiques et transactionnelles (au sens psycho-environnemental), autrement dit dans un sens où la situation d’expérience urbaine convoque ensemble individu et environnement, l’individu et ses particularités physiologiques, biologiques, psychologiques et sociales et l’environnement dans ses dimensions matérielles, biophysiques et temporelles.
Les échelles et les niveaux d’action des acteurs dans les questions de bien-être
20Dans cette perspective, retenons une notion fondamentale qui reste au cœur de la pensée urbaine, mais sédimente au fil des périodes de transitions urbaines (industrielles, technologiques, environnementales) différentes dimensions : celle de qualité de vie ou de bien-être des individus. Elle traverse les différents courants d’aménagement (hygiénistes en particulier), pensées critiques et politiques urbaines. La liste des dispositifs, domaines et solutions ayant émergé au cours de ces différentes périodes serait longue et inutile dans le cadre du propos qu’on souhaite développer ici. Disons plutôt que le champ de la qualité de vie ou du bien-être relève d’approches souvent quantitatives en usant de batteries d’indicateurs, notamment quand la qualité de vie concerne des populations spécifiques (Depeau 2017), ou de mesures chiffrées qui alimentent les controverses scientifiques. Cependant, ces approches contribuent également à l’instrumentalisation de la qualité de vie et s’inscrivent dans des logiques de surveillance et de classement des villes (Bardet et Purenne 2010). La ville se lirait donc par « évaluation » (Bourdin 2010), et cela se renforce sous l’injonction de la durabilité :
La ville durable tient tout entière dans un ensemble de critères qui se traduisent par des indicateurs et des niveaux quantitatifs à atteindre pour chacun d’entre eux. La « bonne gouvernance » et la démocratie participative restent qualitatives, mais leurs indicateurs quantifiables existent déjà et progressent. La ville durable se dit par l’évaluation et plus précisément par les indicateurs quantifiés. Certains voient même dans le taux d’émission de gaz à effet de serre une sorte d’équivalent généralisé permettant une lecture universelle du monde. On vient en tout cas à considérer que toute action urbaine doit faire l’objet d’une évaluation permanente qui permet de l’orienter, nous rappelle Alain Bourdin (ibid., p. 123-124).
21La notion de qualité de vie recouvre une pluralité d’acceptions et de domaines de la vie très variés qui peuvent fournir des prises intéressantes aux différents secteurs du développement des mondes urbains et de leur critique (Morais et al. 2013). Si elle donne lieu aujourd’hui à pléthore d’indicateurs basés à la fois sur des externalités urbaines (services, ressources, aménités, etc.) et des dimensions plus subjectives, souvent sujettes à discussions autour notamment des types de processus psycho-sociologiques à prendre en considération pour comprendre la qualité des rapports individus-environnements (perceptions, préférences, désir ou actions ?), elle reste cependant très fortement attachée à des indicateurs d’utilité économique qui peuvent être discutés, dès lors qu’ils servent plus l’idée d’une compétitivité des villes que le bien-être des individus (Bardet et Purenne 2010).
22Par ailleurs, un point important des outils d’évaluation de la qualité de vie concerne le statut de l’individu et le rôle de son action dans cette construction du bien-être. Cette place de la dimension individuelle et, en particulier, du rôle de l’individu est en effet la question centrale qui a pu animer les débats notamment en économie autour des modèles de justice sociale incitant par là même Sen à proposer sa notion de capabilities (2010). En géographie, c’est aussi dans le champ de la justice spatiale (Harvey 1973) qu’une grande part des travaux portant sur la qualité de vie ou le bien-être s’est développée, glissant peu à peu vers les questions d’équité en lien avec les recherches sur la durabilité des villes (Brennetot 2011 ; Harvey 1973). Cette question du traitement de la dimension individuelle et plus spécifiquement de l’agentivité est également au cœur des débats sur l’évaluation du bien-être dans le domaine de l’enfance. Ici, le champ du politique, à travers la Convention des droits de l’enfant, a permis un changement de paradigme dans la définition de la qualité de vie des enfants, passant de la notion de besoins à celle de droit (Depeau 2017).
23En outre, un autre point d’achoppement des approches critiques peut être relevé à travers les outils d’appréhension de la notion de qualité de vie ou de bien-être dans la perspective du développement urbain durable. Il s’agit de la question des échelles temporelles et spatiales ou tout du moins de la question de la proximité de l’individu avec l’environnement qui convoque inévitablement la place de la nature et les rapports à la nature souvent pensés en contextes urbains comme effacés ou artificialisés. Cette dimension du milieu de vie urbain souvent négligée dans les échelles classiques d’évaluation de la qualité de vie ou seulement réduite à la dimension d’aménités urbaines, ou de ressources ou encore de valeur paysagère du cadre de vie, doit aussi pouvoir être entendue dans une approche moins anthropocentrée et plus englobante. D’autant que le vivant et le végétal s’introduisent dans nombre de controverses environnementales importantes, où cette attention portée à l’environnement et à la nature constitue même une dimension « d’habitabilité urbaine » (Blanc 2010) :
Face à l’ampleur des modifications écologiques en milieu urbain (déperdition de certaines espèces, invasions dans d’autres cas, finitude des ressources, îlots de chaleur dus au réchauffement climatique, dégradation des milieux, etc.) et des transformations urbanistiques, sociales, économiques, politiques et culturelles, nos sociétés contemporaines réexaminent le lien entre urbanisme et nature. Ce lien dessine de nouvelles figures de l’habitabilité contemporaine.
24D’autres paradigmes théoriques et méthodologiques plus multiscalaires et davantage interdisciplinaires sont donc à développer. Les approches artistiques d’ailleurs y contribuent.
Les milieux urbains dans le tournant mobilitaire...
25Dans la perspective de l’urbain généralisé ou de la transformation des villes dans une logique de flux, la problématique des mobilités spatiales apparaît comme un autre enjeu fondamental de la prospective urbaine, du fait en particulier du rôle des opérateurs privés qui demeurent de plus en plus présents dans les politiques publiques liées au transport et à la production de la ville (Huré 2017). Cependant, cette problématique reste aux prises de position paradigmatiques souvent très éloignées selon les enjeux soulevés et en fonction des approches et des données empiriques manipulées (de l’approche sensible à l’approche rationnelle). Dans ce contexte, on pourrait s’interroger sur la justesse épistémique des approches néo-structuralistes qui, prises dans des effets normatifs liés à la notion de domination, en réduisent l’explication à la dénonciation, peuvent devenir quasi dogmatiques. On pense ici, en particulier, aux approches qui envisagent la mobilité comme produite par des agents sans autonomie et pouvoir d’agir, donc sans capacité d’être acteurs et de mettre en place les quelques fameuses « tactiques » si bien décrites par Michel de Certeau (1980). Les individus sont alors assimilés à ceux mobilisés dans les approches multi-agents que, par ailleurs, sous-tend le paradigme économiste d’individu rationnel dans sa mobilité. Il est important de souligner la contradiction liée à l’absence d’autonomie conférée à un acteur que l’on dote pourtant de rationalité.
26Par ailleurs, les dimensions temporelles tout aussi centrales que celles de l’espace des mobilités spatiales résistent aux analyses néo-structuralistes. Le traitement des divers temps de la mobilité est nécessaire à la compréhension des transformations du monde social et de la fabrique de l’urbain, et ce davantage encore face aux exigences d’adaptation des comportements humains. Il paraît d’autant plus indispensable à la compréhension des formes de socialisation des individus, et notamment à la notion d’habitus, posée comme norme intériorisée, donc produit d’un processus qui n’a de poids et de valeur a priori qu’appréhendé dans un temps diachronique des individus, donc un temps biographique. Or, souvent la dimension diachronique est dépassée par la structure ou bien la position des individus dans la hiérarchie du monde social. À ne considérer les individus qu’à travers leur position dans ces structures et non dans le cours de leur histoire personnelle, ne risque-t-on pas d’opérer une fusion de l’individu avec la position qu’il occupe au sein de l’institution ? Daniel Bertaux (1974) montre, en effet, comment l’approche transversale gomme l’histoire de vie des individus dans la mobilité sociale et, surtout, comment une reconstitution des flux de mobilité associant l’évolution des emplois et celui de la population sur le territoire, réduit la population humaine et son histoire de vie à la « population active ». Il va même jusqu’à poser cette réduction sociale des individus comme une façon involontaire « de correspondre au point de vue des classes dominantes/dirigeantes » (p. 356).
27Les approches longitudinales nécessaires à la compréhension des processus sociaux liés aux transformations des structures sociales et spatiales sont ainsi insuffisamment considérées dans les sciences sociales (Bidart et al. 2011). Parce qu’elles sont coûteuses en temps et en ressources humaines, les moyens financiers de la recherche aujourd’hui condamnent une partie de leur mise en œuvre.
28Pour autant, si l’on comprend la mobilité comme un changement non exclusivement spatial, il devient urgent d’accorder un statut tout aussi important aux temporalités qu’aux spatialités. Qu’il s’agisse des temps quotidiens (y compris les micro-temps qui permettent d’ouvrir quelques plis importants dans la compréhension de temps informels par exemple, Depeau et al. 2017), des temps sociaux mais aussi biographiques.
... et sous l’ère de la ville numérique
29Enfin, si l’approche néo-structuraliste permet d’entreprendre un grand nombre de travaux sur les questions d’inégalités sociales et spatiales en partie engendrées par l’action de certaines politiques publiques et d’aménagement qui semblent aujourd’hui être infléchies sous le poids de dispositifs semi-privés, semi-publics et collaboratifs, elle reste pour le moins quelque peu éloignée des enjeux sociaux et urbanistiques sous-jacents aux évolutions de la ville dite numérique ou de l’urbain généralisé. Éloignée parce qu’elle ne se bornerait qu’aux effets de la mobilité sur les relations entre groupes sociaux, voire, plus précisément, sur la différenciation des rapports à la ville de certains groupes sociaux sans interroger plus avant leur rapport aux lieux, le sentiment de domination, ni même le sens donné aux mobilités vécues par les individus. Éloignée encore, parce qu’elle se borne au schéma classique mobilité-sédentarité, proximité-distance, comme si les structures sociales rejoignaient très logiquement les structures spatiales de l’habiter alors qu’il s’agit de revoir quelques patrons de lecture parfois trop statiques qui contraignent une lecture/analyse enchevêtrée ou multi-scalaire des phénomènes observés. Éloignée enfin, parce qu’elle resterait distante d’un champ fondamental qui gouverne la mobilité généralisée et qui transforme la société, à savoir l’ensemble des dispositifs technologiques interconnectés et communicants à différentes échelles qui induisent à la fois de nouveaux modes de déplacement, de nouvelles façons d’expérimenter les espaces, de nouvelles formes d’altérité et de nouveaux modes de surveillance, si l’on renvoie le dispositif technique à sa forme politique et policée (Foucault 1975).
30Il ne s’agit pas de renoncer à comprendre les effets des formes de néolibéralisation de l’urbain sur les formes socio-sociales et les questions de ségrégation, mais plutôt d’élargir certains angles de vue. Dans le contexte de l’urbain généralisé et de la ville, quelques champs semblent insuffisamment approchés de façon critique alors même qu’ils permettent de questionner un domaine déjà conquis par certaines formes de recherche privées adossées au développement des technologies et du monde numérique et qui mobilisent des données souvent critiques parce que sensibles. L’essor des grandes bases de données produites par les objets connectés et le traitement des traces laissées qui sont aujourd’hui utilisés pour divers dispositifs technologiques posent de nouvelles questions éthiques, esthétiques et donc politiques voire épistémologiques (Kitchin 2014a). Ensuite, si l’on s’appuie sur un des points importants que constitue la critique, à savoir le dévoilement d’un « écart entre la réalité et des idéaux » (Boltanski 2002, p. 283), il semble que le champ des objets connectés et du numérique se prête aussi à la critique par leurs effets produits tant sur les inégalités sociales que sur la constitution de nouvelles sensibilités environnementales. On renverra ici aux géographes Stephen Graham et Simon Marvin (2001) qui « rendent les technologies numériques responsables d’une série croissante de fractures entre quartiers hyper-connectés et en prise avec l’économie globale et zones urbaines en déshérence, entre acteurs de l’économie mondiale et habitants relégués à des tâches subalternes » (Picon 2013, p. 116). Et l’on pourrait aussi renvoyer aux conséquences sociales et écologiques que peuvent aujourd’hui avoir les formes de matérialité des villes et notamment de ces nouvelles matérialités numériques.
31En somme, l’examen des approches néo-structuralistes de la qualité de vie, de la mobilité et du tournant numérique oblige à réfléchir aux formes d’action observées (collectives ou individuelles) sans remettre en question les tenants théoriques déployés depuis plusieurs décennies par une pensée critique d’inspiration marxienne dans le champ des études urbaines. Il s’agit essentiellement de proposer l’examen de théories critiques fondées sur une perspective relationnelle.
Comment faire de la démarche critique un enjeu de prospective ? Les futurs de la pensée critique
32À vouloir dépeindre un futur critique, quelques perspectives apparaissent, plurielles et complémentaires fondées sur des traditions théoriques à mettre en regard. Il s’agit de s’éloigner des perspectives critiques purement matérialistes (au sens d’une géographie radicale) et purement culturalistes (au sens notamment d’une géographie humaniste) et orientées essentiellement sur l’interprétation des discours, pour embrasser aussi l’analyse de flux. On peut notamment se concentrer sur les flux de matières, tant symboliques que concrètes, dans des situations singulières, sans cependant perdre de vue des tensions associées au régime économique dominant. Ceci dans un contexte où le changement socio-environnemental apparaît au cœur des problématiques de recherche qui répondent aux crises financières, économiques, socio-écologiques que nous rencontrons actuellement (cf. chap. 7 et 8).
33Nous ébauchons ici une perspective critique relationnelle (Chan et al. 2016 ; Söderström 2014) donnant de l’importance aux rapports des êtres vivants ou non à différentes échelles et aux processus de différenciation socio-environnementale intrinsèques aux dynamiques de production des formes urbaines selon les contextes socio-culturels. Cette perspective enrichit les raisonnements en termes de rapports de domination, à condition d’inclure de nouvelles variables, par exemple dans la perspective liée aux approches de l’intersectionnalité, qui visent à appréhender la situation de personnes subissant simultanément plusieurs formes de domination ou de discrimination.
Perspectives relationnelles et nouveaux matérialismes
34Le courant critique des nouveaux matérialismes émerge après que les pensées du matérialisme scientifique, historique et du relativisme critique ont été accusées de réduction positiviste pour les sciences, d’économicisme pour les analyses critiques marxiennes ou de surinterprétation culturelle pour les sciences humaines centrées sur les interprétations langagières des phénomènes sociaux. Les partisans du « nouveau matérialisme » (Alaimo 2010 et 2016 ; Barad 2007 ; Bennett 2010 ; Braidotti 2013 ; Coole et Frost 2010 ; DeLanda 2006, Dolphijn et van der Tuin 2012 entre autres), c’est-à-dire de nouvelles formes de matérialité et donc de relations entre la/les matière(s), les individus et les groupes sociaux, cherchent à élargir et à enrichir l’expression de l’agentivité évoquant une pluralité d’agents, devenant ainsi l’expression d’une capacité polycentrique d’action (Blanc 2016).
35Le vécu lié aux objets ou événements, ou l’expérience de phénomènes, amène à collecter des indices matériels qui confèrent aux choses et évènements un certain pouvoir de configuration des actions, tant individuelles que collectives. Par exemple, il est peu recommandé de s’asseoir sur de l’herbe sale, ce qui a un impact sur le comportement, mais aussi sur la vitalité de la pelouse et des êtres vivants en son sein. Ici, plus de matérialité signifie également plus de connexions. Tout d’abord, il n’est pas possible d’isoler le corps humain dans sa relation avec son environnement extérieur, que ce soit l’environnement naturel, anthropique (transformé par l’action des humains) ou purement technologique. Deuxièmement, le corps humain est lui-même investi par des micro-organismes et par les effets de l’action technique des humains sur le monde. Cette lecture des multiples agentivités tend à aller au-delà des subjectivités trop anthropocentrées et à s’appuyer sur des collectifs matériels constitués de très nombreuses possibilités relationnelles. En ce sens, la géographe Stacy Alaimo (2016) propose une lecture des échanges de divers acteurs, notamment des activistes liés à des éléments à caractère naturel de l’environnement qu’ils conservent, protègent, défendent. Elle traite alors des déterminants des jeux situés d’échanges au sein d’une histoire et d’une géographie qui tendent à les reproduire aussi bien qu’à favoriser leurs métamorphoses. Sur le plan d’une approche des critiques de la recherche urbaine, ce positionnement permet de construire une pensée multidimensionnelle et multiscalaire des relations de pouvoir des agents entre eux, qu’il s’agisse des êtres vivants ou des choses. La reproduction de cette démarche amènerait ainsi à investir les milieux urbains et leurs relations à l’environnement sous l’angle d’une multiplicité d’acteurs, qu’il s’agisse du rôle joué par les matériaux de construction dans la santé environnementale, ou des aliments dans la production des circuits courts.
36Les travaux de Karen Barad sur la « diffraction », exemple de méthodologie qui autorise une multiplicité d’entrées dans l’analyse des phénomènes, ont ouvert sur des méthodologies innovantes dans le champ de l’urbain, qui consistent notamment à lire les phénomènes urbains les uns à travers les autres (Cidell 2017). Barad (2016, p. 34) plaide également pour une lecture des enchevêtrements d’échelles plus que pour une analyse sagement spatialisée selon une métrique devenue insignifiante. En somme, les penseurs de ce courant décomposent les rapports entre une structure socio-spatiale qui est le produit des pratiques sociales et une structure socio-spatiale qui est le support de l’action en une variété de configurations matérielles d’échanges. Plus qu’une théorie de l’espace, il pourrait s’agir d’une théorie des agentivités urbaines au sens des rapports que ces matérialités engagent, lesquels produisent des formes environnementales.
37À titre d’exemple, le programme de recherche CIVIC ACT6 s’inscrit dans ce mouvement allant d’une analyse des inégalités en termes de capital cumulé vers un paradigme relationnel auquel renvoient les travaux théoriques réalisés dans le cadre des nouveaux matérialismes. Il porte sur les manières dont les collectifs de la société civile, associant des êtres humains, des végétaux et des animaux ainsi qu’une variété de formes environnementales (paysages, jardins partagés, rivières, arbres, champignons, etc.), se ressaisissent de conditions données sur un territoire, soit une histoire et une géographie, pour les transformer en histoire personnelle, à l’origine de relations entre humains et non-humains, mais aussi comme source d’une action à l’origine d’une transformation multidimensionnelle et multiscalaire de territoires socio-écologiques. Ainsi, l’hypothèse principale du travail concerne le rôle de collectifs de la société civile dans les inégalités socio-environnementales au sein du Grand Paris. D’un côté, l’enquête concerne la production de cet environnement, celui-ci exprimant notamment une dynamique socio-économique. De l’autre, elle porte sur la manière dont l’environnement met en crise la production capitaliste, notamment autour des mobilisations et luttes urbaines. Dès lors, le milieu de vie devient le lieu de la reconquête d’une autonomie, loin des processus de déterritorialisation propres aux capitalismes. Le potentiel critique de telles recherches tient essentiellement en la relation opérée entre les milieux de vie, des trajectoires individuelles et collectives et le développement de capacités d’action. La mise en relation de données qualitatives, issues d’enquêtes de terrain, portant sur les rôles et vécus des collectifs à l’échelle locale, et de données quantitatives, élaborées à partir de bases de données sur les différentes formes d’inégalité sociale, économique, environnementale, abonde cette perspective critique.
Ambiances, expériences, phénoménologie de l’urbain
38En ce sens, les modèles pragmatistes et sensibles sont pertinents pour cerner les expériences urbaines, éminemment singulières, qui caractérisent l’urbain généralisé. En effet, les penseurs de ce courant de recherche s’intéressent aux liens très concrets entre l’expérience située, les formes construites et les pouvoirs en jeu ainsi que les principes de légitimation et les modes d’engagement (Pattaroni 2007) compris dans le contexte d’une sociologie pragmatique pour étudier les « répertoires d’évaluation » (Boltanski et Thévenot 2006). Par ailleurs, même si diverses méthodologies de la théorie de l’acteur réseau aident à défendre le concept de formes collectives de production urbaine, ces théories appliquées à la ville risquent de négliger la dimension politique des assemblages et des réseaux (Jacobs 2012) et des interactions sociales à différentes échelles socio-spatiales (Grossetti 2011). Au contraire, une vision pragmatiste de l’ordre urbain nous invite à considérer une étude des principes normatifs qui orientent chaque type d’assemblage selon le régime urbain, révélant à la fois sa dimension émancipatrice, mais également sa dimension oppressive. L’expérience est en effet prise dans une continuité et s’apparente à cette « qualité diffuse » que Jean-Paul Thibaud, en reprenant John Dewey (1993, cité par Thibaud 2004), associe à la notion d’ambiance.
39En outre, relevons l’approche transactionnelle (ou relationnelle au sens où les rapports sociaux entre des individus et entre les individus et les environnements construisent le rapport au réel et par extension à l’espace) (Stokols et Shumaker 1981 ; Wapner 1998) et les modèles apparentés. En donnant la primauté à l’expérience vécue (donc située), aux logiques phénoménologiques et écologiques des rapports des individus à leur cadre de vie (Depeau 2003), ils permettent de signifier l’expérience urbaine dans une diversité de dimensions, dont les composantes émotionnelles et affectives restent fondamentales. Ces modèles ne sont pas sans lien avec les courants de la sémiologie urbaine (Augoyard 1979 ; Ledrut 1973 sur Les images de la ville) qui prennent en considération les formes d’appropriation et de productions des espaces urbains. L’approche transactionnelle permet alors d’appréhender les parts d’intériorité et d’extériorité entre l’individu et la matérialité des espaces. L’approche écologique ou encore l’approche sensible de l’expérience urbaine permettent de dépasser la toute-puissance urbanistique évoquée par certains penseurs et souvent décriée et posée de façon quasi déterminante sur la vie et le devenir des individus dans la ville. En redonnant une place à l’imaginaire, aux sens, à l’affect, ces approches permettent de jouer des tensions créées par la puissance des flux en révélant en creux des éléments constitutifs de la notion de lieux nécessaires à la création de sens comme le précise Olivier Mongin (2007). Ces approches peuvent également contribuer à observer, interroger, voire critiquer les effets produits par l’urbain généralisé, notamment la part de standardisation des espaces et des normes sensorielles qu’ils produisent (Thomas 2010). Les techniques et les méthodes scientifiques qui caractérisent ces approches peuvent justement jouer de la diversité des échelles et considérer la complexité des phénomènes urbains que réclamait Saskia Sassen (2007). En même temps qu’elles permettent de déceler la part d’uniformisation sensorielle des expériences, elles facilitent l’appréhension et la compréhension de certaines formes de résistances habitantes.
Ressources urbaines, actions collectives et formes de capabilités
40Prolongeant ces réflexions sur les questions d’agentivité et de déploiement temporel et spatial des forces d’émancipation à l’œuvre, l’analyse par les capabilités, c’est-à-dire les éventuelles marges de libertés qui peuvent orienter l’action d’un individu, tend à remettre l’enjeu du développement des compétences/possibilités des acteurs urbains au cœur des enjeux de justice (Blanc et Laigle 2018 ; Sen 2010 ; Nussbaum 2011). Ils diffèrent ainsi des travaux sur la résilience climatique, empreints de néolibéralisme post-politique, c’est-à-dire d’une gestion techno-centrée de phénomènes environnementaux dans une visée d’efficacité économique éludant leurs dimensions politiques (Rudolf 2017). Le concept de capabilités implique le croisement des possibilités et des capacités : les individus et collectifs se saisissent du milieu multidimensionnel comme d’un outil pour développer de nouvelles compétences en relation avec des exigences transformatrices personnelles et socio-environnementales. Transposée à la ville, plutôt que de conduire à raisonner en termes d’égalité ou d’inégalités socio-spatiales, l’idée de capabilités permettrait de mobiliser la construction de trajectoires personnelles et collectives. La mise en partage des valeurs, des capacités d’apprentissage et d’interconnaissance, des possibilités de se saisir des ressources (culturelles, naturelles, institutionnelles, etc.) des milieux motive l’engagement des acteurs dans l’expérimentation de trajectoires urbaines dans la durée. Dès lors, la lecture des inégalités socio-spatiales, source d’une critique d’inspiration marxienne, s’accompagne d’une lecture des capabilités, dans le sens de la mise en rapport de ces possibilités avec les capacités des acteurs concernant leur développement et celui de leur cadre de vie (Buclet 2011). Les constructions collectives situées et les mobilisations dans les villes peuvent constituer un indicateur de futurs développements en ce sens. Sous couvert d’autonomie locale, les citadins sont invités à mettre en scène l’ordre urbain que les pouvoirs publics orchestrent. Il en serait de même de l’étude de l’émergence de nouvelles formes d’actions collectives au sein et entre des villes (par exemple, la création de nouvelles activités économiques), démarche qui réinvestirait les « mondes » d’Howard Becker et un intérêt porté au micro et aux réseaux d’acteurs faisant des « choses ensemble ». Ce regard nous montre qu’il faut considérer le fait que, dans le champ des études urbaines, de nombreuses pensées critiques comportent une grille d’analyse toujours empreinte d’une vision politique voire politicienne, cherchant, dans les méandres de l’action, l’idée d’un « bon gouvernement » (Rosanvallon 2015).
41Cependant, l’étude de ces capabilités et l’approfondissement des agentivités requièrent de meilleures connaissances en matière de relations des acteurs aux milieux. Toute forme d’approche critique prône un immanentisme radical passant par la remise en cause du rapport du chercheur à son objet de recherche. Alors que ces courants ont entraîné des travaux très divers, depuis, notamment, les apports de l’Internationale situationniste, allant d’expériences à la première personne du chercheur dans différents contextes à des travaux suivant la matérialité radicale des engagements situés, les accusations d’apolitisme n’ont pas cessé concernant ces démarches (Sidaway 2009). Pourtant, les apports des artistes et urbanistes engagés dans ce mouvement mettent en cause l’évidence des relations aux milieux de vie, et donc à l’espace urbain, permettant d’en interroger le cœur, jusqu’au potentiel d’une production culturelle pour développer une esthétique et une éthique corporelle et relationnelle à l’environnement urbain (Hawkins 2011). Les formes créatives peuvent devenir des formes de désapprentissage en même temps que de dépaysement (Depeau et Feildel 2016).
42Dans le fond, le champ des rapports inégalitaires aux ressources et espaces de la ville demeure un point central des théories critiques tout comme le champ des inégalités constitue un registre d’analyse important des sciences sociales. Sur ces questions, Boltanski (1990) précise comment la description des inégalités exige une vraie définition de la notion de justice, basée entre autres sur la question de normes et de valeurs qui permettent de prendre parti. Aussi, les travaux présentant la permanence des inégalités (Bourguignon 2012 ; Piketty 2013 et 2015) témoignent de l’urgence d’aller au-delà d’une approche néo-structuraliste des inégalités dans les villes dont les causes et les fondements trouvent leurs explications sur un registre empreint d’économie marxiste. Autrement dit, ces travaux invitent à questionner, dans une perspective interdisciplinaire et multidimensionnelle, la capacité de la pensée critique à considérer le « changement social » et sa relation non exclusive à la ville en tant que « contexte socialisateur » de l’individu et des collectifs. En partie associée à ces perspectives critiques sur les inégalités, la thématique de l’innovation sociale, au-delà des perspectives entrepreneuriales (Moulaert et al. 2005 ; Hillier et al. 2004), porte la promesse d’une mobilisation des acteurs de la société civile, en particulier des pauvres et marginalisés. Bien que ce courant de pensée ait de forts liens historiques avec les mouvements sociaux (et, récemment, socio-écologiques), il est fréquemment identifié avec une approche de développement local, territorial ou urbain (Moulaert et Nussbaumer 2005). Il s’appuie sur la critique radicale de la bureaucratie d’État (et, dans certains cas, de ses relations sous-jacentes avec le capital) pour imaginer d’autres moyens de répondre aux besoins des citoyens tout en favorisant un changement social durable. Ce courant est relié à l’effort artistique et la construction de milieux créatifs dans lesquels des énergies créatives et diverses formes d’expression sont libérées pour générer une action politique (Tremblay et Pilati 2014).
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43Les réflexions développées dans le cadre de ce chapitre ont tenté de rendre compte de l’importance des constructions théoriques et de leur rôle dans les travaux de recherche dans le champ de l’urbain. Parfois, les chercheurs se contentent d’appliquer des modèles de recherche sans interroger leurs fondements théoriques et empiriques et leur pertinence quant aux situations ou terrains contemporains. Ces travaux calqués sur le modèle des sciences exactes ignorent les valeurs sur lesquelles leurs protocoles de recherche empiriques ont été bâtis (inégalité, domination, égalité des chances, équité, inclusion pour ne citer que ces quelques entrées analytiques). Or, la recherche en sciences sociales, et plus particulièrement dans le champ des études urbaines happées par des volontés gestionnaires, souffre du management néolibéral appliqué à l’université et de la promotion d’un modèle unique et standardisé du savoir (par ailleurs formaté par les formes de dispositifs incitatifs qui encadrent une grande partie de la recherche urbaine) ainsi que d’un modèle de savoir bâti dans les aires culturelles occidentales et qui se heurte aujourd’hui au caractère contingent de ses présupposés normatifs (Abbott 2016 ; Robinson 2006). Il faut donc développer une nouvelle pensée critique en réponse aux déficits d’explicitation de phénomènes sociaux, face au réductionnisme scientifique, ou, plus simplement, en relation de confrontation avec des situations sociales ressenties comme injustes. La pensée critique se révèle donc nécessairement créative et appelle à un renouveau des approches mobilisées dans l’étude de l’urbain. Il n’en reste pas moins que la construction de ces positions théoriques critiques comporte des dangers, parmi lesquels le risque dogmatique et d’hégémonie théorique, allant parfois jusqu’au développement de rigidités académiques. Le pluralisme des paradigmes est à l’évidence fructueux et les controverses qui traversent le champ de la recherche urbaine sont une ressource précieuse pour la connaissance et la compréhension du fait urbain. Plusieurs courants critiques déconstruisent et construisent une autre recherche urbaine, invitant également des points de vue ignorés ou marginalisés sur le fait urbain (Southern turn, néo-matérialismes, villes en décroissance, etc.) mais dont l’unification voire l’unité des démarches et approches méthodologiques restent encore sujettes à de nombreux débats et, espérons-le, de vives « critiques » !
Notes de bas de page
1 L’agentivité renvoie à l’origine à la théorie du sentiment d’efficacité (selfefficacy) des acteurs, autrement dit aux aptitudes des individus à contrôler leur propre vie. La notion renvoie aussi aux travaux de Judith Butler et à la capacité des acteurs à agir sur le monde, voire à changer leurs conditions de vie. Les récents développements de cette notion enrichissent sa compréhension (cf. la dernière partie du présent chapitre).
2 Les biens communs, ou biens publics impurs, correspondent en économie à l’ensemble des ressources, matérielles ou non, qui sont rivales et non exclusives, car elles peuvent être dégradées par leur consommation. En sociologie, les biens communs, ou communs, correspondent à une gestion collective de biens matériels ou immatériels, aussi divers que le logiciel libre, la rivière ou le savoir.
3 Le Centre d’études, de recherches et de formation institutionnelle du Sud-Est est une équipe issue des sciences humaines et de l’aménagement. Ce collectif fondé en 1975 est impliqué dans l’analyse et l’accompagnement des changements sociaux et l’adaptation des politiques publiques.
4 Cf. les études sur les anomies sociales ou l’insalubrité des logements.
5 Approches également plus psychologiques fin des années 1970-1980.
6 Cette enquête a pris place dans le cadre du programme interdisciplinaire « Politiques de la terre à l’épreuve de l’Anthropocène » (2014-2018) (Axe 3. Dynamiques des zones critiques et conflits d’urbanisation) d’Université Sorbonne Paris Cité (USPC) en collaboration entre le LADYSS (laboratoire Dynamiques sociales et recomposition des espaces – UMR 7533), le CEVIPOF (Centre de recherches politiques de Sciences Po) et l’université Paris XIII.
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