Chapitre V. Vie et mort des villages successifs. Continuité et ruptures. Transformations de l’espace construit
p. 281-316
Texte intégral
1Dans tout ce qui précède, notre regard s’est arrêté sur un temps court de l’histoire du village, qui s’amorce avec la préparation du terrain et prend fin avec l’abandon simultané, au moins en apparence, d’un groupe de maisons. Sautant ainsi d’un niveau archéologique à l’autre, d’un épisode villageois au suivant, nous les avons toujours décrits séparément, ne suggérant que rarement les liens qui avaient pu exister entre eux.
2Le moment est venu de donner du liant à cette vision saccadée. Le passage d’un niveau à l’autre est progressif, sauf quand une catastrophe entraîne la destruction totale de l’établissement. Un tel événement est arrivé une fois à Jerf el Ahmar. Nous commencerons par nous arrêter longuement sur cet épisode particulier de l’histoire de ce village. Épisode qui devrait être considéré comme dramatique, mais qui est une véritable aubaine pour l’archéologue, tant les données qu’il permet de recueillir sont éclairantes. Dans le même esprit, et à la lumière de ce que nous aurons appris grâce à cet incendie global, nous rechercherons, en dehors de ce niveau, toutes les maisons et les bâtiments communautaires qui ont été brûlés. Ainsi, pourrons-nous réfléchir sur la signification des incendies, car nous pensons que ces événements sont rarement accidentels et qu’il faut essayer d’en comprendre le sens.
3Nous irons voir ensuite comment s’effectue, quand la situation est normale, le passage d’un niveau à l’autre. Quels sont les signes de rupture ? Quels sont les signes de continuité entre deux épisodes villageois qui se succèdent ? Celui qui bâtit sa maison, connaît-il la maison ancienne sur les ruines de laquelle il s’installe ? L’a-t-il détruite pour la reconstruire ? Dans quelle mesure en a-t-il exploité les matériaux ? A-t-il innové ou s’est-il contenté de reconstruire à l’identique ce qui était démoli ?
4À travers ces questions c’est, une fois de plus, le fonctionnement du village que nous essayons de comprendre, mais en ajoutant à nos variables habituelles celle du temps. Nous essaierons de capter quelques signes liés au processus de la mémoire, ou de l’emprise sur un lieu – pour ne pas parler encore de propriété. Nous tenterons d’évaluer les capacités d’innovation et les domaines où elles s’expriment. Qu’il s’agisse de bâtiments collectifs ou de maisons individuelles, comment se transmettent et se transforment les modèles ? Les observations directes de terrain vont donc être, une fois de plus, directement sollicitées, en espérant qu’elles nous aideront à retracer les grandes lignes de l’histoire du village.
MAISONS, BÂTIMENTS ET NIVEAUX INCENDIÉS. CATASTROPHE ACCIDENTELLE OU ACTE VOLONTAIRE ?
5La fouille des villages néolithiques du Proche-Orient révèle souvent des constructions, voire des agglomérations entières, détruites par le feu. On a longtemps cru au caractère accidentel de ces incendies. Depuis quelques années, grâce surtout aux travaux de chercheurs hollandais1, on a tendance à les considérer presque tous comme volontaires. S’agit-il d’actes individuels ou collectifs ? Si les feux ont été allumés sur une décision de la communauté elle-même, quel pouvait en être le but ? À moins que la décision ne soit venue de l’extérieur, et que des intrus aient mis le feu au village ? Voyons si les données fournies par le niveau incendié de Jerf el Ahmar, permettent d’avancer dans la compréhension de ce phénomène.
Un village détruit par incendie : le niveau III/E
6[Fig. 79] Les maisons du niveau III/E s’étageaient sur trois terrasses. Que se passe-t-il sur la [Fig. 95 : 1, 2] plus basse ? Dans la maison EA9b, l’ensemble des ruines témoigne de l’incendie qui l’a détruite. Arasé par les bâtisseurs du niveau II/E, le mur n’émerge plus que d’une assise, composée de pierres en cigare rougies par le feu. L’espace qu’il enserre est comblé par des débris brûlés : pierres qui proviennent de sa propre ruine, fragments de terre à bâtir durcie tombés du toit. Des morceaux de toit brûlés s’entassent également à l’extérieur, contre le mur. Ils ont été déplacés pour servir de remblai lors des travaux de terrassement du niveau II/E.
7Sur la même terrasse, plus au Nord, EA8 est presque adjacente à EA9b. Elle aussi a [Fig. 40 : 2, 3 ; Fig. 95 : 1-3] brûlé intensément, et les ruines du toit et des murs ont recouvert des objets abandonnés sur le sol. À l’intérieur, le radier de galets et le sol de terre qui le recouvre [Fig. 95 : 4, 6] montrent des traces de chauffe, dont l’intensité varie selon l’emplacement. La force de l’incendie n’a pas été la même partout, malgré la taille réduite de la maison. Des objets qu’on peut considérer comme précieux sont restés en place. C’est le cas d’une pierre à rainure et d’un collier, dont il reste des éléments combinés de coquilles et de pierres. Des empreintes de paniers et de tissu, enregistrées par des morceaux de [Fig. 95 : 4, 6] terre consolidés par la chaleur, constituent de précieux témoins de l’existence de la vannerie et du tissage à une époque où ils sont encore rarement attestés2. Le toit s’est effondré sur lui-même comme le montre une accumulation de fragments portant des empreintes de poutres. Tombés à l’aplomb de leur position d’origine, ils révèlent parfois les orientations de la poutraison. Comme pour la maison EA9b, d’autres [Fig. 95 : 5] fragments de toit, mêlés à des pierres brûlées, s’entassent en désordre à l’extérieur. Une fois de plus, on y reconnaît la manipulation effectuée postérieurement par les habitants du niveau II/E, pour recharger leurs terrasses.
8Posée sur une terrasse plus haute, la maison EA25 surplombe EA8 et EA9b. Elle [Fig. 95 : 1, 2] aussi a brûlé, et les décombres qui la remplissent s’accumulent dans le même ordre que ceux de EA8. Le sol a cuit, prenant une couleur orange. Une fois de plus, la combustion n’est pas répartie régulièrement dans toute la maison, certaines zones étant nettement plus brûlées que d’autres. Sur le sol, une couche de terre grise et meuble s’est accumulée en tombant du toit. Elle provient visiblement de la couche de végétaux – paille ou roseaux –, qui s’interpose entre les poutres et la couverture de terre du toit. On peut interpréter la cuisson du sol et la présence des cendres, comme autant de signes d’une combustion brève et intense. Quelques pierres en cigare, tombées des murs, se superposent à la couche cendreuse et s’y enfoncent. Le gros de la démolition du toit a été déplacé vers l’extérieur par les bâtisseurs du niveau II/E : contre la maison détruite, un amas, composé de terre à bâtir brûlée et de terre non brûlée, est visiblement manipulé, égalisé3.
9Vers l’est, et sur la même terrasse, la « maison aux bucranes » EA47 a subi un incendie particulièrement violent. Sous l’action de la chaleur, le sol de terre est devenu [Fig. 47 ; Fig. 96] rouge et dur, sauf dans le quart ouest. De la faune, quelques outils en silex, notamment une hache à tranchant poli, des molettes et des pilons, sont dispersés sur toute [Fig. 47 : 1, 2, 6] la surface, mais plusieurs d’entre eux sont concentrés près d’un petit foyer posé. Ces objets sont probablement restés à la place qu’ils occupaient au moment de l’incendie. En revanche, trois massacres (dont deux intacts) et un bucrane d’aurochs [Fig. 47, Fig. 96 : 1] complet, qui étaient fixés au mur, sont tombés sur le sol. Lors de la destruction, le mur a basculé vers l’intérieur, les entraînant ainsi dans sa chute. Les massacres sont restés près de la paroi, ce qui signifie qu’ils étaient pendus assez bas. En revanche le bucrane, sans doute accroché plus haut, est tombé presque au centre de la maison. Ces restes sont protégés par des pans de murs entiers, tombés en alternance [Fig. 96 : 2, 3] avec des morceaux de toit. Ils donnent des indications précises sur le mode de démolition, progressif, de cette construction4. Grâce à l’utilisation d’un mortier très solide, les pans de murs sont tombés sans se démantibuler. Le nombre d’assises encore solidaires est élevé – jusqu’à treize – et les enduits, intensément brûlés, sont restés collés aux pierres en cigare. Enfin, le feu semble avoir été le plus fort dans la partie Sud de la construction. L’incendie a même contaminé le sol extérieur, qui est partout brûlé et riche en mobilier, surtout vers le sud.
10Sur la terrasse qui surplombe EA47 d’un demi-mètre, les trois maisons : EA67b, [Fig. 95 : 1, 2] EA68 et EA48 ont été, elles aussi, incendiées. On voit nettement qu’après leur démolition la masse des décombres a été arasée tout comme les murs, et à la même hauteur. Le surplus a été bousculé en dehors des maisons. Ainsi, ce qui reste de EA67a – à peine 8 cm, correspondant à une faible partie émergée des moellons – est comblé par un amas de mottes de terre à bâtir brûlée, des galets brûlés, des cendres. EA68 a peut-être brûlé plus intensément encore. Entre les assises conservées de ses murs – sur une hauteur de 15 cm–, les vestiges du toit forment une masse de terre brûlée, informe et friable, de couleur orange, à l’intérieur de laquelle des fragments de toit bien différenciés portent des empreintes de poutres en bois refendu. Enfin, dans EA48, maison à deux pièces, la manipulation postérieure des vestiges de l’incendie se repère au fait que les ruines recouvrent même ce qui reste du mur de refend. Après avoir arasé ce dernier, les bâtisseurs du niveau II/E ont étendu et égalisé un amas composé de pierres en cigare rosies par la chauffe, de fragments de terre brûlée, et de gros charbons provenant des poutres.
11L’espace qu’entourent ces trois constructions pourrait avoir été atteint, lui aussi, par le feu. Le sol forme une couche brûlée, indurée. Contrairement aux autres maisons du niveau III/E, qui ont brûlé indépendamment les unes des autres, les trois maisons groupées de la terrasse supérieure semblent avoir subi un incendie commun.
12Qu’elles soient proches les unes des autres, et par là même sujettes à la contagion, ou qu’elles soient éloignées, toutes les maisons de ce niveau ont donc brûlé. Cet incendie peut-il être accidentel ? Ou s’agit-il d’une mise à feu systématique et volontaire de tout l’établissement ?
13Pour qu’une maison brûle accidentellement, il faut qu’on ait perdu la maîtrise d’un feu allumé à l’intérieur. Or, la seule construction qui ait un foyer intérieur est EA47. [Fig. 47 : 6] Serait-il à l’origine de la catastrophe ? Il faut sans doute disculper cette toute petite structure (35/20 cm). On voit mal qu’un feu, allumé entre ses pierres, ait pu s’étendre et s’élever suffisamment pour provoquer l’incendie de cette construction, et encore moins l’incendie violent qui affecte tout le village.
14La violence du feu est en effet attestée de façon très explicite par la nature des ruines, presque toutes marquées par une forte élévation de température. Plus encore, la quantité d’objets abandonnés sur place (parfois des objets précieux) ne peut s’expliquer que par la précipitation et la fuite. Même la « maison aux bucranes » a été abandonnée au feu avec tout son contenu, pourtant chargé de sens et certainement prestigieux.
15Tout porte donc à penser que cet incendie général a été volontaire. Il s’agit d’un acte isolé dans l’histoire du village, puisque l’on ne retrouve, dans aucun des autres épisodes, les traces d’un incendie aussi radical et global. À partir du niveau II/E, les incendies concernent essentiellement des constructions particulières. Ainsi, et de façon systématique, tous les bâtiments communautaires sont brûlés. Il arrive aussi que des maisons isolées soient incendiées. Mais leur situation n’est pas quelconque, et il importera de se demander si ces incendies domestiques sont liés ou non à celui d’un bâtiment collectif.
L’incendie des bâtiments communautaires et de leur environnement construit
La phase moyenne
16Sur l’Éminence Est, il reste peu de traces du premier bâtiment communautaire, EA7a, construit par les habitants du niveau II/E. Quelques lambeaux rubéfiés, des charbons et des cendres dans les trous de poteaux, ne suffisent pas pour reconstituer l’étendue de l’incendie. Mais la maison la plus proche, EA2, témoigne indirectement de la force du feu. C’est la cour de cette maison, presque collée à la limite [Fig. 70] du bâtiment communautaire, qui garde les plus intenses traces de brûlures. Une [Fig. 89] couche limoneuse, pulvérulente, contenant de petits nodules de terre à bâtir brûlée, couvre le sol. Ce type de vestiges correspond bien à la combustion d’une couverture végétale légère, peu ou pas enduite de terre, telle que nous l’imaginons pour son auvent. L’incendie semble avoir pénétré aussi dans la maison, dont nous rappelons [Fig. 53] que la fermeture n’est que partielle. Au moins une partie du toit a brûlé, comme en témoignent quelques fragments de terre à bâtir cuits tombés sur le sol, qui s’est coloré sous l’action de la chaleur. On pourrait être en présence du scénario suivant : le bâtiment collectif EA7a est incendié, et la cour de EA2 brûle par contamination. Vu la position relative des deux constructions, on peut même avancer que la propagation du feu ait été facilitée par le vent dominant, SO-NE, qui caractérise la région.
17L’histoire se répète à l’épisode villageois suivant, I/E. Le bâtiment EA7b, construit dans la même fosse que EA7a, est entièrement détruit par le feu. Des masses de terre rubéfiée, pulvérulentes ou dures selon les endroits, mêlées à des cendres, des charbons et des galets chauffés, sont disséminées, aussi bien dans l’espace central [Fig. 28] que dans les cellules. Les trous de poteaux sont remplis de sédiments brûlés. Les pierres provenant de la démolition des murets et des murs porteurs sont brûlées elles aussi. Les parois du mur de soutènement ont littéralement cuit par endroits. Vers le sud et l’ouest, du charbon et de la terre brûlée recouvrent des pierres éboulées depuis les murets, mais il est clair que l’incendie a été le plus violent vers le Sud. C’est là que se trouve le mur porteur en bois de l’édifice. Les gros poteaux enduits de terre qui le constituent ont brûlé totalement et se sont effondrés en dominos. Il [Fig. 28 : 4] n’en reste que la terre qui les moulait et qui a cuit. Autour de ces poteaux se concentre le plus grand nombre de débris de toit brûlés, avec leurs empreintes de poutres. On les trouve surtout dans la cellule C3, prise entre les deux murs porteurs, et dans l’espace central. Malgré la force de cet incendie, il reste peu de grands charbons, provenant de poutres ou de poteaux brûlés. Cela indique une combustion totale du bois, dont il ne subsiste que de petits charbons et des cendres. Pour arriver à ce résultat, il a fallu que la combustion soit bien oxygénée, c’est-à-dire que le milieu soit resté ouvert. Or, ce bâtiment communautaire, nous l’avons vu à travers la disposition des poteaux et les multiples consolidations du toit, est entièrement couvert. L’incendie a peut-être été stimulé par la présence d’un grand nombre de poteaux en bois. Peut-être que le toit n’est pas tombé rapidement, et qu’ainsi la cavité est restée vide assez longtemps pour que le bois ait eu le temps de se consumer totalement.
18Quelques artefacts, pris entre des morceaux de toit tombés, notamment de l’outillage lithique de grande taille, ne peuvent en aucun cas faire partie du mobilier abandonné au sol. Du matériel a été trouvé dans la même situation, dans un bâtiment plus tardif (EA30, niveau II/W). Peut-être ces objets étaient-ils rangés entre les poutres du plafond.
19Maison la plus proche du bâtiment communautaire EA7b, EA1, superposée à EA2, ne montre de signes d’incendie que dans la cour. Une couche meuble, orangée, la recouvre, qui devient plus dure à l’approche des murs. Ici, l’élévation de température a été assez forte pour littéralement cuire la terre qui recouvrait le sol. Dans l’étroit passage qui sépare cette cour du bâtiment EA7b, des restes de démolition brûlés s’entremêlent. On y trouve, imbriqués, des morceaux du mur qui cerne la cour et des pierres tombées de la partie en élévation du mur de EA7b. L’incendie a donc touché en même temps le bâtiment communautaire et la maison voisine. Mais il s’est arrêté contre le mur, fermé, de la maison.
20Le même événement a donc eu lieu deux fois de suite. Un bâtiment communautaire est détruit pas le feu5, l’incendie se propage vers la maison la plus proche, l’atteignant plus ou moins profondément. Aucune autre maison n’est brûlée lors de chacun des épisodes successifs II/E et I/E. Comme nous allons le voir en abordant la phase récente, ce scénario va se répéter une troisième fois.
21Pour réfléchir sur les transitions entre un épisode villageois et l’autre, on retiendra que l’incendie du bâtiment communautaire marque la fin de l’épisode du niveau II/E. Et que la reconstruction au niveau I/E, dans sa partie basse, se fait à l’identique : même bâtiment communautaire reconstruit dans la fosse de l’ancien et maisons de même modèle. Alors que la partie haute du village se transforme, se renouvelle. C’est donc le Groupe 1, proche (et peut-être maître) du bâtiment communautaire, qui donne les signes les plus forts d’une volonté de perpétuer les traditions.
La phase récente
22Le premier bâtiment communautaire de la phase récente, EA29 (niveau III/W), a laissé peu de traces. Ses ruines ont été nettoyées par les bâtisseurs du niveau II/W, avant qu’ils ne le reconstruisent, presque à l’identique. Épargnés par ces travaux, [Fig. 59] quelques lambeaux de sol, des restes d’enduits recouvrant le mur de soutènement, des bases de murs, présentent des traces de feu. Il est donc très probable que EA29 ait été incendié.
23On en sait beaucoup plus sur le nouveau bâtiment, EA30 (niveau II/W), car sa ruine, que côtoient les habitants de la phase de transition (niveau I/W) est laissée à l’abandon. Installés à proximité, ils n’y touchent que pour prélever quelques bonnes pierres (très reconnaissables) qu’ils recyclent dans leurs constructions. Surtout, l’intérieur de ce bâtiment a été immédiatement protégé par la chute de son toit qui, malgré son poids de plusieurs tonnes, n’a pas beaucoup endommagé les murets qui le subdivisent. Examinons, en partant du sol sur lequel tombent les premiers éléments détruits, comment se déroule la séquence de sa démolition.
24Le toit tombe en plusieurs temps. En premier, de grands tronçons de poutres et de solives chutent sur le sol. Ils sont particulièrement nombreux dans l’espace central [Fig. 97 : 1] et sur les deux plateformes, largement exposés. Certains de ces bois incandescents englobent un cadavre humain, jeté sur le sol de l’espace central avant l’incendie6. Ils ont même provoqué la brûlure d’un bras, dont l’os lui-même est atteint. Dans cette zone, la masse de la terre à bâtir du toit tombe ensuite, écrasant les poutres encore incandescentes, étouffant leur combustion. Elle bouscule au passage le haut de certains murets (cellules C6 et C7) que l’on retrouve au sol, par pans de deux à trois assises.
25À l’intérieur de cette lourde masse de terre, tombée après les poutres isolées, on distingue de grands morceaux de toit, rouges et durs, qui gardent l’empreinte des [Fig. 26 : 4, 5] poutres et des solives de la charpente. À côté d’eux, de la terre amorphe et jaunâtre provient de zones moins atteintes par le feu.
26Les cellules C3 et C2, voisines, sont comblées par un amas composite de charbons (fragments de poutres) et de terre qui, tombée du toit, s’entasse sur près d’un mètre de haut. Dans la cellule C2 ces débris ont englobé, en le brûlant, du mobilier resté en place. Une petite meule en basalte ayant servi à moudre de l’ocre, un grand plat [Fig. 37 : 3] en pierre et des outils sont rougis par la combustion. L’amas se compose de trois couches. Directement sur le sol, les morceaux de toit les plus brûlés sont tombés en premier. Leur base est écrasée, formant une couche cendreuse, riche en gros morceaux de charbon. S’y superpose un morceau de toit tombé d’un seul bloc. Démantibulé, il se décompose en parties peu chauffées, jaunes et poudreuses, et en partie cuites, avec empreintes de poutres. Enfin, les morceaux de toit dont la terre est restée crue tombent en dernier, recouvrant le tout d’une épaisseur de terre claire et amorphe.
27Dans les trois cellules successives : C4, C5 et C6, les morceaux de toit sont moins présents. On y trouve plutôt des pierres. Elles viennent surtout de la partie en élévation du mur de soutènement, et se mêlent à de grands morceaux de poutres carbonisées. Sur cet amas, au-dessus de certains murets déjà noyés par les ruines, s’abattent d’énormes pierres tombées du mur porteur Nord. C’est en effet tardivement que, sous l’effet d’une forte poussée verticale provoquée par la chute d’un grand morceau de toit, le sommet des murs porteurs s’éboule. Plusieurs assises tombent en même temps, bousculant au passage le sommet de murets restés à l’air [Fig. 97 : 2, 3] libre et s’amassant en dominos. Au sol, quelques objets, noircis par les premiers bois brûlés tombés pendant l’incendie, sont restés en place. Enfin, il semble que la combustion ait été intense dans la cellule C7, remplie de morceaux de toit brûlés et de charbons.
28L’accumulation des ruines est donc stratifiée presque partout, ce qui conduit à imaginer un scénario en plusieurs temps.
29Le feu saisit le bâtiment. Les premières flammèches se détachent du toit qui tient encore, elles brûlent et couvrent les objets restés sur le sol. On en retrouve partout la trace, sous forme d’une couche noire et cendreuse, sauf dans le silo (C5) encore protégé par les murs porteurs. Ensuite, tombent, encore enflammées, de grandes portions de poutres. Plus nombreuses dans la partie ouest du bâtiment, elles sont particulièrement grosses dans l’espace central. Effondré sur elles, un mélange de grands morceaux de toit, brûlés au point d’être cuits, et de morceaux peu transformés par la chaleur, recouvre presque tout l’espace. La chute de cette lourde masse de terre fait du dégât au passage, bousculant le sommet des murets. C’est elle qui, vraisemblablement, finit par étouffer le feu. Les derniers morceaux de toit tombent et, alors que l’incendie s’achève, les grosses pierres des murs porteurs s’éboulent sur une masse de décombres qui atteint déjà un mètre d’épaisseur.
30La démolition liée directement à l’incendie s’arrête à ce stade. Elle a sans doute été assez rapide. Mais le processus de dégradation et de comblement de la fosse n’est pas terminé. Un grand pan du mur de soutènement s’écroule d’un seul tenant sur l’espace central et les plateformes. On le retrouve sous la forme d’un énorme éboulis conique de trois mètres de diamètre et de presque deux mètres de haut. Une grande épaisseur de limon éolien vient ensuite recouvrir cet éboulis, comblant tout l’espace vide qui reste dans la fosse. Avant l’ensevelissement complet des ruines, le temps a sans doute été assez long, comme en témoigne l’aspect émoussé des pierres.
31Mais, revenons à l’incendie lui-même. Nous avons vu comment, et dans quel ordre, les divers éléments du bâtiment avaient été détruits. Ces observations suffisent-elles pour répondre à notre question de départ ? L’incendie était-il accidentel ou volontaire ? Pour y répondre, il nous faut confronter les caractéristiques des ruines à celles des éléments qui sont restés en place : les enduits, les pierres, et les poteaux du mur de soutènement.
32Tout dépend de l’emplacement de ces éléments dans le contour du bâtiment. Les [Fig. 97 : 1] poteaux les plus brûlés sont noirs, conservent la totalité de leur volume, et sont encore recouverts, partiellement ou totalement, par l’enduit cuit, dur et rouge, du mur. On les localise en deux endroits : au sud et surtout au nord-ouest du contour. [Fig. 97 : 1] Entre ces deux zones, des séries de poteaux n’ont pas brûlé, leur logette est vide de toute trace charbonneuse7. Si l’on rapporte ces observations à ce que l’on sait de la chute du toit, on arrive à un premier bilan. La moitié ouest du bâtiment a brûlé beaucoup plus intensément que la moitié est. Mais il faut étudier la répartition des vestiges de plus près pour en savoir davantage.
33C’est au centre et vers l’ouest, dans l’espace central et au niveau des plateformes, que la combustion est la plus forte, c’est-à-dire là où le bâtiment est le moins compartimenté. Sur environ deux mètres d’amplitude, la paroi du mur de soutènement montre les traces les plus intenses de brûlure. L’enduit de terre, cuit, y recouvre presque intégralement, d’une croûte dure, les poteaux du colombage8. Ces derniers sont carbonisés, notamment les deux plus gros poteaux (P7 et P9) qui soutiennent [Fig. 29 : 3,4 ; Fig. 97 : 1] les poutres maîtresses de la toiture. C’est dans le même secteur que se concentre le plus grand nombre de poutres tombées. Pourtant, il ne s’entasse, au centre de cette zone, que peu de fragments de terre à bâtir. N’est-ce pas, justement à cet endroit [Fig. 30] que nous avons proposé de placer la trappe d’accès ? Nous tenons peut-être là un argument supplémentaire en faveur de cette hypothèse. On peut même aller encore plus loin, en envisageant que la violence de l’incendie dans cette zone ait été favorisée par l’appel d’air que produisait cette ouverture.
34On peut voir, vers le sud, une deuxième zone fortement brûlée. Si seulement trois [Fig. 97 : 1] poteaux successifs y sont carbonisés, une grande quantité de terre à bâtir brûlée, et des murets basculés indiquent que la combustion y a été intense, quoique plus circonscrite.
35Comment ce bâtiment a-t-il pu brûler alors qu’il n’existe, à l’intérieur, aucune structure de combustion dont le mauvais usage aurait pu déclencher un incendie ? Nous ne voyons qu’une possibilité : le feu a été volontairement allumé. Depuis l’intérieur et, sans doute, à partir de plusieurs points, au moins deux, correspondant aux deux zones très brulées. Qu’y avait-il là qui puisse brûler ? Certainement pas la réserve de grains. On en aurait trouvé les vestiges carbonisés, or il n’y en a presque pas. Au contraire, la pièce où ils se trouvaient est la moins brûlée de toutes. Le plus vraisemblable est que l’on ait apporté du combustible et qu’on y ait mis le feu.
36Qui ? Pourquoi ? Contentons-nous pour le moment d’avancer que l’incendie a un lien logique avec le corps qui est jeté au fond du bâtiment, et que le feu est allumé peu après sa mort. Peut-être nous hasarderons-nous, à la fin de cet ouvrage, à pousser plus avant l’interprétation (Chapitre VI). En attendant, que se passe-t-il autour du bâtiment ? Le village, dont il est le centre, brûle-t-il lui aussi ?
37Une maison brûle en tout cas, et violemment, EA10. C’est la plus proche du bâtiment [Fig. 85] communautaire, ce n’est donc pas étonnant. Mais s’agit-il d’une simple contamination ou l’a-t-on incendiée volontairement ? Rappelons que cette maison tripartite a deux pièces qui ne communiquent pas et une cour subdivisée en deux espaces indépendants. Les deux pièces ont brûlé et la destruction a suivi les mêmes étapes des deux côtés du mur qui les séparent, malgré le fait que l’une était très encombrée, alors que l’autre était vide. Comme toujours, ce sont des fragments de [Fig. 63] toit qui tombent en premier, suivis par le haut des murs. Ensuite chutent en alternance des morceaux de toit et des morceaux de murs. L’ensemble de ces couches alternées s’amasse sur une hauteur de 50 cm.
38Les fragments brûlés du toit se concentrent dans la moitié sud de la pièce vide, alors qu’ailleurs la terre est crue, jaune et compacte. Abattus sur les restes de toit, des pans entiers de murs réunissent jusqu’à cinq assises non démantibulées. Leur parement de terre, très cuit, adhère encore aux pierres, parfois éclatées sous l’action du feu. La dernière masse de terre tombée du toit, peu brûlée et meuble, recouvre l’ensemble de ces ruines, qui sont contenues par les murs en place, intacts sur 1,80 m de hauteur, intégralement brûlés.
39Dans la pièce « cuisine », les fragments de terre à bâtir brûlée, qui tombent en premier [Fig. 63] du toit, sont réduits en poudre et de couleur brun-noirâtre. Ils recouvrent le sol, déjà rougi et durci par la combustion, et englobent le mobilier et les objets qui y sont posés. Les morceaux de toit brûlés qui tombent à leur tour sur cette couche délitée sont plus grands et plus solides, se mêlant parfois à des morceaux de terre qui n’ont pas cuit. Comme dans l’autre pièce, des pans de murs tombent sur cette masse. L’un d’eux, provenant du mur de refend, se compose de huit assises encore solidement tenues par leurs joints et couvertes par leur parement brûlé. Enfin, comme [Fig. 26 : 1] dans l’autre pièce, les derniers morceaux de toit, peu cuits, recouvrent presque toute la surface de la pièce.
40Quelle a été la cause de l’incendie de cette maison ? À moins de deux mètres du bâtiment communautaire, il se pourrait qu’elle ait brûlé par simple propagation des flammes qui le consumaient. Le fait que tout le mobilier ait été abandonné sur place pourrait plaider en faveur de cette hypothèse, privilégiant le caractère accidentel de l’incendie. Mais on peut penser aussi que, le bâtiment communautaire ayant été brûlé volontairement, on ait voulu également brûler cette maison, la détruire. Cette perspective n’a de sens que si la maison EA10 a un lien privilégié avec ce bâtiment. Or c’est une possibilité que nous avons déjà envisagée, lorsque nous avons réfléchi à la position de cette maison et au caractère exceptionnel du four dans sa cour. Sa construction est de grande qualité et ses dimensions exceptionnelles. Nous nous [Fig. 76] acheminons donc, étape par étape, vers une proposition plus précise au sujet de sa fonction. Cette maison pourrait être de nature aussi communautaire que le bâtiment lui-même. Si c’était le cas, la décision de le brûler aurait entraîné celle de la brûler en même temps, et avec tout ce qu’elle contenait.
41Nous reprendrons cette hypothèse (Chapitre VI) en confrontant les arguments recueillis à propos de EA10, à ceux qui ont été réunis à propos de EA2 et EA1, à la phase moyenne. C’est, en effet, globalement qu’il faut réfléchir au statut, sans doute particulier, des maisons voisines de bâtiments communautaires.
42Y a-t-il d’autres maisons brûlées dans cet ensemble villageois ? Assez loin du bâtiment communautaire, seule l’annexe de EA13 présente des signes d’incendie, avec des restes de toit brûlés écrasés sur le sol sous le poids des pierres, parfois brûlées, tombées des murs. À côté, EA11 et son annexe montrent, dans leur destruction, quelques pierres brûlées, mais il peut s’agir de pierres recyclées. Aucune autre maison n’est brûlée, même pas l’annexe du bâtiment EA30 qui s’y accroche pourtant directement. L’incendie concerne donc le bâtiment communautaire, brûlé volontairement, et EA10, très liée à lui, par la proximité mais peut-être aussi par le statut de ses habitants.
La phase de transition
43Le bâtiment communautaire de la phase de transition a brûlé, mais de façon très atténuée. Serait-ce parce qu’il y a beaucoup moins de bois sur la charpente ? Faut-il y voir un argument supplémentaire en faveur de notre hypothèse de couverture [Fig. 31-33] partielle ? L’examen des traces de combustion va nous aider à défendre cette thèse.
44Le sol de l’espace central est uniformément jaune, sans la moindre trace de brûlure ou de sédiment brûlé. Il s’est abattu sur lui, vers l’est du bâtiment, sur trois mètres carrés au maximum, une masse de terre à bâtir brûlée rouge, provenant de la couverture. Elle n’est pas assez durcie pour avoir conservé des empreintes de poutres, sa masse est informe, comme re-agglomérée sous l’action de l’humidité. On note la rareté des charbons. Vers le haut de cet amas, des fragments d’enduits cuits, de faible épaisseur, se concentrent à proximité des poteaux porteurs les plus proches. Il est clair que ces fragments appartiennent aux enduits qui recouvraient ces poteaux. Quelques petites pierres en cigare surmontent le tout, elles pourraient être tombées depuis la partie en élévation du mur de soutènement. Dans la même zone, l’enduit qui recouvre ce mur est chauffé, et c’est à cet endroit que s’alignent les seuls poteaux du colombage qui présentent des traces de brûlure. Trois d’entre eux seulement contiennent des charbons, plutôt menus.
45Dans le même tiers du bâtiment se suivent les trois seuls poteaux porteurs (PP4, PP3 et PP2) qui ont brûlé. À l’opposé, les trois autres poteaux ne se signalent que [Fig. 31 : 2] par le trou béant dans lequel ils étaient insérés.
46La terre qui recouvrait les trois poteaux brûlés a subi une élévation de température suffisante pour qu’elle cuise et durcisse. Les enduits de deux poteaux sont restés en place (PP2 et PP4) sur une hauteur de 0,50 m et 0,70 m. L’enveloppe de terre du [Fig. 31 : 3, 4] troisième, qui est situé entre eux, s’est cassée au niveau de la banquette et s’est effondrée sur elle. Elle s’est partiellement écrasée, mais reste encore assez proche de sa [Fig. 31 : 5] forme cylindrique d’origine pour être reconnaissable. Plus étonnant, elle est complète. Elle mesure en effet 1,50 m de longueur, ce qui correspond à la hauteur approximative du plafond à partir du sommet de la banquette. Ce poteau, comme les deux autres, était décoré de motifs triangulaires. [Fig. 52 : 4]
47On ne retrouve que d’infimes traces, sous forme de quelques petits charbons, des poteaux eux-mêmes. Ils étaient pourtant énormes9. La combustion a donc été totale, et le bois réduit en cendres. On peut en chercher l’explication dans la forme de la couverture. Si elle se limitait, comme nous l’avons proposé, au surplomb de la banquette, la masse de terre était insuffisante pour écraser les bois incandescents, et pour en étouffer la combustion, seule condition permettant de les transformer en charbons. De plus, un puissant appel d’air, venant du vide central de la toiture, ne pouvait qu’attiser le feu.
48Ainsi s’ajoutent trois arguments nouveaux pour défendre l’hypothèse d’une couverture partielle, destinée seulement à abriter la plateforme : la rareté des fragments tombés du toit, leur concentration dans les zones les plus périphériques du bâtiment, l’absence de charbons. Mais, comment un bâtiment enterré, vraisemblablement peu couvert, ne contenant aucune structure de combustion, et apparemment complètement vide, peut-il brûler ? Nous n’imaginons qu’une possibilité. Du combustible a été apporté et déposé entre la paroi et les trois poteaux porteurs du tiers Est. On y a mis le feu et il a contaminé – non sans mal, car ils sont enduits – ces trois poteaux. Localement assez puissant, le feu ne s’est propagé, ni dans le reste du bâtiment, ni à l’extérieur. Aucune maison de ce niveau, en effet, ne présente la moindre trace d’incendie.

Fig. 95. Un village incendié. L’épisode du niveau III/E, début de la phase moyenne.

Fig. 96. La « maison aux bucranes », détruite par l’incendie du niveau III/E (phase moyenne).

Fig. 97. L’incendie du bâtiment communautaire EA30 (niveau II/W, phase récente).
SUPERPOSITION DES VILLAGES ET TRANSFORMATIONS DE L’ESPACE CONSTRUIT
49Abordons maintenant l’histoire du village sous un autre éclairage. Les installations se succèdent sur ce site pendant huit cents ans. Chaque maison se superpose-t-elle aux ruines d’une maison détruite ? Ou recompose-t-on, à chaque épisode villageois, la structure de l’espace bâti ? Les réponses varient, non seulement d’un niveau à l’autre, mais d’un groupe de maisons, voire d’une maison à l’autre. Quels enseignements peut-on tirer de ces choix différents ? Et peut-on retracer, du début à la fin de l’occupation, l’évolution globale de ce village ?
50Quand un site est occupé sur une longue durée, on se demande toujours si ses occupants y sont restés de façon continue ou si des événements particuliers, ou des décisions collectives, les ont conduits à déserter le lieu. Des absences de courte durée sont difficiles à détecter, mais un départ définitif, laissant la place à de nouveaux occupants, peut se repérer par l’irruption brusque de nouveautés que rien n’annonçait. Qu’en est-il de Jerf el Ahmar ? Occupé pendant huit cents ans, au cours desquels une douzaine d’épisodes villageois se succèdent, le village reste fidèle à une tradition culturelle unique (le PPNA de tradition Mureybétienne). Il n’y a donc pas eu remplacement d’une population par une autre, détentrice d’habitudes différentes. Mais cette homogénéité ne suffit pas à démontrer une emprise sur le lieu par un seul groupe, qui ne l’aurait jamais quitté. Il faut donc rechercher des indices, chaque fois que l’histoire du site marque un point d’arrêt : passage d’un niveau à l’autre, destruction totale d’un ensemble villageois.
51Le signe le plus évident d’une rupture de l’occupation, au moment du passage d’un niveau à l’autre, est la présence de nappes de sédiments déposées par le vent ou par le ruissellement, qui s’intercalent entre eux. Ce genre de manteau continu, vide de tout objet oublié, ne sépare jamais deux épisodes villageois à Jerf el Ahmar. Au contraire, on trouve de nombreux cas de superposition directe entre les ruines et les nouvelles constructions. Parfois même, ruines et constructions nouvelles se mêlent étroitement. Les pierres éboulées sont recyclées, les nouveaux murs s’encastrent dans les anciens. Cette intimité est telle, qu’on est tenté d’affirmer que les nouveaux bâtisseurs connaissaient l’ancienne construction avant sa ruine. Et, peut-être même, qu’ils l’ont démolie volontairement.
52Concrètement, comment les choses se passent-elles, du début à la fin de l’occupation du site ?
Continuité ou discontinuité de l’occupation à la phase ancienne
53En bas de pente, on ne peut rien dire des trois plus anciens niveaux, la surface fouillée étant restreinte. Mais le peu d’indices recueillis irait plutôt en faveur d’une continuité de l’occupation. Au niveau IV/E, qui marque la fin la phase ancienne, trois constructions, sur les six qui nous sont connues, sont superposées à des maisons [Fig. 98a : 1, 2] du niveau V/E. Une quatrième coupe une construction ancienne. Enfin, deux maisons sont bâties sur des emplacements nouveaux. La proportion des maisons superposées est donc de 50 %10.
54[Fig. 98a : 2 ; Fig. 99] En bas de pente, EA26 se superpose à EA41. Plus précisément, une partie seulement du nouveau mur s’élève sur l’ancien. Dans un souci probable d’agrandir légèrement la nouvelle maison, une autre partie du mur se cale contre la face extérieure de ancien mur11. La nouvelle maison n’est pas exactement superposée à l’ancienne, elle est « emboîtée » dans son contour. Le nouveau radier exploite les ruines. L’arc des anciens moellons qui restent à découvert en constitue une partie, et le reste est comblé par des pans de murs basculés vers l’intérieur, et quelques pierres rapportées. Non loin de là, une grande construction, EA28, coupe EA37 comme si elle [Fig. 36 : 1] en ignorait l’emplacement.
55Vers le haut de la pente, deux maisons du niveau IV/E font preuve d’un lien très étroit avec deux maisons identiques du niveau V/E. En effet, la superposition est [Fig. 98a : 2] « intégrale » entre les maisons monocellulaires rondes EA32a et EA32b. Il ne reste de EA32a que l’assise de fondation en moellons. Après avoir étendu un lit de cailloutis sur cette base, les nouveaux occupants s’en servent pour élever leur mur, fait de pierres en cigare. Leur maison sera la réplique exacte de l’ancienne.
56Tout à côté, EA31a et EA31b ne sont pas superposées mais « encastrées » l’une – [Fig. 98a : 2] la nouvelle – dans l’autre. De ces deux maisons monocellulaires rondes ne restent que les soubassements. Ils sont concentriques et collés l’un à l’autre. Et c’est la maison la plus récente qui est la plus petite, puisqu’elle s’inscrit dans l’ancienne.
57Ces trois exemples de superposition correspondent à trois variantes d’un lien direct entre deux architectures successives : la « superposition », l’« encastrement » et une « combinaison d’emboîtement et de superposition ». À propos des deux dernières, on peut se dire que, caler une fondation contre une assise ancienne, peut résulter d’une recherche de facilité : il est plus aisé d’emboîter, ou d’encastrer, que de superposer. On peut y voir aussi une volonté d’arrimer plus solidement la nouvelle construction. Mais il est vrai que, l’imbrication étant de faible hauteur, l’amélioration n’était pas considérable.
58Ce qu’il faut retenir d’essentiel, c’est que la continuité d’occupation au cœur de la phase ancienne est démontrée par plusieurs cas de superposition directe, sans modification du contour. Les dimensions des nouvelles maisons ne s’écartent pas des anciennes, et la manipulation des ruines est facilement identifiable. Voyons maintenant si le passage de la phase ancienne à la phase moyenne est marqué par la continuité ou par une rupture.
De la phase ancienne à la phase moyenne
59Au début de la phase moyenne (niveau III/E), le nombre relatif des superpositions augmente (de 50 % à 71 %). En effet, cinq maisons se construisent à l’aplomb d’anciennes constructions, deux seulement sont créées sur de nouveaux emplacements. [Fig. 98a : 2, 3]
60En bas de la pente, sur la limite de la zone construite, une maison ronde (EA9b) s’encastre dans la ruine d’une maison plus ancienne (EA9a), dont seul le soubassement est conservé. Cet ancrage atteste de la continuité de l’occupation à cet endroit.
61À mi-pente, nous avons déjà rencontré, à la phase ancienne, deux maisons successives superposées (EA41 et EA26). La tradition continue avec une troisième maison, EA8. La superposition se fait sur le même mode, une combinaison [Fig. 98a : 1-3] d’emboîtement et de superposition. Le lien est donc ininterrompu entre trois maisons rondes construites l’une après l’autre, aux niveaux V/E, IV/E et III/E. On peut [Fig. 99] y ajouter que ces trois maisons sont équipées d’un même foyer extérieur, adjacent au mur. Construit pour la maison la plus ancienne, il est repris, nettoyé, reconstruit pour chacune des nouvelles maisons.
62Enfin, en haut de pente, trois maisons partagent un espace commun, qui se situe [Fig. 88] exactement à l’aplomb d’une aire ancienne (IV/E) qui, déjà, était entourée de trois maisons. Le nouvel espace est mieux aménagé, avec un pavage. Il est équipé de structures [Fig. 87] de combustion qui ne sont autres que d’anciens foyers restaurés et rehaussés, qui continuent à servir. Mais les trois maisons qui l’entourent ne se superposent pas toutes à d’anciennes constructions. C’est le cas seulement de deux d’entre elles : EA68 et EA67a. En particulier, EA68 se « superpose totalement » à EA33, les soubassements [Fig. 98a : 3] anciens servant de base pour monter le nouveau mur. La continuité de l’occupation est perceptible dans cette partie du village, non seulement à travers la superposition des maisons, mais aussi à travers l’entretien et l’usage continu d’une même aire partagée.
63Tout plaide donc en faveur d’une continuité totale entre la phase ancienne et la phase moyenne, aussi bien le nombre et l’intrication des maisons superposées, que les emplacements et les usages des aires extérieures communes.
Continuité ou discontinuité de l’occupation à la phase moyenne
64Nous avons vu (Chapitre IV) qu’au niveau II/E, de grands travaux avaient succédé à l’incendie général du niveau III/E. Nous les avons également évoqués dans ce chapitre, chaque fois qu’une manipulation très visible de ruines incendiées était identifiée, au voisinage d’une maison incendiée. On s’est demandé si le déplacement des décombres, pour recharger et reconstruire les terrasses, avait eu lieu rapidement, ou s’il y avait eu une rupture entre les deux évènements. L’observation du nouveau tissu villageois peut nous aider à répondre à cette question. Quelle est la proportion de maisons du niveau II/E qui se superposent à des maisons incendiées du niveau III/E ? Témoigne-t-elle de liens qui auraient persisté, malgré l’incendie, entre les habitants du village détruit et ceux qui le reconstruisaient ?
Le niveau II/E
65Au niveau II/E, sur les dix maisons dégagées, six se superposent à des constructions [Fig. 98b : 1] anciennes, les quatre autres se bâtissent à des emplacements neufs, ce qui correspond à une proportion de 60 %. Quant au premier bâtiment communautaire à divisions radiales, bâti au prix d’un énorme travail collectif (EA7a), il est intégralement creusé dans le sol vierge et dans une zone qui n’avait jamais été construite.
66Sur la terrasse basse, T3, qui surplombe le bâtiment communautaire, dans la zone très densément construite depuis le début de l’occupation, cinq nouvelles maisons [Fig. 98b : 1] s’établissent, deux seulement se superposant à des constructions plus anciennes. Le bâti ancien est donc modifié. On en connaît la cause. Dans le but de rénover entièrement la terrasse inférieure, en l’élargissant et l’approfondissant, le terrain a été recreusé. De ce fait, la grande maison EA2 se construit en amputant profondément les ruines de EA25 (III/E). Il y a pourtant un lien évident entre les deux constructions. Elles appartiennent au même type, tripartite12. La nouvelle construction respecte exactement l’orientation de l’ancienne et en reproduit la structure : les deux cours sont superposées, le nouveau mur de refend, qui sépare les deux pièces intérieures, est parallèle à l’ancien, et très proche de lui. Les bases de murs de EA25 sont conservées, son radier est exploité. Mais, à part un court tronçon, situé à l’est, tous les nouveaux murs sont décalés par rapport aux anciens, que ce soit vers l’extérieur (au nord et au nord/nord-est), ou vers l’intérieur (au sud).
67Les observations rassemblées à propos de cette zone donnent des informations contradictoires, qu’on peut tout aussi bien utiliser pour démontrer une reconstruction immédiate du village après son incendie général, qu’un abandon temporaire.
68Vers l’Euphrate, EA83 (II/E) ne se superpose qu’aux neuf dixièmes sur EA8 qui, au niveau III/E, surmontait exactement deux maisons de la phase ancienne. Si elle [Fig. 98a : 2, 3 ; Fig. 98b : 1] est à peine plus grande que les précédentes, il est important de noter que son plan est tout à fait différent. Elle est pluricellulaire et sans doute tripartite.
69Que se passe-t-il dans la partie haute du village ? Les quatre maisons qui s’y établissent au niveau II/E sont toutes superposées à des constructions anciennes. Dans deux cas, la superposition est presque totale, dans les deux autres elle n’est que partielle. EA67b se superpose directement à EA67a, les deux maisons successives sont [Fig. 98b : 1] identiques. De même, EA82 s’encastre à l’intérieur de EA47. Les deux soubassements successifs sont adjacents, et la nouvelle maison est à peine plus petite que l’ancienne. Les pierres en cigare tombées des murs de EA47 servent à construire le nouveau radier, on les bouge le moins possible de leur point de chute. En revanche, EA49 s’encastre dans EA48, mais les nouveaux murs ne se collent pas aux anciens. De fait, elle est nettement plus petite, et il ne semble pas qu’elle soit subdivisée. Quant à EA36, elle n’est superposée que par son annexe à la maison monocellulaire EA68.
70Entre le haut et le bas de l’établissement, le tableau est donc contrasté. Non seulement la différenciation entre les deux groupes de maisons est forte, mais les travaux qui ont précédé leur construction diffèrent totalement. En bas, la zone occupée par le Groupe 1 est profondément transformée. On y conduit de grands travaux, et le premier bâtiment communautaire y est établi. Plusieurs maisons nouvelles sont construites, l’espace bâti s’élargit ainsi vers le Sud. À l’opposé, le haut du village qu’occupe le Groupe 2 évolue beaucoup moins. Les nouvelles maisons se situent à l’aplomb des anciennes. Et ces maisons présentent peu de modifications sur le plan des formes, aussi bien que sur celui des dimensions.
71Peut-on savoir si le site a été abandonné après l’incendie du niveau III/E ou si la reconstruction, au niveau II/E, s’est faite sans rupture ? L’impression qui domine est celle d’une continuité de l’occupation. Elle se base d’abord sur le fait que les terrasses, si elles sont remaniées et consolidées au niveau II/E, ne changent pas de place. Cette structure d’envergure, édifiée par les habitants du niveau III/E, est strictement respectée. Ensuite, la reconstruction du village sur les terrasses hautes témoigne d’une solide continuité, puisque nous venons de voir que toutes les maisons nouvelles s’y superposaient aux anciennes. Enfin, la continuité des traditions architecturales, quelles que soient les innovations, ne fléchit pas. Lors de l’épisode du niveau III/E, un grand nombre de techniques et de formes nouvelles ont été inventées, on les voit toutes s’appliquer et se développer au niveau II/E. Certes le bâtiment communautaire à divisions radiales représente une nouveauté, et d’importance. Mais rien d’autre ne marque un brutal changement. Si l’on ne peut exclure un abandon temporaire du site après l’incendie, il paraît tout à fait impossible de retenir l’hypothèse d’un abandon significatif, impliquant l’arrivée sur le site d’une nouvelle population.
Le niveau I/E
72Entre le niveau II/E et le niveau I/E, le passage est sans rupture. Sur les dix maisons [Fig. 98b : 1, 2] révélées, sept se superposent à des maisons du niveau II/E, soit 70 % de la totalité.
73Sur les terrasses basses, la cohésion est très étroite entre les maisons des deux épisodes successifs. Dans un seul cas, la superposition implique un changement de plan. C’est celui de EA6, tripartite, qui se superpose partiellement à EA44, maison monocellulaire. En même temps, si les deux contours diffèrent, la manipulation de la ruine, notamment pour réaliser le radier, montre une connaissance précise de la base sur laquelle repose le nouveau chantier.
74Dans tous les autres cas, la superposition est beaucoup plus étroite, sans modification [Fig. 98b : 2] de plan. Ainsi, la grande maison tripartite EA23b, se superpose presque exactement à EA23a. Vers le nord, si EA77 ne se superpose que partiellement à EA5, c’est uniquement pour donner à la nouvelle construction plus d’ampleur. Les deux maisons successives sont tripartites et de même orientation. L’agrandissement est obtenu surtout par un décalage du mur ouest vers l’extérieur. Les autres murs se superposent ou se calent contre les bases des anciens murs.
75[Fig. 100] L’exemple le plus frappant est celui des deux maisons successives EA2 (II/E) et EA1 (I/E). Non seulement leurs plans sont identiques et leur superposition presque totale, mais une partie des murs de l’ancienne maison, gardés en l’état, est réutilisée dans la nouvelle construction. Le mur Ouest, ainsi que l’angle Nord, sont élevés [Fig. 100 : 2,3] sur les bases des anciens murs. Un nouveau mur de refend est bâti. À partir de son intersection avec le mur extérieur Est, vers l’est et le sud, les anciens murs sont démontés et leurs bases abandonnées13. De nouveaux murs sont rebâtis, après accumulation [Fig. 100 : 1] d’un remblai, à l’intérieur des anciennes limites. Ainsi, de ce côté, EA1 est plus étroite que EA2. À la limite entre intérieur et cour, alors qu’un seul gros mur servait à la fois de soutènement de terrasse et de mur de fermeture de la maison, un ouvrage plus puissant est réalisé. L’ancien mur, arasé jusqu’au niveau du sol de la maison, ne sert plus qu’à soutenir la terrasse. À une trentaine de centimètres [Fig. 100 : 4, 5] derrière lui, il est doublé par un mur, qui ferme la maison.
76Quant au bâtiment communautaire, situé tout en bas de l’agglomération, il témoigne aussi directement que possible de la continuité entre les deux niveaux. EA7a est détruit, EA7b est reconstruit dans la même fosse, et sans doute à l’identique. Les deux bâtiments sont emboîtés l’un dans l’autre à la façon des poupées russes. Nous avions vu que EA2 entretenait sans doute avec ce bâtiment des liens privilégiés. C’est exactement la même constatation qui est faite pour EA1.
77Sur les terrasses basses, c’est donc l’intégralité du tissu villageois qui est reproduit à l’identique, maison par maison. La seule différence tient au fait qu’en reproduisant [Fig. 80 ; Fig. 81] ce quartier, on en améliore encore la structure en la rendant plus dense et plus régulière. [Fig. 84]
78Les choses se passent différemment sur les terrasses hautes, où s’établissent les maisons du Groupe 2. Les maisons superposées à d’anciennes constructions y sont minoritaires. Une seule s’établit sur un contour qui date du niveau III/E. Il s’agit [Fig. 98a : 3 ; Fig. 98b : 1, 2] de EA42, qui surmonte EA49 (II/E), elle-même encastrée dans EA48 (III/E). Toutefois les murs de EA49 et EA48 ne sont pas adjacents, car si les deux contours ont la même forme et la même orientation, la nouvelle maison est beaucoup plus petite que l’ancienne, et non subdivisée.
79EA19 ne se superpose pas à EA82. Cette maison est même un bon exemple des transformations profondes du haut de l’agglomération. La réfection et la consolidation [Fig. 81] de la terrasse T1 y ont laissé des traces très lisibles, qui permettent de reconstituer l’enchaînement des opérations. En premier, les murs de deux maisons du niveau II/E : EA36 et EA82 sont totalement arasés, jusqu’à l’affleurement de l’assise de fondation. Les ruines sont grossièrement aplanies, et les creux qui subsistent sont comblés par du cailloutis calcaire. Une couche de cailloutis recouvre le tout. Un temps mort, visible seulement à l’emplacement de la future maison EA19, suit cette opération. Mais rien n’est bâti sur EA36. Les habitants du niveau I/E arasent toutes ses ruines, c’est un espace vide qu’ils comptent créer à cet endroit. C’est en effet au niveau I/E que la place en fer à cheval, qui structure le haut de l’agglomération, prend forme. [Fig. 90]
80C’est donc cette fois sur les terrasses hautes, occupées par le Groupe 2, que se révèlent les plus amples modifications de l’espace construit. Les maisons entourent désormais [Fig. 98b : 2] une sorte de place. Deux d’entre elles seulement se superposent à des constructions anciennes, alors que trois maisons sont bâties à de nouveaux emplacements, marquant une expansion de l’établissement vers le sud. Sur les terrasses basses, rien ne change véritablement. Les maisons du Groupe 1 se superposent à des maisons du niveau II/E, et le nouveau bâtiment communautaire s’insère dans la fosse de l’ancien. Simplement l’on observe une amélioration dans la qualité des alignements et la cohésion d’ensemble de ce quartier.
Du début à la fin de la phase moyenne
81Du début à la fin de la phase moyenne la proportion des maisons superposées, par rapport à l’ensemble des maisons connues, varie peu (de 60 à 70 %). L’empilage commence parfois à la phase ancienne. Dans deux cas, on voit ainsi une quadruple superposition (de IV/E à I/E) sans aucun signe d’interruption. Dans trois cas, les maisons s’empilent du début à la fin de la phase, la superposition est donc triple. Malgré l’incendie ayant ravagé l’installation du niveau III/E, les liens n’ont pas été rompus.
82Si l’on considère les superpositions, non plus de maison à maison, mais de quartier à quartier, des différences très révélatrices apparaissent. Elles renforcent l’idée d’une différenciation nette entre les deux groupes de maisons– et sans doute entre les deux groupes d’habitants - qui les occupent.
83Lors du passage entre le niveau III/E et le niveau II/E, les terrasses basses sont transformées, le bâtiment communautaire est construit, les maisons du Groupe 1 ne se superposent que partiellement aux anciennes et se modifient typologiquement. Au même moment, les terrasses hautes ne subissent presque aucun changement et les nouvelles maisons se superposent aux anciennes, sans changer vraiment de forme.
84C’est exactement l’inverse qui se produit lors du passage entre le niveau II/E et le niveau I/E. Les maisons des terrasses basses se superposent toutes à des constructions plus anciennes et, presque toujours, elles sont reproduites sans grande modification. La force du lien qui unit les deux niveaux est encore plus évidente quand on considère la succession des deux bâtiments communautaires. Le plus récent est reconstruit, sans doute à l’identique, en s’insérant dans le plus ancien. Tout au contraire, les terrasses hautes sont largement transformées au niveau I/E. De nouveaux modèles architecturaux sont conçus par les habitants du Groupe 2, leurs maisons ne se superposent que très rarement aux anciennes. Elles se déploient désormais autour d’une vaste place. À l’arrière de celle-ci, trois nouvelles maisons s’établissent sur du terrain neuf, montrant une expansion vers le haut du site.
De la phase moyenne a la phase récente
85Sur l’Éminence Est, à cause de l’érosion, il est difficile de connaître les liens qui unissent les dernières maisons de la phase moyenne avec celles qui sont bâties au début de la phase récente, excepté dans le haut de l’agglomération. La rupture est [Fig. 98b : 2, 3] parfois complète, comme dans le cas de la belle maison rectangulaire tripartite EA17, qui s’établit sur une terrasse nouvellement rechargée avec un remblai épais de colluvions. Mais, parfois, deux constructions successives se superposent strictement, indiquant que, là encore, la continuité est assurée. Ainsi, EA18 se superpose à EA40. La superposition la plus stricte concerne deux maisons de type agglutinant : EA20 (0/E) et EA22 (I/E), dont le plan, très particulier, ne varie absolument pas d’un niveau à l’autre.
86La documentation est encore plus restreinte sur l’Éminence Ouest, le niveau III/W ayant été peu fouillé. On a toutefois un exemple très clair de continuité, qui englobe la totalité des niveaux de la phase, et au-delà. Il s’agit d’une quadruple superposition, allant du niveau IV/W au niveau II/W (phase récente) et même I/W (phase de transition). Des maisons de niveaux IV/W (EA86) et III/W (EA85), on ne connaît que la coupe, visible dans un sondage, mais on voit que la superposition, mur sur mur, est directe. La plus connue est la maison EA15, du niveau II/W, une des maisons quadripartites rectangulaires à cour subdivisée la plus représentative de son modèle. En revanche, il ne reste que quelques lambeaux de murs pour signaler [Fig. 16] la construction d’une maison tout à fait identique, au niveau I/W.
87En ce qui concerne les autres maisons, le seul argument en faveur de superpositions directes est donné par les radiers des maisons II/W. Ils sont souvent le produit d’une exploitation de ruines provenant du niveau III/W. Il y a donc une continuité évidente entre les deux occupations. Cette continuité est fortement confirmée par l’emboîtage des deux bâtiments communautaires, EA29 et EA30, presque identiques, qui ont été construits par les habitants des deux occupations successives.
De la phase récente et la phase de transition : continuité ou rupture ?
L’Éminence Est
88Sur l’Éminence Est, on ne détecte aucune superposition entre une architecture de la phase récente et une architecture de la phase de transition. Du fait de l’érosion, il est impossible de savoir si la pente occidentale, intensément et continûment habitée jusqu’alors, est désertée. On se souvient que, déjà, aucune maison de la phase récente ne s’y était conservée. Mais, vers le sommet, les phénomènes naturels ne peuvent expliquer l’absence de constructions datant de la phase de transition. Or, il n’y a pas la moindre trace de ruines au-dessus des architectures de niveau 0/E, et celles-ci sont noyées par des sédiments éoliens et des gravillons entraînés par le ruissellement.
89Les vestiges de la phase de transition sur l’Éminence Est ont été découverts lors d’une exploration périphérique, hors des limites de la zone fouillée, vers le Sud. Dans ce secteur, les niveaux appartenant à cette phase reposent directement sur le sol vierge. Il n’y a pas de doute, on a là un quartier nouveau, doté d’un bâtiment communautaire creusé directement dans le substratum naturel. Il faut noter que ce bâtiment est d’un type différent de ceux des phases moyenne et récente, bien qu’une continuité évidente se perçoive dans le domaine des techniques mises en œuvre pour le construire.
90Pour expliquer la présence des vestiges de la phase de transition dans une nouvelle zone, nous avions, au départ, imaginé deux scénarios possibles. Le premier était celui de l’« expansion », et le second, celui du « déplacement » – ou « translation » – de l’espace construit vers une zone nouvelle. L’absence totale de superpositions nous semble exclure l’hypothèse d’une expansion. C’est pourquoi nous privilégions maintenant l’hypothèse d’une translation de l’espace habité vers le sud.
91Ce mouvement pourrait s’être amorcé dès la phase récente. On se souviendra qu’en considérant les vestiges de cette phase, nous avions repéré les signes d’un glissement de l’habitat vers le sud. Mais il s’agissait alors d’une expansion, puisque les autres zones, anciennement construites, restaient occupées.
92Agrandir son village ou le déplacer ne signifie pas qu’il y ait rupture. Que nous indiquent les informations fournies par l’Éminence Ouest, à propos du passage de la phase récente à la phase de transition ?
L’Éminence Ouest
Signes d’une éventuelle rupture
93Quand on examine les relations entre les architectures du niveau II/W (phase récente) et celles du niveau I/W (phase de transition), plusieurs signes de rupture apparaissent. D’abord, aucune architecture du niveau I/W ne se superpose, ne s’emboîte, ou ne s’encastre de façon directe dans une architecture du niveau II/W. Au contraire, on trouve souvent, entre deux constructions superposées, un lit de sédiments éoliens ou de gravillons, qui peuvent être interprétés comme des signes d’abandon. Est-il possible de combiner d’autres observations pour en savoir plus ?
94Commençons par un cas de superposition de grande amplitude, avec l’empilage de quatre maisons, dont les trois premières appartiennent à la phase récente (niveau IV/W à II/W) et la dernière à la phase de transition (niveau I/W). Si la superposition, mur sur mur, est intégrale et directe en ce qui concerne les maisons se succédant à la phase récente, les choses sont différentes quand on passe à la phase de transition. Sur EA15 (II/W), la nouvelle construction n’est pas posée directement sur les ruines. Au contraire, ces dernières sont noyées par une couche de sédiments éoliens, signe très explicite d’un temps d’abandon.
95On ne sait pas grand-chose de la maison EA73 (I/W) qui se superpose à EA11 (II/W), sauf que les deux maisons avaient probablement le même plan tripartite et que EA73, un peu plus petite, pourrait s’encastrer dans EA11. En revanche, on trouve, encore une fois, des sédiments éoliens entre EA10 (II/W) et EA74 (I/W) qui lui est superposée. Pourtant, ce sont bien des pierres prélevées dans la démolition des murs de EA10 qui servent à construire le nouveau radier, mais elles sont englobées dans un limon jaune et fin, d’origine éolienne, qui sans doute noyait les ruines.
96Dans l’agglomération du niveau I/W, un lieu, en particulier, suggère une rupture radicale. Il s’agit de l’emplacement du bâtiment communautaire EA30 (II/W), dont la destruction est achevée, mais qui n’a pas totalement disparu du paysage villageois. La fosse qu’il occupait n’est pas encore comblée. Son emplacement, en creux, forme une sorte de terrain vague où s’accumule le limon déposé par le vent. Une maison (EA62), superposée à l’ancienne annexe de ce bâtiment (EA57) est construite avec des matériaux – reconnaissables par leurs dimensions – récupérés dans ses murs de soutènement.
97C’est ailleurs, et selon une conception tout à fait différente, qu’est construit le bâtiment communautaire du premier village de la phase de transition. Sans pouvoir le démontrer absolument, nous pensons qu’il s’agit de EA100 (Chapitre VI), bâtiment [Fig. 110] spécialisé à banquette, très orné, qui est bâti vers le sud-ouest de l’espace construit.
Signes de continuité ?
98Ce n’est pas du sédiment éolien que l’on trouve entre EA84, à pièces en enfilade, et EA56 qui s’y superpose, mais une nappe de cailloutis apparemment naturelle, sans doute entraînée par le ruissellement. La nouvelle assise de fondation s’y insère, ce qui veut dire qu’elle s’est déposée avant la construction. Mais, s’il y a eu un temps mort entre la ruine de l’ancienne maison et la construction de la nouvelle, comment expliquer que les deux maisons soient exactement de même modèle ? On peut se demander alors si cette couche n’a pas été étalée volontairement. Ce qui reviendrait à dire qu’il n’y a pas eu de rupture.
99[Fig. 75] C’est l’impression que donne la maison voisine de EA56 : EA54, qui lui est étroitement [Fig. 101] liée. EA54 est identique à EA51, sur laquelle elle se superpose. La ruine est conservée sur une trentaine de centimètres. Les pierres des murs sont déblayées, et le sol de la nouvelle maison est posé sur un mélange de cailloutis et de vestiges de l’ancien toit. Les fondations s’enfoncent dans cette couche composite, de l’exacte hauteur des moellons qui les composent. Les nouveaux murs sont presque tous adjacents aux anciens. Mais, on ne peut parler ni d’emboîtage ni d’encastrement, car ils se calent tantôt contre la face extérieure (au nord et à l’est), tantôt contre la face intérieure (au sud) des anciens murs. Seul le mur Ouest est décalé vers l’extérieur. Grâce à ce décalage, la nouvelle maison est un peu plus large que l’ancienne. La parenté entre les deux maisons successives ne se limite pas à l’identité de leurs plans et à leur superposition. La plus ancienne contient un grand nombre de structures [Fig. 72] de stockage, et la plus récente a une pièce entièrement dédiée à la mouture. Toutes deux ont donc un lien avec les céréales, soit pour leur traitement, soit pour leur stockage.

Fig. 98a. Superpositions et apparitions. Du niveau V/E au niveau III/E. De la phase ancienne au premier épisode de la phase moyenne.

Fig. 98b. Superpositions et apparitions sur l’Éminence Est. Du niveau II/E au niveau 0/E. De la phase moyenne à la phase récente.

Fig. 99. Cinq maisons superposées, du niveau V/E au niveau I/E. Du début de la phase ancienne à la fin de la phase moyenne.

Fig. 100. Superposition imbriquée de deux maisons : EA2 (II/E) et EA1 (I/E).

Fig. 101. Deux maisons identiques superposées et décalées. De la phase récente à la phase de transition.
MÉMOIRE ET RUPTURES À JERF EL AHMAR
100Quand une nouvelle maison est construite en s’accrochant aux ruines d’une construction sous-jacente, on peut supposer que les bâtisseurs ont connu l’ancienne avant qu’elle ne soit démolie. Peut-être l’ont-ils démontée eux-mêmes pour la rebâtir. Le plus souvent, ils n’ont pas hésité à réutiliser des matériaux de construction disponibles dans la ruine. Ce recyclage se fait parfois sans changement de fonction, les pierres des murs anciens se retrouvent dans les murs nouveaux. Mais, le plus souvent, ces pierres changent de destination, elles servent à construire le radier de la nouvelle maison, même quand elles sont en parfait état. Dans tous les cas, l’économie de travail est réelle à tous les niveaux de la chaîne opératoire – de la quête de matière première au façonnage des pierres –, le matériau de construction étant disponible immédiatement, presque sans déplacement. Partout où ce type de succession est constaté, il n’est même pas nécessaire de faire appel à la notion de mémoire. L’ancrage est tellement direct, avec interpénétration de l’ancien et du nouveau, qu’on y trouve la preuve d’une continuité sans rupture. Cela signifie-t-il qu’une famille ou, plus généralement, qu’une fraction du groupe ait un droit de propriété sur un emplacement donné ? Rien n’interdit de pousser l’interprétation dans ce sens, et la question doit être posée, à condition d’accepter l’impossibilité de recevoir une réponse définitive.
101À l’opposé de cette attestation d’un lien direct entre deux épisodes villageois successifs, l’amputation d’une maison ruinée par une nouvelle construction implique une certaine distance par rapport à l’ancien bâti. Les cas sont rares à Jerf el Ahmar et se constatent principalement lorsqu’un bâtiment communautaire enterré est implanté. Que les constructeurs aient ou non connaissance de leur existence, ils ne respectent pas, et n’exploitent en rien les anciennes maisons qu’ils amputent en creusant la fosse destinée à recevoir leur bâtiment. Mais cette distance n’est pas forcément un signe de rupture. Un bâtiment communautaire, vu son statut, peut très bien se construire au détriment d’anciennes architectures connues, et même d’architectures contemporaines.
102En revanche, l’absence totale de contact, l’existence de couches intermédiaires, déposées naturellement par le vent ou par le ruissellement, sont des signes clairs d’un abandon, au moins localisé. Or, ces parenthèses, dont la durée est impossible à préciser, ne sont presque jamais attestées à Jerf. Quand les signale-t-on ?
103On ne sait pas grand-chose de la phase ancienne, tout au moins à son début. Il semble que l’occupation ait débuté avec un très petit nombre de maisons, sans doute groupées sur la face occidentale de l’Éminence Est14. Mais à partir du niveau V/E, la continuité est démontrée, au moins pour la partie haute de l’installation. Non seulement les deux niveaux de la phase ancienne (V/E et IV/E) y sont étroitement liés, mais aucune rupture ne marque le passage au niveau III/E que nous avons considéré comme le premier épisode de la phase moyenne.
104Après l’incendie, qui réduit la totalité des maisons à l’état de ruine, le village se reconstruit au niveau II/E. Mais auparavant une grande partie des décombres, surtout dans la partie basse de l’installation, est nettoyée, déplacée, remaniée. Le nouveau village s’installe sur des terrasses agrandies et remodelées, bien que situées aux mêmes emplacements que précédemment. Ce remaniement pourrait être le signe d’une rupture dans l’occupation. Mais on peut aussi interpréter les faits exactement à l’inverse. Quoi de plus normal que de reconstruire en profondeur, en l’améliorant, l’assise de son village après une catastrophe aussi radicale ? D’autre part, il ne faut pas oublier que, dans la partie haute du village, tout plaide pour une continuité entre les deux niveaux, notamment la superposition des nouvelles maisons sur des bâtis anciens. Il faut se souvenir aussi que les innovations techniques, dues aux bâtisseurs du niveau III/E, sont exploitées dans les maisons nouvellement bâties. Comment alors pourrait-il y avoir rupture ? Tout au plus, si elle a eu lieu, s’agissait-il d’une interruption brève, ou d’une absence momentanée, qui n’aurait nullement entamé la persistance des traditions du groupe.
105Non seulement l’assise du village s’améliore à la phase moyenne, mais l’espace bâti s’agrandit. On n’en connaît rien dans la partie Nord (érodée), ni vers le sommet de la colline (non explorée en profondeur). Cette expansion semble surtout s’étirer vers le sud15. En revanche, il n’y a guère de modification vers l’ouest, l’espace disponible étant naturellement limité par la pente et la présence, très proche, du Petit wadi. L’implantation du premier bâtiment communautaire à divisions radiales nous donne la vraie limite de la zone construite à cet endroit. Il n’y a rien de bâti au-delà de ce bâtiment. Un doute persiste cependant. La fouille n’ayant mis au jour que les niveaux les plus récents de l’Éminence Ouest, on ignore si des niveaux anciens, dissimulés lors de nos campagnes de terrain, détruits aujourd’hui par le lac qui recouvre le site, y existaient.
106La dissociation de l’espace habité en deux zones, mise en lumière par plusieurs autres critères (Chapitre IV), se confirme quand on considère l’histoire du village. Les modifications qu’on y relève ne se réalisent pas au même moment. La zone la plus basse, occupée par le Groupe 1, subit des remaniements profonds lors passage du niveau III/E au niveau II/E. La zone la plus haute, où sont implantées les maisons du Groupe 2, n’est pas modifiée à ce moment-là, les transformations adviennent lors du passage du niveau II/E au niveau I/E. Mais, rien ne dit que chaque groupe d’habitants se charge, de façon autonome, de transformer son propre espace. Vu la structure de l’espace construit et les relations spatiales étroites qui le lient, il y a de fortes chances, au contraire, pour que la décision ait été prise à l’échelle de l’ensemble de la communauté.
107Aucune rupture ne se détecte au passage à la phase récente mais le manque de données empêche toute affirmation. On peut juste évoquer quelques signes d’un mouvement d’expansion vers le sud, mouvement déjà amorcé à la phase moyenne, mais qui va prendre toute son ampleur, en changeant de nature, à la phase de transition.
108Le moins que l’on puisse dire est que le passage à cette phase de transition pose une question qu’on a du mal à trancher. Les informations paraissent contradictoires. L’architecture n’est plus alors qu’un indice parmi ceux qui doivent être examinés. Aussi, avons-nous déjà cherché ailleurs à réunir et confronter l’ensemble des marqueurs qui, dans le site, montrent les transformations que vit la communauté au moment où elle entame son passage vers le PPNB16. Les éléments ainsi collectés soulignent à la fois la continuité et la rupture. Peut-être est-ce le reflet d’une transformation qui se fait sans heurts.
109En conclusion, considérant l’ensemble de la séquence, tout nous semble plaider en faveur d’une occupation continue du site de Jerf el Ahmar. Mais deux moments clefs ont marqué le cours de son histoire. Le premier est un incendie généralisé qui a été suivi de travaux collectifs de grande ampleur pour reconstruire le village. Nous n’avons pas reconnu de signe décisif de rupture dans les lendemains de cet évènement. Le deuxième, correspondant à un tournant dans l’évolution des traditions culturelles, avec le passage du PPNA au PPNB, s’est sans doute traduit par une restructuration profonde de l’établissement. Cette restructuration correspond-elle à une rupture, ou s’est-elle effectuée graduellement et sans heurts ? La continuité des traditions, que reflètent à la fois l’architecture et les autres témoins de la vie dans le site, nous semble assez claire pour que soit retenue l’option d’une évolution progressive, et locale.
Notes de bas de page
1 Verhoeven 2010.
2 D'autres empreintes de vannerie ont été trouvées. Il s’agit toujours de vannerie spiralée, technique la plus courante dans le Levant nord depuis le Néolithique et jusqu’à notre époque (Stordeur 1989).
3 Un des murs de la maison EA2 est construit sur ce tas de ruines déplacées.
4 Des observations très fines ont été effectuées par Thaer Yartah, aidé de Hala Alarashi. Grâce à eux, le scénario de la destruction de cette maison incendiée peut être reconstitué rigoureusement.
5 Nous l’avons déjà souligné, tous les bâtiments communautaires connus du PPNA sont incendiés.
6 Nous reviendrons (Chapitre VI) sur ce document exceptionnel.
7 Le climat n’est pas ici assez sec pour que le bois se conserve quand il n’est pas carbonisé.
8 Cet enduit recouvrait encore les poteaux au moment de la fouille.
9 Nous avons vu que H. Pessin avait identifié du bois de cèdre parmi les restes charbonneux, rares et de petite taille, de ce bâtiment.
10 Pourcentage qui n’est donné là qu’à titre indicatif, vu la faiblesse de la représentativité de ces nombres.
11 On verra que cette façon particulière de s’agrandir, tout en s’accrochant à une structure ancienne, se reproduira encore deux fois, exactement au même endroit.
12 Rappelons le doute qui plane à ce titre sur EA25, à cause de l’amputation de ce qui devait être sa cour.
13 À cet endroit, on voit nettement un infléchissement du mur extérieur Est de EA1.
14 Selon nos tranchées d’exploration à la pelle mécanique. Mais rien ne peut être affirmé et un habitat ancien, parsemé, pourrait très bien avoir échappé à cette prospection.
15 D’après la lecture des coupes de plusieurs tranchées à la pelle mécanique autour de la zone fouillée.
16 Stordeur, Abbès 2002.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
The Asian side of the world
Editorials on Asia and the Pacific 2002-2011
Jean-François Sabouret (dir.)
2012
L'Asie-Monde - II
Chroniques sur l'Asie et le Pacifique 2011-2013
Jean-François Sabouret (dir.)
2015
The Asian side of the world - II
Chronicles of Asia and the Pacific 2011-2013
Jean-François Sabouret (dir.)
2015
Le Président de la Ve République et les libertés
Xavier Bioy, Alain Laquièze, Thierry Rambaud et al. (dir.)
2017
De la volatilité comme paradigme
La politique étrangère des États-Unis vis-à-vis de l'Inde et du Pakistan dans les années 1970
Thomas Cavanna
2017
L'impossible Présidence impériale
Le contrôle législatif aux États-Unis
François Vergniolle de Chantal
2016
Sous les images, la politique…
Presse, cinéma, télévision, nouveaux médias (xxe-xxie siècle)
Isabelle Veyrat-Masson, Sébastien Denis et Claire Secail (dir.)
2014
Pratiquer les frontières
Jeunes migrants et descendants de migrants dans l’espace franco-maghrébin
Françoise Lorcerie (dir.)
2010