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    Plan détaillé Texte intégral Une logique d’ententes ancienne pour la distribution et l’interconnexion Les relations du groupe avec les organismes d ’interconnexion Un organisme spécialisé pour le groupe : la SITEL Leitmotive stratégiques et techniques Notes de bas de page

    Pierre-Marie Durand et l’Énergie industrielle

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    Chapitre XI. Une multitude d’ententes pour la distribution et l’interconnexion

    p. 391-422

    Texte intégral Une logique d’ententes ancienne pour la distribution et l’interconnexion S’entendre pour organiser la concurrence Un thème nouveau des ententes à l’aube des années 1930 : l’interconnexion Les relations du groupe avec les organismes d ’interconnexion Le groupe Durand dans le Sud-Ouest : de l’ignorance de l’UPEPO à une entente Dans le Lyonnais et le Dauphiné, les contacts avec l’UNIE Le groupe Durand dans l’interconnexion nationale Un organisme spécialisé pour le groupe : la SITEL Les buts et les moyens de la SITEL La politique de la SITEL au quotidien Leitmotive stratégiques et techniques Notes de bas de page

    Texte intégral

    1Le groupe négocie avec les groupes concurrents, à la fois pour délimiter des espaces de monopole, et pour réduire les frais qu’une interconnexion individuelle non négociée générerait. Cette constitution d’oligopole est voulue et renforcée par l’intervention de l’État. Si le groupe Durand est conscient de l’impératif que constitue un réseau de transport performant, il est bien vite rejoint par l’État, qui, par le biais du Groupement de l’électricité, décide la mise en place des jalons d’un réseau national d’interconnexion. Les groupes sont sommés de s’entendre et d’agir dans ce sens, mais les Durand, s’ils participent à ce mouvement, n’en essaient pas moins d’agir de façon indépendante par l’intermédiaire de leur compagnie spécialisée, la SITEL

    2La SITEL qui envisage le transport à l’échelon du groupe, et donc, de façon nationale, semble une originalité par rapport aux concurrents qui raisonnent essentiellement en termes géographiques1. Et même le regroupement proposé en 1941 par l’État en trois entreprises d’interconnexion demeure fidèle à cette logique. Quant à la participation des Durand à l’interconnexion nationale, elle a pour but essentiel d’améliorer la rentabilité du groupe et, plus particulièrement, d’améliorer ses coûts de production2.

    3Devant les actionnaires, Pierre-Marie Durand présente le monde des affaires et les capacités d’un bon dirigeant : « Dans cette lutte qui s’est poursuivie […] nous avons, en somme, triomphé. Nous avons vu la plupart des nos voisins accepter des arrangements, demander des alliances, des interconnexions, des pénétrations d’intérêts et finalement […] cette grande place […] nous l’avons conquise non seulement en travaillant mais encore en luttant3. »

    Une logique d’ententes ancienne pour la distribution et l’interconnexion

    S’entendre pour organiser la concurrence

    4Au début du siècle, il faut composer avec les nombreux industriels concurrents, mais les ententes sont aisées car une partie du territoire est encore vierge d’électricité. Il semble que les industriels de l’électricité, à l’instar de ceux d’autres secteurs industriels, aient adopté très tôt la maxime selon laquelle : « la concurrence est un alcaloïde ; à dose modérée, c’est un excitant, à dose massive, un poison4 ». Le grand nombre de vendeurs ne suffit pas à déclencher une rivalité économique lorsque les axes du marché ne se recoupent pas. Seules les intersections de marché donnent naissance à la concurrence, mais l’industrie de l’électricité est dans une situation particulière. En effet, la concurrence est intense au moment de l’attribution de la concession communale mais ensuite, le concessionnaire bénéficie d’une sorte de monopole de fait atténué par des obligations de service public. L’électricité n’est donc pas dans une situation de concurrence habituelle, telle qu’en connaît l’industrie automobile ou alimentaire. Pour autant, les industriels de l’électricité n’en cherchent pas moins à organiser, voire à limiter la concurrence, en particulier en délimitant des zones d’exclusivité et donc en établissant de véritables monopoles géographiques.

    5L’Énergie industrielle participe avec vigueur à cette logique de délimitation de zones exclusives, dès sa fondation. Elle privilégie l’entente plus que la concurrence à outrance, comme le voudrait l’orthodoxie libérale. C’est ainsi qu’en 1907, ses dirigeants signent leurs premiers accords de non-concurrence. L’Énergie industrielle obtient l’exclusivité de l’exploitation d’une zone de 550 kilomètres carrés dans la banlieue ouest de Lyon par accord avec la plupart des distributeurs locaux. En 1918, le bilan signale qu’« une partie de nos accords avec la Société générale de force et lumière arrivant à expiration, nous avons, après de longs pourparlers, conclu un arrangement de longue durée avec cette société, qui nous assure une situation privilégiée dans une zone plus étendue5 ». Ainsi, même s’ils semblent difficiles à négocier, les accords de non-concurrence tendent à être pérennisés au fil du temps et étendus à l’ensemble des zones desservies par le groupe.

    6L’Énergie industrielle n’est pas seule à s’entendre avec ses concurrents. De nombreux exemples permettent d’affirmer que c’est une pratique courante. Ainsi, en 1922, la Société générale d’entreprises de Giros et Loucheur envisage la création d’une filiale, mais la Société du gaz Lebon est déjà bien implantée en Bretagne. Les deux sociétés s’accordent donc sur une délimitation de secteur. Le rôle fondamental joué par les élus locaux dans cette politique de frein à la concurrence doit être signalé. En effet, c’est « à l’invitation du Conseil général des Côtes-du-Nord » qu’est réalisé l’accord. En 1924, les élus de la Loire-Inférieure décident l’électrification du département et entreprennent des négociations avec « les trois sociétés […] qui s’étaient mises préalablement d’accord entre elles pour la répartition des zones d’influence6 ».

    7N’étant pas l’apanage de l’industrie de la production et de la distribution de l’électricité, ces ententes se retrouvent dans toutes les branches de l’industrie, où elles résultent d’une longue tradition. Des contemporains justifient ces pratiques : « les ententes ont enfin pour effet de limiter le concurrence inutile... Les ententes gardent de la concurrence ce qu’elle a de bon, éliminant ce qu’elle a de mauvais7 ». Toutefois, ces ententes ne font pas l’unanimité et sont parfois dénoncées par les industriels eux-mêmes, Louis Renault par exemple, qui « a défini sa politique industrielle en réaction contre certains secteurs de son environnement économique. Il oppose au malthusianisme des concentrations et ententes horizontales, le dynamisme de la concentration verticale8 ».

    8La justification de ces pratiques limitatives à la concurrence s’organise autour du souci de la rentabilité et de l’efficacité. D’une manière générale, les entreprises tentent de justifier leurs pratiques anticoncurrentielles avec les concepts de rationalisation et de spécialisation, car de telles actions sont censées améliorer leur compétitivité par diminution des coûts de production et de distribution. Ainsi, elles souhaitent montrer que leurs pratiques contribuent au progrès économique tout en améliorant le sort de la collectivité. « L’extension débridée des réseaux de distribution était source de gaspillage ; la concurrence sauvage entre compagnies semblait devoir conduire à l’hécatombe9. » Ainsi, les ententes sont-elles présentées comme inévitables pour répondre aux contraintes spécifiques de l’industrie de la production-distribution d’énergie électrique : « une autre façon de réduire l’incertitude est de mettre en place un réseau d’ententes qui impose aux industriels une sorte de rationalisation de leur effort d’investissement de telle sorte que les risques de surcapacité et de sous-emploi des installations soient réduits10 ».

    9Si les délimitations de zones de quasi-monopole confèrent une certaine sécurité aux entreprises, elles n’en entraînent pas moins un gros désavantage qui est de circonscrire le développement, voire de le restreindre. « Des accords ont été passés avec la plupart des entreprises voisines pour limiter la concurrence et ils réservent, en outre, à la société des zones d’action qui lui permettraient de desservir éventuellement un population totale dépassant 700 000 habitants11. » À cette date précise, l’Énergie industrielle dessert 540 000 habitants. Les ententes lui laissent donc une marge de croissance confortable. Elles ont toutefois, bien souvent, un autre objectif, comme le montre la stratégie adoptée dans la région lyonnaise.

    10C’est en 1928 que le groupe Durand s’y implante massivement. Dès lors, il œuvre pour aboutir à un protocole général, complété par quatre conventions, définissant les rapports de production-distribution et de transport dans la région. C’est chose faite en 1929, quand Pierre-Marie Durand, au nom de l’Énergie industrielle, du Gaz de Lyon et de la Société hydro-électrique de Lyon, signe un accord avec deux grands concurrents12. Ces cinq compagnies s’engagent en leur nom propre et au nom des « sociétés qu’elles contrôlent ou contrôleront à l’avenir13 », sur un espace géographique bien défini. C’est donc l’organisation de la région à long terme qui est à l’ordre du jour. Cette convention ne se limite pas à une simple opération de remembrement et aboutit aussi à la définition de monopoles régionaux. La concurrence n’existe plus, de fait, qu’entre les deux groupes et au seul échelon des sociétés mères. Dans le même temps, « chaque partie prend l’engagement d’user de toute son influence pour empêcher que des sociétés étrangères fassent concurrence à l’autre partie dans la zone qui lui est réservée ». C’est donc bien d’un partage exclusif qu’il s’agit, qui ne supprime pas la concurrence, mais entend la limiter. Cette stratégie n’est pas mise en œuvre dans la seule région lyonnaise, région de prédilection des Durand, mais aussi en région parisienne.

    11En 1933, un important accord est passé entre les groupes Durand et Mercier, visant à « contribuer à l’organisation méthodique et économique de la distribution de l’énergie dans l’intérêt commun du public et des parties14 ». La formulation montre le souci de rationaliser pour réduire les coûts, sans que la notion de service rendu au public soit évacuée. Cet accord peut être considéré comme fondamental en ce qu’il engage indirectement un grand nombre de compagnies15. Ainsi, l’Énergie industrielle « s’engage à n’entreprendre, ni directement ni indirectement, aucun acte tendant à offrir, vendre, distribuer de l’énergie électrique dans toute l’étendue de la région parisienne […] sauf en cas d’accord préalable, formel et par écrit, avec l’Union d’électricité. L’Énergie industrielle s’interdit également tout acte de concurrence à l’égard des distributions d’eau et de gaz contrôlées par la Société lyonnaise des eaux et de l’éclairage, dans la région Parisienne16 ». Il est net que cet accord permet au groupe Mercier de renforcer son implantation dans le Bassin parisien, mais la suite de l’accord montre la reconnaissance implicite de la région Rhône-Alpes en tant que domaine du groupe Durand. Le texte cité plus haut est repris dans des termes identiques, « région parisienne » étant remplacé par « région lyonnaise » et « Durand » par « Mercier ». Le dernier point de l’entente vise à supprimer les enclaves dans les territoires de chacun des groupes. En cas de litige, le contrat précise que « le présent accord ne doit être ni enregistré ni produit en justice », probablement parce qu’il conduit à une sévère limitation du principe de la concurrence et tombe sous le coup de l’interdiction des ententes tacites !

    12Dans chaque région, le groupe Durand développe des ententes, fréquemment réactualisées, avec ses principaux concurrents. Il poursuit donc la politique de sa première période d’existence, alors que la législation change. « Si la loi de 1916 les interdit, celle de décembre 1926 distingue les mauvaises ententes punies, des bonnes qui favorisent la rationalisation et la spécialisation de l’appareil productif17. » Des contrats sont effectivement signés, et le combat des « sociétés distributrices [qui] luttaient sans merci pour obtenir des concessions ou leur renouvellement et conquérir des territoires plus importants18 » doit être nuancé.

    13En Méditerranée, l’implantation du groupe Durand est contrée par l’Énergie électrique du littoral méditerranéen. Un accord, signé en 1929, entre les deux groupes termine dix ans de conflit plus ou moins larvé, largement relayé par la presse locale. En effet, L’Éclaireur soutenait l’Énergie électrique du littoral méditerranéen tandis que Le Petit Niçois et La France de Nice et du Sud-Est avaient pris le parti de l’Énergie industrielle19. Seule la nécessité contraint l’Énergie industrielle à négocier avec cette compagnie dont elle estime avoir subi d’importants préjudices20. L’accord de 1929 prévoit la cession par l’Énergie électrique du littoral méditerranéen d’un certain nombre de concessions à l’Énergie industrielle à la condition que celle-ci renonce à demander la concession de Cannes. Pour alimenter Saint-Raphaël, l’énergie est autorisée à transiter par les lignes de l’Énergie électrique du littoral méditerranéen en échange de l’abandon de la construction de la ligne entre Beausoleil et Saint-Raphaël. Le troisième point de la négociation porte sur la délimitation précise des zones d’influence de chacune des sociétés. En 1933, l’accord de non-concurrence qui visait six départements est étendu à cinq supplémentaires.

    14Les ententes se poursuivent au fil des ans. Ainsi, en 1938, « la Compagnie générale d’électricité a attiré l’attention de l’Énergie industrielle sur la situation de l’industrie de la construction électrique en France, industrie qui souffre incontestablement d’un suréquipement dans certains secteurs de son activité... La nécessité de cet assainissement rendant peu désirable la création d’affaires nouvelles de construction ou des déplacements importants de clientèle, la Compagnie générale d’électricité suggère, si l’Énergie industrielle était amenée à envisager de s’intéresser plus largement à des affaires de fabrication de matériel électrique, que des échanges de vues préalables aient lieu entre les deux groupes21 ». La formulation est particulièrement intéressante. Elle prouve que l’Énergie industrielle a toujours des velléités de croissance verticale et que le groupe est perçu comme un poids lourd de l’industrie de production-distribution de l’énergie électrique avec lequel il faut compter. Les ententes prennent donc le pas sur la concurrence, ce que constate la Cour des comptes, dans son rapport de 1932 : « la concurrence n’existe pour ainsi dire pas, en matière de distribution d’énergie électrique », d’autant que les ententes concernent aussi désormais l’interconnexion.

    Un thème nouveau des ententes à l’aube des années 1930 : l’interconnexion

    15Il est difficile de distinguer les ententes ponctuelles, les échanges d’énergie, et l’interconnexion. Les premiers réseaux d’interconnexion sont conçus comme un moyen d’échanger des excédents de façon intermittente, les groupes restant encore relativement isolés les uns des autres. Mais l’interconnexion devient, à la fin des années 1920, une préoccupation nouvelle pour la plupart des industriels de la production-distribution d’électricité22, car les conditions techniques et surtout législatives ont changé. En effet, la loi du 19 juillet 1922 différencie la fonction de transport de celle de distribution23.

    16Ainsi, une convention porte sur l’harmonisation des échanges d’énergie en région parisienne entre les deux groupes Durand et Mercier, par l’intermédiaire de la Cère. Dès novembre 1933, la Cère doit fournir une puissance initiale de 17 500 kW au groupe Mercier. En outre, la Cère s’engage à alimenter les réseaux parisiens du groupe Durand au même tarif. Cette unification des tarifs sous-entend une négociation préalable entre les sociétés d’interconnexion24. Un contrat de 1936 entre le groupe Durand et Alais, Froges et Camargue est assez représentatif des contrats signés à cette date. La dernière citée peut construire et exploiter librement des lignes pour le transport, l’importation, l’exportation, à condition toutefois qu’elle en soit le seul usager et financier. Deux dérogations sont accordées pour des ententes avec Ugine et avec l’UNIE. Par ailleurs, l’Énergie industrielle, désireuse de faciliter à ce concurrent l’écoulement de ses excédents de production en dehors des zones qui lui sont réservées, s’engage à le faire entrer dans les organismes de transport. Le troisième point de ce contrat concerne les échanges d’énergie. Alais, Froges et Camargue dispose d’un important complexe de production d’énergie électrique, dont les disponibilités ne sont pas totalement absorbées par ses usines de fabrication. Désireuse de trouver un débouché à ses excédents, elle se rapproche du groupe Durand dont l’activité de distributeur d’énergie s’étend sur des zones proches de ses centres de production.

    17Avant la signature de cet accord, Alais, Froges et Camargue était fournisseur indirect d’énergie en gros à la Société générale de force et lumière. Avec l’accord, la compagnie devient fournisseur d’énergie en gros pour la Compagnie du gaz de Lyon et pour la Société lyonnaise des forces motrices du Rhône et donc associée au développement de la consommation d’énergie dans l’une des plus importantes régions où s’exerce l’activité du groupe de l’Énergie industrielle. Un contrat spécifique précise les modalités de cette fourniture d’énergie entre Alais, Froges et Camargue et les deux filiales Durand. La puissance maximale est limitée à 15 000 kW, avec une tarification de 0,13 franc par kWh. Pour l’essentiel, la puissance souscrite, révisable chaque année, correspond schématiquement au nombre de kWh vendus pendant la période considérée, dans un ensemble de 110 communes comprenant Lyon et qui correspond probablement au réseau de distribution des deux compagnies. Ainsi, le groupe Durand complète ses dispositions par les excédents saisonniers des industriels locaux. Les ententes avec les industriels ne sont donc guère différentes de celles qui sont signées avec les producteurs-distributeurs d’énergie électrique.

    18En 1937, « Loire et Centre et l’Énergie industrielle se portent fort chacune en ce qui la concerne, pour toutes les sociétés de leurs groupes respectifs25 ». L’article 4 du protocole d’application de 1937 envisage un échange d’énergie général entre les deux groupes : la fourniture du premier aura lieu pendant la période d’hiver et celle du second, pendant l’été. Le minimum quotidien est de 40 000 et le maximum de 144 000 kWh. Le règlement est effectué sur la base d’une somme de 600 000 francs, réglée par l’Énergie industrielle, à laquelle s’ajoute la valeur positive ou négative d’un terme correctif. Le dernier accord concerne une autre société de production, celle de la Haute-Isère, et porte sur la période 1937-1987. La Compagnie électrique de la Loire et du Centre cède à la Société lyonnaise des forces motrices du Rhône sa participation dans le capital de la Société de la Haute-Isère. En échange, la Haute-Isère doit réserver à la Compagnie électrique de la Loire et du Centre « le tiers de la puissance et de l’énergie de son usine de Viclaire disponible à chaque instant, dans l’état actuel des installations ». En outre, 40 % des travaux concernant la Société de la Haute-Isère sont réservés, pendant quinze ans, à la Société générale d’entreprises par l’Entreprise industrielle.

    19On dispose rarement des documents d’élaboration des contrats et on ne connaît pas les concessions accordées par chaque partie. Par contre, on sait que l’entente est rarement parfaite. Ainsi, en 1938, un petit mémoire est élaboré sur les difficultés existant entre le groupe de l’Énergie industrielle et le groupe de la Société des forces motrices de la Vienne. L’Énergie industrielle affirme posséder des excédents d’énergie qu’elle souhaite utiliser pour alimenter certains secteurs de l’Union électrique rurale. C’est pourquoi elle envisage deux lignes dont les concessions sont demandées. « L’Énergie industrielle tient à faire remarquer qu’en agissant ainsi, elle n’a fait à l’égard de la Vienne aucun acte de concurrence déloyale. L’Énergie industrielle n’a, en effet, avec la Vienne aucun contrat de délimitation, et, comme elle dispose, incontestablement, de sources d’énergie hydraulique beaucoup plus importantes que la Vienne, il est normal qu’elle cherche à vendre cette énergie dans la zone où elle peut l’amener du fait des lignes de transport dans lesquelles elle a des intérêts. Néanmoins, la Vienne considéra les demandes de concession déposées par l’Union électrique rurale comme un acte d’hostilité et entreprit immédiatement une campagne contre cette société26. » L’Union électrique rurale assigne la société devant le tribunal de commerce. « L’Énergie industrielle est prête, à titre de contribution à la pacification, à retirer les demandes qu’elle a déposées pour la concession des lignes […] à la condition que la Société des forces motrices de la Vienne accepte de transiter cette énergie sur ses lignes à des tarifs normaux de péage27. » Quel que soit le sort réservé à la ligne, l’Énergie industrielle estime qu’elle a droit à une part des fournitures nouvelles à effectuer dans les régions de l’Ouest, où la Vienne est le principal distributeur. Pour éviter une nouvelle confrontation, elle est disposée à accepter un accord avec la Vienne comportant un partage des fournitures futures.

    20Le vocabulaire employé par l’Énergie industrielle est particulièrement riche d’enseignements. « Un arrangement de cette nature entre la Vienne et l’Énergie industrielle aurait l’avantage de mettre fin aux conséquences les plus funestes de la lutte et pourrait permettre de préparer un terrain favorable à une entente ultérieure plus intime28. » Un protocole d’accord est élaboré en 1939. Le président du Syndicat professionnel des producteurs et distributeurs d’énergie électrique estime que les différends existant entre les deux groupes sont « contraires à l’intérêt général et préjudiciables à l’industrie électrique [et il] demande aux deux parties d’y mettre fin29 ». Les ententes sont donc la règle dans la profession. Le groupe Vienne abandonne ses contrats de fourniture d’électricité aux différents secteurs de l’Union électrique rurale. Les deux parties conviennent de remplacer ce régime par le transit d’énergie à travers les lignes et installations du groupe Vienne, sans que le groupe Durand construise de nouvelles lignes et de nouvelles installations. L’interconnexion s’impose donc. Parallèlement, le groupe Vienne fait connaître que ses besoins en énergie pour les deux ans à venir sont largement satisfaits par ses usines ou ses contrats existants. Ce contrat est donc original car il est une entente, non pas pour échanger de l’énergie, mais simplement pour utiliser les réseaux d’interconnexion existants. Tels sont donc les quelques contrats signés à la fin des années 1930. Ils présentent la nouveauté de traiter de l’interconnexion, qui pousse les Durand à négocier de plus en plus avec des organismes regroupant plusieurs compagnies comme l’UPEPO et l’UNIE.

    Les relations du groupe avec les organismes d ’interconnexion

    Le groupe Durand dans le Sud-Ouest : de l’ignorance de l’UPEPO à une entente

    21Le groupe Durand développe plus ou moins l’interconnexion régionale, dans des contextes assez différents. La création de l’UPEPO correspondait à un double souci : « conquérir en commun, de manière à éviter une concurrence ruineuse, les débouchés nécessaires à l’écoulement des kWh que les consommations propres à chacun ne pouvaient absorber ; instituer des échanges d’énergie profitable à tous, car ils permettent d’affecter l’énergie de haute qualité aux usages les plus rémunérateurs (distribution) et d’absorber les excédents de l’électrochimie30 ». S’appuyant sur les lignes 150 kV de la Compagnie du Midi, l’UPEP031 collecte l’énergie produite, en assure le dispatching et la répartition, dès 1924. Le groupe Durand, qui est déjà installé dans le Sud-Ouest, se tient pourtant à l’écart de cet organisme, malgré son extraordinaire et rapide célébrité32, se tenant en cela à une constante du groupe : réduire au maximum les liens avec les concurrents potentiels.

    22Une première vague d’adhésions, au tournant des années 1930, correspond à la recherche d’une complémentarité hydraulique entre les Pyrénées et le Massif central. Parmi les neuf adhérents et deux producteurs associés nouveaux de l’UPEPO se trouve la Société hydro-électrique de la Cère qui apporte une puissance installée théorique de 125 000 kVA et une production annuelle possible de 410 millions de kWh. En 1932, les données sont bouleversées car l’Énergie industrielle est désormais actionnaire de la Société hydro-électrique de la Cère et de la Société des forces motrices d’Arrens. En outre, l’Hydro-Électrique des Basses-Pyrénées absorbe une compagnie qui est un des adhérents de l’UPEPO et, de ce fait, doit honorer les contrats existants. Dans la pratique, l’énergie produite par la Cère dans les Pyrénées est totalement gérée par l’UPEPO, mais, en revanche, celle qui provient du Massif central lui appartient.

    23En 1933, un accord général réglemente les rapports entre la Cère, trois filiales de l’Énergie industrielle33 et l’UPEPO. La Cère doit fournir 30 000 kW à la région parisienne. Pour ce contrat, l’UPEPO fournit une puissance de 2500 kW. En revanche, elle se trouve chargée de 75 % de l’alimentation en énergie de deux départements desservis par l’Énergie industrielle34. Le groupe Durand met donc à contribution les excédents disponibles de la concurrence, concurrence toute relative, puisque le groupe est actionnaire de l’UPEPO. En outre, par un accord de non-concurrence la société de dispatching s’engage à faciliter le transit de l’énergie, voire à faire bénéficier l’Hydro-Électrique des Basses-Pyrénées des tarifs spéciaux qu’elle possède du fait de ses accords avec la Compagnie du Midi.

    24En 1933, un contrat est signé entre l’UPEPO et une autre filiale Durand, la Centrale thermique de l’Adour. À cette date, les adhérents de la première disposent de 28 usines dont huit appartiennent au groupe Durand. Le groupe Durand représente désormais 26 % des 570 000 kVA de puissance installée de l’UPEPO et 30 % d’une capacité de production de 1 668 millions de kWh. Il est donc devenu, en quelques années, une pièce importante de l’organisme. Et l’UPEPO « rencontre inévitablement l’offensive des groupes nationaux qui tentent, soit de la marginaliser techniquement, soit de l’inféoder commercialement et financièrement35 » entre 1931 et 1936.

    25En 1936, l’UPEPO adresse au groupe Durand, l’un de ses actionnaires et son administrateur, un premier programme pour les années à venir, puis un second en 1941. Le but du premier plan est d’achever l’interconnexion avec les réseaux de transports voisins vers Paris et la Provence36. Le programme vise, entre autres, à relier le réseau de la Société de transport Rouergue-Auvergne aux 220 000 volts de la Société pour le transport d’énergie du Massif central, et à installer un autre transformateur 150 000 volts. En effet, « il ne paraît pas raisonnable de s’obliger à faire marcher en parallèle les Pyrénées tout à la fois avec Paris et avec Marseille. Il paraît indispensable de pouvoir couper le réseau à Saint-Victor, en branchant, en tout ou en partie, les usines du Rouergue, soit sur le Nord (Paris), soit sur l’Est (Cévennes)37 ». Les installations complémentaires doivent profiter à la région parisienne, à Pechiney, à l’Électricité de Marseille, mais aussi à la Cère qui disposerait, ainsi, d’une seconde artère sur Paris. C’est la raison pour laquelle l’UPEPO souhaite la participation financière du groupe Durand à ce programme.

    26Le groupe Durand a une attitude ambiguë face à l’UPEPO, dont il est actionnaire et administrateur. D’un côté, il cherche à participer plus largement à cet organisme car, en 1942, l’Union pyrénéenne électrique souhaite y adhérer en souscrivant une part du capital. De l’autre, il a fondé en 1939 la Société de transport d’énergie des Pyrénées, qui a pour objet la construction et l’exploitation d’un réseau de transport régional raccordant les usines entre elles et aux grands postes locaux38. Le premier projet de la Société de transport d’énergie des Pyrénées est la réalisation de la ligne de Lau-Balagnas à Lannemezan en 150 000 volts39. Le deuxième, en 1945, est une ligne 150 000 volts, Lau-Balagnas à Jurançon, qui doit compléter celle de l’UPEPO, mais la nationalisation empêche la réalisation du projet. Dans le Sud-Ouest, le groupe participe donc à l’UPEPO, mais, en même temps, ne tient pas à en être totalement dépendant ; c’est une des raisons de la naissance de la Société de transport d’énergie des Pyrénées. En outre, le groupe Durand préfère être sollicité plutôt que contraint. Pendant la guerre, il devient l’un des poids lourds du Sud-Ouest et il est fréquemment sollicité par l’UPEPO, qu’il considère toutefois comme un outil de transport et comme un moyen d’écouler ses excédents vers ses propres réseaux, sans investissement particulier.

    27En 1940, par exemple, cet organisme adresse un courrier à l’Énergie industrielle. Les 36 usines devraient fournir plus de 2 milliards de kWh dont la première moitié est consommée par les producteurs eux-mêmes et dont la seconde alimente les distributeurs et les industries directement raccordés. « Sans penser qu’il échoit aux Pyrénées d’alimenter la France entière en courant hydraulique, l’hypothèse la plus vraisemblable est que la consommation continue à se développer à ce rythme moyen que nous venons de connaître. Si j’admets que la moitié environ de ces développements correspondent à des industries grosses consommatrices qui sont susceptibles d’utiliser directement l’énergie de chutes qu’elles aménagent pour elles, il reste environ 50 millions de kWh par an qui représentent l’accroissement des besoins divers de la région. Qui les aménagera ? Le ciel – c’est-à-dire l’État – ou les industriels eux-mêmes ? La seule hypothèse inadmissible est qu’ils ne soient pas aménagés. Notre groupement s’est donné pour tâche, depuis sa fondation, de mettre un certain ordre, une certaine discipline dans la production et la répartition de ces masses sans cesse croissantes d’énergie... C’est pourquoi je souhaiterais voir se grouper tous les industriels de notre région du Sud-Ouest […] pour entreprendre et mener à bien, sinon poursuivre indéfiniment, un aménagement cohérent des ressources hydrauliques restant encore disponibles. En fait, ceux-ci sont assez nombreux pour que, convenablement réparti, l’effort financier reste modéré et supportable, compte tenu de l’activité industrielle dont cette région a bénéficié. Je ne crois pas qu’il soit, pour eux, téméraire de s’atteler à une telle tâche et je pense que l’accomplir est encore pour nous autres une des plus utiles contributions que nous pouvons apporter au rachat de la défaite40. » L’Énergie industrielle pénètre dans le capital de l’UPEPO par le biais d’une prise de participation, méthode qu’elle utilise aussi pour rejoindre l’UNIE.

    Dans le Lyonnais et le Dauphiné, les contacts avec l’UNIE

    28Trois temps forts se dégagent : avant 1930 et la naissance de l’UNIE, de 1930 à 1935, une période conflictuelle, et de 1935 à 1945, lorsque le groupe est partie constituante de l’UNIE. En 1928, des sociétés de transport installées dans la région Rhône-Alpes, la plus ancienne est la STEDA41. La création et le développement des sociétés d’interconnexion amenèrent graduellement la collaboration de plusieurs groupes à la fois. La STEDA en est un exemple représentatif, tout comme la Société de transport d’énergie Rhône-Isère qui voit le jour en 192642. Pour cette dernière, la souscription a eu lieu sans publicité, fait révélateur de la naissance d’une société anonyme qui n’a pas besoin d’actionnaires traditionnels. Les partenaires fondateurs de cette compagnie ont l’intention de se décharger d’une partie de leurs travaux sur cette nouvelle entreprise. L’objet social est l’étude de la construction de lignes de transport d’énergie et, plus précisément, la réalisation d’un important poste de transformation à Aoste, ainsi que l’étude d’une ligne Aoste-La Sône-Beaumont-Monteux. Quant à la STEDA, l’objectif annoncé est la construction une ligne à très haute tension, desservant la plupart des sites de production des Alpes et aboutissant à Lyon.

    29En pénétrant dans la Compagnie du gaz de Lyon en 1928, le groupe Durand découvre dans le portefeuille de sa nouvelle filiale des actions de sociétés de transport et des postes d’administrateurs. En outre, il hérite d’un schéma général d’échange d’énergie.

    30Une vingtaine de compagnies, pas forcément spécialisées dans la production-distribution d’électricité, sont concernées par les échanges. Leur production cumulée est d’environ 1,5 milliard de kWh et les échanges sont de l’ordre de 500 millions de kWh. Un premier regroupement s’effectue autour d’un groupe concurrent, la Compagnie de la Loire et du Centre, qui bénéficie de grosses quantités d’énergie à destination du Massif central. Le deuxième axe de consommation régionale est la Société générale de force et lumière43, producteur important mais déficitaire. La liaison entre les deux secteurs est faite par la Société Grenoble-Voiron qui reçoit des excédents des deux côtés, et par l’Eau d’Olle, qui fournit d’abondants excédents. La liaison avec le troisième secteur est, elle, beaucoup plus ténue. Un producteur important, Ugine, vend quelques excédents, et la Compagnie du gaz de Lyon complète sa production par des achats à la Société hydro-électrique de Lyon, à la Société générale de force et lumière et à Ugine. Le groupe Durand doit donc gérer un système de production-distribution d’énergie déjà très structuré. Ainsi, à l’aube des années 1930, le groupe Durand, propriétaire de la Société de transport d’énergie Rhône-Isère et bien implanté dans la STEDA, n’est pas à l’origine de l’interconnexion dans la région, il ne fait que suivre le mouvement.

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    Figure 23 : Échanges d’énergie de Rhône-Alpes en 1928

    31Si, au début des années 1930, la Société de transport d’énergie Rhône-Isère est quasiment en sommeil, ce n’est pas le cas de la STEDA dont le capital s’accroît progressivement au bénéfice du groupe Durand. Avec elle, elle ambitionne de réaliser deux nouvelles lignes : de Saint-Étienne à Lyon et de Chalon-sur-Saône à Villefranche. La naissance de l’UNIE modifie les rapports de force. En 1930, un ensemble de producteurs et de distributeurs du Sud-Est44, groupe Durand excepté, décide de mettre en commun la réalisation de programmes de lignes et de chutes nécessaires, autant pour bien utiliser leurs usines existantes que pour faire face au développement de leurs besoins en énergie. « Le rôle de l’UNIE comprend tout d’abord les fonctions que remplit l’UPEPO dans les Pyrénées : organiser l’exploitation rationnelle des différentes sources d’énergie et assurer cette exploitation par un dispatching approprié... mais aussi le financement des équipements nécessaires pour assurer une organisation rationnelle de la production et du transport d’énergie dans le Sud-Est45. » L’UNIE programme un réseau à 150 kV reliant la région de Grenoble, avec la Maurienne, d’une part, avec la Provence, d’autre part. En outre, elle songe à la construction d’une ligne à 220 kV reliant le Dauphiné à la région parisienne. Ces objectifs intéressent le groupe Durand, mais le groupe Mercier ne souhaite pas le voir intervenir dans ses affaires. Cependant, les contacts sont multiples entre l’UNIE et le groupe Durand. Par exemple, en 1931, la Compagnie du gaz de Lyon et la Société lyonnaise des forces motrices du Rhône entreprennent des négociations en vue de lui acheter de l’énergie. En échange, l’UNIE insiste pour avoir un observateur à la STEDA, « de manière à suivre les mouvements d’énergie effectués par cet organisme, ce qui est très important pour bien suivre le marché de l’énergie dans les Alpes46 ».

    32Un accord est enfin signé en 1933. Sa rédaction montre que l’Énergie industrielle est en situation de force. Le groupe « dispose d’un certain nombre d’usines hydro-électriques ou thermiques et de divers contrats d’achat de courant qui suffisent actuellement à leur consommation ». Le groupe limite son engagement « à prendre à la société UNIE 25 % des besoins supplémentaires d’énergie électrique qui ne pourraient pas être satisfaits par les usines actuellement existantes et les contrats de fourniture déjà conclus », et à se concerter avec la compagnie « avant d’entreprendre directement ou indirectement tout nouvel équipement de centrale47 ». En outre, l’UNIE entre au capital et au conseil d’administration de la STEDA et envisage un contrat de transit avec cette compagnie. En échange, le groupe Durand obtient d’un actionnaire important de l’UNIE, le groupe de l’Union d’électricité, un accord de non-concurrence pour la distribution d’eau, de gaz et d’électricité dans toute l’étendue de la région lyonnaise. L’UNIE semble obsédée par l’idée de canaliser les énergies hydrauliques disponibles dans le Sud-Est. En 1935, le groupe Durand hérite des contrats signés entre ses nouvelles filiales, la Société générale de force et lumière et la Société des forces motrices du Vercors, et l’UNIE. Désormais, le groupe Durand a un certain poids dans le capital et le conseil d’administration de l’UNIE, ce qui lui permet de participer au programme général et de connaître les contrats signés48.

    33En 1938, un protocole est signé entre l’Énergie industrielle49, l’UNIE, la Compagnie nationale du Rhône et la Compagnie bourguignonne de transport d’énergie. Les trois premières compagnies citées souhaitent que le triangle de lignes à 220 000 volts Henri-Paul-Lyon-Génissiat soit exploité par un concessionnaire unique. « Il apparaît comme conforme à l’intérêt général et aux tendances actuelles de l’administration de permettre une réduction du nombre des concessionnaires des très grandes artères constituant l’ossature générale du réseau interrégional. La Compagnie bourguignonne de transport d’énergie... s’est déclarée prête à s’associer à ce programme. » Le programme commun comprendrait quatre lignes équipées en 220 000 volts. Il doit être mis en œuvre par l’Union de transport d’énergie du Rhône à Paris50, dont l’Énergie industrielle possède 16 % du capital et un administrateur sur 9. Le programme, estimé à 86 millions de francs, est principalement financé par des emprunts. Parallèlement, l’Union pour le transport de l’énergie électrique a un programme de 100 millions de francs auquel l’Énergie industrielle participe51. En 1939, une entente entre les groupes Mercier, de Paris, et Durand, de Lyon, permet à l’Énergie industrielle de jouer un plus grand rôle dans l’interconnexion nationale, par le biais de l’UNIE et de ses filiales. Bref, les accords se multiplient à la fin des années 1930.

    34En 1942, un contrat, signé entre l’UNIE et une filiale Durand, la Société générale de force et lumière, interdit à la première de concurrencer la seconde dans sa zone de distribution. En contrepartie, la Société générale de force et lumière souscrit une puissance d’alimentation qui devra être comprise entre 20 000 et 25 000 kW en 1945. L’énergie est facturée suivant un tarif binôme. Enfin, il est spécifié que la Société générale de force et lumière peut céder ce contrat à une autre société du groupe Durand, tout comme l’UNIE peut l’abandonner à une entreprise du groupe Mercier, ce qui ramène à la notion de groupe. Toutefois, le groupe ne met pas tous ses œufs dans le même panier et conserve une grande indépendance d’action par le biais de la STEDA. En 1936, cette filiale du groupe Durand52 gère plus de 350 kilomètres de lignes à 150 kV, reliant les usines hydro-électriques des Alpes aux centres de consommation de la région lyonnaise. C’est ainsi qu’en 1937, elle transporte 340 millions de kWh. Son programme de développement porte sur plus de 400 kilomètres de lignes et a pour objet, en premier lieu, d’améliorer les conditions d’alimentation de la région industrielle de Bellegarde et, ensuite, d’établir une liaison directe entre les centres producteurs d’énergie des Alpes et les régions consommatrices du Jura et de l’Est de la France.

    35En 1938, elle propose un projet pour porter l’électricité de Génissiat en Suisse. La ligne 150 kV Génissiat-Lyon entre dans le programme à 220 kV de l’Union de transport d’énergie de la région parisienne. Ainsi, la STEDA n’est pas chargée de la construction, mais seulement de l’exploitation. Parallèlement, elle obtient en 1938 le décret d’utilité publique pour la ligne Besançon-Génissiat. En 1940, cette ligne est reliée à la Société électrique du Jura, ce qui offre l’opportunité à la Lorraine, en se connectant au nord de la Franche-Comté, de disposer de l’énergie hydraulique des Alpes. Au cours de cette même période, la STEDA dépose une demande de concession pour la ligne Eguzon-Montluçon, ce qui provoque un litige avec la Société de transport d’énergie du Centre53 qui prétend que cette ligne n’est pas utile immédiatement.

    36À partir des années 1930, le groupe Durand bénéficie des infrastructures de l’UNIE et de l’UPEPO. Il en est partie prenante, mais n’hésite pas à mener une politique divergente en fonction d’impératifs internes. Face à ces deux organismes, le groupe Durand opte donc pour une stratégie fédérale plus que pour un avenir supra-groupe. C’est dans le même état d’esprit qu’il participe à partir de 1938 aux premiers pas de l’interconnexion nationale voulue par l’État.

    Le groupe Durand dans l’interconnexion nationale

    37Dès 1936, le groupe Durand juge l’interconnexion indispensable. « Comme la technique a déjà porté le rendement des machines et des ouvrages à un chiffre qui ne laisse plus grande marge aux perfectionnements, l’abaissement sensible du prix de revient ne peut être obtenu que par une utilisation, toujours plus poussée, des ressources hydro-électriques, ce qui conduit à la nécessité de liaisons entre des régions à régimes hydrauliques différents54. » C’est d’ailleurs en 1936 que, pour la première fois, sur la carte du groupe le réseau d’interconnexion et les lignes en participation de 45 000 kV et plus sont tracés. Au vu de ce document pour 193855, le groupe est dans l’ensemble intégré au réseau d’interconnexion national. C’est particulièrement vrai dans le Sud-Ouest, grâce à l’UPEPO, mais aussi dans le Sud-Est, où un réseau d’interconnexion très dense a été construit sous la direction de l’UNIE et des nombreuses sociétés régionales spécialisées dans le transport. À l’inverse, la Bretagne, un des fleurons du groupe Durand, est encore largement à l’écart du super-réseau tout comme la Bourgogne. Enfin, le petit ensemble méditerranéen est carrément exclu du réseau de transport. Le bilan est donc mitigé.

    38L’intervention de l’État n’est pas une innovation de cette décennie 1936-1945 mais elle marque un changement majeur. En effet, après la législation sur la production-distribution de 1906 et de 1919, l’aide à la naissance de l’électricité nationale dans les années 1920 et le contrôle des tarifs en 1935, l’État s’intéresse à l’interconnexion en 1938 et en 1941. Il accuse là un retard certain par rapport à d’autres pays européens. Les États allemand, italien et anglais se sont préoccupés de l’interconnexion plus tôt. En 1938, la loi des 3 milliards de francs du gouvernement Daladier consacre 50 % des dépenses à l’interconnexion. C’est donc une date fondamentale pour l’élaboration d’un système national de transport. « Il reste […] à assurer la répartition de cette énergie à travers le pays, puisque les sources de production d’énergie hydraulique se trouvent concentrées dans les Alpes, les Pyrénées et le Massif central. Cela nécessite l’achèvement du réseau de transport à très haute tension, correspondant à l’équipement d’environ 2 000 kilomètres de lignes56. » Ce programme d’interconnexion est mis en œuvre sous la triple pression de la CGT, de l’État et de la Fédération nationale des collectivités publiques électrifiées. Le conseil d’administration de l’Énergie industrielle approuve le principe de la création du Groupement de l’électricité et garantit 24 % du premier emprunt de 500 millions de francs. L’UNIE fait état, en 1938, d’un programme de travaux de plus de 4 200 kilomètres de 90 à 220 kV, classé en : première urgence, urgent et autres. Le groupe Durand est intéressé, directement ou non, dans plusieurs des 52 tronçons envisagés. La participation de la SITEL est estimée à 120 millions de francs. Le but est de resserrer le maillage existant pour l’ensemble de la France, puis de le renforcer pour permettre de transférer le surcroît d’énergie résultant des usines nouvelles vers les centres de consommation. C’est donc une interconnexion nationale qui est envisagée.

    39Le monde de l’industrie reste partagé entre un sentiment de crainte et un certain triomphalisme idéologique57. Mais le rapprochement entre l’État et les groupes est indéniable, puisque l’industrie électrique s’engage à réaliser, avant janvier 1944, un programme dont les grands axes sont choisis par le ministre des Travaux publics, d’après les directives du Conseil supérieur de l’électricité. L’industrie électrique est un bel exemple d’application de l’économie mixte à la française. En application de la loi du 16 août 1940, un décret décide de la fondation du Comité d’organisation de l’énergie électrique, qui représente, par un savant dosage, le monde de l’industrie électrique.

    40En 1941, face à une loi qui impose le regroupement des lignes très haute tension en trois organismes, le groupe Durand manifeste une certaine réticence. « Quoi qu’il en soit, je suis assez soucieux des tendances actuelles qui, sous le couvert de lutte contre le gaspillage des ressources hydrauliques et de l’intérêt général […] aboutissent, avec l’aide et au besoin les ordres de l’administration, à mettre automatiquement tous les excédents disponibles chez les hydrauliciens à la disposition des thermiciens... Nous ne resterons véritablement propriétaires de l’énergie que nous produisons que si nous pouvons la consommer bien ou mal dans nos réseaux ; mais il ne faut pas se laisser aller à la politique de facilité, qui consisterait à dire que nos excédents sont automatiquement placés chez les thermiciens ; nous ferions le jeu de ces derniers, nous leur faciliterions la transition vers le régime inévitable auquel ils devront bien venir, d’arrêt de leurs centrales, et surtout nous empêcherions la conclusion de contrats fermes avec eux, à des prix rémunérateurs, pour de l’énergie garantie, parce que nous serions écrasés sous la masse de nos excédents à placer coûte que coûte. Nous risquerions de déprimer de façon durable le marché de l’énergie garantie par la trop grande masse d’excédents mise sur le marché58. »

    41L’interconnexion nationale s’additionne à l’interconnexion régionale. Ainsi, l’Énergie industrielle garantit la moitié d’un prêt de 12 millions de francs sollicité par la Société anonyme de transport d’énergie du Centre-Ouest pour relier l’hydraulique pyrénéen au thermique breton. En 1939, l’Ouest reçoit le courant hydraulique « en provenance des Pyrénées, du plateau central et même des Alpes59 ». Quatre ans plus tard, la Société de transport d’énergie du Centre termine ses lignes et il existe désormais une boucle 220 kV qui permet d’écouler les excédents du Massif central sur la région parisienne. La Société hydro-électrique de la Cère est d’ailleurs l’une des entreprises du groupe parmi les plus intégrées au réseau national d’interconnexion. À la veille de la nationalisation, « la configuration de l’infrastructure est devenue la suivante : une grande boucle à peine achevée à 220 kV occupe le cœur de l’Hexagone et joue le rôle de collecteur central... Doublée entre le Massif central et Paris […] elle reste simple entre les Alpes et la capitale... Cette véritable rocade a une vocation nationale, puisque des antennes […] desservant les principaux centres de production et de consommation périphériques viennent se greffer sur elle60 ».

    Un organisme spécialisé pour le groupe : la SITEL

    42Depuis 1936, le groupe dispose d’une organisation qui centralise ses activités de transport et d’interconnexion : la SITEL. Elle témoigne de la rationalisation de ce secteur de l’activité électrique, mais souligne aussi la farouche volonté d’indépendance du groupe Durand. La politique de cette filiale est strictement délimitée et se place dans le contexte d’intervention de l’État, plus marqué à partir de 1938. À cette période, « chaque maille s’agrandissant, se complétant, poussant un tentacule qui l’attache à la maille voisine [finit par] former en fin de compte un tout homogène61 ».

    Les buts et les moyens de la SITEL

    43Le groupe Durand fonde une compagnie spécialisée dans l’interconnexion et le transport de l’énergie électrique : quand ? pourquoi ? qui finance et quels sont ses moyens de développement ? L’assemblée générale de la Société de transport d’énergie Rhône-Isère, en 1936, entérine d’importantes mutations. Son siège est transféré à Paris, à l’Énergie industrielle, et elle change de nom. Le nouvel intitulé de la compagnie : SITEL, témoigne de l’extension des objectifs. En effet, le but régional de l’ancienne société faisait double emploi avec celui de la STEDA. Étendu à l’ensemble de la France, il donne à cette compagnie une nouvelle raison d’activité.

    44On peut s’interroger sur les motifs qui amènent l’Énergie industrielle à tant miser sur la SITEL en 1936. À cette date, le groupe dessert environ 6500 communes, mais Pierre-Marie Durand a compris que la formidable croissance qui a débuté vers 1925 et permis de décupler, en dix ans, le nombre de communes clientes du groupe, est en train de se ralentir sérieusement. L’Énergie industrielle choisit donc de diminuer les contraintes sectorielles, de développer la rationalisation en cherchant une meilleure adéquation entre l’offre et la demande, sans réduire les marges bénéficiaires. En un mot, Pierre-Marie Durand place toute sa confiance dans une interconnexion nationale. Il a conscience que « la distribution de l’énergie électrique est arrivée à un stade où aucune région de France ne peut se désintéresser de ce qui se passe dans les autres régions62 ». C’est pourquoi il prend une initiative originale avec la création d’une société spécialisée dans l’interconnexion et le transport pour l’ensemble du groupe. Cependant, cette mesure obéit aussi à des impératifs politiques car elle vise à éviter les risques de nationalisation. En 1936, un « inspecteur général de l’Énergie industrielle est chargé d’élaborer une stratégie défensive. J’ai été chargé de la Commission étude des risques de nationalisation, dit-il. Je leur ai dit : nationalisez vous-mêmes ! Faites une seule société de transport en France... Deuxièmement, faites la société de mouvements d’énergie pour qu’on ne vous reproche pas de laisser couler de l’eau dans les Alpes alors qu’il n’y en a pas dans les Pyrénées63 ! »

    45Le capital de l’ex-Société de transport d’énergie Rhône-Isère subit une progression fulgurante et les souscripteurs sont exclusivement des filiales Rhône-Alpes du groupe Durand. Lors du changement de 1936, le nombre d’administrateurs s’accroît, et Pierre-Marie Durand cumule les fonctions de président et d’administrateur-délégué. L’essentiel des membres de la famille est présent, ce qui montre que cette compagnie, filiale commune des grandes entreprises du groupe, est considérée comme stratégique car elle procède au regroupement général des participations de transport et d’interconnexion. L’exercice 1936 marque un profond changement, car le portefeuille dépasse 26 millions de francs. Un tel investissement résulte de l’achat d’actions de compagnies de transport auprès du groupe de l’Énergie industrielle. La SITEL a donc comme but de regrouper toutes les participations de transport des filiales en un seul portefeuille. On y trouve, par exemple, une participation dans l’Union de transport d’énergie du Rhône à Paris. Cette initiative doit être soulignée, dans la mesure où l’Énergie industrielle n’a jamais songé à l’alimentation de la capitale. En revanche, c’est une preuve que le groupe Durand est bien inclus dans l’interconnexion nationale64.

    461942 est incontestablement une année charnière pour le portefeuille de la compagnie. S’il n’augmente pas de façon spectaculaire, un double changement le transforme. Premièrement, la société s’implique dans le réseau national d’interconnexion car, en application de la loi du 14 septembre 1941, les réseaux à 220 000 volts sont regroupés dans trois sociétés. Deuxièmement, un contrat, signé entre le groupe Durand et son concurrent Mercier65, aboutit à une redistribution des participations dans les sociétés de transport et d’interconnexion. D’après ce traité, l’Énergie industrielle abandonne ses participations dans l’UNIE et dans l’Union pour le transport de l’énergie électrique. Si 1942 marque la réorganisation des titres de transport possédés par le groupe, 1943 voit la signature d’un contrat d’association en participation pour la gestion du portefeuille de la SITEL qui a pour objectif de repartir les charges et les bénéfices des participations de la société dans les compagnies de transport. Composent solidairement cette organisation la quasi-totalité des actionnaires de la SITEL. À la date de la nationalisation, le portefeuille est de l’ordre de 117,6 millions, ce qui est peu en comparaison de ceux de l’Énergie industrielle et de l’Hydro-Énergie. Quatre compagnies de transport représentent 70 % du portefeuille-titres66. La plus importante est la STEDA67, une filiale de la SITEL68. Il n’est pas surprenant que le groupe Durand ait une filiale spécialisée dans l’interconnexion dans cette région, qui est son premier pôle de production-distribution d’énergie électrique. Elle détient, de plus, un poids important dans quelques compagnies69.

    47Cependant, si la SITEL est bien une illustration « de la politique du groupe de l’Énergie industrielle de concentration dans la spécialisation70 », elle n’a toutefois pas l’exclusivité des titres des compagnies d’interconnexion. Le portefeuille est un moyen de mettre en place l’activité quotidienne de la SITEL. Elle trouve des capitaux pour son développement chez les principales filiales, qui garantissent aussi ses émissions obligataires. Forte de son portefeuille très spécialisé, la SITEL peut, dans la décennie 1936-1945, organiser et développer le réseau général d’interconnexion de l’Énergie industrielle, participer à la construction du super-réseau national et répartir l’électricité pour le groupe.

    La politique de la SITEL au quotidien

    48Quatre missions sont dévolues à la compagnie. La première est de construire les réseaux de haute tension, c’est-à-dire d’élaborer un moyen de transport de l’électricité du groupe et de ses concurrents. Cependant, transporter l’électricité n’est pas l’étape ultime de la rationalisation et de l’interconnexion et la SITEL joue aussi le rôle de commerçant et de répartiteur du groupe dans deux centres.

    49Lorsque la société est fondée, l’essentiel du réseau haute tension est déjà en place. En effet, le groupe Durand est, à ce moment-là, à la tête de plus de 41 000 kilomètres de lignes haute tension. La tâche de la SITEL consiste à concentrer les lignes d’interconnexion du groupe et à développer des lignes. Le premier pôle de l’activité de la SITEL est développé en 1938-1940. En 1938, le poste immobilisations apparaît au bilan de la compagnie pour 16,7 millions, et, en 1939, par exemple, elle se substitue à la Centrale thermique de l’Adour pour une ligne 60 000 volts. Qu’elle soit ou non propriétaire des lignes de transport, la SITEL est très souvent chargée de l’entretien des postes et des lignes. Cependant, son axe de développement consiste en l’exécution d’un programme de lignes d’interconnexion et de postes à très haute tension, comprenant principalement une ligne de 220 kilomètres, en 150 000 volts, en Bretagne. En 1939, elle débute la construction de la ligne Guerlédan-Saint-Herbot. Elle prend en charge tous les aménagements, les éventuels impôts, incidents ou accidents et paie une redevance annuelle de 25 000 francs à sa filiale bretonne. En outre, en 1940, elle met en service le poste 150 000 volts de Pontchâteau, « permettant une importation complémentaire d’énergie hydraulique d’environ 15 000 kW, à un moment où les réserves hydrauliques locales et les approvisionnements en combustible des centrales thermiques bretonnes étaient sur le point d’être épuisés71 ».

    50Le montant des immobilisations s’accroît modestement en francs courants, mais se réduit en francs 1913. De 1939 à 1945, il constitue le principal poste de l’actif. Ces immobilisations importantes sont le moyen de disposer d’un réseau de lignes à haute tension dans toute la France qui permettent à la compagnie d’assurer sa deuxième fonction : le transport de l’énergie électrique. La situation de ce dernier est si complexe, comme le montrent les échanges du Sud-Est pour le groupe Durand en 1938, que des mesures de simplification s’avèrent indispensables : la fonction de transport est, en partie, centralisée par la SITEL.

    51La polyvalence des sociétés leur permet d’assurer à la fois la production, la distribution et le transport de l’électricité entre filiales, mais aussi avec des compagnies tiers. Ainsi, pour amener à disposition de l’Union hydro-électrique le courant prévu dans le contrat avec le groupe Durand, celui-ci a recours à trois sociétés de transport. Quant à la STEDA, qui utilise le poste du Cusset de la Société lyonnaise des forces motrices du Rhône, elle lui paie une taxe de 67 000 francs alors qu’Alais, Froges et Camargue, qui fait transiter de l’électricité sur le réseau de la Société générale de force et lumière, lui paie 30 500 francs. Pour transporter l’énergie du centre de l’Énergie industrielle de Valence à la Compagnie du gaz de Lyon, la STEDA fixe un péage de 2,23 millions de francs alors que la Société générale de force et lumière qui transporte l’énergie du centre de l’Énergie industrielle de Valence à la Société des forces motrices du Vercors perçoit 186 800 francs. On pourrait multiplier à loisir les exemples. L’ensemble donne une impression de grande complexité.

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    Figure 24 : Échanges d’énergie pour le groupe Durand dans le Sud-Est en 1938

    52C’est la raison pour laquelle une des fonctions de cette société spécialisée est de transporter l’électricité pour les filiales du groupe Durand. En 1939, la SITEL et l’Énergie industrielle signent un contrat de transport. La puissance de tension est égale à 10 000 kVA, payés par une taxe annuelle de 45,50 francs par kVA, et 42 centimes « par unité d’énergie complexe restituée en 90 000 volts72 ». Comme l’Énergie industrielle possède à Montargis une direction régionale lui permettant d’assurer l’entretien et l’exploitation des ouvrages appartenant à la SITEL, celle-ci lui confie l’entretien et l’exploitation de la ligne, moyennant le remboursement d’une somme forfaitaire annuelle de 400 francs par kilomètre de ligne.

    53En 1940, un contrat est signé entre la SITEL et la Société des forces motrices de l’Est. Le transport est effectué sur 179 kilomètres de ligne à 60 000 volts. La puissance à transporter varie selon les lignes et représente un total de 56 000 kVA mais le tarif appliqué est uniforme : 14,50 francs par kVA souscrit. Une taxe fixe annuelle de 1,5 million pour le transport et de 500 000 francs pour la transformation, ajoutée à un prix de 0,0003 par unité complexe transportée, représente le droit de péage à régler. Le contrat a une durée de vingt ans, tout comme celui qui est signé entre la SITEL et l’Hydro-Électrique des Basses-Pyrénées. Au moment de la nationalisation, il est spécifié qu’en raison de son activité de transporteur, la SITEL possède cinq sièges d’exploitation : Pontchâteau, Montargis, Bayonne, Besançon et Montbéliard et un réseau permettant des échanges d’énergie avec les producteurs suisses.

    54Grâce à cette implantation régionale, la société est en contact avec les entreprises locales et donc à même de négocier des contrats d’achat et de vente d’électricité, ce qui constitue sa troisième fonction. Elle doit être informée de tout ce qui se passe sur le réseau d’interconnexion. Elle a aussi à entretenir des relations avec les administrations des PTT, des douanes... Une fois son rôle élargi à celui de responsable des achats et ventes d’électricité pour le groupe, elle devient donc mandataire du groupe. Les engagements du contrat initial, les achats et les ventes d’électricité de la société à Lyon en 1940, un contrat signé en 1943 avec l’Union d’électricité et le bilan des engagements de la SITEL à Lyon en 1945 constituent quelques exemples.

    55Le centre de répartition n’a pas comme unique fonction de répartir les excédents d’énergie, les adhérents lui cèdent aussi la gestion de certains contrats d’achat et de vente d’énergie à des tiers. Ainsi, dans le contrat initial de 1940, on lui confie la responsabilité des contrats d’achat d’énergie à la Compagnie électrique de la Loire et du Centre et à la société Énergie électrique Isère-Vercors. Elle est aussi acheteur et vendeur pour l’Énergie industrielle et pour la Société générale de force et lumière. En 1940, la SITEL de Lyon achète pour 2 millions de francs courants d’électricité à cinq producteurs73. Elle vend, par contre, pour plus de 5,2 millions d’électricité à 14 sociétés. En 1943, les sociétés de la région parisienne et la SITEL signent un accord d’échange réciproque d’électricité. L’Union d’électricité, la Société d’électricité de Paris et l’Électricité de la Seine, agissant conjointement, s’engagent à mettre à disposition de la SITEL une puissance de 50 000 kV en deux tranches. C’est donc une négociation avec les groupes Mercier et Empain74.

    56Enfin, il est possible de dresser un rapide bilan des engagements de la SITEL en 1945, pour le centre de Lyon. Elle a des contrats fermes de fourniture d’électricité avec la Société de transport d’Île-de-France, la Compagnie électrique du Nord, la Compagnie électrique de la Loire et du Centre, la Société Grand-Combienne, des industriels de la sidérurgie lorraine75, la Compagnie lorraine d’électricité... Elle est aussi en contrat avec des compagnies pour livrer ses excédents d’énergie à Alais, Froges et Camargue, aux Aciéries électriques d’Ugine, à l’Énergie de l’Ouest suisse, au Comptoir de gérance, à la région parisienne, à l’UPEPO, à la Société des forces motrices de la Truyère, à l’Énergie électrique du littoral méditerranéen et à l’Union hydro-électrique. La vente aux tiers atteint 473 millions de kWh en 1943. Les contrats d’achat d’électricité en gérance de la SITEL représentent 356 millions de kWh, achetés pour 92 millions de francs en 1943. Pour cet exercice, la SITEL prélève 12,9 millions de commissions : 6 % sur le montant de l’énergie consommée par les adhérents et 12 % sur les ventes effectuées par les adhérents à la SITEL.

    57En transportant l’énergie du groupe et celle des concurrents, la société a une vue d’ensemble de la circulation de l’énergie et c’est donc à elle que l’Énergie industrielle confie la mise en place d’un dispatching à Lyon, puis en Bretagne, après avoir tenté d’organiser elle-même cette affaire. C’est la quatrième fonction de la compagnie. Cette tâche rend indispensable la mise en place d’un service statistique pour « étudier variations et développements de la consommation, variations des débits des rivières, compte tenu des probabilités, en un mot, faire le bilan du présent et de l’avenir. La météo […] est un facteur qui doit rendre beaucoup de services. Une installation plus complète […] permettra de prévoir la baisse ou l’augmentation de nos disponibilités et d’en tirer un meilleur profit76 ». En 1940, la société est « chargée par diverses sociétés des Alpes de la création, à Lyon, d’un centre de répartition chargé, pour le compte de ses adhérents, de toutes les opérations d’achat, de vente, d’échange et de transport d’énergie77 ». C’est la création d’un équivalent Durand de l’UPEPO du groupe Durand, établi entre la SITEL, l’Énergie industrielle, la Compagnie du gaz de Lyon, la Société lyonnaise des forces motrices du Rhône, l’Énergie électrique Isère-Vercors, la Société générale de force et lumière et la Société des forces motrices de Savoie. La SITEL est seule chargée des opérations d’échange d’énergie entre adhérents, de la vente d’énergie à tous les consommateurs utilisant cette électricité, en dehors des réseaux propres des adhérents, et des achats d’énergie de régularisation ou de secours.

    58Dans cette mission, elle agit simplement comme commissionnaire et ne fait pour son propre compte aucune opération d’achat ou de vente de courant. En ce qui concerne l’énergie livrée à, ou par la SITEL, trois catégories sont établies : énergie garantie, excédents et énergie de secours. L’aspect financier de cette opération se scinde en trois éléments. Une majoration de 5 % des sommes dues à la SITEL par ses adhérents et une retenue de 5 % sur toutes les sommes versées par la compagnie à ses adhérents constituent la commission. Le deuxième élément est le remboursement par les adhérents des frais généraux pour la gérance du centre de répartition78. Enfin, le solde des recettes moins les dépenses est distribué aux adhérents au prorata des kWh qu’ils fournissent.

    59En 1940, les adhérents de la SITEL disposent d’énergie mise à disposition du répartiteur pour plus de 43,6 millions de kWh alors que leurs achats se montent à 11,5 millions de kWh. Seul le Gaz de Lyon demande une livraison importante, et l’essentiel de l’énergie disponible est donc cédé à des tiers. Le dispatching assure donc, dans ce cas, l’écoulement des excédents des adhérents. En 1943, une double mutation se produit au sein des adhérents. Tout d’abord, la Société des forces motrices de Savoie est absorbée par l’Énergie industrielle et devient donc le centre Énergie industrielle d’Annecy ; ensuite, la Société des forces motrices de l’Est demande à faire partie du groupement. À cette date, le centre de répartition gère 2 milliards de kWh annuels.

    601940 est aussi l’année de l’installation d’un deuxième dispatching en Bretagne dont les adhérents sont la SITEL et les deux filiales bretonnes importantes du groupe. Les dix premiers millions de kWh sont facturés 0,25 franc environ le kWh puis les kWh supplémentaires 15 centimes seulement. En 1941, la région produit 221 millions de kWh qu’elle complète avec 153 millions de kWh importés en remplacement de l’énergie thermique, plus coûteuse. L’approvisionnement du centre de Pontchâteau illustre la parfaite efficacité de la SITEL et l’existence d’un réseau national d’interconnexion. En effet, les Pyrénées sont le principal fournisseur. Ce système souple et modulable permet même au groupe d’alimenter la Société Lebon, son principal concurrent dans cette zone de production thermique. Chaque année, le dispatching gère entre 150 et 265 millions de kWh, ce qui est bien modeste par rapport au répartiteur lyonnais. En 1945, le comptoir d’achat et de vente d’énergie est transféré. À cette date, la compagnie compte donc deux centres de répartition, Lyon et Brive. Cette activité de transport et d’interconnexion est de plus en plus placée sous l’influence de l’État.

    61Cette décennie 1935-1945 illustre donc bien la formule de J.-K. Galbraith selon laquelle tout secteur tend au monopole, objectif, dans le cas du groupe Durand, en bonne voie de réalisation. Ce dernier négocie avec les groupes concurrents, à la fois pour délimiter des espaces de monopole et pour réduire les frais qu’une interconnexion individuelle non négociée générerait. Pourtant, dans un premier temps, le groupe Durand semble hésiter à développer ce moyen rationnel de réduire les coûts79. L’explication est peut-être à chercher dans ce qui apparaît aux Durand comme un inconvénient du système, à savoir une relative perte d’autonomie dans la gestion des sites productifs. En effet, chacun doit se conformer à des règles collectives pour que le système de production et de distribution fonctionne comme un système efficace. Or, ce n’est pas vraiment dans les habitudes de la famille Durand.

    62La constitution d’oligopoles est voulue et renforcée par l’intervention de l’État. Même convergence de vue entre le groupe Durand et l’État concernant l’indispensable mise en place d’un réseau de transport performant. L’État, par le biais du Groupement de l’électricité, décide la mise en place des jalons d’un réseau national d’interconnexion. Les groupes sont sommés de s’entendre, mais les Durand, s’ils participent à ce mouvement, n’en essaient pas moins d’agir de façon indépendante par l’intermédiaire de leur compagnie spécialisée, la SITEL. Le groupe est en position de force par rapport aux thermiciens parisiens qui ont besoin d’énergie. Or, étant désormais producteur, il dispose d’excédents produits à moindre coût que le thermique. C’était d’ailleurs une des justifications du changement de politique : le groupe pouvait passer à la production car les débouchés semblaient assurés.

    63La SITEL, qui envisage le transport à l’échelon du groupe, et donc, de façon nationale, semble une originalité par rapport aux concurrents qui raisonnent essentiellement en termes géographiques80. Et même le regroupement proposé en 1941 par l’État en trois entreprises d’interconnexion demeure fidèle à cette logique. Quant à la participation des Durand à l’interconnexion nationale, elle a pour but essentiel d’améliorer la rentabilité du groupe et, plus particulièrement, d’améliorer ses coûts de production. « Il y a quelques années, nos usines hydro-électriques n’utilisaient guère que la moitié, ou un peu plus, de leurs possibilités. Nous sommes arrivés, notamment par la création de centres de répartition, dont le plus important se trouve à Lyon, à utiliser dans des conditions beaucoup plus favorables l’énergie hydraulique. Nous avons atteint [en 1942] un coefficient d’utilisation qui est supérieur à 98 %81. »

    *

    64À l’origine, parce que le groupe est presque exclusivement distributeur, il est contraint de s’entendre avec les groupes concurrents pour obtenir de l’énergie afin de satisfaire les abonnés. Les négociations priment donc sur la concurrence pure. Le souci financier de rentabilité optimale se manifeste par un mouvement de rationalisation de la concurrence et de la production. Dès la fin des années 1920, les négociations, plus fréquentes, avec les groupes incitent, dans un contexte où le territoire est désormais partagé entre les grands ensembles de production-distribution d’électricité, à fixer par écrit ce statu quo en multipliant des ententes très détaillées dans lesquelles la grande habileté voire la roublardise de Pierre-Marie Durand font merveille. À l’aube des années 1930, devenu une puissance de taille, le groupe Durand profite de l’essor de l’interconnexion pour compléter des capacités de production, certes, croissantes, après ses prises de participation dans certaines entreprises, mais toujours inférieures aux besoins.

    65Le groupe néglige l’interconnexion dans ses débuts, n’en percevant pas tout de suite les indéniables attraits. Ainsi, à l’aube des années 1930, les contacts avec l’UNIE dans le Lyonnais et avec l’UPEPO dans le Sud-Ouest demeurent ponctuels et méfiants : le groupe ne se taille qu’une modeste part dans l’interconnexion nationale. Mais, petit à petit, il passe de la quasi-ignorance des géants de l’interconnexion à une incorporation au sein même de ceux-ci, par le biais de prises de participation dans des compagnies de production-distribution d’énergie électrique. Maillon puissant de l’UPEPO comme de l’UNIE, le groupe n’en possède pas moins une société spécialisée dans l’interconnexion, la SITEL, ce qui est une originalité. C’est d’ailleurs la découverte de l’intérêt de l’interconnexion, étendue à tout le territoire français, qui modifie la stratégie productive du groupe dans les années 1940 et qui renforce la nécessité de la politique de délimitation de zones entre groupes concurrents. L’acceptation d’une telle collaboration avec les concurrents surprend de la part du fondateur-gestionnaire d’une société jugée avec tant de sévérité à l’époque. Des études du Crédit lyonnais sont à cet égard très claires : la famille Durand elle-même n’a jamais été intégrée dans le cercle des industriels français. A-t-elle d’ailleurs vraiment cherché à l’être ? Rien n’est moins sûr.

    66Ainsi, la SITEL, dont les filiales du groupe composent l’actionnariat, œuvre pour le groupe : achetant, vendant de l’électricité au sein du groupe, mais aussi en dehors. Par ailleurs, elle construit, entretient le réseau de transport du groupe et gère les dispatchings. Cette société spécialisée est à la fois la marque et l’existence du groupe et la preuve de sa situation particulière au sein de l’industrie de la production-distribution d’énergie.

    Leitmotive stratégiques et techniques

    67Pendant presque vingt ans, le groupe Durand méprise la production, vécue comme une contrainte, tant technique que financière. Il recherche des fournisseurs et, pour cela, négocie avec les concurrents locaux. En outre, sa logique de croissance externe lui offre des usines. Cependant, il focalise toute son attention, son énergie, sur l’organisation de la distribution et son maître mot est rationalisation. La multitude des petites compagnies lui semble une hérésie et une gabegie financière. « Small is not beautiful but expensive » pourrait être sa devise, détournant un slogan célèbre. C’est pourquoi l’Énergie industrielle procède à une première absorption, inaugurant une pratique fréquente et durable : 24 absorptions entre 1908 et 1924.

    68Au cours de la décennie suivante, la société mère renforce cette méthode, de plus en plus imitée par ses grandes filiales. Cette décennie marquant l’apogée de la croissance externe, la rationalisation s’impose comme une nécessité. Les Durand optent pour une administration décentralisée. En revanche, s’ils héritent d’usines à achever, ils refusent toujours de concevoir un site productif de A à Z par peur des coûts : « la chute de la Roya nous a occasionné quelques déboires... Nous avons dû dépenser environ deux fois la somme prévue pour organiser cette chute. Nous ne pouvons que regretter de n’avoir pas été mieux aidés par les pouvoirs publics, alors que nous voulions accomplir une œuvre économique et patriotique82 ». Comme la production est toujours insuffisante, le groupe sollicite les concurrents, d’autant que la technique nouvelle de l’interconnexion facilite les échanges. Ainsi, les contacts sont fréquents avec les deux grands organismes d’interconnexion que sont l’UNIE et l’UPEPO...

    69La dernière décennie d’existence du groupe, 1936-1945, traduit de profonds bouleversements de la stratégie de l’ensemble du groupe, mutations résultant d’un contexte nouveau. Ainsi, les Durand, loin de tout dogmatisme, savent humer l’air du temps et abandonner des principes affirmés depuis l’origine83. En effet, la croissance externe est achevée et le statu quo territorial domine. L’essor ne peut provenir du nombre de clients mais de l’augmentation de la consommation de chacun et de l’amélioration des coûts. Devenir producteur devient alors le nouveau leitmotiv des Durand, d’autant que l’État aide financièrement à la réalisation de sites hydro-électriques. Le groupe multiplie les usines et les filiales spécialisées dans la construction, en partenariat avec des concurrents. Réduire les coûts, cela signifie aussi apporter l’électricité au consommateur à moindre frais. L’interconnexion devient la solution miracle et, tout en continuant à participer aux grandes organisations de transport, l’indépendance habituelle et caractéristique des Durand les amène à créer leur propre société d’interconnexion. Ce choix de la spécialisation entre société de production, filiale de transport et même entreprise de travaux publics pousse le groupe à développer des compagnies de distribution régionales à la tête d’un monopole. Ainsi, le remembrement s’effectue en Rhône-Alpes, dans les Pyrénées... À chaque strate du groupe, on traque le doublon, la dépense inutile : les petites usines sont fermées au bénéfice de l’interconnexion et des grands sites, les petites compagnies absorbées par les grandes... La nouvelle valeur des Durand est l’économie d’échelle.

    Notes de bas de page

    1 Pour le constater il suffit d’observer les noms des compagnies d’interconnexion : Société de transport d’énergie d’Île-de-France, Société anonyme de transport d’énergie du Centre-Ouest...

    2 Agence économique et financière, rapport sur le bilan de l’Énergie industrielle pour l’année 1943. « Il y a quelques années, nos usines hydro-électriques n’utilisaient guère que la moitié, ou un peu plus, de leurs possibilités. Nous sommes arrivés, notamment par la création de centres de répartition, dont le plus important se trouve à Lyon, à utiliser dans des conditions beaucoup plus favorable, l’énergie hydraulique. Nous avons atteint [en 1942] un coefficient d’utilisation qui est supérieur à 98 %. »

    3 La Vie financière du 16 mars 1932. Extrait de l’allocution de Pierre-Marie Durand devant les actionnaires réunis pour la présentation du bilan de l’exercice 1931.

    4 Detœuf (Auguste), Barenton..., ouvrage cité, p. 119.

    5 Bilan de l’Énergie industrielle en 1918.

    6 Conseil d’administration de l’Énergie électrique de la Basse-Loire du 1 1 mars 1924.

    7 Marlio (Louis), « Les ententes industrielles », art. cité, pp. 840-841.

    8 Fridenson (Patrick), Histoire des usines Renault…, ouvrage cité, pp. 152-154. Une autre note attaque non seulement les charbonnages où il y a entente absolue mais aussi l’électricité, l’eau, le gaz. « Par le fait des ententes, la France est un des pays d’Europe où le prix du courant est le plus élevé, surtout le courant industriel. »

    9 Woronoff (Denis), Histoire de l’industrie en France..., ouvrage cité, p. 372.

    10 Caron (François), « La stratégie des investissements... », art. cité, p. 79.

    11 Archives privées du Crédit lyonnais 6110, 30 056, février 1925.

    12 À cette date, les deux compagnies (Société lyonnaise des forces motrices du Rhône et Société générale de force et lumière) ne sont pas encore des filiales Durand.

    13 Protocole du 1er août 1929.

    14 Archives EDF 742 379.

    15 On peut citer, pour le groupe Mercier : la Compagnie parisienne de distribution d’électricité, Nord-Lumière, Est-Lumière, Ouest-Lumière, Sud-Lumière, Nord-Est parisien, la Société andelysienne d’électricité, l’Union électrique du Centre, la Société lyonnaise des eaux et de l’éclairage, la Société de distribution d’électricité de l’Ouest, l’Union pour l’industrie électrique et ses participants actuels. L’Union d’électricité se réserve, en outre, de faire participer à l’accord la Société d’électricité de Paris et la Société d’électricité de la Seine. Pour l’Énergie industrielle, l’accord engage : la Compagnie du gaz de Lyon, la Société lyonnaise des forces motrices du Rhône, la Société hydro-électrique de la Cère et l’ensemble des sociétés filiales de l’Énergie industrielle.

    16 L’accord accepte une exception : « la présente interdiction ne s’applique pas à la vente éventuelle d’énergie électrique aux chemins de fer d’intérêt général, exception faite des lignes de banlieue et des lignes du Paris-Orléans comprises ».

    17 Bonin (Hubert), Histoire économique..., ouvrage cité, p. 93.

    18 Beltran (Alain), Griset (Pascal), L’Économie française..., ouvrage cité, p. 67.

    19 La principale critique adressée par l’Énergie électrique du littoral méditerranéen à l’Énergie industrielle consistait à la traiter d’« unijambiste » car elle ne possédait qu’une usine et qu’une seule ligne.

    20 Ainsi, par exemple, pour obtenir le renouvellement de la concession de Menton, l’Énergie industrielle a dû prendre en charge tous les frais d’installation du nouveau réseau municipal, « alors qu’elle aurait pu ne supporter que la moitié » (lettre à Robert Després du 4 juin 1929). En outre, la compagnie a dû réduire les tarifs, ce qui représente « une perte annuelle d’environ 200 000 francs... Enfin, Me Lavrolles, bâtonnier à Nice, est venu à Menton faire des conférences contre nous lors du renouvellement de la concession ». L’Énergie électrique du littoral méditerranéen essaie d’entraver la marche de l’Hydro-Électrique du Sud-Est : un individu « a été l’instigateur, par ordre de la direction de l’Énergie électrique du littoral méditerranéen de Nice, de toutes les campagnes qui ont été dirigées contre l’Énergie industrielle ; il a, en particulier, fourni à nos opposants tous les éléments techniques et juridiques utiles pour donner du poids à ces oppositions... Ces agissements ont retardé l’octroi de la chute […] et nous ont coûté environ un million de francs ».

    21 Protocole du 31 juillet 1938.

    22 Cavaillès (Henri), La Houille blanche..., ouvrage cité, p. 11 : « L’utilisation sur place du courant électrique sera toujours plus rémunératrice que l’utilisation à distance. »

    23 Le transport se caractérise, d’après la loi. par l’importance de la distance, la tension supérieure à 15 000 volts et la perception d’un péage et non pas d’un prix de vente.

    24 « L’Union d’électricité s’engage à obtenir de la Société pour le transport d’énergie du Massif central pour le transport de l’énergie de la Cère à destination, soit de la région parisienne, soit de l’Énergie industrielle et de ses filiales, les conditions du client ou de l’adhérent le plus favorisé. L’Union électrique proposera au conseil de la Société pour le transport d’énergie du Massif central l’entrée d’un représentant de l’Énergie industrielle dans le conseil ». En contrepartie, « l’Union d’électricité entrera dans la Société d’interconnexions électriques de façon à y acquérir une part d’intérêts et d’influence égale à celle de l’Énergie industrielle. » La Société d’interconnexions électriques est une compagnie dans laquelle la SITEL a une participation, mais ce n’est pas une compagnie majeure pour l’Énergie industrielle qui tient soigneusement verrouillé l’accès à la SITEL, l’un des éléments de base du groupe.

    25 Accord du 30 juillet 1937. « En ce qui concerne Loire et Centre, pour la Société des forces motrices de la Truyère, l’Union électrique, l’Énergie électrique de la Basse-Isère, la Société de transport d’énergie du Centre... et, en ce qui concerne l’Énergie industrielle, pour la Société hydro-électrique de la Cère, la Société générale de force et lumière, la Compagnie du gaz de Lyon, la Société lyonnaise des forces motrices du Rhône, la Société des forces motrices de Savoie, la Société des forces motrices du Vercors, la Société des forces motrices de l’Est, la STEDA, la Société hydro-électrique de Fure, Morge et de Vizille, l’Union électrique rurale... »

    26 Mémoire du 16 décembre 1938.

    27 Ibid.

    28 Projet du 16 décembre 1938.

    29 Protocole du 17 janvier 1939.

    30 Bilan de la Société des forces motrices d’Arrens en 1932.

    31 Beltran (Alain), Carre (Patrice), La Fée et la Servante (La société française face à l’électricité, xixe-xxe siècle), Paris, Belin. Collection Histoire et société, 1991, p. 41 : l’UPEPO est « le premier réseau d’interconnexion digne de ce nom, c’est-à-dire qui reliait des usines de caractéristiques différentes ».

    32 Bouneau (Christophe), « Transporter », dans, Lévy-Leboyer (Maurice), Morsel (Henri) (dir.), Histoire de l’électricité..., ouvrage cité, vol. II, p. 809 : « Par sa célébrité dans les milieux électriciens, le sigle UPEPO devient symbole et terme générique et sa filiation dépasse même l’Hexagone. Il tend à désigner, dans l’Europe de l’entre-deux-guerres, toute association de producteurs d’électricité gérant un réseau d’interconnexion. »

    33 La Société des forces motrices d’Arrens, l’Hydro-Électrique des Basses-Pyrénées et l’Énergie électrique de la Basse-Loire.

    34 Les 25 % complémentaires sont fournis par la Société hydro-électrique de la Cère.

    35 Bouneau (Christophe), L’Électrification du grand Sud-Ouest..., ouvrage cité, p. 384.

    36 En effet, c’est dans l’Aveyron que sont reliés le réseau à 150 000 volts de la Compagnie du Midi, la ligne à 150 000 volts de la Société de transport Rouergue-Auvergne, la ligne à 150 000 volts de la Société de transport d’énergie des Cévennes, allant à Bagnols, et, à 60 000 volts, les usines du Rouergue.

    37 Programme du 23 mars 1936.

    38 Quatre souscripteurs composent le conseil d’administration et le capital initial, la Compagnie d’électricité industrielle et trois filiales Durand.

    39 Ligne inscrite dans le programme initial du Groupement de l’électricité.

    40 Courrier de l’UPEPO à l’Énergie industrielle du 23 novembre 1940.

    41 Elle est fondée en 1920 par dix grandes compagnies locales qui possèdent chacune 10 % des titres : Compagnie électrique de la Loire et du Centre, Compagnie du gaz de Lyon, Société hydro-électrique de Lyon, Société lyonnaise des forces motrices du Rhône, Société générale de force et lumière, Ugine...

    42 Actionnaires des 2 millions de capital de la Société de transport d’énergie Rhône-Isère lors la fondation : Société hydro-électrique de Lyon 25 %, Société Savoie-Dauphiné 25%, Compagnie du gaz de Lyon 25 %, Compagnie Edison 12,5 % et Compagnie générale d’électricité 12,5 %.

    43 Future filiale du groupe Durand.

    44 Lanthier (Pierre), Les Constructions électriques..., ouvrage cité, p. 276 : « En 1930, l’UNIE fut mise en place par l’UFIE (la société financière de l’Union d’électricité) et la Financière électrique (qui jouait le même rôle dans le groupe Thomson-Houston) avec la participation de Pechiney, la Lyonnaise des eaux... »

    45 Bilan de l’UNIE en 1932.

    46 UNIE, accord du 7 octobre 1931.

    47 UNIE, accord du 23 janvier 1933. L’UNIE « veut empêcher [les] initiatives déraisonnables dans l’équipement du Sud-Est...[c’est-à-dire dissuader] le groupe Durand d’aménager les chutes de l’Isère supérieure par l’intermédiaire de la Société de la Haute-Isère ».

    48 En 1940, le capital de l’UNIE est de 210 millions de francs. Le groupe Durand en détient 10 % par l’intermédiaire de la Société générale de force et lumière. Deux actionnaires dominent : le groupe Mercier avec 28,8 % des titres, et Alais, Froges et Camargue avec 17,3 %. 10 % pour la Compagnie générale d’électricité, 10 % pour la Société financière belge et 10 % pour la Compagnie parisienne de distribution d’électricité. Enfin, les septième et huitième actionnaires sont l’Énergie électrique du littoral méditerranéen et le groupe Empain, avec respectivement 1 1,4 % et 3,8 %. Actionnaire minoritaire, la filiale du groupe Durand a un poste au sein du conseil d’administration.

    49 Protocole du 26 avril 1938 : « Se portant fort pour le compte de la STEDA. »

    50 Cette compagnie, née en 1933, est une filiale de l’UNIE et de la Compagnie nationale du Rhône.

    51 Elle possède 33,5 % du capital.

    52 Deux tiers du capital appartiennent au groupe et un tiers est dans le portefeuille-titres des producteurs-distributeurs-transporteurs de la région (Alais, Froges et Camargue, la Compagnie nationale du Rhône, Ugine ou le groupe Giros-Huvelin).

    53 Le coût de ces 75 kilomètres de lignes est estimé à 15 millions de francs pour la construction, puis à 2,25 millions par an pour l’entretien.

    54 SITEL, note du 10 décembre 1936.

    55 Annexe 17 : Réseau d’interconnexion du groupe Durand.

    56 Décret-loi de 1938, exposé des motifs par le président de la République.

    57 Mercier (Gustave) et Caillaux (Pierre), « Le programme des trois milliards de francs et l’effort de l’industrie privée », Science et industrie, n° 55, 1939. Les industriels « ont donné une preuve éclatante de la confiance qu’on est en droit de placer dans l’initiative privée pour l’entreprise et l’aboutissement des grandes tâches commandées par le développement industriel harmonieux de notre pays. »

    58 Courrier de P. Grezel, du 25 février 1941.

    59 Bilan de l’Énergie industrielle en 1938.

    60 Bouneau (Christophe), « Transporter », dans Lévy-Leboyer (Maurice), Morsel (Henri) (dir.), Histoire de l’électricité..., ouvrage cité, vol. II, p. 831.

    61 Ibid. L’auteur cite « un des meilleurs spécialistes de l’interconnexion à la fin des années 1930 ».

    62 Note du 10 décembre 1936.

    63 Beltran (Alain), Bungener (Martine) et Picard (Jean-François), Histoire(s) de l’EDF..., ouvrage cité.

    64 D’ailleurs, elle fonde avec d’autres distributeurs deux entreprises spécialisées dans le transport : la Société Rouergue-Auvergne et la Société Isère-Gard.

    65 Celui-ci développa une politique favorable à l’interconnexion électrique alors que le groupe Empain manifesta toujours des réticences dans ce domaine.

    66 La Société anonyme de transport d’énergie du Centre-Ouest, la Société bretonne d’interconnexion et la Société électrique du Jura représentent, chacune, environ 10 % du montant total des titres.

    67 40 % du portefeuille.

    68 Elle détient 70 % des 64 millions de titres.

    69 50 % dans la Société électrique du Jura, 35 % dans la Société bretonne d’interconnexion, 36 % dans la Société d’interconnexions électriques...

    70 Bilan de la SITEL en 1939.

    71 Bilan de la SITEL en 1940.

    72 Contrat du 10 juillet 1939.

    73 Les trois principaux sont Ugine, l’UNIE et la Société bourguignonne de transport d’énergie.

    74 Ils « s’efforceront d’exploiter l’ensemble de leurs moyens de production au mieux de l’intérêt général, en recherchant, en particulier, une saine économie des moyens de production thermique ».

    75 Pour respectivement 10 000, 10 000, 12 000, 13 000 et 15 000 kW.

    76 Contrat du 12 juillet 1945.

    77 Bilan de la SITEL en 1940.

    78 À raison d’un sixième pour le Gaz de Lyon, la Société lyonnaise des forces motrices du Rhône, la Société des forces motrices de Savoie, l’Énergie industrielle Valence, et de deux sixièmes pour la Société générale de force et lumière.

    79 Bouneau (Christophe), « Transporter », art. cité, p. 782. L’interconnexion a de multiples avantages. « Elle fait jouer à plein les mécanismes de complémentarité hydraulique, de compensation énergique spatiale et temporelle, et débouche sur la notion de synergie appliquée à la gestion d’un réseau... Le mouvement d’interconnexion resserre l’amplitude des variations de la demande et procure d’importantes économies d’investissement et d’exploitation en limitant le suréquipement et les réserves nécessaires au passage des pointes. »

    80 Pour le constater il suffit d’observer les noms des compagnies d’interconnexion : Société de transport d’énergie d’Île-de-France, Société anonyme de transport d’énergie du Centre-Ouest...

    81 Agence économique et financière, rapport sur le bilan de l’Énergie industrielle pour l’année 1943.

    82 La Vie financière du 16 mars 1932.

    83 Ibid. « On a senti, au moment de la crise industrielle, qu’il y avait trop d’électricité en France et que ce serait plutôt la consommation qu’il conviendrait d’organiser et de développer. Nous nous sommes par conséquent rendu compte qu’il n’y avait pas lieu de pousser trop rapidement les travaux de création ou d’aménagement des autres chutes. »

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    1 Pour le constater il suffit d’observer les noms des compagnies d’interconnexion : Société de transport d’énergie d’Île-de-France, Société anonyme de transport d’énergie du Centre-Ouest...

    2 Agence économique et financière, rapport sur le bilan de l’Énergie industrielle pour l’année 1943. « Il y a quelques années, nos usines hydro-électriques n’utilisaient guère que la moitié, ou un peu plus, de leurs possibilités. Nous sommes arrivés, notamment par la création de centres de répartition, dont le plus important se trouve à Lyon, à utiliser dans des conditions beaucoup plus favorable, l’énergie hydraulique. Nous avons atteint [en 1942] un coefficient d’utilisation qui est supérieur à 98 %. »

    3 La Vie financière du 16 mars 1932. Extrait de l’allocution de Pierre-Marie Durand devant les actionnaires réunis pour la présentation du bilan de l’exercice 1931.

    4 Detœuf (Auguste), Barenton..., ouvrage cité, p. 119.

    5 Bilan de l’Énergie industrielle en 1918.

    6 Conseil d’administration de l’Énergie électrique de la Basse-Loire du 1 1 mars 1924.

    7 Marlio (Louis), « Les ententes industrielles », art. cité, pp. 840-841.

    8 Fridenson (Patrick), Histoire des usines Renault…, ouvrage cité, pp. 152-154. Une autre note attaque non seulement les charbonnages où il y a entente absolue mais aussi l’électricité, l’eau, le gaz. « Par le fait des ententes, la France est un des pays d’Europe où le prix du courant est le plus élevé, surtout le courant industriel. »

    9 Woronoff (Denis), Histoire de l’industrie en France..., ouvrage cité, p. 372.

    10 Caron (François), « La stratégie des investissements... », art. cité, p. 79.

    11 Archives privées du Crédit lyonnais 6110, 30 056, février 1925.

    12 À cette date, les deux compagnies (Société lyonnaise des forces motrices du Rhône et Société générale de force et lumière) ne sont pas encore des filiales Durand.

    13 Protocole du 1er août 1929.

    14 Archives EDF 742 379.

    15 On peut citer, pour le groupe Mercier : la Compagnie parisienne de distribution d’électricité, Nord-Lumière, Est-Lumière, Ouest-Lumière, Sud-Lumière, Nord-Est parisien, la Société andelysienne d’électricité, l’Union électrique du Centre, la Société lyonnaise des eaux et de l’éclairage, la Société de distribution d’électricité de l’Ouest, l’Union pour l’industrie électrique et ses participants actuels. L’Union d’électricité se réserve, en outre, de faire participer à l’accord la Société d’électricité de Paris et la Société d’électricité de la Seine. Pour l’Énergie industrielle, l’accord engage : la Compagnie du gaz de Lyon, la Société lyonnaise des forces motrices du Rhône, la Société hydro-électrique de la Cère et l’ensemble des sociétés filiales de l’Énergie industrielle.

    16 L’accord accepte une exception : « la présente interdiction ne s’applique pas à la vente éventuelle d’énergie électrique aux chemins de fer d’intérêt général, exception faite des lignes de banlieue et des lignes du Paris-Orléans comprises ».

    17 Bonin (Hubert), Histoire économique..., ouvrage cité, p. 93.

    18 Beltran (Alain), Griset (Pascal), L’Économie française..., ouvrage cité, p. 67.

    19 La principale critique adressée par l’Énergie électrique du littoral méditerranéen à l’Énergie industrielle consistait à la traiter d’« unijambiste » car elle ne possédait qu’une usine et qu’une seule ligne.

    20 Ainsi, par exemple, pour obtenir le renouvellement de la concession de Menton, l’Énergie industrielle a dû prendre en charge tous les frais d’installation du nouveau réseau municipal, « alors qu’elle aurait pu ne supporter que la moitié » (lettre à Robert Després du 4 juin 1929). En outre, la compagnie a dû réduire les tarifs, ce qui représente « une perte annuelle d’environ 200 000 francs... Enfin, Me Lavrolles, bâtonnier à Nice, est venu à Menton faire des conférences contre nous lors du renouvellement de la concession ». L’Énergie électrique du littoral méditerranéen essaie d’entraver la marche de l’Hydro-Électrique du Sud-Est : un individu « a été l’instigateur, par ordre de la direction de l’Énergie électrique du littoral méditerranéen de Nice, de toutes les campagnes qui ont été dirigées contre l’Énergie industrielle ; il a, en particulier, fourni à nos opposants tous les éléments techniques et juridiques utiles pour donner du poids à ces oppositions... Ces agissements ont retardé l’octroi de la chute […] et nous ont coûté environ un million de francs ».

    21 Protocole du 31 juillet 1938.

    22 Cavaillès (Henri), La Houille blanche..., ouvrage cité, p. 11 : « L’utilisation sur place du courant électrique sera toujours plus rémunératrice que l’utilisation à distance. »

    23 Le transport se caractérise, d’après la loi. par l’importance de la distance, la tension supérieure à 15 000 volts et la perception d’un péage et non pas d’un prix de vente.

    24 « L’Union d’électricité s’engage à obtenir de la Société pour le transport d’énergie du Massif central pour le transport de l’énergie de la Cère à destination, soit de la région parisienne, soit de l’Énergie industrielle et de ses filiales, les conditions du client ou de l’adhérent le plus favorisé. L’Union électrique proposera au conseil de la Société pour le transport d’énergie du Massif central l’entrée d’un représentant de l’Énergie industrielle dans le conseil ». En contrepartie, « l’Union d’électricité entrera dans la Société d’interconnexions électriques de façon à y acquérir une part d’intérêts et d’influence égale à celle de l’Énergie industrielle. » La Société d’interconnexions électriques est une compagnie dans laquelle la SITEL a une participation, mais ce n’est pas une compagnie majeure pour l’Énergie industrielle qui tient soigneusement verrouillé l’accès à la SITEL, l’un des éléments de base du groupe.

    25 Accord du 30 juillet 1937. « En ce qui concerne Loire et Centre, pour la Société des forces motrices de la Truyère, l’Union électrique, l’Énergie électrique de la Basse-Isère, la Société de transport d’énergie du Centre... et, en ce qui concerne l’Énergie industrielle, pour la Société hydro-électrique de la Cère, la Société générale de force et lumière, la Compagnie du gaz de Lyon, la Société lyonnaise des forces motrices du Rhône, la Société des forces motrices de Savoie, la Société des forces motrices du Vercors, la Société des forces motrices de l’Est, la STEDA, la Société hydro-électrique de Fure, Morge et de Vizille, l’Union électrique rurale... »

    26 Mémoire du 16 décembre 1938.

    27 Ibid.

    28 Projet du 16 décembre 1938.

    29 Protocole du 17 janvier 1939.

    30 Bilan de la Société des forces motrices d’Arrens en 1932.

    31 Beltran (Alain), Carre (Patrice), La Fée et la Servante (La société française face à l’électricité, xixe-xxe siècle), Paris, Belin. Collection Histoire et société, 1991, p. 41 : l’UPEPO est « le premier réseau d’interconnexion digne de ce nom, c’est-à-dire qui reliait des usines de caractéristiques différentes ».

    32 Bouneau (Christophe), « Transporter », dans, Lévy-Leboyer (Maurice), Morsel (Henri) (dir.), Histoire de l’électricité..., ouvrage cité, vol. II, p. 809 : « Par sa célébrité dans les milieux électriciens, le sigle UPEPO devient symbole et terme générique et sa filiation dépasse même l’Hexagone. Il tend à désigner, dans l’Europe de l’entre-deux-guerres, toute association de producteurs d’électricité gérant un réseau d’interconnexion. »

    33 La Société des forces motrices d’Arrens, l’Hydro-Électrique des Basses-Pyrénées et l’Énergie électrique de la Basse-Loire.

    34 Les 25 % complémentaires sont fournis par la Société hydro-électrique de la Cère.

    35 Bouneau (Christophe), L’Électrification du grand Sud-Ouest..., ouvrage cité, p. 384.

    36 En effet, c’est dans l’Aveyron que sont reliés le réseau à 150 000 volts de la Compagnie du Midi, la ligne à 150 000 volts de la Société de transport Rouergue-Auvergne, la ligne à 150 000 volts de la Société de transport d’énergie des Cévennes, allant à Bagnols, et, à 60 000 volts, les usines du Rouergue.

    37 Programme du 23 mars 1936.

    38 Quatre souscripteurs composent le conseil d’administration et le capital initial, la Compagnie d’électricité industrielle et trois filiales Durand.

    39 Ligne inscrite dans le programme initial du Groupement de l’électricité.

    40 Courrier de l’UPEPO à l’Énergie industrielle du 23 novembre 1940.

    41 Elle est fondée en 1920 par dix grandes compagnies locales qui possèdent chacune 10 % des titres : Compagnie électrique de la Loire et du Centre, Compagnie du gaz de Lyon, Société hydro-électrique de Lyon, Société lyonnaise des forces motrices du Rhône, Société générale de force et lumière, Ugine...

    42 Actionnaires des 2 millions de capital de la Société de transport d’énergie Rhône-Isère lors la fondation : Société hydro-électrique de Lyon 25 %, Société Savoie-Dauphiné 25%, Compagnie du gaz de Lyon 25 %, Compagnie Edison 12,5 % et Compagnie générale d’électricité 12,5 %.

    43 Future filiale du groupe Durand.

    44 Lanthier (Pierre), Les Constructions électriques..., ouvrage cité, p. 276 : « En 1930, l’UNIE fut mise en place par l’UFIE (la société financière de l’Union d’électricité) et la Financière électrique (qui jouait le même rôle dans le groupe Thomson-Houston) avec la participation de Pechiney, la Lyonnaise des eaux... »

    45 Bilan de l’UNIE en 1932.

    46 UNIE, accord du 7 octobre 1931.

    47 UNIE, accord du 23 janvier 1933. L’UNIE « veut empêcher [les] initiatives déraisonnables dans l’équipement du Sud-Est...[c’est-à-dire dissuader] le groupe Durand d’aménager les chutes de l’Isère supérieure par l’intermédiaire de la Société de la Haute-Isère ».

    48 En 1940, le capital de l’UNIE est de 210 millions de francs. Le groupe Durand en détient 10 % par l’intermédiaire de la Société générale de force et lumière. Deux actionnaires dominent : le groupe Mercier avec 28,8 % des titres, et Alais, Froges et Camargue avec 17,3 %. 10 % pour la Compagnie générale d’électricité, 10 % pour la Société financière belge et 10 % pour la Compagnie parisienne de distribution d’électricité. Enfin, les septième et huitième actionnaires sont l’Énergie électrique du littoral méditerranéen et le groupe Empain, avec respectivement 1 1,4 % et 3,8 %. Actionnaire minoritaire, la filiale du groupe Durand a un poste au sein du conseil d’administration.

    49 Protocole du 26 avril 1938 : « Se portant fort pour le compte de la STEDA. »

    50 Cette compagnie, née en 1933, est une filiale de l’UNIE et de la Compagnie nationale du Rhône.

    51 Elle possède 33,5 % du capital.

    52 Deux tiers du capital appartiennent au groupe et un tiers est dans le portefeuille-titres des producteurs-distributeurs-transporteurs de la région (Alais, Froges et Camargue, la Compagnie nationale du Rhône, Ugine ou le groupe Giros-Huvelin).

    53 Le coût de ces 75 kilomètres de lignes est estimé à 15 millions de francs pour la construction, puis à 2,25 millions par an pour l’entretien.

    54 SITEL, note du 10 décembre 1936.

    55 Annexe 17 : Réseau d’interconnexion du groupe Durand.

    56 Décret-loi de 1938, exposé des motifs par le président de la République.

    57 Mercier (Gustave) et Caillaux (Pierre), « Le programme des trois milliards de francs et l’effort de l’industrie privée », Science et industrie, n° 55, 1939. Les industriels « ont donné une preuve éclatante de la confiance qu’on est en droit de placer dans l’initiative privée pour l’entreprise et l’aboutissement des grandes tâches commandées par le développement industriel harmonieux de notre pays. »

    58 Courrier de P. Grezel, du 25 février 1941.

    59 Bilan de l’Énergie industrielle en 1938.

    60 Bouneau (Christophe), « Transporter », dans Lévy-Leboyer (Maurice), Morsel (Henri) (dir.), Histoire de l’électricité..., ouvrage cité, vol. II, p. 831.

    61 Ibid. L’auteur cite « un des meilleurs spécialistes de l’interconnexion à la fin des années 1930 ».

    62 Note du 10 décembre 1936.

    63 Beltran (Alain), Bungener (Martine) et Picard (Jean-François), Histoire(s) de l’EDF..., ouvrage cité.

    64 D’ailleurs, elle fonde avec d’autres distributeurs deux entreprises spécialisées dans le transport : la Société Rouergue-Auvergne et la Société Isère-Gard.

    65 Celui-ci développa une politique favorable à l’interconnexion électrique alors que le groupe Empain manifesta toujours des réticences dans ce domaine.

    66 La Société anonyme de transport d’énergie du Centre-Ouest, la Société bretonne d’interconnexion et la Société électrique du Jura représentent, chacune, environ 10 % du montant total des titres.

    67 40 % du portefeuille.

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    72 Contrat du 10 juillet 1939.

    73 Les trois principaux sont Ugine, l’UNIE et la Société bourguignonne de transport d’énergie.

    74 Ils « s’efforceront d’exploiter l’ensemble de leurs moyens de production au mieux de l’intérêt général, en recherchant, en particulier, une saine économie des moyens de production thermique ».

    75 Pour respectivement 10 000, 10 000, 12 000, 13 000 et 15 000 kW.

    76 Contrat du 12 juillet 1945.

    77 Bilan de la SITEL en 1940.

    78 À raison d’un sixième pour le Gaz de Lyon, la Société lyonnaise des forces motrices du Rhône, la Société des forces motrices de Savoie, l’Énergie industrielle Valence, et de deux sixièmes pour la Société générale de force et lumière.

    79 Bouneau (Christophe), « Transporter », art. cité, p. 782. L’interconnexion a de multiples avantages. « Elle fait jouer à plein les mécanismes de complémentarité hydraulique, de compensation énergique spatiale et temporelle, et débouche sur la notion de synergie appliquée à la gestion d’un réseau... Le mouvement d’interconnexion resserre l’amplitude des variations de la demande et procure d’importantes économies d’investissement et d’exploitation en limitant le suréquipement et les réserves nécessaires au passage des pointes. »

    80 Pour le constater il suffit d’observer les noms des compagnies d’interconnexion : Société de transport d’énergie d’Île-de-France, Société anonyme de transport d’énergie du Centre-Ouest...

    81 Agence économique et financière, rapport sur le bilan de l’Énergie industrielle pour l’année 1943.

    82 La Vie financière du 16 mars 1932.

    83 Ibid. « On a senti, au moment de la crise industrielle, qu’il y avait trop d’électricité en France et que ce serait plutôt la consommation qu’il conviendrait d’organiser et de développer. Nous nous sommes par conséquent rendu compte qu’il n’y avait pas lieu de pousser trop rapidement les travaux de création ou d’aménagement des autres chutes. »

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    Ce livre est cité par

    • Eck, Jean-François. (2009) Histoire de l’économie française. DOI: 10.3917/arco.eck.2009.01.0333
    • Hoffman, Philip T.. Postel-Vinay, Gilles. Rosenthal, Jean-Laurent. (2014) Capitalism and Financial Development: The Case of Mortgage Markets in France, 1807–1899. Social Science History, 38. DOI: 10.1017/ssh.2015.4

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