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L’école d’apprentissage Renault

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Emmanuel Quenson

Deuxième partie. Une formation professionnelle inspirée par le pragmatisme industriel (1920-1940)

Des dispositions permettant la socialisation des apprentis

Texte intégral

1Lorsque les dirigeants de Renault décident de former les nouvelles catégories professionnelles de l’entreprise que sont les ouvriers qualifiés et les personnels techniques intermédiaires, ils cherchent à façonner l’enseignement délivré au sein de l’école de sorte à les doter des qualités estimées nécessaires pour effectuer les activités qui leur seront dévolues dans la nouvelle organisation industrielle : encadrer le travail des ouvriers spécialisés et collaborer avec les ingénieurs. Nous verrons que par rapport à des institutions de formation proches par les buts visés, mais dépendant de l’État (notamment les EPCI), plusieurs catégories de faits et d’actions mises en œuvre dans l’école Renault sont caractéristiques d’un mode de formation qui se révèle très différent par le souci affiché de préparer les apprentis à occuper une place déterminée dans le procès de production. Afin de montrer les spécificités de la formation professionnelle quand elle se déroule dans l’entreprise, nous isolerons les faits les plus marquants pour les besoins de l’analyse bien qu’ils soient étroitement associés dans la réalité.

2Plusieurs de ces dispositions seront ici examinées afin d’illustrer les formes concrètes prises par la formation professionnelle. En premier lieu, les principaux acteurs de la formation professionnelle seront analysés : c’est-à-dire les fondateurs de l’école. Nous reviendrons sur leurs trajectoires sociales et professionnelles qui nous aideront à comprendre certaines orientations de la formation professionnelle. Notre investigation portera ensuite sur les lieux dans lesquels s’effectue la formation. Quelles relations entretiennent-ils avec l’usine ? Peut-on déduire de leur agencement la préoccupation de placer les apprentis dans un univers conforme aux relations de travail que le patronat souhaite instaurer ? Nous étudierons aussi la procédure d’embauche des apprentis. Quel profil de jeunes l’entreprise tente-t-elle de recruter et à quelles fins ? Quels sont les moyens mobilisés pour définir leur accès à l’école ? Quels objectifs les dirigeants de Renault et de l’école poursuivent-ils dans ce domaine ? Quelles sont leurs influences et dans quelle mesure les interprètent-ils ? Puis, nous interrogerons l’école Renault dans cette fonction qu’elle énonce comme la transmission des connaissances professionnelles. Comment s’organise l’acte de formation ? Quelles catégories de savoirs sont-elles sélectionnées parmi l’ensemble des savoirs produits et en usage dans la société au cours de l’entre-deux-guerres ? Quels sont les modèles de compétence privilégiés par rapport à d’autres écoles d’entreprise et aux institutions publiques de formation professionnelle ? Existe-t-il un modèle de compétence spécifique dans l’automobile distinct de celui retenu dans d’autres secteurs de la mécanique et de l’industrie en général ? Pour répondre, nous étudierons précisément les programmes et les méthodes d’enseignement afin d’identifier les modalités selon lesquelles les savoirs sont organisés et distribués, et donc de caractériser les savoirs enseignés. Enfin, la formation dans l’école Renault ne s’arrête pas à l’enseignement de savoirs professionnels et connaissances techniques. Elle comprend aussi de nombreuses dispositions dans les domaines culturels et sportifs. Quelles finalités la direction poursuit-elle en cherchant à occuper ce terrain ? Les moyens déployés s’intègrent-ils uniquement dans la politique sociale menée dans l’entreprise ? Sont-ils révélateurs d’un projet plus ambitieux destiné à sensibiliser les apprentis aux goûts et pratiques supposés être ceux des futurs collaborateurs des ingénieurs ? Telles sont les principales questions qui ont guidé notre analyse de l’école Renault entre les années 1920 et la fin des années 1940 auxquelles nous apporterons des éléments de réponse dans la deuxième partie de cette recherche.

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