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L’homme et sa diversité

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Anne-Marie Guihard-Costa
, 
Gilles Boetsch
, 
Alain Froment

L’enseignement de l’anthropologie biologique en France

Olivier Dutour

Volltext

1La situation actuelle de l’enseignement de l’anthropologie biologique en France, malgré quelques recrutements universitaires récents, est toujours particulièrement préoccupante. Principalement dispensé sur trois sites universitaires en province, cet enseignement, tel qu’il est aujourd’hui, pourra difficilement nous permettre de rejoindre le niveau de formation de nos voisins européens, notamment l’Italie.

2La formation universitaire en anthropologie biologique doit faire impérativement ressortir une conception disciplinaire. Actuellement, en l’absence d’un effectif suffisant d’enseignants dans la discipline, qui relève de la section 20 du Conseil National des Universités (CNU), un certain nombre de domaines sont traités par des « formations relais ». On peut citer par exemple l’anthropologie génétique, enseignée dans des cursus de génétique des populations ou la paléoanthropologie, intégrée dans des cursus universitaires de préhistoire ou de géologie. Si ces formations ont le mérite de faire exister, dans les différents cycles universitaires, des domaines de la discipline anthropologique, elles aboutissent inévitablement à un morcellement du champ disciplinaire de l’anthropologie biologique, qui s’il peut être seulement apparent dans un premier temps, représente à terme les prémisses de redéfinition du périmètre de la discipline.

3Contrairement à l’Amérique du Nord, l’anthropologie française a plus précocement subi le clivage culturel/biologique, qui a séparé l’anthropologie physique de Broca de l’anthropologie culturelle de Mauss. Si en Amérique du Nord, la balance entre les deux approches d’un même objet d’étude est soit équilibrée, soit en faveur de l’anthropologie « physique », par contre en France, le développement de l’ethnologie, notamment avec l’impulsion structuraliste de Lévi-Strauss, est sans aucune commune mesure avec la stagnation puis la régression de l’anthropologie fondée par Broca. Le résultat se traduit notamment par le rapport actuel, dans la même section du CNU, entre le nombre d’enseignants en ethnologie et en anthropologie biologique, les premiers étant en moyenne 5 à 10 fois plus nombreux que les seconds.

4Pour des raisons historiques, également liées à l’effectif réduit des enseignants, la formation à « l’anthropologie des populations du passé » s’est davantage consolidée dans les trente dernières années que celle traitant de « l’anthropologie du vivant » et de fait, le vivier des recrutements au CNRS, certes toujours trop faible, a été cependant plus soutenu pour le volet paléoanthropologie que pour celui de l’anthropologie des populations actuelles. Il faut toutefois souligner que si une spécialisation sur l’une ou l’autre thématique, passé ou vivant, a une légitimité dans le domaine de la recherche, une dichotomie de ce type n’est pas pertinente dans le domaine de la formation qui doit inscrire les concepts fondamentaux d’évolution, de variabilité et d’adaptation dans une perspective diachronique sans rupture chronologique passé/vivant.

5La difficulté de la formation en anthropologie, en général et de l’anthropologie biologique en particulier, tient à l’étendue de son champ, relevant à la fois des sciences humaines, des sciences biologiques et des sciences de l’environnement. Par ailleurs, tout en ayant une démarche holistique originale qui la caractérise par rapport aux autres sciences, l’anthropologie partage des concepts avec de nombreuses autres disciplines, auprès desquelles elle réalise des emprunts méthodologiques allant des techniques de biologie moléculaire aux questionnaires d’enquête sociale. Ceci explique la diversité d’origine des cursus des étudiants, accédant à la spécialité au niveau du Master 1, parfois déroutés par l’ampleur du domaine de formation et par la diversité des connaissances à acquérir, tant dans les concepts que dans les outils.

6Le contenu des enseignements répond à des traditions pédagogiques sensiblement différentes en Amérique du Nord et en Europe.

7L’enseignement de l’anthropologie dans les cursus nord-américains traite de 4 grandes parties (tirées à titre d’exemple du Jurmain et al., Introduction to Physical Anthropology) :

  1. Cultural anthropology : où sont notamment traités les concepts et méthodes de l’ethnologie, de l’anthropologie médicale, de l’anthropologie urbaine, de l’anthropologie économique ;
  2. Archeology : dans cette partie, l’archéologie préhistorique associée à l’anthropologie « physique » des hommes fossiles définit la paléoanthropologie, ce qui diffère sensiblement de la conception française du terme ;
  3. Linguistic anthropology : l’importance accordée à l’étude des langues caractérise les cursus nord-américains ;
  4. Physical (or biological) anthropology.

8L’anthropologie « physique » (qualificatif le plus fréquemment utilisé en Amérique du Nord pour définir la partie biologique de l’anthropologie) est traitée en plusieurs « cours » : Paleoanthropology, Human osteology, Paleopathology, Forensic anthropology, Human variation (adaptation) comprenant les enseignements suivants : anthropometry, physiology, nutrition, fertility, growth et development, health, diseases; Human genetics, Primatology. L’approche pédagogique dans l’enseignement en anthropologie « physique » en Amérique du Nord est basée sur le concept d’évolution, fil conducteur de l’enseignement. Il reflète une culture néo-darwinienne, notamment en présentant l’anthropologie du vivant comme l’étude de la « micro-évolution des populations actuelles ».

9L’enseignement en Europe relève d’une pédagogie plus orientée vers la présentation des méthodes et des champs disciplinaires ; il est marqué par une forte représentation « latine » (Italie, Espagne, Portugal, Belgique, France). À titre d’exemple, la publication récente de l’ouvrage pédagogique Anthropologie biologique co-édité par C. Susanne, E. Rebato et Brunetto Chiarelli présente la formation en quatre parties :

  • Paléoanthropologie (incluant la primatologie).
  • Génétique des populations (incluant démographie et migrations).
  • Variabilité de l’homme actuel (incluant physiologie de l’adaptation, croissance, développement et vieillissement).
  • Anthropologie et sociétés (incluant alimentation, nutrition, obésité, anthropologie médicale).

10L’effectif des enseignants-chercheurs de la discipline est relativement réduit. Les universités françaises (Universités de Bordeaux 1, Paul Sabatier à Toulouse, la Méditerranée à Marseille) et le Muséum National d’Histoire Naturelle, comptent à ce jour 10 enseignants-chercheurs titulaires à profil anthropologie biologique. Une soixantaine de thèses est en cours dans les trois universités.

11Les formations universitaires en anthropologie biologique ont accueilli pour l’année 2005-2006, une soixantaine d’étudiants au niveau Master 2 (Bordeaux 14 ; Toulouse 15, Marseille 30).

12Le nouveau schéma du LMD, joint à l’évolution des structures et des enseignants, a abouti à la création de trois Masters Recherche, dont les domaines, mention et spécialité sont présentés ci-dessous.

État des forces... (2006)

État des forces... (2006)

La formation en anthropologie biologique en 2005-2006

La formation en anthropologie biologique en 2005-2006

Composition des Masters

Composition des Masters
  • 1 Véritable « euro » de l’enseignement supérieur européen : 1 crédit ECTS équivaut approximativement (...)

13Il apparaît donc que l’affichage de « l’anthropologie biologique » se fait à des niveaux variables de lisibilité. Cependant, si l’on considère que la notion de parcours pédagogique développée par le système LMD, donne une plus grande souplesse dans l’acquisition des connaissances, de ce fait l’évaluation du cursus doit se faire plus sur la base des différentes unités d’enseignements capitalisées que sur les intitulés des diplômes. Même si cette notion est pour l’instant encore théorique, il est, à ce titre, intéressant de comptabiliser, sur la base d’un volume défini par les crédits ECTS1, les différentes parties de l’enseignement en anthropologie biologique, sur la base du volume moyen d’une unité d’enseignement (soit 6 crédits ECTS).

En gris foncé les formations à plus de 6 crédits ECTS, en gris clair celles à moins de 6 ECTS, en blanc les domaines non traités sur un site de formation.

14La répartition laisse clairement apparaître que deux domaines sont bien représentés dans toutes les formations : la génétique et l’évolution humaine. Ces domaines sont effectivement ceux qui sont le plus directement en interface avec d’autres formations plus « puissantes » en termes d’enseignants et d’étudiants : d’une part les cursus de génétique et d’autre part les cursus d’archéologie et de préhistoire, qui dispensent des enseignements recoupant les domaines de l’anthropologie biologique. Cette observation fait d’ailleurs le lien avec la notion de « formation-relais » : en France, du fait de la faiblesse de formation dans la discipline, un certain nombre de thématiques, qui sont dans d’autre pays, notamment en Italie, abordées dans l’enseignement en anthropologie biologique, sont dans notre cas, enseignées à leur compte par d’autres champs disciplinaires, des sciences humaines, biologiques ou de l’environnement. Le domaine de formation dans la discipline est ainsi rétréci, faute de forces suffisantes, par rapport à son périmètre nord américain ou européen, par exemple italien.

15En conclusion, le bilan actuel de la formation universitaire en anthropologie biologique en France nécessite une réflexion approfondie quant à l’avenir de la discipline. Partant du principe qu’il n’y a pas de recherche sans formation et que la formation abonde le vivier des futurs chercheurs dans la discipline, la situation actuelle ne permettra pas de former un effectif suffisant pour compenser les départs à la retraite, surtout dans les recherches portant sur l’anthropologie des populations actuelles. En l’état actuel, en dehors d’une augmentation de l’effectif des enseignants et de la diversification des pôles, plusieurs pistes sont envisageables pour renforcer la cohérence et la lisibilité de la formation universitaire en anthropologie biologique. Les formations existantes devraient toutes pouvoir dispenser un enseignement intégrant l’approche diachronique et holistique caractérisant la démarche anthropologique, associant la prise en compte des interactions bio-culturelles. Les formations devraient pouvoir élaborer un programme ou tronc commun, constitué de quelques modules fondamentaux présentant les concepts : d’évolution, de variabilité et d’adaptation, dans leurs différents niveaux d’intégration : gènes, individus, populations, sociétés. À ce tronc commun présentant le socle disciplinaire, devraient être ajoutés des modules spécialisés pour renforcer le lien formation/ recherche dans les différentes équipes. Ce dispositif permettrait dans le cadre du LMD, d’une part de mutualiser et d’autre part d’offrir des complémentarités dans l’offre de formation. Dans cette optique, au-delà d’une logique locale d’université, le renforcement universitaire de la discipline passerait par une fédération pédagogique qui pourrait se concrétiser au sein d’une École Doctorale nationale.

Anmerkungen

1 Véritable « euro » de l’enseignement supérieur européen : 1 crédit ECTS équivaut approximativement à 10 heures de formation, quelle qu’elle soit : cours magistraux, travaux dirigés, travaux pratiques, travail en groupe, travail personnel, stage...

Abbildungsverzeichnis

Titel État des forces... (2006)
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Titel La formation en anthropologie biologique en 2005-2006
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Titel Composition des Masters
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Bildunterschrift En gris foncé les formations à plus de 6 crédits ECTS, en gris clair celles à moins de 6 ECTS, en blanc les domaines non traités sur un site de formation.
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/3021/img-4.jpg
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URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/3021/img-5.jpg
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