Chapitre III. Équipements et activités domestiques
p. 181-217
Texte intégral
1Nous avons réuni toutes les observations disponibles pour comprendre comment, et avec quels matériaux, étaient bâties les maisons de Jerf. Puis, nous avons essayé de saisir, à travers la diversité des formes, quelles étaient les conceptions architecturales qui guidaient les bâtisseurs et quels modèles avaient été retenus par la société, quand se construisait une maison, ou quand s’édifiait un bâtiment collectif. Maisons et bâtiments sont donc construits. Mais qu’y faisait-on ?
2Aussi longue que soit sa carrière, aussi nombreux et dispersés dans le temps et l’espace que soient les sites qu’il a fouillés, l’archéologue ne trouve en général que des ruines vidées de tout signe de vie. Ce qui est transportable a été emporté. Ce qui est démontable et quelque peu volumineux a été arasé pour fonder l’assise d’une nouvelle construction ou d’une aire extérieure aplanie. Que reste-t-il ? Ce qui a été oublié ou perdu, outils, objets divers. Et puis, ce qu’on n’a aucun intérêt à bousculer, un foyer par exemple, qu’il suffit de recouvrir d’un peu de terre.
3Pour que la maison détruite soit retrouvée « meublée », il faut qu’il y ait eu une catastrophe et, de préférence, une catastrophe brutale autant que rapide. De celles qui ne laissent pas le temps d’emporter ce qu’on a de plus précieux. Or, il s’est produit ce genre d’accident, et plusieurs fois, à Jerf. Des incendies violents ont provoqué la destruction de plusieurs maisons et bâtiments communautaires, voire d’un épisode villageois entier (Chapitre V).
4C’est grâce à cette aubaine – pour l’archéologue, s’entend – que l’on peut aborder ici les activités domestiques, en partant de ce qui est le plus solide, l’équipement resté en place. L’état actuel des études spécialisées ne permet pas encore de compléter ce regard par une analyse spatiale du matériel archéologique. Lorsque l’on connaîtra la répartition, dans l’espace villageois, des restes de nourriture, des outils, des objets d’utilisation courante, ou des objets décorés, la connaissance des modes de vie franchira un bond.
5En attendant, on peut considérer que Jerf a livré des documents très vivants du point de vue des activités domestiques. C’est à eux que nous allons nous consacrer à présent, en commençant par les équipements liés à la préparation de la nourriture. Nous nous attacherons ensuite aux aménagements dévolus à la cuisson. Enfin, nous aborderons les structures de rangement et de stockage.
PRÉPARATION DE LA NOURRITURE
6Jerf el Ahmar est un des sites les plus anciens dans lesquels l’agriculture prédomestique a été attestée1. Pour contribuer à démontrer cette pratique, nous avons réuni les données archéobotaniques et les données archéologiques qui fournissent des arguments en faveur de cette étape décisive : la culture des céréales de morphologie sauvage, dans l’environnement immédiat de sites éloignés de leurs niches naturelles. Nous avons recherché les meilleurs indicateurs2. La présence de nombreuses meules3, outils le plus souvent liés à la mouture des céréales4, en fait partie. Il en a été identifié plus de trois cents, la plupart ayant été recyclées comme matériau de construction. Cette habitude, qu’on détecte dans la plupart des quatre-vingts maisons dégagées sur le site, montre à quel point cet outil était courant. Elle indique aussi que la préparation des grains était une activité domestique usuelle, pratiquée de maison en maison. On peut en effet penser qu’une meule réformée, parce que trop usée ou cassée, puis recyclée dans une construction, reste dans l’environnement intime de ceux qui s’en servaient pour moudre leurs grains.
7Pour affirmer le caractère domestique des activités de mouture, on dispose de témoins directs. Dans les maisons, des meules, parfois accompagnées de leurs molettes, ont été retrouvées à la place même qu’elles occupaient lorsqu’elles étaient en fonction. Grâce à ces outils in situ, la reconstitution des activités culinaires se fait dans les meilleures conditions, d’autant que d’autres objets et d’autres aménagements y sont associés.
La préparation de nourriture dans la phase moyenne de Jerf
8Dans les constructions de la de la phase ancienne plusieurs meules ont été retrouvées, toutes en utilisation secondaire. À l’intérieur de la maison la plus ancienne qui ait été révélée (EA46 : niveau VII/E), une meule retournée, tellement usée qu’elle est percée, pourrait avoir servi de base de poteau. À peine plus tard (niveau VI/E), pas moins d’une meule en basalte (matériau très rare sur le site) et de six fragments de meules en calcaire se mêlent à des blocs de calcaire pour former le radier de la maison EA45. Enfin l’on retrouve une meule recyclée pour soutenir un poteau dans le bâtiment EA37 (niveau V/E). Ces attestations, même si elles sont toutes indirectes, sont importantes. Elles nous indiquent que l’usage des outils de mouture est immédiat, sans doute dès la fondation du site. Mais il faut attendre le début de la phase moyenne pour trouver des meules en position fonctionnelle dans les maisons.
Moudre dans la maison, moudre dans la cour. Les meules en place du niveau III/E
9Comme toutes les maisons du niveau III/E ont été incendiées, on y trouve souvent du matériel et du mobilier abandonnés sur place. Deux constructions, très proches l’une de l’autre, témoignent directement de l’utilisation de meules.
10La maison EA48 comporte deux pièces, séparées par un mur transversal. Dans l’une [Fig. 61 : 1-3] d’elles, un ensemble cohérent de matériel lié à la préparation de nourriture s’aligne le long du mur de refend. Une grande meule (55/30 cm), à la surface de travail allongée, [Fig. 61 : 1, 4] concave et profonde, est posée sur sa base plate et tient ainsi sans avoir besoin d’être calée (M5). Deux outils pourraient lui être associés : tout contre elle une [Fig. 61 : 3] molette ovale et aplatie (M4) et, un peu plus loin, une grosse molette globuleuse, peut-être un pilon (M3). Une autre meule, plus arrondie (M1, 40/30 cm), à la surface de travail presque plate, est posée un peu plus loin. À proximité se trouve un bassin en calcaire très fragmenté et incomplet (B). Plusieurs morceaux de meules signalent peut-être l’existence d’un troisième outil de ce type, ce qui ne serait pas étonnant, compte tenu de ce que nous apprennent les autres maisons équipées. Enfin, toujours dans le même alignement, mais près du mur extérieur, une tache cendreuse évoque une combustion de faible intensité (C). Elle est à signaler, car on [Fig. 61 : 3] repère fréquemment des traces de combustion en liaison avec les activités de mouture. Des restes de seigle, d’orge et de lentilles ont été retrouvés près de la plus grande meule, mais on ne note pas de concentration particulière5. Ces meules ont des parties actives très différentes. L’une est presque plate, l’autre creuse. On peut imaginer au moins trois possibilités pour expliquer cette différence. Les deux meules ont peut-être servi à traiter deux substances distinctes. À partir d’une même substance, chacun de ces outils permettait peut-être d’obtenir des produits différents. Enfin, on a pu les utiliser successivement, chacune se prêtant bien à une étape déterminée du traitement, en vue d’une unique préparation6. Toujours est-il qu’on a, dans cette maison du début de la phase moyenne, le témoignage d’une spécialisation des outils de mouture qui se confirmera par la suite.
11Contemporaine et voisine, EA47, la « maison aux bucranes », rassemble du matériel de mouture en place, mais dans une autre situation. Plusieurs molettes sont posées au sol, à l’intérieur. Mais c’est à l’extérieur, dans un espace annexe, protégé par un mur qui s’accroche à la maison, qu’ont lieu les activités de mouture (Chapitre IV). Deux grandes meules (60/40 cm) présentent une surface active profonde, surtout vers le centre où l’usure a creusé une sorte de cupule. Cette forme fait référence à des meules/mortiers7 utilisées aussi bien pour broyer avec des pilons que pour écraser, avec des molettes. Collées l’une à l’autre, elles sont insérées dans un socle maçonné unique. Autour d’elles le sol est taché de cendres, et l’on note la présence d’un cercle de pierres et d’un foyer.
La mouture dans les maisons des niveaux II/E et I/E
12Au niveau II/E, les documents concernant la mouture ne sont pas très parlants. Il y a bien une meule dans la maison EA36, près du mur, mais elle est retournée. Était-ce un outil à moudre, posé à l’envers en attendant d’être utilisé, ou un siège ? La situation pourrait être plus claire pour la maison monocellulaire EA44. Deux meules ont été disposées de part et d’autre d’un mur, l’une à l’intérieur, l’autre à l’extérieur, tout près d’un petit foyer en cuvette rempli de cendres.
13Trois exemples de meules en place, dans des maisons du niveau I/E, restent difficiles à exploiter. Dans une des pièces de la maison tripartite EA1, une structure ovale en pierres évoque un socle de meules (comme ceux de la maison contemporaine [Fig. 62 : 2] EA23), d’autant qu’il est entouré d’une concentration de percuteurs et de molettes et qu’on y détecte des traces de combustion. Mais si ce support a contenu une meule, elle n’est plus là pour en témoigner. La meule est là, en revanche, dans EA40, mais elle est tellement enfoncée dans le radier qu’on peut se demander si, perdant sa fonction d’origine, elle n’est plus qu’un matériau recyclé. Enfin EA19, avec une grosse meule dans la pièce principale et trois meules groupées dans la dépendance qui s’ouvre sur l’extérieur est, à l’évidence, une maison bien équipée pour les travaux de mouture.
14Heureusement, la grande maison tripartite EA23, à larges pièces et cour étroite, [Fig. 62] offre des vestiges on ne peut plus explicites. Tous les aménagements domestiques sont situés dans la pièce Est. Ils se concentrent dans une bande de 0,80 m de largeur [Fig. 62 : 1, 2] qui longe le mur de refend sur toute sa longueur (3 m). Trois meules alignées en oblique limitent cette aire d’activité, accompagnées de plusieurs molettes.
15La première meule, placée à l’angle Nord de la pièce, encore solidement fixée dans [Fig. 62 : 2] un socle maçonné en pierres calcaires et en terre d’environ 10 cm de haut, est rectangulaire (50/35 cm). Elle n’émerge pas de son support, mais s’y enfonce au contraire légèrement. Au sol, dans l’environnement immédiat, sont encore posées plusieurs molettes. À moins d’un demi-mètre, vers l’intérieur de la pièce, un deuxième socle, endommagé, contient une meule fracturée, incomplète. Le socle, là aussi, a environ 10 cm de haut, il est en terre.
16Au-delà d’un court muret de séparation, le troisième socle est nu, mais la meule qu’il supportait est posée à côté de lui. Le socle est en fer à cheval. Il a 12 cm de haut, [Fig. 62 : 3] et la vaste cavité qu’il renferme a des dimensions (50/40 cm), qui correspondent à celles de la meule (50/30 cm). Il a été construit avec des petits blocs calcaires, englobés dans de la terre. Le creux dans lequel s’insérait la meule est rubéfié, avec quelques galets brûlés et des cendres. Cette association entre un socle libéré de sa meule et des traces de chauffe se répète encore. Nous l’avons vu à propos d’une maison plus ancienne (EA48), nous le reverrons à propos d’une maison plus récente (EA54). Nous nous demanderons plus loin comment on peut l’interpréter.
17Vers la meule déplacée et son support, d’autres aménagements peuvent être mis en relation avec des activités d’ordre culinaire. Tous sont posés sur un lambeau de sol induré. C’est d’abord un alignement courbe de pierres, qui pourrait avoir soutenu un récipient. C’est ensuite un petit cercle empierré de 50 cm de diamètre. C’est enfin une concentration circulaire de cendres et de traces légères de combustion, proche de l’angle SO de la pièce. Ces traces sont trop ténues pour que l’on puisse évoquer ici l’existence d’un foyer.
La phase récente. Une cuisine équipée presque intacte
18Le niveau II/W a livré les indices les plus directs d’activités liées à la préparation alimentaire qu’un archéologue puisse « rêver ». Ils viennent principalement d’une maison : EA10, incendiée violemment, qui a été abandonnée en hâte par ses occupants. Le fait qu’ils aient laissé sur place leur équipement, leur mobilier lourd, divers ustensiles et outils, et même de la nourriture en cours de préparation, témoigne de cette précipitation. C’est grâce à cette catastrophe qu’est parvenue jusqu’à nous l’image vivante d’un intérieur habité, tel qu’il était quand ses occupants l’ont quitté.
19Cette maison tripartite rectangulaire, particulièrement grande (28 m2), munie [Fig. 63] d’une cour subdivisée en deux, est la maison la plus proche du bâtiment communautaire EA30. L’une des pièces est presque vide, mais 20 molettes et un pilon, outils liés à la mouture et au broyage, y ont été abandonnés. L’autre pièce (8 m2), dite « cuisine », est structurée en trois zones, visiblement dédiées à trois types d’activités8 [Fig. 63-67], toutes à caractère alimentaire.
Une zone consacrée à la mouture et au malaxage de la nourriture
20[Fig. 63 ; Fig. 64] La première zone, consacrée à la mouture et peut-être aussi à un stade plus avancé [Fig. 65] de la préparation culinaire, occupe la moitié Nord de l’espace. Trois meules en position fonctionnelle et une meule retournée s’alignent sur l’axe qui relie les angles NE et SO de la pièce.
21La meule retournée, qui pourrait être là en attendant de servir, est posée entre deux meules incluses dans des supports maçonnés. Sa position convient parfaitement aussi pour s’activer sur les meules en fonction, si l’on s’y assoit. Elle est grande, en [Fig. 64 : 2] calcaire dur (42/28/15 cm), et sa cavité est profonde. Les deux meules sur socle qui l’encadrent sont faites dans des matériaux différents. L’une est en basalte, matériau rare à Jerf, l’autre en calcaire dur comme presque toutes les meules du site. La meule [Fig. 64 : 3] en basalte, rectangulaire (35/22 cm), est très peu creusée. Celle en calcaire, également peu creusée, est plus carrée. Son socle présente une particularité qui mérite d’être soulignée. Il est adjacent au mur, et y pénètre même légèrement. Certaines de ses pierres sont chaînées avec celles du mur. Il a donc été prévu avant la construction de la maison, et bâti en même temps qu’elle. À côté de la meule en basalte, vers l’ouest, une meule sans socle est posée, solidement calée par des pierres. C’est la plus grande de toutes (56/30 cm). Dans l’environnement immédiat de cet ensemble, [Fig. 64 : 4] un petit bol en pierre côtoie trois molettes, alors que vingt-sept autres petits récipients se dispersent à proximité du mur de refend.
22[Fig. 64 : 1, 5] Les trois meules en position fonctionnelle sont donc toutes différentes. Par l’implantation : avec ou sans socle. Par la matière : en basalte ou en calcaire. Par la morphologie et les dimensions. Et surtout par la forme et les proportions de la partie active, qui sont révélatrices des gestes et du degré d’usure de l’outil. C’est, en effet, l’usure qui donne sa forme à la partie fonctionnelle d’une meule qui, au départ, est en général assez plate9. Plus elle est creusée, plus elle a servi. Au point que parfois le fond se perce. Considérant toutes ces différences, on peut formuler l’hypothèse que ces trois meules ont réduit des matières différentes, ou qu’elles ont servi à des stades différents de la mouture. Plusieurs matières, végétales ou animales, ont pu y être transformées. Plusieurs produits, faits d’une seule matière ou de matières associées, peuvent y avoir été traités simultanément. Beaucoup de grains de céréales concassés ont été retrouvés dans cette zone, et notamment du seigle. On a l’impression que ces fragments sont tombés des meules lors de la mouture. D’autres produits, qui ne laissent aucune trace, ont peut-être été produits, comme la farine. Mais rien n’exclut aussi que l’on ait broyé de la viande, comme cela se fait par exemple au Liban et en Syrie où la viande écrasée au mortier est mêlée à du blé concassé10.
23Très proches des meules, deux grands plateaux arrondis en pierre (65 et 55 cm de diamètre) sont posés, debout, contre le mur Nord. L’un est entier, de l’autre il ne [Fig. 63-65] reste que la moitié. Il s’agit probablement de solides plans de travail, épais et lourds (55 kg). La face active, posée contre le mur sans doute pour la protéger, est couverte de traces d’utilisation très intenses. Elle est absolument lisse et lustrée, comme si l’on y avait frotté ou malaxé une matière grasse et légèrement abrasive. Il s’agit, selon toute probabilité, de nourriture. En effet, le malaxage d’aliments est directement attesté par des galettes modelées, avec traces de doigts très visibles, qui attendaient [Fig. 65 : 2] sans doute la cuisson, certaines encore posées sur une des meules. Mais la cuisson, du fait de l’incendie, a été excessive… accident providentiel, car grâce à leur carbonisation, ces restes de préparation culinaire nous sont parvenus11. Plusieurs de ces galettes, notamment celles retrouvées sur l’une des meules, sont intactes. Elles se composent de graines broyées de crucifères (genre Brassica) qui sont souvent utilisées pour l’extraction de l’huile ou comme condiment, puisque la moutarde en fait partie12. Quant aux autres matières, leur identification est difficile, car elles sont finement fragmentées et très déformées par la chaleur.
Une zone consacrée au réchauffement de la nourriture
24La deuxième zone est séparée de la première par un espace vide. Située à l’angle SO, [Fig. 63] contre le mur de refend, elle est matérialisée par une légère dépression creusée dans le sol. Autour d’elle se concentrent des restes de lentilles et des fragments de galettes. À l’intérieur, des lentilles se mêlent à du sédiment cendreux et à quelques galets fragmentés et brûlés, mais le fond n’est pas rubéfié. Il nous semble que ce foyer ne constituait qu’un dispositif secondaire13, alors que le lieu principal où se faisait la cuisson des aliments se situait dans la cour, comme nous allons le voir.
Une zone consacrée au stockage de nourriture fluide ou d’eau
25La troisième zone semble dédiée au dépôt de substances à préparer, ou d’aliments. [Fig. 63 ; Fig. 66 : 1] Elle occupe l’angle SE de la pièce. Trois bassins en pierre y sont posés l’un contre [Fig. 66 : 2-5] l’autre, deux complets, le troisième réduit à une moitié. Ces bassins se prêtent au stockage de l’eau ou de toutes sortes de produits fluides. On pouvait aussi y tremper des végétaux. Aucun dépôt n’est conservé à l’intérieur, mais, autour de ces bassins, une concentration importante d’orge comprend beaucoup de grains concassés. Enfin, divers objets sont encore posés au sol dans cette zone, dont un petit récipient en terre et une lampe14.
Cuire dans la cour
26Dans cette maison, la cour joue un rôle important dans la préparation des aliments. Elle est partagée en deux et c’est uniquement la partie attenante à la « cuisine » [Fig. 63 ; Fig. 67] qui est équipée. Un grand four rectangulaire est calé contre l’angle SE. C’est là qu’avait lieu essentiellement la cuisson. Nous reviendrons sur cette structure, dont les caractéristiques sont tout à fait spécifiques.
Continuité dans les habitudes : la préparation de la nourriture à la phase de transition
27Dans les niveaux correspondant à la transition PPNA-PPNB, on ne connaît qu’une seule habitation dont l’équipement lié à la préparation culinaire soit resté à sa place. [Fig. 68] Il s’agit de EA54, grande maison (20 m2) à quatre pièces en croix, orientée N-S. Deux pièces sont presque vides, les deux autres contiennent du matériel directement lié à la préparation de nourriture, peut-être même à son acquisition.
28[Fig. 68 : 1] La pièce dédiée à la mouture a presque 4 m2. Trois grands supports de meules (50/35 cm) occupent le tiers central de la pièce. Ils s’alignent d’une extrémité à [Fig. 68 : 2, 3] l’autre de son axe médian E/O. L’espace resté vacant est donc très exigu. Deux meules sont encore solidement fixées dans leurs supports, le troisième est vide. La construction de ces socles a été reconstituée15, montrant un grand soin dans l’exécution. Une base épaisse en terre, de forme ovale, est d’abord modelée sur le sol. On y dépose la meule avant que la terre ne sèche, elle s’y imprime donc profondément (10 cm). Pour améliorer encore la stabilité de l’outil, des petites pierres assurent son calage. Partant du sol, le pourtour est ensuite maçonné avec des pierres en cigare cassées et de la terre, en suivant de près la meule et en l’englobant complètement.
29Les deux meules insérées n’ont pas la même morphologie. L’une est plus creuse et plus allongée que l’autre. Le socle vide est le plus grand (70/36 cm), il est de forme presque rectangulaire. Contrairement à ce qui a été observé dans la maison EA23, la meule qu’il enserrait n’est pas présente. En revanche, on retrouve, comme dans cette maison de la phase moyenne, du sédiment légèrement brûlé au fond de la cavité. Ces traces, qui se répètent d’un contexte à l’autre, semblent bien correspondre à un traitement lié à la préparation culinaire.
30La pièce qui contient les meules possède deux portes très proches l’une de l’autre. [Fig. 68 : 1] L’une conduit vers une autre pièce, l’autre vers l’extérieur. Il y a, entre les deux pièces communicantes, une sorte de complémentarité qui les isole des deux autres et les ouvre conjointement vers l’extérieur. On est alors peu surpris de voir, dans l’autre [Fig. 55 : 5, 6] pièce, une concentration de molettes, complément actif des meules. On y trouve aussi une dizaine de manches de morphologies diverses, notamment des « manches en nacelle » qui pourraient être ceux d’outils à moissonner16. Si donc la mouture [Fig. 7 : 3] s’effectuait dans une pièce entièrement dédiée à cette activité, le reste de l’outillage, même le plus directement lié à ce travail, comme les molettes, était rangé dans la pièce voisine. Dans EA10 aussi, la pièce voisine de la cuisine, au demeurant vide de tout aménagement, contenait au moins une dizaine de molettes. Mais il faut rappeler que, dans cette maison, on ne passait pas directement d’une pièce à l’autre.

Fig. 61. Meules en place dans une maison à deux pièces du niveau III/E (phase moyenne).

Fig. 62. Meules en place dans une grande maison tripartite du niveau I/E (phase moyenne).

Fig. 63. Une pièce dédiée à la préparation de nourriture. La « cuisine » de EA10 (niveau II/W, phase récente).

Fig. 64. La « cuisine » de EA10 (niveau II/W, phase récente). Zone de préparation. Mouture et malaxage. Les meules.

Fig. 65. La « cuisine » de EA10 (niveau II/W, phase récente). Zone de préparation. Mouture et malaxage. Les plateaux.

Fig. 66. La « cuisine » de EA10 (niveau II/W, phase récente). Zone de stockage. Les bassins.

Fig. 67. La « cuisine » de EA10 (niveau II/W, phase récente). Zone de cuisson. Un four dans la cour.

Fig. 68. Une pièce dédiée à la préparation de nourriture. Activités de mouture dans EA54 (niveau I/W, phase récente).
TRAVAUX DE CUISSON, DE RÉCHAUFFEMENT, DE CHAUFFAGE. LES STRUCTURES DE COMBUSTION
31On trouve à Jerf plusieurs types de structures de combustion17. Dans ce chapitre nous nous limiterons à ceux dont on peut identifier les utilisateurs, maison par maison. [Fig. 69-71] Ils sont aménagés à l’intérieur de l’habitation, contre un mur, mais à l’extérieur, ou dans l’espace intermédiaire que constitue une cour. On verra que ces foyers « privés » sont peu nombreux. La majorité des structures de combustion se trouve à l’extérieur, entre les maisons. Nous retrouverons plus tard ces équipements collectifs, en abordant la structure de l’espace construit (Chapitre IV).
32Des foyers en fosses de deux catégories sont attestés sur le site, le plus souvent remplis de galets. Ils ont été différenciés par le rapport diamètre/hauteur18, les plus étroits et profonds étant des « fosses-foyers », les plus évasés et superficiels des « foyers creusés ». S’y opposent les « foyers posés », rares, pour l’aménagement desquels aucun creusement n’a été effectué. Ces trois catégories correspondent à des modes différents de cuisson. Enfin, à l’intérieur des maisons, certaines structures contenaient des traces de combustion très ténues, parfois à peine visibles. Nous les considérons comme des « foyers secondaires », car il est clair que la cuisson n’a pas lieu directement dans ces structures, mais ailleurs. Galets chauffés et braises rapportées y sont déposés, ils servent au maintien au chaud.
33Avant de voir comment se répartissent les différents types de foyers, dans le temps et dans l’espace, on peut ajouter ici quelques informations techniques. D’abord, beaucoup de foyers ont des bordures maçonnées. Elles apparaissent dès la phase ancienne et on les retrouve, de mieux en mieux construites, jusqu’à la fin. Un enduit de terre tapisse souvent les parois, le fond et la bordure des foyers. Des réparations et des réfections confirment son caractère intentionnel et l’attention apportée à la construction, comme à l’entretien de cet aménagement domestique. Enfin, mais c‘est rare, le fond du foyer est parfois tapissé par un radier de petites pierres.
Les foyers de la phase ancienne
34Les foyers domestiques sont attestés dès le début de l’occupation. Les vestiges ne deviennent parlants qu’à partir du niveau V/E. Un « foyer creusé », à bordure de pierres, est collé à l’extérieur de la maison monocellulaire EA41, contre le mur. Premier d’une série de « foyers adjacents », il est suivi de deux autres foyers identiques, appartenant à deux maisons successives (du niveau IV/E puis III/E), qui lui sont superposés. [Fig. 40 : 2]
35L’équipement de EA37, prototype possible de bâtiment communautaire, est parfaitement conservé. Un « foyer creusé » est placé sur l’axe de symétrie de la construction, à moins d’un mètre de sa limite NE. Grand, de forme elliptique, il est entouré [Fig. 69 : 1, 2] d’une bordure en bourrelet soigneusement maçonnée, recouverte d’un enduit lissé.
36Plus tard (niveau IV/E), deux maisons (EA33 et EA26), monocellulaires et arrondies, sont équipées de foyers adjacents au mur, de types différents. Celui qui s’accole à EA33 est une « fosse-foyer », la plus ancienne attestée en contexte domestique. En revanche, c’est encore un « foyer creusé » qui équipe EA26, en se superposant à celui de EA41 (V/E). Agrandi, il atteint presque un mètre de diamètre. Il est soigneusement aménagé, avec une bordure de fragments de pierres en cigare et un fond tapissé de pierres calcaires.
La phase moyenne : fin de deux traditions
Le niveau III/E
37Ce niveau marque la fin de deux traditions. On y trouve les dernières constructions équipées de foyers intérieurs, et les dernières maisons à foyers extérieurs adjacents.
38Deux maisons monocellulaires : EA67 et EA8 sont encore pourvues de foyers adjacents. Comme ce fut le cas pour les habitants de EA26 (IV/E), ceux de EA8 réutilisent l’ancien foyer. Il n’y a pas, cette fois, de reprise approfondie. Le foyer est seulement doté d’une nouvelle bordure de pierre. L’intérieur est vidé, presque [Fig. 40 : 2, 3] jusqu’au fond, de son remplissage de galets. Une accumulation de cendres, de silex et de charbon le remplace.
39Les derniers foyers intérieurs équipent deux constructions. EA25, qui pourrait être une maison tripartite, réunit deux « foyers creusés » dans la même pièce, tous deux remplis de galets et de cendres. Dans la « maison aux bucranes », un petit « foyer posé », entouré d’une bordure de pierres hétéroclites (des molettes, un gros anneau, un morceau de récipient en calcaire) recouvertes par un enduit de terre, est installé non loin du mur. C’est l’attestation la plus ancienne de ce type de foyer, qui restera [Fig. 69 : 3, 4] toujours rare dans le site.
Le niveau II/E
40À partir de ce niveau, lorsqu’une maison est équipée d’un foyer, il se trouve dans la cour ou dans l’annexe. Quand des traces suggèrent l’existence d’un foyer intérieur elles sont fugaces, comme si la combustion avait eu lieu ailleurs et que quelques éléments incandescents avaient été rapportés pour chauffer ou maintenir au chaud des préparations culinaires. C’est ce qui se passe pour EA2, maison tripartite, où un tel « foyer secondaire » est placé vers le fond d’une des pièces. La cuisson des [Fig. 70] aliments s’effectue dans la cour, dans un très petit « foyer creusé », placé entre les pavés, contre l’extrémité de l’ante sud. Il est rempli de galets brûlés.
41Il existe aussi tout près de cette maison une « fosse-foyer » très grande et profonde, au profil en cloche, entourée d’une lourde bordure de pierres faite de moellons et réaménagée plusieurs fois. Elle se trouve sur l’axe de symétrie de la maison, mais en dehors de la zone pavée. Elle s’ouvre donc dans l’étroit passage qui sépare la cour de EA2 de la limite du bâtiment communautaire EA7a. Outre cette situation, les dimensions de cette structure (plus d’un mètre de diamètre, 50 cm de profondeur) incitent à réfléchir sur sa destination, qui pourrait être collective. Nous reviendrons sur cette possibilité (Chapitre IV et VI), après avoir constaté que la question se pose aussi à la phase récente.
Le niveau I/E
42Curieusement, le niveau I/E, très largement exposé, dont on a dégagé une douzaine de maisons, n’a livré que trois « vrais » foyers domestiques, tous associés à une seule maison : EA1, superposée à EA2. Les foyers sont, encore une fois, situés dans la cour. Il est vraisemblable qu’ils n’aient pas été utilisés simultanément. Leur type et leur emplacement diffèrent. Deux d’entre eux sont de petits « foyers creusés », placés entre les pavés de la cour, du même côté de celle-ci. Le troisième est une minuscule « fosse-foyer » dont la situation n’est pas quelconque. La grosse « fosse-foyer » de EA2 que nous venons de décrire, encore bien visible, est comblée. On la recreuse pour y placer cette toute petite structure. Pour celle-ci, pas d’ambiguïté, elle n’était certainement pas adaptée à la préparation d’agapes collectives. En revanche, elle sert bien à la maison, comme en témoignent des traces de rubéfaction sur le sol qui l’entoure.
43Il y a, en réalité, des structures de combustion à l’intérieur de trois constructions de ce niveau, mais toutes sont des « foyers secondaires ». Dans une des pièces de EA1, il s’agit d’un petit cercle de pierres encore plein de galets brûlés, mais sans la moindre trace de combustion. Dans la pièce équipée de meules de EA23, on peut interpréter de la même manière deux concentrations de terre légèrement brûlée mêlée à quelques cendres, qui signalent une chauffe légère. L’une de ces taches est dans le creux libéré d’un support de meule, l’autre est juste à côté. Et c’est enfin ainsi qu’on interprète une cuvette ovale, entourée de pierres et contenant encore quelques cendres, qui se trouve dans une des plus grandes cellules (C2) du bâtiment communautaire EA7b.
44La disparition des foyers intérieurs, relayés par des structures qui ne servent qu’à réchauffer de la nourriture, correspond-elle à des changements dans l’organisation sociale de Jerf ? Faut-il croire que les foyers extérieurs, communs à plusieurs maisonnées, commencent déjà à supplanter les foyers individuels ? On commencera à y réfléchir en examinant les équipements des deux dernières phases. Mais il faudra attendre l’analyse de tout l’espace villageois, pour trouver d’éventuelles réponses à cette question (Chapitre IV et VI).
La phase récente. Continuité et nouveautés
45Les traditions de la phase récente perpétuent celles de la phase moyenne. Quand une maison est équipée d’un foyer, celui-ci est dans la cour ou dans une dépendance. Quand des traces de chauffe se rencontrent à l’intérieur d’une maison, elles ne résultent pas d’une combustion directe, mais d’un dépôt d’éléments brûlés ailleurs.
L’Éminence Est et le niveau 0/E
46C’est ce qui se passe au niveau 0/E. En témoigne la maison tripartite rectangulaire (EA17) dont les habitants ont construit leur foyer trois fois de suite, en le déplaçant à chaque fois. Tous sont des « foyers creusés », protégés par une bordure de pierres [Fig. 71 : 1-3] enduite de terre, et ils ont les mêmes dimensions. Leur usage a été intense, si l’on en juge par leur contenu riche en galets brûlés, fragments d’os et de silex, et cendres.
L’Éminence Ouest et le niveau II/W
47On retrouve la même configuration quand on aborde, sur l’Éminence Ouest, EA15 (II/W), maison rectangulaire à quatre pièces en croix. Une « fosse-foyer » et un « foyer creusé », aménagés dans la cour, y sont utilisés successivement. Le « foyer [Fig. 71 : 4, 5] creusé » est le plus récent. Placé à la limite entre la cour et l’extérieur, il est cerné par une bordure de pierres et rempli de galets brûlés. Il est entouré par une aire de travail bien marquée dont le sol, sur lequel se posent et s’enfoncent beaucoup d’os brûlés, porte des traces de tassement et de chauffe.
48Dans les maisons de conception agglutinée et dans les maisons à pièces en enfilade, les dépendances jouent souvent le même rôle que les cours des maisons tripartites ou quadripartites. Il n’est donc pas étonnant de trouver une « fosse-foyer » dans une petite dépendance de la maison à quatre pièces agglutinées EA20. Munie d’une bordure en pierres, soigneusement enduite de terre, elle porte toutes les traces d’une utilisation intense : parois rubéfiées, pierres du tour brûlées, remplissage dense de galets éclatés au feu, charbons et cendres. De la même façon, EA84, maison à pièces en enfilade, est équipée, dans son dernier espace, largement ouvert sur l’extérieur, d’une« fosse-foyer » à bordure de pierre assez grande, remplie de galets.
49[Fig. 67] Enfin le rôle prépondérant de la cour est parfaitement illustré par EA10. Même si cette maison comporte à l’intérieur un petit foyer (fait devenu exceptionnel), c’est dans la cour qu’à lieu l’essentiel de la cuisson. Contre le mur de la « cuisine », elle s’effectue dans une structure de combustion qui pourrait être un four19. Cet aménagement est, à tout point de vue, unique dans le site. Notamment par sa forme [Fig. 67 : 2] rectangulaire et par ses grandes dimensions (2/1,6 m) qui n’ont pas d’équivalent. Mais aussi du fait que la zone de combustion, pleine de galets brûlés, est démesurée (100/80 cm) et peu épaisse (30 cm). Calé dans l’angle NE de la cour, il est séparé des murs par un rang de petites pierres et de galets. Une margelle, soigneusement modelée en terre, bien plate, d’une dizaine de centimètres d’épaisseur, le limite sur les côtés accessibles.
La phase de transition : disparition des foyers domestiques
50Aucun foyer domestique datant de cette phase n’est attesté. Cette disparition arrive logiquement au terme d’une évolution continue. On a vu que le nombre de foyers domestiques diminuait de niveau en niveau. Sortis dans la cour à partir de la phase moyenne, ils sortent cette fois tout à fait à l’extérieur, dans des espaces communs. Mais communs à quelle échelle ? Celle de voisins appartenant à la même fraction du groupe ? Celle de toute la communauté ? Nous réfléchirons à ces questions lorsque nous réunirons toutes nos observations pour mieux comprendre la vie du village et ses transformations au cours du temps (Chapitre IV et VI).

Fig. 69. Foyers intérieurs des phases ancienne et moyenne.

Fig. 70. Cuire dans la cour. Tenir au chaud dans la maison. L’exemple de EA2 (niveau II/E, phase moyenne).

Fig. 71. Cuire dans la cour. Deux exemples de la phase récente (EA17, niveau I/E et EA15, niveau II/W).
STOCKAGE ET RANGEMENT : LES CONTENANTS FIXES
51Les maisons de Jerf el Ahmar ont donc gardé quelques témoins de la préparation de la nourriture et de sa cuisson. Mais étaient-elles aménagées pour stocker les substances à préparer ? Ou pour ranger les aliments à consommer ? Des récipients suffisamment grands, en matières périssables ou en pierre, ont été utilisés dans ce but, mais, sauf exception, on ne les retrouve jamais abandonnés sur place. Il faut donc rechercher plutôt les contenants qui ne peuvent être déplacés que si on les démonte. Ces « contenants fixes » font partie intégrante de l’architecture. Ils sont inamovibles. Les données les concernant sont rares, plutôt hétéroclites, la plupart du temps difficiles à interpréter. Les échelles varient, les contextes également. Cette fois, nous allons considérer, en plus des maisons individuelles, les bâtiments collectifs. Nous n’avions trouvé aucun signe de préparation de nourriture dans ces bâtiments. La réponse est différente quand on recherche les structures de stockage.
52On s’interrogera sur la nature des substances stockées et sur leur quantité. Sur leur accessibilité également, car certains contenants sont posés, comme les bassins et les casiers, d’autres sont enfouis sous le sol, comme les cistes et les caissons. Qu’entendons-nous par chacun de ces termes et que savons-nous des contenants encore visibles dans les maisons de Jerf ? Nous commencerons par les bassins de pierre, très lourds, mais pas inamovibles.
Les contenants posés dans les maisons
Les bassins
53Les bassins de Jerf sont des récipients massifs, mais très réguliers. Ils sont façonnés à partir d’un bloc de calcaire tendre qui est épannelé, puis évidé par percussion. Les parois, extérieures et intérieures, sont lissées par raclage. Parfois même, l’intérieur [Fig. 66 : 2-5] est poli. Ces bassins sont profonds, de forme ovale ou rectangulaire. Tous ceux qui ont été trouvés à leur emplacement d’origine sont posés directement sur le sol, à l’intérieur de la maison. Rien n’empêche de les déplacer, mais ils sont lourds – tout comme les meules –, ils ne devaient donc pas être changés de place très souvent. Il en a été trouvé des fragments, disséminés un peu partout, à partir de la phase moyenne. On les a aussi recyclés parfois pour y loger la base d’un poteau (comme dans le bâtiment EA7 : Chapitre VI). Mais c’est dans leur situation primaire qu’ils nous intéressent ici. Précieux, car, longs à fabriquer, ils n’ont été abandonnés dans les maisons que lorsque des incendies violents ont fait fuir leurs habitants. C’est ainsi qu’on a trouvé un bassin en morceaux (et incomplet) près d’une meule de la maison EA48 (niveau III/E). [Fig. 61]
54Il faut attendre la phase récente, avec la maison EA10 (niveau II/W), pour en connaître en même temps la forme et le contexte. On se souvient que trois bassins, posés sur leur base plate, étaient collés l’un contre l’autre dans le coin de la « pièce cuisine ». Ils ont des hauteurs similaires (environ 30 cm), mais des formes différentes [Fig. 66] : rectangulaire ou ovale. Ils se prêtent au stockage de substances fluides (farines, grains) ou liquides, car ils sont imperméables. On peut avoir une idée de la vaisselle associée à ces contenants si l’on considère le nombre élevé de petits récipients abandonnés dans cette pièce, contre le mur. En plus de celui qu’on peut associer au matériel de mouture, il y en a vingt-sept, ce qui représente 10 % de la totalité des récipients trouvés dans le site.20.
Les casiers
55Contrairement aux bassins, creusés dans la masse d’un bloc de pierre, les casiers sont des contenants composites. Ils sont construits sur le sol, avec des plaques quadrangulaires préfabriquées à partir de dalles en calcaire tendre, rapidement épannelées. Adossés à un mur ou, mieux encore, calés dans un angle, il est impossible de les déplacer sans les démonter. Mais nous allons voir qu’il y a aussi de fortes chances pour que des casiers en matières périssables aient été utilisés dans les maisons.
56C’est ce qui semble être le cas à phase moyenne. Par exemple, dans la maison EA25 (niveau III/E), des traces négatives font supposer l’existence de quatre casiers adjacents. Le radier de galets de cette maison est absent dans un secteur bien délimité, [Fig. 37 : 1, 2] le long du mur, sur son quart NE. Cet espace vide est subdivisé par des alignements de galets, pour former quatre compartiments aux contours très nets. Trop petits pour être considérés comme des cellules, la plus grande dimension n’atteignant pas 90 cm, leur contour est varié : ovale, triangulaire, rectangulaire. On peut proposer que des casiers en matière périssable y aient été calés.
57Ce type d’équipement se retrouve à la phase récente, mais à ce moment-là on identifie aussi des casiers en pierre. La maison EA51, quadripartite, montre ce que pouvait être une maison bien équipée en structures de stockage ou de rangement. Dans [Fig. 72] deux pièces (P2 et P3), on a pu reconstituer deux casiers doubles collés contre les murs extérieurs opposés (l’un à l’Est, l’autre à l’Ouest) dont il ne reste que la trace négative. Ces casiers ont une base en terre battue. Alors que le sol de cette maison repose sur un radier opportuniste, à leur emplacement toutes les pierres ont été enlevées. [Fig. 34] Comme on ne trouve aucune trace de parois verticales en pierre, on peut se demander si, comme pour EA25, ces casiers n’étaient pas faits de matériaux périssables. L’assise de pierres, qui marque encore leur contour, ne servirait alors qu’à les caler. Enfin, dans la cour, un grand casier en pierres s’appuie contre l’angle NE. On est frappé par la position des aménagements intérieurs qui accusent la symétrie, déjà très nette, de cette maison.
Les contenants enterrés dans les maisons
Les cistes
58Nous avons appelé « cistes » des boîtes parallélipédiques allongées et étroites, montées avec des plaquettes de pierre assemblées comme un château de cartes ou un petit dolmen. Toutes ces boîtes sont enterrées à très faible profondeur sous le sol, dans la maison, dans la cour, à l’extérieur, mais toujours contre un mur. On en a trouvé une dizaine, répartis entre la phase moyenne et la phase récente de Jerf, et un onzième appartenant à la phase de transition.
59Les plus anciens cistes sont préservés dans trois maisons du niveau II/E (EA5, EA49 et EA67b). Tous les trois sont enterrés à l’extérieur. Celui de la maison tripartite EA5, enfoui à une vingtaine de centimètres sous le sol, est allongé et très étroit. Le fond est soigné, avec son dallage jointif de plaquettes de pierre. On trouve ensuite, dans chaque niveau, des maisons où sont dissimulés un ou plusieurs cistes. La maison EA22 (niveau I/E), de type agglutinant, en a deux. Le premier, complet avec son couvercle, est à l’intérieur de la plus grande pièce, près du mur. Chacune de ses faces comporte une succession de petites plaques de calcaire tendre juxtaposées, toujours ébauchées par entaillage. Le second est enfoui juste de l’autre côté du même mur, sans doute dans une petite dépendance. Il est bien plus gros. La belle maison rectangulaire tripartite EA17 (0/E) en a deux elle aussi, un dans chaque [Fig. 73 : 1, 2] pièce. Leur facture est très différente, ainsi que leurs mesures. Tous deux ont encore leur couvercle, brisé, mais complet.
60Deux maisons du niveau II/W sont pourvues de cistes. L’ensemble le plus complet a été trouvé dans l’une des pièces de la maison EA10, dont le vide contraste avec [Fig. 73 : 4] l’encombrement de l’autre pièce. Deux cistes contigus y sont dissimulés, à 5 cm sous le sol. L’un d’eux21 est encore complet, l’une des dallettes utilisée pour le couvercle ayant seulement pivoté sans changer de plan. L’intérieur est comblé par du sable fin, lité, qui se distingue du sédiment environnant. Le contexte est différent [Fig. 73 : 3] pour le ciste de la maison EA15. Au lieu d’être séparé de la zone de préparation culinaire, il fait partie intégrante d’une zone d’activité, avec foyer et restes de nourriture, qui se trouve dans la cour. Ce ciste est à peine enfoui. Enfin, c’est aussi dans [Fig. 71 : 4, 5] une des pièces dépourvues de casiers (P4) qu’est dissimulé, le long du mur de refend, le ciste de la maison EA51 (I/E). [Fig. 72 : 2]
61Rien n’a été trouvé dans ces cistes, mais leur remplissage se distingue du sédiment ambiant. Dans ceux des maisons EA10 et EA51, le même type de particules fines, litées, les comble. Que dissimulait-on dans ces petites boîtes de pierre qui se ressemblent toutes et qui sont placées dans des contextes très comparables ? L’hypothèse qui nous paraît la plus séduisante est qu’on y cachait la réserve de sel. On pense rarement à ce condiment qui avait son utilité et qui a dû devenir, à un moment donné, indispensable. Malheureusement, il ne laisse aucune trace.
Les caissons
62Comme les cistes, les caissons sont enterrés et fixes. À Jerf el Ahmar ils sont très rares. La construction d’un caisson est totalement liée au creusement d’une fosse dont il épouse la forme. Des plaques de calcaire tendre, préfabriquées, sont assemblées de façon aussi jointive que possible, pour tapisser le fond et les parois de la fosse. On ne leur connaît pas de couverture. On ne peut les bouger sans les démonter, c’est-à-dire désolidariser les plaques. On ne peut les reconstruire qu’en creusant une fosse identique à la fosse d’origine. L’exemple le plus clair est celui du caisson extérieur de la maison EA1 (niveau I/E), de forme polygonale.
Un stockage collectif : les silos
63À la phase moyenne, et surtout à la phase récente, le stockage collectif des récoltes s’affirme22. Les indices sont très discrets au début avec, par exemple, cette concentration d’orge dans la « maison aux bucranes », que nous avons à peine évoquée. Il est tentant d’y voir les signes d’un stockage de grains dans un lieu déjà lié à la vie collective, mais il importe de rester prudent. Rien n’est très clair, non plus, quand on examine le bâtiment EA7. L’existence d’un espace protégé, entre les deux murs porteurs, ne peut être interprétée qu’à la lumière des découvertes de la phase récente. C’est donc vers le bâtiment communautaire à divisions radiales EA30 que nous allons tout de suite nous tourner.
64EA30 (niveau II/W) a été conservé intégralement, grâce au fait qu’il a été incendié. [Fig. 74] Si des céréales stockées avaient été laissées dans le bâtiment en feu, nous aurions retrouvé une accumulation de grains carbonisés. Il n’en est rien, ils ne figurent ici qu’en quantité moyenne, comme dans presque toutes les constructions. Si donc, comme nous le pensons, le bâtiment était destiné principalement au stockage, il faut en déduire que les silos ont été vidés avant l’incendie. Sur quoi appuyons-nous alors cette hypothèse de stockage collectif ? Les trois cellules centrales (C4, C5, C6), limitées par les murs porteurs (C5) ou des murets plus hauts que les autres [Fig. 74 : 2] (C4 et C6), ont tous les caractères nécessaires pour assurer cette fonction. Leur sol est particulièrement bien isolé et elles sont vides de tout matériel, alors qu’on y trouve quelques restes d’orge. C4 et C6 sont limitées par des murets trop hauts [Fig. 74 : 1] pour être enjambés, mais nous avons vu qu’on pouvait y pénétrer à l’aide de marches. C’est toutefois C5, prise entre ces deux cellules et placée exactement sur l’axe de symétrie du bâtiment, qui ressemble le plus à un silo.
65[Fig. 19 : 5 ; Fig. 74 : 2, 3] Les deux murs porteurs qui enserrent C5 sont reliés par un muret qui est percé, à une vingtaine de centimètres du sol, par un hublot rectangulaire. Cette ouverture est trop étroite pour permettre le passage d’un individu, mais elle suffit pour récupérer une substance entreposée à l’intérieur. Des exemples de greniers à grain qu’on alimente par le haut et dans lesquels on récupère le grain par le bas sont courants au Proche-Orient, notamment en Syrie. À partir de cette observation, notre hypothèse est de considérer cette cellule comme un silo qu’on remplirait à partir de l’extérieur de l’édifice, et qu’on viderait, depuis l’Espace central, à travers le hublot.
66Or, nous avons repéré que, presque à l’aplomb du silo, se trouvait l’annexe rectangulaire [Fig. 74 : 2] qui s’accroche à EA30. Elle pourrait avoir joué un rôle dans le processus de stockage. Peut-être pouvait-on, par son intermédiaire, pénétrer dans cette cellule ou au moins y verser du grain à conserver ? Peut-être même pouvait-on y stocker momentanément du surplus de grain ? Et pourquoi ne pas envisager d’y abriter le « gardien des réserves collectives » ? Tout n’est ici qu’hypothèses, mais elles méritent qu’on les engrange, dans l’attente de nouvelles informations.
Stockage collectif et stockage individuel
67Les architectures de Jerf el Ahmar sont assez bien conservées pour penser que, si le stockage avait été prévu à l’intérieur des maisons, au ras du sol ou en sous-sol, on en aurait découvert des traces. Or, à part dans la maison EA51, nous n’avons rien trouvé de tel.
68Il se pourrait qu’il y ait un cas, au niveau I/W, d’aménagement lié au stockage commun [Fig. 75] de deux maisons très dissemblables : EA54 et EA56. Ces maisons se touchent presque, mais leurs murs ne sont pas parallèles. Entre elles, un espace trapézoïdal étroit est compartimenté par trois murets de jonction : deux aux extrémités, un au [Fig. 75 : 1, 2] milieu. Du côté où l’espace entre les maisons est le plus grand, le muret terminal est évasé et courbe, dépassant la limite des maisons vers l’extérieur. Ainsi se forme un espace fermé semi-circulaire, d’un diamètre de 2,4 m. C’est assez grand pour être un silo. C’est peut-être pourquoi le sol est particulièrement soigné, avec un pavage régulier, formé de petits blocs et de galets, recouvert d’une fine couche de cailloutis très lisse. On y ajoutera, pour renforcer notre hypothèse, que l’une des deux maisons : EA54, se distingue par le fait que l’une de ses pièces était entièrement dédiée à la mouture, avec trois meules montées sur socle. [Fig. 68]
69Un autre aménagement est à signaler, à propos de cette même maison EA54, même si la relation exacte avec les activités liées à la préparation de nourriture est plus difficile à démontrer. L’angle extérieur de EA54, qui est le plus proche de la structure de stockage (I/W), comporte un petit casier en pierre. Contre lui, six très belles [Fig. 75 : 2-4] lames superposées ont été trouvées, qui en sont probablement tombées lors de la [Fig. 75 : 4] destruction de cette maison. On a là un exemple de « cache de lames », dont le contenu est retrouvé quasiment en place23. Ces lames sont souvent utilisées pour la récolte des céréales, on peut donc proposer de les associer à l’ensemble – manches, [Fig. 7 : 6] matériel de mouture – présent dans cette habitation.
70Cette unique attestation d’un stockage domestique, partagé par deux constructions, date de la phase de transition, époque où les bâtiments communautaires ne servent plus qu’à réunir le groupe et ne recèlent aucun aménagement lié au stockage. [Fig. 52] Il serait facile d'y voir la preuve d’un changement dans les pratiques. Mais l’exemple est bien trop isolé pour que soit démontrée l’habitude, désormais généralisée, d’une conservation privée des récoltes.

Fig. 72. Une maison équipée. Les casiers de EA51 (niveau II/W, phase récente).

Fig. 73. Les cistes.

Fig. 74. Stockage à grande échelle. Stockage collectif. Le bâtiment communautaire EA30 (niveau II/W, phase récente).

Fig. 75. EA54 et ea56 (niveau I/W, phase de transition). Une structure commune de stockage.
CONTEXTES, FONCTIONS ET SIGNIFICATIONS DES ÉQUIPEMENTS DOMESTIQUES
71Nous avons certainement perdu la trace de beaucoup d’équipements domestiques, soit qu’ils aient été fabriqués dans des matériaux périssables, soit qu’ils aient été démontés au moment de l’abandon d’une construction. Ceux qui ont été conservés donnent un certain nombre d’informations sur les activités domestiques liées à l’alimentation. Le lieu où elles se déroulent est révélateur.
72Les activités liées à l’alimentation se tiennent dans quatre contextes différents. Du plus intime au plus collectif on trouve, en premier, l’intérieur de la maison. Le contexte reste individuel, mais ouvert sur l’extérieur, quand la préparation culinaire intervient dans une dépendance, une cour ou une annexe. Il est collectif dans deux cas : lorsqu’il se situe à l’intérieur d’un bâtiment communautaire, ou lorsqu’il est placé dans une aire extérieure, partagée par plusieurs unités domestiques. Nous avons décrit toutes ces situations, sauf la dernière qui accompagnera la vision du village dans son ensemble (Chapitre IV).
73Les meules retrouvées dans les bâtiments communautaires (notamment EA30 au niveau II/W) ne semblent pas avoir servi à préparer de la nourriture, mais plutôt des substances telles que l’ocre. L’une d’entre elles, trouvée in situ dans une des cellules [Fig. 37 : 3] (C2), conserve d’ailleurs un dépôt de cette substance.
74Le contexte des outils liés à la mouture alimentaire est donc clairement domestique. Dix maisons, à l’intérieur desquelles du matériel de mouture est resté en place, en témoignent directement. Le contexte des équipements associés à la « maison aux bucranes » est plus ambigu. Vu la spécificité de cette construction et le fait que le matériel de mouture se concentre dans une aire intermédiaire entre intérieur et extérieur, nous pencherions plutôt pour un usage collectif.
75Le groupement de plusieurs meules, l’attention avec laquelle on les monte sur des socles maçonnés bien construits, le fait que, dans un cas au moins, le socle ait été prévu lors même de la construction de la maison, montrent à quel point cette activité joue un rôle important dans la vie quotidienne de la communauté. Il semble que plusieurs types de produits aient été recherchés. Sinon, comment expliquer la diversité des formes et des dimensions au cœur d’un même groupement de meules ? Comment expliquer que certaines cavités soient assez profondes pour évoquer davantage une meule-mortier qu’une meule, davantage l’utilisation d’un pilon que d’une molette ? Que d’autres, tout en étant usées, soient restées relativement plates ? On n’a retrouvé, parmi les restes carbonisés, que des céréales et des légumineuses concassées, mais il est bien évident qu’il est impossible de retrouver en contexte archéologique de la farine et, encore moins, des restes de viande.
76Quand plusieurs meules sont regroupées, on trouve autour d’elles ou, plus souvent, dans la pièce voisine, le matériel complémentaire qui en permet l’usage : les molettes et les pilons. Dans le cas d’une maison, dont la pièce cuisine est restée presque intacte, de lourds plateaux de pierre très usés sont également associés aux meules. Leur usure et la présence de boulettes composites, portant des traces de doigts, illustrent une deuxième étape dans la préparation de la nourriture. Il est vraisemblable qu’on malaxait le mélange sur les plateaux et qu’on y formait ces boulettes. Reste la cuisson. Là, un changement de lieu, mais à quelques pas seulement, vient interrompre le processus, car la cuisson se tient surtout dans la cour.
77Hormis quelques foyers placés à l’intérieur des maisons, au début seulement de l’occupation, on note qu’à Jerf el Ahmar les foyers destinés à la cuisson domestique sont placés plutôt dans les cours. Même dans ce contexte intermédiaire, la cuisson individuelle est plutôt rare. À l’intérieur proprement dit, seules de petites structures de combustion sont prévues, pour tenir au chaud, ou réchauffer de la nourriture. Enfin, aucun dispositif lié à la cuisson n’existe dans les bâtiments communautaires, ils ne sont donc pas utilisés pour des préparations collectives de nourriture.
78Il fallait bien ranger, il fallait bien stocker des réserves de denrées ou des produits finis. À cet effet on trouve, dans plusieurs situations, une grande variété de contenants. Ils sont dissimulés sous le sol ou posés (amovibles ou inamovibles). Ils sont à l’intérieur, dans la cour, jamais complètement à l’extérieur. Ils sont individuels ou partagés par deux maisons. Ils figurent aussi dans les bâtiments communautaires à division radiale, dont ils constituent peut-être l’usage principal. Malgré la faiblesse des données, il nous semble qu’il est possible de dissocier le stockage alimentaire en deux grandes catégories, du moins dans les phases qui précèdent la phase de transition. Dans les maisons, de faibles quantités de denrées sont stockées pour un usage sans doute immédiat. À l’opposé, le stockage à grande échelle, et pour une longue durée, des récoltes de céréales, est assuré collectivement dans les bâtiments communautaires.
79Comme rien n’est visiblement prévu pour le stockage commun dans les bâtiments communautaires de la phase de transition, et que rien de très clair n’est visible dans les maisons de l’époque, on se trouve confronté à une question importante. Le besoin de stocker n’avait certainement pas disparu, au contraire, puisque l’agriculture était alors en plein développement. On ignore comment il a été répondu à ce besoin.
Notes de bas de page
1 Voir Introduction et Willcox 2004, 2005.
2 Stordeur, Willcox 2009 ; Willcox, Stordeur 2012.
3 Selon M.-C. Nierlé (Nierlé 2008, p. 339), le travail de mouture et de broyage est assuré par des outils répercutants : meules et mortiers, et des outils percutants : molettes, pilons et broyeurs.
4 À Jerf el Ahmar, comme dans la plupart des sites, un faible nombre de meules seulement est dédié à des activités artisanales. Les deux spécialistes chargées du matériel de mouture, sur le terrain H. Procopiou (Pr. Université Paris 1) puis M. Bofill dans le cadre d’une thèse de doctorat (Bofill 2015), nous ont fait bénéficier de leurs résultats.
5 Stordeur, Willcox 2009.
6 Communication personnelle de M. Bofill et Bofill 2014.
7 À Mureybet, en l’absence de mortiers, M.-C. Nierlé envisage que certaines meules, très creuses, aient servi à la fois de meules et de mortiers (Nierlé op. cit.). Ce serait aussi le cas à Jerf el Ahmar.
8 Qui ont été dissociées pour la première fois par M. Lebreton (Lebreton 2003).
9 Selon tous ceux qui ont travaillé sur les outils de mouture : M.-C. Nierlé, H. Procopiou, M. Bofill.
10 La kebbeh est un mélange de viande et de blé concassé. La viande est écrasée avec un pilon au fond de mortiers en pierre, jusqu’à ce que les fibres se désolidarisent. Le blé, précuit et concassé à part, est incorporé en fin de broyage avec un peu d’eau.
11 À notre connaissance, il s’agit de la plus ancienne préparation culinaire connue.
12 Willcox 2002
13 D’après D. Albukaai (2014), il s’agit toutefois bien d’un foyer.
14 Lebreton 2003. Sur une suggestion de D. Helmer, des lampes en calcaire ont été identifiées dans cette pièce et dans d’autres contextes du site.
15 Par J.A. Sanchez-Priego.
16 Stordeur 2004.
17 Pour nommer les foyers de Jerf el Ahmar nous utiliserons les catégories établies par M. Molist à Mureybet (Molist 1989, 2008). Nos descriptions, quoique succinctes, ont beaucoup bénéficié des travaux de D. Albukaai qui en a développé l’analyse dans sa thèse (Albukaai 2014).
18 D’après M. Molist (op. cit.) si la profondeur de la fosse est supérieure au double du diamètre nous avons à faire à une fosse-foyer. Dans le cas inverse, il s’agit d’un foyer creusé (appelé aussi foyer en cuvette).
19 D’après D. Albukaai (Albukaai 2014) la voûte de ce four se serait partiellement effondrée lors de l’incendie, on en trouve d’ailleurs quelques fragments.
20 Lebreton 2003.
21 D’après M. Lebreton : « Ce ciste est une structure creusée composée de 6 plaques quadrangulaires aux angles arrondis en calcaire tendre uniquement ébauchées par entaillage. Chacune de ses faces est une plaque… les différentes parties ont été préfabriquées avant d’être assemblées. … De forme quadrangulaire, le fond est plat et les parois, épaisses de 2 cm, sont droites. Il mesure 15 cm de hauteur, 38 et 15 cm de côté et a pu contenir 8,5 litres. Sa forme est totalement fermée (Lebreton 2003, p. 191-192).
22 Stordeur et al. 2000 ; Stordeur, Willcox 2009.
23 Astruc et al. 2003
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The Asian side of the world - II
Chronicles of Asia and the Pacific 2011-2013
Jean-François Sabouret (dir.)
2015
Le Président de la Ve République et les libertés
Xavier Bioy, Alain Laquièze, Thierry Rambaud et al. (dir.)
2017
De la volatilité comme paradigme
La politique étrangère des États-Unis vis-à-vis de l'Inde et du Pakistan dans les années 1970
Thomas Cavanna
2017
L'impossible Présidence impériale
Le contrôle législatif aux États-Unis
François Vergniolle de Chantal
2016
Sous les images, la politique…
Presse, cinéma, télévision, nouveaux médias (xxe-xxie siècle)
Isabelle Veyrat-Masson, Sébastien Denis et Claire Secail (dir.)
2014
Pratiquer les frontières
Jeunes migrants et descendants de migrants dans l’espace franco-maghrébin
Françoise Lorcerie (dir.)
2010