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  • Chapitre IV. Le système agro-alimentaire...
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    Plan

    Plan détaillé Texte intégral Concepts et méthodes La période début xxe siècle-1965 : une agriculture agro-pastorale vivrière La période 1965-2013 : un système pastoral spécialisé Discussion et conclusion Bibliographie Notes de bas de page Auteurs

    Essai d'écologie territoriale

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    Chapitre IV. Le système agro-alimentaire

    Un découplage progressif de la production et de la consommation

    Bonaudo Thierry, Billen Gilles, Garnier Josette, Barataud Fabienne, Bognon Sabine, Marty Pauline et Dupré Denis

    p. 161-182

    Texte intégral Bibliographie Bibliographie Notes de bas de page Auteurs

    Texte intégral

    1Un aspect fondamental du fonctionnement d’un territoire est la manière dont ses habitants organisent l’espace pour produire ou se procurer leur subsistance alimentaire. Tout territoire est profondément structuré par l’ensemble des activités et des services par lesquels la société assure la production, la transformation, la distribution et la consommation de sa nourriture, mais aussi comment elle garantit sur le long terme la pérennité de la fertilité des sols. Tout cela définit le système agro-alimentaire dont les bases de l’analyse ont été édifiées par les traités d’économie agro-alimentaire établis autour de L. Malassis (1973 ; 1986 ; 1997a ; 1997 b ; Rastoin & Ghersi, 2010).

    2Nous décrivons dans ce chapitre le système agro-alimentaire de la commune d’Aussois et sa transformation depuis un siècle. Notre approche est celle de l’analyse du métabolisme territorial, en termes de flux de matière, et plus particulièrement d’azote. Cette méthode et sa pertinence sont explicitées dans un premier temps. Nous nous sommes aussi attachés à retracer les flux monétaires qui accompagnent les flux de matière car ils permettent de caractériser la gestion du système alimentaire dans le temps et dans l’espace et d’identifier les acteurs qui y sont impliqués. Nous cherchons à mettre en évidence la spatialité du système agro-alimentaire et son évolution du début du xxe siècle à nos jours, son ouverture et sa complexification sociale progressive. Nous nous intéressons aussi au changement du rapport qui s’instaure entre la monnaie et les flux matériels : lequel des deux pilote l’autre ? Rien n’est plus révélateur de l’évolution d’un territoire que celle de son système agro-alimentaire, par la multiplicité et la diversité des acteurs qu’il mobilise, le caractère essentiel et universel du besoin qu’il vise à couvrir et la forte charge symbolique qui s’y attache.

    Concepts et méthodes

    Le système agro-alimentaire à travers les flux d’azote

    3Du point de vue de la biogéochimie, le système agro-alimentaire peut être décrit par les flux d’éléments nutritifs qui circulent entre les terres agricoles, les animaux d’élevage, les diverses activités de transformation, la consommation humaine et les pertes vers l’environnement atmosphérique et hydrique que toutes ces activités occasionnent. Une représentation généralisée de cette circulation, focalisée sur l’élément azote, a été proposée (Billen et al., 2014). Le choix de l’azote est justifié par trois raisons. D’abord, comme constituant essentiel des protéines, c’est un bon indicateur de la qualité nutritive des aliments. Le métabolisme humain nécessite impérativement l’ingestion journalière de 60 g de protéines (soit 10 g d’azote) qu’elles soient d’origine végétale ou animale, et cela indépendamment de l’activité physique exercée, ce qui fait de la ration d’azote un meilleur indicateur des besoins humains que la ration calorique. Ensuite l’azote est le nutriment le plus limitant de la croissance des plantes, y compris des plantes cultivées. Or l’azote est relativement rare dans la biosphère sous ses formes réactives, assimilables par les êtres vivants (l’azote gazeux (N 2) qui constitue 80 % de l’atmosphère est inaccessible à la plupart des organismes vivants). L’apport d’azote aux sols agricoles, sous forme d’engrais de synthèse, de déjections animales, de fixation symbiotique par les légumineuses, ou de retombées atmosphériques, détermine en grande partie les rendements agricoles : la restitution au sol de l’azote qui lui est soustrait par la récolte des plantes cultivées est la condition sine qua non de la fertilité agricole (Billen et al., 2013). Enfin, l’azote est un élément extrêmement mobile dans la biosphère, sa forme réactive la plus stable est l’ion nitrate (NO3-), très soluble, mais il existe aussi de nombreuses formes d’azote réactif gazeux (NH3, N2O, NO, NO2). Les pertes d’azote sous ces différentes formes vers l’atmosphère et les hydrosystèmes sont donc importantes et sont à l’origine de pollution atmosphérique, d’effet de serre, de contamination des ressources d’eau potable, d’eutrophisation… (Sutton et al., 2013).

    4La description en termes de flux d’azote du système agro-alimentaire actuel de douze régions du monde (Billen et al., 2014) a permis de révéler l’interdépendance planétaire de ces systèmes où les flux de protéines originaires de quelques pays d’Amérique du Sud (Brésil et Argentine) et du Nord (États-Unis et Canada) alimentent massivement d’autres régions déficitaires en protéines pour l’alimentation animale (Lassaletta et al., 2014). Les flux de protéines transportés par le commerce international représentent aujourd’hui plus de 30 % de la production mondiale de protéines.

    5Cette spécialisation et concentration des productions agricoles à l’échelle des grandes régions du monde, définissant des zones exportatrices et d’autres importatrices, s’observent aussi au niveau national. L’examen à l’échelle des régions françaises des flux commerciaux d’azote contenus dans les denrées agricoles (Le Noé et al., subm) révèle une extrême spécialisation régionale de l’agriculture et de l’élevage, et des échanges commerciaux considérables de protéines végétales et animales (Figure 1). De ce point de vue, les régions montagneuses de la Savoie pourraient apparaître comme à l’écart de ces grands mouvements, mais elles ne peuvent s’en abstraire complètement, et nous verrons qu’elles y participent plus largement qu’on ne pourrait penser.

    6Le modèle de description des flux d’azote impliqués dans le système agro-alimentaire s’applique à toutes les échelles, celle de l’exploitation agricole ou de la commune aussi bien qu’à celle des régions du monde. Dans le cas d’Aussois, nous avons travaillé à deux échelles d’organisation : celle de « systèmes agraires exemples » révélateurs de l’évolution du système agro-alimentaire de la commune au cours du xxe siècle et celle du territoire communal tout entier. Notre matériel de départ a consisté dans des entretiens avec des agriculteurs (actifs et retraités) de la commune, que nous avons interrogés sur la « logique » de fonctionnement de leurs exploitations. Très vite, nous en sommes arrivés à comparer le système décrit par les retraités – système agro-pastoral très autarcique qui semble avoir dominé jusqu’au début des années 1960, avec celui décrit par les exploitants actuels. Les données résultant de ces entretiens (utilisation agricole et pastorale des sols, calendrier fourrager, rendements agricoles, cheptels et productions, etc.) ont été complétées par des recherches bibliographiques (Gallety, 1983 ; rapports techniques et économiques de la chambre d’agriculture, statistiques agricoles de 1906, Recensement général de l’agriculture en 1955, mémento de statistique agricole Agreste 2010, Observatoire des territoires de la Savoie).

    Image

    Figure 1. Flux d’azote transportés entre régions agricoles françaises sous forme de denrées alimentaires (pour l’homme et les animaux) en 2006. Le code couleur des régions renseigne la densité de cheptel animal (en UGB/ha de surface agricole). La figure montre le degré de spécialisation agricole des régions, soit vers la céréaliculture (bassin parisien, bassin aquitain), soit vers l’élevage (Grand Ouest) et l’importance des échanges nationaux et internationaux impliquant ces régions. La Savoie apparaît à l’écart des principaux flux qui caractérisent le système agricole français (d’après Le Noé et al., 2015).

    7La conversion en protéines et azote des chiffres fournis en tonnes par les statistiques agricoles s’est faite selon les tables de conversions compilées notamment par Lassaletta et al. (2014) (Tableau 1). En ce qui concerne le cheptel, nous avons utilisé la notion d’Unité Gros Bétail (UGB) telle que définie par le Comité d’Orientation pour des Pratiques agricoles respectueuses de l’Environnement (CORPEN, 1999, 2001) permettant de comptabiliser les bovins et les autres espèces en fonction de leur métabolisme azoté (Tableau 1).

    Les acteurs du système agro-alimentaire

    8Seule, l’analyse de la circulation d’azote servirait incomplètement l’étude du fonctionnement systémique de la commune d’Aussois d’un point de vue alimentaire. Nous avons reconstruit un régime alimentaire pour chaque période étudiée, complété par une estimation du volume et de la nature du peuplement. En complément des données bibliographiques (Gardelle, 1965 ; Jail, 1969 ; Guérin, 1972, Marnezy, 1979), des entretiens ont été réalisés avec différents acteurs impliqués dans les sphères du système alimentaire : anciens du village et leur vision des transformations du paysage commercial et alimentaire de la commune, employés et clients de la restauration (collective et privée) et des entreprises de distribution alimentaire locales.

    9Pour la période contemporaine, le développement des activités saisonnières de tourisme est capital : le tourisme modifie le peuplement, au moins pour quelques mois de l’année, et transforme de manière importante les pratiques d’approvisionnement et de consommation alimentaires moyennes des ménages et des entreprises aussoyennes.

    Les flux monétaires associés au système agro-alimentaire

    10Nous avons voulu aussi analyser la manière dont sont couplés ou non les flux d’azote et les flux monétaires, définir entre les deux lesquels sont moyens, lesquels sont moteurs. Cette question mobilisera sur le cas d’Aussois une analyse plus générale de la signification et du rôle social de la monnaie (Aglietta et Orléan, 2002). Nous qualifierons de « monnaie du lien », celle dont l’usage est celui d’un « commun » (Servet, 2015). Elle crée du lien entre les individus, comme entre les générations et permet une cohésion dans le territoire. Elle permet de suivre les échanges des individus et la promotion implicite de valeurs collectives associées, notamment les capabilités et l’autonomie1.

    11La monnaie, en relation forte avec les flux de matière, fluidifie les échanges et assure son rôle de réserve de valeur puisque sa détention permet de détenir des droits d’achat futur sur ce qui fait valeur dans le système.

    12Mais avec le développement de la finance, une « grande transformation » (Polanyi, 1944) est à l’œuvre : la finance ne sert ni ne suit plus l’économie.

    Tableau 1. Contenu en azote des principales productions, et comptabilisation du métabolisme animal en termes d’UGB

    Produit

     % d’azote contenu

    Céréales

    1.8

    Pommes de terre

    0.26

    Foin sec

    1.6

    Viande

    3.1

    Lait

    0.53

    Équivalent en UGB des animaux (1 UGB excrète 85 kgN/an)

    Espèce

    Équivalence UGB

    Vache laitière

    0.9

    Veau < 1 an

    0.2

    Génisse 1-2 ans

    0.6

    Génisse 2-3 ans

    0.8

    Brebis

    0.15

    Agneau

    0.05

    Chèvre

    0.17

    Poule

    0.01

    Lapin

    0.1

    Mulet

    0.83

    13Avec sans doute un certain délai par rapport à d’autres secteurs de l’économie, l’agriculture a subi ce mouvement. Les prix agricoles diminuent avec les innovations et les avancées que permettent les nouvelles techniques et pratiques agraires : les flux monétaires et les flux matériels sont de moins en moins liés et c’est l’argent qui guide aujourd’hui les productions agricoles. Dès lors, les deux grandes causes d’instabilité pour l’agriculteur sont la volatilité des prix et la dette. Nous analysons ces deux aspects pour mettre en lumière la spécificité d’Aussois.

    14La volatilité des prix agricoles fluctue au gré des surproductions ou pénuries (Dupré et Griffon, 2008). En période de bas prix et de surproduction, les agriculteurs ne sont pas incités à produire plus, et doivent vendre des quantités importantes de biens alimentaires pour obtenir la quantité de monnaie nécessaire à leurs besoins de base ; tandis que lorsqu’ils doivent vendre beaucoup en sacrifiant leur stock, ils contribuent à saturer le marché et à faire effondrer les prix. À l’inverse, lorsque les prix sont élevés, que l’offre est rare, que les stocks sont faibles, leurs opportunités de ventes diminuent. Les subventions à l’agriculture en Europe atténuent un peu ce mécanisme. Nous verrons sur le cas d’Aussois d’autres dispositifs qui permettent à ces régions d’échapper en partie à la concurrence d’un marché mondialisé.

    15Par ailleurs, l’endettement est historiquement source d’asservissement des agriculteurs (Graeber, 2013). L’économiste Minsky (1986) montre qu’en plus des schémas traditionnels, un nouveau type de dette se développe qui nécessite que les actifs eux-mêmes prennent de la valeur pour pouvoir rembourser la dette. C’est ainsi que l’accumulation de dette conduit à la crise. Pour les agriculteurs, ce mécanisme est amplifié par la variabilité des prix qui concerne aussi bien les dépenses que les recettes. Aussi, s’il peut exister des périodes de hausse des prix de vente, des périodes de baisse des prix de vente et de hausse des prix d’achat créent des effets de ciseau plongeant les paysans dans l’endettement, ne laissant pas d’autre possibilité que la prolétarisation ou l’exode. Nous montrerons ici aussi que le système agricole d’Aussois a échappé en partie à ce mécanisme.

    Un siècle à Aussois : les chiffres repères

    16La transformation radicale du système agro-alimentaire de la commune d’Aussois au cours du xxe siècle apparaît manifeste au simple examen des données statistiques relatives à la population et au nombre d’exploitations agricoles de la commune (Fig. 2). Durant la période de 1925 à 1960 précédant les grands travaux hydro-électriques et l’aménagement de la station de ski, Aussois compte de 350 à 500 habitants (sur un territoire de 42,6 km2) et une soixantaine d’exploitations agricoles. Autant dire que toute la population est concernée par l’agriculture. La taille moyenne des exploitations est d’une dizaine d’hectares (hors estives), avec moins d’un quart de terres arables. Même si l’élevage est dominant, la densité animale est faible avec 0,1 UGB/ha2 de surface agricole (0,6 UGB/ha, hors estives) (RGA, 1995, in Rambaud P., Vincienne M., 1964).

    17Aujourd’hui, la commune compte environ 650 habitants (INSEE, population légale 2011), et nous estimons que l’accueil des vacanciers équivaut, en demande alimentaire, à 1800 habitants permanents supplémentaires soit 2450 habitants. Les exploitations agricoles ne sont guère plus de cinq, utilisant à peu près la même surface agricole (400 ha, hors estives). L’agriculture de la commune a suivi une dynamique générale de concentration foncière, d’intensification et de spécialisation. Les terres arables ont pratiquement disparu et les exploitations se sont spécialisées sur l’élevage bovin laitier et ovin (Fig. 2). On compte aujourd’hui une densité animale moyenne supérieure à 0,4 UGB/ha (1,7 UGB/ha hors estives), retrouvant en cela le niveau de la fin du xixe siècle.

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    Figure 2. Évolution de la population, du nombre d’exploitations agricoles, de la surface agricole et du cheptel dans la commune d’Aussois depuis le début du xxe siècle. Sources : RGA 1995, in Rambaud P., Vincienne M., 1964 ; INSEE, population légale 2011.

    La période début xxe siècle-1965 : une agriculture agro-pastorale vivrière

    Fonctionnement général d’un système agro-pastoral vivrier

    18Les données issues de l’entretien avec un ancien agriculteur et la visite du musée de la commune consacré au mode de vie et aux productions et outils agricoles du début du xxe siècle, combinées aux données statistiques et bibliographiques, permettent de dresser un bilan relativement complet du fonctionnement d’une ferme agro-pastorale de cette époque. Notre système exemple est composé d’une famille d’une dizaine de personnes sur trois générations, exploitant une SAU de 22 ha. L’essentiel des surfaces sont composées de « prés bas » (10 ha) et de « prés hauts » (10 ha) pâturés et fauchés. Du fait du climat montagnard, les prés hauts ou alpages ne sont exploités qu’en été (juin à septembre) à partir d’une habitation temporaire. En plus des pâturages, la famille exploite dans la vallée 0,8 ha de terres arables, assolées en seigle, orge, avoine et pomme de terre, suivant une rotation où s’intercale une jachère tous les deux ou trois ans (Onde, 1937), ainsi qu’un potager d’environ 500 m2 (Fig. 3).

    19Le troupeau diversifié est composé de quelques têtes de bovins généralement de race Tarine (plus rarement d’Abondance), de quelques chèvres laitières et de moutons (de race Thônes et Marthod) pour fournir de la laine et de la viande. Caprins et ovins, du fait de leur taille réduite et de leur comportement alimentaire particulier, exploitent des zones d’alpage plus accidentées que les bovins et des ressources fourragères différentes. Ces animaux sont robustes, ils supportent à la fois une claustration longue en hiver et développent une bonne aptitude à la marche en alpages. Les ressources fourragères abondantes au printemps et en été permettent un pic de production de lait, qui est transformé en fromage de garde pour l’hiver. Des animaux de basse-cour accompagnent aussi la famille en alpages. Il y a des poules et des lapins ainsi que deux à trois porcelets qui sont engraissés à partir de résidus, au premier rang desquels le petit lait issu de la transformation fromagère.

    20Enfin, la famille possède un mulet, animal de travail essentiel au système de production. Il permet de monter le matériel nécessaire à la vie en alpage mais aussi de descendre les fromages et le foin stocké en grange pour l’alimentation du bétail en hiver. Cet animal est au centre du transfert de fertilité par l’intermédiaire de ce foin d’alpage consommé dans la vallée en hiver. Le fumier qu’il produit peut fertiliser prés bas, terres arables et potager. Le mulet permet aussi l’épandage et le labour des terres arables. Pour les familles les plus modestes, le mulet est parfois partagé. Sans ses capacités de trait, il n’y a pas de transfert de fertilité et pas d’autonomie d’exploitation et les paysans qui en sont privés deviennent ouvriers agricoles.

    21À l’échelle de la commune on retrouve ce fonctionnement avec, dans le recensement agricole de 1955, le même type d’utilisation des sols et d’étagement des pâturages. Les près hauts estimés à 2300 ha sont essentiels au fonctionnement agricole. Une dimension fondamentale de compréhension du système apparaît s’agissant des ovins en transhumance pour exploiter pendant quatre mois la ressource alimentaire abondante des alpages (Fig. 4). On compterait alors plus de 3200 ovins transhumants soit l’équivalent annuel de 96 UGB d’ovins. Si l’on ajoute à cela les ovins des différentes fermes, on obtient un cheptel ovin de 123 UGB du même ordre de grandeur que celui des bovins (114 UGB).

    Flux d’azote d’un système agro-pastoral vivrier et du territoire

    22Les figures 3 et 4 illustrent les flux d’azote liés aux pratiques agricoles décrites ci-dessus. Ces figures illustrent le rôle central des animaux dans le maintien de la fertilité des sols et la sécurité alimentaire des familles de la commune.

    23Les flux d’azote sont relativement réduits et localisés. À l’échelle d’une ferme type, les productions végétales, à 98 % sous forme de fourrage pour le bétail (y compris le mulet), s’élèvent à 558 kgN/an (26 kgN/ha/an) (Fig. 3). Les productions animales sont de 62 kgN/an (2,8 kgN/ha/an). Les entrées totales d’azote sont de 720 kgN/an (33 kgN/ha/an).

    24Les seules entrées d’azote sont la fixation d’azote par les légumineuses et les dépôts atmosphériques ainsi que l’importation d’azote via l’alimentation humaine achetée à l’extérieur de la commune. Les sorties d’azote sont les exportations de produits animaux (viande et fromage). L’efficacité de l’utilisation de l’azote est comprise comme l’ensemble de l’azote entrant (y compris l’azote destiné au mulet de trait) divisé par l’azote incorporé dans les produits animaux (viande et lait). À l’échelle de la ferme, cette efficacité peut être évaluée à 11 %.

    25Les prés hauts sont indispensables à l’alimentation du bétail par le pâturage en été mais aussi par les coupes de foin qui constituent la base de l’alimentation animale en hiver. Pour les fermes, on estime que 30 % du foin provient des alpages. Ce transfert d’azote des alpages vers la vallée par le foin, puis par le fumier accumulé en étable est essentiel au maintien de la fertilité des terres arables, du potager et des prés bas. Les terres arables sont destinées principalement à l’alimentation du mulet (plus de 60 %) et humaine (25 %).

    26Dans ce contexte montagnard avec des ressources limitées, l’élevage est au cœur de la production agricole et de la sécurité alimentaire, soit directement par l’autoconsommation de produits animaux, soit indirectement par le maintien de la fertilité des terres arables, des prés bas et du potager. La diversité des animaux ruminants et monogastriques permet de valoriser l’ensemble des ressources alimentaires locales (fourrage, résidus ménagers et issus de la transformation fromagère, etc.). Sur 73 kg d’azote produits par an pour l’alimentation humaine (62 kg d’origine animale et 11 kg d’origine végétale) près de 65 % sont autoconsommés et moins de 35 % sont vendus (Fig. 3). Les ventes concernent uniquement des produits animaux, principalement veau ou vache de réforme et fromage. Seuls 1,5 kgN/an (pâtes, pain, fruits, etc.) sont importés pour l’alimentation humaine et représentent 3 % de l’azote du régime alimentaire.

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    Figure 3. Les flux d’azote en kg/an d’un système agro-pastoral vivrier exemple (1925-1960).

    27La représentation du système à l’échelle du territoire communal d’Aussois (Fig. 4), élaborée à partir des statistiques agricoles disponibles, montre quelques différences par rapport à la ferme-type : les ovins en transhumance et les parcours de prés hauts sont proportionnellement plus importants, ce qui résulte d’une plus forte proportion de prés hauts (80 % contre 48 % à l’échelle de l’exploitation). Ceci conduit à des densités animales ainsi qu’à une production animale à l’hectare plus faible pour le territoire que pour la ferme type (1,1 contre 2,8 kgN/ha/an). Avec une production végétale de 18 kg/ha/an (contre 26 kg/ha/an dans la ferme type) l’efficacité d’utilisation de l’azote est également 30 à 40 % plus faible qu’à l’échelle de la ferme. Cependant les caractéristiques principales des deux systèmes sont les mêmes : faible flux d’azote, autonomie alimentaire de 88 % pour l’azote d’origine végétale et de 182 % pour l’azote produit par les animaux.

    28Ce système agro-pastoral vivrier conduit à un régime alimentaire familial riche en protéines animales (plus de 70 % de l’azote consommé est d’origine animale : viandes, charcuteries, fromages par exemple). Le régime alimentaire est constitué de 4,65 kgN/personne/an (3,4 kg d’azote animal et 1,25 kg d’azote végétal).

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    Figure 4. Les flux d’azote en kg/an du territoire (1925-1960).

    Flux monétaires du système agro-pastoral vivrier

    29Dans ces villages de montagne, ce sont les productions animales qui permettent l’accès à la monnaie. En effet, les fromages de grande taille à pâte cuite pressée se conservent longtemps et sont faciles à transporter. Ils sont vendus et expédiés vers les pôles urbains proches (Turin, Lyon) ou plus éloignés (Paris).

    30Au xviie siècle, de nombreux documents témoignent de la faiblesse des échanges commerciaux qu’implique une agriculture de subsistance comme celle de la région d’Aussois : « c’est la vente de fromage qui fournit presque seul l’argent nécessaire pour le paiement des impôts, l’achat du vin, de l’eau de vie et de quelques petits objets de luxe qu’ils font venir du dehors » (Viallet, 1993).

    31Les flux monétaires, bien que faibles, sont indispensables, notamment comme intermédiaires d’échange pour l’achat d’aliments non produits sur place ou de produits manufacturés. En tant que réserve de valeur, la monnaie permet aussi d’épargner. La substitution ou conversion partielle de stock d’azote (fromages, viandes…) en stock de monnaie est un élément de compréhension essentiel de cette société. Les entrées monétaires (Tableau 2) correspondent à la vente à la foire de Modane d’une vache tous les deux ou trois ans, de quelques moutons, de lait, fromage et beurre. Les sorties monétaires, qui incluent l'achat chaque année de deux petits cochons, d’une centaine de kilogrammes de féculents (châtaignes d'Ardèche, polenta et riz d'Italie), de sucre et sel et de six hectolitres de vin, représentent la moitié des dépenses annuelles. Fromages et viandes sont échangés contre des céréales : la spécialisation des territoires suivant leurs caractéristiques agro-écologiques explique ces échanges dans un rayon de moins de 200 km, destinés à obtenir une alimentation équilibrée. L’autre moitié des dépenses est consacrée aux dépenses non alimentaires courantes (impôts, frais scolaires, achat de vêtements) et exceptionnelles (grandes réunions familiales, divers outillages). Reste alors un flux net d’entrée monétaire qui en moyenne représente 40 000 francs par an et permet de renouveler le capital, d’assurer les risques d’exploitation et d’économiser. Pour les plus aisés, les économies assurent les provisions pour risque puisque la variabilité de la production est forte en agriculture de montagne et que les famines et disettes représentent alors un risque réel. Elles permettent aussi, tous les douze ans environ, l’achat du mulet de 100 000 francs (environ un quart de la marge monétaire dégagée chaque année).

    Tableau 2 : Estimation des entrées monétaires d’un système agropastoral vivrier exemple en 1950

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    32Pour cette première période étudiée, Aussois semble caractérisé par un régime agro-alimentaire largement autonome. Lors des échanges, les flux de matières de la ferme sont associés à des flux monétaires qui offrent une mesure relativement stable du prix de l'azote et s’articulent à différents niveaux d’organisation (ferme, commune, région) pour permettre une meilleure résilience du système agro-alimentaire en cas de crise.

    33C’est la relation forte entre l’azote contenu dans la matière achetée et le prix du produit qui révèle que la monnaie est réserve de valeur. L’investissement peut même être vu sous son rapport avec l’azote. Le mulet, investissement qui permet une capacité de récolte supérieure, et donc des stocks futurs d’azote, est valorisé par l’obtention excédentaire de monnaie qu’il permet. Cet excédent de monnaie, qui n’est pas immédiatement consommé, permet une épargne en partie destinée au futur investissement dans le prochain mulet. La monnaie dans le système agricole d’Aussois jusqu’en 1965 peut ainsi être vue comme un moyen d’échanger et un moyen de stocker, à plus ou moins long terme, de l’équivalent azote.

    La période 1965-2013 : un système pastoral spécialisé

    Fonctionnement général de l’approvisionnement alimentaire à Aussois

    34L’activité de la commune d’Aussois, comme celle de toute la vallée de l’Arc, est aujourd’hui centrée sur le tourisme. Le désenclavement de la région et de nouvelles opportunités de travail (construction des infrastructures hydroélectriques, métallurgie, ski, etc.), loin de provoquer un exode rural, ont permis une augmentation de la population communale et conduit à un accroissement considérable de la demande alimentaire liée à l’afflux de touristes (Gallety, 1983). Là où cinquante ans auparavant, une quasi autonomie alimentaire existait encore à l’échelle sinon de la commune, du moins de la vallée ou du département, un élargissement considérable de la zone d’approvisionnement du département de la Savoie s’observe aujourd’hui : le département ne subvient qu’à 45 % de ses besoins en protéines, et dépend pour le reste d’importations d’une grande partie du territoire national et de l’Italie (Fig. 5). Il est frappant par exemple que l’approvisionnement en viande du département, pourtant spécialisé en élevage, n’est assuré que pour moins d’un tiers à partir des productions locales (Fig. 5c).

    35Les enquêtes qualitatives montrent que les canaux d’approvisionnement alimentaire des particuliers autant que des entreprises (commerce, restauration hors domicile) débordent du cadre communal et même départemental ; la part de marché assurée par les produits aussoyens est marginale (Fig. 6). Comme l’ensemble des Français, les Aussoyens s'approvisionnent principalement en grandes surfaces (Casino et Intermarché de Modane et de Sollières-Sardière) et utilisent les supérettes d’Aussois en appoint (Proxi et Vival). Les grandes surfaces et supérettes, si elles mettent en avant certaines stratégies locales d'approvisionnement, n’en restent pas moins fortement liées à leur groupe respectif dont la politique d’approvisionnement est pensée au niveau régional et national. Au total, les approvisionnements émanent principalement de leurs centrales d'achats nationales à l’exception de quelques produits régionaux d’exploitations environnantes (vin, charcuterie, fromages). Si les articles vendus en magasins professionnels font une plus grande place aux produits locaux, ceux-ci correspondent à des volumes minimes. Les commerces de détail spécialisés (boucherie, fromagerie) sont principalement utilisés par les populations saisonnières (certains d’entre eux sont même fermés hors saison), mais ces commerces sont eux aussi principalement approvisionnés par des réseaux professionnels classiques (grossistes, marchés de gros). Les marchés de détail sont éventuellement fréquentés par les Aussoyens, mais ils sont peu fournis et ne présentent pas une offre très différenciée par rapport aux grandes et moyennes surfaces et aux commerces de bouche. Les restaurants des centres de vacances, relativement nombreux à Aussois par rapport aux autres communes de la vallée, font appel à des grossistes à l’approvisionnement national, à l’exception d’un grossiste en viande implanté à Modane et se fournissant dans la vallée. Ironie des stratégies d’approvisionnement à l’échelle nationale, le grossiste en produits laitiers qui dessert Aussois n’a pas de fromages produits en Savoie dans son catalogue.

    Céréales

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    Produits laitiers

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    Viande

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    Protéines totales dans les denrées alimentaires

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    Figure 5. Aire d’approvisionnement alimentaire de la Savoie en termes de protéines : fraction de la demande alimentaire fournie par les départements français en 2006 (base SITraM des transports de marchandises inter-départementaux, analysée par le logiciel Amstram (Silvestre et al., 2015). a. approvisionnement en céréales ; b. en produits laitiers ; c. en viande ; d. totale en protéines des denrées alimentaires.

    36L’analyse de l’offre touristique permet de déterminer que trois quarts des résidents saisonniers s’alimentent par les mêmes canaux d’approvisionnement que les Aussoyens. Néanmoins, du fait de l’activité touristique, la restauration participe au moins pour un quart au système alimentaire communal. Mais pour la restauration aussi, il apparaît que la part d'approvisionnement localisé est minoritaire (en volume) du fait d’une faible variété des produits disponibles (Fig. 6).

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    Figure 6. Modalités et acteurs de l’approvisionnement alimentaire à Aussois (d’après les enquêtes de S. Bognon et P. Marty).

    37Dans ce contexte économique dominé par le tourisme et une accessibilité élargie aux biens alimentaires, l’activité agricole minoritaire cesse de jouer un rôle vivrier. La production agricole est entièrement recentrée sur l’élevage, avec des productions certifiées (Appellation d’origine protégée – Indication Géographique Protégée) commercialisées dans l’ensemble de la France. La stratégie de spécialisation et de certification des productions est commune à de nombreux territoires de montagne, où l’agriculture n’a pas pu suivre les processus d’intensification des régions de plaine. En s’appuyant sur les contenus immatériels de l’agriculture, qui associent une spécificité de produits à un terroir, ainsi que sur des aides de la PAC spécifiques aux agricultures de montagne, l’élevage savoyard a su créer une plus-value, qui compense les difficultés inhérentes aux exploitations montagnardes. Si cette plus-value est ancrée dans le territoire, elle ne se réalise que par l’exportation des produits hors de celui-ci, et contribue donc à l’ouverture du système agro-alimentaire d’Aussois. Aujourd’hui, la production laitière est collectée et transformée par « Haute Maurienne-Vanoise », une des trois coopératives de la Maurienne productrice du Beaufort et de la Tomme de Savoie, assurant un débouché commercial et une plus-value importante aux exploitations. La production de viande ovine se fait pour l’essentiel sous le label « Agneau de Sisteron ». Même minoritaire en valeur produite, cette agriculture occupe la majeure partie du territoire de la commune. Au travers des produits certifiés par leur origine, elle participe à la réputation et à l’image du village auprès des touristes. Elle assure aussi une fonction d’entretien du paysage montagnard et l’ouverture du paysage indispensable à la pratique du ski.

    Flux d’azote à l’échelle du territoire

    38À l’échelle du territoire, les statistiques agricoles montrent une érosion des surfaces pastorales et agricoles (-60 %) liée à une déprise des zones les moins accessibles (prés hauts-62 %) ou difficiles à exploiter (prés bas-48 %). On constate qu’il y a une disparition totale de terres arables du fait de rendements très faibles (Fig. 7). Cette diminution des surfaces agricoles est compensée par des productivités importantes en herbe (36 kgN/ha/an aujourd’hui contre 18 kgN/ha/an en 1955) et des importations complémentaires d’aliments pour bétail (2900 tN/an). Le maintien de la productivité des pâturages est permis par l’importation d’azote minéral (35 tN/an, soit une moyenne de 33 kgN/ha/an). Les entrées totales dans le territoire atteignent 68 kgN/ha/an (soit 3,7 fois plus qu’en 1955).

    39Le cheptel a augmenté de 40 % pour atteindre 460 UGB et, combiné avec la diminution des surfaces, le chargement animal moyen est de 0,4 UGB/ha. Cependant le cheptel s’est réduit à deux espèces principales : bovin lait et ovin viande. Les productions animales s’élèvent à 5 tN/an pour le territoire, soit 4,4 kgN/ha/an (plus de trois fois plus qu’en 1960). Ces productions croissantes ne permettent toutefois pas de nourrir la population de la commune. Les productions ne correspondent qu’à 3,7 % de la demande d’azote d’origine animale et à 0,6 % de la demande d’azote d’origine végétale.

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    Figure 7. Les flux d’azote en kg/an du territoire aussoyen (2013).

    Flux d’azote d’un système pastoral spécialisé

    40À titre d’exemple, nous détaillons ici le fonctionnement, en termes de flux d’azote, d’une exploitation agricole actuelle réelle de la commune d’Aussois (Fig. 7). Cette exploitation est l’une des plus importantes et intensive de la commune. De ce fait, les flux d’azote ramenés à l’hectare sont plus importants que ceux calculés à l’échelle du territoire. Les résultats des deux échelles de calcul restent cependant cohérents.

    41La famille de l’exploitant est composée de deux adultes (dont l’un travaille à l’extérieur) et d’un enfant. La SAU est de 150 hectares répartis entre prés bas (50 ha) et prés hauts (100 ha), exploités par un cheptel d’une quarantaine de vaches, d’une centaine de brebis et d’une trentaine de chèvres.

    42Il n’y a ni terre arable, ni animal de basse-cour pour nourrir la famille. L’objectif principal est la commercialisation (99 % de la production est vendue). En effet, depuis les années 1960, trois facteurs limitants ont été levés : la force de travail grâce à la mécanisation (tracteur, matériel de fauche, traite mécanique, etc.) ; l’entretien de la fertilité des sols avec l’apport d’engrais synthétiques (correspondant à 25 % des apports d’azote) ; et l’importation de céréales pour l’alimentation du bétail (13 % des protéines des rations animales). Les prés bas apportent toutefois toujours l’essentiel de l’azote des rations animales (65 %), suivis par les prés hauts (22 %), conformément au cahier des charges de l’appellation Beaufort qui exige que l’alimentation des troupeaux soit assurée essentiellement par des fourrages (INAO, 2010).

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    Figure 8. Les flux d’azote en kg/an d’une exploitation pastorale spécialisée (2013).

    43La production principale est le lait destiné à l’élaboration de Beaufort (près de 150 000 L/an). Les productions animales sont de 7,2 kgN/ha/an, soit 2,5 fois plus que le système vivrier fourni en exemple pour la première période étudiée. Les entrées d’azote ont, elles aussi, fortement augmenté ; on les estime à 82 kgN/ha/an, soit 2,5 fois plus que le système vivrier. Ces chiffres montrent que la production par hectare a fortement augmenté. Pourtant l’efficacité de l’utilisation de l’azote reste dans les deux cas autour de 11 %.

    44Même si les apports d’azote restent limités dans l’exemple de système pastoral (de l’ordre de 40 kg/ha/an d’azote organique et 20 kg/ha/an d’azote minéral), ils peuvent engendrer des pollutions diffuses vers les eaux de surface. En effet, cette quantité d’intrants azotés sur l’ensemble de la SAU répartie à l’échelle annuelle tend à masquer des apports parfois considérables, épandages et déjections directes par le troupeau étant localisés dans l’espace et le temps. La période automnale et hivernale sans épandage possible est très longue et quand l’épandage devient possible, les surfaces susceptibles de les accueillir sont plus réduites que la SAU totale. Le fumier passe du statut de richesse indispensable au maintien du système à celui de problème environnemental à traiter.

    45En moins de cinquante ans, le système de production agricole s’est totalement transformé, spécialisé, ouvert sur l’extérieur. Sa liaison avec la consommation locale s’est totalement rompue.

    Les flux monétaires du système pastoral spécialisé

    46Le système pastoral spécialisé que nous venons de décrire reste très extensif comparé aux autres exploitations laitières françaises, notamment du fait de son utilisation faible d’intrants (aussi bien en ce qui concerne l’alimentation du bétail, que les engrais, le combustible, etc.), de ses densités animales faibles, de ses surfaces importantes en prairies et de la limitation de production de lait par vache (5000 L/an/vache). Un tel système résulte d’une production de lait à destination de la fabrication de Beaufort avec un cahier des charges encadrant la production afin de garantir la typicité du produit reconnue dès les années 1970 et la formation d’une plus-value. Le prix du lait de Savoie dépasse les cours nationaux de 20 à 30 % (Guérin, 1972). En contrepartie de la limitation de la production et des intrants, cette AOC valorise financièrement le lait produit. Le lait est en effet rémunéré de 550 à 660 € pour 1000 L, soit de 1,5 à 2 fois plus que la filière non certifiée. La vente de lait constitue 70 % du produit brut d’exploitation.

    47La disponibilité accrue de l’azote et son coût très réduit (aussi bien sous forme minérale que dans l’alimentation du bétail) font que ses flux ne déterminent plus la structure et le fonctionnement du système. Le prix de l’azote minéral a été divisé par cent en un demi-siècle. Ceci justifie largement que les flux monétaires ne puissent plus, aujourd’hui, être expliqués par les flux d’azote. Les flux d’argent comme valeur d’échange et de provision structurent l’ensemble du système. Ils assurent entièrement les risques de production et de marché même si dans le cadre de l’AOC ces risques sont limités. La productivité du travail a fortement progressé : alors que le nombre de travailleurs est passé de 6 à 1,2, la production a été multipliée par 173.

    48Pour la gestion financière, la caractéristique reste le fort autofinancement des exploitants avec un recours limité à l’endettement. Selon les études du Réseau d’élevage Rhône-Alpes-PACA, les charges liées aux amortissements et aux frais financiers représentent environ 25 % du total du résultat (Institut de l’Elevage, 2010). Les charges opérationnelles, presque inexistantes sur le poste fertilisation grâce à son utilisation modérée et à ses prix très faibles, ne représentent que 13 % du produit brut, moitié moins que les autres exploitations de la région. Les charges de mécanisation, malgré un coût d’acquisition élevé du matériel de fauche, restent limitées. Les aides représentent 26 % en 2009. Pour schématiser rapidement les études économiques disponibles sur les producteurs de lait Beaufort entre 2004 et 2012, le produit brut se situe autour de 100 000 € pour un excédent brut d’exploitation (EBE) de 50 000 € et un résultat courant de 25 000 €. Un capital d’exploitation correspond à environ six fois l’EBE soit 300 000 €. Nous avons recalculé ce que serait l’EBE de l’exploitation si le lait devait être vendu au prix du marché du lait ordinaire. Il apparaît que la robustesse du modèle économique repose entièrement sur la valorisation en AOC, avec un EBE de 2,5 à 5 fois supérieur par rapport à ce qu’il serait sans bénéficier de la certification.

    49Le secteur agricole actuel d’Aussois a donc échappé en partie à la domination des flux monétaires sur les flux de matière qu’on observe ailleurs. Il est vrai que la spécialisation, les subventions, l’outillage et le mode de vie ont diminué l’autonomie des flux de matière du système local précédent. Il n’en reste pas moins qu’un flux de matière échappe à la volatilité des cours mondiaux et permet la stabilité du système agricole. Grâce au mécanisme de la certification, le producteur peut incorporer dans le prix du produit les valeurs véhiculées par l’imaginaire associé au Beaufort (les contenus immatériels, bien identifiés par les consommateurs). Si cette démarche de certification est issue de la volonté de maintenir des exploitations dans les zones défavorisées, elle a permis et permet la durabilité de ce système agricole – sa pérennité semble cependant fortement liée aux subventions et à la robustesse des systèmes de certification. C’est une démarche éthique qui permet de refléter la valeur dans le prix en visant la pérennité et la durabilité d’un type de système agricole. À Aussois, flux de matière et flux financiers retrouvent en partie, par le Beaufort, une monnaie du lien.

    Discussion et conclusion

    50La comparaison du fonctionnement du système agro-alimentaire d’Aussois à deux périodes distantes d’à peine 50 ans montre le passage extraordinairement rapide d’un système autonome à un système ouvert dans lequel production et consommation sont totalement découplées l’une de l’autre. Le système agro-pastoral vivrier qu’ont encore connu dans leur jeunesse bien des habitants d’Aussois revêtait une large autonomie, sous au moins trois angles de vue : autonomie du système agricole tout d’abord, qui ne repose sur aucun autre intrant que la fixation symbiotique d’azote, gratuite et naturelle ; autonomie alimentaire ensuite, car la consommation des habitants, sans être entièrement autarcique, est très majoritairement assurée par la production locale. Tout cela conduit enfin à une très large autonomie décisionnelle et économique dans le sens où la société d’Aussois est gouvernée par ses propres lois et peu dépendante des chocs extérieurs. L’ouverture des cycles de matière et des marchés consécutive au désenclavement de la région lui fait profiter d’innovations techniques importantes (azote minéral, mécanisation, etc.) et conduit à une perte d’autonomie et à un découplage des cycles qui caractérisaient ce système fermé.

    51Cette dynamique s’accompagne aussi d’un changement radical du rôle joué par la monnaie. Elle est passée d’un instrument pour échanger des produits agricoles à l’échelle régionale et pour épargner en vue du renouvellement de l’outil de travail (le mulet) à un instrument d’échange sur le marché national et international et de dette. Jusqu'aux années 1960, la monnaie est intégrée au système agro-alimentaire et ce sont les flux de matières qui pilotent les flux monétaires. Le système financier est encore enchâssé, au sens de Polanyi (1944), dans l'économie. L’autonomie est l’objectif central du système agricole et de l’utilisation de l’argent. La monnaie n’explique pas cette société et les échanges économiques sont encore puissamment insérés dans les autres institutions sociales. Polanyi caractériserait cette société d’héritière des sociétés non marchandes. Aujourd’hui, les flux monétaires, y compris les subventions et les crédits, conditionnent les flux de matières et d’énergie. La part importante des flux monétaires et, dans une moindre mesure, des engagements de flux monétaires futurs via les dettes, caractérise une fragilité du système local face aux chocs extérieurs qui pourrait s’accentuer avec une augmentation du coût des engrais ou des compléments alimentaires du bétail. Il existe donc une externalisation du risque, du local au global. L’arbitrage en faveur d’une dépendance exogène accrue a été d’autant plus facilement réalisé qu’il a permis un niveau de confort et de richesses sans comparaison avec la période du passé.

    52Au total cependant, le système pastoral spécialisé qui s’est mis en place dans la région, s’il est entièrement dépendant des productions animales destinées à la commercialisation sur un marché extérieur, a contribué au maintien sur place d’un tissu économique. La certification par l’origine de certaines productions (Beaufort, Agneaux de Sisteron) est essentielle à la viabilité économique de ce système, puisqu’elle assure une stabilité des prix et des ventes nettement plus élevée que les filières ordinaires et tempère fortement le transfert du risque local vers le risque global. Ce système de certification, on l’a vu, est aussi porteur de liens et de valeurs.

    53Le maintien de l’élevage local joue aussi un rôle essentiel d’entretien des paysages, dont la fermeture progressive en l’absence de pâturage compromettrait lourdement les activités touristiques qui constituent l’autre pilier de la vie économique. Par ce rôle paysager, comme par la nature particulière de ses productions, l’activité pastorale participe de l’attrait touristique de la région. Il est à cet égard essentiel que les modes de production restent extrêmement respectueux de l’environnement. Le niveau de production doit rester strictement limité par les ressources fourragères locales. Les engrais minéraux encore peu ou pas utilisés jusque dans les années 1960, représentent désormais 30 % des apports d’azote totaux. Le fumier reste une source locale de fertilité des sols à gérer par de bonnes pratiques (Bonaudo et al., 2014) pour ne pas devenir un problème environnemental comme dans d’autres régions d’élevage intensif. Le maintien au plus haut niveau de la valeur symbolique attachée aux productions locales est la condition indispensable de la viabilité du système agricole local.

    Bibliographie

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    CORPEN, 2001, Estimation des flux d’azote, de phosphore et de potassium associés aux bovins allaitants et aux bovins en croissance, issus des troupeaux allaitants et laitiers, et à leur système fourrager. En ligne consulté le 2 septembre 2014 sur http://www.developpementdurable.gouv.fr/IMG/pdf/DGALN_2001_06_flux_bovin_engrais.pdf

    Cas types bovin lait Rhône-Alpes, rapport interne, Pôles d’Expérimentation et de Progrès (PEP), 2013. En ligne consulté le 2 septembre 2014 sur : http://www.pep.chambagri.fr/index.php/bovinslait-acces-auxressources/economie/452-cas-type-bovin-lait/427-castypes-bovin-lait-rhone-alpes, p. 6.

    Des systèmes d’exploitation à dominante laitière pratiqués en Rhône-Alpes et PACA : en haute montagne alpine : un système spécialisé traditionnel producteur de lait à Beaufort, rapport interne, Pôles d’Expérimentation et de Progrès (PEP), 2004. En ligne consulté le 2 septembre 2014 sur http://www.pep.chambagri.fr/mydms/pep_bovins_lait/file_4e708049df422.pdf, p. 6.

    Dupré D. et Griffon M., 2008, La planète, ses crises et nous, Paris, Atlantica.

    Fischer-Kowalski M. et Haberl H. (eds.), 2007, Socioecological transitions and global change. Trajectories of social metabolism and land use, Cheltenham, Edward Edgar.

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    Gardelle F., 1965, « La transhumance ovine entre les régions méditerranéennes et les Alpes en 1964 », Revue de géographie alpine, vol. 53, no 3, p. 449-477.

    10.3406/rga.1976.2041 :

    Gardelle F. et Gardelle C., 1976, « Histoire d'un alpage communautaire, l'alpage de Loriaz (Haute-Savoie) », Revue de géographie alpine, vol. 64, no 2, p. 185-205.

    10.3406/rga.1972.1278 :

    Guérin J.-P., 1972, « Les fruitières savoyardes (Savoie et Haute-Savoie) », Revue de géographie alpine, vol. 60, no 3, p. 453-466.

    Graeber D., 2013, Dette : 5000 ans d'histoire, Paris, Éditions Les Liens qui libèrent.

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    INSEE, Population légale d’Aussois en 2011. En ligne consulté le 2 septembre 2014 sur http://www.insee.fr/fr/ppp/bases-de-donnees/recensement/populationslegales/commune.asp?depcom=73023

    Institut de l’Elevage, 2010, Réseau d’élevage Rhône-Alpes-PACA, Des systèmes d’exploitation à dominante laitière pratiqués en Rhône Alpes et PACA, En haute montagne alpine, un système spécialisé traditionnel producteur de lait à Beaufort. En ligne consulté le 2 septembre 2014 sur http://www.pep.chambagri.fr/mydms/pep_bovins_lait/file_4e708049df422.pdf]

    10.3406/rga.1969.3392 :

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    Malassis L., 1997b., Économie agro-alimentaire, tome 2. Les trois âges de l'alimentaire. Livre 2. L'âge agro-industriel, Paris, Cujas, p. 376.

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    Rambaud P., Vincienne M., 1964, Les transformations d’une société rurale : La Maurienne 1561-1962, Paris, Armand Colin, p. 280.

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    10.1017/CBO9780511976988 :

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    Notes de bas de page

    1 Termes par ailleurs définis au chapitre 3 sur les créations de richesse.

    2 Pour comparaison, elle s’élève aujourd’hui en Bretagne à 2 UGB/ha.

    3 Une unité de main d’œuvre en 1960 produisait 10 kgN/an alors qu’elle en produit aujourd’hui près de 900 kgN/an.

    Auteurs

    • Bonaudo Thierry

      Maître de conférences à AgroParisTech et au sein du laboratoire SAD-APT. Il travaille sur la conception d’outils d’évaluation et de gestion environnementale multicritères des productions animales. Il s’intéresse plus particulièrement à l’analyse des interactions entre pratiques biotechniques, organisations de filières et impacts environnementaux à l’échelle des systèmes de production et des territoires. Il mobilise des cadres de réflexion de l’écologie scientifique et de la zootechnie. Les concepts d’agroécologie, d’écologie industrielle et territoriale et de services écosystémiques sont au cœur de ses réflexions.

    • Billen Gilles

      Biogéochimiste. Il a commencé sa carrière de chercheur à l’Université Libre de Bruxelles, où, en marge de ses activités en océanographie, il a publié en 1983 l’Ecosystème Belgique, un essai d’écologie industrielle. Devenu Directeur de Recherche au CNRS, affecté à l’UMR Metis (7619) à l’Université Pierre et Marie Curie, à Paris, il a consacré ses recherches à l’étude de la qualité des hydrosystèmes comme reflet des activités humaines, urbaines et agricoles, dans les bassins versant. C’est dans cet esprit qu’il a dirigé le programme PIREN-Seine de 1998 à 2007. Il travaille aujourd’hui davantage sur le fonctionnement des systèmes agro-alimentaires et leur durabilité.

    • Garnier Josette

      Directrice de Recherche au CNRS depuis 1984, est affectée au laboratoire Metis (UMR 7619) situé à l’Université Pierre et Marie Curie, à Paris. Biogéochimiste-écologue, elle a publié environ 140 articles répertoriés dans le « ISI Science Citation index » sur la qualité des eaux de surface en lien avec les activités humaines des bassins versants, dans une démarche interdisciplinaire. La contamination des eaux par l’agriculture l’a plus récemment orientée vers l’analyse des systèmes agro-alimentaires, présent et passé, afin d’imaginer et explorer par la modélisation, des scénarios pour une agriculture soutenable.

    • Barataud Fabienne

      Ingénieure de Recherche dans l’unité AgroSystèmes TErritoires Ressources (ASTER) de l’INRA-SAD sur les démarches de protection de l’eau. Elle analyse les systèmes de gouvernance autour des actions de protection de l’eau, les connaissances produites et mobilisées, et les types de solutions construites, dans une inscription territoriale large. Elle travaille également à la construction d’outils d’explicitation des représentations des acteurs pour favoriser des formes de médiation territoriale.

    • Bognon Sabine

      Docteure en Géographie et Aménagement du territoire. Sa thèse, intitulée Les transformations de l’approvisionnement alimentaire de la métropole parisienne. Trajectoire socio-écologique et construction de proximités, propose une vision interdisciplinaire de l’évolution et des enjeux à venir du système alimentaire parisien. Elle a approfondi ces questionnements sur le territoire normand à travers un contrat de recherche post-doctorale soutenu par le GIP-Seine Aval. Elle enseigne aujourd’hui à l’Ecole d’Urbanisme de Paris en qualité d’Attachée Temporaire d’Enseignement et de Recherche et est associée au laboratoire Géographie-Cités.

    • Marty Pauline

      Docteure en Géographie et Aménagement du territoire, chercheur associé au laboratoire Géographie-Cités. Sociologue et économiste de formation, elle mène des travaux à fort ancrage interdisciplinaire autour des relations ville-agriculture, des systèmes alimentaires (du local au global) et du métabolisme urbain. Elle conduit actuellement une expertise scientifique collective sur les dynamiques d’artificialisation des sols au sein de l’équipe DEPE de l’INRA.

    • Dupré Denis

      Enseignant chercheur en éthique, développement durable et finance. Spécialiste des risques financiers, écologiques et de la mise en œuvre des projets d’autonomie, il est l’auteur d’articles scientifiques et de 5 livres en économie financière, éthique et écologie dont le livre " la planète, ses crises et nous" écrit avec Michel Griffon en 2008. Il participe aux débats citoyens avec de nombreux articles dans la presse quotidienne. Ingénieur et philosophe, il a travaillé dans divers organismes bancaires avant d’enseigner à l’Université Grenoble Alpes et à l’Ensimag (Institut National Polytechnique de Grenoble). Il développe ses recherches au sein de l’équipe STEEP de l’INRIA et du laboratoire CERAG.

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    1 Termes par ailleurs définis au chapitre 3 sur les créations de richesse.

    2 Pour comparaison, elle s’élève aujourd’hui en Bretagne à 2 UGB/ha.

    3 Une unité de main d’œuvre en 1960 produisait 10 kgN/an alors qu’elle en produit aujourd’hui près de 900 kgN/an.

    Essai d'écologie territoriale

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    Essai d'écologie territoriale

    Ce livre est cité par

    • Magne, Marie-Angélina. Martin, Guillaume. Moraine, Marc. Ryschawy, Julie. Thenard, Vincent. Triboulet, Pierre. Choisis, Jean-Philippe. (2019) Agroecological Transitions: From Theory to Practice in Local Participatory Design. DOI: 10.1007/978-3-030-01953-2_4
    • Champollion, Pierre. (2020) Territorialization of Education. DOI: 10.1002/9781119751755.ch12
    • (2021) Territorial Ecology and Socio‐ecological Transition. DOI: 10.1002/9781119821373.refs
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    • Madelrieux, Sophie. Buclet, Nicolas. Lescoat, Philippe. Moraine, Marc. (2017) Écologie et économie des interactions entre filières agricoles et territoire : quels concepts et cadre d'analyse ?. Cahiers Agricultures, 26. DOI: 10.1051/cagri/2017013
    • Diemer, Arnaud. (2016) Les symbioses industrielles : un nouveau champ d’analyse pour l’économie industrielle. Innovations, n° 50. DOI: 10.3917/inno.050.0065
    • Buclet, Nicolas. Cerceau, Juliette. (2019) Interactions et rétroactions entre dimensions matérielle et immatérielle de systèmes communs de ressources spatialisés, une lecture par l’écologie territoriale. Développement durable et territoires. DOI: 10.4000/developpementdurable.13467
    • Lapostolle, Dany. Challéat, Samuel. (2019) Lutter contre la pollution lumineuse. VertigO. DOI: 10.4000/vertigo.26057
    • Bahers, Jean-Baptiste. Giacchè, Giulia. (2018) Échelles territoriales et politiques du métabolisme urbain : la structuration des filières de biodéchets et l’intégration de l’agriculture urbaine à Rennes. VertigO. DOI: 10.4000/vertigo.21609
    • Dermine-Brullot, Sabrina. Torre, André. (2020) Dossier « L’économie circulaire : modes de gouvernance et développement territorial » – Quelle durabilité pour le développement territorial ? Réflexions sur les composantes spatiales de l’économie circulaire. Natures Sciences Sociétés, 28. DOI: 10.1051/nss/2020034
    • Lapostolle, Dany. Challéat, Samuel. (2021) Making Darkness a Place-Based Resource: How the Fight against Light Pollution Reconfigures Rural Areas in France. Annals of the American Association of Geographers, 111. DOI: 10.1080/24694452.2020.1747972

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    Thierry, B., Gilles, B., Josette, G., Fabienne, B., Sabine, B., Pauline, M., & Denis, D. (2015). Chapitre IV. Le système agro-alimentaire. In N. Buclet (éd.), Essai d’écologie territoriale (1‑). CNRS Éditions. https://doi.org/10.4000/books.editionscnrs.28378
    Thierry, Bonaudo, Billen Gilles, Garnier Josette, Barataud Fabienne, Bognon Sabine, Marty Pauline, et Dupré Denis. « Chapitre IV. Le système agro-alimentaire ». In Essai d’écologie territoriale, édité par Nicolas Buclet. Paris: CNRS Éditions, 2015. https://doi.org/10.4000/books.editionscnrs.28378.
    Thierry, Bonaudo, et al. « Chapitre IV. Le système agro-alimentaire ». Essai d’écologie territoriale, édité par Nicolas Buclet, CNRS Éditions, 2015, https://doi.org/10.4000/books.editionscnrs.28378.

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    Buclet, N. (éd.). (2015). Essai d’écologie territoriale (1‑). CNRS Éditions. https://doi.org/10.4000/books.editionscnrs.28318
    Buclet, Nicolas, éd. Essai d’écologie territoriale. Paris: CNRS Éditions, 2015. https://doi.org/10.4000/books.editionscnrs.28318.
    Buclet, Nicolas, éditeur. Essai d’écologie territoriale. CNRS Éditions, 2015, https://doi.org/10.4000/books.editionscnrs.28318.
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