La Hongrie
p. 282-287
Texte intégral
Tableau XXXVIII – Hongrie
Principaux indicateurs cinématographiques

Situation contemporaine
1Si l’industrie cinématographique hongroise fut totalement nationalisée après l’arrivée des communistes au pouvoir (1947), un mouvement inverse s’opéra cinquante ans plus tard. La principale institution, MAFILM (Magyar Filmgyártó Vállalat), notamment chargée de toute la production cinématographique et audiovisuelle, comme de la supervision du fonctionnement des studios, avait cependant commencé à perdre son monopole au cours des années quatre-vingt. Quelques sociétés de production indépendantes virent le jour, et quelques studios de fiction purent travailler, certains (Budapest Studio, Hunna Studio, Dialóg Studio et Objectiv Studio) se transformant en sociétés privées dès 1989. Ce mouvement fut général dès le changement de régime, les monopoles d’État du cinéma éclatèrent et des sociétés commerciales ont repris les principales structures dans la production, la distribution et l’exploitation. Le taux de mortalité de ces sociétés est cependant très élevé, la plupart ne vivant que le temps d’un film ou téléfilm, la trentaine de films annuellement produits ayant été divisée par deux au cours de la dernière décennie. MAFILM fit faillite en 1992, fut restructurée et a conclu des accords internationaux (avec Carolco aux États-Unis, Expand en France, etc.) pour aider à sa rentabilisation en mettant à disposition ses compétences, aux coûts plus faibles qu’à l’Ouest. Cette coopération internationale est une nécessité économique pour l’industrie nationale, mais est en partie freinée par le retard technique des équipements, lui-même provoqué par les difficultés financières limitant les investissements.
L’exploitation
2Comme pour les autres pays de l’Est, la forte décrue du parc a été extrêmement rapide et ramassée sur une courte période à partir de 1989, le taux de fermeture étant proportionnel à la baisse de fréquentation qui a été divisée par cinq en sept ans. Si les six septièmes des écrans ont fermé, outre les raisons communes aux pays de l’Est, plus de la moitié des écrans déclarés provenaient en fait de cinémas ruraux ou ambulants, équipés en format 16 millimètres ou en vidéo : 2 500 en 1985 – contre 1 100 en 35 mm –, mais déjà moitié moins en 1989. Ils ont quasiment disparu depuis 1993 (8 en 1997) pour de nombreuses raisons, à la fois économiques (l’État a cessé de les soutenir dans leur mission politique et culturelle), techniques (les copies, surtout des films importés, ont cessé d’être tirées dans ce format) et culturelles, les spectateurs ayant eu accès depuis à la multiplication des chaînes de télévision, à la vidéo domestique, etc.

Sources : MMA, MEDIA Salles
Figure 88 – Fréquentation et écrans en Hongrie : 1985-1999
3La totalité des salles et des spectateurs ne concernent plus depuis 1993 que le format 35 mm, et la taille importante du parc et le niveau d’offre considérable que l’exploitation continue d’apporter aux Hongrois (environ 16 000 habitants par écran) sont dus à la réforme de la structure de la propriété qui s’est achevée en 1995. Les propriétaires des salles sont en effet très diversifiés, et si l’État en a gardé quelques-unes (≈ 3 %), les municipalités en ont repris près de la moitié, soit directement (20 %) soit via des institutions culturelles locales (25 %) ou encore des établissements d’enseignement (3 à 5 %) ; le tiers appartient à des entreprises privées et le solde est entre les mains de particuliers. Les salles ne sont cependant rentables que dans des unités urbaines de taille suffisante, le tiers de la population n’ayant pas de cinéma dans sa commune, et les habitants des villages s’y rendant de moins en moins. En raison de la forte inflation du pays (20 à 25 % par an), l’accroissement du prix moyen des places – qui est inférieur à ce taux, sauf dans les nouveaux établissements – tend à provoquer une perte du niveau réel de la recette, à rendre plus difficile les investissements, et donc à décourager une partie de la population.
4La bonne tenue relative du niveau de la fréquentation est en partie due à la taille et la rénovation du parc (plus de 600 écrans en 35 millimètres), mais également à la construction de nouveaux complexes. Si le parc est encore massivement composé de mono-écrans, il existe une trentaine de petits complexes de deux écrans, et depuis 1996 le paysage a été totalement bouleversé. Simultanément, la Hongrie a connu le développement des deux générations de salles, les complexes et les multiplexes, d’abord à Budapest. La capitale, ou Budapest Film est fortement implantée, y a presque simultanément inauguré la moitié de son parc, le premier complexe (Corvin Budapest Film Palace, 6 écrans, 1 500 places) ouvrant en septembre 1996, l’Hollywood Multiplex (9, puis 11 écrans) étant inauguré en novembre, un mois avant le Cineplex Odeon (6 écrans, 1 500 fauteuils), etc. Le mouvement s’est poursuivi, avec deux multiplexes construits par International Theatres à Györ et Debrecen (10 et 9 écrans), un autre ayant été construit par Intercom qui possède actuellement (1999) les deux plus grands (les Hollywood Multiplex de 11 et 10 écrans à Budapest). Intercom s’est allié pour ces constructions à l’australien Village Roadshow International pour devenir le premier exploitant (6 % du parc mais 21 % des entrées et 27 % des recettes en 1999), en étant également le premier distributeur du pays avec 60 % des recettes.
La fréquentation
5En raison de la mutation du parc de salles, des difficultés économiques du pays comme du changement de mode de vie, la fréquentation devient de plus en plus un phénomène urbain. Si en 1989 le cinquième des entrées était encore enregistré dans les villages, seulement quatre ans plus tard il s’en trouvait moins de 10 %, et en 1999 les grandes villes généraient plus de 95 % des entrées. À elle seule, la capitale Budapest, qui rassemble seulement 19 % de la population, génère plus de 40 % des entrées. La construction rapide des complexes et multiplexes a bouleversé les habitudes de consommation des spectateurs, qui ont spectaculairement délaissé les anciennes salles, mais sans pour autant provoquer une remontée de la fréquentation globale. Il semble qu’il y ait eu déplacement des lieux de sorties, provoquant le succès des nouveaux établissements, mais également l’abandon parallèle des mono-écrans. Néanmoins, après avoir perdu les trois quarts de ses entrées en quatre ans (1989-1992) et atteint le plus bas niveau de fréquentation de son histoire en 1996 (13,8 millions d’entrées), la Hongrie s’est stabilisée et enregistre le plus haut taux de fréquentation annuelle par habitant de l’Europe de l’Est (1,3 entrée en 1999). Tandis que les films hongrois représentaient le cinquième des entrées, la petite production nationale ne permet cependant plus au pays de résister davantage que ses voisins de l’Est à la domination américaine, qui dépasse les 90 % de pdm avec les deux tiers des 160 à 180 films actuellement diffusés1.

Sources : MMA, Unifrance
Figure 89 – Origine des films distribués en Hongrie : 1986-1999
La distribution
6La mutation du secteur ayant commencé avant le changement de régime, la transition se fit également dans la distribution de manière plus souple que dans d’autres nations. En la demeure, la Mokép perdit son statut de monopole d’État dès 1987, s’associant avec UIP et Budapest Film pour créer une société commune, UIP-Dunafilm, qui obtint la première licence pour distribuer des films (des catalogues Paramount, MGM, Universal) sur le territoire hongrois. Intercom, société à capitaux américains distribuant les autres catalogues états-uniens (Columbia, Fox, etc.), lui emboîta le pas l’année suivante, et ces deux Majors américaines dominent depuis le marché avec les trois quarts des entrées pour la moitié des titres distribués. Budapest Film, qui est également exploitant (FEMO) et présent dans le centre-ville de la capitale, a repris plus tard une part de son autonomie, et c’est lui qui assure l’essentiel de la diffusion des films français. La relative bonne santé de la diffusion des films en salles attire depuis quelques années de nouveaux intervenants tels Metropolis, Mokép ou le distributeur vidéo Mirax qui permettent d’accroître la diversité des œuvres diffusées, européennes ou d’indépendants américains. Mokép, privatisée en 1996, se replie de plus en plus vers la commercialisation des téléfilms, et le marché de la distribution hongroise s’achemine de facto vers un duopole américain, nationalité qui domine également la vidéo (entre les deux tiers et les trois quarts des titres mis en vente). La première entreprise intégrée Intercom, de capitaux américains, tout en s’intéressant aux productions cinématographique et audiovisuelle, domine donc à la fois le marché de la distribution (plus de la moitié du marché depuis 1996-1997-1998) et de l’exploitation, qu’elle se partage avec Israel Theatres et Budapest Film, cette dernière étant en difficulté de par l’ampleur des capitaux à mettre en œuvre dans l’exploitation, et parce qu’elle ne peut pas accéder aux catalogues des Majors états-uniennes dans la distribution.
L’intervention de l’État
7Si la profession a commencé à s’organiser, initialement sous l’impulsion des cinéastes libérés de la censure (l’association des jeunes cinéastes et la Film Director Guild), des lois et une institution réellement efficaces tardent cependant à venir pour régler les relations entre la télévision, le cinéma et tous les autres supports (le délai vidéo est d’environ six mois, et d’un an pour la télévision), et redresser le cinéma hongrois. La MMA (Magyar Mozógkép Alapitvány – Fondation cinématographique de la Hongrie), organisation indépendante créée en 1991 mais financée par l’État (≈ 4 millions d’euros par an), aide le secteur via ses sept départements qui couvrent principalement la production (fiction, courts-métrages, animation, documentaires, etc.), la recherche et l’éducation. Seules les productions et coproductions présentées par une structure hongroise peuvent bénéficier d’une aide qui peut alors couvrir 40 à 50 % du budget. Un Fonds national de la culture verse également une subvention financée par une taxe prélevée sur les films violents ou à caractère sexuel non justifié. La MMA aide également à la conservation et à la diffusion du patrimoine, à l’enseignement et à la formation (recherches, publications), et à la diffusion du cinéma hongrois à l’étranger.
8Pour soutenir la production nationale, une loi (1/1996) sur la télévision prévoit que 6 % des recettes publicitaires des chaînes doivent être consacrées à la création d’œuvres cinématographiques hongroises, et que la télévision publique (MTV 1 et 2) doit consacrer 15 % de son temps d’antenne annuel à la programmation d’œuvres réalisées par les artistes nationaux. L’explosion du paysage audiovisuel et la multiplication des chaînes depuis 1995, tant hongroises qu’étrangères, ont accru considérablement le besoin en programmes, alimentant financièrement la production cinématographique.
Notes de bas de page
1 En 1996, si les quinze premiers titres du B-0 furent américains, A harom testör Afrikāban réunit cependant 208 000 spectateurs. Il en a été de même en 1999 avec Kalozok (183 000 entrées).
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