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Armement et ve République

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Maurice Vaïsse

Troisième partie. La fabrication et le commerce des armes

La genèse du système d’arme stratégique piloté Mirage IV (1956-1964)

Claude Carlier

Testo integrale

11956-1996 : quarante années se sont écoulées entre la gestation et le retrait du Mirage IV. Vecteur d’arme nucléaire, c’est le résultat de la conjugaison de la volonté gouvernementale de posséder un armement atomique, du contexte international qui a servi de déclencheur après l’affaire de Suez, de la capacité des industriels à réaliser les matériels demandés et de l’adaptation de l’armée de l’air à cette arme nouvelle. L’histoire du bombardier stratégique est inséparable de la politique de dissuasion nucléaire de la France.

  • 1 Quelques dates importantes : Guerre d’Indochine (décembre 1946 – juillet 1954), blocus de Berlin ( (...)

2L’explosion de la première bombe atomique soviétique, le 29 août 1949, dans un contexte aigu de guerre froide1, amène les décideurs politiques et militaires français à envisager de doter leur pays d’une telle arme. Alors que se mettent progressivement en place les structures industrielles et militaires de l’énergie atomique, la Générale aéronautique Marcel Dassault (GAMD) fait voler, le 25 juin 1955, l’avion d’interception biréacteur MD 550 Mirage I à aile delta. Dans ses cartons, le constructeur a déjà des versions de plus grande taille, Mirage III monoréacteur et Mirage IV biréacteur.

3La nationalisation de la Compagnie internationale du canal de Suez par l’Égypte, le 26 juillet 1956, incite le Royaume-Uni et la France, aidés par l’État d’Israël, à intervenir militairement. Des accords secrets franco-israéliens sont passés concernant l’aide que pourrait apporter la France à Israël dans le domaine des armes nucléaires et de leurs vecteurs. L’intervention franco-anglo-israélienne du 31 octobre 1956 est condamnée par les Américains, tandis que les Soviétiques, le 5 novembre, demandent aux trois pays quel serait leur comportement s’ils étaient « l’objet d’une agression de la part d’autres États, disposant des terribles moyens de destruction modernes ». Cette menace à peine voilée, ajoutée aux pressions américaines, entraîne le retrait des troupes débarquées en Égypte.

4La Grande-Bretagne aligne désormais l’essentiel de sa politique extérieure sur celle des États-Unis. La France estime que, si elle veut avoir une politique indépendante, il lui faut, comme les deux Grands, posséder l’arme nucléaire et ses vecteurs. Le gouvernement français étudie alors la mise en place d’une « force stratégique d’intervention » dotée d’armes atomiques, de type bombe A, puis H. Le vecteur souhaité est l’engin balistique, mais, en 1956, le manque d’expérience de la France ne lui permet pas de s’engager immédiatement dans cette voie. Elle s’oriente donc, avec réalisme, vers le vecteur piloté.

DE L’INTERCEPTEUR MIRAGE IV AU BOMBARDIER MIRAGE IV

5Dès 1956, l’état-major de l’armée de l’air cherche un appareil pour remplacer le bombardier biréacteur tactique SO-4050 Vautour. Ce devra être un avion d’un grand rayon d’action, volant à deux fois la vitesse du son et pourvu d’un équipement électronique moderne.

6Depuis février 1956, le Bureau des programmes militaires de l’armée de l’air, le Service technique de l’aéronautique et le bureau d’études de la Générale aéronautique Marcel Dassault travaillent à la définition d’un avion de chasse dérivé du Mirage III : le Mirage IV. Les services officiels de l’aéronautique demandent également un projet à la Société nationale de constructions aéronautiques du Sud-Ouest (SNCASO), qui propose un dérivé de son Vautour : le Super-Vautour. À cette date, le prototype MD 550 Mirage I vole depuis plus d’un an ; ses performances et qualités de vol confirment le bien-fondé des choix techniques de l’aile delta ; c’est vers ce type d’appareil que s’oriente désormais l’armée de l’air.

7Les avantages de la formule delta incitent l’armée de l’air à augmenter ses exigences opérationnelles. La GAMD, pour les satisfaire, établit toute une gamme d’avant-projets monoréacteurs qui portent le nom de Mirage IV. Leurs surfaces varient de 25 à 40 mètres carrés, leurs moteurs sont des SNECMA Atar de 6 à 7, et même 9 tonnes de poussée. Néanmoins, aucun ne répond aux souhaits de l’état-major, car, pour respecter les exigences de montée et de vitesse maximale supérieure à Mach 2, il faut recourir à la poussée supplémentaire d’un groupe de fusées.

8Marcel Dassault propose alors son biréacteur Atar 9 qui, avec ses 12 tonnes de poussée installée, est le seul à pouvoir se passer de fusées. Cet intercepteur, basse altitude et haute altitude tout temps, est adopté par les services officiels le 12 octobre 1956. Parallèlement, le Service technique de l’aéronautique demande confidentiellement des avant-projets de bombardiers supersoniques susceptibles d’emporter une charge dont la nature n’est, volontairement, pas précisée.

9Le 15 novembre 1956, la société Dassault est officiellement informée que son projet d’intercepteur biréacteur Mirage IV doit évoluer vers un avion de bombardement.

10Le 17 novembre, alors que le Mirage III 001 effectue son premier vol, la fiche-programme d’un bombardier biplace est communiquée à Dassault. Elle fixe une vitesse comprise entre Mach 1,7 et 2. Le rayon d’action, sans ravitaillement en vol, doit être de 1 500 kilomètres, dont la moitié à une vitesse proche de Mach 2. La charge militaire (une tonne) devra pouvoir être larguée, en palier, à plus de 18 000 mètres et à la vitesse maximale.

11Le secrétariat d’État aux Forces armées Air signe, le 28 novembre 1956, la décision de « passer commande d’un avion biplace, Mirage IV, devant être équipé de deux réacteurs SNECMA Atar 9 » et précise : « Désirant que les nombreux problèmes que poseront les vols nettement supersoniques de ce prototype (vitesse supérieure à Mach 2) soient abordés le plus tôt possible, je vous demande d’en entreprendre l’étude, sans attendre d’autres précisions sur l’armement. »

  • 2 Journal officiel des débats parlementaires, Assemblée nationale. 6 décembre 1956, p. 5564.

12Le 30 novembre, moins d’un mois après le cessez-le-feu en Égypte, le ministère de la Défense nationale et le secrétariat d’État aux Questions atomiques signent un protocole d’accord qui définit un programme de travaux à réaliser sur cinq ans et répartit la responsabilité des études et des essais d’une arme nucléaire entre le ministère des Armées et le Commissariat à l’énergie atomique. Le 6 décembre, le ministre de la Défense nationale, Maurice Bourgès-Maunoury, déclare à la tribune de l’Assemblée nationale : « La capacité de riposte est liée aussi à la possession de bombardiers ou d’engins de longue portée. Les trois armées ont reçu des instructions formelles et les crédits nécessaires pour réaliser au plus tôt, en prototypes et en séries, les bombardiers et les engins de toutes sortes susceptibles de nous donner un potentiel suffisant d’engins porteurs2. »

13Le 19 décembre, le Service technique de l’aéronautique communique les principales conditions techniques d’équipement et de performances auxquelles devra satisfaire « l’éventuel dérivé militaire » du prototype Mirage IV, commandé le 28 novembre. Les caractéristiques du bombardier, définies conjointement par les services officiels et la société Dassault, sont approuvées le 20 mars 1957. L’allure générale du Mirage IV 01 est très voisine de celle du Mirage III A, mais à échelle 2 pour sa surface, sa motorisation et son poids à vide. Par contre, il emporte trois fois plus de pétrole en interne. C’est un biplace, les études des systèmes de navigation et de bombardement (SNB) ayant démontré que la présence d’un navigateur est indispensable. L’avion doit pouvoir couvrir une distance totale de 2 650 kilomètres, dont la moitié en supersonique, tant à l’aller qu’au retour. Le Mirage IV 01 est essentiellement destiné à surmonter les difficultés liées aux vols supersoniques prolongés. Alors que le Mirage III ne vole à Mach 2 que quelques minutes, le Mirage IV doit « tenir » plusieurs dizaines de minutes, ce qui pose des problèmes d’équilibre thermique qu’il faut impérativement résoudre.

14Le marché de fabrication du Mirage IV 01 est notifié le 28 avril 1957. Son but est la réalisation d’un avion prototype avec fournitures et accessoires. Malgré cette décision, le choix n’est pas définitif, car les services officiels lancent en même temps un prototype concurrent, le SO-4060 B Super-Vautour. C’est un processus normal qui permet de comparer deux formules et de choisir après les essais en vol. Mais le manque de temps et d’argent pour deux prototypes contraignent les services officiels à revenir à un seul appareil.

DE NOUVELLES ORIENTATIONS POLITIQUES

15Tirant les leçons de Suez, le gouvernement français engage résolument la France dans la fabrication de l’arme nucléaire et de ses vecteurs. Un deuxième plan nucléaire quinquennal, adopté le 25 juillet 1957, prévoit 500 milliards de francs, dont 25 pour les études de la future usine de séparation isotopique devant produire l’uranium 235. Le budget 1957 réserve également 37 milliards de francs pour l’étude d’un avion porteur de l’arme atomique.

16Le 26 novembre 1957, un accord secret est conclu entre la France, l’Italie et la République fédérale d’Allemagne pour une coopération en matière d’armement et d’applications militaires de l’énergie atomique. La fabrication en commun d’un missile sol-sol balistique stratégique d’environ 2 500 kilomètres de portée est envisagée. Le 28 février 1958, Louis Christiaens, secrétaire d’État aux Forces armées Air, déclare à l’Assemblée nationale :

  • 3 Journal officiel des débats parlementaires, Assemblée nationale, 28 février 1958, p. 1153.

C’est ainsi que l’existence dans certaines armées étrangères d’un engin intercontinental implique la nécessité de constituer en priorité une force de frappe à caractère offensif susceptible de transporter les moyens de riposte les plus modernes. Pour l’exécution de cette mission, nous comptons sur le Mirage IV, qui, actuellement, est le seul avion de bombardement susceptible d’être valable pour la période de 1962 à 1965. Dans une deuxième étape, nous allons étudier un engin sol-sol stratégique qui pourra prendre la succession des bombardiers classiques. Les études et travaux indispensables à sa construction seront longs, difficiles, et entraîneront dans les années futures des dépenses très importantes3.

17Alors que la IVe République connaît d’importantes difficultés financières, aggravées par l’instabilité politique et la crise algérienne, le président du Conseil Félix Gaillard décide, le 11 avril 1958, de faire prendre les mesures nécessaires à la réalisation d’explosions atomiques expérimentales pour le premier trimestre de 1960 et approuve le choix de Pierrelatte (Drôme) comme site de l’usine de séparation isotopique.

18Le 1er juin 1958, le général de Gaulle devient président du Conseil. Dès le 22 juillet, il entérine les décisions de ses prédécesseurs quant à la préparation d’une explosion atomique expérimentale et fait accélérer les travaux de mise au point du prototype Mirage IV. Parallèlement, il met un terme à la coopération engagée en 1957 avec la RFA et l’Italie et demande une nouvelle répartition des responsabilités de la France au sein de l’Alliance atlantique.

  • 4 Une ultime tentative de Sud-Aviation en faveur de l’achat d’une licence de fabrication du chasseur (...)

19Le 17 mars 1959, une directive aux armées indique que la priorité absolue sera réservée à la réalisation de la « force de frappe », au démarrage en série des avions Mirage IV ainsi qu’aux études de l’engin balistique comme vecteur ultérieur. L’année 1964, retenue pour la mise en service opérationnelle de cette première composante, impose le choix immédiat de la meilleure solution d’aboutissement. Dès lors, seul le Mirage IV reste en course4.

LE MIRAGE IV B

20Le prototype expérimental Mirage IV 01 défini, les études se poursuivent au sein d’une commission chargée de transformer cette version expérimentale en version opérationnelle. Elles ont lieu essentiellement à partir des développements du réacteur Atar 9 et sur l’optimisation de la surface de l’aile afin de permettre un rayon d’action maximal. Le bénéfice espéré est d’environ 10 %.

21Les missions affectées à cet avion restent imprécises. C’est ainsi qu’en plus des missions nucléaires de « dissuasion » sont envisagées des missions conventionnelles « Afrique ». Dans ce dernier cas, les appareils pourraient être équipés d’engins air-sol AS-30 et stationnés en Corse avec quelques bases adaptées en métropole et dans le quadrilatère Alger, Dakar, Brazzaville, Tel-Aviv.

22La fiche-programme opérationnelle pour les avions de série est publiée le 26 janvier 1959 sous le titre « Système d’arme stratégique piloté » (SASP). Le rayon d’action est considérablement accru : il est doublé par rapport à celui du Mirage IV 01, tout en maintenant les mêmes performances d’altitude et de vitesse. Le SASP est désormais uniquement destiné : d’une part, à l’emport et au tir de la bombe nucléaire nationale ; d’autre part, à la préparation et à la couverture électronique des raids.

23L’avion de reconnaissance électronique et de brouillage offensif est destiné à préparer le cheminement des bombardiers et à accompagner leur raid. Le système doit permettre le bombardement tout temps avec une précision globale correspondant à 90 % des coups dans un rayon inférieur à 2,5 kilomètres. Deux mois plus tard, le 31 mars, les définitions de base du Mirage IV B sont approuvées et la GAMD officiellement informée qu’elle est chargée de sa fabrication. Cet appareil, d’un poids total de 57 tonnes au décollage, est propulsé par deux réacteurs américains Pratt & Whitney J 75 dont la SNECMA doit acquérir la licence de fabrication. Au début de juin 1959, la construction du premier Mirage IV B est lancée, les 32 premiers de série devant être livrés avant la fin du premier semestre de 1965.

24Le Mirage IV B doit pouvoir lâcher une bombe de 1 500 kilos à 2 200 kilomètres sans ravitaillement. Le trajet aller et retour doit être effectué à un nombre de Mach égal ou supérieur à 1,7 et à une altitude supérieure à 16 000 mètres. Le ravitaillement par un autre Mirage IV B, sans bombe, équipé d’un pod de ravitaillement permet d’augmenter le rayon d’action du ravitaillé de 500 kilomètres. La commande envisagée est de 80 appareils, dont 53 en version bombardier (Mirage IV B) et 27 en version guerre électronique (Mirage IV E).

LE MIRAGE IV 01

  • 5 Entretien du général Roland Glavany avec l’auteur.

25Fabriquer le prototype expérimental Mirage IV 01 demande dix-huit mois à l’usine de Saint-Cloud. Il la quitte à la fin de 1958 pour achever sa finition sur la base de Melun-Villaroche et procéder aux essais au sol. Le 17 juin 1959, Roland Glavany le fait décoller pour la première fois. Le vol dure 40 minutes, l’appareil atteint 20 000 pieds et 350 nœuds : « J’avais déjà plus de 250 vols d’essais sur Mirage et les pièges de l’aile delta étaient alors totalement éventés. Deux bons réacteurs Atar au lieu d’un, c’était parfait. Une roulette dirigeable au sol, pour la première fois, arrangeait bien les choses ». La mise au point au sol avait été minutieuse et le premier vol fut absolument sans histoire. Instruit par les déboires qu’on pouvait avoir avec les ailes delta à l’atterrissage, j’ai fait un premier atterrissage de précaution en gardant ce qu’il fallait de moteur pour ne pas être obligé de taper brutalement des grandes incidences et toucher la piste, comme cela m’était arrivé sur Mirage I : « Il en fut de même des 13 vols suivants, vols d’ouverture de domaine qui permirent, du 17 juin au 23 juillet, d’atteindre un Mach indiqué de 1,95 sans le moindre incident5. »

  • 6 Entretien du général Pierre M. Gallois avec l’auteur.

26À son troisième vol, le 20 juin 1959, le Mirage IV 01 est autorisé à effectuer un passage au-dessus du Salon de l’aéronautique du Bourget. Un spectateur est particulièrement attentif : le président de la République, Charles de Gaulle. Il suit de près la mise au point du vecteur de l’arme nucléaire française dont la première explosion doit avoir lieu au début de 1960. Selon le général Pierre M. Gallois : « Le général de Gaulle avait manifesté le désir d’avoir dans son bureau, en permanence, une documentation sur le Mirage IV et surtout sur ses possibilités opérationnelles, tant pour des missions vers l’Est que dans l’hypothèse d’une défense de la Communauté6. »

27Le 13 février 1960 explose, au Sahara, la première bombe atomique française (opération « Gerboise bleue »). La France entre dans le « club atomique ».

28Alors que se construit le premier Mirage IV B, les essais en vol du prototype Mirage IV 01 se déroulent conformément aux prévisions. Le 19 septembre 1960, lors de son 134e vol, René Bigand porte le record international de vitesse sur 1 000 kilomètres en circuit fermé, jusqu’alors détenu par les États-Unis, de 1 126 kilomètres à l’heure à 1 960 kilomètres à l’heure. Lors de son 138e vol, le 23 septembre, il confirme sa première performance et porte le record sur 500 kilomètres en circuit fermé à 1 972 kilomètres à l’heure de moyenne en volant entre Mach 2,08 et Mach 2,14. Ces records crédibilisent le premier vecteur de la force nucléaire stratégique, tant auprès de l’opinion publique française que des alliés et adversaires potentiels de la France.

DU MIRAGE IV B AU MIRAGE IV A

29La construction du premier Mirage IV B ne va pas jusqu’à son terme. En effet, le souci de ne pas dépendre d’une licence étrangère pour la propulsion de l’avion, la volonté de développer des vecteurs balistiques sol-sol et mer-sol conduisent à limiter les dépenses de la première composante de la force nucléaire stratégique en fabriquant un bombardier supersonique à rayon d’action moyen, donc plus petit que le Mirage IV B.

30Le 3 septembre 1959, le délégué ministériel pour l’armée de l’air modifie radicalement la définition du vecteur. Se référant aux récentes décisions gouvernementales concernant la « force de frappe », il demande à la GAMD « de dériver du Mirage IV 01 Atar 9 volant actuellement, par modifications mineures, au moindre prix, aux moindres risques techniques et dans les délais les meilleurs, un appareil capable d’emporter les bombes de 78 centimètres de diamètre. L’effort doit tendre à un accroissement de portée et d’emport au détriment possible de la vitesse dans une limite acceptable ». Un nouvel avion est alors dérivé du Mirage IV 01 : le Mirage IV A.

LES MIRAGE IV A PROTOTYPES (02, 03, 04)

31La définition du nouvel appareil est approuvée en octobre 1959 et le marché d’études notifié le 26 novembre. D’un poids de 32 tonnes au décollage, il doit avoir un rayon d’action de 1 100 kilomètres (dont 50 % en vitesse supersonique), pouvoir atteindre Mach 2 à un plafond de 19 000 mètres. Les pistes de 2 400 mètres de longueur, installées sur le territoire national, doivent pouvoir être utilisées ainsi que des accélérateurs de décollage (fusées JATO). Pour répondre au double défi technique et de délai, les services officiels, en accord avec la GAMD, maître d’œuvre de l’ensemble des composants du système d’arme, excepté l’arme nucléaire, désignent les responsables chargés de l’homogénéité et de l’efficacité de tous les participants au programme. Les relations des divers services de la Direction technique et industrielle avec la société Dassault et l’armée de l’air sont assurées par un représentant unique, l’ingénieur en chef Jean Forestier ; un rôle similaire est confié au colonel Villetorte pour l’armée de l’air.

32De son côté, la GAMD confirme Jean-Jacques Samin dans son rôle de chef d’avion et confie à son département électronique, sous l’autorité de Bertrand Daugny, l’étude et le développement du système de navigation et de bombardement.

33Le 25 mars 1960, la Direction technique et industrielle de l’aéronautique commande à la société Dassault trois prototypes Mirage IV A (02, 03, 04) complètement équipés. Pour le ravitaillement en vol, le quadriréacteur américain Boeing KC-135 est adopté. La France en achète douze exemplaires qui reçoivent l’appellation KC-135 F.

34Le Mirage IV A 02 effectue son premier vol le 12 octobre 1961, à Melun-Villaroche, aux mains de René Bigand. Il sert principalement à mettre au point la cellule et l’aérodynamique, tant en configuration lisse, avec charge ventrale semi-encastrée, qu’en configuration charge larguée, sans ou avec réservoirs supplémentaires sous voilure. Il permet aussi de compléter les essais de pilote automatique, commencés sur le Mirage IV 01, et d’étudier les problèmes d’emport et de largage du conteneur ventral en subsonique, ainsi que ceux du ravitaillement en vol. Le Mirage IV A 02 vole d’abord avec les moteurs SNECMA Atar 9 D, puis avec les moteurs Atar 9 K de poussée augmentée.

35Le Mirage IV A 03, affecté aux essais du système de navigation et de bombardement (SNB) complet, effectue son premier vol à Melun-Villaroche le 1er juin 1962 aux mains de René Bigand, puis, après réception par le Centre d’essais en vol (CEV), il est remis à l’équipe du Centre d’expérimentations aériennes militaires (CEAM) de Brétigny en septembre 1963, pour prise en main par l’armée de l’air.

36La mise au point du SNB est basée sur les essais en vol avec le souci constant de mener, en parallèle et individuellement, celle des divers composants du système et des sous-ensembles les plus importants et les plus significatifs pour l’intégration complète. Ils sont confiés, de 1960 à 1962, à un grand nombre d’avions de servitude du Centre d’essais en vol, ainsi qu’au Mirage IV 01.

37Le Mirage IV A 04, équipé des réacteurs définitifs Atar 9 K, effectue son premier vol le 23 janvier 1963, à Melun-Villaroche, aux mains de Jean-Marie Saget. Très proche de la définition de série, il sert essentiellement aux essais globaux du système d’arme complet, jusqu’au bombardement avec bombe inerte. L’avion équipé est présenté en réception définitive un an plus tard.

38Le Mirage IV A n’est pas seulement un avion militaire, c’est aussi, et surtout, un instrument politique, d’où la nécessité d’un double système de codage et de commande de tir de façon à garantir, par redondance, le contrôle gouvernemental.

39La définition initiale du Mirage IV A a été établie avec un moteur SNECMA Atar 9 D qui ne diffère des Atar 9 B que par un gain de poussée avec postcombustion. Par la suite, la SNECMA étudie une variante plus performante, l’Atar 9 K, destinée à l’origine à une version du Mirage III. Devant l’amélioration des performances de décollage et d’accélération en altitude obtenues avec cette variante, les services de l’État le choisissent pour le prototype Mirage IV A 04 et pour les avions de série.

40Pour couvrir les décollages en conditions exceptionnelles (sur piste plus courte, en altitude, par temps chaud ou en surcharge), il est prévu une assistance au décollage de douze fusées JATO de 500 kilos de poussée chacune pendant quinze secondes. Elles sont accrochées en deux groupes de six sous les emplantures arrière de voilure et largables après décollage. Les essais sont effectués sur le Mirage IV A 04 en 1964.

41Les missions dévolues aux avions spécialisés sont couvertes par des Mirage IV A équipés de conteneurs spécifiques. Des essais en vol sont réalisés dans des configurations d’emport autres que celle de base avec arme ventrale semi-encastrée et réservoirs supplémentaires largables sous voilure. Ainsi, pour les missions d’entraînement ou de convoyage, un réservoir ventral ayant la même forme que la bombe peut lui être substitué. Pour les missions de bombardements classiques à basse altitude, huit bombes de 1 000 livres avec réservoirs largables peuvent être emportées sous voilure. Deux autres configurations sont validées dès le début de la série : pour les missions de reconnaissance stratégique, un conteneur ventral spécifique (CT 52 avec caméras optiques et/ou détecteur infrarouge) ; pour les missions de guerre électronique, un conteneur spécialisé (CT 51) placé sous les seconds points d’emport de voilure.

42Il est également envisagé de construire un engin air-sol qui permettrait d’allonger le rayon d’action de l’appareil d’environ 150 kilomètres. L’engin serait largué à 300 kilomètres de l’objectif vers lequel il se dirigerait avec une vitesse égale à Mach 4. Pour des raisons financières, ce projet est abandonné.

43Le déroulement du programme d’essais est suivi avec une attention particulière par le général de Gaulle, qui rappelle régulièrement la position de la France. Ainsi, le 3 janvier 1963 : « Voyez-vous, à partir de l’été prochain, nous aurons les premiers des 50 Mirage prévus. Ils seront capables de transporter autant de bombes : les deux productions seront synchronisées, une unité de chaque par mois ; puis le rythme s’accélérera. Dès 1965, nous aurons l’équivalent de l’actuel Strategic Air Command des Américains. La philosophie de l’ère nucléaire, c’est la dissuasion à la place de la guerre. Nous n’avons pas des avions de combat, mais d’épouvante. »

CONTRATS ET PRODUCTION EN SÉRIE

44La commande de la liasse de série est passée le 20 mai 1960, celle des commandes d’approvisionnements et d’outillage le 30 juin. Ce marché est confirmé le 29 mai 1962 pour 50 avions et, le 4 novembre 1965, pour 12 avions supplémentaires de même définition, mais pouvant être équipés d’un conteneur de reconnaissance ; soit un total de 62. L’essentiel du financement du programme Mirage IV A figure dans la loi de programme relative à certains équipements militaires pour la période 1960-1964 adoptée le 6 décembre 1960. La Générale aéronautique Marcel Dassault est maître d’œuvre de l’ensemble des composants du système d’arme. La charge nucléaire, mise au point et fabriquée par le Commissariat à l’énergie atomique, prend place dans un corps de bombe profilé, construit sous la responsabilité de la GAMD. La fabrication en série nécessite la coopération de toutes les entreprises de l’aéronautique française, soit environ 300 sociétés dont les principales sont : SNECMA, pour les réacteurs ; Sud-Aviation, à Toulouse, Saint-Nazaire et Rochefort, pour les ailes, le fuselage central et arrière ; Breguet, à Toulouse et Anglet, pour la dérive et certains éléments du fuselage ; Morane, à Ossun (Basses-Pyrénées), pour les pointes avant et arrière du fuselage.

45La GAMD fabrique le fuselage avant et la partie extrême arrière à Talence, les aménagements de fuselage à Argenteuil. En qualité de maître d’œuvre, elle assure l’assemblage final et le contrôle des avions complets à Bordeaux-Mérignac, où se déroulent les essais en vol de contrôle et de réception. La part du travail exécutée en propre par la GAMD est évaluée à 17 % du coût total d’un avion à sa sortie de chaîne.

LE MIRAGE IV DANS L’ARMÉE DE L’AIR

46L’avion de série n° 1 effectue son premier vol à Mérignac, le 7 décembre 1963, aux mains de René Bigand. Il est livré à l’armée de l’air en février 1964. Il y opère dans le cadre des forces aériennes stratégiques (FAS) créées par le décret du 14 janvier 1964. Le 1er octobre, le premier escadron de bombardement est déclaré opérationnel sur la base aérienne de Mont-de-Marsan. Le 6 débute la première posture d’alerte à cinq minutes des Mirage IV équipés chacun d’une bombe de 60 kilotonnes au plutonium. Le défi contre le temps a été gagné : la France est désormais une véritable puissance nucléaire. Les FAS reçoivent deux avions par mois jusqu’en mars 1968. Répartis sur neuf bases aériennes, ils forment trois escadres mixtes de bombardement, composées chacune de trois escadrons de bombardement et d’un escadron de ravitaillement en vol. La validation globale du système d’arme stratégique piloté est assurée par l’avion de série n° 9 qui effectue, le 19 juillet 1966, au Centre d’essais du Pacifique, un tir nucléaire réel de la bombe An 21 larguée à l’aube à 55 000 pieds et Mach 2 (opération « Tamouré »).

47À partir de 1966, pour tenir compte des progrès réalisés dans les moyens de défense antiaérienne à haute altitude, l’armée de l’air demande que la pénétration finale et le tir de la bombe à grande vitesse puissent s’effectuer près du sol. Bien que non prioritaire, cette possibilité avait été envisagée dès le début de l’étude, les modifications nécessaires pour la cellule furent donc peu importantes, l’adaptation concernant essentiellement le système de navigation et de bombardement et l’arme nucléaire elle-même.

L’INTÉRÊT DE L’ETRANGER POUR LE MIRAGE IV

48La réalisation par la France d’un avion de la taille du Mirage IV ne passe pas inaperçue et retient l’attention de plusieurs pays occidentaux. Les deux premiers intéressés sont, dès 1957, la République fédérale d’Allemagne et le Royaume-Uni. Dans le cadre des relations militaires OTAN, la France essaye de les faire participer à la réalisation de l’avion stratégique ainsi que d’obtenir une participation financière américaine. Les hésitations britanniques et allemandes, jointes à l’arrivée au pouvoir du général de Gaulle, peu favorable à une telle coopération, arrêtent les pourparlers entre les trois nations.

49Au début des années 1960, la GAMD définit les caractéristiques d’un Mirage IV R (Reconnaissance). Il s’agit d’un avion « dénucléarisé » qui, allégé des systèmes de bombardement spécifiques à la version française, peut emporter des caméras (également logeables dans un conteneur spécial sous le fuselage) et être capable de transporter des bombes classiques de 500 kilos, des lance-roquettes air-sol et des engins de type AS 30. En juin 1962, la GAMD est officiellement autorisée à proposer à certains pays des Mirage IV sans leurs capacités nucléaires.

La République fédérale d’Allemagne

50Les conversations franco-allemandes de la fin des années 1950 concernaient un Mirage IV capable de transporter un projectile de 1 500 kilos à 2 500 kilomètres avec ravitaillement en vol. Les réacteurs envisagés étaient américains. En septembre 1963, l’état-major de la Luftwaffe s’intéresse à nouveau à un projet de Mirage IV R équipé de réacteurs General Electric J 79, déjà utilisés par une grande partie de sa flotte d’avions de combat. Si le nombre d’appareils commandés permettait une fabrication rentable, ceux-ci seraient partiellement construits par l’industrie allemande. Les discussions n’aboutissent pas.

Le Royaume-Uni

51À la fin des années 1950, les Britanniques, qui ont préféré développer les missiles au détriment des avions de combat (livre blanc de 1957), se trouvent dans l’obligation de renouveler une grande partie du matériel de la Royal Air Force. La France propose le Mirage III, le Mirage IV équipé de moteurs Rolls-Royce Spey et l’avion-cargo Transall, déjà propulsé par des moteurs Rolls-Royce. La Royal Air Force ne s’intéresse ni au Mirage III ni au Transall, mais accorde un très grand intérêt au Mirage IV. Le 30 janvier 1959, une délégation conduite par l’air marshall Kyle, chef de la section Operational Requirement de la RAF, vient à Paris afin de se renseigner sur les possibilités du Mirage IV opérationnel. Le ministère français des Armées demande que le maximum soit fait pour intéresser les visiteurs à l’appareil, en particulier pour le moteur, qui pourrait être commun aux appareils français et britanniques. Les discussions sont sans lendemain.

52Le 2 février 1965, optant pour un important programme d’économie, le gouvernement britannique annule ses programmes militaires nationaux TSR 2 (Tactical Strike Reconnaissance), P 1154 (décollage vertical), HS 681 (transport) et, une nouvelle fois, se tourne vers les États-Unis, où il achète des avions à flèche variable Convair/General Dynamics F 111, des McDonnell Phantom, des Lockheed C 130 Hercules. Néanmoins, les dirigeants de British Aircraft Corporation (BAC) continuent à chercher un avion capable de concurrencer le F 111 américain et qu’ils pourraient construire sous licence. Le 10 janvier 1965, trois parlementaires britanniques, des représentants de BAC et de Rolls-Royce viennent visiter l’usine Dassault de Mérignac et se renseignent sur le Mirage IV. Le 27 juillet, les sociétés Dassault et BAC décident, dans le cadre du plan de rééquipement britannique en avions de combat basse altitude, de présenter, conjointement au gouvernement britannique et à la RAF, un avion dérivé du Mirage IV, équipé de réacteurs double flux Rolls-Royce Spey et comportant une électronique adaptée à ses missions. Les études de modification du fuselage pour le montage des réacteurs Spey, ainsi que les études de modification d’installation électronique seront faites par la BAC avec l’appui technique de Dassault. Les deux sociétés estiment que l’adoption de cet avion par la RAF constituerait une solution économique pour son rééquipement et une solution industrielle pour la BAC, à qui elle procurerait une charge de travail immédiate d’études et de fabrications. Le 28 juillet 1965, Benno Claude Vallières, administrateur-gérant de la GAMD, écrit à Roy Jenkins, ministre britannique de l’Aviation, pour lui suggérer d’envoyer en France une mission d’évaluation du Mirage IV. Toujours intéressée, la Royal Air Force dépêche une de ses équipes à Mont-de-Marsan pour tester l’appareil. Après une série de onze vols totalisant une quinzaine d’heures, elle en tire les conclusions suivantes : « – Excellentes caractéristiques de pilotage dans tous les domaines de vol jusqu’à des vitesses de 650 nœuds à l’altitude de 60 mètres. Excellent dans le haut supersonique » ; « – Bon comportement en particulier dans un air même très turbulent » ; « – Qualités de vol peu affectées par les charges extérieures les plus diverses emportées (bombes et bidons) ».

53Henri Déplante, directeur général technique de la GAMD, précise : « Ils partirent enthousiastes, après avoir envoyé à l’état-major de la RAF un message annonçant avoir fait, en une journée, plus d’heures de vol à Mach 2 que toute la RAF réunie. Notre Mirage n’en portera pas pour autant l’Union Jack. »

54En effet, dans son livre blanc de février 1966, le gouvernement du Premier ministre Harold Wilson impose le F 111 américain, dont la commande sera finalement annulée, en raison des difficultés de mise au point de l’appareil.

L’Australie

55En octobre 1959, l’état-major des forces aériennes australiennes se renseigne auprès de la GAMD. La Royal Australian Air Force recherche un bombardier supersonique destiné à remplacer ses Canberra et capable d’affronter les bombardiers soviétiques que reçoit l’Indonésie. Le 31 mai 1960, une mission australienne, dirigée par le chef d’état-major de l’armée de l’air australienne, se rend à Melun-Villaroche où lui sont présentés au sol les Mirage III et Mirage IV. En mars 1961, les autorités australiennes annoncent leur intention d’acquérir douze Mirage IV. Une mission composée de représentants de la Délégation ministérielle pour l’armement et de la GAMD se rend en Australie en novembre 1961, où elle enregistre la demande d’une version au rayon d’action accru de l’appareil pour la reconnaissance. En mars 1962, la GAMD propose un Mirage IV C (équipé de réacteurs américains Pratt & Whitney TF 106) que les Australiens considèrent comme seul concurrent valable du British Aircraft Corporation TSR 2. Néanmoins, l’Australie désire que cet appareil soit aussi commandé par l’armée de l’air française et qu’il puisse transporter des engins air-sol, tel que le Nord-Aviation AS 30, et des bombes conventionnelles, la livraison devant avoir lieu avant 1965. Cette demande, peu compatible avec la priorité donnée à l’équipement de la force nucléaire française, reste sans suite.

56À la mi-1963, le Mirage IV A, avec ravitaillement en vol, semble convenir à l’Australie qui envisage d’en acquérir vingt-quatre. Cet appareil présente l’avantage d’utiliser des réacteurs Atar 9 K, très voisins des Atar 9 C déjà construits en Australie pour les Mirage III O. Sans modification de structure importante, ces derniers pourraient en être équipés. Finalement, pour des raisons logistiques, l’Australie préfère s’entendre avec les États-Unis à propos de l’Asie du Sud-Est, et donc leur commander des avions. Après avoir songé au North American Vigilante, elle adopte le biréacteur Convair/General Dynamics F111.

Israël

57Le 6 juin 1961, le président du Conseil israélien, Ben Gourion, au cours d’une rencontre avec le général de Gaulle, l’informe que son pays souhaiterait se procurer trois ou quatre Mirage IV pour des missions de reconnaissance ne nécessitant pas d’équipements électroniques particuliers. En décembre 1962, une mission de la société Dassault présente le projet Mirage IV R à Tel-Aviv. En juin 1964, Israël demande quinze appareils, appelés Mirage IV R J, pouvant emporter quatre engins AS 30. Un avant-contrat est établi le 23 juillet 1964, mais n’aboutit pas. Au début de 1967, le même sort est réservé à la demande de six appareils. La guerre israélo-arabe des Six-Jours de juin 1967, suivie de l’embargo français sur les armes à destination d’Israël, met un terme à toute conversation.

CONCLUSION

58Depuis son premier vol en 1959 et jusqu’à son retrait en 1996, le Mirage IV est resté, à l’échelle mondiale, le seul bombardier Mach 2 de sa catégorie. Adapté à la pénétration à basse altitude, modernisé avec le missile air-sol à moyenne portée (ASMP), il a constitué l’élément de base de la force nucléaire stratégique. Les défis politique, militaire, industriel, technologique, économique ont été relevés ; la France est ainsi devenue une puissance nucléaire crédible. Le programme Mirage IV reste un modèle. Les problèmes techniques ont été surmontés, que ce soit pour la cellule, les moteurs ou les équipements électroniques. Les performances de vitesse, d’altitude et de rayon d’action ont été conformes aux exigences techniques. Les qualités de vol ont été considérées comme exceptionnelles par les pilotes utilisateurs. Le système de navigation et de bombardement s’est montré conforme au cahier des charges. Le calendrier, annoncé dès 1958 et considéré comme très serré, a été respecté.

59Depuis la constitution du premier escadron de bombardement opérationnel en 1964, les Mirage IV A assurent une des missions prioritaires de l’armée de l’air. En 1995, ils totalisent près de 340 000 heures de vol et certains d’entre eux près de 7 000 heures. Cette longévité est la meilleure preuve de l’avance technique dont ils bénéficiaient à leur naissance et de leurs qualités propres.

60À la fin de 1995, l’armée de l’air, dans le cadre de sa politique de rationalisation et d’économie, annonce que le dernier escadron de bombardement Mirage IV P, basé à Cazaux, sera dissous le 31 juillet 1996. Cette décision marque le retrait des bombardiers, premiers vecteurs des forces aériennes stratégiques, trente-deux ans après leur entrée en service. Cinq Mirage IV P sont néanmoins conservés en vol et reconvertis en avions de reconnaissance stratégique à longue distance.

61Tout au long de leur carrière, les Mirage IV ont contribué à assurer la protection de la France. Ils n’ont pas eu à remplir la grave mission à laquelle ils étaient destinés, preuve manifeste de l’efficacité de leur participation à la dissuasion nucléaire.

Note

1 Quelques dates importantes : Guerre d’Indochine (décembre 1946 – juillet 1954), blocus de Berlin (juin 1948 – mai 1949), guerre de Corée (juin 1950 – juillet 1953).

2 Journal officiel des débats parlementaires, Assemblée nationale. 6 décembre 1956, p. 5564.

3 Journal officiel des débats parlementaires, Assemblée nationale, 28 février 1958, p. 1153.

4 Une ultime tentative de Sud-Aviation en faveur de l’achat d’une licence de fabrication du chasseur-bombardier américain Republic F 105 n’aboutit pas.

5 Entretien du général Roland Glavany avec l’auteur.

6 Entretien du général Pierre M. Gallois avec l’auteur.

Autore

Claude Carlier : directeur du Centre d’histoire de l’aéronautique et de l’espace et enseignant dans le département d’études de la société contemporaine de l’université Paris III – Sorbonne nouvelle.

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