Entre consommation durable et vie quotidienne
Les premiers balbutiements du compteur communicant en France et en Espagne
p. 403-419
Remerciements
Remerciements : Les données présentées dans cet article ont été générées dans le cadre du projet de recherche européen FP7 Pachelbel (www.pachelbel.eu). L’étude a été conduite grâce au partenariat en France avec H. Boyé et J.R. Brunetière, Ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, et B. Lachaussée, Electricité Réseau Distribution France (ERDF), et en Espagne avec G. Pol et I. Soldevilla de l’Agence de l’énergie, Communauté de Barcelone, Catalogne. L’engagement soutenu des participants de Château-Renault et de Lyon en France et ceux des quartiers de Sant Martí de Provençals et de La Verneda-La Pau à Barcelone, dans les discussions de groupe et l’élaboration des données est à souligner. Les points de vue présentés n’engagent que les auteurs.
Texte intégral
La consommation durable d’électricité. Les politiques publiques entre changement climatique global et usages locaux
1Les rapports successifs du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat convergent pour désigner de plus en plus sûrement l’origine anthropique d’un changement climatique potentiellement dangereux et dont l’accélération se révèle alarmante (GIEC, 2012). L’émission de gaz à effet de serre résulte notamment de notre consommation d’énergies fossiles (charbon, gaz, pétrole) qui représentent 68 % du combustible utilisé pour produire l’électricité (AIE, 2012). Cette émission se traduit non seulement par un réchauffement sans précédent depuis 11 000 ans (Marcott, 2013), mais contribue également à l’acidification des océans ; et la combinaison des deux phénomènes pourrait conduire à un effondrement global de la civilisation (Erlich & Erlich, 2013). Ces annonces on ne peut plus catastrophiques peuvent avoir comme vertu de nous inciter à l’action : paradoxalement, pour agir de façon à éviter une catastrophe nous devons être convaincus qu’elle va se produire (Dupuy, 2004).
2Il devient alors possible de se confronter à la complexité de la situation qui est la nôtre, qu’il s’agisse par exemple, de mettre en œuvre une politique publique restaurant le temps long (Giddens, 2009) ou encore, de considérer un mix d’options technologiques pour produire l’énergie tout en luttant contre les risques climatiques (Poumadère et al., 2011). Néanmoins, et en fort contraste avec la gravité des menaces, un apparent immobilisme semble persister (Hulme, 2009). En tant que risque collectif, le changement climatique paraît faire l’objet d’une atténuation sociale (Pidgeon et al., 2003), attirant peu l’attention comparativement à d’autres risques estimés plus redoutables. Parmi les explications se trouverait la perception générale du changement climatique comme étant « psychologiquement distant », c’est-à-dire éloigné dans le temps et l’incertitude, et relégué dans des contrées plutôt lointaines (Spence et al., 2012). On note aussi les difficultés rencontrées par les dirigeants politiques pour situer les décisions dans le temps long. Les recherches en économie des choix inter-temporels montrent que nous paraissons peu enclins à faire un effort immédiat en faveur d’un bénéfice futur, quand bien même il s’agit d’un piètre choix pour la défense de nos intérêts (Kahnemann, 2012). Compte tenu du caractère prévisible et communément répandu de ce genre d’écarts à la pensée logique, une solution consiste à orienter les nombreuses personnes « irrationnelles », sans les contraindre et pour leur bien, de sorte qu’elles retrouvent la direction qu’elles auraient choisie si elles avaient suivi leur raison. Ce « paternalisme libertaire » est revendiqué par les auteurs qui encouragent l’application de tels coups de pouce (nudge) pour aider les personnes à réaliser des économies (Thaler & Sunstein, 2008).
3L’approche par le feed-back d’information, à laquelle nous nous intéressons plus particulièrement ici, vise à accompagner des changements de comportements, certes à l’échelle individuelle mais pouvant aboutir à un impact global significatif compte tenu de leur très grand nombre. Pour cette étude, nous retenons l’application de ce principe, au cas des nouveaux compteurs électriques communicants. Les usages de l’électricité sont omniprésents dans la vie de chacun et cette énergie se trouve au carrefour de nombreux enjeux se rapportant à la consommation durable. Pendant que la consommation des ménages en produits pétroliers et en gaz diminue, leur consommation d’électricité continue de croître (CREDOC, 2009). Non seulement le recours à des énergies fossiles pour produire de l’électricité contribue à l’émission de gaz à effet de serre, mais une hausse significative du prix de l’électricité est prévisible1. Dans le cadre du marché européen, les prix à la consommation doivent refléter les coûts et leur augmentation est probable, compte tenu d’une part, du financement des investissements dans les énergies renouvelables permettant de diminuer en France la part nucléaire de l’électricité de 75 % à 50 % d’ici 2025 et, d’autre part, de l’augmentation des dépenses pour la sécurité de la production nucléaire après l’accident de Fukushima. Plus globalement, une forte hausse généralisée du coût des ressources énergétiques est anticipée au niveau mondial et pourrait atteindre un point critique dans le courant des vingt prochaines années (Dobbs et al., 2011).
4Nombreuses sont donc les bonnes raisons de rechercher une plus grande efficacité énergétique et parmi les domaines concernés, les économies d’électricité et la préparation à une moindre consommation figurent en bonne place. L’efficacité énergétique est ainsi devenue un objet de politique publique. Notamment, le plan d’action de la Commission européenne, ou « Paquet Energie-Climat », est adopté en décembre 2008 avec, parmi les objectifs fixés, celui d’améliorer l’efficacité énergétique de 20 % d’ici 2020. En France, un débat national a traité de « la transition énergétique », visant la sobriété et l’efficacité, ce qui suppose d’optimiser au maximum les consommations et d’utiliser au mieux l’énergie disponible. Associant, décideurs, experts et citoyens, ce débat a débouché sur une loi de programmation en mai 20152.
5Quant aux compteurs communicants précisément, la Commission européenne en septembre 2009 a posé comme objectif dans le cadre de la politique commune de consommation durable que 80 % des foyers européens aient accès à ces nouveaux compteurs électriques avant 2020, pour atteindre 100 % en 2022. Cet objectif contraignant ne sera vraisemblablement pas atteint, mais les pays membres se sont engagés dans des programmes en ce sens, suivant des voies diverses et atteignant actuellement différents niveaux d’avancement (CRE, 2013). Le but visé par de tels systèmes est de contribuer aux économies d’énergie grâce à l’information plus précise dont bénéficieront les citoyens, mais aussi en faisant varier les tarifs et en facilitant la libre concurrence. En remplacement des anciens, de nouveaux compteurs technologiquement avancés3 sont actuellement introduits dans plusieurs pays européens pour améliorer le retour d’information vers chaque foyer. On note que le souci de la maîtrise de l’énergie dans l’habitat grâce à ce type d’innovation technologique apparaît déjà en 1988, avec des recherches sur la domotique qui incluent un « Thermostat Electronique Intelligent » (Darmonni, 2012).
6Le compteur communicant actuel présente plusieurs avantages pour les citoyens comme pour les opérateurs, avec notamment les opérations réalisables à distance : mise en service, changement d’abonnement ou de puissance, relevé de la consommation. Quelques questions apparaissent toutefois à propos des hypothèses sous-jacentes concernant les citoyens dans leur rapport à l’information et à la consommation d’énergie, par exemple :
- Quelle est la nature de l’engagement du citoyen en matière de consommation durable ?
- Le facteur financier est-il déterminant ?
- Une tarification « à la consommation » est-elle dissuasive et acceptable ?
- L’information factuelle et précise suffit-elle à induire un changement de comportement ?
7Le travail de ce questionnement associe à la fois des acteurs de politiques publiques (APP)4 et des citoyens-consommateurs, dans deux contextes différents en Europe. On voit qu’il ne s’agit pas tant de s’assurer de l’adhésion des citoyens à une décision irrévocable que de leur demander d’analyser leur rapport à la consommation d’électricité, en le situant à la fois dans la perspective de leur vie quotidienne et dans celle des politiques publiques de consommation durable.
8Compte tenu de la place importante accordée au retour d’information dans la politique de déploiement des compteurs communicants, nous examinons en premier, le principe du feed-back sous les angles théoriques et appliqués. Puis, nous précisons les contextes de politique publique au sein desquels l’étude se positionne en France et en Espagne. Nous exposons ensuite la démarche d’inspiration ethnographique empruntée, pour mettre en regard, dans les deux contextes, les postulats de politique publique et les points de vue de citoyens. Les résultats sont présentés en associant aux catégories de synthèse les expressions utilisées par les participants. (cf. Schneider & Poumadère, 2013 ; Konrad et al, 2012a).
Le feed-back comme instrument de politique publique
9Dans les contextes français et espagnol de l’étude, le principe du feed-back d’information paraît en bonne place parmi les outils de politique publique associés à la consommation durable et aux attentes liées au compteur électrique communicant. Il est donc utile de rappeler brièvement l’arrière-plan théorique du feed-back tel qu’il apparaît dans différents cadres de référence, ainsi que les résultats de son expérimentation dans le domaine de la consommation d’énergie, avant de préciser sa place dans le cas du déploiement actuel des compteurs communicants.
Le principe du feed-back : théorie et expérimentations
10Le feed-back est au centre de la théorie cybernétique classique : la régulation du système s’effectue par l’intermédiaire d’un retour d’information (Wiener, 1952). Ce principe général concourt largement aux automatismes intégrés à un grand nombre d’applications techniques présentes dans notre vie courante. Plus proche de notre domaine d’étude, on peut voir aussi dans le feed-back un mécanisme du conditionnement opérant tel qu’il est défini dans l’approche behavioriste classique (Skinner, 1938). Si les personnes sont motivées pour consommer de façon durable, et/ou faire des économies, elles répéteront les comportements leur permettant d’obtenir cette « récompense ». Dans le domaine de la psychologie environnementale, Moser (2009) considère que le feed-back est un moyen de faire économiser l’énergie plus efficacement que les campagnes d’incitation, de sensibilisation ou d’éducation.
11Concrètement, des expériences sont conduites dès les années 1970 : au lieu de dire aux personnes ce qu’elles doivent faire pour consommer moins d’énergie, les chercheurs leur présentent une information détaillée sur la quantité d’énergie qu’elles consomment effectivement. Il est alors apparu qu’il était difficile pour les personnes d’identifier quels comportements étaient efficaces car les économies d’énergie n’étaient pas directement visibles, et les gains monétaires n’étaient manifestes qu’une fois par mois quand arrivait la facture d’électricité (Gardner and Stern, 2002). Toutefois, comparativement à d’autres approches pour réduire la consommation d’énergie en se situant en amont du comportement proprement dit, le feed-back apparaît comme une stratégie d’autant plus efficace qu’il est fréquent (Abrahamse et al., 2005). Certaines études utilisent un feed-back comparatif portant sur la consommation d’un individu et celle d’un groupe de référence, mais cette option ne paraît pas plus efficace que le feedback individuel (Brandon & Lewis, 1999 ; Midden et al., 1983). Une approche associant le feed-back à des activités de groupe est apparue remarquablement efficace pour réduire la consommation d’énergie sur une plus longue durée (Staats et al., 2004). Le programme de ces activités de groupe reposait sur une combinaison d’informations, de feed-back comparatif sur la consommation, et d’interactions sociales au cours desquelles les participants discutent des conséquences environnementales de leurs comportements à domicile. Il avait déjà été montré que la réduction de la consommation d’énergie résultait du feed-back associé à la formulation d’objectifs (McCalley & Midden, 2002).
12Il apparaît donc que l’impact du feed-back sur la consommation d’énergie dépend de plusieurs facteurs. Pour avoir un effet sur les comportements quotidiens, le feed-back doit être suffisamment fréquent et il est probablement plus efficace s’il est disponible immédiatement, avant et après les changements que les personnes expérimentent (Seligman et al., 1981 ; Shippee, 1980). Les interactions sociales au sein d’un groupe, facilitant par exemple la formulation d’objectifs, paraissent de nature à augmenter l’efficacité du feed-back et la durée de celle-ci. Dans l’ensemble, les expériences de feed-back réalisées à la fin des années 1970 montrent que les foyers impliqués diminuent leur consommation de quelque 10 % immédiatement après l’exposition aux informations. Ces économies continuent pendant plusieurs mois alors que le feedback est toujours actif. Le changement se traduit surtout par un moindre usage de l’électricité, plutôt que par des investissements dans des travaux pour isoler les murs et plafonds, installer un double vitrage, ou améliorer l’efficacité du chauffage (Gardner & Stern, 2002).
13Plusieurs facteurs techniques sont mentionnés dans ces études comme pouvant faciliter l’effet du feed-back. Il est à noter que les nouveaux compteurs et leurs extensions actuellement envisageables, s’inscrivent dans cette perspective : la consommation de chaque appareil électrique pourra être identifiée séparément, et la consommation s’afficher en temps réel, éventuellement avec une conversion monétaire, le tout sur des affichages déportés ou en ligne sur son ordinateur et téléphone portable5. Des systèmes d’alerte en cas de consommation excessive ou anormale sont également envisageables. Par ailleurs, lors du risque de black-out associé à un pic de consommation, il devient nécessaire d’agir sur la demande (Poignant & Sido, 2010). Dans ce dernier cas, les citoyens pourraient réduire temporairement leur consommation d’électricité pour éviter le black-out ou le recours à une production d’électricité supplémentaire (laquelle est plus polluante et coûteuse que la production planifiée), soit par sens civique et/ou en échange d’une compensation monétaire.
14De nombreuses fonctionnalités des compteurs communicants peuvent donc être développées. Mais au-delà des seules capacités techniques, se posent des questions à la base de l’application du principe de feed-back lui-même. A la différence des systèmes autorégulés, il ne s’agit pas ici d’automatismes, les êtres humains sont dans la boucle. Par exemple, l’expérience montre qu’il se révèle hasardeux de définir ce qui constitue une récompense ou une punition dans le domaine humain. Cette variabilité semble prise en compte par Gardner & Stern (2002) qui précisent que le feed-back fonctionne uniquement si les participants sont fortement motivés. De plus, ce sont aussi des êtres humains qui vont décider quelles informations (sous quelles formes et avec quels contenus) vont être recueillies et utilisées. Ces choix ne sont pas neutres et soulèvent divers enjeux, qu’il s’agisse de la surveillance continue rendue possible depuis ce nouveau panoptique à demeure, ou de la confidentialité et protection des données.
Compteurs communicants et postulat du feed-back
15L’un des effets attendus du déploiement des nouveaux compteurs communicants avec leur capacité de feed-back est que l’information se transforme en économies d’énergie. Sans remettre fondamentalement en cause cette assomption, les acteurs de politiques publiques (APP) se doutent bien que la relation entre l’information et les économies d’énergie n’est pas linéaire. De plus, bien que disposant de données issues d’enquêtes sur la consommation et les usages de l’électricité, les APP des deux contextes n’ont guère accès aux comportements quotidiens ni aux raisonnements des consommateurs qui sont en contact effectif avec les nouveaux compteurs. Dans le cadre de cette étude, ils souhaitent donc mieux connaître :
- les points forts et faibles du feed-back (en termes de consommation durable)
- les possibilités d’amélioration du feed-back (adaptation des interfaces)
- l’intérêt et les préoccupations des consommateurs dans cette situation
16Dans le contexte espagnol, les APP souhaitent de plus :
- savoir comment le conseil municipal peut accompagner le processus de changement (quelles actions spécifiques et quelle implémentation)
- tester certaines des options incluses dans le dernier Plan Energie de la ville de Barcelone
17Dans le contexte français, les APP ont souhaité de plus :
- que les participants soient équipés pendant l’étude d’un thermomètre personnel pour mesurer la température à leur domicile
- qu’un questionnaire ad hoc soit développé concernant les pics de consommation (les réunions de groupe à Lyon s’étant déroulées pendant la vague de froid de Février 2012)
Enjeux de politiques publiques et cadrage de l’étude dans les deux contextes
18Dans cette partie, nous présentons le déploiement des compteurs communicants dans les contextes français et espagnol, en lien avec les institutions qui mettent en œuvre les politiques publiques correspondantes. L’étude repose sur un partenariat avec ces institutions et sur une méthodologie commune aux deux contextes en France et en Espagne.
Le déploiement de Linky en France
19Les partenaires institutionnels de l’étude en France sont le Conseil général de l’Environnement et du Développement durable (CGEDD), le Ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie (MEDDE), et l’Électricité Réseau Distribution France (ERDF). La consommation durable et l’énergie font partie du champ d’activité du CGEDD dont l’une des missions est de conseiller le Gouvernement. Lors du colloque sur le thème des « Énergies de demain : quels réseaux sur le territoire ? » (CGEDD, 2010), plusieurs sessions sont consacrées aux réseaux et compteurs intelligents, en lien avec l’enjeu de gérer l’énergie au plus près du consommateur. La consommation durable d’électricité se trouve parmi les moyens devant permettre à la France de respecter son engagement à diviser par quatre ses émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2050, et les résultats de l’étude réalisée par le CGEDD sur les conditions de réalisation de cet objectif font également l’objet d’un colloque (CGEDD & CEC, 2013). C’est sous l’égide du MEDDE que le débat national sur la « Transition énergétique » est engagé en 2013 et les experts du CGEDD sont appelés à contribuer. Pour approcher l’objectif de l’efficacité énergétique et de la sobriété, l’évolution des modes de vie et de consommation sont mis en avant parmi les points de départ à considérer.
20Un membre du collège Énergie et climat, qui dépend de la section sciences et techniques du CGEDD, a attiré notre attention sur Linky en tant qu’objet technique et instrument de politique publique. Pour cette étude il sera rejoint par son collègue de la Commission spéciale du développement durable et par le responsable du projet Linky à ERDF. Cette entreprise est actuellement gestionnaire du réseau public de distribution d’électricité sur 95 % du territoire français continental et filiale d’Électricité de France (EDF), établissement public à caractère industriel et commercial. Parmi les objectifs d’ERDF se trouve la maîtrise de la consommation d’électricité de ses clients et elle s’est vue confier par la Commission de régulation de l’énergie (CRE) la mission d’expérimenter un système de compteur communicant (Linky). Si l’expérimentation est concluante le déploiement sera généralisé, avec la perspective que ce nouveau compteur aidera les Français à modifier leurs habitudes de consommation d’énergie. Ainsi 250 000 compteurs ont été déployés de 2009 à 2011 sur un territoire rural (Indre-et-Loire) et en milieu urbain (Lyon). Cette expérimentation a permis à ERDF de vérifier la maîtrise des processus de déploiement et de valider les hypothèses économiques. Les pouvoirs publics ont décidé le 28 septembre 2011 de généraliser le projet : à terme, 35 millions de compteurs Linky seront installés sur tout le territoire.
21Les partenaires institutionnels sont convaincus du rôle central joué par les changements de comportements en matière de consommation durable et, en complément des données auxquelles ils ont déjà accès, sont à la recherche d’une meilleure compréhension de la dimension humaine.
Une expérimentation dans les quartiers de Barcelone
22En Espagne, l’administration locale et les entreprises manifestent un intérêt croissant pour l’installation de compteurs communicants chez les particuliers et les PME. Une expérimentation dans les quartiers est en cours à Barcelone. Le partenaire de politique publique est l’Agence de l’énergie, Ville de Barcelone, dont l’objectif est de promouvoir l’exemplarité de cette ville en matière de protection de l’environnement. Ainsi, l’Agence cherche à doter la capitale catalane de normes optimales pour l’usage et la gestion des ressources énergétiques locales. En s’appuyant sur la recherche de consensus et la participation des citoyens, elle encourage une demande d’énergie rationnelle et soutenable. Le développement d’un programme participatif pour économiser l’énergie dans chaque quartier a paru constituer une bonne base pour engager l’étude de terrain, laquelle portera essentiellement sur une meilleure compréhension des comportements associés à l’installation des nouveaux compteurs communicants. Ce programme est géré par l’Agence, tout en étant associé au processus de l’Agenda 21 (LA21)6.
23En effet, un nouveau Plan énergie a été retenu en 2011 par le conseil municipal pour structurer les politiques de la ville de Barcelone concernant les usages de l’énergie pendant les 10 prochaines années. Le Plan contient plusieurs références aux attitudes et comportements des citoyens, et l’étude pourrait apporter des données supplémentaires portant sur les attentes des citoyens envers les mesures planifiées, ainsi que sur les comportements quotidiens en matière d’usages de l’énergie à domicile. Entre 1998 and 2001, le conseil municipal de Barcelone promeut un processus participatif pour concevoir le LA21, et le conseil municipal engage en 2010 un processus d’évaluation, comprenant une série de réunions avec les associations et les organisations de la ville pour discuter du degré de réalisation des objectifs, et émettre des propositions pour la suite. Dans ce contexte, le Conseil a proposé que soient créés plusieurs groupes de travail se consacrant aux enjeux environnementaux, dont celui de l’adaptation au changement climatique.
24Une des initiatives issues de cette évaluation est le Plan Énergie Participation (PEP) dans un quartier. Ce projet était soutenu par l’Agence de l’énergie de Barcelone, le LA21, la municipalité, ainsi que par les institutions des deux équipes de recherche conduisant l’étude : l’Institut des politiques publiques et du gouvernement (IGOP) à l’Université autonome de Barcelone (UAB) et le Centre de recherche public sur l’énergie, la technologie et l’environnement (CIEMAT).
25Les objectifs du PEP sont :
- Promouvoir une évaluation participative de la situation de l’énergie dans les quartiers de Sant Martí de Provençals et de La Verneda-La Pau (Barcelone) ;
- Susciter la prise de conscience, informer et promouvoir la coopération entre voisins pour des usages responsables de l’énergie ;
- Promouvoir une vision holiste de l’énergie : énergie, mobilité, économie, éducation, santé, habitat, l’environnement, etc.
- Préparer le Plan d’action de décroissance énergétique (PADE) dans ces quartiers.
26Dans ce cadre, l’étude a contribué au diagnostic de la situation énergétique au niveau d’un quartier.
27En France et en Espagne, les activités de recherche sur le terrain se sont notamment appuyées sur des groupes de citoyens (de 8 ou 9 personnes) qui ont analysé pendant un mois leurs habitudes, expériences, attentes, raisonnements, etc., en relation à leur consommation domestique d’énergie et suivant un protocole de recherche commun (Konrad et al., 2013b).
Méthodologie : une démarche ethnographique commune aux deux contextes
28Cependant qu’il existe des analyses des politiques publiques ainsi que des recherches sur les pratiques des consommateurs, ces deux niveaux restent souvent séparés et nous avons voulu ici les mettre en relation au sein d’une étude portant sur un objet commun. Comme le montre la figure 1, la démarche retenue cherche à relier la sphère de la décision publique et celle des comportements de citoyens dans la vie quotidienne. Cette méthodologie, s’inspirant d’une démarche ethnographique déjà développée dans une autre recherche (Horlick-Jones, 2008), inclut un processus et un ensemble de méthodes destinés à prendre en compte les enjeux portés par les APP, et à engager le citoyen dans la réflexion.
29Les données sont recueillies par l’intermédiaire d’une série de réunions de groupe. Chaque groupe se réunit trois fois, à deux semaines d’intervalle, ce qui permet un temps de réflexion individuel sur les enjeux discutés collectivement. Ce type de réunion de groupe ressemble à des focus groups conventionnels ; toutefois, il en diffère en ce qu’il intègre plusieurs outils, lesquels génèrent des données qui seront restituées aux participants pour être élaborées collectivement et en plusieurs séquences. Ce dispositif permet de mieux comprendre les interactions entre les personnes et le nouveau compteur, mais aussi de générer un apprentissage et de renforcer les capacités d’élaboration et de délibération (Horlick-Jones, 2008). Ce point, concernant le renforcement des capacités d’analyse des citoyens grâce à la durée, est important à souligner, car il s’agissait de leur première participation à un exercice de ce type et pouvant paraître déconcertant à première vue.
30Dans les parties suivantes, nous rappelons la formulation de l’enjeu issu des échanges avec les APP, puis présentons la boîte à outils mise à disposition des groupes de discussion et visant notamment la production et l’élaboration de données.
La formulation de l’enjeu avec les APP
31La première partie des investigations ethnographiques concerne les APP. A l’issue de plusieurs réunions et d’échanges portant notamment sur les leviers de la politique publique en matière d’économies d’énergie, l’enjeu du compteur communicant est apparu intéressant à traiter sous l’angle de sa caractéristique principale, à savoir le feed-back d’information. Plus haut, nous avons présenté le feedback comme instrument de politique publique et les contextes institutionnels de ces politiques en France et en Espagne sont décrits dans la partie consacrée au positionnement de l’étude dans ces deux pays. Dans ces deux contextes, le postulat concernant le feed-back peut se résumer sous la forme simple suivante : si les personnes reçoivent un feed-back sur leur consommation électrique, elles seront plus à même de réguler cette consommation en modifiant leurs comportements, ce changement étant renforcé par des feedback positifs sur les économies réalisées. Le compteur communicant permet ce feed-back positif grâce à une information précise et en temps réel. On note aussi le raisonnement implicite suivant, surtout dans le contexte français : l’innovation technologique (le compteur communicant en tant qu’objet technique) prime, on verra ensuite comment les consommateurs adapteront leurs comportements.
32Il s’agit maintenant de mieux comprendre comment les fonctionnalités de feed-back (dont certaines sont virtuelles actuellement) sont accueillies par les citoyens nouvellement équipés du compteur communicant. Cet objectif global se retrouve dans la boîte à outils qui permet de décliner un questionnement multiple portant notamment sur :
- les actions concrètes entreprises par les participants pour réaliser des économies ;
- leurs motivations et les barrières qu’ils rencontrent pour faire des économies ;
- comment ils ont reçu, accueilli et utilisé le nouveau compteur dans leur vie quotidienne ;
- quels avantages le nouveau compteur leur apporte éventuellement ;
- leurs réactions à de nouvelles options de politique publique dans le domaine de la consommation durable d’électricité.
La boîte à outils
33Les études déjà réalisées au sein des foyers montrent des écarts entre les discours, les préoccupations, et les pratiques de consommation d’électricité au quotidien (Garabuau-Moussaoui, 2007). De plus, les pratiques de consommation d’énergie forment un objet complexe et il est donc nécessaire de combiner les angles d’analyse pour l’approcher (Zélem, 2010). Enfin, il conviendrait d’inclure « l’intelligence énergétique » des personnes, celle-ci désignant la connaissance fine qu’elles acquièrent en habitant le lieu où se pratique la consommation d’énergie (Subrémon, 2012). Dans la perspective de ces travaux, l’articulation entre plusieurs outils et les discussions en petit groupe constituent un des points clés de la méthodologie que nous avons développée. Une attention particulière est accordée à la structuration du travail des groupes pour ne pas clôturer les échanges dans le seul niveau des généralités. Les différents outils permettent également d’inclure sous plusieurs formes le questionnement des APP. Sont ainsi mis à la disposition des groupes un article de journal recréé, un journal de bord, une mise en commun de questions et réponses, les évocations et la capacité d’action perçue, un exercice d’allocation des ressources, un questionnaire sur les pics de consommation, un thermomètre individuel (Mays et al., 2012). Cette diversité facilite l’optimisation du travail des groupes, certains outils à certains moments mobilisant plus que d’autres l’intérêt des participants. Ces outils sont rapidement décrits et les données produites sont ensuite présentées.
34L’article de presse recréé rassemble de façon aussi complète que possible les informations disponibles se rapportant au compteur communicant dans chaque contexte français et espagnol. Écrit dans un style journalistique dynamique, mentionnant les points controversés, il a pour objectif de stimuler les discussions de groupe tout en donnant à chacun une base d’information large dès le départ et dans laquelle il pourra choisir ses propres points d’intérêts. Bien entendu, les participants sont invités à commenter le contenu et la forme et à faire état, le cas échéant, de tout élément qui leur paraîtrait manquant. L’article recréé est clairement introduit comme tel, et la date de publication du journal au titre fictif est postérieure à la date de réunion pour éviter toute ambiguïté. Le contenu a été développé avec les APP et ce document de travail permet d’introduire les enjeux de décision publique de manière quasi naturaliste.
35Un journal de bord individuel a été mis en ligne (et proposé en version papier pour les participants n’utilisant pas Internet) permettant aux participants de relever leurs divers usages de l’électricité à plusieurs moments de la journée, mais aussi de relever les discussions à propos de l’énergie en famille et avec leur entourage, leurs sources d’information, etc. Cet outil vise la collecte d’informations en matière de comportements quotidiens et a comme effet de recentrer l’attention des participants sur leurs actions et leurs savoirs au jour le jour (Horlick-Jones et al., 2007). La passation quotidienne s’effectue pendant une semaine et à deux reprises. Les résultats sont discutés avec les APP et dans les groupes.
36Le questionnaire des évocations et des capacités d’action perçues traite des associations libres des participants en lien avec le thème des économies d’électricité. Ce questionnaire renseigne également sur la prise de conscience des enjeux environnementaux et sur la capacité d’action perçue par chacun. Cette méthodologie a été développée par Vergès (1992) et a donné lieu à nombre d’applications et d’élaborations (Flament et Rouquette, 2003).
37L’exercice d’allocation des ressources présente aux participants une liste d’initiatives publiques et leur accorde un budget global. Leur tâche individuelle est d’affecter les budgets en fonction des mesures qui leur paraissent les plus importantes, puis de discuter en groupe l’ensemble des résultats.
38Le questionnaire ad hoc sur les pics de consommation a été créé en lien avec les APP en France, car les réunions de groupe de Lyon se sont déroulées pendant une vague de froid (février 2012) et des risques de black out dans différentes régions ont dû être gérés par les pouvoirs publics. Ce questionnaire a permis de tester l’acceptabilité d’options inédites, comme par exemple taxer les consommations excessives d’électricité (en l’occurrence, chauffer son domicile à plus de 25° C).

Figure 1 : Schéma global de la mise en relation des politiques publiques et des citoyens (adapté de Horlick-Jones & Prades, 2013).
39Un thermomètre individuel a été remis à chaque participant, en lien avec les APP en France, pour réaliser des mesures de températures pendant une semaine au domicile.
40L’animation de groupe fait partie aussi des outils méthodologiques. Les participants étaient informés de leur contribution à une recherche européenne pour laquelle leurs points de vue exprimés pendant les discussions et lors de l’analyse des résultats (questionnaires, journal de bord) sont importants. Le style d’animation encourageait l’expression de chacun et l’interprétation active des données, ces tâches étant facilitées par la petite taille des groupes (8 ou 9 personnes) et la répétition des réunions (3 pour chaque groupe).
Recrutement des groupes en France et en Espagne
41Les participants en France sont recrutés parmi les foyers équipés du nouveau compteur Linky, soit un groupe à Château-Renault (dans le milieu rural de la phase test de Linky) et deux groupes à Lyon (milieu urbain). Les recrutements sont réalisés avec l’aide d’une agence spécialisée qui avait comme consigne de faire varier les profils (âge, sexe, activité). Le groupe unique à Château-Renault montre bien cette diversité, avec une moyenne d’âge relativement élevée. Pour les deux groupes se réunissant subséquemment à Lyon, nous avions demandé de restreindre la distribution des âges à une tranche plus jeune (25 à 40 ans) tout en gardant une diversité de sexe et d’activité.
Groupe 1 – Château-Renault
Sexe | Age | Profession | Situation familiale |
Homme | 40 ans | Cadre / Cadre de santé | Marié, 1 enfant (10 ans) |
Femme | 30 ans | Employé / Gestionnaire de santé | Célibataire (2 personnes au foyer) |
Homme | 36 ans | Ouvrier | Marié, 1enfant (7 ans) |
Homme | 42 ans | Directeur de production | Marié, 2 enfants (13 et 16 ans) |
Femme | 60 ans | Cuisinière | Célibataire |
Homme | 70 ans | Retraité (Ancien dirigeant d’entreprise) | Marié (2 pers. au foyer) |
Homme | 72 ans | Retraité | Marié (2 pers. au foyer) |
Femme | 62 ans | Retraitée (Ancienne gardienne) | Seule, 6 enfants partis du domicile |
Femme | 65 ans | Retraitée | Célibataire |
Groupe 2 – Lyon
Sexe | Age | Profession | Situation familiale |
Homme | 27 ans | Acheteur | 2 adultes au foyer |
Homme | 31 ans | Avocat | seul |
Femme | 26 ans | Directrice artistique | seule |
Homme | 28 ans | Administrateur sécurité informatique | seul |
Femme | 28 ans | Spécialiste data solution information marketing | seule |
Homme | 30 ans | Contrôleur de gestion | ? |
Femme | 28 ans | Secrétaire médicale | seule |
Femme | 25 ans | Infirmière | 2 adultes au foyer |
Femme | 35 ans | Psychomotricienne | 2 adultes |
Groupe 3 – Lyon
Sexe | Age | Profession | Situation familiale |
Femme | 24 ans | Responsable commercial | seul |
Homme | 33 ans | Auteur BD | 2 au foyer (bientôt 3) |
Homme | 38 ans | Gérant de société | Seule |
Femme | 32 ans | Comptable | Seule |
Femme | 36 ans | Demandeur d’emploi | Seul avec compagnon |
Homme | 33 ans | Ingénieur audiovisuel | Seul |
Femme | 41 ans | Employée de bureau, souscripteur assurances | Mariée, 2 enfants (3 et 7 ans) |
Homme | 38 ans | Photographe indépendant | Colocation à 2 |
Tableau 1 : Composition des trois groupes de participants en France.
42En Espagne, les 17 participants sont recrutés en utilisant une méthode mixte de « boule de neige » et d’échantillonnage. Les décisions de recrutement ont été comme en France réalisées en collaboration avec les APP. Le premier groupe est composé de volontaires recrutés par l’intermédiaire du « Plan Energie Participation ». Le second groupe est recruté dans le même quartier avec l’aide d’une agence spécialisée.
Groupe 1 (avec nouveau compteur) | Groupe 2 (sans nouveau compteur) | |
Nombre de participants | 9 | 8 |
Sexe | 4 femmes, 5 hommes | 4 femmes, 4 hommes |
Age | 38-55 | 35-50 |
Statut socio-économique | Intermédiaire | Intermédiaire |
Introduction du compteur communicant | Après les sessions de groupe | Avant les sessions de groupe |
Type d’habitat | Appartement Construit avant 1965 | Appartement Construit avant 1965 |
Recrutement | Volontaire | Volontaire |
Tableau 2 : Composition des deux groupes de participants en Espagne.
43Les participants en France étaient tous équipés du nouveau compteur Linky, dans le cadre de la phase test de ce compteur auprès d’une fraction de la population nationale.
44En Espagne, dans le contexte du plan énergétique participatif à Barcelone, la démarche a été appliquée pour analyser et comparer les économies d’énergie et les attitudes de deux groupes : dans l’un des groupes, les foyers des participants étaient équipés d’un nouveau compteur communicant, mais pas dans l’autre groupe. Les participants du groupe 1 ont reçu à leur domicile un afficheur déporté une semaine avant la première réunion de groupe.
45Les participants du groupe 2 ont reçu leur afficheur à domicile après la dernière réunion de groupe. Ces participants ont donc fait part de leur approche des économies d’énergie pendant l’attente d’un nouveau système.
Résultats
46La méthodologie a été développée pour fournir une boîte à outils commune aux deux contextes mais les modalités de mise en pratique ont pu varier pour s’accommoder des contraintes du terrain (Konrad et al., 2012b). De même, l’analyse et la présentation des résultats ont pu suivre des voies différentes. Aussi les données issues des deux contextes ne fournissent pas la matière d’une étude comparative au sens strict, mais constituent plutôt un ensemble de résultats complémentaires concernant un même enjeu sur des terrains différents.
France
47Le dialogue engagé sur les comportements de consommation a progressivement suscité chez les participants français (vierges de toute expérience préalable de ce type de réunions) une réflexion portant sur différents niveaux de réalité (Poumadère et al., 2012). En plus de la catégorie consacrée au nouveau compteur proprement dit, la mise en réflexion des enjeux peut se représenter sous la forme de trois grandes dimensions bipolaires, auxquelles s’ajoute une catégorie illustrant plus directement le positionnement des participants et son évolution pendant l’étude :
- Dispositif Linky ;
- Enjeu global vs Contexte de vie ;
- Sphère publique vs Sphère privée ;
- Consumérisme individualiste vs Convivialité ;
- Positionnement des participants ;
Dispositif Linky
48Les participants évoquent leur expérience de l’installation du nouveau compteur, et les changements éventuels qu’ils ont pu observer, notamment avec leur facture d’électricité :
« Je ne sais même pas où il est. Par contre, j’ai remarqué la même chose : l’année dernière, j’ai payé beaucoup moins. En mensuel, j’étais à peu près à 60 € et je suis passé à 40 €. C’est quand même une grosse économie. Je sais pas si c’est lié à Linky mais dans les dates, ça correspond.
Après, au niveau de la consommation (je suis également chauffée à l’électrique), je n’ai constaté ni de baisse, ni de hausse. Ça fait un joli boîtier vert dans l’entrée !
Chez moi, tout ce qui est cuisine, eau chaude et chauffage c’est au gaz donc je ne paye pas grand-chose en électricité. En plus, on m’a reversé des sous donc je n’ai pas à me plaindre
Moi, j’ai eu ma facture avec une augmentation de 150 € grâce à LINKY ! Donc j’ai dû appeler. J’ai évidemment absolument pas payé mais ça a pris quand même 3-4 jours, 3-4 coups de téléphone. »
49Les participants déclarent largement méconnaître les fonctionnalités actuelles ou futures de Linky (mais prises ensemble, leurs réponses à la question « Comment Linky peut-il vous aider à faire des économies ? » recoupent assez bien les capacités du nouveau compteur, voir-dessous). Avant les réunions de groupe, près de la moitié des participants n’avaient jamais regardé le remplaçant de leur « vieux coucou » (parfois installé hors du domicile). Les déficits d’information ont été soulignés, et l’article de journal recréé a été accueilli comme un ensemble d’informations qui aurait dû être remises lors de l’installation du compteur.
« Moi je me suis dit : ils ont juste voulu habiller un peu les cages d’escalier et mettre des jolis compteurs verts mais je ne savais pas du tout l’intérêt d’un tel compteur. Donc là [pendant l’étude] j’ai appris qu’on pouvait faire des choses avec !
Au bout de la 4e fois qu’on m’a demandé d’aller voir le compteur [Journal de bord] je suis allé le voir et je n’ai rien compris (…) donc j’ai répondu à l’étude [à la question du journal de bord] que tous les jours je m’étais un peu plus énervé après le truc. »
50Les informations sur Linky transmises par ERDF lors du remplacement de compteur sont rarement mentionnées. Les interactions sociales pendant les réunions de groupes facilitent un retour d’attention portée à des informations nouvelles et certains se souviennent alors avoir reçu courriers et notices. L’interaction avec le technicien est souvent mentionnée et semble constituer un point auquel les participants sont sensibles :
« Déjà, le technicien s’est pointé comme ça en disant je vais changer le compteur. J’ai laissé faire. Aucune information. Il a posé sa petite boîte verte – il est chez moi le compteur-il ne m’a rien expliqué. L’idée de pouvoir suivre sa consommation, très bien, mais sachant qu’on a aucune information ! »
« Moi, mon compteur il est installé chez moi, j’y ai accès, je peux le regarder. Le technicien qui est venu m’a d’ailleurs fait voir comment y accéder. Je ne peux rien modifier mais je peux voir ma consommation et ça c’est pas mal (…) »
« Mais je l’ai jamais vu. Je ne suis pas allé le voir. Pareil, j’ai pas vu la personne qui l’a installé, c’est dans les couloirs. C’est dans un placard où ils sont tous. »
51La logique du dispositif est questionnée par les participants qui perçoivent qu’il s’agit d’un projet en phase de développement :
« Ou alors, ça manque d’explications. Ils ont l’air de dire on ne sait pas trop quoi faire de tout ça. En gros, ils nous disent : « aidez-nous ! On l’a installé mais on ne sait pas trop ce qu’on va en faire ».
En tout cas, quand on me l’a installé, il n’était absolument pas communicant, il en était aux balbutiements, il apprenait à parler ! Il est situé dans la cage d’escaliers. »
52La notion d’expérimentation (par ERDF qui a procédé à l’installation de Linky sur une fraction du territoire) est également remise en cause, les participants ont le sentiment de ne pas y avoir participé :
Sur la notion de test : « C’est pas vraiment un test. Ça sert surtout à EDF. Nous on n’est pas des techniciens. On ne nous donne pas les moyens de ce test. On n’a pas d’informations.
Sur les 250 000 compteurs qui ont été installés, il n’y a que pour ceux qui participent à ces réunions que c’était un test. »
53Quelques réponses à la question de savoir comment Linky peut aider à faire des économies7 montrent que les participants, dans leur ensemble, ont une idée malgré tout assez précise des fonctionnalités possibles de Linky qui contraste avec leurs impressions d’être individuellement mal informés :
- Il ne peut pas m’aider ;
- Avertir quand un pic de consommation est atteint ;
- Consommations détaillées (frigo, chauffage etc.) ;
- Moduler ma consommation ;
- Alerter en cas de surconsommation (ex : frigo à dégivrer) ;
- Détecter les pics de consommation chez moi mais aussi les pics au niveau national ;
- Indiquer les surconsommations ;
- Donner des conseils d’économie d’énergie ;
- Comparer ma consommation à celles des autres pour avoir des repères ;
- Domotique. »
Enjeu global versus Contexte de vie
54La perspective d’économiser de l’argent encourage sans aucun doute les participants à modifier leurs comportements de consommation électrique et l’utilité d’un feed-back plus direct n’est pas remise en cause. Mais les raisonnements se distribuent entre l’enjeu global que constitue la consommation durable confronté aux éléments de la vie quotidienne dans le contexte local (Bertoldo & Poumadère, 2012).
55Des positions altruistes sont mises en avant pour justifier un changement d’attitude et rendre acceptable l’effort de réaliser des économies :
« Moi franchement, si on me dit : faites ça, ça sera mieux pour tout le monde, je le fais, il n’y a pas de souci. Sauf si ça m’empêche de vivre mais il y a toujours une marge de manœuvre. »
« Quand je dis pour l’avenir, c’est de dire que si on fait des économies, ce soit durable, que ça ait un impact sur l’avenir. »
56Parmi les évocations associées par les participants à la consommation durable figurent :
« Protéger la planète et les générations futures, éviter le gaspillage, prendre conscience des répercussions potentielles de nos actes individuels. »
57La plupart des participants se reconnaissent volontiers acteurs de la consommation durable et acceptent leur part de responsabilité, mais se heurtent aux nombreuses barrières qu’ils rencontrent dans leur vie quotidienne :
« Le manque de temps pour faire attention, les enfants qu’on ne peut surveiller tout le temps, le froid, le chauffage collectif qu’on ne peut contrôler. »
« Ma plus grande barrière, c’est quand j’ai d’autres soucis en tête. Je suis alors moins attentive à l’économie d’énergie. »
« Il y avait une question : avez-vous débranché vos appareils ? Ben non, moi je ne vais pas sous ma table pour débrancher mes appareils8. Non, je ne le fais pas. Si tous les matins et tous les soirs je le faisais, à un moment je vais arracher ma prise. »
58Les discussions ont porté également sur des cas concrets, déclenchées notamment par le relevé pendant une semaine des températures à domicile avec le thermomètre qui avait été remis à chaque participant (pendant une vague de froid) :
« Oui, on nous dit attention à vos consommations de chauffage. Mais on a tous froid. On nous dit : baisser les degrés. Moi je suis déjà à 16°, je ne vais pas baisser plus. »
« Ah ben oui, je confirme. Il fait 12-13° chez moi. Mais bon, il faut voir l’appartement aussi
Moi, je suis à 12.5° ! »
« Moi je suis infirmière, je travaille à l’hôpital. Le weekend dernier, ceux qui n’avaient pas de chauffage, c’était qui ? C’étaient nos patients. Il faisait 8 ° dans les chambres. Faire des économies ok mais bon, il faut les faire au bon endroit quand même. Ils étaient pas très en forme. »
Domaine public versus Sphère privée
59Différents niveaux de responsabilités sont examinés par les participants pour tenter de définir ce qui relève du public et du privé. Ils insistent sur l’importance des rôles et du partage des responsabilités au sein d’un cadrage sociétal. Des comportements exemplaires sont attendus de la part du secteur public et des entreprises en matière de consommation d’électricité (éviter tout gaspillage, comme avec l’éclairage de nuit « inutile » des rues, des monuments, des bureaux), le concept même de développement durable est critiqué :
Enjeu national et politique : « je pense que c’est pas au consommateur… Pour moi, la motivation elle sera nationale ou politique et elle est beaucoup plus générale. Je serai motivée quand les pouvoirs publics feront quelque chose. Je ne crois pas que ce soit le cas.
Mais vraiment, collectivement, est-ce qu’on peut prendre des bonnes décisions : développer des techniques qui permettent de faire des économies d’énergie ; arrêter les décisions stupides ; fermer les magasins qui sont allumés pour rien, les banques – ex des guichets la nuit ?
C’est développement durable. C’est durable et… on n’y croit pas trop quoi. Enfin moi, j’y mets rien derrière. Le problème c’est que concrètement il y a rien politiquement derrière ce mot. C’est vide. »
60Puisqu’aucune disposition réglementaire n’oblige quiconque à faire des économies, les participants relèvent qu’un effort isolé peut être réduit à néant « si les voisins continuent à gaspiller ». Les discussions ont porté sur la recherche d’un cadre commun pour impliquer le plus grand nombre :
« Il faudrait que ce soit imposé, s’il y a vraiment un souci et qu’il faut économiser de l’énergie, il faut que ce soit imposé à tout le monde, à la même heure – à laquelle on doit pas consommer – à toute la France entière. »
61Mais ce type de proposition, accepté en principe, est mis à mal quand il s’agit de le mettre en pratique dans la réalité, révélant l’ambivalence des participants. Ainsi, ils s’opposent unanimement à toute approche coercitive (par ex. amendes pour excès de chauffage à domicile9), ils sont réservés sur le recours à des alarmes à domicile pour signaler un risque de black-out et se montrent frileux à l’idée d’augmenter les tarifs en période de pic de consommation :
« Moi, ça me chagrine un peu. Je trouve ça… notamment d’être prévenu pendant les heures de pointe ça me fait penser à des films, genre « Bienvenue à Gattaca » ou « 1984 ». C’est du flicage. »
« L’idée de faire payer plus cher l’électricité : s’il faut en arriver là pour sensibiliser les gens ce serait quand même dommage. »
« Il y a un pic de consommation à 19 h, mais pourquoi, parce que les gens sortent de leur travail vers 18 h – 18 h 30 (…) C’est pas à nous de payer plus cher parce qu’on consomme tous en même temps ! »
62Si les lignes paraissent pouvoir bouger dans le couple individuel/collectif (des formes d’usages collectifs sont envisagées, voir ci-dessous), il n’en va pas de même pour le couple privé/public : la consommation d’électricité semble devoir rester dans la sphère privée et à l’abri de tout contrôle direct. Cette situation peut-elle évoluer ? Les campagnes de sensibilisation et l’éducation sont mentionnées et peuvent se voir comme un passage intermédiaire entre public et privé :
« Bon, les histoires de veille des appareils, il y a eu une campagne à la télé avec Lucchini. Je pense que les gens sont quand même au courant. »
« Moi, je pense éducation car j’ai un filleul. Son papa est un peu extrême parce qu’il éteint la lumière quand on est dans la pièce ! Je vais aux toilettes, je sors des toilettes, c’est éteint. Et son fils m’a dit : pourquoi tu tires la chasse double alors que tu n’as fait que pipi ! Donc je me dis qu’il y a quand même une répercussion sur le comportement de son enfant. »
Individualisme consumériste versus Convivialité
63Les participants sont critiques envers l’ordre social de la consommation, ils dénoncent une espèce d’addiction à l’hyperconsommation face à laquelle ils se trouvent impuissants :
« Et qu’on arrête alors de nous pousser à la consommation. On vit là-dedans. Dès la naissance on nous pousse à la consommation. Les enfants qui sont en primaire et qui ont un téléphone portable, c’est du n’importe quoi. »
« La culpabilisation est mal placée, moi j’ai du mal à m’entendre dire : « vous les consommateurs vous devriez faire ci, vous devriez faire ça » alors que quand on regarde les packagings (…) et j’ai pas demandé à avoir des tomates en hiver non plus et pourtant elles sont là ! »
64Le couple consommation-production d’énergie est maintes fois questionné, notamment en référence au contexte français marqué par une part importante de production nucléaire d’électricité. Ainsi, la production d’électricité, et une éventuelle surcapacité, peuvent être vues comme causes de consommation (serait erroné le raisonnement inverse qui souvent prime et selon lequel il faudrait augmenter la capacité de production pour faire face à l’augmentation de la consommation)10.
65Quand le couple individuel vs collectif apparaît dans les discussions en milieu rural, ce sont les transports en commun qui sont cités en exemple et pourraient être améliorés (soit pour les développer, soit pour revoir la politique tarifaire qui rend parfois le train plus cher que l’automobile) :
« Prendre en compte le collectif plutôt que l’individuel aura peut-être un impact plus important pour favoriser la conso durable. Il faut faire un réel effort notamment au niveau du transport public. »
66Est remise en cause la notion de confort associée, par exemple, à la conception des appareils électriques « modernes » :
« Techniquement, il y a plein d’appareils qui nous empêchent de faire des économies à cause de leur conception. C’est pas fait pour et c’est dangereux pour la pérennité des appareils. C’est pas fait pour être éteint : c’est une aberration ! »
67Ils établissent un clair distinguo entre la surconsommation-confort et la consommation-nécessité11. Cette dernière répond à des besoins quotidiens et dépend des rythmes collectifs de la vie quotidienne (lesquels se traduisent occasionnellement par des pics de consommation). Parmi les solutions explorées, les horaires variables ne semblent pas possibles partout :
« Moi j’adorerais avoir des horaires variables. Mais mon patron dit : c’est 9 h-12 h et 14 h-18 h. On aimerait bien parfois commencer à 13 h pour finir plus tôt. »
68D’un autre côté, les participants sont optimistes quant aux capacités créatives du collectif :
« C’est vrai je me dis que collectivement c’est bien de trouver des solutions, que ce soit dans des commissions ou dans ce type de réunions de groupe. »
« Collectivement, il y a toujours des personnes qui ont des idées (…) trouver des idées pour faire faire des économies à tout le monde. »
69Les participants appliquent ce principe à leur propre situation dans le groupe. Discutant l’exemple de l’un d’eux ayant vécu au Danemark où l’équipement ménager était en partie partagé dans son immeuble, ils explorent comment la consommation peut être collective et conviviale. Ils proposent de nouveaux modèles de consommation, concrets et mutualisés, lesquels permettraient à grande échelle de tendre vers une société plus raisonnée et solidaire.
70Ainsi un moyen d’écrêter les pics de consommation serait d’organiser des activités collectives en fin de journée de travail pour moduler le retour de chacun chez soi :
- Au lieu de rentrer direct après le boulot, on va à un apéro collectif.
- Et pareil, on peut avoir un four collectif, un frigo collectif ?
- Le four c’est compliqué, c’est comme le frigo. Si c’est pour se faire piquer ses yaourts !
- On peut aussi tous dormir ensemble ! Comme ça on se tient chaud !12 »
Le positionnement des participants
71Le positionnement des participants a évolué pendant le déroulement de l’étude pour inclure des remises en cause aussi bien sur la forme que sur le fond (Mays et al., 2012), lesquelles ont accompagné le développement des capacités d’élaboration groupale :
« Justement, on n’est pas assez payés13 je trouve par rapport à l’investissement de tous les jours. Sur trois semaines dont 2 semaines avec un thermomètre, à répondre tous les soirs à un questionnaire, c’est du bourrage de crâne alors franchement… »
« Il y avait une question qui m’a particulièrement chauffé, c’était : Dans quelle mesure ça a changé votre comportement ? Et pas pourquoi ça n’a pas changé votre comportement ? J’ai répondu : ma consommation est tributaire de ma vie et pas l’inverse. Parce qu’à un moment donné, je rentre, il fait noir, j’allume. »
72L’évolution des réflexions prend un tout nouveau sens avec les commentaires suivants. Le premier commentaire exprimé d’abord sur un mode critique permet, puisque tout n’est pas prévu d’avance, l’ouverture sur le rôle que les citoyens peuvent jouer, avec l’histoire des femmes donnée en exemple et « ça se passe chez nous » :
« En gros, ils nous disent : aidez-nous ! On l’a installé [Linky] mais on ne sait pas trop ce qu’on va en faire. »
« Moi je trouve que c’est quand même une démarche intéressante. Souvent, dans les études, c’est difficile de prendre en compte la vie privée des gens et je pense surtout à l’histoire des femmes. Depuis des siècles on n’a pas parlé de l’histoire des femmes. Pourquoi, parce que ça restait à la maison. Elles vivaient enfermées chez elles et au niveau individuel on n’en parlait pas. Là c’est un peu la même chose. Il y a des problèmes, des choses à régler, à étudier et ça se passe chez nous et on nous demande notre avis. Et donc moi, je trouve ça super. »
73En retour, les discussions en groupe stimulent la capacité d’action aussi quand « ça se passe chez nous » :
« Le fait de participer à cette étude, ça me fait réfléchir à nouveau, donc ça m’a amenée à parler [avec mon compagnon] de la [fonction] veille de mon microondes qui reste allumé la nuit, quand j’ai proposé à ce qu’on le débranche la nuit, il m’a dit OUI alors qu’il y a quelques années, c’était NON. »
Espagne
74Deux groupes sont donc constitués, l’un avec un compteur communicant, l’autre sans. En général, les participants du groupe avec compteur communicant considèrent que ce dispositif leur a donné plus de contrôle sur leur consommation d’électricité, ce qui les a aidés à faire des économies (Boso et al., 2012). Les participants se sont reconnus comme partageant une même culture déjà en faveur des économies. Ils furent surpris de constater que le nouveau compteur pouvait quand même les accompagner dans ce sens, les conduisant à économiser encore plus (Oltra et al., 2013).
Changements d’habitudes
75Les participants ont remarqué que le nouveau compteur pouvait les aider à changer certaines habitudes. Par exemple, un participant a observé que, grâce au dispositif :
« On avait l’habitude de mettre en marche la TV souvent sans que personne ne la regarde, on a donc été motivés pour réfléchir et l’éteindre à certains moments. »
76Outre leur connaissance de la consommation en temps réel, les compteurs communicants pourraient aider les participants à décider quels nouveaux équipements électroménagers ils devraient acheter en remplacement des anciens, compte tenu de leur sensibilisation à la recherche d’une moindre consommation.
77Toutefois, les participants du groupe équipé n’ont pas envisagé, sur la base des informations fournies par le nouveau compteur, d’engager des changements à leur domicile qui impliqueraient des investissements importants.
Prise de conscience
78Le dispositif semble faire prendre conscience aux participants de leur consommation tout en leur donnant un plus grand contrôle sur celle-ci. Mais ils commentent parfois que c’est surtout utile pour augmenter la prise de conscience des autres membres du foyer :
« Je leur ai dit plusieurs fois, mais c’est vrai maintenant qu’avec les chiffres qui s’affichent, ils en prennent vraiment conscience. »
79Ces personnes trouvent le dispositif utile pour traduire leurs idées en données objectives, ce qui leur donne des éléments d’argumentation crédibles. Il est apparu que le fait d’être plus attentif à la consommation d’énergie se reportait, dans certains cas, sur d’autres types de consommation (par exemple, l’eau).
Perception de l’empowerment face aux compagnies d’électricité
80Le compteur communicant a permis à certains participants de savoir quel pouvait être le maximum de consommation d’énergie que leur installation électrique pouvait supporter. Plusieurs participants ont découvert, grâce au compteur communicant et aux interactions avec les autres participants, que leur abonnement portait sur une puissance excessive et dont ils n’avaient pas l’usage. Ils comptent donc demander un autre abonnement, moins onéreux, à leur compagnie électrique.
Limites
Effets à court terme
81Après avoir passé plusieurs semaines à utiliser le compteur communicant, et après avoir changé quelques habitudes, les participants ont remarqué que leur consommation d’énergie avait très peu diminué (ils ont perçu une différence insignifiante, à peine visible). Ceci les a conduits à douter de l’efficacité du nouveau compteur. D’une certaine façon, ces participants se voyaient déjà comme des économiseurs d’énergie, croyance qui les a détournés de pratiques pour réduire encore plus leur consommation alors que celle-ci était déjà basse au commencement. Aussi, ces participants considèrent que les effets du compteur communicant seront plus importants dans le cas de personnes davantage enclines au gaspillage :
« Je pense un peu… ça dépend aussi de la culture de chacun. Si votre culture a toujours été… et c’est mon cas, je n’aime pas consommer de l’énergie, et peut-être ceci fait que vous ne remarquez pas beaucoup la différence. Et c’est vrai quelquefois vous allez dans les maisons des autres et vous voyez que l’éclairage est constant, ou que les équipements électriques sont utilisés à pleine puissance… »
« C’est sûr, le résultat va être différent si vous installez le compteur communicant auprès de ce type de personne… »
82La transcription des discussions de groupe et le contenu des journaux individuels suggèrent que l’intérêt pour les compteurs communicants décroît avec le temps. Les participants ont commenté l’excitation générée dans toute la famille par l’arrivée du nouveau compteur. Toutefois, ils reconnaissent que l’attention diminue après deux ou trois jours, et après deux semaines, ils en viennent à presque l’ignorer. Les attentes envers le compteur communicant ne durent qu’un temps assez court. « Quand vous connaissez déjà le niveau de consommation de chaque appareil », ont expliqué les participants, « vous prenez les mesures appropriées pour réduire la consommation et il n’est donc plus nécessaire de consulter continuellement le compteur ».
83Ce raisonnement pourrait avoir des implications pour la conception des politiques environnementales qui cherchent à introduire le compteur communicant dans différents habitats. Les effets à court terme paraissent par exemple s’accommoder au cas des locations temporaires où l’usager a intérêt à surveiller sa consommation immédiate et pendant un temps assez bref.
84Une des conclusions issues de ces réunions de groupe à Barcelone est qu’un apprentissage paraît nécessaire pour tirer profit du compteur communicant après les premiers jours. Les participants ont suggéré que le nouveau compteur pourrait être accompagné d’une stratégie d’usage quotidien (en référence à la tenue du journal individuel pendant l’étude), ou d’un mécanisme quelconque aidant les usagers à réfléchir d’une façon plus ou moins systématique sur leurs comportements.
85Il est intéressant de noter que les personnes qui ont enregistré leur consommation quotidienne sur le compteur communicant ont parfois trouvé que « c’était bon marché ». Elles s’attendaient à des montants plus élevés.
Une certaine insatisfaction
86Il est apparu que la connaissance des données de la consommation en temps réel générait une contrariété qui pouvait, dans certains cas, devenir excessive et source de mécontentement. En effet, plusieurs participants ont reconnu que le fait de prendre conscience de leur consommation en temps réel les rendait un peu obsessionnels (du moins pendant les premiers jours). En ce sens, connaître le haut coût énergétique de certains équipements du domicile et pour lesquels il n’existe pas d’option de remplacement (et dont l’usage ne peut être remplacé) génère un certain inconfort. Parmi les expressions désignant cet inconfort : « le dispositif me punit », « ça me rend très triste », « l’angoisse », « ça m’a dérangé », « ce n’est pas le bonheur », etc.
« Il y a des équipements domestiques qui consomment plus que normal… que nous ayons cet équipement comme… je n’ai pas la place d’étendre le linge, il me faut donc un sèche-linge, par exemple. Comment faire ? Et, de plus, le compteur communicant me punit en me disant chaque jour que je consomme beaucoup… Voir qu’il y a un minimum de consommation inévitable, c’est mal ? »
« Ça me rend très triste. »
« L’angoisse, certains l’ont notée dans leurs journaux… ça m’a vraiment inquiété de voir combien mon four, par exemple, consomme… quelqu’un a même dit “alors je vais utiliser le grill”. Il y a des moments où ça ne rend pas heureux, ça vous aide à prendre des décisions, faire des priorités, à contrôler la consommation d’énergie et vos dépenses, ça fait prendre conscience de la consommation en temps et des émissions de CO2… mais… »
87En bref, le compteur communicant génère une adhésion positive mais suscite également des sentiments négatifs. Du côté positif, il apporte une aide pratique permettant aux personnes d’être informées de leur consommation à tout moment. Du côté négatif et en corollaire de l’accès à cette information, un sentiment de mauvaise conscience est mentionné : « quelle personne irresponsable je fais quand j’utilise mon aspirateur.. ! »
Discussion et conclusion
88Face aux menaces du changement climatique et à ses causes anthropiques, les pouvoirs publics en Europe tendent à développer des modes d’action de plus en plus sophistiqués pour bâtir une société sobre en carbone, incluant différentes innovations technologiques ainsi que des stratégies de communication. Il est généralement admis que les changements de comportement sont une des clés de la consommation durable. Le nouveau compteur communicant paraît emblématique des efforts engagés en vue d’améliorer l’efficacité énergétique, en phase avec l’informatisation croissante des foyers qui permet d’approcher chaque citoyen au plus près de ses comportements quotidiens.
89En centrant cette étude sur le principe du feedback et le cas du nouveau compteur communicant, nous avons exploré avec des APP un postulat de politique publique et l’avons mis en relation avec les points de vue de citoyens dans deux contextes différents, en France et en Espagne. La méthodologie utilisée comprenait des groupes de discussion, se réunissant à trois reprises, et le recours à plusieurs outils.
90En corollaire à leur investissement dans une démarche réflexive sur les économies d’électricité, on note également un effet d’apprentissage de la part des participants, lequel se traduit par une évolution de leur pensée et de leurs contributions pendant l’étude. Après la phase de découverte d’une situation inédite et la réalisation de tâches inhabituelles, les participants ont exercé leur esprit critique, d’abord sur certains aspects du dispositif méthodologique, puis sur le fond des enjeux discutés pour aboutir à des propositions inattendues et novatrices.
91Les résultats dans les deux contextes se recoupent largement et se complètent avec certains points paraissant plus saillants d’un côté ou de l’autre des Pyrénées. Concernant le feed-back, cette étude confirme globalement les résultats obtenus auparavant. Une conduite déjà économe étant souvent signalée, les économies réalisées sont limitées et concernent la consommation, les investissements dans des travaux n’étant pas envisagés (compte tenu du coût et parfois du type d’habitat s’il ne se prête pas à une décision individuelle) ; d’ordinaire les participants s’indiffèrent du nouveau compteur, surtout quand il est installé hors du domicile, avec parfois une pointe de nostalgie pour « le vieux coucou où l’on voyait la molette tourner » ; bien que fortement centrée par la méthodologie sur le compteur proprement dit, l’attention tend à décroître assez rapidement ; les interactions sociales dans les groupes facilitent ostensiblement l’appropriation du nouveau compteur, les participants échangeant volontiers leurs expériences et conseils pratiques. Ils soulignent qu’une meilleure communication aurait dû accompagner la pose du nouveau compteur dont ils disent méconnaître les objectifs et le fonctionnement, regrettant de ne pas avoir été impliqués dans la phase test (en France). Il n’en reste pas moins qu’ensemble ils décrivent de façon plutôt complète les fonctionnalités attendues du compteur pour faire des économies, tout en considérant qu’un apprentissage sera nécessaire.
92Pour dépeindre le rapport des participants au nouveau compteur, plusieurs catégories de raisonnements se détachent. L’utilité du feed-back pour faire des économies n’étant pas a priori remise en cause, les raisonnements se distribuent d’abord entre l’enjeu global de la consommation durable et des éléments issus du quotidien. Des positions altruistes et à long terme (comme protéger les générations futures) sont mises en avant, mais des exemples sont fournis des nombreux obstacles rencontrés dans la vie courante de chacun. Les participants examinent ensuite différents niveaux de responsabilité pour définir ce qui relève du public et du privé. Ainsi, une attitude exemplaire est attendue de la part des pouvoirs publics et des entreprises pour mettre fin aux gaspillages. L’effort individuel risquant d’être vain s’il demeure isolé, un cadre commun est recherché pour impliquer le plus grand nombre, mais toute approche coercitive est unanimement rejetée. Quand l’ordre social de la consommation vient à être critiqué, des solutions sont recherchées pour dépasser l’individualisme consumériste et explorer des formes de consommation collective et conviviale permettant de réaliser des économies d’énergie.
93Par ailleurs, le compteur communicant comme les discussions de groupe, stimulent la capacité d’action des participants : un abonnement mieux adapté à la consommation effective du foyer va être demandé à la compagnie d’électricité ; les chiffres du compteur donnent des arguments concrets pour sensibiliser tous les membres de la famille ; la négociation reprend dans un couple pour arrêter, enfin, la veille du micro-ondes.
94Les résultats des processus de groupe structurés ont montré l’importance de considérations issues de la vie quotidienne dans l’utilisation effective du compteur communicant. Mais au-delà de l’habitat, les préoccupations peuvent se reporter sur d’autres enjeux de consommation durable, comme avec le cas des transports en commun à Château-Renault ou celui de l’eau à Barcelone. Ainsi, se dessine en creux, l’attente d’une approche globale de la consommation durable et prenant en compte des contraintes spécifiques autant que réelles.
95Quant aux insatisfactions ou réserves, leur évocation par les participants prend appui sur la dimension humaine de la consommation d’énergie, laquelle paraît beaucoup plus large que les seuls comportements apparents pour intégrer des choix et des modes de vie faisant partie de l’identité personnelle et sociale. Venir modifier, par les comportements, ces usages, soulève des ambivalences et réticences, lesquelles ne sont pas directement exprimées sur le mode de la revendication mais plutôt sur celui du tourment (parmi les termes utilisés se trouvent : punition, tristesse, dérangement, angoisse, c’est pas le bonheur). Ainsi certains participants paraissent pris dans une forme de double contrainte quand le nouveau compteur leur fait prendre conscience d’un coût énergétique élevé, sans qu’ils soient en mesure de remplacer l’appareil ou l’usage (le sèche-linge a été donné en exemple).
96De plus, un sentiment de culpabilité paraît parfois associé à la connaissance de ce qui ressemble à de la consommation-péché, pour décrire non pas une surconsommation à laquelle tous sont opposés, mais plutôt un « mauvais » comportement révélé par le compteur communicant quand il désigne une consommation-plaisir14. Ce faisant, ces participants touchent un fondement de la théorie du feed-back dans le domaine des affaires humaines. Cette théorie présuppose en effet que les personnes ignorent ce qu’elles font, ou qu’elles ignorent les conséquences de leurs actes. Elles ne peuvent donc être tenues pour responsables et méritent qu’il leur soit beaucoup pardonné15. Il s’agit d’une approche en apparence propre au pardon quand on se situe du côté de l’ignorance, mais ambiguë en ce qu’elle apporte la connaissance et la prise de conscience du mal. Cette connaissance peut ouvrir la voie de la rédemption quand de nouveaux comportements vertueux sont possibles. Inversement, on peut comprendre aussi que les personnes caressent l’envie de ne pas savoir.
97En conclusion, le nouveau compteur communicant émerge simultanément comme un dispositif technologique, un instrument de politique publique, et un objet social. La fabrique de cet ensemble innovant est complexe car chaque niveau est irréductible aux autres et des enjeux distincts se superposent. La conception de l’appareil comme la maîtrise technique et économique de son déploiement constituent un passage obligé. De même, la mise en œuvre de nouvelles réglementations suppose que les pouvoirs publics s’emploient à harmoniser les stratégies des parties prenantes face au changement. Mais il serait préjudiciable que ces défis retiennent toute l’attention aux dépens de l’objet social. En effet, il apparaît à l’issue de ces études de terrain, conduites en France et en Espagne, avec une méthodologie commune, que les délibérations structurées et l’élaboration collective en petit groupe contribuent à l’appropriation du compteur communicant comme innovation technologique, tout en permettant l’exploration de formes d’innovation sociale en matière de consommation d’électricité. Dans ces conditions et sans faire abstraction des réserves ou insatisfactions relevées, l’arrivée du compteur communicant paraît déclencher une prise de conscience plus large de la consommation durable comme enjeu de société. Ainsi, les raisonnements, après avoir buté sur les contradictions entre les usages de l’électricité et la consommation durable aboutissent, notamment, à des transformations remettant en cause le modèle dominant de la consommation et à la formulation de suggestions concrètes pour des formes de consommation collective et conviviale. Ce sont donc des gisements d’innovation sociale qui demeurent largement à explorer au-delà des résultats de cette étude forcément limitée. Le déploiement du nouveau compteur communicant constitue une opportunité rare d’associer un très grand nombre de citoyens aux enjeux de la consommation durable, que ce soit à l’échelle du quartier ou de l’immeuble en ville, ou du territoire de référence en milieu rural.
Notes de bas de page
1 La Commission de régulation de l’énergie (CRE) anticipe une hausse de quelque 30 % d’ici 5 ans pour le « tarif bleu » (tarif destiné en France aux ménages et petits professionnels). www.cre 18 février 2013.
2 http://www.transition-energetique.gouv.fr/debat/themes-0
3 Smart meter est parfois traduit par compteur intelligent, sinon par compteur évolué ou de nouvelle génération, ou encore par compteur communicant et nous utiliserons le plus souvent cette dernière option. Linky est le nom donné au nouveau compteur en France.
4 Dans ce texte, les termes « Acteurs de politiques publiques » désignent toute personne impliquée dans la définition et la mise en œuvre de politiques publiques de l’énergie et de la consommation durable, soit au niveau national ou local.
5 Un projet pilote avec l’office public de logement Grand Lyon habitat permet actuellement à un millier de locataires d’accéder à un site Internet pour suivre leur consommation d’électricité. Une autre expérience s’effectue à l’échelle du quartier Perrache, permettant aux habitants d’avoir accès en temps réel aux informations sur la consommation énergétique de leur secteur. La ville de Lyon correspond au site urbain d’expérimentation de Linky.
http://www.economie.grandlyon.com/fileadmin/user_upload/fichiers/site_eco/20130221_gl_lyon_smart_city_dp_fr.pdf
6 L’Agenda 21 est une proposition dérivée du Sommet de la Terre, Rio de Janeiro 1992, portant sur un plan de travail pour le développement durable. La proposition insiste particulièrement sur le rôle des institutions locales avec ce qui maintenant s’appelle l’Agenda local 21 (LA21)
7 Cette question a été posée lors de la première réunion de groupe.
8 A la question de savoir pourquoi les prises sont si difficiles d’accès, les participants ont précisé que les prises et fils électriques doivent rester invisibles par souci esthétique.
9 Cette option qui n’a reçu que des réponses négatives avait été proposée dans l’un des questionnaires, suivant la suggestion de l’un des APP (en s’appuyant sur l’exemple de la conduite automobile qui semble être sortie de la sphère privée pour faire davantage partie du domaine public : le contrôle de la vitesse avec des radars automatiques est socialement accepté aujourd’hui en France).
10 On notera que ces raisonnements rejoignent l’approche retenue pour le débat national sur la transition énergétique : c’est à partir de la demande prévisible d’ici 2050 (avec les économies d’énergie escomptées) que le niveau d’offre approprié est défini.
11 En voulant établir le principe de trois tarifs d’électricité en fonction de niveau de consommation, le Parlement français semble faire écho à cette distinction (en avril 2013, le Conseil constitutionnel a jugé cette mesure contraire au principe d’égalité).
12 Cette proposition exprimée sur un ton enjoué par une participante lors d’une réunion pendant la vague de froid qui sévissait alors à Lyon, illustre bien la dimension conviviale des formes de consommation durable explorées par le groupe.
13 Chaque participant a reçu une indemnité de 150 € pour l’ensemble de sa participation à l’étude.
14 Parmi les exemples d’usages revendiqués comme étant agréables mais sans être de première nécessité, sont mentionnés : allumer la lumière pour mettre un peu de gaieté dans une journée grise, ou encore la cuisson au four pour les sensations gourmandes qu’elle apporte.
15 Luc XXIII, 34 : Pardonnez-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font
Auteurs
Institut Symlog, Paris, France
Docteur en gestion est Directeur de programme à l’Institut Symlog de France. Il a été pendant 10 ans professeur associé à l’Ecole normale supérieure de Cachan où il était également membre du Groupe de recherche sur le risque, l’information et la décision (GRID, UMR CNRS) et enseigne actuellement la gestion des risques industriels à Mines-ParisTech. Ses orientations de recherche portent sur la construction de sens individuel et collectif en rapport avec les objets et situations à risques.
Institut Symlog, Paris, France
Responsable de programme à l’Institut Symlog de France. Membre de la cellule d’organisation de la série de projets européens COWAM, elle a créé des plateformes de recherche coopérative réunissant des partiesprenantes de la gestion des déchets radioactifs dans 9 pays. Elle a coordonné la rédaction des rapports collectifs “Roadmap for Local Committee Construction” et “EU-level Guidelines for Inclusive Governance”. Depuis 2000 elle remplit une mission de consultance en sciences sociales auprès du « Forum on Stakeholder Confidence de l’Agence Nucléaire de l’OCDE. Elle était Secrétaire général de la Society for Risk Analysis-Europe et pendant dix ans, co-rédactrice en chef de la Revue européenne de Psychologie appliquée.
Institut Symlog, Paris, France
SCHNEIDER Nina a une formation initiale en communication et a travaillé pendant 10 ans en tant que directeur de marque au sein d’un grand groupe de communication parisien, d’envergure internationale. Elle s’est formée ensuite en psychologie du travail (CNAM) puis en médiation d’entreprise, management des conflits et des crises (IFOMENE-ICP). Elle a rejoint l’Institut Symlog en 2010 en qualité d’assistante projet. Au sein des projets, elle porte une attention toute particulière au repérage des cibles de communication, à l’identification des besoins des différentes parties-prenantes et aux divergences d’opinion qui peuvent parfois exister entre elles.
Institut Symlog, Paris, France, ISCTE-IUL, Lisbonne, Portugal
Doctorante en Psychologie sociale à l’Institut de l’Université de Lisbonne (ISCTE-IUL). Ses orientations de recherche incluent les normes sociales, les comportements soutenables et la perception des risques. Elle a participé à des recherches avec l’Institut Symlog portant sur la gouvernance d’enjeux environnementaux tels que le changement climatique et les comportements en faveur de la protection de l’environnement.
Cisot-Ciemat, Barcelona, Espagne
Maître de conférences en sociologie à l’université Pompeu Fabra et collabore comme chercheur au Centre de Recherches Socio-Techniques (CISOT-CIEMAT), de Barcelone. Ses principales orientations de recherche sont d’un côté, l’analyse des attitudes sociales se rapportant au changement climatique et à la durabilité, et comment les relier aux politiques publiques de l’environnement et, d’un autre côté, les relations, empiriques et normatives, entre les politiques publiques et l’immigration.
Cisot-Ciemat, Barcelona, Espagne
Sociologue, chercheur au Centre de Recherches Socio-Techniques (CISOT-CIEMAT) de Barcelone. Ses orientations de recherche incluent la perception des risques et la communication, l’acceptation sociale des nouvelles technologies et les comportements durables.
Cisot-Ciemat, Barcelona, Espagne
docteur en « Énergie, Technologie et Société ». Depuis 1990, elle travaille au CIEMAT (Centre de recherche public sur l’énergie, la technologie et l’environnement), où elle dirige le Centre de Recherches Socio-Techniques (CISOT-CIEMAT). Sa recherche porte surtout sur la perception des risques, la communication de risques, et l’implication du public, dans leur rapport aux technologies de l’énergie et au changement climatique. Elle a été impliquée dans nombre de projets en Espagne, Europe et Amérique Latine, en assurant la direction scientifique de plusieurs d’entre eux.
UAB : Universitat Autònoma de Barcelona, Espagne
Maître de conférences en sociologie au Département de sociologie de l’Université autonome de Barcelone (UAB), et chercheur à l’Institut des politiques publiques et du gouvernement (IGOP-UAB). Ses recherches portent principalement sur les relations entre santé, environnement et territoire, avec une attention particulière à la perception sociale des risques technologiques et aux conflits socio-environnementaux.
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The Asian side of the world
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Jean-François Sabouret (dir.)
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L'Asie-Monde - II
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