Chapitre II. Aussois et la Maurienne
Une approche par les trajectoires socio-écologiques, xixe-xxie siècle
p. 47-103
Texte intégral
Introduction
1Le territoire émerge de l’interaction physique et symbolique que les acteurs ont avec leur environnement. Autrement dit, le territoire se joue dans la relation concrète entre systèmes sociologiques et systèmes écologiques. Il se construit par les « relations éco-bio et socio-logiques qui sont à l’œuvre dans les écosystèmes humains »1 ; il peut ainsi être considéré comme un système socio-écologique, un système complexe et intégré qui émerge des interactions continues entre société et biosphère2. Pour Oström, le système des ressources, le système des utilisateurs, le système de gouvernance ont certes leur propre logique d’auto-organisation, mais interagissent en permanence pour produire des propriétés nouvelles à l’échelle d’un système socio-écologique complexe3. Le métabolisme territorial, c’est-à-dire l’ensemble des flux d’énergie et de matières mis en jeu par le fonctionnement d’un territoire donné, peut être considéré comme l’expression physique et localisée des interactions entre société et biosphère. Il définit un régime socio-écologique particulier4. Ce régime varie dans le temps et dans l’espace.
2Les travaux sur les dynamiques à long terme des systèmes socio-écologiques (long-term socioecological research) offrent un cadre conceptuel et méthodologique pour appréhender les différentes étapes de construction territoriale par la relation entre les sociétés humaines et leur environnement. Ils ont pour objectif de comprendre comment les caractéristiques des systèmes socio-écologiques conditionnent la gestion des ressources et comment elles sont amenées à évoluer dans le temps5. L’évolution des territoires peut ainsi être comprise comme une succession de différents régimes socio-écologiques qui se caractérisent par différents motifs d’interactions société-biosphère6. Un régime socio-écologique est défini par une séquence relativement stable de configurations socio-écologiques, là où les transitions socio-écologiques sont caractérisées par des changements rapides et profonds de ces mêmes configurations7. Pour Gunderson et Holling, les évolutions et les transformations des systèmes socio-écologiques sont guidées par une dynamique combinant changement et persistance, prévisible et imprévisible8. L’émergence d’une structure nouvelle ou d’un nouveau comportement peut ainsi renouveler la capacité du système à être résilient ou à s’adapter (Young et al., 2006). En outre, les changements technologiques, les développements économiques, les révolutions politiques ou encore la pénurie de certaines ressources peuvent avoir un impact décisif sur les interactions socio-écologiques au sein d’une région spécifique9.
3Les études socio-écologiques retiennent généralement, d’un point de vue macroscopique, trois régimes socio-écologiques fondamentaux caractéristiques de l’histoire de l’humanité : le régime du feu, le régime agricole et le régime industriel10. Cependant, des approches plus localisées montrent la grande variété des déclinaisons de ces régimes et des trajectoires socio-écologiques territoriales. La compréhension des interactions entre société-biosphère passe ainsi, et aussi, par celle de ces configurations locales. L’objet de ce chapitre est donc d’analyser une trajectoire socio-écologique montagnarde à l’ère industrielle, soit depuis le début du xixe siècle. Cette trajectoire est en fait plurielle, dans la mesure où elle porte à la fois sur Aussois (village peu documenté au xixe siècle), la Haute-Maurienne, et dans une moindre mesure la Maurienne « régionale ». Cette analyse multiscalaire s’est révélée riche d’enseignement, en permettant de montrer le rôle joué par Aussois à l’interface entre la Haute-Maurienne, lieu de pastoralisme, et Modane-Fourneaux, lieu emblématique de l’industrialisation. Ceci permet de montrer en quoi Aussois est à la fois un cas exemplaire de village de haute montagne et de la Haute-Maurienne en particulier, et un cas particulier par les interactions qu’il noue avec ces espaces voisins.

Figure 1. Aussois en Maurienne. Réalisation Sabine Bognon.
4Afin d’atteindre une compréhension socio-écologique de l’histoire du village d’Aussois et de ses environs, depuis 1800, nous nous appuyons sur des indicateurs qui témoignent des interactions entre la société locale et son environnement. Pour Haberl et al., la dynamique d’évolution d’un système socio-écologique résulte de l’action combinée d’une sphère de causation biophysique et d’une sphère de causation culturelle ou symbolique11.

Figure 2. Population, Haute-Maurienne, Modane-Fourneaux (échelle de gauche) et Aussois (échelle de droite), 1793-2013.
5La démographie apparaît comme un premier marqueur synthétique de l’évolution socio-écologique globale d’un territoire. En effet, le niveau de peuplement constitue un facteur crucial qui influence le type, l’intensité et la transformation des interactions socio-écologiques, et ce en termes de pression sur les ressources, ainsi qu’en termes d’occupation et d’utilisation des sols. Le niveau de peuplement ne peut être compris sans un certain rapport à l’espace qui constitue également un indicateur fondamental des interactions entre processus socioéconomiques et écologiques. Le périmètre spatial du peuplement évolue ainsi dans le temps, notamment par l’histoire des interactions (démographiques, économiques, etc.) que le village d’Aussois entretient avec les autres villages, avec la vallée de Modane et par-delà la frontière avec l’Italie. L’évolution socio-écologique des territoires s’avère fondamentalement multi-scalaire et suppose de mettre en évidence la façon dont le village se connecte aux autres espaces via les différents réseaux d’échanges qui se succèdent dans le temps (chemin, route, rail, autoroute).
6Cette connexion du village aux autres espaces se traduit également par l’évolution de l’origine des principales sources de revenus. Les mouvements migratoires constituent un indicateur des dynamiques socio-écologiques endogènes et exogènes qui provoquent le passage d’un régime à un autre. Ils sont généralement attribués à des causes économiques, sociales et/ou politiques. Plus récemment, des travaux ont mis en évidence l’impact des changements environnementaux sur les migrations humaines. Black et al. mettent ainsi en évidence comment les facteurs environnementaux interagissent avec l’ensemble des raisons économiques, sociales et politiques qui motivent la décision de partir de chez soi. Ils montrent par exemple que les changements environnementaux peuvent affecter les mouvements migratoires en transformant les conditions socioéconomiques de travail et d’existence12. Ainsi, les mouvements démographiques sont révélateurs des interactions socio-écologiques qui se jouent au sein d’un territoire.
7Le rapport à l’espace se manifeste également par l’utilisation et l’occupation des sols13. L’utilisation des sols se réfère aux raisons pour lesquelles les hommes interagissent avec l’occupation des sols. A l’interface entre ces deux notions, la fonction des sols désigne la capacité du milieu à fournir des biens et des services. L’analyse de l’évolution socio-écologique du village d’Aussois s’appuiera donc sur l’analyse de ces trois variables relatives à l’utilisation, l’occupation et la fonction des sols, comme autant d’indicateurs de l’évolution des interactions entre la société humaine et son environnement. La structure des activités socioéconomiques et de l’emploi, constitutifs de certains modes de vie, sont des indicateurs complémentaires à l’utilisation et l’occupation des sols. En effet, le type d’activités humaines influence l’intensité de l’utilisation et de la transformation de l’espace14.
8Un autre moyen de saisir les interactions socio-écologiques consiste à se concentrer sur les flux qui circulent entre la société et son environnement, autrement dit sur le métabolisme territorial. Parmi l’ensemble de ces flux, l’énergie apparaît comme une dimension déterminante de ce métabolisme. Pour Krausmann et Fischer-Kowalski, la disponibilité de l’énergie joue un rôle crucial dans la définition des limites à la capacité humaine à extraire, transporter et transformer les ressources15. L’identification des différents régimes énergétiques sera ainsi associée à celle des ressources mobilisées par les différents territoires analysés.
9Ce travail essentiellement historique repose essentiellement sur des sources imprimées, complétées, pour les périodes plus récentes, par quelques entretiens réalisés avec des ancêtres, gardiens de la mémoire collective du village. S’y ajoutent la littérature scientifique portant sur l’histoire et la géographie de la région, ainsi que la consultation des archives disponibles au musée d’Aussois. L’analyse a permis d’identifier quatre périodes socio-écologiques qui formeront la trame du chapitre.
Début xixe siècle-1860 : une apparente autonomie villageoise
10Perché à 400 mètres au-dessus des gorges de l’Arc, le village d’Aussois marque peu ou prou l’entrée de la Haute-Maurienne. Il est situé à près de 1 500 mètres d’altitude sur un petit plateau orienté au sud, et son territoire de 4 194 hectares s’étend au nord jusqu’à la tête d’Aussois et à la roche Chevrière et au sud jusqu’à l’Arc et un peu au-delà sur la rive gauche, dans la forêt qui entoure le ravin des Tannettes. Ces 51 limites ont peu varié depuis le xviiie siècle (figure 3). Lorsqu’Aussois passe sous le giron français en 1792, c’est une communauté affranchie16 de 322 habitants, dont la population semble décliner depuis le xviie siècle : elle comptait 800 habitants en 1630, 734 en 1650, 550 en 1770 et 389 en 177617. Situé sur « un ancien chemin de Modane à Suse18 » pratiqué notamment au xviie siècle, le village est à l’écart de la route du Mont-Cenis, qui passe, à partir du xviiie siècle, en rive gauche de l’Arc, au-dessus du torrent, et traverse Bramans avant de redescendre, quelques kilomètres plus loin, vers Termignon19. Ceci explique probablement pourquoi la littérature mentionne très rarement Aussois, qui restera longtemps à l’écart des vicissitudes infrastructurelles dont on verra l’impact sur plusieurs villages de la Haute Maurienne.
11La Maurienne, cette « bande longue et étroite, au milieu de laquelle est tracée la principale route de France en Italie, passant par le Montcenis20 », soit 200 000 hectares, est arrosée « par la rivière d’Arcq qui roule ses eaux bourbeuses et écumantes le long de cette route, qu’il traverse plusieurs fois21 ». Saint-Jean-de-Maurienne en est le chef-lieu. À l’orée du xixe siècle, elle compte 50 500 habitants dont environ 6 000 pour la Haute Maurienne qui couvre 75 299ha22. Cette population importante est associée à une mise en valeur très efficace des ressources.
12D’une façon générale, la période est marquée, après une brève décroissance qui suit l’annexion de 1792 et les « levées en masse ordonnées pour le salut de la patrie23 », par une augmentation importante de la population (déjà 60 801 habitants en 1829)24 qui concerne quasiment toutes les communes de la Maurienne, et celles de la Haute-Maurienne en particulier jusqu’à la fin des années 1840, à l’exception de Termignon dont la population diminue à partir de 1822. Cette croissance – qu’il faut probablement relativiser en raison de la variabilité des méthodes de recensement25 – est engagée peu avant le retour de la Savoie dans le royaume sarde en 1815. Dans les Haute et Moyenne-Maurienne, elle est essentiellement attribuée à un solde naturel positif (le taux de natalité y est de l’ordre de 30 ‰ pour un taux de mortalité de 24,5 ‰ pour la période 1810-1829), tandis que dans la Basse-Maurienne la natalité compense à peine la mortalité (respectivement 34,2‰ et 33,0 ‰)26. Deux maladies, le goître et le crétinisme, affectent la Moyenne et surtout la Basse-Maurienne, où sévissent aussi, vers l’embouchure de l’Arc, les fièvres intermittentes. La région est essentiellement agricole et pastorale, mais connaît ça et là quelques foyers d’industrie et est profondément transformée, en particulier pour les communes de la vallée, par la construction de la route du Mont-Cenis.

Figure 3. Aussois, carte, 1732. Avec l’aimable autorisation du Département de la Savoie, Archives départementales, C 2061.
L’importance des ressources renouvelables
13« Il s’y élève comme dans la Tarentaise, un grand nombre de troupeaux et même de bestiaux que les Piémontais achètent pour les revendre ensuite du côté de Gênes. On en tire une grande quantité d’étoffes de laines, du beurre et des fromages, dont les plus recherchés sont ceux de la commune de Bessans, dans les environs du Mont-Cenis. Les revers des montagnes, tournés au Nord, sont généralement couverts de forêts de sapins qui y atteignent une grande hauteur, tandis que quelques pentes exposées au Sud, produisent du vin, du froment, du seigle, des légumes, des amendes et autres fruits. On fait grand cas du vin de St.-Julien, commune située dans le voisinage de St.-Jean. On y élève aussi quelques chevaux et bêtes de somme27. » C’est avec ces mots que l’Annuaire statistique du département du Mont-Blanc pour l’an XIII (1804-1805) décrit la Maurienne, comme souvent comparée à la Tarentaise.
14Le point noir majeur de la région est constitué, au confluent de l’Arc et de l’Isère, par les « vastes marais qui rendent l’air mal sain, et dont l’influence se fait sentir bien avant dans la vallée, lorsque les vents du Nord y portent leurs exhalaisons28 », si bien qu’il faudrait les dessécher et donc « diguer l’Isère qui les inonde lorsqu’elle déborde, et qui est alors incoercible. […] ici l’humanité se joint à l’agriculture pour en recommander l’exécution29 ». Ces travaux sont effectués dans les années 1820 et célébrés à Aiguebelle par une fête30. L’autre danger qui frappe certaines communes est constitué par les éboulements et autres débordements de torrent, qui peuvent détruire en quelques minutes villages et terres arables : Alexis Billiet, évêque de Chambéry, cite ainsi les cas de Jarrier, Mont-Denis, Saint-Pierre-de-Belleville, Saint-Julien, Villarambert31, tandis que Joseph de Verneilh-Puiraseau, qui a été préfet du Mont-Blanc, mentionne La Chapelle : « Une avalanche de montagne y détruisit, il y a quelques années, une grande partie des terres cultivables ; ce qui ne fit qu’augmenter la misère des paysans.32 » Palluel signale quant à lui, près d’Aiguebelle, « un amas de rocailles qui s’éboulèrent subitement en 1750, et ensevelirent pendant la nuit un village considérable, nommé Randan33 ».
15D’une façon générale, les textes insistent sur l’efficacité du système agropastoral. Celui-ci repose sur une mobilisation optimale des sols : « le cultivateur des montagnes […] supplée, par son activité, à l’infertilité de son sol, et il sait mettre tout à profit pour améliorer sa situation. Chaque parcelle de terrain cultivable qu’il découvre sur le flanc des rochers, ou que la retraite des eaux et des glaciers lui abandonne, il s’en empare pour l’ajouter à son champ34. » En Haute-Maurienne, les cultures se composent principalement de seigle, d’orge, d’avoine35. La rareté de l’eau, en particulier à Aussois, a conduit à développer de vastes systèmes d’irrigation qui épousent, par leurs canaux, le parcellaire. Dans les communes les plus élevées, on sème le seigle en juillet et on le récolte quatorze mois plus tard - « trop souvent ces tristes récoltes périssent sous les neiges36 », signale Verneilh-Puiraseau. La moisson se fait à l’aide d’une petite faucille, et le seigle, lorsqu’il est bien cultivé, « rend dix à quinze fois la semence, et même quelquefois davantage, à ce qu’on prétend, si les circonstances sont très-favorables37 ».
Tableau 1. Cheptel, Maurienne, fin xviiie-début xxie siècle, nombre de têtes de bétail.

a y compris veaux et génisses
b 7 912 moutons et 28 606 brebis
c et menues bêtes à saler
d et grosses bêtes à saler
d sous-estimation d’après Verneilh-Puiraseau
e tous bovins.
Source : * Grillet J.-L., op. cit., vol. 2, p. 15 ;
** Verneilh-Puiraseau J. de, op. cit., p. 451-456 ;
*** Mahaut S., 1940, « La répartition des bovins dans les Alpes françaises », Revue de géographie alpine, vol. 28, no 2, p. 135-136 ;
**** DDT Savoie, « L’évolution du cheptel savoyard », en ligne, consulté le 13 mai 2015, http://www.observatoire.savoie.equipement-agriculture.gouv.fr/Atlas/3-cheptel.htm.
16Mais c’est bien sûr l’élevage qui domine dans les montagnes (tableau 1). Les « pâturages y nourrissent de nombreux troupeaux de génisses, de mulets, des veaux et des moutons achetés à Sallanches, à Beaufort et surtout au Bourg-S.-Maurice, que les Mauriennais revendent ensuite avec bénéfice aux foires du pays, et surtout à Suse et dans le Briançonnais38 » Conduits dans les alpages à la belle saison, ils passent l’hiver à l’étable, au village, chaque famille gérant son propre troupeau – qui peut se réduire à quelques têtes par foyer, comme à Aussois. Là, ils jouent un rôle majeur dans le régime énergétique puisqu’ils contribuent au chauffage de la maison grâce à la chaleur dégagée par l’étable. Le crottin de mouton séché permet en outre la confection des grobons mauriennais « qui brûleront l’hiver dans l’âtre. […] Pour ce qui est de la quantité, cinq ou six moutons fournissent les grobons nécessaires à une famille, à condition toutefois de pratiquer une sage économie et de n’allumer le feu que pour la cuisson des aliments39 ». Les forêts communales – soit 33 752 ha pour la Maurienne, contre 29 ha de bois impériaux au début du xixe siècle40 – complètent ces apports énergétiques fondamentaux en des temps où le bois se fait rare, du fait de sa surexploitation41. Les forêts sont de plus mises à mal par l’extension volontaire des pâturages, en particulier à Aussois pendant la période révolutionnaire42 ; en l’an V, les forêts y sont « ruinées en partie par les incendies43 », comme à Modane, Villarodin-Bourget et Albanne. En Haute-Maurienne, la situation est aggravée par les travaux puis la mise en service de la route du Mont-Cenis (cf. infra, § 1.3), qui « exigèrent un cube immense de bois prélevé d’autorité dans les forêts des communes les plus voisines44 ». Un peu plus tard, la construction des forts de l’Esseillon prive Aussois, Sollières, Bramans, Avrieux et Villarodin-Bourget d’une partie de leur ressource : dans chaque forêt, un canton leur est affecté à partir de 1826. Malgré la réticence des communes à fournir leur écot, « [l] es quantités de bois d’œuvre et de feu fournies livrées annuellement à l’Esseillon ne laissaient pas d’être fort considérables45 ». On comprend dans ces conditions l’importance de la chaleur animale pour les habitants de la Haute-Maurienne.
17L’agro-pastoralisme connaît alors une transformation majeure. Dans les dernières décennies du xviiie siècle, ceux que l’on ne qualifie pas encore d’agronomes insistent, notamment en Savoie, sur l’importance des assolements sans jachère, en faisant « sortir une grande quantité de fourrage des champs qu’on aura destinés au repos46 ». Alexis Costa, qui est l’auteur de ces mots, décrit alors les vertus du système de polyculture élevage qu’il estime, inspiré par l’expérience suisse, particulièrement adapté à la Savoie47. Verneilh-Puiraseau indique, dès 1807, que la méthode la plus utilisée pour l’assolement dans le département du Mont-Blanc consiste à « semer successivement autant de légumes ou de grains que la terre peut en nourrir après avoir été fumée, et ensuite [de] recommencer par l’engrais : elle est utilisée dans les parties montueuses48 ». La même année, Grillet écrit cependant : « [d] ans la haute-Maurienne, les possessions sont alternativement mises en culture49 ». Enfin, Pierre Tochon souligne à la fois l’importance prise par la culture de la pomme de terre après les très mauvaises récoltes de 181750, et la lente diffusion, depuis le texte de Costa, de l’assolement sans jachère51. Cependant, cette solution est limitée en Haute-Maurienne par ce qu’Henri Onde qualifie de jachère climatique. Elle s’impose en effet « tous les deux ans dans la majeure partie des communes, tous les trois ans à Aussois, tous les quatre ans à Bonneval52 », du fait de la rudesse du climat.
18Si l’ingéniosité agricole est louée, l’image de « [c]ette lugubre vallée, qui a besoin du printemps pour être supportable aux regards53 » et de ses villages est assez négative : en 1806, Auguste Creuzé de Lesser qualifie Termignon de « village hideux, comme tous ceux de ce pays54 » et dit de Lanslebourg que l’« [o]n n’y trouve rien de bon ni rien de propre55 ». Il n’en demeure pas moins que les ressources locales fournissent l’essentiel de la maison. Elle est faite de bois et de chaume56, de pierres et plus rarement d’ardoise : « La Maurienne n’offre que deux ardoisières en exploitation ; l’une à Saint-Julien, et l’autre à Villard-Gondran ; l’ardoise qui en provient est de qualité médiocre, et blanchit promptement à l’air. On extrait en outre des ardoises-badières en plusieurs endroits. Malgré l’abondance de l’ardoise dans cet arrondissement, […] on y trouve souvent, même près des carrières, des maisons couvertes de chaume, quoique les toits de cette nature soient à-peu-près aussi coûteux et beaucoup moins durables que ceux que l’on recouvriroit d’ardoises badières : obstination bien déplorable, si l’on considère la fréquence des incendies qui désolent ce pays !57 »
19Le vêtement est lui aussi produit localement. « On s’habille dans la Maurienne avec du drap fabriqué dans le pays ; les paysans ne se servent de drap étranger que pour broder leurs habits »58. L’hiver est en effet consacré à la fabrication des biens de première nécessité : « les Mauriennais qui passent l’hiver dans les montagnes, outre les soins qu’exigent leurs bestiaux, s’occupent à fabriquer des draps qui servent à l’usage du pays, à peigner le chanvre et à faire des sabots ; ils y vivent dans la plus grande sobriété avec du laitage et des biscuits d’avoine et de seigle. […]59 »
20Les effets de la révolution industrielle se font finalement sentir indirectement dans les Alpes qui deviennent un réservoir d’énergie (bois et charbon de bois) alimentant les systèmes industriels des villes périalpines. La révolution industrielle en marche en France va ainsi entraîner une coupe drastique des forêts communales et domaniales60. Par ailleurs, la Maurienne possède plusieurs gisements métalliques (fer, plomb argentifère, cuivre), exploités de façon plus ou moins régulière depuis plusieurs siècles et compte dès le début du xixe siècle quelques petits foyers et industriels.
De petits foyers miniers et industriels
21L’annexion de 1792 se traduit assez durablement par l’interruption de la difficile exploitation des gisements métalliques, si bien qu’en 1800, seule la mine de fer de Saint-Georges-d’Hurtières61, à l’entrée de la vallée, est exploitée : elle fournit 20 000 quintaux de fonte par an. Sauzay souligne que « [c]ette fonte est indispensable aux nombreuses forges d’acier du ci-devant Dauphiné, au-dessous de Grenoble ; et il est prouvé que sans le mélange de la gueuse du Mont-Blanc, on ne peut parvenir à faire le bon acier qui alimente les fabriques d’armes, de taillanderie, quincaillerie de Saint-Étienne, Lyon, Valence, Vienne et autres villes longeant le Rhône62 ».
22Au cours de la première moitié du xixe siècle, plusieurs mines de la vallée vont connaître des tentatives plus ou moins fructueuses d’exploitation. Certaines ont une activité saisonnière : elles emploient l’hiver les habitants de la vallée qui ne sont plus retenus par les travaux agricoles et pastoraux ; d’autres fonctionnent plus régulièrement, mais la main d’œuvre est généralement plus nombreuse en hiver qu’en été. Le minerai de fer spathique est extrait des gisements de Saint-Georges-d’Hurtières, les plus importants du département, déjà cités : 400 ouvriers en hiver, 50 en été, y sont employés63 ; il provient aussi, dans les années 1800, de la mine de Laprat dans la commune de Freney, et de Modane, dans la montagne située au sud des Fourneaux. Ces gîtes, qui donnent un « magnifique minerai64 », sont abandonnés en 1845, faute de charbon de bois en quantité suffisante65.
23Le minerai est travaillé dans les hauts fourneaux et par les martinets de la vallée : à Randans, Argentine, Épierre, les hauts fourneaux produisent la fonte à partir des produits de Saint-Georges ; le haut fourneau des Fourneaux reçoit ceux de Modane, et celui de Laprat ceux de la mine du même nom : « [l]e minerai se transporte des fosses à la fonderie, qui est à quatre heures de marche de-là. Ce transport se fait en hiver de la manière la plus économique, sur des traîneaux qui coulent sur la neige, en suivant une espèce de canal, que l’on y a pratiqué à cet effet.66 » La plupart de ces fourneaux ont un fonctionnement intermittent : ceux de Randans et de Laprat fondent quatre mois en deux ans, celui d’Épierre cinq mois, deux années sur trois, celui d’Argentine trois à quatre mois par an. La vallée compte aussi sept martinets pour la production de fer, dont deux sont arrêtés « afin de ménager les bois » et un autre « qui roule six à sept mois67 ». Tous utilisent du charbon de bois, et, pour l’aération, « le vent d’une trombe d’eau, suivant l’usage général du pays, où le système dispendieux des soufflets à forge n’est pas du tout pratiqué68 ».
24Au début du xixe siècle, le département du Mont-Blanc produit ainsi 653 tonnes de fer. « Près de la moitié est façonnée sur les lieux dans une cinquantaine de petits ateliers, presque tous situés dans le canton de la Rochette, en objets de taillanderie et de grosse quincaillerie, tels que tôle, socs de charrue, tridens, pioches, pelles, haches, poëles à frire, cuillers à pot, etc. Une partie de ces articles se consomme dans le département ; le surplus descend à Grenoble, d’où il s’expédie beaucoup pour Beaucaire.69 » S’y ajoute la fabrication des clous, dans les Beauges. Vernheil-Puiraseau note l’augmentation de la consommation de fer, non seulement en France mais aussi localement : « le laboureur ayant acquis plus d’aisance, veut avoir des instruments aratoires mieux conditionnés et mieux entretenus ; il fait cercler de fer les roues de ses charrettes ainsi que ses tonneaux qui n’étoient qu’en bois, etc.70 »
Tableau 2. Extraction du minerai de fer, Maurienne, début du xixe siècle (Source : Verneilh-Puiraseau J. de, op. cit., p. 484-486).
Nom de la mine | Ouvriers (nombre) | Quantités extraites (t minerai trié/an) | Rendement |
Saint-Georges-d’Hurtières | Hiver : 400 | 2 638 | 33 à 34 % |
Laprat | Hiver : 40 | 138 | 40 à 45 % |
Fourneaux | À l’année : 7 à 8 | 200 | 30 à 32 % |
25En 1829, une mine de plomb argentifère est mise en service à Saint-Jean-de-Maurienne ; elle est exploitée jusqu’en 1848 « à cause de la cessation de la veine métallifère71 », par un dénommé Degrandis. De grands espoirs étaient pourtant placés dans ce filon dont on a extrait, en vingt ans, près de 20 000 tonnes de minerai (figure 4) : c’est peu comparé aux 300 000 tonnes extraites des mines de Macot (découverte en 1807) et de Pesey (découverte en 1714), les deux principales de ce qui deviendra plus tard le département de la Savoie. Le schlich de Saint-Jean-de-Maurienne, fondu à Albertville, aura donné 200 kg d’argent et 450 tonnes de plomb72.

Figure 4. Extraction de minerai (échelle de gauche) converti en schlich (minerai écrasé, lavé et préparé pour la fusion) (échelle de droite), mine de plomb argentifère de Saint-Jean-de-Maurienne, 1829-1847, tonnes (Source : Pillet, 1851, p. 44-45).
26D’autres existent en Maurienne, dont l’exploitation semble plus chaotique ou plus tardive : la direction des mines royales fait explorer la mine des Sarrasins (située à 3 000 mètres d’altitude environ au-dessus de Modane) en vue de sa remise en valeur en 184973, elle est ouverte dans la foulée et donne 140 tonnes de minerai par an74. À la veille de l’annexion par la France, les mines en exploitation de la Maurienne sont ainsi en nombre non négligeable : pour le plomb argentifère, il s’agit des mines des Sarrasins (Modane), de Montchabert (Argentine), de Longerai (Bonvillard), de Revaux, à Saint-Léger ; pour le fer et le cuivre, de Saint-Georges-d’Heurtières (cinq exploitations), du Grand-Filon, de Sur-le-Freney (Le Freney), de Bessarte (Orelle), du Filon Neuf (Orelle), des Arplancs (Les Fourneaux), du Monio (Modane), de Cléry (Lanslebourg)75.
27Les regards se portent aussi vers les combustibles. En 1807, Verneihl-Puiraseau signale que « [l]’arrondissement de Saint-Jean-de-Maurienne possède aussi plusieurs mines de houille ; mais on n’y a fait presqu’aucune attention jusqu’ici. C’est toujours de la houille sèche enclavée dans un schiste argileux ou micacé ; les chaufourniers et les maréchaux commencent pourtant à en tirer parti76 ». Il ajoute : « [o] n en trouve quatre couches assez considérables, mais de qualité médiocre, dans la commune de Valloires, canton de Saint-Michel, au lieu dit Pissot, et vers le ruisseau du Poullet. À un quart d’heure au-dessus du pont de Saint-Michel, sur la rive gauche de l’Arc, on exploite depuis huit ou dix ans une mine abondante d’assez bonne qualité. Au-dessus du village des Fourneaux, canton de Modane, sur les bords du ruisseau qui descend du col de la Roue, on voit plusieurs affleuremens de houille, sur lesquels on a fait quelques attaques. On trouve encore de la houille sèche au col des Encombres, au-dessus de Saint-Martin-de-la-Porte, au Thil, et à Saint-Martin-outre-Arc, canton de Saint-Michel ; à Bonvilard et à Mont-Sapey, canton d’Aiguebelle, et en divers autres endroits.77 » L’intérêt pour les gisements d’anthracite de la Maurienne s’accroît ainsi et plusieurs filons connaissent un début d’exploitation : nous y reviendrons dans la section suivante.
28Plusieurs carrières sont aussi en exploitation : le marbre vert de Bessans considéré comme « le plus remarquable de la Savoie78 », un temps abandonné, les ardoises que nous avons déjà citées. Le développement des activités de construction, et notamment le chantier de la route du Mont-Cenis puis celui des forts de l’Esseillon entre 1819 et 1834 à Aussois – forts qui accueilleront 1 500 soldats –, entraînent le développement de la chaufournerie, grâce aux carrières de « Saint-Michel, le fort de Lesseillon et Saint-Martin d’Arc (Maurienne), [qui] fournissent des pierres à chaux grasse, à chaux maigre et à chaux hydraulique, qui ne laissent rien à désirer sous le rapport de leur qualité79 », et contribue à « l’épuisement des forêts de la haute Maurienne80 ».
29À ces activités extractives s’ajoute une activité industrielle relativement limitée : on compte 35 scieries81, huit tanneries ou corroieries et trois mégisseries en Maurienne au début du xixe siècle, qui sont alimentées par les peaux locales dont l’excédent est expédié à Annecy et Chambéry82. En outre, « [t]oute la laine ordinaire du pays se manipule et s’emploie dans le département. On compte dans la Maurienne et la Tarentaise environ 400 métiers de grosse draperie, à l’usage de la classe agricole. Les draps qui s’y fabriquent sont grossiers, mais chauds et presque imperméables, surtout ceux où la laine ne se trouve pas mêlée d’autres matières83 ». On fabrique ainsi 150 000 mètres de drap par an.
La route centrale de France en Italie : le rôle paradoxal des échanges
30Le métabolisme de la Maurienne reste essentiellement interne. Au sein des villages de montagne, et à Aussois en premier lieu, l’exploitation des ressources locales est optimisée, tout en étant inscrite dans des cycles biogéochimiques fermés. Quelques produits sont tirés de l’extérieur : la vallée fournit le vin84 et les outils, une partie des matériaux de construction ; un système d’échange existe donc entre haute, moyenne et basse Maurienne. Il ne faudrait pourtant pas en déduire que les villages de montagne, ou la Maurienne elle-même, vivent en quasi autarcie. Les échanges – sous la forme de flux de personnes, d’animaux et de matières – jouent en effet un rôle fondamental et contribuent à rendre le régime socio-écologique local soutenable. Ils se font soit avec la Savoie, soit de part et d’autre de la frontière (en particulier de 1792 à 1815), soit avec le reste de l’Italie (de 1815 à 1860) : les événements politiques orientent ainsi le métabolisme dans un sens ou dans l’autre.
31Ces échanges ne sont pas nouveaux, mais ils vont être amplifiés et accélérés par un fait majeur, la construction de « la route centrale de France en Italie85 » sous Napoléon Ier. Comme le remarque Grillet, « [l]’ancienne route, que suivent encore aujourd’hui quelques personnes à pied et les muletiers, montait directement de Lanslebourg à la Ramasse par un chemin très-pierreux et très-pénible, pratiqué en zigzag sur le penchant rapide de la montagne86 ». Quelques minutes de marche étaient encore nécessaires pour atteindre le col du Mont-Cenis. Ce chemin non carrossable se transformait en piste de traineau en hiver : « quand l’hiver, par ses neiges, a comblé tous les creux, et nivellé les inégalités de la montagne, les voyageurs descendent du Mont-Cenis à Lanslebourg, en 5 ou 6 minutes, sur un traineau, qu’un seul homme assis devant le voyageur, dirige avec une hardiesse et une habileté extraordinaires, c’est ce qu’on appelle se faire ramasser. De-là, les granges situées près du point d’où les traîneaux commencent à descendre, ont pris le nom de Laramasse.87 » Été comme hiver, il fallait donc, pour qui voulait passer en voiture, procéder au démontage de celle-ci à Lanslebourg, à son acheminement à dos de mulet, puis à son remontage de l’autre côté du col, à la Novalaise, et vice versa pour qui voulait se rendre en Maurienne. Ces particularités sont à l’origine d’une partie de la prospérité de Termignon, où l’on trouvait de nombreux muletiers et une grande activité commerciale liée aux échanges avec la Tarentaise par la route du sel et de Lanslebourg, village « presqu’entièrement habité par des aubergistes, des muletiers ou des porteurs. On y démonte les voitures avec beaucoup d’adresse et de célérité pour passer la montagne, après quoi on trouve à la Novalaise, de l’autre côté du Mont-Cenis, d’autres ouvriers qui les remontent avec la même adresse88 ».
32La nouvelle « route très-large et très-bien assise89 » est destinée à rendre le « passage praticable à l’artillerie et aux voitures les plus lourdes ; la montée du côté de Lanslebourg à la Ramasse se fait actuellement par six retours d’un quart d’heure chacun, et ayant une pente de cinq pouces par toise90 ». La traversée des Alpes qui prenait avant près d’une semaine peut dès lors se faire en deux à trois jours91. La route est achevée, pour la partie Lanslebourg-La Novalaise, en 1805, puis en 1813 pour le reste de la Maurienne92.
33Pour la Haute-Maurienne en particulier, trois types d’échanges entrent en jeu, en sus des échanges de proximité avec la vallée que nous avons évoqués plus haut. Le premier concerne directement le système agroalimentaire et d’abord les produits exportés, fromages et bestiaux. « Le 22 septembre toute la haute-Maurienne se rend à Suse pour y vendre les bestiaux que l’on ne peut hiverner93 », souligne Grillet. « La Tarentaise et la Maurienne fournissent aux boucheries du ci-devant Piémont, environ 20 mille bêtes à cornes, savoir 9 000 moutons ou brebis, 4 000 vaches et 7 000 veaux. Ces veaux sont vendus à l’âge de six ou huit mois ; les mêmes arrondissements peuvent fournir chaque année 5 ou 600 jeunes mulets qui ont été élevés dans leurs montagnes.94 » D’autres foires sont fréquentées qui permettent l’exportation vers d’autres régions de la Savoie des bêtes comme des fromages : « [l] es fromages persillés de Bassans, Lanslevillard et Bonneval, connus sous le nom de fromage du Mont-Cenis, sont très-recherchés en Piémont et dans la basse-Savoie ; les habitans de Termignon vont acheter aux Tignes, à Pralognan et à Bozel en Tarentaise, les gruyères qu’ils transportent en Piémont.95 » L’élève des mulets, à la fois indispensable à la vie en montagne et objet de commerce, s’inscrit lui aussi dans une perspective d’échanges inter-régionaux voire internationaux : ils sont achetés à l’âge de six à sept mois en Suisse ou Allemagne et poursuivent leur croissance « dans les hauts pâturages, où la bonne qualité des herbes et la pureté de l’air qu’on y respire procurent à ces animaux une constitution forte et vigoureuse. On en retient une partie pour les travaux, et l’on conduit l’autre aux foires pour les vendre, lorsqu’il en est temps. Dans les montagnes où l’on se sert de mulets pour les travaux de l’agriculture, ainsi que pour les transports, chaque cultivateur en tient ordinairement trois de différens âges : le plus âgé est employé aux ouvrages les plus pénibles ; on le vend après quatre ou cinq ans de service ; ensuite on le remplace par l’achat d’un jeune, qui grandit et se fortifie pendant que les deux autres supportent tout le poids des travaux96 ». Ces flux animaux et matériels sont faibles, en particulier à Aussois, si on les compare aux flux internes et au stock permanent que représente le cheptel. Ils sont cependant essentiels à la vie des villages.
34Le deuxième type d’échange est d’une autre nature, bien qu’il ne soit pas étranger au système agro-alimentaire. Il concerne l’émigration, temporaire, ou, plus rarement si l’on en juge par la croissance de la population observée, permanente97 des habitants des montagnes. Cette pratique existe déjà au xviiie siècle et « se continue toujours : la raison s’y trouve dans cette première de toutes les lois, la nécessité98 ». Verneilh-Puiraseau souligne pour la Maurienne que l’« [o]n n’y récolte pas assez de blés pour la subsistance de ses habitans, et ce déficit est augmenté par la circulation de la route d’Italie99 ». Les importations de céréales peuvent dans une certaine mesure combler ce déficit, qui est aussi « rempli par des produits d’une autre espèce, tels que le sarrasin, l’orge, l’avoine, la pomme de terre, la châtaigne et les gros légumes, sans parler de l’économie qui résulte des nombreuses émigrations périodiques. Par le moyen de ces ressources accessoires, on peut dire que le département est assez communément au niveau de ses besoins100 ». L’émigration hivernale rend ainsi viable le régime socio-écologique des villages de montagne, si bien que « [l]orsqu’à la fin d’octobre, les travaux de la campagne sont terminés, […] les habitans de la haute-Maurienne, tant de l’un que de l’autre sexe, passent à Turin et dans l’Italie septentrionale, où leur fidélité, leurs services et leurs mœurs douces et simples, les font par-tout rechercher101 ». La question se pose de l’ampleur de ces déplacements. Verneilh-Puiraseau cite le chiffre de 5 000 à 6 000 pour la Savoie avant la révolution française et souligne le déclin de cette pratique dans les premières années de l’annexion par la France, d’abord en raison du climat politique incertain. Il ajoute « qu’elles tendent à diminuer de plus en plus ; ce qu’il faut attribuer sans doute à plus d’aisance et de moyens d’occupation dans le pays, et à moins de chances de fortune au dehors, aussi bien qu’aux levées militaires102 ». Le mouvement semble néanmoins reprendre par la suite, et, à la fin de notre période, on trouve le chiffre de 4 500 personnes qui partiraient pendant cinq mois chaque hiver occuper des emplois de colporteurs ou de commissionnaires103. Combien sont-ils en Haute Maurienne ? Les chiffres fournis par Onde, qui portent sur une sélection de communes de Maurienne, montrent l’extrême variabilité de l’émigration temporaire (qui dans ce cas peut s’étendre de plusieurs mois à plusieurs années) : elle concerne néanmoins 15 % de la population en 1789, et 16 % en 1858 : autant de bouches qu’il ne faudra pas nourrir, autant d’entrées monétaires dans les ménages montagnards. Pour Aussois, les chiffres indiqués dans un premier tableau par Henri Onde donnent une population de fait (706) supérieure à la population totale (608), si bien qu’il n’a pas repris ces chiffres dans le tableau concernant l’émigration dont est tiré le tableau 3. Une hypothèse serait que les deux chiffres ont été inversés, ce qui donnerait un taux d’émigration de 14 % pour Aussois en 1858, contre un peu plus de 3 % en 1789.
Tableau 3. Population et émigration dans quelques villages de Maurienne, 1789 et 1858 (Source : Onde, 1942, p. 370).

* absents pour plus de six mois
** population « qui, bien qu’absente, est estimée n’avoir pas rompu tout lien avec le village et continue d’y posséder des biens » (p. 381-382)
*** le chiffre de la population de fait est supérieur à la population de droit : les archives utilisées par Onde doivent comprendre une erreur de relevé – malheureusement.
35« Le transit des marchandises de France en Italie, et réciproquement par le Mont-Cenis, les expéditions des marchandises vers l’Allemagne, la Suisse et Genève, par la même route, forment la principale ressource du Mont-Blanc104 », écrivait-on en l’an IX (1800), alors que la route impériale (puis royale) n’était pas encore en service. Son ouverture conduit au développement des fonctions commerciales et de transit de la vallée. Alors qu’on estimait à 1 500 tonnes le trafic de marchandises au col du Mont-Cenis en 1780, en 1810, ce sont 2 991 diligences, 14 037 chariots et 37 255 mulets chargés qui passent le col105 ; il faudrait bien sûr y ajouter les passages à pied. Le trafic ne cesse de croître dans les années qui suivent et atteint 30 000 tonnes de marchandises et 48 000 voyageurs en 1864106. L’effet de la route se fait très nettement sentir sur les villages qu’elle traverse, à l’exception de Termignon qui doit souffrir de la réduction des activités muletières et de portage et de la baisse de trafic de la route de la Tarentaise à la Maurienne (par le col de la Vanoise), qui permettait les échanges de sel et de fromage entre cette première vallée et le Piémont. Lanslebourg « explose » littéralement, et d’une façon générale, « [l]a population a augmenté d’une manière plus notable dans quelques-unes des paroisses situées sur la route royale, depuis Aiguebelle jusqu’au Mont-Cenis107 », note Billiet, qui ajoute aussitôt : « [i]l est évident que cet accroissement de population est dû au perfectionnement de la route de France en Italie et au développement du commerce.108 » Aussois se situe à l’écart de ce mouvement, mais bénéficie, d’après Folliasson, de sa prospérité pastorale et de la construction des forts de l’Esseillon où travaillent « de nombreux ouvriers109 ».
36Au cours du premier xixe siècle, le régime socio-écologique de la Maurienne se caractérise par son inscription dans les cycles biogéochimiques et l’optimisation, à travers l’agro-pastoralisme, de l’usage des ressources renouvelables locales ; le bois cependant marque des signes d’épuisement. La vallée est caractérisée par la présence de petits foyers industriels fondés sur l’exploitation de gisements locaux (minerai en particulier), principalement situés en basse et moyenne Maurienne. L’ouverture de la nouvelle route du Mont-Cenis accroît les échanges et contribue à l’essor des communes qu’elle traverse en haute Maurienne (à l’exception de Termignon). Aussois demeure à l’écart de ces transformations, et reste marqué par le pastoralisme et l’émigration temporaire, tandis que les forts lui apportent une prospérité relative. Son métabolisme est en grande partie interne, plus encore que ne l’est celui de la Maurienne.
1860-fin xixe siècle : des mutations par l’extérieur
371860 marque le retour en territoire français de la Savoie. Ce moment – que l’on ne saurait réduire à une année – est aussi, après une première phase d’adaptation liée à la réorientation vers l’est du territoire et aux droits d’entrée des produits en Italie, celui qui voit s’enclencher de profondes transformations dans la vallée de la Maurienne. Il se traduit de façon saisissante dans les courbes démographiques : la Haute-Maurienne entre dans une phase de déclin durable – à vrai dire enclenchée quelques années avant l’annexion par la France. D’une façon générale, le département de la Savoie se dépeuple (il passe de 275 039 habitants en 1861 à 254 781 en 1901). Dans l’arrondissement de Saint-Jean-de-Maurienne, tous les cantons perdent de leur population, à l’exception de ceux de Saint-Michel-de-Maurienne et de Modane, où cette commune et celle des Fourneaux connaissent une croissance sans précédent. Sans aller jusqu’à affirmer que la Haute-Maurienne se vide dans ces deux communes, car les mécanismes en jeu sont probablement beaucoup plus complexes, la comparaison des deux courbes est saisissante (figure 2). Aussois est dans une situation plus mouvante et sa population retrouve, entre 1886 et 1906, son niveau de 1858. Ces mouvements démographiques traduisent la tendance générale qui est à l’exode rural, mais aussi une situation très locale : le développement du chemin de fer et l’industrialisation y sont pour beaucoup.
Le chemin de fer : des échanges qui changent
38Si le premier xixe siècle a été marqué par l’ouverture de la nouvelle route du Mont-Cenis, c’est le chemin de fer qui marque le territoire à partir des années 1860. L’idée germe depuis les années 1840, alors que la Savoie est sarde, de relier la Maurienne au Piémont par un tunnel ferroviaire ; elle est entérinée par une loi votée en 1857110. Parallèlement est engagée la construction de la ligne reliant Chambéry à Modane, où devait être percé le tunnel du Fréjus (aussi appelé du Mont-Cenis car il remplace le passage par le col du même nom, mais ce tunnel passe bien sous le col du Fréjus). Cette ligne dessert Saint-Jean-de-Maurienne en 1856, Saint-Michel-de-Maurienne en 1862 et Modane en 1871.
39En attendant la mise en service du tunnel, un chemin de fer à rail central111 et à crémaillère reliant Saint-Michel à Suse par le col du Mont-Cenis est mis en service en 1868 par la Compagnie Brassey112 (figure 5). Cette « voie ferrée est établie sur le côté extérieur de la grande route des Alpes, occupant une largeur de 4 mètres au bord du précipice, et laissant un espace de 6 mètres pour la route ordinaire, largeur bien suffisante pour la circulation des voitures113 ». Les travaux, bien que destinés à un équipement temporaire, sont loin d’être anecdotiques : indépendamment de la pose des rails, ils comportent la réalisation de galeries sur 8,5 km en tout, afin de protéger la ligne des avalanches114. La locomotive Fell – qui doit son nom à l’ingénieur ayant mis au point ce type particulier de train à crémaillère – transporte d’abord les marchandises, puis, après avoir été testée avec succès pendant quelques semaines en mai et juin 1868, est ouverte au transport de voyageurs. Elle dessert sept stations : Saint-Michel, Modane, Bramans, Termignon (qui n’est qu’une halte), Lanslebourg, la Grand-Croix et Suse115. Elle fonctionne jusqu’au 16 octobre 1871116. Cependant, sa capacité réduite (50 tonnes de marchandises et soixante passagers) par la faible largeur qui lui est attribuée en limite l’effet et le chemin de fer Fell est « souvent mis dans l’impossibilité de réexpédier toutes les marchandises qui arrivaient à Suse ou à Saint-Michel, et, plus d’une fois, il a dû avoir recours au roulage pour ne pas voir ses quais et ses magasins encombrés117 ». Malgré les « très bons services118 » qu’il a rendus, « l’exploitation en a été ruineuse pour les actionnaires119 ».

Figure 5. La montée du train à rail central (Source : Figuier L., op. cit., p. 46).
40Les travaux du tunnel du Fréjus sont engagés en septembre 1857120 par la compagnie Victor-Emmanuel121 sous la direction de trois ingénieurs sardes, Sommeiller, Grandis et Grattoni. Le percement est l’occasion de nombreuses innovations techniques, parmi lesquelles l’utilisation de machines perforatrices à air comprimé, produit par des béliers compresseurs (figure 6), puis par des pompes à piston liquide, tous deux actionnés par l’énergie hydraulique. Les travaux sont entrepris de chaque côté de la montagne, et la rencontre se fait le 25 décembre 1870 « avec une déviation insignifiante d’un tiers de mètres122 », pour un ouvrage qui court sur 12 233 m et qui a occupé en permanence 1 500 à 1 800 travailleurs123 (figure 7). Le 12 septembre 1871, le premier train circule. Les premiers mois sont difficiles, mais dès 1873, le préfet de Savoie souligne que « [l] e service d’exploitation s’est amélioré depuis l’année dernière sur cette ligne. Les accidents et les grands retards sont devenus moins fréquents124 ».
41Le tunnel du Fréjus met Paris à 18 heures de Turin125, quand, si l’on en croit la description qu’en donne Louis Figuier, il en fallait déjà presque autant pour aller de Suse à Saint-Michel-de-Maurienne par la route126 et au mieux douze à quinze heures, et quatre à cinq heures par le chemin de fer à crémaillère127, pour un trajet de 80 km. C’est une révolution majeure à l’échelle internationale (comme pour la Maurienne, nous y reviendrons) : on va désormais de Londres à Alexandrie en 148 heures par Modane et Brindisi, contre 178 heures au mieux par Marseille128.

Figure 6. Installation des béliers compresseurs à Modane, avec une surélévation artificielle de l’eau (Source : Figuier L., op. cit., p. 129).

Figure 7. Chantier du tunnel du Fréjus : la sortie des ouvriers (Source : Figuier, op. cit., p. 161).
42Le tunnel du Fréjus remplit rapidement son rôle : en 1872-1873 le trafic de marchandise triple par rapport à celui de 1864 (tableau 4), celui de voyageurs augmente de 50 %. Malgré la concurrence du tunnel ferroviaire du Saint-Gothard qui ouvre une autre brèche dans les Alpes à partir de 1882, il ne cesse d’augmenter : en 1891, la ligne Saint-Pierre-d’Albigny– Modane transporte, dans les deux sens, 260 000 voyageurs et 384,4 millions de tonnes de marchandises129 - contre 1 500 tonnes cent ans plus tôt au col du Mont-Cenis.
Tableau 4. Trafic du tunnel du Fréjus, avril 1872-mars 1873 (Source : « Notice de M. Barbier (…) », op. cit., p. 33-40).
Marchandises (t) | Bétail (nb) | Voyageurs (nb) | |
Entrées | Import. : 30 584 Transit : 16 355 | 148 996 | n. p. |
Sorties | Export. : 104 802 Transit : 17 714 | n. p. | n. p. |
Total | 169 455 | n. p. | 71 754 |
43Cependant, alors que les routes avaient suscité la participation active des populations locales, le train annonce l’irruption du grand capital financier international. Le long du rail, c’est le début d’une industrialisation et d’une urbanisation liée aux transports, notamment à Modane. Celle-ci cumule les fonctions de station frontière et de ville spécialisée dans les services aux transports, d’une part, et celle d’agglomération industrielle. À l’instar d’autres villes alpines, elle se déconnecte progressivement du contexte régional en développement des échanges de marchandises privilégiées avec les grands centres de la plaine, marquant par là même un coup d’arrêt des liens de proximité avec les villes desservies par les petites routes de col130.
L’essor des industries extractives
44Alors que l’on souligne « [l]’extension que prend chaque jour le mouvement industriel de la Savoie131 », l’ouverture du tunnel est attendue avec grande impatience, puisque de lui dépend la mise en valeur des ressources de la Maurienne. Dans les années 1860, les textes sont très nombreux qui anticipent celle-ci, en particulier pour ce qui concerne les minerais métalliques et les combustibles fossiles.
45À Modane, la mine des Sarrasins est fermée en 1861 : le plomb argentifère contient trop peu d’argent, la main d’œuvre se fait rare du fait de la construction du tunnel132, mais on attend beaucoup des mines de fer : « [l] es fers de la Maurienne, grâce à la nature du minerai et à leur travail complet au charbon de bois, sont de qualité supérieure, et valent toujours 25 à 30 pour 100 de plus que ceux de la Haute-Saône ou de la Côte-d’Or, du Doubs et du Jura. Il n’y a pas de meilleure fonte pour l’acier.133 » En 1864, l’ingénieur des mines du département estime le gisement encore mobilisable à Saint-Georges d’Hurtières à 270 000 tonnes de minerai soit 100 0000 tonnes de fonte, correspondant à une quarantaine d’années d’exploitation134. Il ajoute que, les gîtes se continuant très loin, « [i] l reste donc à Saint-Georges assez de ressources pour alimenter pendant des siècles l’industrie sidérurgique du département135 ». Dans la mine de Modane, le minerai rend 42 à 45 % de fonte (contre 38 % pour Saint-Georges), « mais il n’est pas exploité aujourd’hui, et il est vivement à désirer que les deux usines en chômage de Laprat et des Fourneaux, situées à une très petite distance du tunnel, reprennent leurs travaux. Les charbons de bois, quoique plus rares que dans la basse Maurienne, y sont à aussi bon marché et peuvent suffire au roulement d’un haut fourneau. De plus, la construction du tunnel des Alpes aura pour double effet de leur fournir les charbons de bois abondants de Bardonnèche, et de déverser en Piémont les fontes propres à alimenter des usines à acier, dont cette partie de l’Italie est complètement dépourvue136 ».
46On pense aussi ouvrir une mine de cuivre ocreux à Cléry (Lanslebourg), où les « conditions d’extraction [sont] extrêmement favorables, puisqu’il est en quelque sorte à ciel ouvert »137, et des explorations voire des tentatives d’exploitation sont faites à Bonvillard (plomb argentifère, zinc, cuivre gris), à Montgelafrey (plomb argentifère et cuivre), Argentine (plomb argentifère)138.
47Le discours est assez similaire en ce qui concerne l’anthracite. L’heure est à la recherche de combustibles fossiles, ici comme ailleurs : « [l]e bassin anthraciteux de la Savoie est capable d’une production énorme et [que], abstraction faite de la nature du combustible, il le cède à peu aux bassins houillers, même parmi les plus importants de France139 ». C’est en Maurienne que l’anthracite semble voué à l’avenir le plus prometteur, grâce au « débouché très considérable »140 qu’offrira le tunnel. Bonjean note ainsi, en 1864, que « [l]e groupe de Saint-Michel (Maurienne), à cause de la difficulté des transports, n’a pu encore être appliqué en quantité notable qu’à la fabrication de diverses qualités de chaux, au chauffage domestique, pour la cuisson des mets dans les hôtels, et même pour la génération de la vapeur dans les chaudières. » Ces produits commencent à concurrencer en Savoie ceux de l’Isère, et « [l]’ouverture du chemin de fer de Saint-Jean-de-Maurienne à Saint-Michel contribuera grandement à faciliter cette concurrence141 ». S’y ajoute « Le groupe de Modane, exploité depuis quelques années seulement, [qui] donne des produits qui, jusqu’ici, n’ont servi qu’à la fabrication de la chaux, au chauffage domestique et au chauffage des ouvriers du tunnel142 ». En résumé, les mines d’anthracite « sont appelées, je crois, à prendre un développement très-important, par suite de l’ouverture du tunnel du Mont-Cenis143 » : ainsi s’exprime en 1875 encore le directeur des douanes de la Savoie, Barbier.
48Sur le terrain, la situation est un peu différente. Après une recherche frénétique de nouveaux gisements et de nombreuses explorations dont témoigne le rapport annuel de l’ingénieur des mines inséré dans les rapports du conseil général de la Savoie, les résultats sont, au mieux, mitigés. « Les conditions économiques des mines de la Savoie laissent beaucoup à désirer144 », lit-on en 1898. C’est vrai aussi et surtout pour la Maurienne.
49Du côté du minerai de fer, la Maurienne est confrontée à une série de problèmes majeurs. Le principal gisement, celui de Saint-Georges-d’Hurtières, fait l’objet d’un long conflit entre les divers exploitants et entre ceux-ci et l’État. Dans les années 1860, ces mines autrefois gérées comme un bien communal ont cinq exploitants145. Et les héritiers des exploitants originels s’estiment en droit d’en réclamer la propriété ou, au moins, la concession. Au pire, ils souhaitent que la situation soit régularisée sous la forme de cinq concessions distinctes, ce que l’inspection des mines refuse, arguant du fait que la rationalisation de la production passe par un concessionnaire unique146. En conséquence, l’activité décroît d’année en année : elle était de 6 000 à 7 500 tonnes de minerai au début des années 1860147, tombe à 1 480 tonnes en 1867148, 375 tonnes en 1871149. La reprise est temporaire en 1872-1873 du fait de l’augmentation du prix du fer, et une solution s’annonce en 1877 lorsque la société du Creusot décide de reprendre l’exploitation150. Las, après quelques années d’embellie, la production redevient insignifiante, voire nulle à partir de 1896.
50Parallèlement, les autres tentatives de mise en valeur de gîtes se soldent par des échecs, car les débouchés locaux ne suivent pas. On ne peut plus guère produire de fonte au charbon de bois : celui-ci est devenu trop rare et donc trop cher151. La transformation en acier est elle aussi impossible, du fait de l’absence de houille152. Après avoir affirmé en 1864 que « notre intérêt est de subordonner la fabrication du fer à celle de la fonte, de consacrer toutes nos ressources forestières à la réduction du minerai pour exporter les fontes sur les bassins houillers153 », l’ingénieur des mines de la Savoie constate, trois ans plus tard, que « l’ancienne industrie de la fonte au bois ne peut guère espérer de revivre en Haute Maurienne154 ». Il penche alors pour l’exportation du minerai brut, « dans les usines du centre ou du sud-est de la France155 ». Mais cette solution se heurte à la concurrence, exacerbée par les difficultés d’accès aux mines et de transport des produits : les « excellents minerais de la Haute Maurienne »156 ne sont plus exploités à partir de 1877157.
51En ce qui concerne l’anthracite, la situation est légèrement meilleure, mais beaucoup moins radieuse que prévu. Dans les années 1860, les mines les plus actives de Savoie se situent aux environs de Saint-Michel-de-Maurienne (notamment Plan d’Arc, Châtelard, Chapelu)158 ; s’y ajoute bientôt le site des Fourneaux dont les exploitants pensent bénéficier de l’ouverture du tunnel159. Le village de Thyl exploite, pour la consommation de ses habitants, la mine de Beaurevard, plus tard celui de Valloire fait de même, et l’on signale d’« insignifiantes extractions d’anthracite dans la Haute Maurienne160 », qui ne font pas l’objet de concessions. Immédiatement après l’ouverture du tunnel du Fréjus, les exploitants déchantent : la gare de Modane n’est pas ouverte à la petite vitesse et au transport de marchandises, si bien que les exploitants des mines des Fourneaux et autres voisines de Modane doivent transporter leurs produits à Lapraz ou Saint-Michel afin de les charger sur des trains qui repasseront par Modane161. « Le défaut d’ouverture de la gare de Modane aux expéditions dont il s’agit équivaudrait, d’après M. l’Ingénieur en chef des mines, à la suppression, au point de vue industriel, de la partie est du bassin de Saint-Michel ; elle rendrait à peu près nulles les concessions accordées sur le territoire des Fourneaux, en 1871, ainsi que les dépenses d’aménagement déjà faites dans l’une d’elles.162 » En outre, la question se pose du tarif préférentiel accordé aux charbons de la Loire et de Saône-et-Loire qui par conséquent « arrivent à Turin, malgré l’excédent de parcours, avec des frais de transport à peine supérieurs163 ». Les tractations ultérieures semblent concluantes : la gare de Modane est ouverte à la petite vitesse en mars 1872164 et des tarifs sont négociés à plusieurs reprises.
52Cependant, le marché de l’anthracite demeure très fragile. En effet, les mines de Maurienne donnent un produit de piètre qualité et « la quantité de poussière provenant de l’extraction, qui s’élève à environ 40 % de la production, empêche l’exploitation de ces mines d’être bien rémunératrice, ces menus ne trouvant que peu ou point d’emploi dans l’industrie165. De fait, l’emploi en est limité : « [d]ans les basses vallées et dans les villes, on l’emploie pour la cuisson de la chaux, du ciment et des briques, pour le chauffage des foyers de cuisine, usage qui tend à se répandre surtout dans la Haute-Maurienne166 ». En définitive, « [l]a production de ces mines n’augmente guère qu’avec les crises qui sévissent sur les mines de houille167 », et le marché de l’anthracite demeure entièrement dépendant de celui du charbon. Le débouché des usines à chaux de l’Ain, très important vers 1890168, se tarit à partir de 1895 face à la concurrence des charbons de La Mure169 et du coke des usines à gaz de Lyon170. La production annuelle moyenne de la Maurienne est ainsi de l’ordre de 12 000 tonnes entre 1860 et 1900 – deux fois moins qu’espéré (figure 8).
53Trois autres industries extractives marquent cette période et se portent mieux que les deux précédentes en Maurienne : il s’agit des ardoisières, des carrières de gypses et des carrières de calcaire à chaux hydraulique. Ces dernières, situées aux environs de Saint-Michel (au Pas-du-Roc) puis à Saint-Julien et à Modane, connaissent une envolée avec les travaux liés au chemin de fer et aux constructions qu’il engendre, puis se maintiennent. Les carrières de gypse sont très actives principalement à Saint-Jean, mais aussi à l’Échaillon, à Bramans171, Aiguebelle, Randens. L’usine de plâtre de construction et de sulfate de chaux de la société Christillin frères et compagnie, à Saint-Jean, est dotée d’une roue hydraulique de soixante chevaux et de six fours ; c’est, dans les années 1870, la plus importante du département172. À la fin du xixe siècle, le plâtre de Maurienne se vend jusqu’en Amérique173.

Figure 8. Extraction d’anthracite, Maurienne et Savoie, 1859-1936, quintaux. D’après : Rapports et délibérations du Conseil général de la Savoie.
54On ne donne pas cher des ardoises de Maurienne dans les premières décennies du xixe siècle. En 1871 encore, l’ingénieur des mines du département signale que « [m]alheureusement la qualité inférieure de ces ardoises s’oppose au développement de leur emploi et par conséquent des carrières qui les produisent174 ». Louées à leurs exploitants par les communes qui y trouvent une source de revenus, elles se développent néanmoins à partir des années 1860, tirées par le chemin de fer (elles emploient plus de 260 ouvriers en 1864)175. Les principales d’entre elles se trouvent à Saint-Julien et La Chambre, et dans une moindre mesure Montricher et Villargondran. De façon à favoriser l’écoulement des produits d’une multiplicité d’exploitations, un syndicat d’ardoisier est créé qui pérennise l’activité. L’utilisation de zéonifères, câbles aériens très en vogue dans les pays montagneux, se développe : « l’avantage qui en résulte est très grand : moins de frais, beaucoup plus de rapidité et facilité d’en descendre des quantités relativement considérables : (30 à 40 000 par journée).176 » Dans les années 1880, elles sont exportées en Italie, Angleterre, Allemagne et Amérique entre autres177.

Figure 9. Production d’ardoises, Maurienne et Savoie, 1860-1910, milliers. D’après : Rapports et délibérations du Conseil général de la Savoie.
55Les activités de production se développent elles aussi et marquent, aux côtés des industries extractives, cette première phase d’industrialisation de la vallée. « La Savoie avait depuis longtemps un assez grand nombre de petites fabriques, où l’on faisait pour la consommation locale d’assez grandes quantités de pâtes [alimentaires] de deuxième qualité178 », note Barbier en 1875. L’utilisation de machines perfectionnées, à plus fort rendement, permet l’augmentation des capacités de production et la diversification des produits. C’est le cas à Saint-Michel-de-Maurienne notamment, dans les établissements Maglia, qui produisent 400 kg de pâtes alimentaires par jour grâce au travail de neuf personnes et « à une roue hydraulique qui est alimentée par la rivière de l’Arc, qui ne tarit jamais179 ». Le blé vient de Marseille, et les pâtes sont vendues dans la vallée. Les scieries mécaniques se développent aussi, Randens accueillant l’une des plus grandes du département en 1869 : « Placé, en effet, sur une voie ferrée importante, alimenté par une force motrice qui ne lui manque jamais, il [l’établissement] se trouve dans les conditions les plus favorables pour acquérir une rapide extension dans ses débouchés et sa production.180 » Il emploie une turbine de 15 chevaux, associée à une roue hydraulique de quatre chevaux, qui permettent le fonctionnement de trois scies à rubans. Trente ouvriers y travaillent toute l’année. On y produit en particulier du bois de chaise – 1 000 à 1 100 m3 par an – pour Paris, Lyon, Toulouse181. La mise au point des pâtes à bois dans les années 1860 entraîne un déplacement de l’industrie papetière vers les régions boisées et abondamment pourvues en eau et en énergie hydraulique182 : une première fabrique ouvre à Saint-Étienne-de-Cuines, près de la gare de La Chambre, en 1872 ; elle emploie huit personnes et produit de la pâte mécanique grâce à une turbine de 70 chevaux. 750 tonnes de bois donnent 150 tonnes « de pâte blanche et brune pour papier de pliage », écoulée « dans les papeteries de Chambéry, d’Annecy, des Échelles (Isère), de Pontcharra (Isère) et de Villeret-sur-Loire (Loire)183 ». Les papeteries du Mont-Cenis (Matussière et Forest) ouvrent treize ans plus tard à Modane, suite au rachat par un industriel des installations de production d’air comprimé du tunnel du Fréjus.
56Cette première phase d’industrialisation est ainsi marquée par l’importance des industries extractives, associée notamment à la première transition énergétique de l’ère industrielle (charbon et, ici, anthracite), ainsi que par une première génération d’industries tirées par l’énergie hydraulique dont l’utilisation de plus en plus fréquente des turbines augmente le rendement mécanique. Ces mines, carrières et fabriques emploient un nombre croissant d’ouvriers, bien qu’elles soient de taille encore modeste. On compte au maximum quelques dizaines d’employés par établissement, ce qui est déjà beaucoup pour la vallée de la Maurienne.
La Haute-Maurienne sacrifiée ?
57Le dynamisme de la Basse et de la Moyenne-Maurienne – indéniable, même s’il n’est pas toujours suivi des résultats escomptés – se fait dans une certaine mesure au détriment de la haute vallée dont nous avons vu la baisse démographique. Le modèle de subsistance y demeure voisin de celui qui a été décrit pour la période précédente : agro-pastoralisme, métabolisme très localisé malgré des échanges avec l’aval et l’Italie. Cependant, les mutations engagées dans les territoires riverains ont un impact non négligeable sur la Haute-Maurienne. L’ouverture du tunnel, qui réduit le nombre de passages par les cols, enclave cette partie haute de la vallée, désormais mise à l’écart des échanges internationaux.
58Dès 1868, Charles Boissay anticipait cet effet, et proposait de maintenir « (au moins entre Suse et Modane, sur une longueur de 62 kilomètres) le chemin Fell, même après l’achèvement du grand railway. Dans cette section, les deux chemins suivent une route entièrement différente. Le chemin Fell entretiendrait un peu de vie à Lanslebourg, que le tunnel va ruiner184 ». Les édiles sont conscients de la situation. En 1872, une pétition est adressée au ministre de l’Agriculture par les maires de Modane, Aussois, Avrieux, Villarodin-Bourget, Sollières-Sardières, Bramans, Lanslebourg, Lanslevillard, Bessans et Bonneval, appuyée par le conseil général et la commission départementale de la Savoie, demandant que leur territoire soit déclaré zone douanière et donc exempté des droits d’importation pour les produits venant d’Italie. « Pour justifier cette faveur, les pétitionnaires exposent que, depuis le percement du Mont-Cenis, l’industrie du roulage, qui faisait vivre cette partie du pays, est complètement ruinée ; [que] les habitants trouveraient un grand soulagement à leurs maux s’ils pouvaient tirer du Piémont, sans payer de droits, les denrées alimentaires et les produits industriels dont ils ont besoin.185 » Cette demande est refusée au motif que cette exemption de droits relève d’accords internationaux dont la maîtrise n’est pas du ressort de ce ministre. Les effets se font rapidement sentir et de Lanslebourg on peut lire, en 1892, « [l]e pauvre petit village se ressent, comme Thermignon, de l’abandon des voyageurs et des routiers186 ». De plus, la Maurienne paraît à l’écart de l’essor touristique connu par les grandes et moins grandes stations qui se développent dans les Alpes187. L’industrialisation croissante des Basse et Moyenne-Maurienne accentue davantage la différenciation socioéconomique de la Maurienne : la Haute Maurienne doit désormais se tourner vers l’ouest.
59Dans ce paysage du déclin et de l’enclavement, la commune d’Aussois semble relativement épargnée, comme l’a montré J. Folliasson188. Après la brusque chute de population qui suit le rattachement à la France (que l’on pourrait mettre sur le compte de la variation des méthodes de recensements si l’on ne regardait pas la suite de la courbe), elle voit sa population croître de nouveau pour retrouver son niveau de 1858. Cette situation très particulière a à nouveau des raisons militaires. Après 1860, il faut retourner les forts de l’Esseillon qui doivent désormais défendre la France, ce qui nécessite entre autres la construction d’une route dont les travaux s’achèvent en 1872 : autant de résidents temporaires. En 1889-1891, de nouveaux travaux militaires sont entrepris avec la construction d’une route stratégique sur le flanc de massif des Arponts (soit 14 km jusqu’à la Loza, à 2 360 m d’altitude). Aussois a ainsi 709 habitants dont 186 hommes de troupe en 1891, et la présence militaire se maintient jusqu’à la Première Guerre mondiale (195 soldats sur 717 habitants en 1906, 39 soldats en 1911)189. Il n’en demeure pas moins que Modane et Fourneaux commencent à jouer un rôle de « foyer tout proche et tout puissant190 » : en 1876, déjà 30 Aussoyens y ont émigré, et en tout 245 habitants de la Haute-Maurienne191.
60Le régime socio-écologique de la Maurienne est profondément transformé par cette première industrialisation. D’un côté, les Basse et Moyenne-Maurienne constituent des foyers extractifs et productifs, très marqués par les ressources locales, qu’elles soient énergétiques (hydraulique, anthracite) ou minérales (métaux, ardoises, plâtre, pierre à chaux). Elles se caractérisent également par la croissance et la rapidité accrue des échanges que permet le chemin de fer : le métabolisme de ce territoire est de moins en moins localisé. De l’autre côté, la Haute-Maurienne, transformée par l’extérieur, entre dans une période de déclin démographique et d’enclavement : sa trajectoire socio-écologique commence à lui échapper. Aussois semble se maintenir, notamment grâce à la présence militaire.
Début xxe siècle-années 1960 : une modernité venue de l’hydroélectricité
61L’industrialisation des Alpes, la création d’emplois à l’usine et dans le réseau de services urbains liés notamment au transport dessinent un nouvel âge du peuplement alpin. Les pôles de croissance sont les vallées industrielles où la population croit par immigration dont on distingue deux formes : l’immigration pendulaire liée à la persistance du modèle de vie ouvrier paysan, d’une part, et l’immigration permanente liée à son abandon au profit d’un emploi salarié et à la recherche d’une proximité entre habitat et emploi. La population rurale décroît, entraînant un contraste majeur entre les zones de désertification dans la montagne paysanne et les pôles de croissance diversifiés autour des villes et des vallées industrielles192. Pour autant, les guerres mondiales vont entraîner une augmentation de ces phénomènes migratoires. De temporaire, l’émigration des villages ruraux vers les vallées industrialisées devient définitive à partir de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Aussois n’échappe pas à la règle. À partir de 1906, l’exode rural entraîne une baisse considérable de la population du village : entre 1906 et 1936, elle baisse de plus de moitié, et se maintient autour de 330 habitants jusqu’en 1975, à l’exception d’un pic au début des années 1950 dû à la construction des barrages.
62Entre les deux guerres, Saint-Gobain, le chemin de fer et les PTT attirent les Aussoyens qui partent s’installer dans la vallée. Mais les Aussoyens migrent également au-delà de la vallée, vers l’Argentine, le Maroc et l’Algérie. Ces départs définitifs n’entraînent pas tant un vieillissement de la population (les adultes constituent encore 51 % de la population, contrairement aux autres villages de Haute Maurienne qui connaissent une accentuation du vieillissement de leur population) qu’une augmentation du célibat. Ce célibat touche notamment les femmes qui essayent d’échapper « au dur labeur des alpages qui font vivre la moitié de la population193 ». Les guerres mondiales n’affectent pas directement la démographie du village. En 1940, le village est évacué, bêtes et gens, pendant un mois et demi. En revanche, le début de la construction des barrages à la veille de la Seconde Guerre mondiale va engendrer, nous le verrons, d’importantes modifications dans la commune194.
La vallée de l’aluminium
63« En considérant le développement qu’elle est appelée à prendre et les conséquences qui s’en sont déjà maintenant dégagées, on peut déjà tenir l’utilisation de la houille blanche pour un des éléments qui sauveront la montagne195. » Le tournant du siècle est en effet marqué, pour la Maurienne, par une nouvelle phase de développement industriel fondée sur l’électrochimie et l’électrométallurgie. Les premières usines, alimentées par des conduites forcées, s’installent le long de l’Arc dès les années 1890 : usine Calypso au confluent de l’Arc et de la Valloirette (1890), usine de Prémont à Orelle (1891), usine de La Praz en amont des premières (1893), usine d’Épierre (1897)196. La période 1902-1914 est ensuite marquée par un développement accéléré, les nouvelles usines s’installant généralement en aval des premières (établissements de La Saussaz, Argentine, Saint-Jean-de-Maurienne, Montricher, La Corbière, Mizgier)197. Pendant et après la guerre, deux nouvelles usines sont établies : celle du Temple à Saint-Michel, celle de Saint-Gobain en amont de Modane198. On y fabrique de l’aluminium, des ferro-alliages, du carbure de calcium, de la fonte et de l’acier. L’aluminium consomme une grande partie de l’énergie hydroélectrique : les huit usines qui y sont consacrées en Maurienne « emploient, aux hautes eaux, le tiers de la puissance en kilowatts utilisée par toutes les usines des Alpes199 ». La production de carbure de calcium, celle des ferro-alliages sont quant à elles à l’origine d’une augmentation de l’extraction locale de calcaire et de l’ouverture de carrières de quartzite. Au total, au début des années 1920, les flux de matières mis en jeu par ces industries dans les Alpes représentent 750 000 tonnes en entrée et 360 000 tonnes en sortie, dont environ un cinquième pour la Maurienne : la production de déchets industriels (solides, liquides ou gazeux) représente plus de la moitié des matières premières. « Pour certaines usines d’aluminium et d’alliages, la proportion est de 1 à 4. […] Les matières pondéreuses d’entrée se transforment à la sortie en produits légers et chers200 », note Raoul Blanchard, qui se félicite de ce beau résultat qui a pour effet de concentrer matériellement le chiffre d’affaires. La circulation est nationale voire internationale à l’amont comme à l’aval quand il s’agit des matières premières et des produits fabriqués, tandis que les émissions locales engendrent une pollution longtemps ignorée de l’eau et de l’air, provoquant la dégradation des forêts mauriennaises201. Si le problème est signalé dès 1910, il n’attire l’attention des forestiers qu’à partir des années 1940 et s’aggrave continûment, si bien que François Plagnat affirme en 1971 qu’« [i]l s’est généralisé et est devenu catastrophique depuis une époque assez récente, 1956 environ202 ». La gravité et la portée du problème augmentent, et touchent désormais « jusqu’à la limite supérieure de la végétation forestière203 » : le dépérissement est généralisé.
64Si ces entreprises représentent le gros de l’activité industrielle, d’autres productions se maintiennent : c’est en particulier le cas de la papeterie du Mont-Cenis. Celle-ci consomme une partie de l’anthracite local, dont l’exploitation périclite néanmoins dans les années 1920 et qui est temporairement supplanté par l’anthracite de la Tarentaise (figure 8, § 2.2). De même, l’exploitation des ardoises, concurrencée par les produits d’Angers, est mise à mal par les conflits internes au syndicat de producteurs, dissous en 1899204, et que tente de sauver en vain le conseil général de Savoie205. Il n’en demeure pas moins que les Basse et Moyenne-Maurienne ont subi une transformation majeure, si bien que « [t]oute la vallée est […] bordée d’installations industrielles occupant une importante main-d’œuvre, et qui lui valent une physionomie spéciale ; nulle part le terme de rue d’usines n’est mieux approprié206 ».
65Cependant, si le développement de la houille blanche débute par le développement hydroélectrique au fil de l’eau, le manque de capacité de stockage va rapidement poser des difficultés aux industriels. L’aménagement de réservoirs hydrauliques d’altitude va apporter une solution pour régulariser les débits et faire face à leurs variations et à celles des besoins journaliers. Dès les années 1910, des équipements hydroélectriques pionniers sont aménagés sur l’Arc et ses affluents : « chute d’Avrieux » entre Bramans et Avrieux (1919), La Christine (1930), Bissorte (1935), Saint Michel (1942). En 1921, la Société Hydro-Électrique du Piémont effectue un premier aménagement du lac situé en contrebas du Col du Mont-Cenis. La construction d’une digue et deux petites centrales permet de turbiner ces eaux à Gran Scala et à Venaux207. En 1939, un projet de barrage au Plan d’Aval sur la commune d’Aussois, préparé par l’AFC (Alais, Froges et Camargue, futur Pechiney), est interrompu par la Seconde Guerre mondiale208. L’exploitation de la ressource hydroélectrique s’accentue dans la vallée dès les années 1950 avec la construction en rive droite des barrages de Plan d’Aval et Plan d’Amont dans la commune d’Aussois (1950 et 1956), et la dérivation de l’Ecot vers la retenue de Tignes sur l’Isère (1959). Ces travaux viennent accroître les possibilités de stockage et de fourniture d’énergie à la demande. Ils permettent notamment d’alimenter la soufflerie transsonique du site de l’ONERA (Office national d’études et de recherches aérospatiale), créée par les Allemands au cours de la Seconde Guerre mondiale afin d’expérimenter leurs bombes volantes, et récupérée en 1945 par la France à titre de dommage de guerre.
66Ainsi, grâce au potentiel énergétique considérable de l’Arc, la Maurienne a bénéficié jusqu’au début du xxe siècle d’une « rente de situation209 ». La vallée de la Maurienne devient une vallée de l’aluminium par excellence.210 « Au début des années soixante, les Grandes Alpes de Savoie présentaient tous les traits d’une région mono-industrielle. L’électrochimie et l’électrométallurgie y régnaient sans partage. Les petites entreprises métallurgiques étaient, pour la plupart, dans leur dépendance exclusive et semblaient devoir en suivre les destinées.211 » Le réseau ferroviaire, électrifié en 1915, constitue également un levier considérable pour l’industrialisation de la Maurienne.
67Les conséquences démographiques de l’industrialisation de la Maurienne sont considérables et multiscalaires : le besoin en main-d’œuvre est grand et dépasse largement celui de la première phase d’industrialisation. Ainsi, en 1906, l’usine Calypso emploie 200 ouvriers, et déjà 308 en 1924212. Blanchard indique que la main-d’œuvre locale devient insuffisante à partir de 1902213. En effet, « [l] e rayon d’attraction ne peut guère s’étendre au-delà d’une heure et demie de marche ; or, une heure et demie de marche, en montagne, ne représentent pas une grande distance214 ». S’y ajoute que les montagnards, occupés pendant la belle saison, recherchent un emploi saisonnier.
Tableau 5. Émigration des Hauts-Mauriennais à Modane-Fourneaux, 1876-1936.
1876 | 1911 | 1921 | 1936 | |
Bonneval | 0 | 4 | 2 | 4 |
Bessans | 0 | 9 | 11 | 11 |
Lanslevillard | 1 | 7 | 24 | 15 |
Lanslebourg | 85 | 32 | 37 | 27 |
Termignon | 10 | 19 | 21 | 33 |
Sollières | 29 | 75 | 63 | 49 |
Bramans | 41 | 78 | 65 | 62 |
Aussois | 30 | 87 | 67 | 55 |
Villarodin | 25 | 49 | 70 | 60 |
Avrieux | 24 | 36 | 22 | 32 |
Total | 245 | 396 | 382 | 348 |
Source : M. Jail « La Haute-Maurienne. Recherches sur l’évolution et les problèmes d’une cellule montagnarde intra-alpine », Revue de Géographie Alpine 57(1), 1969, p. 112.
68L’effet est double : d’une part, l’immigration de voisinage, d’autre part l’immigration étrangère. Une enquête réalisée en 1925 montre ainsi que la population ouvrière de la Maurienne est constituée à 53 % de Français (dont 80 % des environs) et à 47 % d’étrangers, parmi lesquels 71 % d’Italiens, 12 % d’Africains du Nord, 6 % d’Espagnols215. Simultanément, les habitants de la Haute-Maurienne vont, pour certains d’entre eux, s’installer plus bas dans la vallée, en particulier dans l’agglomération de Modane-Fourneaux (tableau 5).
Aussois et la Haute-Maurienne : entre fragilisation et modernité
69Le dépeuplement de la Haute-Maurienne se ralentit à partir de 1926, lorsque Aussois voit sa population se stabiliser autour de 330 habitants. L’émigration a pour conséquence un fort déséquilibre dans la pyramide des âges, avec un déficit parmi les vingt-quarante ans et un nombre réduit de femmes, associé à un fort célibat ; la fécondité est forte, mais la natalité est faible216. De plus, on note, dès l’entre-deux-guerres et plus encore après 1945, un recul de l’emploi agricole dans toute la Haute-Maurienne, qui touche au premier chef Aussois. On y compte environ 95 % d’agriculteurs en 1911, 70 % en 1936, 20 % à peine en 1968. Pour ces deux dernières années, les ouvriers-paysans représentent respectivement environ 15 % et 40 % des actifs217. Simultanément, la population agricole vieillit : en 1962, les agriculteurs représentent 43 % des actifs d’Aussois, dont 65 % ont plus de cinquante ans218. Travaillant dans la région de Modane, l’ouvrier paysan profite des trois-huit pour combiner deux sources de revenus219. Ce mode de vie se généralise aux environs des communes industrielles220.
Tableau 6. Catégories socioprofessionnelles, Aussois, 1911-1968.
1911 | 1936 | 1942 | |
Artisans | 8 | 3 | 4 |
Commerçants | 5 | 2 | 2 |
Hôteliers | 1 | 2 | 0 |
1954 | 1962 | 1968 | |
Agriculteurs | 109 | 62 | 27 |
Artisans et commerçants | 19 | 17 | 22 |
Cadres supérieurs | 2 | 1 | 2 |
Cadres moyens | 13 | 5 | 8 |
Employés | 7 | 8 | 7 |
Ouvriers | 50 | 30 | 53 |
Personnel de service | 3 | 6 | 9 |
Clergé et police | 4 | 4 | 4 |
Total actifs | 241 | 202 | 189 |

Figure 10. Aussois, cadastre, 1927, tableau d’assemblage. Avec l’aimable autorisation du Département de la Savoie, Archives départementales, 3P7396.
70L’économie de la Haute-Maurienne est également affectée par la présence de chantiers temporaires lors de la réalisation des barrages. Les entreprises amènent avec elles leur personnel et donc une nouvelle population à Aussois en particulier, composée de cadres supérieurs et de contremaîtres aux modes de vie plus urbains. Ceci entraîne la création de nombreux emplois pour les Aussoyens221 : deux cantines, des entreprises qui s’installent pour plusieurs années dans la commune, une clientèle permanente dans les deux hôtels existants. Le chantier des barrages débauche les jeunes d’Aussois, et plus généralement de la vallée, qui jusqu’à présent travaillaient aux champs, ce qui déséquilibre un peu plus le système agricole, notamment pendant la fenaison. Certaines exploitations agricoles ne trouvent plus de repreneur, ce qui menace leur avenir. Ajoutée à cela, la mise en eau des barrages fait disparaître les montagnettes et exclut leurs propriétaires du système agricole traditionnel222. Le nouveau salaire régulier habitue les jeunes à un nouveau mode de vie. On comprend pourquoi l’époque des barrages représente un temps fort dans la mémoire collective d’Aussois. On comprend mieux également le désarroi et le malaise économique, au moment de la fermeture des chantiers, qui favorisent les départs. À la fin des travaux des barrages, les jeunes s’expatrient afin de pouvoir conserver leur niveau de vie, entraînant l’effondrement du système agricole traditionnel et l’abandon de la montagne. « Avant, il y avait des exploitations, mais en 55 ce n’était plus suffisant. Les barrages ont embauché à l’époque et les fermes alors ne suffisaient plus ; après les barrages, ça ne pouvait plus revenir comme avant : les gens qui y avaient travaillé se sont aperçus qu’ils pouvaient gagner de l’argent » (entretien mené par Jean-Claude Gallety en 1978).

Figure 11. Aussois, cadastre, 1927, section D4 (village). Avec l’aimable autorisation du Département de la Savoie, Archives départementales, 3P7396.
Tableau 7. Répartition des terres, Aussois, 1929, hectares.

Source : Gallety, op. cit., vol. 2, p. 449 d’après enquête agricole.
71C’est ainsi et à nouveau par l’extérieur que sont engagées les mutations de la Haute-Maurienne en général et d’Aussois en particulier. Celles-ci ont pourtant des conséquences importantes pour le régime socio-écologique interne, notamment en ce qui concerne le système agricole, bien que celui-ci ne s’éloigne encore guère de ce qu’il était au xixe siècle223. En effet, malgré un parcellaire très stable à Aussois depuis le xviiie siècle224 (figures 10 et 11), deux éléments sont à noter : d’une part, le recul des cultures, d’autre part, celui de l’élevage. Les terres labourables y passent ainsi de 126 ha en 1929 à 81 ha en 1955 et pour ces mêmes années, les céréales de 42 ha à 14 ha225. Les landes se propagent226. Les bovins sont moins nombreux, les ovins, après une envolée dans l’entre-deux-guerres, régressent aussi (figure 12). Ces transformations ne sont pas propres à Aussois. Le système agro-alimentaire est relativement autonome, avec de faibles échanges commerciaux qui impliquent une agriculture de subsistance. La conservation de la viande se fait par le gel, les animaux étant abattus en novembre et consommés pendant l’hiver227. On fabrique néanmoins de la tomme et du gruyère au-delà des seuls besoins alimentaires des villageois : le surplus est vendu à la fruitière « La Vachère » au Mont Cenis228. En 1954, la création de la Coopérative de Lanslebourg regroupe uniquement le lait des producteurs de Lanslebourg, et ne fonctionne que de décembre à juin229.
72Malgré ces transformations, le mode de vie pastoral, rythmé par l’inalpage estival, reste très présent jusqu’aux années 1950, bien que certaines familles cessent de se rendre sur l’alpe : elles confient alors « leur bétail à celles qui continuent230 ». On comptait 60 alpagistes en 1860, 40 en 1914, plus que 25 en 1940… plus qu’un en 1968231. L’habitat traditionnel, qui mutualise à tous les sens du terme étable et logement et pousse à l’extrême l’optimisation énergétique, est maintenu pour l’essentiel de la population232. Simultanément, le village connaît une modernisation précoce si on le compare à de nombreux autres (et à de nombreuses villes françaises). En effet, une société de Modane demande, en 1922, à la municipalité d’Aussois l’autorisation de capter l’eau de l’Arc afin de produire de l’énergie. Le conseil municipal négocie alors l’éclairage de la commune en échange. Afin de financer l’installation de la ligne électrique jusqu’au plateau d’Aussois, la municipalité crée une Régie Électrique qui « fait travailler ses propres administrés pour aller couper les mélèzes en forêt qui serviront de poteaux », et permet de faire fonctionner une scierie et les machines agricoles233. Aussois négocie également l’adduction d’eau avec l’armée française qui réalise des captages au Plan d’Aval. En 1942, Aussois se dote d’un réseau de distribution234.
Intensification des échanges et balbutiement de l’activité touristique
73La création du tunnel du Fréjus a mis la Haute-Maurienne à l’écart de la révolution des transports. Cependant, en 1898, est enfin votée la réalisation de la ligne de tramway à vapeur Modane-Lanslebourg235, remplacée par un service d’électrobus à trolley en 1924236 exploité en régie par le département de la Savoie, soit deux allers retours par jour en hiver et trois à quatre en été, « sans compter les services supplémentaires et les voyages des camions dont le service se fait à la demande237 ». On monte en 1h45 et l’on descend en 1h30, pour la première année d’exploitation (1924), le service dépasse le petit équilibre (i. e. les recettes tarifaires sont supérieures aux frais d’exploitation) ; 24 986 voyageurs et 1 566 tonnes sont transportés, résultats jugés « particulièrement remarquables238 ». L’expérience inspire de nombreux départements en France. Parallèlement, la motorisation apparaît tout en restant d’abord assez anecdotique pour les habitants de la Maurienne : la première voiture et le premier camion arrivent juste avant la Seconde Guerre mondiale à Aussois ; un tracteur est acquis en 1958239. Elle entraîne néanmoins le développement d’une circulation touristique, certes encore modeste, mais qui donne une nouvelle fonction à la route du Mont-Cenis : en 1928, on dénombre un peu plus de 1 600 passages au Col de Mont-Cenis, dont les deux tiers se font en voitures particulières (tableau 8). Cette circulation accompagne le développement du tourisme estival, et Aussois est désormais cité dans les guides qui signalent que ce « point de départ de belles excusions et ascensions alpestres240 » dispose aussi bien d’auberges que de guides et de mulets. En 1938, le premier centre de vacances ouvre ses portes dans le village.
Tableau 8. Trafic dans la vallée de la Maurienne, 1928, nombre de véhicules par an (Source : Onde, 1932, p. 764).
Camionnettes et camions | Autocars | Autos particulières | |
Col du Mont-Cenis1 | 509 | 29 | 1 079 |
Termignon — Pont-du-Vernay | 696 | 188 | 1 454 |
Saint-Michel — Saint-Jean | 2 227 | 119 | 3 340 |

Figure 12. Évolution du cheptel, Aussois, 1759, 1929, 1955. D’après : Rambaud P. et Vincienne M., op. cit., p. 137.
74Au début du xxe siècle, des sportifs ont introduit le ski alpin dans les Alpes françaises, près de Grenoble, à Briançon et à Chamonix. Dès 1931, on peut lire, dans la revue Neige et glaces, dans « la Maurienne, desservies par les gares de la grande ligne du Mont-Cenis, se trouvent les stations de Fontcouverte et de Saint-Colomban-des-Villards, aux portes de St-Jean-de-Maurienne, à 1.000 mètres d’altitude, celle de Modane, à 1.000 mètres également, celles de Valloire, d’Aussois, de Termignon, de Lanslebourg, de Lanslevillard aux alentours de 1.500 mètres, enfin celles de Bessans à 1.800 mètres d’altitude241 ». La tradition de la montagne alpine habitée engendre un espace humanisé sur laquelle s’installeront les équipements des sports d’hiver. Il n’est pas inintéressant de remarquer à ce titre que la carte des alpages bovins et la carte du ski alpin coïncident242. En 1950, le premier fil à neige est installé à Modane. Aussois suit en 1956 avec une installation communale, puis avec un téléski privé en 1958243.

Figure 13. Évolution du cheptel, Haute-Maurienne, 1820-1967. D’après : M. Jail, 1969, « La Haute-Maurienne. Recherches sur l’évolution et les problèmes d’une cellule montagnarde intra-alpine », Revue de Géographie Alpine, vol. 57, no 1, p. 120.
75Le tourisme s’institutionnalise en Savoie. En 1930, les syndicats rattachés au tourisme des deux Savoie se regroupent et organisent, tous les ans, les états généraux du tourisme. Après la guerre cependant, le tourisme est fragilisé : l’alpinisme a changé, ses praticiens sont plus exigeants quant aux prestations fournies. Jail note « une forte diminution de clientèle à Bonneval et Bessans. La destruction ou l’abandon de certains refuges, la réquisition d’hôtels pour les divers travaux d’EDF, la destruction de certains autres par l’Arc ont contribué également à l’éloignement des touristes. Il y a dix ans, l’activité touristique était en fait aussi réduite, ou même davantage dans certains cas, qu’il y a un siècle244 ». Le tableau 9 montre que l’activité reste très modeste en 1960. La saison touristique reste principalement estivale, entraînant un déséquilibre saisonnier de l’activité. La vocation touristique du territoire ne va pas sans soulever quelques inquiétudes dès le début des années 1960 : « Ainsi le tourisme pose-t-il de redoutables problèmes pour un aménagement harmonieux de la région. Il est à la fois la meilleure et la pire des choses. D’un côté positif, il est un puissant agent de transformation par lequel se diffuse en montagne, à la campagne, le progrès venu des villes ; sans lui, la montagne meurt de façon irrémédiable et le contraste est trop évident entre la Tarentaise, dont il a modifié heureusement le genre de vie depuis une quinzaine d’années, et la Haute Maurienne restée très attardée. Du côté négatif, cette intrusion des préoccupations urbaines fait littéralement éclater la vieille société rurale : des nouveaux venus actifs et entreprenants s’installent dans les villages, investissent, réussissent ; des montagnards, les jeunes surtout, saisissent l’occasion et s’intègrent aux activités nouvelles (hôtellerie, commerce, services, remontées mécaniques, monitorat...) et l’artisanat local profite de cette conjoncture favorable ; restent à l’écart, en un véritable ghetto, une bonne partie des agriculteurs (surtout les plus âgés) et les habitants des villages et hameaux éloignés de cette manne. Et plus l’écart grandit entre ces groupes, plus il devient difficile de concevoir des genres de vie mixtes agriculture-tourisme dont on fait tant de cas ; plus le rattrapage des attardés devient compliqué, plus la cohésion des collectivités locales devient délicate quand elles correspondent à ces sociétés désarticulées245. »
Tableau 9. Industrie touristique, Aussois, Haute-Maurienne, Maurienne, 1960.
Hôtels | Dont homologués | Chambres | Nuitées | |
Aussois | 4 | 1 | 43 | 211 |
Haute-Maurienne | 27 | 7 | 323 | 1 839 |
Maurienne | 153 | 51 | 2 178 | 21 874 |
76La première moitié du xxe siècle est aussi marquée par les prémices de la constitution du Parc National de la Vanoise, rapportées par Pierre Préau246. Une initiative venue des milieux cynégétiques donne naissance, en 1941, à une réserve nationale, gérée par le Comité National de la Chasse sur le territoire des communes de Val d’Isère, Bonneval sur Arc et Bessans, en frontière du Parc National Italien du Grand Paradis. Cette réserve est remise en cause en 1943. Ces détracteurs pointent du doigt son exiguïté qui ne permettait pas de recouvrir le biotope complet du bouquetin, qui correspond en l’occurrence à l’ensemble du massif de la Vanoise, et préfigurera les contours du futur Parc national. Face à cette vision écologiste de la sauvegarde du patrimoine naturel, une nouvelle culture humaniste émerge en 1955, militant en faveur de la préservation d’une région remarquable dont on vante les paysages exceptionnels, le calme et le silence et dont on souhaite bannir les industries, les emprises d’EDF et les remontées mécaniques. L’accent est également porté sur le rôle éducatif et culturel de ces espaces naturels de montagne. Les années 1960 s’ouvrent donc avec l’élaboration du projet définitif du Parc, dans un effort de synthèse de ces deux positionnements, écologistes et humanistes. Elle a des échos sur la scène législative nationale, en donnant lieu à la loi du 22 juillet 1960 relative à la création des parcs nationaux. Aussois figure parmi les seize communes partagées entre le parc et la zone périphérique. Face aux perspectives d’amélioration pastorale, de reboisement, de remembrement agricole et de conservation des sols, les populations craignent les effets du Parc sur l’exploitation pastorale et touristique (entrave à la création de routes, d’équipement touristique, privation de l’interdiction de chasse).
77La première moitié du xxe siècle consacre l’industrialisation des basse et moyenne Maurienne, qui témoignent de, voire symbolisent, la linéarisation et l’internationalisation du métabolisme territorial. Les ressources énergétiques locales, non fossiles, sont pour beaucoup dans leur développement, ce qui montre l’importance d’une approche localisée des transitions socio-écologiques. Ces transformations entraînent celle du régime socio-écologique de la Haute-Maurienne, et d’Aussois en particulier. Le système agro-pastoral, fondé sur un métabolisme interne au territoire, change peu, mais commence à vaciller. Les Hauts-Mauriennais partent, ou occupent, de plus en plus, un double emploi d’ouvrier et de paysan. De ce fait, les échanges de personnes, d’argent et de matière, augmentent, d’autant plus qu’émerge une activité touristique encore majoritairement estivale. La création des barrages, notamment à Aussois, inscrit la Haute-Maurienne dans un système énergétique qui la dépasse. Son métabolisme est ainsi plus ouvert, tandis que son fonctionnement interne est compromis.
Années 1960-2015 : L’ouverture du système villageois
78Une nouvelle phase de peuplement des Alpes s’amorce au tournant des années 1960 et se confirme dans le recensement de 1982 : la croissance de la population en montagne se généralise. « La grande retraite de l’agriculture et le dépeuplement rural qui l’accompagne sont terminés à l’échelle des communes de montagne.247 » On assiste donc à une logique de rééquilibrage démographique entre la partie industrielle et urbanisée de Chambéry et d’Aix et les vallées intra-alpines.248 Pour autant, au début des années 1960, la crise est latente tant dans le monde agricole qu’industriel. Toutes les activités de la Haute-Maurienne sont menacées249. La crise des vallées industrielles s’accentue avec le retrait progressif de la mono-industrie. Malgré la fermeture des usines, la population montagnarde poursuit sa progression. Ce phénomène connaît plusieurs explications, à commencer par l’accroissement de la mobilité de la population et le modèle de la pluriactivité qui tend à s’imposer dans les villages de haute montagne. Une culture de la débrouillardise pousse les montagnards à trouver les ressources de la pérennisation de leurs modes de vie250, en articulant tourisme et agriculture notamment. Ce mode de vie permet ainsi le maintien d’une agriculture vivante et ouverte à de nouveaux développements. À la suite des grandes industries, l’essor du tourisme finit de véhiculer tous les thèmes de l’urbanisation et du genre de vie urbain dans les petites communes. Les petites communes touristiques tendent à devenir des espaces de consommation dominés par une économie de services qui redistribuent des revenus acquis ailleurs en animant localement le commerce, les services, l’immobilier… L’urbanisation compense ainsi la désindustrialisation. Avec le développement des déplacements pendulaires à grand rayon, le fait résidentiel prend son autonomie : « les Alpes sont plutôt perçues comme un environnement séduisant dont on jouit en y résidant, en y développant le loisir et le jeu, comme le contrepoint de la société globalement urbanisée et industrialisée.251 » Pour Aussois, 1960 est une année décisive, avec l’ouverture de la route carrossable qui relie, enfin, la commune à Modane.
Ouverture du système agro-alimentaire, animation rurale et reconnaissance des savoir-faire locaux
79Le devenir de l’agriculture dans la seconde moitié du xxe siècle résulte de la modification de l’usage des sols à Aussois, à des fins touristiques (mise en œuvre des pistes, équipements de la station, usine à neige) et environnementales (ouverture du parc national de la Vanoise), ce qui n’est pas sans impact sur le système agro-pastoral. L’agriculture de la commune a suivi une dynamique générale de concentration foncière, d’intensification et de spécialisation dans l’élevage bovin laitier et ovin. Le système agricole se déconnecte du système alimentaire, ce qui se traduit par des systèmes pastoraux spécialisés et intégrés au marché national et international. Le village n’est plus autonome en termes alimentaires et a recours aux filières d’approvisionnement classique, tant pour les habitants que pour les touristes. Ce découplage progressif de la production agricole et de la consommation d’Aussois est la résultante d’un désenclavement de la région et d’innovations techniques importantes (azote minéral, mécanisation…). Le déclin du nombre d’exploitations poursuit sa courbe. En 1971, en Haute-Maurienne, on ne dénombre plus que 306 exploitations, et 43 % des exploitants ont plus de 55 ans. Cette agriculture ne génère des revenus que très faibles, ce qui explique qu’un tiers des agriculteurs exerce une activité extérieure à temps partiel. Le développement économique de la région dépend avant tout de l’activité touristique, elle-même tributaire de la capacité d’investissement des communes qui disposent de ressources importantes grâce aux patentes d’EDF252.
80Pour autant, cette ouverture du système agricole n’entraîne pas la disparition du pastoralisme. À partir de 1960, l’animation rurale se renforce même afin de maintenir et développer la production agricole et de perpétuer et valoriser les savoir-faire locaux. La constitution d’un GVA (groupement de vulgarisation agricole) soutient l’agriculture en Haute-Maurienne et étend son action à la commune d’Aussois. Suite à la création du Parc National de la Vanoise, un groupe d’animation est constitué pour analyser la situation de la région et les perspectives pour l’agriculture notamment. En ressort la nécessité de constituer une SICA (société d’intérêt collectif agricole) et d’appuyer une demande d’aide à la rénovation rurale. En 1970, la SICA est créée et prolonge le travail du GVA en assurant la promotion d’une restructuration foncière qui permettrait aux jeunes de s’agrandir et aux anciens de se retirer, ainsi que de la construction de nouvelles infrastructures253.
81L’agriculture de montagne est à contre-courant de l’intensification que connaît le monde agricole dans les années 1960. Désormais ouverte et intégrée au marché national et international des produits agricoles, elle prend de plein fouet les difficultés concurrentielles qui s’imposent à elles. Face à ces contraintes, les éleveurs s’organisent en coopératives pour essayer d’accroître la production de lait à l’année. En 1966, les coopératives de Lanslebourg et de Lanslevillard fusionnent et donnent naissance à la Coopérative de Val Cenis. En 1972, de jeunes agriculteurs créent à Aussois une société de transformation fromagère254. En 1988, la coopérative de la Vanoise, à Aussois, rejoint celle de Val Cenis qui devient Val Cenis Vanoise et permet un fonctionnement à l’année. En 1993, l’augmentation de la production de lait justifie l’agrandissement des caves d’affinage pour arriver à 4 200 meules. En 2002, le rattachement de la coopérative de Bonneval-sur-Arc marque la naissance de la coopérative de Haute Maurienne Vanoise. En 2008, la dernière coopérative indépendante de Bessans rejoint la coopérative de Haute Maurienne Vanoise. La restructuration laitière de la vallée est réalisée255. Ce fonctionnement en coopérative a donc cherché à pérenniser l’activité agricole en montagne, en lissant la production et en contenant la fuite des actifs. Face à la tendance productiviste incompatible avec les conditions de production en montagne, les agriculteurs jouent également la carte de la qualité afin d’augmenter la valorisation du lait. Cette démarche aboutit en 1968 à la reconnaissance du Beaufort en AOC (Appellation d’Origine Contrôlée). Après un creux dans les années 1970, le cheptel s’accroît rapidement et semble plafonner aujourd’hui autour de 110 vaches – contre 350 cent ans plus tôt (figure 14). En outre, la spécialisation pastorale conduit à la nécessité d’importer une partie des aliments destinés au bétail, tandis que les engrais industriels soutiennent la production des prés. La production alimentaire à destination humaine a diminué de façon continue – 19 ha de pommes de terre en 1929, 1 ha en 1980, zéro en 2010 ; 42 ha de céréales en 1929, 5 ha en 1980, zéro en 2010. Le système agro-alimentaire est ainsi très ouvert, d’autant plus que le nombre de bouches à nourrir s’est accru de celles des touristes.
Ouverture du système hydroélectrique, déconnexion industrielle des ressources énergétiques locales
82L’équipement hydroélectrique intégral de la Haute-Maurienne est finalisé au début des années 1970, entraînant des modifications hydrologiques, et notamment de profondes transformations dans la dynamique torrentielle de l’Arc256. Localement, les années 1960 sont marquées par les travaux du barrage du Mont-Cenis qui alimente la France, et dans une moindre mesure l’Italie en hydroélectricité257. « Toute la Haute Maurienne vit actuellement sous le signe des chantiers du Mont-Cenis : chantier du barrage, chantiers des multiples galeries d’alimentation, chantier de la nouvelle centrale de Villarodin258 ». L’originalité du dispositif tient notamment à la construction d’une conduite forcée assurant la liaison entre l’usine de Villarodin et le barrage de Plan d’Aval, reliant le Plan d’Aval et le Mont-Cenis afin de renforcer les ressources hydroélectriques dans la vallée. Cette installation permet ainsi de turbiner en heures de pointe. En 1975, des travaux d’amélioration sont réalisés afin de permettre les transits d’eau dans les deux sens, quels que soient les niveaux de Plan d’Aval et du Mont-Cenis259 : la part infrastructurelle du cycle de l’eau prend le pas sur sa part naturelle.
Figure 14. Cheptel bovin et ovin, Aussois, 1902-2010, nombre de têtes. D’après : Gallety, op. cit., et Documents de la maison du patrimoine d’Aussois.

83Les usines hydroélectriques sont regroupées dans le bassin d’Avrieux. À la fin des années 1970, l’effet de cette forte industrialisation sur la ressource en eau ne passe plus inaperçu : « l’industrie lourde, très polluante, est liée aux ressources en eau et électricité : papeteries de la Rochette et Modane, métallurgie (aciéries de Saint-Michel-de-Maurienne)260 ». Le couplage entre l’industrie et l’hydroélectricité va connaître de profondes transformations dans les années 1970. La concurrence des équipements hydroélectriques montagnards avec les centrales thermiques, les centrales au fil de l’eau des grands fleuves, et surtout l’apparition de l’énergie nucléaire entraînent un repositionnement de la production hydroélectrique sur la modulation de production permettant de répondre à des pics de consommation à une échelle nationale. Le raffinement technique du lac-réservoir du Mont-Cenis, permettant une valorisation maximale des eaux, a rendu l’équipement de la Moyenne-Maurienne obsolète et suppose une réorganisation de l’Arc moyen et une reconversion de l’hydroélectricité vers le marché national. Ainsi, au lieu d’assurer avant tout la fourniture d’électricité aux usines électrochimiques et électrométallurgiques, la vallée de l’Arc participera à la production de l’énergie de pointe. Les usines de la vallée recevront alors le courant d’origine thermique ou du fil de l’eau, mieux adapté à de grosses consommations continues261. « Après avoir, pendant trois quarts de siècle, assuré la marche d’une chaîne d’usines allongée d’Aiguebelle à Modane, l’Arc sera donc, dans peu d’années, le type même de la grande rivière régulatrice, parfaitement équipée pour les productions de pointe. De régionale et personnalisée, sa fonction devient nationale et anonyme.262 »
84Avec l’ouverture de la production électrique de la Maurienne au réseau national, c’est la fin du lien traditionnel entre centrales hydroélectriques et usines de transformation : « Depuis la nationalisation de l’électricité et avec la technique des grands barrages-réservoirs d’amont qui remplace celle de la haute chute, les vieux sites urbains obligés, qui mettaient côte à côte, au pied d’un long versant, la centrale hydroélectrique et les usines électrochimiques et électrométallurgiques, ne sont plus nécessaires.263 » C’est également la fin de la connexion des usines avec les ressources énergétiques locales. En outre, la nationalisation des ressources hydroélectriques s’est accompagnée d’une péréquation des tarifs de l’électricité sur tout le territoire national et donc de la perte des privilèges des industries de la vallée de la Maurienne. Les sites alpestres perdent ainsi une bonne part de leur intérêt pour le milieu industriel. Il en ressort en effet les principaux points faibles de ces régions : enclavement et éloignement des grands axes de circulation internationaux, coût prohibitif de transport de certaines matières premières, inadaptation de cette localisation aux logiques de restructuration industrielle, emprise foncière, tension sur le marché de l’emploi, entre autres. À cela s’ajoute l’accroissement de la concurrence internationale ou la reconversion vers d’autres sources d’énergies telles que les produits pétroliers264.
85Ce contexte entraîne une stagnation de la croissance industrielle voire une désindustrialisation de la vallée. À la fin des années 1960, les usines n’embauchent plus localement. L’ONERA recrute à l’extérieur un personnel de techniciens que la région ne lui garantit pas. Les nouvelles centrales hydroélectriques sont automatiques265. Certaines industries préfèrent s’installer en fond de vallée, où il y a plus d’espace : l’entreprise Clauser s’est agrandie en 1972 en désertant Saint-Jean-de-Maurienne pour aller à Pontamafrey et Charpin par s’installer à Saint-Etienne-de-Cuines. Les fermetures d’usine sont annoncées à Modane dès 1972266. L’usine Saint-Gobain, spécialisée dans la fabrication du carbure de calcium pour l’industrie des matières plastiques, envisage de fermer ses portes. La concurrence des produits pétroliers tarit ses débouchés traditionnels et la reconversion n’est pas envisagée du fait de son isolement267. D’autres usines recherchent de nouveaux horizons afin de s’émanciper de la dépendance à des fournisseurs et des clients mauriennais : elles se tournent vers une clientèle dans toutes les branches de l’économie et dans toute la France.
86Parallèlement, une économie intra-alpine s’ouvre à l’emploi féminin, en cohérence avec une mutation nationale. Avec la disparition progressive du genre de vie de l’ouvrier paysan, où le surmenage féminin dans l’exploitation agricole était encore très fort, les Savoyardes commencent à intégrer les établissements industriels. Elles représentent un vivier d’ouvrières important, qui suscite l’implantation de nouvelles industries en Savoie, comme la confection, notamment à Saint-Jean-de-Maurienne268.
87Qu’en est-il de la situation industrielle aujourd’hui ? Le secteur industriel reste un levier pour l’emploi de la vallée (27 % de la masse salariale) au côté du secteur touristique (25 %). Tous secteurs confondus, le canton de Modane est le seul à avoir une croissance négative des effectifs privés entre 2000 et 2010269. Au contraire, le canton de Lanslebourg connaît une croissance de 70 % avec 400 postes crées. De même celui de Saint-Jean-de-Maurienne gagne 550 postes270. 84 % des emplois perdus entre 2000 et 2013 concernent quatre secteurs, spécificité de la vallée271 : la métallurgie, l’industrie chimique, l’industrie automobile et la fabrication de produits métalliques. Globalement, les industries sont concentrées à l’entrée de la Maurienne, la haute-vallée étant très peu industrialisée.
88Le tissu industriel se caractérise par un poids majoritaire de petites entreprises : 91 % des entreprises du secteur industriel ont moins de dix salariés272. Malgré un regain démographique de la Maurienne depuis 1990273, le vieillissement des salariés devrait entraîner de nombreux recrutements ces prochaines années. Cette diminution d’emploi dans l’industrie est compensée par une hausse des emplois présentiels, des activités mises en œuvre localement pour la production de biens et de services visant la satisfaction des besoins de personnes présentes dans la zone, qu’elles soient résidentes ou touristes. Concernant Aussois, le commerce et les services représentent en effet plus de 78 % des établissements et plus de 90 % des emplois salariés en 2012 (figure 15).
Ouverture aux flux touristiques
89De 1960 à 1980, un basculement du trafic de marchandises s’opère du rail à l’autoroute. Les investissements publics dans les transports se concentrent sur la construction des autoroutes et des tunnels alpins274. Quatre tendances s’accentuent : la croissance des volumes transportés, la croissance de vitesse de traversée, la concentration des passages sur des itinéraires privilégiés et une urbanisation linéaire le long de ces grands axes. La généralisation de l’automobile est d’abord vue comme une réelle opportunité pour les Alpes, permettant une plus grande flexibilité. Cependant, ce nouveau mode de transport des marchandises est bientôt considéré comme un problème environnemental et économique : « [d] e moyen de liberté, la circulation automobile devient progressivement source de dérangement et de dépendance pour les Alpes et leurs villes275 ». Les autoroutes alpines sont rapidement saturées : de 18 millions de tonnes transportés sur ces axes en 1968, le trafic atteint 50,7 millions de tonnes en 1980. Le bruit, la pollution et les accidents de camions inquiètent les populations et des mouvements se créent où les écologistes s’allient aux paysans et aux élus locaux, pour dire « non » à la croissance du trafic des poids lourds sur les autoroutes alpines276. En 1990, la Convention pour le Développement et la Protection des Alpes évoque le transfert des marchandises de la route au rail.
Figure 15. Établissements et emplois, Aussois, au 31 décembre 2012. D’après : INSEE, http://www.insee.fr/fr/themes/dossier_complet.asp?codgeo=COM-73023, consulté le 30 juin 2015.

90« Les régions alpines, dès lors, tendent à devenir des « zones grises », évincées par un système de transport qui ne nécessite plus de services localisés, qui concerne davantage le continent européen que la traversée d’un massif277 ». Les villes alpines, dont Modane, renforcent leur dépendance face à des réseaux externes et la mobilité locale repose de plus en plus sur la voiture individuelle. Dès la fin des années 1970, les principaux réseaux ferrés de transport public sont abandonnés au profit de l’automobile. « L’automobile favorise également les processus de déconcentration urbaine et de périurbanisation278 » : les villes alpines deviennent les quartiers résidentiels des métropoles périurbaines. Elles sont assimilées à des villes de loisirs. Ces tendances marquent ainsi l’effondrement de la fonction d’étape au profit du tourisme279.
91En effet, dès le milieu des années 1960, « on veut faire du tourisme la panacée des difficultés économiques de la montagne, et il reste indéniable que son rôle va grandissant : la capacité d’accueil actuelle est estimée à 2 ou 3 000 lits en Maurienne, à 18 ou 22 000 lits en Tarentaise, et les projets en cours peuvent la porter à 80 000 ou 100 000 lits d’ici 20 à 25 ans. C’est assez dire que le tourisme devient dans ce schéma la motivation essentielle et le moteur de l’activité économique280 ». À la fin de la construction des barrages de Plan d’Amont et Plan d’Aval, les Aussoyens réfléchissent eux aussi à la diversification économique du village. Déjà, pendant la construction, le tourisme est apparu comme une piste, notamment pour retenir les jeunes au pays281, et ce avant même la commission d’aménagement de la montagne de 1964. Bien que les capacités économiques locales soient limitées, un certain nombre d’initiatives émergent. Sous l’impulsion de la bourgeoisie d’Aussois regroupant notamment les hôteliers et les commerçants282, la société l’Alpa est créée en 1966 afin de lancer le tourisme hivernal. L’Alpa s’associe au centre de vacances du CNRS pour installer de nouvelles remontées mécaniques. Dans un même temps, plusieurs maisons familiales sont ouvertes par des particuliers. Cependant le développement d’Aussois a du mal à s’enclencher à cette époque. L’Alpa ne parvient pas à s’autofinancer pour installer un télésiège, le lotissement communal prévu n’émerge pas, le domaine skiable est difficilement accessible, et les pentes trop ensoleillées. Considérée comme un site skiable de second ordre, la commune n’a pas été retenue pour le Plan Neige en 1970 visant à équiper les sites. Pendant cette période d’incertitude, le CNRS fait le choix d’Aussois pour son premier centre de vacances en 1963 ; les locaux sont inaugurés en février 1967283.
92C’est suite à la publication d’une lettre collective rédigée par des jeunes aussoyens en 1969 qu’une nouvelle dynamique s’installe. Demandant à participer à la vie du village, ils sont à l’origine de la création d’une régie municipale pour la station de ski. Le premier télésiège est installé en 1970, et des pistes de descente tracées grâce au travail bénévole des jeunes aussoyens. Avec la construction d’autres remontées dans les années suivantes, la nouvelle route construite en 1974 facilite l’accès à la station depuis Modane. Le processus de développement touristique d’Aussois est alors réellement engagé. Une campagne d’animation pour promouvoir le tourisme d’été débouche sur la création de l’association d’animation de la Haute Maurienne, sous la présidence du directeur du centre de vacances CNRS284. Une ZAC est mise en place en 1976, enclenchant une politique d’hébergement touristique.
93La station d’Aussois se monte de manière concomitante à la création du parc national en 1963. Le domaine protégé est confié à un établissement public national sous les tutelles successives des ministres de l’Agriculture (1961-1971), de la Protection de la nature (1971-1974) puis de la Qualité de la vie (à partir de 1974). La gestion du vaste périmètre du parc est faite de multiples compromis sociétaux négociés entre la préservation des milieux naturels et le développement touristique, et des jeux d’acteurs à l’interface entre les gestionnaires du parc et les communes avoisinantes. On en veut pour preuve la distribution des investissements publics entre 1968 et 1972 : d’un côté, sur les 156 millions de francs en cinq ans engagés par les 28 communes périphériques, les deux tiers sont concentrés sur les six stations majeures de sports d’hiver, avec un fort taux d’emprunt (58 %) et de subventions de l’état et du département (20 %). De l’autre, les subventions de 9 millions de francs engagées par le Parc au titre de la rénovation rurale ne serviront qu’à hauteur de 5 % aux équipements pour le ski285.
94Entre 1969 et 1971, l’affaire du parc national de la Vanoise éclate alors que des acteurs locaux s’alarment contre sa mise en danger par des projets d’équipements touristiques et immobiliers qui entraîneraient son amputation territoriale. Elle marque un jalon décisif dans la négociation de ces compromis sociétaux et, plus largement, dans l’histoire de la structuration politique de la question environnementale en France. Le combat sur la scène politique nationale sera remporté par les environnementalistes. Il constitue en effet le dossier inaugural de la future France Nature Environnement286. Ainsi, l’équipement touristique de la station d’Aussois s’insère dans ce délicat équilibre entre la préservation naturelle au sein du Parc National et le développement économique de sa périphérie. Aussois compte ainsi parmi les « villages marqués par tous les stades possibles de la transformation agricole et de l’ouverture au tourisme diffus287 ».
95Ainsi, l’installation des stations de ski tant contrainte par la volonté d’autonomie des villages que par la présence du Parc national de la Vanoise s’oriente vers des aménagements ponctuels très différents des vastes complexes touristiques de la Tarentaise voisine.
96En 1977, Aussois compte 5 téléskis, 2 télésièges sur une longueur totale de 5,23 km à une altitude allant de 1 500 à 2 700 mètres. Le ski de fond apparaît comme une activité secondaire : à Aussois, il existe quelques pistes de fond, sur les basses pentes, à proximité du village, mais il ne s’agit que de boucles courtes pour débutants, signalées mais rarement entretenues ou damées. Ce processus de développement touristique n’est pas sans incidence sur le paysage. On souligne notamment un problème d’érosion lié à la station de ski d’Aussois, principalement due à l’aménagement d’une piste. Ce phénomène n’est pas unique à Aussois et relève principalement d’un problème d’infiltration des eaux suite à la construction du télésiège du Vallon de la Fournache dans les années 1980. Les techniques de revégétalisation doivent progresser.
97La capacité d’hébergement n’excède jamais quatre ou cinq fois le nombre d’habitants permanents : à Aussois en 1977, 1 280 lits, 24 % en hôtel, 24 % en gîtes ruraux et en proportion exceptionnelle en tourisme social (52 %). Et pour cause, la clientèle à Aussois dans les années 1970 est principalement composée de familles, notamment de familles nombreuses, appartenant à la classe moyenne, des touristes fidèles à plus de 60 %, qui viennent à 90 % pour le ski alpin. Ils viennent surtout pour l’ambiance de station-village et l’accueil, pour le cadre géographique exceptionnel et les prix. La présence du parc de la Vanoise est un critère de motivation pour 24 % des personnes interrogées. On vient y chercher une certaine forme de relations humaines avec les habitants et un contact réel avec la nature, contrairement aux grandes stations. La clientèle de séjour vient pour 76 % de la région parisienne et de ses départements limitrophes. La clientèle de journée vient, quant à elle, à 65 % de la région Rhône-Alpes, et principalement de Savoie288.
98Le développement touristique d’Aussois est considéré comme un exemple réussi de village-station, à l’opposé des grands complexes de la Tarentaise, comme en témoigne un représentant de la Commission Générale d’Évangélisation de l’Église Réformée de France en 1988 : « Un exemple positif de pays d’accueil, celui du village d’Aussois (en Savoie) que j’ai très bien connu en 1960 pour y avoir implanté une auberge de jeunesse dans une baraque EDF et où n’existait qu’un seul petit hôtel. Il a été classé en 1986 première station touristique de montagne en France. Les jeunes avaient pris les affaires en mains et réussi à faire venir des investisseurs sans perdre le contrôle de l’aménagement et de l’économie. Ce n’est pas souvent le cas.289 » Qu’en est-il des retombées réelles du tourisme sur l’économie locale ?

Figure 16. Le parc national de la Vanoise, situation actuelle.
Source : http://www.parcsnationaux.fr/layout/set/fiche/content/view/full/7601, consulté le 30 juin 2015.
99Aussois est en effet représentative de la montagne dite communautaire ou privée où chaque famille gère sa propriété pour elle-même et par elle-même. Ce modèle est transposé dans le développement du ski, avec un auto-développement communal qui respecte les intérêts de chaque famille entrepreneuriale290. À Aussois, la volonté des habitants de conduire eux-mêmes le développement touristique du village, pour pallier la déprise agricole, a empêché l’emprise des promoteurs. Les installations sont créées par la collectivité, qui en assure le financement et la gestion en régie directe, bénéficiant de la « manne EDF » à travers les redevances et patentes liées à l’équipement Plan d’Aval-Plan d’Amont, à la dérivation des eaux de l’Arc supérieur vers Tignes et aux installations du Mont-Cenis. Ainsi, Aussois ne connaît pas de problème de surendettement, contrairement à d’autres petites communes qui se retrouvent dans une situation financière particulièrement dégradée liée notamment à l’investissement dans des équipements touristiques destinés à accueillir une clientèle payante, dans le contexte de décentralisation au début des années 1980, entraînant la suppression de la tutelle financière et de déréglementation du crédit dès 1982291.
Tableau 10. Le personnel employé par les stations de ski en Maurienne (hiver 1977-1978) (source : Marnezy, 1979, op. cit.).

1 Personnel employé durant les temps forts des week-ends, des vacances scolaires, des jours de fêtes…
2 Auxquels s’ajoutent quelques moniteurs occasionnels pour les temps forts.
100La quasi-totalité de l’équipement appartient aux habitants, ce qui permet la diffusion du capital privé local et la participation effective de la population aux retombées économiques du tourisme. À Aussois, comme dans le reste de la vallée, les emplois sont majoritairement pourvus sur place et les postes à responsabilité donnés aux habitants du pays. En 1977, le personnel de la station est à 95 % local (Tableau 6).
101Enfin, le tourisme a un impact sur l’artisanat. En 1961, la Société des Artisans d’Aussois est créée pour réhabiliter les traditions mauriennaises telles que l’ébénisterie ou le tissage. Cependant, l’artisanat ne se limite pas à la sauvegarde des savoir-faire ancestraux ; les objets-souvenirs doivent correspondre à la représentation que les touristes se font du savoir-faire local et du contact avec la population. « Un jour, on m’avait demandé d’accompagner un groupe de touristes italiens. Je les ai accompagnés jusqu’au Mont Cenis. On s’est arrêté à Aussois [la première maison de l’artisanat de la Savoie]. Ils ont fait le tour, ils n’ont rien acheté. Rien ! Bon, on est reparti. On arrive au Mont Cenis où il y a du bazar-souvenir et là, ils ont acheté. C’était typique pour eux. Il y a un public pour ça. » (Entretien juillet 2003, Baldoph)292.
102Mais le tourisme est surtout le véhicule des pratiques urbaines caractérisées notamment par une hypertrophie des échanges commerciaux : services hôteliers, biens de consommation courante, équipements individuels, sport et cultures, transports, services aux individus entraînant un suréquipement commercial par rapport à la population résidente. Celui-ci est certes moins flagrant à Aussois que dans les grandes stations voisines, mais n’en demeure pas moins marqué (on compte par exemple aujourd’hui six magasins de sport dans la commune). Comme le note Préau, « [l] e tourisme amène une véritable mutation de l’économie montagnarde, un basculement d’un milieu social paysan qui se trouve recomposé dans des structures qui sont celles de l’urbanisation et de l’économie dominante fondée sur les échanges marchands et la spécialisation des activités, la mise en valeur des atouts de la montagne par des investissements spécifiques293 ».
103Aujourd’hui, la question se pose du devenir de la station et de la vocation touristique du village. Pour certains, « cette station est marquée par un fatalisme ambiant, par une absence d’objectif stratégique à court et moyen termes. Il n’existe aucun plan de développement à long terme de la station. Le maire souligne d’ailleurs que la station vit sur ses acquis en tirant profit de ses ressources naturelles et patrimoniales. La seule priorité est de renouveler les remontées mécaniques et de trouver de nouvelles sources de financement. […] Au total, la station est marquée par son isolement294. » Pour d’autres, si les équipements liés au ski alpin se poursuivent (notamment avec l’installation de l’usine à neige en 1997), Aussois affiche également une volonté de diversification des activités, axée sur les sports de plein air : en 1988, avec des équipements pour le tennis, le volley, la pétanque ou le minigolf, en 1992 avec la via ferrata, en 1995 avec les circuits VTT. Cette diversification passe aussi par la mise en valeur du patrimoine naturel, culturel, architectural et militaire, sur le maintien des activités agro-pastorales. En 1992 s’ouvre le musée d’Aussois. Une convention tripartite est signée en 1990 entre l’État, la Région et le Département pour la création d’un ambitieux programme de connaissance, de restauration et de mise en valeur des édifices cultuels baroques des vallées de Maurienne et de Tarentaise. Par la suite, deux autres programmes sont lancés, l’un sur le patrimoine fortifié, l’autre sur le patrimoine rural, dans le cadre d’une convention de développement culturel signée entre le département et l’État en 1993. Ces programmes soutiennent notamment la mise en valeur des fortifications de l’Essaillon, situées en contrebas d’Aussois295. Le Parc National de la Vanoise, notamment à travers la nouvelle loi de 2006, peut être l’un des leviers de cette nouvelle dynamique touristique.
104Une autre tendance à souligner est celle initiée depuis les années 1990, et systématisée depuis le début des années 2000, du démontage d’infrastructures hors d’usages, qualifiées d’installations obsolètes, à savoir des aménagements abandonnés défigurant le paysage de montagne (cabanes pastorales, remontées mécaniques, relais de téléphonies, anciens barrages, blockhaus…). L’objectif de ces initiatives, souvent associatives, est de redonner une virginité à une nature humanisée, relevant d’une certaine forme de normalisation paysagère et sociale. Ces démontages traduisent également sur le terrain l’abandon définitif de projets qui avaient conduit à des levées de boucliers. On notera à ce titre le démontage en 2002 des gares de téléski, des pylônes, des socles et contrepoids rouillant sur le glacier de Chavière, séquelles de l’affaire de la Vanoise296.
105Le régime socio-écologique de la seconde moitié du xxe siècle à aujourd’hui est caractérisé par l’ouverture du village d’Aussois : ouverture du système agro-alimentaire, du système industriel et plus généralement des échanges. Le flux ont évolué : les étapes d’autrefois en Haute-Maurienne ont été remplacées par des passages éclair ou des séjours touristiques de plusieurs jours. La vallée de la Maurienne se caractérise par peu de déplacements pendulaires avec l’extérieur et la population s’y est davantage installée. Le modèle de la pluriactivité a permis de maintenir un minimum d’activités agricoles et touristiques297. Ce régime socio-écologique ouvert dépend largement d’infrastructures lourdes, visibles et invisibles ; il est aujourd’hui complètement intriqué dans le régime national voire mondialisé. Il n’en demeure pas moins que le métabolisme en reste très spécifique, puisqu’il se fonde essentiellement sur la mise en valeur de ressources naturelles – énergétique à travers l’hydroélectricité et paysagères avec le tourisme – et patrimoniales – pastorales en l’occurrence.
Conclusion
106En deux cents ans, le régime socio-écologique de la Maurienne, comme ceux de la Haute-Maurienne et d’Aussois, a été profondément transformé. Ces territoires ont été traversés à divers titres par les révolutions industrielles, et l’analyse multiscalaire montre ici tout son intérêt : Aussois ne se confond pas avec la Haute Maurienne qui ne se confond pas avec la Maurienne. Certes, ces territoires sont intimement liés et le métabolisme de l’un peut difficilement être compris sans une analyse de celui de l’autre. Il n’en demeure pas moins qu’il y a un monde entre la trajectoire de la vallée à partir de Modane et à l’aval, et celle de l’amont. La première est directement marquée par l’industrialisation puis la désindustrialisation. La seconde se caractérise d’abord par un régime socio-écologique fondé sur l’optimisation d’un métabolisme inscrit dans les cycles biogéochimiques. Ce régime est ensuite indirectement transformé par l’aval, tout en étant directement éprouvé par les révolutions des transports, de la route au fer puis à la route à nouveau, tandis que son modèle pastoral est mis à mal par les mutations de l’agriculture impulsées à une toute autre échelle (tableau 8).
107La trajectoire de ces territoires ne se confond pas non plus avec celle qui serait décrite à l’échelle nationale, ou à celle des pays industrialisés, qui aurait tendance à écraser les spécificités locales. À Aussois en particulier, la transition énergétique ne passe pas directement et en premier lieu par les combustibles fossiles, mais est tirée par l’énergie hydraulique puis l’hydroélectricité. Aussois devient à partir des années 1950 un territoire énergétique, et c’est de cette ressource que naît son régime socio-écologique contemporain. Un trait commun en revanche avec la plupart des territoires est l’importance de la dimension infrastructurelle du régime, en particulier à travers les infrastructures dédiées au transport et à l’énergie, qui organisent, orientent et ouvrent le métabolisme territorial, qui s’externalise et s’internationalise tout au long de la période d’étude. Un autre est la transformation du paysage qui résulte de la trajectoire socio-écologique décrite et touche l’ensemble des territoires étudiés.
108Une difficulté surgit néanmoins, dès lors que l’analyse est, toutes choses égales par ailleurs, microscopique. Nous avons insisté en introduction sur l’importance du triptyque trajectoire-régime-transition. Les deux premières notions se conçoivent bien à travers les pages qui précèdent : le régime socio-écologique, qui s’exprime à travers un métabolisme spécifique, diffère bien d’une période, d’un lieu à l’autre. Il change en effet, ce qui justifie l’emploi du terme trajectoire. Mais où est/sont la/les transitions ? Si l’exercice de périodisation paraît ici valable, l’impression qui se dégage néanmoins de cette histoire est celle d’une transformation permanente. Finalement, ces deux cents ans sont peut-être ceux de la mise en place progressive, inégale, diverse, du régime socio-écologique industriel tel que décrit à l’échelle macroscopique. Un régime qui se substitue peu à peu et partiellement au régime agricole, ne cesse de se transformer et n’a probablement pas atteint la maturité au moment où il est remis en question.
Tableau 11. Trajectoires socio-écologiques d’Aussois (A) et de la Haute-Maurienne (HM), xixe-xxie siècles.
1800 | 1860 | 1900 | 1960 | 2015 |
Une apparente autonomie villageoise | Des mutations par l’extérieur | Une modernité venue de l’hydroélectricité | L’ouverture du système villageois | |
Peuplement et rapport à l’espace | A & HM : Basé sur la capacité à mobiliser les ressources locales et sur les migrations temporaires | A : Basé sur la capacité à mobiliser les ressources locales et sur les migrations temporaires HM : exode rural | A & HM : Exode rural – Peuplements temporaires : construction des barrages | A & HM : Croissance de la population – Saisonnalité du peuplement (sports d’hiver, tourisme) |
Régime énergétique | A & HM : Basé sur les ressources renouvelables locales (bois, charbon de bois, chaleur et excréments animaux) et le travail humain et animal | A & HM : Basé sur les ressources renouvelables locales (bois, charbon de bois, chaleur et excréments animaux) et le travail humain et animal – Anthracite comme ressource d’appoint | A & HM : Basé sur les ressources locales (bois, charbon de bois, chaleur et excréments animaux, anthracite) et le travail humain et animal – Hydroélectricité comme ressource additionnelle | A & HM : Déterritorialisation par connexion du réseau électrique local au réseau national – Transition vers les combustibles fossiles – Bois comme ressource secondaire |
Régime agricole | A & HM : Agropastoral – inscrit dans les cycles biogéochimiques | A & HM : Agropastoral – inscrit dans les cycles biogéochimiques HM : déclin des cultures | A & HM : Pastoral – inscrit dans les cycles biogéochimiques, soutenu par les importations alimentaires | A & HM : Pastoral – soutenu par des importations d’intrants industriels et d’aliments (pour le bétail et les humains) – Artificialisation des sols |
Mode de vie et activités | A & HM : Paysan – quelques carrières et fours à chaux HM : Commerce et transport le long de la route du Mont-Cenis A : travaux et présence militaires | A & HM : Paysan – quelques carrières et fours à chaux HM : Déclin du commerce et des transports A : travaux et présence militaires | A : Ouvrier-paysan – soutenu par l’industrialisation de la vallée A & HM : (petit) démarrage touristique | A & HM : Pluriactif – Spécialisation et valorisation de l’élevage – Développement du tourisme et d’une économie de services |
Connexion aux réseaux d’échanges | A : Enclavement HM : Fonction d’étape le long de la route du Mont-Cenis – Croissance des échanges | A & HM : Enclavement suite à la construction du chemin de fer et du tunnel du Fréjus A : bénéficie de la proximité relative à Modane | A & HM : Migration permanente des jeunes vers la vallée industrialisée – Intensification des échanges – Accueil touristique | A & HM : Fonctions résidentielle et d’accueil touristique - Migrations pendulaires et saisonnières à un plus large rayon encouragées par la construction de l’autoroute |
Principales sources de revenus | A & HM : Internalisation d’une partie des revenus des migrants temporaires HM : vente de bétail et de fromage en Italie | A & HM : Internalisation d’une partie des revenus des migrants temporaires HM : vente de bétail et de fromage en Italie et dans la vallée | A & HM : Internalisation de revenus issus de l’industrie et de l’hydroélectricité – Vente de bétail dans la vallée | A & HM : Captation des revenus liés à la présence touristique – Internalisation de revenus issus de l’hydroélectricité – Élevage laitier labellisé |
Notes de bas de page
1 Raffestin C.,1989, « Théorie du réel et géographicité », Espaces-Temps, no 40-41, p. 26-31.
2 Redman C. L., Grove J. M. et Kuby L. H., 2004, « Integrating social science into the long-term ecological research (LTER) network : social dimensions of ecological change and ecological dimensions of social change », Ecosystems, vol. 7, no 2, p. 161-171 ; Haberl H., Winiwarter V., Andersson K., Ayres R. U., Boone C., Castillo A., Cunfer G., Fischer-Kowalski M., Freudenburg W. R., Furman E., Kaufmann R., Krausmann F., Langthaler E., Lotze-Campen H., Mirtl M., Redman C. L., Reenberg A., Wardell A., Warr B. et Zechmeister H., 2006, « From LTER to LTSER : conceptualizing the socioeconomic dimension of longterm socioecological research », Ecology and Society, vol. 11, no 2, p. 13, en ligne sur http://www.ecologyandsociety.org/vol11/iss2/art13, consulté le 4 novembre 2015.
3 Ostrom E., 2009, « A general Framework for analyzing sustainability of socio-ecological systems », Science, vol. 325, no 5939, p. 419-422.
4 Barles S., 2015, « The Main Characteristics of Urban Socio-Ecological Trajectories : Paris (France) from the 18th to the 20th Century », Ecological Economics, vol. 118, 2015, p. 177-185.
5 Singh S. J., Haberl H., Chertow M., Mirtl M. et Schmid M. (Eds.), Long Term Socio-Ecological Research : Studies in Society-Nature Interactions Across Spatial and Temporal Scales. Berlin, Springer, 2013.
6 Krausmann F., Schandl H. et Sieferle R. P., 2008, « Socio-ecological regime transitions in Austria and the United Kingdom », Ecological Economics, vol. 65, p. 187-201 ; Schandl H., Fischer-Kowalski M., Grunbihel C. et Krausmann F., 2009, « Socio-metabolic transition in developing Asia », Technological Forecasting and Social Changes, vol. 76, no 2, p. 267-281.
7 Haberl H. et al., 2006, op. cit.
8 Gunderson L. H. et Holling C. S. (Eds), 2002, Panarchy : understanding transformations in human and natural systems, Washington, D. C., Island Press.
9 Haberl H. et al., 2006, op. cit.
10 De Vries B. et Goudsblom J., 2002, Mappae Mundi. Humans and their Habitats in a Long-Term Socio-Ecological Perspective, Amsterdam, Amsterdam University Press,
11 Haberl H., Fischer-Kowalski M., Krausmann F., Weisz H. et Winiwarter, V., 2004, « Progress towards sustainability ? What the conceptual framewark of material and energy flow accounting (MEFA) can offer », Land Use Policy, vol. 21, no 3, p. 199-213.
12 Black R., Bennett S. R. G., homas S. M. et Beddington, J. R., 2011, « Climate change : migration as adaptation », Nature, vol. 478, p. 447– 449.
13 Redman C. L. et al., op. cit. ; Haberl H. et al., 2004, op. cit. ; Verburg P. H., Van de Steeg J., Veldkamp A. et Willemen L., 2009, « From land cover change to land function dynamics : a major challenge to improve land characterization », Journal of Environmental Management, vol. 90, no 3, p. 1327-1335.
14 Ohl C., Krauze K., Grünbühel C., 2007, « Towards an understanding of long-term ecosystem dynamics by merging socio-economic and environmental research. Criteria for long-term socio-ecological research sites selection », Ecological Economics, vol. 63, p. 383-391.
15 Krausmann F. et Fischer-Kowalski M., 2013, « Global socio-metabolic transition », in Singh S. J. et al., op. cit.
16 Bruchet M., 1908, L’abolition des droits seigneuriaux en Savoie, 1761-1793, Annecy, Imprimerie Hérisson Frères, p. 85-86.
17 Gallety J.-C., 1983, Les sociétés montagnardes devant l’aménagement touristique : l’émergence du fait communal. Exemple de trois communes en Savoie : Aussois, Les Avanchers et Saint-Martin-de-Belleville, thèse de 3e cycle, urbanisme, Université Grenoble III, p. 444. Le chiffre donné pour 1650 est fourni par : A. Billiet, 1846, « Mouvement de la population dans le diocèse de la Maurienne », Mémoires de la Société académique de Savoie, t. 12, p. 337. Henri Onde estime que Billiet a beaucoup surestimé la natalité et donne des chiffres beaucoup plus bas (503 en 1650, 347 en 1758). Onde H., 1942, « Les mouvements de la population en Maurienne et en Tarentaise », Revue de géographie alpine, vol. 30, no 2, p. 367-370.
18 Verneilh-Puiraseau J. de, 1807, Statistique générale de la France : département de Mont-Blanc, Paris, Chez Testu, p. 142.
19 Onde H., 1932, « La route de Maurienne et du Cenis de la fin du xviiie au milieu du xixe siècle (Evolution d’une route de grande vallée alpine) », Revue de géographie alpine, vol. 20, no 4, p. 726. D’après Onde, les deux itinéraires sont pratiqués jusqu’au xviiie siècle.
20 Palluel J., an XIII (1804-1805), Annuaire statistique du département du Mont-Blanc pour l’an XIII, Chambéry, chez les imprimeurs Cléaz et Gorrin, 3e partie, p. 168. En fait cette troisième partie a été rédigée par Verneilh-Puiraseau.
21 Ibid.
22 Palluel J., op. cit., 3e partie, p. 10.
23 Tochon P., 1872, « Histoire de l’agriculture en Savoie », Mémoires de l’Académie royale de Savoie 2e série, t. XII, p. 102.
24 Billiet A., 1846, op. cit., p. 337.
25 Onde H., op. cit., p. 387.
26 Billiet A., 1831, « Mémoire sur le mouvement de la population dans le diocèse de la Maurienne », Mémoires de la Société académique de Savoie, t. 5, p. 265.
27 Palluel J., op. cit., 3e partie, p. 171.
28 Palluel J., op. cit., 3e partie, p. 173.
29 Ibid.
30 Bertolotti D., 1828, Viaggio in Savoia, ossia Descrizione degli Stati oltramontani di S. M. il re di Sardegna, Turin, Giuseppe Favale, vol. 2, p. 227.
31 Billiet A., op. cit., p. 342.
32 Verneilh-Puiraseau J. de, op. cit., p. 132.
33 Palluel J., op. cit., 3e partie, p. 174.
34 Verneilh-Puiraseau J. de, op. cit., p. 288.
35 Ibid., p. 423.
36 Verneilh-Puiraseau J. de, op. cit., p. 422.
37 Ibid., p. 424.
38 Grillet J.-L., 1807, Dictionnaire historique, littéraire et statistique des départements du Mont-Blanc et du Léman, Chambéry, Puthod J. F., vol. 3, p. 12.
39 Arbos P., 1922, « La vie pastorale dans les Alpes françaises, essai de géographie humaine », Bulletin de la Société de statistique, des sciences naturelles et des arts industriels du département de l’Isère, t. 43, p. 111.
40 Verneilh-Puiraseau J. de, op. cit., p. 245.
41 Sauzay A. de, an IX (1800), Statistique du département du Mont-Blanc, Paris, Imprimerie des Sourds-Muets, p. 40.
42 Arbos P., op. cit., p. 41-42.
43 Mougin P., 1910, Les forêts de Savoie, Paris, Imprimerie nationale, p. 410.
44 Ibid., p. 371.
45 Ibid., p. 556.
46 Costa A., an X (1802), Essai sur l’agriculture des pays montueux, et en particulier de la ci-devant Savoie ; avec des recherches sur les principes et les moyens propres à augmenter la population, la vivification et le bien-être des peuples, 2e éd. [1e éd. 1774], Paris, Marchant, p. 16.
47 Voir aussi, à ce sujet, Ainé G., 1820, Manuel du bon fermier ou cours théorique et pratique d’agriculture, renfermant tous les principes généraux et tous les détails de leur meilleure économie rurale, propres à la Savoie et aux pays voisins, Chambéry, Imprimerie de Gorrin et Routin, p. 76-84.
48 Verneilh-Puiraseau J. de, op. cit., p. 418. Il ajoute que dans les plaines on pratique la jachère.
49 Grillet J.-L., op. cit., vol. 3, p. 12.
50 Tochon P., op. cit., p. 94.
51 Ibid., p. 151.
52 Onde H., 1937, « Jachère climatique et servitudes agricoles en Haute-Maurienne », Annales de géographie, vol. 46, no 262, p. 369.
53 Creuzé de Lesser A., 1806, Voyage en Italie et en Sicile, fait en 1801 et 1802, Paris, Didot l’Ainé, p. 7.
54 Ibid., p. 10-11.
55 Ibid., p. 11.
56 À propos du bétail au xviiie siècle, Costa signale que lorsque le fourrage manque en hiver, on est obligé « de découvrir les toits pour leur donner le chaume enfumé et aride qui les couvre », Costa A., op. cit., p. 9.
57 Verneilh-Puiraseau J. de, op. cit., p. 183.
58 Grillet J.-L., op. cit., vol. 3, p. 16.
59 Ibid., vol. 3, p. 14.
60 Torricelli G. P., 1993, « La ville dans les Alpes : zone grise ou laboratoire pour les transports de demain ? », Revue de géographie alpine, vol. 81, no 4, p. 37-62.
61 Cette mine a la particularité d’être exploitée comme un bien communal. « [L]es habitans du voisinage s’en attribue le droit exclusif. Lorsqu’ils tiennent le minerai, ils le suivent à l’aventure jusqu’à ce que d’autres mineurs les rencontrent ; ils reviennent alors sur leurs pas et travaillent dans un autre sens. » Verneihl-Puiraseau J. de, op. cit., p. 484.
62 Sauzay A. de, op. cit., p. 55-56.
63 Verneihl-Puiraseau J. de, op. cit., p. 215-216.
64 Borrel E. L., 1889, Notice historique sur les mines de la Savoie, Moutiers, Imprimerie Cane Sœurs, p. 35.
65 Rapports et délibérations du Conseil général de la Savoie. Session de 1864. Rapport de M. Jolibois, préfet du département, Aix-les-Bains, CG de Savoie, 1864, p. 91.
66 Borrel E. L., op. cit., p. 216.
67 Ibid., p. 488.
68 Grillet J.-L., op. cit., vol. 3, p. 66.
69 Verneihl-Puiraseau J. de, op. cit., p. 492.
70 Ibid., p. 493.
71 Pillet A., 1851, Rapport à l’appui du cahier des charges de location ou de vente des mines royales de la Savoie, Turin, Imprimerie royale, p. 5.
72 Borrel E. L., op. cit., p. 33.
73 Pillet A., op. cit., p. 31.
74 Borrel E. L., op. cit., p. 33.
75 Jussieu A. de, 1863, Annuaire administratif et historique du département de la Savoie, Chambéry, Duthod fils, p. 284.
76 Verneihl-Puiraseau J. de, op. cit., p. 197.
77 Ibid.
78 Jussieu A. de, op. cit., p. 73.
79 Ibid., p. 75-76.
80 Mougin P., op. cit., p. 413.
81 Ibid., p. 419. L’inspecteur des eaux et forêts du département du Mont-Blanc suggère alors d’en supprimer treize afin de limiter la pression sur la ressource en bois. Ibid.
82 Vernheil-Puiraseau J. de, op. cit., p. 515-516.
83 Ibid., p. 516.
84 Le vin consommé en Haute-Maurienne vient aussi d’Italie.
85 Grillet J.-L., op. cit., vol. 3, p. 14.
86 Ibid., vol. 3, p. 100.
87 Palluel J., op. cit., 3e partie, p. 185-186. Voir la description assez moqueuse qu’en fait Arthur Young (1794, Voyages en France, 2e éd., Paris, Buisson, an II, t. 2, p. 84-86).
88 Ibid., 3e partie, p. 183.
89 Grillet J.-L., op. cit., vol. 3, p. 101.
90 Ibid.
91 Torricelli G. P., 2002, « Traversées alpines, ville et territoire : le paradoxe de la vitesse », Revue de géographie alpine, t. 90, no 3, p. 25-36.
92 Onde H., 1932, « La route de Maurienne et du Cenis de la fin du xviiie au milieu du xixe siècle (Évolution d’une route de grande vallée alpine) », Revue de géographie alpine, vol. 20, no 4, p. 750.
93 Grillet J.-L., op. cit., vol. 3, p. 12.
94 Vernheil-Puiraseau J. de, op. cit., p. 521.
95 Grillet J.-L., op. cit., vol. 3, p. 12.
96 Vernheil-Puiraseau J. de, op. cit., p. 448-449.
97 Les ouvrages citent à plusieurs reprises le nombre de 30 000 pour l’émigration permanente des savoyards, au xviiie comme au xixe siècle, mais il semble que ce chiffre soit repris de texte en texte sans aucune vérification.
98 Sauzay A. de, op. cit., p. 8.
99 Vernheil-Puiraseau J. de, op. cit., p. 425.
100 Ibid.
101 Grillet J.-L., op. cit., vol. 1, p. 151.
102 Vernheil-Puiraseau J. de, op. cit., p. 553.
103 Ministère de l’agriculture, du commerce et des travaux publics, 1867, Enquête agricole. Deuxième série. Enquêtes départementales. 25e circonscription. Hautes-Alpes, Haute-Savoie, Savoie, Isère, Paris, Imprimerie impériale, p. 26.
104 Sauzay A. de, op. cit.
105 Chamussy H. et Janin B., 1972, « Le centenaire du tunnel du Fréjus », Revue de géographie alpine, vol. 60, no 3, p. 513.
106 Petit J.-P., 2003, « Les voies du Mont-Cenis et du Petit-Saint-Bernard », in Dans les traces d’Hercule. Les voies transalpines du Mont-Cenis et du Petit-Saint-Bernard, Paris, Presses de l’ENPC, p. 42.
107 Billiet A., 1846, « Mouvement de la population dans le diocèse de la Maurienne », Mémoires de la Société académique de Savoie, t. 12, p. 341.
108 Ibid., p. 342.
109 Folliasson J., 1916, « Mouvement de la population en Maurienne au xixe siècle. (Extrait des Annales de l’Université de Grenoble, t. 28, 1916.) », Recueil des travaux de l’institut de géographie alpine, vol. 4, no 1, p. 141.
110 Figuier L., s. d., Les nouvelles conquêtes de la science. Grands tunnels et railways métropolitains, Paris, E. Girard et A. Boitte, p. 2.
111 En fait à trois rails : deux latéraux et un central pour franchir les pentes.
112 Qui ne demande aucune subvention pour ce faire. Rapports et délibérations du Conseil général de la Savoie. Session de 1864 (…), op. cit., p. 79.
113 Figuier, op. cit., p. 41.
114 Boissay C., 1868, « Le chemin de fer à trois rails », Les Mondes, t. 18, septembre-décembre, p. 202.
115 Ibid., p. 203.
116 « Notice de M. Barbier, directeur des douanes, à Chambéry, sur les résultats que l’on doit attendre, notamment pour la Savoie, de l’ouverture du tunnel du Mont-Cenis », in Rapports et délibérations du Conseil général de la Savoie. 2e session ordinaire de 1872. Rapports de M. Jacques de Tracy, préfet du département, Chambéry, Imprimerie Bonne, Conte-Grand et Cie, 1872, p. 32.
117 Ibid., p. 30.
118 Rapports et délibérations du Conseil général de la Savoie. Session ordinaire de 1871. Rapports de M. Eugène Guitter, préfet du département, Chambéry, Albert Bottero, 1871, p. 73.
119 Ibid.
120 Figuier L., op. cit., p. 116.
121 La compagnie est ensuite rachetée par l’État et cédée à la compagnie du chemin de fer Lyon-Méditerranée. Rapports et délibérations du Conseil général de la Savoie. Session de 1866. Rapports de M. Jolibois, préfet du département, Chambéry, Albert Bottero, 1866, p. 48.
122 Figuier L., op. cit., p. 141.
123 Ibid., p. 160.
124 Rapports et délibérations du Conseil général de la Savoie. 2e session ordinaire de 1872 (…), op. cit., p. 78.
125 Bonjean J., 1863, La Savoie agricole, industrielle et manufacturière, suivi d’une notice historique sur la percée du Mont Cenis. Chambéry, Imprimerie Pouchet, p. 139.
126 Figuier L., op. cit., p. 9-23. Figuier effectue ce voyage en mars 1865. Il indique qu’il part le soir de Suse et arrive « vers le milieu du jour » (p. 22) à Saint-Michel.
127 Ibid., p. 42, 49.
128 « Notice de M. Barbier (…) », op. cit., p. 35.
129 Ministère des Travaux publics, 1894, Album de statistique graphique de 1893, Paris, Imprimerie nationale, planches 3 et 4.
130 Torricelli G. P., 2002, op. cit.
131 Rapports et délibérations du Conseil général de la Savoie. Session de 1864 (…), op. cit., p. 89.
132 Ibid., p. 94.
133 Bonjean J., op. cit., p. 62.
134 Rapports et délibérations du Conseil général de la Savoie. Session de 1864 (…), op. cit., p. 92-93.
135 Ibid., p. 93.
136 Bonjean J., op. cit., p. 64-65.
137 Ibid., p. 94.
138 Ibid., p. 95.
139 Rapports et délibérations du Conseil général de la Savoie. Session de 1864 (…), op. cit., p. 99.
140 Ibid., p. 100.
141 Bonjean J., op. cit., p. 91.
142 Ibid., p. 93.
143 Barbier V., 1875b, « La Savoie industrielle. Deuxième partie », Mémoires de l’Académie de Savoie, 3e série, t. 3, p. 396.
144 Rapports et délibérations du Conseil général de la Savoie. 2e session de 1898, Chambéry, Imprimerie Nouvelle, 1898, p. 37.
145 Rapports et délibérations du Conseil général de la Savoie. Session de 1865. Rapports de M. Jolibois, préfet du département, Chambéry, Albert Bottero, 1865, p. 63.
146 Bozérian J. F. J., 1865, Mémoire sur la propriété des mines de Saint-Georges-d’Hurtières... pour M. Berthod et la Compagnie générale anonyme des mines et hauts fourneaux de la Maurienne, Paris, Imprimerie Divry.
147 Bonjean J., op. cit., p. 64.
148 Rapports et délibérations du Conseil général de la Savoie. Session de 1868. Rapports de M. le Baron Lassus Saint-Geniès, préfet du département, Chambéry, Albert Bottero, 1868, p. 77.
149 Rapports et délibérations du Conseil général de la Savoie. 2e session ordinaire de 1872 (…), op. cit., p. 38.
150 Rapports et délibérations du Conseil général de la Savoie. Session de 1877. Rapports de M. Brassier, préfet du département, Chambéry, Imprimerie savoisienne, 1877, p. 44.
151 Entre 1738 et 1910, la Maurienne a perdu 20 % de sa surface boisée. Mougin P., op. cit., p. 48.
152 Le procédé Bessemer fait un temps croire que la production d’acier sera possible en Maurienne, mais les essais ne sont pas concluants. Rapports et délibérations du Conseil général de la Savoie. Session de 1865 (…), op. cit., p. 62-63.
153 Rapports et délibérations du Conseil général de la Savoie. Session de 1864 (…), op. cit., p. 104.
154 Rapports et délibérations du Conseil général de la Savoie. Session de 1868 (…), op. cit., p. 76.
155 Ibid., p. 76.
156 Rapports et délibérations du Conseil général de la Savoie. Session ordinaire de 1871 (…), op. cit., p. 82.
157 Rapports et délibérations du Conseil général de la Savoie. Session de 1877 (…), op. cit., p. 44.
158 Rapports et délibérations du Conseil général de la Savoie. Session de 1864 (…), op. cit., p. 100.
159 Rapports et délibérations du Conseil général de la Savoie. Session ordinaire de 1871 (…), op. cit., p. 77.
160 Ibid., p. 78.
161 Rapports et délibérations du Conseil général de la Savoie. 2e session ordinaire de 1872 (…), op. cit., p. 36.
162 Ibid.
163 Ibid.
164 « Notice de M. Barbier (…) », op. cit., p. 33.
165 Rapports et délibérations du Conseil général de la Savoie. Session de 1877 (…), op. cit., p. 44.
166 Barbier V., 1875b, op. cit., p. 378.
167 Rapports et délibérations du Conseil général de la Savoie. 2e session de 1905, Chambéry, Imprimerie Nouvelle, 1905, p. 30.
168 Rapports et délibérations du Conseil général de la Savoie. 2e session de 1893, Chambéry, Imprimerie Nouvelle, 1893, p. 42.
169 Rapports et délibérations du Conseil général de la Savoie. 2e session de 1895, Chambéry, Imprimerie Nouvelle, 1895, p. 42.
170 Rapports et délibérations du Conseil général de la Savoie. 2e session de 1897, Chambéry, Imprimerie Nouvelle, 1897, p. 40.
171 Rapports et délibérations du Conseil général de la Savoie. Session de 1868 (…), op. cit., p. 78.
172 Catalogue des objets envoyés à l’exposition universelle de Paris en 1878 par les exposants du département de la Savoie, Chambéry, Imprimerie Chatelain, 1878, p. 227-228.
173 Rapports et délibérations du Conseil général de la Savoie. 2e session de 1893 (…), op. cit., p. 44.
174 Rapports et délibérations du Conseil général de la Savoie. Session ordinaire de 1871 (…), op. cit., p. 81.
175 Rapports et délibérations du Conseil général de la Savoie. Session de 1864 (…), op. cit., p. 103.
176 Villet J., 1881, « Notes sur les ardoisières de la Maurienne », Travaux de la société d’histoire et d’archéologie de la Maurienne (Savoie), vol. 5, p. 420.
177 Rapports et délibérations du Conseil général de la Savoie. 2e session de 1893 (…), op. cit., p. 44.
178 Barbier V., 1875a, « La Savoie industrielle. Première partie », Mémoires de l’Académie de Savoie, 3e série, t. 2, 1875, p. 577.
179 Ibid., p. 580.
180 Ibid., p. 563.
181 Ibid., p. 564.
182 André L., 1996, Machines à papier. Innovations et transformations dans l’industrie papetière en France, 1798-1860, Paris, éd. de l’EHESS, p. 434.
183 Barbier V., 1875a, op. cit., p. 472.
184 Boissay C., op. cit., p. 208. Il ne sera entendu que trente ans plus tard.
185 Rapports et délibérations du Conseil général de la Savoie. 1e session ordinaire de 1872, Chambéry, Imprimerie Bonne, Conte-Grand et Cie, 1872, p. 32.
186 La Maurienne, suivi d'une excursion à Rouen, ascension du Pilate, un tour en Angleterre, Lille, Desclée de Brouwer et Cie, 1892, p. 64.
187 Miège J., 1933, « La vie touristique en Savoie », Revue de géographie alpine, vol. 21, no 4, p. 780-781.
188 Folliasson J., op. cit., p. 1-187.
189 Ibid., p. 141.
190 Jail M., 1969, « La Haute-Maurienne. Recherches sur l’évolution et les problèmes d’une cellule montagnarde intra-alpine », Revue de Géographie Alpine, vol. 57, no 1, p. 112.
191 Ibid.
192 Préau P., 1984, « La montagne alpine : originalité maintenue ou banalisation du peuplement ? », in Revue de géographie alpine, t. 72, no 1, p. 103-114.
193 Billiet J. et al., op. cit. p. 62.
194 Les chiffres démographiques d’après-guerre sont à prendre avec précaution rappelle Gallety (op. cit.) : les statistiques pouvaient être gonflées dans certaines communes qui accueillaient les populations dont les villages avaient été détruits. C’est notamment le cas de Modane Fourneaux, Lanslebourg ou encore Aussois (335 habitants en 1936 et 369 en 1946).
195 Blanchard R., 1917, « L’industrie de la houille blanche dans les Alpes françaises », Annales de Géographie, vol. 26, no 139, p. 41.
196 Blanchard R., 1924, « L’électro-métallurgie et l’électro-chimie dans les Alpes françaises », Revue de géographie alpine, vol. 12, no 3, p. 365.
197 Ibid., p. 368.
198 Ibid., p. 369-370.
199 Ibid., p. 385.
200 Ibid., p. 413-414.
201 Plagnat F., 1971, « Gui, fumées industrielles et forêts de Maurienne (Savoie) », Revue de géographie alpine, vol. 59, no 3, p. 325-342.
202 Ibid., p. 326.
203 Ibid. C’est surtout l’acide fluorhydrique des usines d’aluminium qui est en cause.
204 Rapports et délibérations du Conseil général de la Savoie. 2e session ordinaire de 1900, Chambéry, Imprimerie Nouvelle, 1900, p. 35.
205 En particulier en en favorisant l’usage dans les bâtiments publics. Rapports et délibérations du Conseil général de la Savoie. 2e session ordinaire de 1939, Aix-les-Bains, Société des Imprimeries de l’Avenir, 1939, p. 173-177.
206 Blanchard R., 1917, op. cit., p. 29.
207 Jail M., 1971, « La mise en service du « complexe » hydro-électrique du Mont-Cenis », Revue de géographie alpine 59(4), p. 589-592.
208 Marnezy A., 2003, « Ressource hydraulique et diversification des usages. Le cas de la haute vallée de l’Arc (Savoie, France) », in Actes du Colloque Barrages et développement durable en France, Comité Français des Grands Barrages, Paris, 18 novembre 2003, p. 89-98.
209 Chabert L., 1972, « L’industrie en Maurienne et en Tarentaise. Les fabrications disparues ou en difficulté », Revue de géographie alpine, t. 60, no 1, p. 75-100.
210 « C’est bien l’aluminium qui symbolise le mieux la nouvelle technologie de la houille blanche, car depuis la première coulée à Froges (Dauphiné) en 1888, elle restera presque exclusivement un monopole alpin, aux mains de puissantes sociétés comme Pechiney en France (Maurienne) ou Alusuisse » Paul Guichonnet [dir.], 1980, Histoire et civilisation des Alpes, T : II Destin humain, p. 272-273.
211 Chabert L., 1975, « Les nouvelles orientations industrielles des Grandes Alpes de Savoie », in Revue de géographie alpine, t. 63, no 1, p. 78.
212 L’usine fabrique alors 3 000 tonnes d’aluminium à partir de 10 000 tonnes de matières premières (Veyret-Verner G., 1944, « Une agglomération industrielle : Saint-Michel-de-Maurienne, Revue de géographie alpine, vol. 32, no 1, p. 103).
213 Blanchard R., 1924, op. cit., p. 394.
214 Ibid., p. 395.
215 Ibid., p. 397-401.
216 Jail M., 1969, op. cit., p. 102-107.
217 Ibid., p. 124.
218 Billiet J. et al., op. cit.
219 Ibid.
220 Préau P., 1984, op. cit., p. 103-114.
221 Sans compter les non-résidents en 1954, 2 ingénieurs, 30 à 35 ouvriers, 8 à 10 cadres moyens, et environ 5 employés travaillant aux barrages sont recensés à Aussois (Gallety J.-C., op. cit.).
222 Gallety J.-C., op. cit.
223 Voir le chapitre relatif au système agro-alimentaire pour une analyse biogéochimique du système agricole au cours de cette période.
224 Rambaud P. et Vincienne M., 1964, Les transformations d’une société rurale : La Maurienne 1561-1962, Paris, Armand Colin, p. 135.
225 Ibid., p. 133. Les céréales reculent aussi en Basse-Maurienne. Arbos P., op. cit., p. 504.
226 Rambaud P. et Vincienne M., op. cit., p. 133.
227 Source locale
228 Source locale.
229 Musée de la coopérative laitière de Lanslebourg.
230 Arbos P., op. cit., p. 430. Dans les communes industrielles des Basse et Moyenne-Maurienne, l’inalpage est quasiment abandonné. Arbos P., op. cit., p. 509.
231 Jail M., 1969, op. cit., p. 121.
232 Ce qui semble être le cas dans toute la Haute-Maurienne, alors que ce type d’habitat décline ailleurs dans les Alpes. Arbos P., op. cit., p. 610-611.
233 Gallety J.-C., op. cit., vol. 2, p. 457.
234 Ibid.
235 1re session, 1898, p. 141.
236 « La ligne d’autobus électriques à trolley de Modane à Lanslebourg (Savoie », Le Génie civil, vol. 86, no 15, 4 nov. 1925, p. 358.
237 Ibid., p. 360.
238 Ibid.
239 Source locale.
240 Office de tourisme-Syndicat d’initiative (Chambéry), 1923, La Savoie pittoresque : logements et hôtels, saison 1923. Chambéry : Syndicat d’initiative de la Savoie, p. 41.
241 Union des S. I. de Savoie, 1931, « La Savoie et les sports d’hiver », Neige et glaces, no 144, 16 nov., p. 338-339.
242 Amourous C., 2000, « L’implantation du ski alpin dans les Alpes françaises : la tradition étayage de la modernité », Revue de géographie alpine, t. 88, no 4, p. 9-20.
243 Gallety J.-C., op. cit., vol. 2, p. 474.
244 Jail M., 1969, op. cit., p. 130-131. Jail (Ibid., p. 123) souligne que Bonneval et Bassans constituent un « centre d’alpinisme de grande classe » dès 1880.
245 Préau P., 1964, « Le parc national de la Vanoise, banc d’essai d’une politique d’aménagement de la montagne », Revue de géographie alpine, t. 52, no 3, p. 428.
246 Ibid., p. 393-436.
247 Préau P., 1984, op. cit., p. 107.
248 Chabert L, 1975, op. cit.
249 Billiet J. et al., op. cit.
250 Ibid.
251 Ibid., p. 114.
252 Martin M., Crozet M.-A., Gillet J., Lambert Y. et Lebot M., 1977, « Expériences d’animation rurale », Études rurales, vol. 65, no 1, numéro thématique « Pouvoir et patrimoine au village », p. 139-155.
253 Ibid.
254 Ibid.
255 Musée de la coopérative de Lanslebourg.
256 Marnezy A., 1999, « Les effets des dérivations hydro-électriques sur l'hydrologie et la morphologie torrentielle. L'exemple du haut Arc (Alpes françaises, Savoie) », Quaternaire, vol. 10, no 1, p. 49-59.
257 Jail M., 1971, op. cit., p. 589-592.
258 Veyret P. et Vivian R., 1967, « La tournée glaciologique de 1966 », Revue de géographie alpine, vol. 55, no 2, p. 338.
259 Marin G., 1980, « Arc-Isère », Extrait de la Revue Française de l'Électricité, no 252, p. 17 ; Marnezy A., 1999, op. cit.
260 Ravier G.-C., 1979, « L’agence de bassin Rhône-Méditerranée-Corse, un outil antipollution prometteur pour Rhône-Alpes ? », Revue de géographie de Lyon, vol. 54, no 1, p. 56.
261 Veyret P., 1971, « Nouveautés dans l’équipement hydro-électrique des Alpes françaises du Nord (Emosson, Arc moyen, Isère moyenne) », Revue de géographie alpine, vol. 59, no 1, p. 63-76.
262 Ibid., p. 73.
263 Barbier B., 1972, « La survie des petites villes de montagne », Revue de géographie alpine, vol. 60, no 2, p. 310.
264 Chabert L., 1972, op. cit.
265 Billiet J. et al., op. cit.
266 Chabert L., 1975, op. cit.
267 Billiet J. et al., op. cit.
268 Chabert L, 1975, op. cit.
269 CTEF (Contrat territorial emploi formation), 2013, « L'industrie en Maurienne », Cahier du CTEF, no 1, juin.
270 Ibid.
271 INSEE Rhône-Alpes, 2012, « La Maurienne, entre vieillissement et regain démographique », La Lettre Analyses, no 179, nov. 2014, en ligne, http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?reg_id=8&ref_id=19180#sommaire, consulté le 6 novembre 2015.
272 CTEF, op. cit.
273 INSEE Rhône-Alpes, op. cit.
274 Torricelli G. P., 2002, op. cit. p. 25-36.
275 Ibid., p. 31.
276 Ibid., p. 25.
277 Ibid., p. 48.
278 Ibid., p. 32.
279 Torricelli G. P., 1993, op. cit., p. 37-62.
280 Préau P., 1964, op. cit., p. 427.
281 Gallety J.-C., op. cit.
282 Ibid.
283 Delhombre M., 2007, « Aussois, 40 ans déjà », CAES Magazine, no 82, printemps, p. 10.
284 Martin M. et al., 1977, op. cit.
285 Préau P., 1976, « Le parc national de la Vanoise et l’aménagement de la montagne », Revue de géographie de Lyon, vol. 51, no 2, p. 123-132.
286 Charvolin F., 2010, « L’affaire de la Vanoise et son analyste », Le document, le bouquetin et le parc national, xxe siècle. Revue d’histoire, no 113, p. 82-93.
287 Préau P., 1976, op. cit., p. 130.
288 Marnezy A., 1979, « Les stations de ski de la Haute-Maurienne : un exemple original d’aménagement touristique », Revue de géographie alpine, vol. 67, no 3, p. 281-307.
289 Cayron M., 1988, « Commission Générale d’Évangélisation de l’Église Réformée de France. L’aventure du tourisme social, aménagement et développement », Autres Temps. Les cahiers du christianisme social, no 18, p. 32.
290 Amourous C., 2000, « L’implantation du ski alpin dans les Alpes françaises : la tradition étayage de la modernité », Revue de géographie alpine, vol. 88, no 4, p. 9-20.
291 Le Foll J., 1988, « Le surendettement des collectivités locales », Revue d’économie financière, no 46, Numéro thématique « Endettement/surendettement », p. 215-249.
292 Perlès V., 2007, « L’artisan face au tourisme : un passeur d’espaces et de temps », Espaces et sociétés, no 128-129, p. 201-214.
293 Préau P., 1982, « Tourisme et urbanisation en montagne : le cas de la Savoie », Revue de géographie alpine, vol. 70, no 1-2, p. 149.
294 Bocquet R., 2008, « Proximités et coordination inter-firmes : une analyse empirique de la compétitivité des stations de sports d’hiver », Revue d’Économie Régionale & Urbaine, no 2, juin, p. 170.
295 Rautenberg M., 2003, « Comment s’inventent de nouveaux patrimoines : usages sociaux, pratiques institutionnelles et politiques publiques en Savoie », Culture & Musées, no 1. Nouveaux regards sur le patrimoine (sous la direction de Jean Davallon), p. 19-40.
296 Laslaz L., 2013, « Renaturaliser sans patrimonialiser » Bannir les « installations obsolètes » et les points noirs paysagers dans les espaces naturels protégés alpins », L’Espace géographique, avril, vol. 42, p. 354-369.
297 INSEE Rhône-Alpes, op. cit.
Notes de fin
1 De mars à décembre (la route est fermée l’hiver). En été : 50 VP/j, jusqu’à 150 à 200, + depuis 2 ou 3 ans 2 camions de primeurs par jour
Auteurs
Professeure en urbanisme et aménagement à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et chercheure au laboratoire Géographie-Cités (UMR 8504) dont elle dirige l’équipe CRIA (Centre de recherche sur les réseaux, l’industrie et l’aménagement). Ses travaux portent sur les techniques et l’environnement, et croisent des approches historiques et contemporaines, à travers notamment les notions de trajectoire socio-écologique, métabolisme territorial et écologie territoriale.
Docteur en Sciences et Génie de l’Environnement de l’Ecole des mines de St Etienne, chercheur associé à l’UMR PACTE. Juliette Cerceau mène, depuis 2010, des travaux de recherche interdisciplinaire sur l’écologie territoriale et contribue à l’émergence de cette discipline au sein de la communauté scientifique. Elle aborde les questions liées à la transition socio-écologique des territoires en articulant structuration de l’espace, représentations d’acteurs et capabilité collective.
Docteur en en écologie territoriale. Son doctorat a porté sur les modes d’interaction entre acteurs afin de tendre vers une soutenabilité forte, en étudiant particulièrement les systèmes agroalimentaires et énergétiques. Après ces travaux menés au sein du Centre de Recherches et d’Études Interdisciplinaires sur le Développement Durable (CREIDD), elle est aujourd’hui en post-doctorat au laboratoire PACTE à Grenoble. Ses recherches portent essentiellement sur les liens entre hydroélectricité et dynamiques territoriales.
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