La Bulgarie
p. 241-245
Texte intégral
1Dans la plupart des secteurs économiques, dont le cinéma et la télévision, les monopoles d’État ont été dissous à partir de décembre 1989. Aucune société privée n’existait dans la production ou la distribution, qui se trouvaient totalement contrôlées par le TBU (Cinématographie bulgare). Il fut divisé en plusieurs sections en 1990, puis dissous en 1991 au profit d’un nouvel organisme d’État (le Centre national du film bulgare) exclusivement chargé de réglementer et d’aider le secteur, désormais totalement privatisé.
2Le désengagement de l’État a tari l’unique source de financement de la production, qui s’est immédiatement effondrée, passant d’une vingtaine de films annuels à moins d’une demi-douzaine. Les coproductions, tant avec les chaînes de télévision qu’avec le CNFB ou l’étranger1, peinent encore à se mettre en place, aussi bien pour les longs-métrages traditionnels que pour les autres genres, documentaires et films d’animation notamment. Le cinéma bulgare était auparavant très actif en ces domaines : plus de 150 documentaires et 50 films d’animation étaient tournés annuellement, mais ils se comptent dorénavant à l’unité. L’une des causes majeures de cette quasi-disparition provient du fait que le principal producteur, le Studio pour les sciences populaires et les films documentaires de Vreme, en raison de ses liens avec l’ancien régime, fut placé durant cinq ans sous la tutelle du ministère de la Culture et du CNFB, sans pour autant recevoir le statut juridique lui permettant de produire ; il cessa donc toute production jusqu’en 1996.
3Les télévisions comme les quelques petits producteurs privés en cours de constitution font principalement appel à l’autre grand studio du pays, Boyana Film Ltd, fondé en 1952 et restructuré en 1995, qui a contribué à la création de plus de mille films et téléfilms. La qualité de ses équipements, sa présence à toutes les étapes de la production (tournage, studios, laboratoire, postproduction, etc.) et son personnel compétent lui ont permis de s’ouvrir aux tournages étrangers attirés par des prix peu élevés, qui ne suffisent cependant pas à maintenir son rang anciennement acquis, par insuffisance de moyens financiers lui permettant d’acquérir des équipements technologiquement avancés.
L’exploitation
4La Bulgarie voit le déclin rapide et phénoménal de sa fréquentation en salles entamé depuis le changement de régime politique se poursuivre : les 95 millions de spectateurs annuels de la décennie quatre-vingt (95 en 1985, 93,2 en 1989) n’étaient déjà plus que 4,7 dix ans plus tard, et 1,7 million en 1999. La décroissance est exponentielle et chaque année les salles perdent environ la moitié de leurs entrées, la fréquentation annuelle par habitant étant tombée à 0,2. Pour faire face aux difficultés économiques et à l’inflation, les exploitants doivent augmenter le prix du ticket (dont le coût a sextuplé en six ans), ce qui ne favorise pas le retour des spectateurs dans les salles. Celles-ci sont alimentées aux quatre cinquièmes par des films américains qui occupent tout le haut du box-office. La Bulgarie est devenue le pays le plus américanisé (97 % des entrées) d’Europe centrale, les quelques films nationaux qui arrivent encore à être produits et diffusés attirant moins de 0,5 % des spectateurs.
5Le parc de salles est en rapide déclin : plus de 3 000 écrans en 1989, 380 en 1992, moins d’une centaine en 1999, dont seulement la moitié fonctionnent à temps complet, les autres n’ouvrant qu’en été ou deux à trois jours par semaine. Cette diminution considérable du parc est principalement due aux restitutions des salles aux anciens propriétaires privés, qui les ont transformées en vue d’autres activités, à la cessation du soutien financier de l’État, sauf pour la centaine qu’il possède et contrôle encore. En 1999, il n’existait que quatre complexes (3 de 2 écrans et 2 de 3 écrans), les autres établissements étant des mono-écrans. À cette date, trois circuits possédaient le tiers des écrans et réalisaient les trois quarts des entrées : Sofia Films Ltd (11 % des écrans, 30 à 60 % des entrées), Bourgas Films Ltd (11 et 12 %) et V.Tarnovo Ltd (8 et 6 %).
La distribution
6Après la dissolution du monopole d’État (Razprostranenie na Filmi), l’effondrement du marché a logiquement poussé à sa concentration (notamment par la multiplication des faillites), spectaculairement dans la distribution où il ne demeure plus qu’une dizaine de distributeurs (2000), les trois premiers (Alexandra, Sunny, Duga) réalisant 80 à 95 % des entrées globales. Les Majors américaines ne se sont pas encore implantées dans le pays, mais ont passé des accords – non exclusifs – avec les distributeurs nationaux, UIP avec Sunny Films Entertainment Ltd, Fox avec Duga Film Ltd, Paramount et Universal avec Alexandra Films, etc. Seuls les plus petits d’entre eux (Duga, Radivision, Postcriptum 2, Alpha Films) importent encore des productions françaises, au demeurant de moins en moins nombreuses (21 films en 1992, 6 en 1997). La visibilité des films européens est très réduite en dehors des quelques festivals, et ils sont toujours vendus à des prix ne permettant pas leur amortissement en salles ; leur programmation relève donc davantage d’un volontarisme de la part les Bulgares que de l’acte strictement commercial2.
L’intervention publique
7Peu présente sur le marché bulgare, la France n’en a pas moins inspiré le modèle réglementaire que les autorités ont mis en place lors de la privatisation du cinéma. Après le démantèlement des anciennes structures calquées sur le modèle soviétique, un CNC bulgare a été créé (décret n° 107 du 6 juin 1991), le CNFB, qui finance désormais la moitié des longs-métrages et documentaires nationaux via une avance sur recettes. Son budget modeste (≈ un million d’euros) l’empêche d’étendre son action au-delà d’un soutien promotionnel du film bulgare à l’étranger, mais, à travers ses divers départements, le CNFB joue principalement le rôle de coordinateur entre les différents intervenants des branches de la filière.
8Les deux chaînes publiques de la Télévision nationale bulgare (1re chaîne, Efir 2), duopole jusqu’en 1989, restent toujours dominantes dix ans plus tard en étant encore les seules à couvrir la quasi-totalité du territoire. Diverses chaînes privées (hertziennes et câblées) ont vu le jour à partir de 1994 mais n’ont pour le moment pas de politique de coproduction, l’apport éventuel aux quelques films bulgares étant très modeste et sporadique. Le délai habituel pour la sortie vidéo est de six mois, et de deux ans pour la télévision, mais il dépend en fait des négociations entre les ayants droit et les diffuseurs.
Notes de bas de page
1 La Bulgarie étant membre d’Eurimages, les coproductions commencent à se développer, en particulier avec la France via le fonds ECO. Eurimages investit environ 0,2 million d’euros chaque année, le CNC français à peu près autant (1995-1998).
2 Devant l’incertitude des revenus et l’absence de contrôle des recettes, les exportateurs européens s’en tiennent à des MG commercialement irréalistes pour le marché local, tels Les Visiteurs et La Soif de l’or, négociés à 10 000 dollars, alors que les plus grands blockbusters américains sont vendus au maximum à la moitié de ce prix demandé au MIFED.
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