• Contenu principal
  • Menu
OpenEdition Books
  • Accueil
  • Catalogue de 15417 livres
  • Éditeurs
  • Auteurs
  • Facebook
  • X
  • Partager
    • Facebook

    • X

    • Accueil
    • Catalogue de 15417 livres
    • Éditeurs
    • Auteurs
  • Ressources numériques en sciences humaines et sociales

    • OpenEdition
  • Nos plateformes

    • OpenEdition Books
    • OpenEdition Journals
    • Hypothèses
    • Calenda
  • Bibliothèques

    • OpenEdition Freemium
  • Suivez-nous

  • Lettre d’information
OpenEdition Search

Redirection vers OpenEdition Search.

À quel endroit ?
  • CNRS Éditions
  • ›
  • CNRS Alpha
  • ›
  • L'Homme-trace
  • ›
  • Livre I. Traces du corps
  • ›
  • Un parcours littéraire et cinématographi...
  • CNRS Éditions
  • CNRS Éditions
    CNRS Éditions
    Informations sur la couverture
    Table des matières
    Liens vers le livre
    Informations sur la couverture
    Table des matières
    Formats de lecture

    Plan

    Plan détaillé Texte intégral Incipit… Se raconter en ligne(s)… Le « Net sentimental », un « hygiaphone relationnel » Deux précédents notables aux amours épistolaires « Ecran, mon bel écran… » Fantasmatique cybersex , réelle « hyperception » Des images aux mots, de l’écran à la pagebovarysme et cristallisation, pour comprendre le désir « en ligne(s) » Du romantisme au libéralismeMise en perspective de ces œuvresEn guise de conclusion… Bibliographie Notes de bas de page Auteur

    L'Homme-trace

    Ce livre est recensé par

    • Fabienne Duteil-Ogata, Questions de communication, mis en ligne le 7 mai 2018. URL : https://journals.openedition.org/questionsdecommunication/11658 ; DOI : https://doi.org/10.4000/questionsdecommunication.11658
    Précédent Suivant
    Table des matières

    Un parcours littéraire et cinématographique

    Pascal Lardellier

    p. 77-96

    Texte intégral Bibliographie Références bibliographiques Enquêtes Films et documentaires Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    « Je me demande comment on pouvait avoir une correspondance amoureuse avant Internet. »
    Michel Serres1

    « Car écrire, c’est comme embrasser, mais sans les lèvres, écrire, c’est embrasser avec l’esprit. »
    Daniel Glattauer, Quand souffle le vent du nord.

    Incipit…

    1Ce chapitre souhaite proposer une « promenade » littéraire et cinéma-tographique autour du thème de la rencontre amoureuse sur Internet. Exercice libre qui nous permettra de trouver une cohérence théorique au sein d’œuvres disparates.

    2Le propos – l’amour « en ligne(s) » – coïncide pleinement avec le nouveau modèle d’échanges interpersonnels rassemblés sous le sigle de « CMO » (pour « Communication Médiatisée par Ordinateur »). Plus largement, s’aimer derrière des écrans, c’est, en première lecture, écrire, s’écrire (au double sens du terme, nous y reviendrons), et garder traces de ces échanges. Pas de mémoire sans traces. Pas d’histoire, a fortiori d’amour, sans souvenirs de ce qui a été vécu, partagé. Or, les TIC ont permis à tout un chacun de déléguer aux outils une capacité de mémoire illimitée ; et donc une infinité de possibilités de garder des traces, de les archiver et de les organiser pour faire sens. Anecdote significative, plusieurs couples s’étant constitués grâce à l’entremise de sites de rencontres m’ont spontanément avoué s’être offert le « livre d’or » de leurs échanges épistolaires, exhaustivement compilés depuis le premier mail dans un fichier dédié, et relié à l’occasion de leur « mise en couple ». Les TIC remettent donc judicieusement au goût du jour la problématique de la trace. On en vient directement au thème de cet ouvrage.

    3Nous allons voir que les « rapports sentimentaux en ligne(s) » constituent une source d’inspiration féconde pour écrivains et scénaristes. Or, si les « R2A0 » (Relations Amoureuses Assistées par Ordinateur) ont été investies par la fiction et le roman depuis une vingtaine d’années, c’est que l’apparente modernité de ces rapports d’un nouveau genre renvoie en fait à quelque chose de plus ancien et de plus profond, en réinterrogeant ce qu’est le lien amoureux.

    4Le corpus rassemblé ici peut sembler hétérogène de prime abord mais il se compose de films et d’ouvrages qui tous racontent et mettent en scène une rencontre virtuelle (et donc numérisée), puis une relation amoureuse via des écrans. Ces œuvres entérinent donc implicitement l’essor récent des « dispositifs sociotechniques » sur nos relations. Multiplicité des genres et des scénarios, unicité du thème et de la problématique. L’amour sans les corps, bien sûr, l’amour avec des identités « en suspens », souvent, et l’amour qui n’existe que dans les mots échangés, les confidences partagées, avec à la clé, un sentiment d’intimité produite « en ligne(s) », c’est-à-dire tout à la fois online et écrite. On pourrait considérer que ces couples existent sans exister. Et pour cause, ne se connaissant pas encore (en corps ?) dans la vraie vie, les protagonistes ne savent pas exactement à qui ils ont affaire… Et l’un des deux peut brutalement décider de mettre un terme aux échanges, et donc à la relation, bien virtuelle en l’occurrence.

    5En dépit de ces réserves et de ces contraintes, c’est bien la rencontre amoureuse qui est questionnée dans ce qu’elle a d’ontologique. Car qu’est-ce que l’amour quand on aime (ou pense aimer) sans se connaître, sans la présence des corps ! ? Et pourtant, les mots enflammés échangés par les personnages dont il va être question traduisent bien des sentiments profonds et des désirs tenaillant les corps. Oui, qu’est-ce que l’amour ? Telle est bien la question…

    Se raconter en ligne(s)…

    6Rappelons en exergue un constat que nous avons vérifié durant nos enquêtes menées dans le « Net sentimental », en interrogeant ses acteurs : sur les sites de rencontres, « on se raconte » beaucoup plus qu’on ne se rencontre. Les personnes fréquentant ces sites ne passent-ils pas leur temps à « s’écrire », dans la double acception de ce terme, non seulement écrire à autrui, mais aussi à se mettre en récit, à faire de sa biographie une authentique narration ? Ceci renvoie à la notion d’identité narrative développée par Paul Ricœur, et va dans le sens du constat de la montée en puissance de l’auto-narration et de l’expressivité sur Internet. « À la différence de l’identité abstraite du Même, l’identité narrative, constitutive de l’ipséité, peut inclure le changement, la mutabilité, dans la cohésion d’une vie. Le sujet apparaît alors constitué à la fois comme lecteur et comme scripteur de sa propre vie selon le vœu de Proust. Comme l’analyse littéraire de l’autobiographie le vérifie, l’histoire d’une vie ne cesse d’être refigurée par toutes les histoires véridiques ou fictives qu’un sujet se raconte sur lui-même. Cette refiguration fait de la vie elle-même un tissu d’histoires racontées » (Ricœur, 1985).

    7Nouvelles identités produites « en ligne(s) » par ce que l’on en écrit, et nouveau paradigme relationnel plus largement qui est tout sauf marginal, puisqu’il concerne des millions de personnes, si l’on admet que les rencontres amoureuses sur le Net sont un phénomène de société massif. Ainsi, la moitié des douze à quatorze millions de célibataires français sont inscrits ou ont été inscrits sur un site de rencontres ; c’est tout sauf négligeable.

    Le « Net sentimental », un « hygiaphone relationnel »

    8D’ailleurs, à quoi tient vraiment le succès du « Net sentimental »2 ? Pourquoi des millions de personnes passent-elles des heures chaque jour et chaque nuit à envoyer des messages à des inconnus et à répondre à ceux-ci, avant de se rendre ensuite à des rendez-vous « dans la vraie vie » ? C’est à cette question que répondent (in)directement les auteurs et scénaristes dont il va être question ici. Car ce qu’ils mettent en mots et en scène, c’est ce mystère de l’amour sans les corps et par-delà les identités, et l’énigme du désir en l’absence d’objet, en tête à tête avec ses fantasmes, aspirations, et les mots et images d’autrui. En tout cas, « il nous est désormais possible d’établir un lien, un contact entre une intériorité quasi-illimitée et une extériorité quasi-infinie. Quel est ce contact qui exclut le tactile.. ? Et pourquoi tant de personnes se sont-elles mises à préférer au contact charnel de la relation humaine ces nouvelles formes de relations illimitées mais désincarnées ? » (Civin, 2002).

    9La raison principale de l’incroyable adhésion aux sites de rencontres réside en grande partie dans les ressources de « la communication masquée » (Flichy). S’exprimer sans être jugé par le regard d’autrui, sans être « entravé » par la parole de l’autre, quel confort… Une « toute-puissance expressive » est à l’œuvre, propice à toutes les confidences, à tous les épanchements. En clair, ces sites constituent un opportun « hygiaphone relationnel », affranchissant de l’embarras et du trouble de la « vraie vie ». Et on y ressent l’impression d’être en commu(nicat)ion avec le moi profond, « authentique » de l’autre, délesté du corps et des apparences sociales. Car « Internet est l’objet de deux clichés contradictoires. Le premier d’entre eux stipule qu’il permet, voire qu’il encourage, la simulation et la tricherie. Le second suggère en revanche que, dans la mesure où il annule le corps, il permet une expression plus complète du moi authentique » (Illouz, 2006). C’est souvent sur cette illusion, nous allons le voir, que jouent romanciers et scénaristes, pour raconter les histoires de personnages tombant amoureux « en ligne ».

    10Dans la vraie vie, l’objet du désir est clairement identifié par le jeu de l’attirance physique. Or, sur un site de rencontres, on se retrouve face une sorte d’« autrui généralisé » sans savoir à l’avance sur quel objet, j’y reviens, on va se fixer. Dans sa Philosophie des réseaux sociaux, Marc Parmentier explique que « se connecter sur un site comme Meetic plonge au cœur d’une expérience déroutante. À chaque heure du jour et de la nuit, plusieurs milliers d’internautes sont connectés. Un tel site n’est pas une agence matrimoniale. Ce qui les anime n’est pas un projet bien défini mais un désir vague. Le site propulse l’internaute dans une vaste circulation de désirs en quête d’objets. Comment un désir peut-il ne pas avoir d’objet ? Dans l’expérience ordinaire, c’est le surgissement d’un objet inopinément désirable, un passant, une passante, qui le fait naître. Ici, tout semble fonctionner à l’inverse. » (Parmentier, 2012). Et au cœur du dispositif de la drague online, il y a l’écran qui est à la fois une surface de projection (au sens psychologique) et de protection. L’écran désinhibe et arrache au jugement de la société. Enfin, rappelons que sur Internet, on est dans un contrôle total de la relation, puisqu’on peut garder la totalité des messages envoyés et reçus. Thématique des traces, encore, qui font sens et volume.

    Deux précédents notables aux amours épistolaires

    11Il est question ici de relations amoureuses entre inconnus s’écrivant des mails et chattant ; cas classique de CMO, dont les scénaristes font grand cas. Or, l’amour sans se connaître, sans la présence des corps, renvoie à des précédents littéraires célèbres, nous en retiendrons deux.

    12D’abord, les Lettres à une musicienne de Rainer Maria Rilke. En 1914, Rilke, alors parisien, reçut la lettre d’une inconnue. Viennoise, pianiste, elle s’appelait Magda von Hattingberg. Leur correspondance s’enflamma rapidement. Ils s’écrivirent ainsi durant de longues semaines, plusieurs fois par jour, des lettres de plusieurs pages. Mais lorsqu’ils se rencontrèrent, la correspondance s’arrêta. Rilke en tira ses Lettres à une musicienne. Cette fin brutale découlant de la rencontre des corps augurait de ce que vivent des milliers d’Internautes célibataires, qui se sont emballés, se sont « fait un film » derrière (ou devant, puisqu’il est question de cinéma !) leur écran, pour subir ce brusque « retour du réel » lors de la première rencontre.

    13De même, Honoré de Balzac et la Comtesse Eveline Hanska entretinrent pendant des années une correspondance enflammée (alors qu’elle-même était mariée), annonciatrice d’une passion ardente entre eux, quand celle-ci devint veuve. Tout commence quand Balzac reçoit la lettre d’une inconnue, encore (qui se présentait comme « l’étrangère ») en 1832. S’ensuivra une correspondance amoureuse fiévreuse pendant dix-huit ans mais eux deviendront amants puis mari et femme.

    « Ecran, mon bel écran… »

    14C’est un grand mystère que cette possibilité de tomber éperdument amoureux de quelqu’un qui est, en première lecture, un « inconnu intime » et qui est même parfois un fake3. Les médiations technologiques contribuent à rendre possible ce qui sur le papier semblait presque irréalisable. D’où la citation de Michel Serres placée en exergue de ce texte, mais à prendre nous semble-t-il au second degré, tant cet académicien, homme de lettres s’il en est, ne peut ignorer la tradition épistolaire. En tout cas, avec Internet et les TIC, les amours virtuelles sont passées « de l’artisanat à l’industrie ». Et cela est essentiellement dû à la rapidité fulgurante avec laquelle on peut échanger, et à la multiplicité des échanges possibles en parallèle.

    15Le film qui a posé un précédent dans cette veine des amours virtuelles est la comédie sentimentale américaine Vous avez un mess@ge, de Nora Ephron. Sans grand intérêt artistique il eut le mérite de poser dès 1999 quelques questions fondamentales : qu’est-ce que l’intimité ? Qu’est-ce que l’adultère ? Qu’est-ce qu’aimer, finalement ? Œuvre mineure, mais questions cruciales que celle-ci posait lucidement. Précisons en aparté qu’il reprenait la trame d’un film des années 1940 d’Ernst Lubitsch, The shop around the corner. Clin d’œil, la librairie new yorkaise de l’héroïne (incarnée par Meg Ryan) portait précisément ce nom éponyme. Mais chez Lubitsch, point d’Internet, les échanges anonymes entre Alfred et Klara, collègues au quotidien, transitaient par des boîtes postales.

    16Vous avez un mess@ge est une comédie sentimentale outrageusement surjouée par les deux acteurs principaux, et le scénario est manichéen en diable. Elle (Kathleen) possède une petite librairie de quartier, lui (Joe), émissaire d’un grand groupe, a pour objectif de la racheter. Elle est folle de lettres et de livres, il ne pense que chiffres (d’affaires). Antagonisme social et professionnel patent… Bien sûr, ils vont rapidement se détester dans la vraie vie, pour tomber amoureux l’un de l’autre sans le savoir, en faisant connaissance, puis en nouant une relation très investie sur un forum de discussion (« 30 ans et plus »). Ce film a une valeur testimoniale car il mettait des images et une histoire sur ces nouvelles relations numériques qui émergeaient au tournant du siècle. Le film est sorti en 1999, et le premier site de rencontres Match.com, est apparu aux États-Unis en 1995.

    17Au tout début, l’héroïne confie son trouble à une amie, en avouant avec fait une rencontre sur Internet :

    « On est infidèle quand on a une relation par e-mail ?
    Il y a eu rapport sexuel ?
    Non, bien sûr que non, je ne le connais même pas.
    Je veux dire “cyber-sexuel”. En tout cas, je te conseille de ne pas en avoir.
    À la seconde où tu acceptes, ils perdent tout respect pour toi.
    Non, ça n’a rien à avoir avec ça, on s’envoie des e-mails. Autant dire
    qu’il n’y a rien. Et puis de toute façon je suis décidée à tout arrêter, parce que là tu vois…
    Ça va trop loin ?
    Ça devient troublant. Quoique non. Puisqu’il n’y a rien !… Ce ne sera
    pas vraiment difficile d’arrêter de le voir puisque l’on ne se voit pas… ».

    18Toutes les problématiques du « Net sentimental » sont présentes dans ce petit échange. De délicieuses ambiguïtés se font jour. En effet, on s’aime sans s’aimer, et on s’y rend compte qu’on se raconte sans se rencontrer. On croit s’aimer ; s’aime-t-on déjà, d’ailleurs ? Car peut-on aimer sans (se) connaître ? Telles sont bien les questionnements affleurant de cet extrait. Signe des temps, ce scénario fictionnel concerne des milliers d’Internautes qui au jour le jour, tombent aussi amoureux « d’inconnus intimes ». D’ailleurs, de la rencontre virtuelle de Kathleen et Joe, les personnages de Vous avez un mess@ge, un couple naîtra. Ennemis dans la vie et amoureux sur le Net, ils deviendront partenaires, en quittant leurs conjoints respectifs, qu’ils croyaient aimer « pour de vrai ». Répétons-le, cette histoire à l’eau de rose préfigurait celle de bien des célibataires4 nouant des idylles en ligne, alors même que certains étaient par ailleurs déjà en couple. Mais la drague numérique constitue une drogue puissante, terriblement addictive, et il est difficile d’y résister, quand on y a goûté…

    19Revenons à l’année 1995 : c’est celle de la sortie américaine de Denise au téléphone, de Hal Salwen, film salué par la critique, et qui préfigurait aussi les relations amicales et sentimentales à distance. Mais là, les héros ne se rencontrent pas une seule fois, tout se jouant au téléphone, drague, confidences, entremises amoureuses… Ordinateurs, téléphones donc et fax tournent à plein, et les personnages le constatent : c’est tellement plus simple, rapide, efficace ainsi, sans avoir à s’apprêter et à sortir…

    Fantasmatique cybersex , réelle « hyperception »

    20L’année suivante, en 2000, Thomas est amoureux (de Pierre-Paul Renders) raconte l’histoire d’un agoraphobe trentenaire cloîtré chez lui et qui vivait des aventures sentimentalo-sexuelles depuis sa chambre grâce aux nouvelles technologies. Ce film revisitait toute la mythographie seventies du cybersex. Car les futurologues ont longtemps affirmé que ce cybersex allait s’imposer, et que nous ferions demain l’amour à distance, bardés de combinaisons sensorielles et de capteurs tactiles. Contre toute attente, tout cela est resté très expérimental. Et le « sexe assisté par ordinateur » appartient encore largement à la science-fiction. Par contre, des millions de célibataires se séduisent, éprouvent du désir, apprennent à se connaître et tombent amoureux simplement en s’écrivant, tapis derrière leurs écrans, comme les deux héros de Vous avez un mess@ge. Cette activité frustrante en apparence s’est imposée comme la modalité de rencontre très prioritaire des célibataires qui s’adonnent avec délice et frénésie à ce que j’appelais dès 2004 les « relations AZERTY ».

    21Et « en ligne », s’écrit une subtile dialectique du dévoilé, du montré et du caché. Les corps sont absents et pourtant pressants. Et qu’en est-il des sensations proprement dites ? Online, le fait de ne ni voir ni sentir l’autre oblige nécessairement à surinvestir d’autres vecteurs de sens. La perception et les représentations d’autrui, tronquées, parcellaires, évanescentes (et pour cause, on ne le/la connaît pas), sont équilibrées et complétées par une reconstruction mentale de cet interlocuteur fantomatique et fantasmatique. Ce travail se fait par le biais d’images furtives, d’une imagination galopante, et de tout ce que l’on projette, aussi. Ce que j’appelle l’« hyper-ception » (Lardellier, 2012) peut induire des réactions physiques bien réelles, notamment en session de chat. Car dès qu’une relation électronique se trouve investie, dès qu’un homme et une femme s’apprécient « en ligne » (sans se connaître encore physiquement), les corps sont mobilisés au plus haut degré, alors qu’ils ne sont pourtant pas là. Ainsi, des tensions physiques (crampes, palpitations, tachycardies, rougissements, érections…) auparavant réservées au face-à-face amoureux se manifestent au gré des connexions. Les corps, travaillés par l’imagination et taraudés par le désir, jouent par avance ce qui se passera peut-être lors de la rencontre IRL. En découlent des déceptions profondes quand « ça ne colle pas » de visu. Mais aussi le fait qu’a contrario, des histoires « aillent très vite à l’essentiel » dès le premier rendez-vous, car les deux protagonistes « avaient pris de l’avance » virtuellement. La rencontre entérine alors l’attraction sexuelle mise en mots avant.

    22Une Internaute que j’avais enquêtée5, Rachel, 44 ans, livre un témoignage précis et étoffé de ce que j’appelle « l’hyper-ception » : « sur Internet, il y a des carences. Une carence visuelle, une carence auditive, une carence olfactive et une autre tactile… Et c’est dur, parfois ça crée donc un manque, une sorte de consternation consciente ou non consciente, que l’on cherche à combler absolument. Alors l’esprit est beaucoup plus sollicité, c’est par la pensée que l’on ressent, que l’on cherche à respirer la peau, et que l’on cherche à toucher, ça peut générer un degré de sensibilité beaucoup plus élevé qu’il ne devrait. Le désir est là, bien présent, il est même parfois exacerbé, on se désire mutuellement, on se met à fantasmer sur l’objet de notre désir, et on se l’écrit. Pour pallier les étreintes, on détaille nos pensées, on les « couche » avec nos doigts sur le clavier. On s’écrit parfois des choses qu’on n’aurait peut-être jamais osé se dire l’un en face de l’autre. Notre imagination est fertile et on énumère chacun à notre tour nos pensées et nos idées les plus intimes, les plus secrètes, c’est parfois très érotique, très charnel, très touchant aussi. Toutes les sensations qui accompagnent l’état amoureux sont bien là, le désir, l’envie de l’autre, mais il ne peut se concrétiser. Alors on le conceptualise et du coup c’est même parfois plus intense, plus riche aussi, parce que cet état n’est pas assouvi, il reste latent mais pas somnolent, il est vraiment présent. On peut ressentir des sensations qu’on ne connaît pas lorsque cette relation est vivante, car dans une relation « réelle », l’acte sexuel arrive, il y a donc une pause après. Le corps peut se substituer enfin à l’esprit, ce désir est assouvi. Par mail, rien n’arrive ensuite, ce désir est refoulé ou recasé quelque part. Il y a donc aussi au bout d’un moment une lassitude. Il faudrait que l’écrit puisse être un palier et qu’ensuite arrive la rencontre physique ». Tout est bien dit, du désir qui taraude, des mots galopant qui attisent, des carences sensorielles n’empêchant pas les manifestations et réactions physiques, de la frustration que l’espoir de la rencontre atténue un peu…

    23Autre œuvre où la dimension fantasmatique et donc les projections intérieures prennent le pas sur la « réalité vraie » de la relation, dans le récent Her (2013, de Spike Jonze), le personnage principal, Theodore Twombly (incarné par Joaquim Phénix) tombe fou amoureux d’un pur artefact, un logiciel empruntant la voix de Scarlett Johansson. Inconsolable suite à une rupture difficile, il fait l’acquisition d’un programme informatique ultramoderne, capable de s’adapter à la personnalité de chaque utilisateur. En lançant le système, il fait la connaissance de Samantha, une voix féminine intelligente, intuitive et étonnamment drôle. Les désirs de Samantha évoluent, tout comme ceux de Theodore, et peu à peu, ils tombent amoureux. Là, point de mots écrits, mais, dans une veine futuriste, des dialogues, que le héros entretient à longueur de journée avec la voix informatique (et envoûtante), dont il va s’enamourer. Une incroyable connivence se fait jour entre le héros, incompris par ses proches, et cette voix (logicielle) qui l’accompagne partout, répond à ses questions, ses doutes, anticipant même ses interrogations pour l’apaiser, le rasséréner. La dimension psychanalytique de tout cela est évidente. Et le « retour du réel », ce sera non pas tant le bug informatique qui le coupe soudain de sa dulcinée virtuelle, que le fait d’apprendre qu’elle entretient ce type de « relations privilégiées » avec des centaines d’hommes simultanément. On y revient, Theodore est en fait victime d’un phénomène de cristallisation, confirmant la dimension idéale de ces amours faites de mots et de pixels, mais surtout de projection fantasmatique. Impossibles amours pour lui… Quand il y avait le corps (son ex-femme), pas vraiment de compréhension ; et quand la communion des esprits est là, ce corps est insaisissable puisque virtuel.

    24Dans une veine plus réaliste, Anne Vilacèque proposait en 2011 dans E-love une chronique désillusionnée dans laquelle Paule, une prof de philosophie bientôt quinquagénaire, plaquée par son mari pour une femme plus jeune, va s’essayer aux aventures sans grand avenir grâce aux ressources des sites de rencontres. Son double numérique, Antigone, cumule les rencontres, les plaisirs furtifs et les déceptions, sur fond d’incompréhension généralisée avec ceux qu’elle rencontre. Et là, ce n’était pas le versant sublime, fantasmatique des amours qui était mis en scène mais la dimension consommatoire de tout cela. Sélectionner les prétendants puis les tester à son corps défendant, buter sur des malentendus, éprouver des malaises perceptibles lors des rencontres (« qu’est-ce qu’il est vieux… Ringard… Vulgaire… Bête »), « bloquer » sur des détails physiques ou vestimentaires, relever des hiatus culturels rédhibitoires, tel est le lot de l’héroïne ; et celui de bien des Internautes draguant en ligne, en quête diffuse de plaisir(s), et in fine d’amour… Mais lequel ! ? C’est précisément ces hiatus, malentendus, déceptions voire goujateries tous issus de la première rencontre IRL (In the Real Life) que Jean-Claude Kaufman racontait et analysait dans Sex@mour (cf bibliographie).

    Des images aux mots, de l’écran à la page

    25Passons à la littérature. Sans remonter à la tradition épistolaire qui a raconté des histoires d’amours nouées et entretenues par le biais de l’échange de courriers, centrons-nous sur les ouvrages récents qui ont mis des relations numériques au centre de leur récit. Et dans ce registre, c’est un chef d’œuvre qu’a signé Daniel Glattauer en 2006, avec Quand souffle le vent du nord. Dans ce best-seller, cet auteur allemand revisite la tradition du roman épistolaire, y racontant la relation purement numérique liant deux inconnus, Emmi et Leo. Ceux-ci entrent en contact incidemment par mail, et vont vivre une grande passion sans se connaître, par le seul truchement des confidences jetées sur le clavier et lues sur écran. Heureuse en amour, en couple avec enfants, Emmi joue le jeu de la sincérité. Mais doucement, de mail en mail, les deux protagonistes s’ouvrent, se dévoilent et se confient ; jusqu’à être emportés dans une grande passion, à leur corps défendant. Leur correspondance devient complètement addictive, et ils reviennent au clavier incessamment, comme le joueur de Dostoïevski à sa table, véritablement aimantés par le plaisir que procure le fait de s’écrire… Et pourtant… Comme l’un des amants numériques le confie lucidement à l’autre, « avez-vous remarqué que nous ne savons absolument rien l’un de l’autre ? Nous créons des personnages virtuels, imaginaires, nous dessinons l’un de l’autre des portraits-robots illusoires, nous posons des questions dont le charme est de ne pas obtenir de réponse » (Glattauer, 2010 : 28).

    26Etablir des contacts, alimenter les relations, mener de front plusieurs dialogues online et entretenir plusieurs liaisons, voici le tout-venant des Internautes draguant sur le « Net sentimental ». Et puis soudain, « ça prend ». Les Internautes fréquentant assidument les sites de rencontres s’accordent à reconnaître qu’à un moment, quelqu’un se détache du lot des prétendants anonymes. Exactement ce qui arrive à Emmi et Leo qui doucement, passent d’échanges factuels à des choses plus profondes. Jusqu’à entrer, via leurs échanges incessants, au cœur d’une intimité, jusqu’à avoir l’impression de pénétrer non pas le corps, mais le cœur et l’âme de l’autre. D’ailleurs, ils ne se rencontrent jamais, dans ce premier opus qui connut une suite, La septième vague. Et là, les « aventures » continuent. Tout repose encore sur trois principes : pas de rencontres, pas de sexe, pas d’avenir. Mais qu’est-ce qu’une histoire d’amour où l’on ne connaît pas le visage de l’autre ? Et pourtant, elle continue. C’est donc bien qu’il y a ce que les psychanalystes appellent un « bénéfice secondaire ». Comme si la relation épistolaire et virtuelle était plus confortable qu’une relation réelle. Les personnages s’aiment-ils ? Jouent-ils à s’aimer ? Ou croient-ils vraiment s’aimer ?

    27Paradoxe. Car on peut légitiment penser que l’amour, c’est, à un moment ou à un autre, la rencontre des corps. Au rayon littéraire, on se souvient de Phèdre subjuguée par le bel Hippolyte. Certes. Mais l’amour, ce sont aussi des sentiments, c’est de l’imagination, et des fantasmes, inévitablement. Et le Net constitue une formidable matrice fantasmatique. Or, la production de fantasmes, si elle interpelle le corps, reste une activité cérébrale, qui s’accommode fort bien d’un dispositif voilant autant qu’il révèle – sinon plus – tout en amplifiant ces fantasmes, par le pouvoir de l’imagination. Le sexe est une activité aussi mentale, et Internet lui a indéniablement ouvert de nouveaux horizons. « Le sexe virtuel… consiste dans la description verbale, par deux personnes ou plus, des actions physiques et des réactions affectives de leurs personnages. Dans le cyberespace, cette activité est non seulement banale mais constitue pour beaucoup de gens le centre de leur expérience en ligne » (Turkle, 1995). D’où le succès de ces « dispositifs sociotechniques », et le fait qu’ils constituent donc une source d’inspiration inépuisable…

    bovarysme et cristallisation, pour comprendre le désir « en ligne(s) »

    28Alors, pourquoi tombe-t-on amoureux sur Internet ? Comment des liens forts parviennent-ils à se créer en l’absence des corps ? Car répétons-e, l’histoire d’Emmi et de Léo est aussi celle de milliers de « couples Internet », qui passent par leurs transports, et voient leur dilection passer par les mêmes voies numériques et épistolaires. En clair, ce n’est pas sans raison que ce thème est devenu une ressource sûre pour les scénaristes et romanciers, qui épousent l’air du temps en parlant de l’amour à l’ère des TIC, tout en (d)écrivant quelque chose de plus profond.

    29Deux concepts expliquent bien les processus complexes ici à l’œuvre : il s’agit du bovarysme et de la cristallisation. Tous deux sont opportunément d’origine littéraire, et ils se complètent à certains égards. Le bovarysme décrit cliniquement un état d’insatisfaction, sur les plans affectif et social, qui se traduit par des ambitions vaines et démesurées, une fuite dans l’imaginaire et le romanesque. Il décrit cette tendance humaine à s’imaginer autre qu’on est. En référence au personnage flaubertien Emma Bovary, il exprime aussi la frustration entretenue avec le réel, et la tentative d’épanouissement dans un univers imaginaire. C’est précisément sur cet état intérieur que certains des extraits cités plus haut (Vous avez un mess@ge, Quand souffle le vent du nord…) mettent mots et images. Car la particularité de « l’amour en ligne », c’est que les esprits construisent un Autre imaginaire, et échafaudent une histoire sublime, qui n’existe pas (ou pas encore), pure représentation mentale. « Mais la mise entre parenthèses de la réalité n’est pas un obstacle car le système repose sur la complicité de l’internaute avec ses propres illusions » (Parmentier, 2011).

    30Le héros du roman épistolaire Quand souffle le vent du nord livre un témoignage saisissant de ce processus, fort bien saisi par l’auteur : « nous faisons route vers le désenchantement. Nous ne pouvons pas vivre ce que nous écrivons. Nous ne pouvons pas remplacer les nombreuses images que nous nous faisons l’un de l’autre. Je serai déçu si vous n’êtes pas à la hauteur de l’Emmi que je connais, et vous ne serez pas à la hauteur. Vous serez déprimée si je ne suis pas à la hauteur du Leo que vous connaissez ». Et Emmi de surenchérir lucidement : « Leo, soyez honnête : pour vous je suis une femme imaginaire, seules sont réelles les lettres de l’alphabet que vous assemblez pour qu’elles sonnent bien. Je suis comme du sexe par téléphone, mais sans sexe et sans téléphone, donc : du sexe par ordinateur mais sans sexe ni images à télécharger » (Glattauer, 2010 : 64). Souvent, en effet, ça ne marche pas, et les choses, fondées sur ce bovarysme et sur une activité fantasmatique intense, en restent au stade du virtuel. On a compris que ce que décrivent romanciers et scénaristes dans les œuvres constituant notre corpus, ce sont plus largement des états d’âme et des productions fantasmatiques vécus et ressentis par des millions d’Internautes « draguant » en ligne. Après le bovarysme, qui voit Emmi de Quand souffle le vent du nord délaisser la vraie vie pour se réfugier dans une histoire virtuelle idéale, venons-en à la cristallisation.

    31Dans le même registre, on trouve l’origine de cette notion dans De l’amour de Stendhal. Elle désigne tout sentiment né de l’imagination, qui se fixe sur un objet ou une personne pour le transfigurer. Prosaïquement, combien de personnes chattant assidûment reconnaissent penauds après coup « s’être fait un film » ? Les choses s’emballent, et on tombe amoureux d’une représentation idéalisée ayant une source imaginaire, à partir d’une histoire qui n’existe pas (encore). Sur Internet, on s’aime beaucoup virtuellement, dans tous les sens du terme. « La relation électronique constitue un jeu avec le désir, où l’autre est objectivé comme support d’un idéal virtuel qui offre l’illusion de sa réalité potentielle. Le désir s’est pratiquement épuisé dans l’échange électronique quand arrive le moment de la rencontre » (Leleu, 1997). Paradoxalement, c’est un désir proustien qui se donne à vivre dans les réseaux numériques, l’essence de ce désir-ci résidant dans le manque, sublimé par l’imagination du fait même de l’absence. Or, cet écart augmente la volonté de possession. Mais étrangement, lorsque la possession physique se réalise, ou lorsque l’être désiré se donne comme un objet définitivement acquis, le désir s’émousse puis disparaît. L’expérience amoureuse, qui s’ancre dans la réalité, semble ne jamais être à la hauteur du désir qui se contentait d’imaginer l’amour. Elle met un terme à une infinité de possibilités et déchire en quelque sorte le voile d’illusion tissé autour de l’être aimé. S’ensuit souvent un sentiment d’amertume et de déception. Car sur les sites de rencontres, autrui est physiquement absent. Et c’est le caractère virtuel des rapports qui contribue à produire des fantasmes, augmentant ainsi le désir. Mais un principe de réalité s’impose souvent à la gestion des messages, pour relativiser l’étendue des possibilités, et imposer, encore lui, le « retour du réel ». Le mari d’Emmi, l’héroïne de Quand souffle le vent du nord, souffre énormément de la relation épistolaire qu’entretient sa femme avec un inconnu accaparant tout son temps et toutes ses attentions. Entrant par effraction dans l’ordinateur d’Emmi, et découvrant en lisant les milliers de mails l’étendue de la passion virtuelle – on revient aux traces numériques évoquées en introduction ! – il prend le risque d’écrire à cet inconnu, qui vampirise sa conjointe, et met son couple en grand péril : « vous n’avez rien à vous reprocher et moi non plus je n’ai rien à vous reprocher, hélas rien. On ne peut pas en vouloir à un esprit. Vous êtes insaisissable Monsieur Leike, intangible, vous n’êtes pas réel mais vous n’existez que dans l’imagination de ma femme, vous êtes l’illusion d’un bonheur éternel, un vertige hors du monde, une utopie amoureuse faite de mots. Je ne peux rien contre cela, je suis réduit à attendre le moment où le destin se montrera miséricordieux en faisant de vous un être de chair et en os » (Glattauer, 2010 : 283).

    32Dépoétisant un peu la chose, le psychanalyste Michael Civin explique que « la nature paranoïde de la réalité psychique de son expérience s’impose à l’observation non seulement par la qualité manifeste de la relation (qui n’existe que par le truchement d’un clavier et d’un écran d’ordinateur, sans contacts physiques ni visuels que le texte) mais aussi, peut-être de façon plus frappante encore, par l’idéalisation de l’objet de son affection. L’hyperactivité ou le côté obsessionnel qui caractérise souvent ce type de relation se manifeste sous la forme d’un besoin insaisissable et incessant d’être en contact, et les “drogués de l’ordinateur”, par des nuits blanches à converser » (Civin, 2000 : 80-81). Ce qui n’empêche pas bien des couples de se constituer sur la Toile, de s’aimer sans réserve, une fois dépassé le bovarysme et maîtrisée la cristallisation. Une fois qu’ils sont passés de l’autre côté du bel écran de projection des rêves et des fantasmes, et que le réel a entériné ce que les imaginations galopantes projetaient de vivre, peut-être…

    Du romantisme au libéralisme

    33Mais il y a aux amours virtuelles portées à l’écran et mis en romans une veine moins romantique, plus trash. Car il n’y a pas que des gagnants et des heureux, à ces petits « jeux de l’amour et du marché » à l’ère des TIC, et pour cause ; Plusieurs auteurs ont repéré qu’à l’ère des sites de rencontres, c’est bien le libéralisme et ses principes qui gagnent les relations sentimentales et sexuelles. Et la matrice de ce courant, on la trouve dès 1994, dans Extension du domaine de la lutte de Michel Houellbecq. Formidable visionnaire, il avait pressenti l’entrée de la sexualité dans l’ère de la compétition libérale, avec des winners et surtout des loosers. On se souvient de ces antihéros apathiques, pathétiques, mus par d’inextinguibles pulsions jamais assouvies les tenaillant cruellement, et d’autant plus que les « beaux » et les « sûrs d’eux » raflent la mise à tous les coups. Et puisqu’il faut bien laisser quelque chose aux perdants, ils ont les images, les fantasmes et la masturbation comme consolations. Car sur le Net, les relations sont libérées, mais elles sont avant tout libéralisées. Et tous les grands principes de l’économie de marché s’y retrouvent : l’abondance de l’offre, la rationalisation de la quête, le ciblage sélectif, le fait de pouvoir choisir parmi une offre pléthorique, la standardisation des « produits »6. On y remplit en effet des fiches quasi-anthropométriques, aux rubriques desquelles se conformer strictement, ce qui induit une « chosification » généralisée.

    34Car à travers toutes ces transactions de fantasmes et d’images s’échangeant sur la Toile entre des inconnus, c’est le libéralisme qui gagne les relations : il faut être efficace et attractif pour « tirer son épingle du jeu ». On doit être performant en permanence, via les photos qu’on diffuse et les mots qu’on envoie. Et les relations amoureuses doivent se plier à un impitoyable impératif de rendement. Les « fiches perso » mises en ligne doivent être « vendeuses » et « impactantes », adjectifs issus du marketing et du coaching, et qui contaminent l’espace de la relation intime. « Jeux de l’amour et du marché », car ces relations amoureuses technicisées induisent un rendement et une rentabilité, chaque Internaute étant son propre « cyber-agent matrimonial ». A l’ère du marketing et du libéralisme, on a l’impression que les sentiments peuvent se réduire en « avantages client », en « capital émotionnel », en entretien réussi. Le speed-dating emblématise cette tendance, où le premier contact amoureux prend la forme d’un entretien d’embauche, d’un recrutement en bonne et due forme. Même les relations deviennent précaires et interchangeables. Dans la même veine libérale, est apparu récemment le « coaching amoureux », mené par des love coachs qui managent les « solos » en peine comme s’ils étaient des cadres déclassés à recaser d’urgence sur un super poste pour un super job. Valoriser son capital, exprimer ses qualités, tirer parti de son potentiel, telles sont les missions de ces « entraîneurs relationnels » d’un nouveau genre. Tous ces préceptes appartiennent à la vulgate managériale, et s’inscrivent, on y revient, dans l’idéologie libérale gagnant les relations.

    35Dans ce registre, Giulio Minghini décrivait en 2008 dans Fake sa folle course en avant au fast love online. Saisissante auto-narration dans laquelle l’auteur raconte qu’il parvenait à enchaîner les aventures furtives grâce à l’utilisation de « profils multiples ». Il traversait Paris chaque nuit pour rencontrer de nouvelles femmes croisées sur la Toile la journée et avec qui coucher au plus vite, courant vers la suivante avant le dernier métro, ou fuyant avec la première rame des bras et des draps indistincts. Il mentait aux unes et aux autres, et trompait allègrement, avec des partenaires pas en reste. Internet décomplexe à un point tel que souvent, les « fautifs » s’adonnent à leur passion chatteuse et à leur « quête de nouveauté » au domicile conjugal, à proximité immédiate et parfois en présence même de leur conjoint. Ainsi, « toujours connectée à MSN, Géraldine me raconte que son mari n’est jamais bien loin de l’ordinateur. Elle lui dit travailler sur ses dossiers de boulot alors qu’en réalité, elle ne fait que maintenir les contacts avec ses amants en chat et en chercher de nouveaux » (Minghini, 2008 : 78). J’appelle « polygaming (Lardellier, 2014) ce nouveau paradigme sentimentalo-sexuel, voyant certain-e-s cumuler aventures et expériences, grâce aux ressources des TIC et à la « désinstitution » généralisée du couple postmoderne. Polygaming, donc, car jeu pluriel avec l’identité, le désir, les partenaires, les technologies…

    36Et l’anti-héros de Fake a touché du doigt les limites de l’identité multiple : « assise à une petite table… elle me demande si je suis au courant qu’on a rendez-vous le lendemain soir. Surpris, j’étudie la moue de réprobation qui se dessine sur son visage. Je me souviens que j’ai, en effet, un rendez-vous pour le dimanche soir, mais pas du tout avec elle. Et pourtant, c’est bien avec elle, paraît-il. Pour dissiper ma perplexité, qu’elle soupçonne peut-être feinte, Camille me révèle que la fille que je dois rencontrer le lendemain à neuf heures à Ménilmontant, c’est elle. Elle m’a piégé avec une fausse fiche, une fausse identité créée de toutes pièces pour me mettre à l’épreuve : un fake. J’ai dragué une deuxième fois Camille, mais une Camille déguisée, manipulatrice, qui jouait le jeu. En lisant les mails que j’adressais à son double, elle a dû me mépriser. En fait, je ne lui avais pas tout raconté de mon activité frénétique sur le site… Finis nos verres, on plie bagage et chacun dans sa direction. Adieu Mandragore » (Minghini, 2008 : 110). Cette scène prouve qu’un jeu pervers en même temps qu’une véritable paranoïa peuvent facilement s’instaurer avec les TIC ; et que chacun est dupe à tour de rôle dans ce poker menteur que constitue souvent la « drague en ligne ». Ce travestissement est précisément appelé un fake, et il peut aussi consister à poster en ligne une fausse fiche, afin de piéger des Internautes contre qui on nourrit une rancœur.

    37Dès 2005, Lewis Wingrowe expliquait dans Des Souris et un homme combien la rationalisation liée aux outils informatiques pouvait permettre un « rendement optimal » dans le processus de séduction. Car les sites de rencontres entérinent une tendance pragmatique et même cynique à « l’industrialisation de la drague ».

    38Récemment, des œuvres mineures, mises en forme romancées de retours d’expériences, ont apporté de l’eau au moulin de l’industrialisation et de la désillusion généralisée semblant présider à ces relations virtuelles telles qu’elles se nouent sur les sites de rencontres. Ainsi, les auteurs de Jamais le premier soir (2011) et de Misère-sexuelle.com (2013), relatent leurs (més)aventures sentimentales et sexuelles. « Consommant » massivement des relations, Arno Clair et Stéphane Rose, leurs auteurs, vont de plaisirs (d) étonnants et de « one shots » en déceptions, d’expérimentations sexuelles déroutantes (fétichisme au débotté et « exhibs webcam ») et ces « parcours du combattant sexuel » sont racontés avec distance, humour et second degré. Eux aussi décrivent la frénésie à chatter avec des inconnues dont les contours sont souvent ceux de fantômes fantasmatiques ; et eux aussi confessent confusément chercher l’amour, par-delà le cumul de ces aventures.

    Mise en perspective de ces œuvres

    39Au final, quelles sont les tendances qui se repèrent à la lecture de ces différentes œuvres, disparates en apparence, et dont la cohérence tient à la thématique générale ?

    40Tout d’abord, il y a dans cette source d’inspiration la résurgence de la tradition littéraire épistolaire, qui ressurgit au cœur de la modernité technologique. Car l’intégralité de ces œuvres assure le primat du texte. Avant d’obtenir un rendez-vous, il faut préalablement s’écrire – les photos seules ne sont pas suffisantes –, éveiller l’attention, susciter le désir, donner envie à la personne d’entamer une relation épistolaire, pour commencer. Ces relations se caractérisent par une textualité frénétique et débridée, mais néanmoins toujours orientée d’un point de vue socioculturel. Les interlocuteurs parlent des livres qu’ils ont lus, des films qu’ils ont vus, des sorties culturelles qu’ils ont faites, ils mettent joliment en mots leurs espoirs, leurs fantasmes, leurs aspirations. Le principe des affinités socioculturelles régit ces relations sentimentales numérisées et fait que même derrière l’écran, l’amour n’est jamais aveugle. Or, les mots sont d’imparables marqueurs sociologiques.

    41A propos de ces écrits, on perçoit un « néoromantisme technologique » qui prend sa source dans la qualité de l’écriture des interlocuteurs (ou plutôt des inter-scripteurs), parfois poétique, souvent soignée sur le plan orthographique. Mais on perçoit aussi un pragmatisme froid et même un cynisme totalement assumé, avec une hyper-rationalisation des techniques de drague sur Internet (adaptation du discours aux « cibles », cartographie de la vie des interlocutrices, tableaux Excel des « performances » et caractéristiques des personnes rencontrées…).

    42En tout cas, la plupart de ces œuvres prennent acte du fait qu’on est passé de « l’amour fou », romantique à « l’amour flou » postmoderne. Ces nouveaux paradigmes nés de la Toile autorisent des alternatives hédonistes au couple institué.

    43Il y a dans ces œuvres une qualification permanente de la relation, une interrogation de sa définition, de ses contours et de sa finalité. Et un retour constant du corps qui, à la manière du refoulé en psychanalyse, surgit par l’intermédiaire d’échanges de photos, et avant cela, de descriptions largement fantasmées. Le corps est bien là sur Internet, pressant à défaut d’être présent. En tout cas, se trouvent redessinés les contours de la relation qui se compose, à parts égales de sentiment amoureux, de désir, et de jeu avec les identités, mises en suspens grâce aux TIC ; avec un horizon espéré et redouté à la fois, celui de la rencontre IRL.

    En guise de conclusion…

    44Aimer « s’écrire » (écrire à autrui mais aussi se mettre soi-même en mots, en récit et en narration) institue la présence de l’absence. Bien avant Internet, Franz Kafka affirmait dans Lettre à Miléna que « la grande facilité d’écrire des lettres doit avoir introduit dans le monde – d’un point de vue purement théorique – un terrible désordre des âmes : c’est un commerce avec des fantômes, non seulement celui du destinataire, mais encore avec le sien propre ».

    45En clair, toutes les œuvres dont il a été question dans ces pages posent des questions profondes, car elles (s’)interrogent sur la définition même de l’amour, mais aussi sur ses conditions historiques et ses modalités technologiques. Il y a la transcendance de l’amour comme sentiment universel, et ses contingences, aussi. Or, on aime toujours comme une époque nous y autorise, et une époque, c’est un corpus de (contre-) valeurs, et des techniques, des médias. Eh bien le xxie siècle a vu monter en puissance des « dispositifs socio-techniques » qui reconfigurent durablement les possibilités de faire couple.

    46Retour conclusif au cinéma, puisqu’il en a beaucoup été question dans ces pages. Et faisons un pas de côté, en évoquant non plus les sites de rencontres et la virtualité des échanges, mais le speed-dating. En 2007, le réalisateur Jean-Marc Boutout signait, avec sa Fabrique des sentiments, une belle réflexion sur le célibat contemporain et la difficulté de plus en plus grande de la rencontre amoureuse, pourtant rationalisée et industralisée par lesdits speed-dating et sites de rencontres. Son héroïne, Eloïse (incarnée par Elsa Zylberstein), est une brillante notaire parisienne ayant « tout pour elle » (selon l’expression consacrée), et qui cherche l’amour, un peu désenchantée. Des rencontres, des désillusions… Et puis l’épilogue du film nous montre Eloïse, « quelques années plus tard ». Elle a un compagnon (rencontré lors d’une séance de speed-dating et choisi faute de mieux) et deux enfants, ayant donc accédé à ce qu’elle désirait ardemment : une famille. Tableau d’un bonheur (apparent) enfin atteint, comme un havre. Mais, dernière séquence du film, Eloïse quitte la table du dîner, elle s’assoit devant son ordinateur et… se met à chatter sur un site de rencontres pour célibataires, un sourire aux lèvres. On perçoit très distinctement tout cela, sur le grand écran auquel elle fait face. Eloïse, bien qu’elle ait atteint son but – un couple, des enfants – replonge et révèle sa nature « rencontrophage » : vertige de la séduction, tournis de son image dans des yeux nouveaux, frisson des premières fois, magie de la découverte ; vertige, finalement, de l’amour, et célébration d’un Cupidon espiègle et jamais très loin, tapi derrière les conventions, caché derrière les habitudes et ce quotidien que l’on pensait magique, tant qu’on le désirait, tant on le désirait… Un pied de nez freudien clôt ce film sociologique : peut-être que finalement, « le désir est toujours à côté de son objet » ; et puisque l’époque met à disposition des techniques de rencontre qui excitent les sens et flattent l’instinct de séduction, séduisons, en sept minutes, ou en boucle et en réseau. La toute dernière scène du film montre Eloïse s’asseyant souriante dans un café, devant un inconnu rencontré sur Internet. L’histoire ne dit pas si elle quittera son mari, ou si elle se fera prendre à terme, à chatter indument.

    47En tout cas, littérature et cinéma mettent des mots et des images sur des émotions ressenties par les millions de célibataires « draguant » en ligne, avec des attentes et des espoirs disparates et convergents : trouver l’amour, confusément… Comme nous le confiait une Internaute adepte de ces sites, sur Internet, « on trouve toujours l’amour, mais pas toujours l’amour qu’on cherche ». Pour autant, « l’échange en ligne est un vrai échange, une vraie histoire. Les émotions ressenties sont bien réelles, et peuvent être intenses, à leur manière. Elles s’étiolent cependant quand l’Internaute a conscience qu’il n’y aura jamais aucune suite concrète, que tout cela restera des mots sur un écran, du pur imaginaire, du pas vrai » (Kaufmann, 2010 : 39).

    48Littérature, cinéma… Et chanson, pour finir. En 2007, le chanteur français Calogero fredonnait dans Pomme C, « Un peu d’amour, copié-collé, Un peu d’amour, pomme c, Un peu d’amour téléchargé, Un peu d’amour à sauver… Mais l’amour n’est pas virtuel… ». Et pourtant, au terme du parcours, ce que nous prouvent les œuvres citées dans ces pages, c’est que l’amour, quand même, s’accommode fort bien des mots, des fantasmes, des rêves, de l’imagination, de l’attente. En clair, ce sentiment, qui est le plus puissant, le plus incarné et le plus charnel qui soit, a aussi exploré et anticipé la virtualité dans ce qu’elle a de plus ultime, bien avant l’émergence technologique du virtuel. Mais l’amour n’est pas à un paradoxe près…

    Bibliographie

    Des DOI sont automatiquement ajoutés aux références bibliographiques par Bilbo, l’outil d’annotation bibliographique d’OpenEdition. Ces références bibliographiques peuvent être téléchargées dans les formats APA, Chicago et MLA.

    Format

    • APA
    • Chicago
    • MLA
    Illouz, E. (2006). Réseaux amoureux sur Internet. Réseaux, 138(4), 269. https://doi.org/10.3917/res.138.0269
    PARMENTIER, M. (2011). Philosophie des sites de rencontres. Hermès, 59, , [ p.]. https://doi.org/10.4267/2042/45358
    PARMENTIER, M. (2011). Philosophie des sites de rencontres. Hermès, 59, , [ p.]. https://doi.org/10.4267/2042/45358
    Illouz, Eva. “Réseaux amoureux sur Internet”. Réseaux 138, no. 4 (2006): 269. https://doi.org/10.3917/res.138.0269.
    PARMENTIER, Marc. “Philosophie Des Sites De Rencontres”. Hermès, no. 59 (2011): , [ p.]. https://doi.org/10.4267/2042/45358.
    PARMENTIER, Marc. “Philosophie Des Sites De Rencontres”. Hermès, no. 59 (2011): , [ p.]. https://doi.org/10.4267/2042/45358.
    Illouz, Eva. “Réseaux amoureux sur Internet”. Réseaux, vol. 138, no. 4, 2006, p. 269. Crossref, https://doi.org/10.3917/res.138.0269.
    PARMENTIER, Marc. “Philosophie Des Sites De Rencontres”. Hermès, no. 59, 2011, p. , [ p.]. Crossref, https://doi.org/10.4267/2042/45358.
    PARMENTIER, Marc. “Philosophie Des Sites De Rencontres”. Hermès, no. 59, 2011, p. , [ p.]. Crossref, https://doi.org/10.4267/2042/45358.

    Cette bibliographie a été enrichie de toutes les références bibliographiques automatiquement générées par Bilbo en utilisant Crossref.

    Références bibliographiques

    Alberoni F., Le Choc amoureux. Recherches sur l’état d’amour naissant, Paris, 1981.

    Bruckner P., Le Paradoxe amoureux, Paris, Grasset, 2009.

    Chaumier S., La Déliaison amoureuse. De la fusion romantique au désir d’indépendance, Armand Paris, Colin, 1999 (réédition Payot, Paris, 2004).

    Civin M., Psychanalyse du Net, Paris, Hachette Littérature, 2000.

    Clair A., Jamais le premier soir. Rencontres sur la toile, Paris, Le Seuil, 2011.

    Glattauer D., Quand souffle le vent du nord, Paris, Grasset, 2010.

    Houellbecq M., Extension du domaine de la lutte, Paris, Maurice Nadeau, 1994.

    Illouz E., Les Sentiments du capitalisme, Paris, Le Seuil, 2006.

    10.3917/res.138.0269 :

    Illouz E., « Réseaux amoureux sur Internet », Réseaux, no 138, 2006/4, p. 269-272.

    Lardellier P., Le cœur Net. Célibat et amours sur le Web, Paris, Belin, 2004.

    Kaufmann J.-C., Sex@mour, Paris, Armand Colin, 2010.

    Lardellier P., « De la consommation sentimentale et sexuelle de masse à l’ère d’Internet », dans Jacques Marquet, Christophe Janssen (dir.), @mours virtuelles. Conjugalité et Internet, Louvain-la-Neuve, Academia-Bruylandt, 2009.

    Lardellier P., « Vertiges de “l’hyper-ception”. Des sens, du corps et des rapports amoureux à l’ère d’Internet », dans Alain MONS (dir.), La Transition du sensible, Bordeaux, Presses Universitaires de Bordeaux, 2012.

    Lardellier P., « De la monogamie au « polygaming ». Le « papillonnage numérique, nouveau paradigme sentimentalo-sexuel », Sociologie et sociétés, numéro « L’amour et la sociologie », Chiara Piazzesi (dir.), vol. 46, no 1, Montréal, 2014, p. 103-124.

    Leleu P., Sexualité et Internet, Paris, L’Harmattan, 1997.

    Marquet J., Janssen C. (dir.), @ mours virtuelles. Conjugalité et Internet, Louvain-la-Neuve, Academia-Bruylandt, 2009.

    Minghini G., Fake, Paris, Allia, 2008.

    10.4267/2042/45358 :

    Parmentier M., « Philosophie des sites de rencontres », Hermès, no 59, CNRS éditions, 2011, p. 173-178

    10.4267/2042/45358 :

    Parmentier M., Philosophie des sites de rencontres, Paris, Ellipses, 2011.

    Ricoeur P., Temps et récits III, Le temps raconté, Paris, Le Seuil, 1985.

    Rilke R. M., Lettres à une musicienne, Paris, Calmann-Lévy, 2000.

    Stendhal, De l’Amour, Paris, Gallimard, 1989.

    Turkle S., Life on the screen. Identity at the age of the Internet, Simon and Shuster, 1995.

    Zlitni S., Lienard F., Dula D., Crumiere Ch., Communication électronique, cultures et identités, Mont-Saint-Aignan, éditions Klog, 2014.

    Enquêtes

    Enquête TNS Sofres, « La vie privée des Français », pour Microsoft, Baromètre « Enjeux numériques », mai 2010.

    Enquête CSA, « L’amour sur Internet », étude no 1001575, Baromètre Orange/Terrafemina, novembre 2010.

    Enquête IFOP, « Les Français et les sites de rencontre », réalisée pour Femme actuelle, 2012.

    Films et documentaires

    Salwen Hal, Denise au téléphone, 1995.

    Ephron Nora, Vous avez un message, 1999.

    Labadie Valérie, de Rosière Hugues, réalisé par François Ducas, Nord-Sud.com, 2008.

    Moutout Jean-Marc, La Fabrique des sentiments, 2007.

    Renders Pierre-Paul, Thomas est amoureux, 2000.

    Villacèque Anne, E-love, 2010

    Notes de bas de page

    1 « Bienvenue à l’homme nouveau », propos recueillis par Elisabeth Lévy, Le Point no 2074 du 14 juin 2012, p. 100.

    2 Par cette locution, nous entendions dès 2004 (bibliographie) la nébuleuse des sites de rencontres, dans toute leur diversité thématique.

    3 « Ex », conjoint, etc. Nous y reviendrons plus loin en évoquant le roman éponyme…

    4 Ou apparentés, cf. le statut ambivalent « c’est compliqué » sur Facebook.

    5 Les Réseaux du cœur. Sexe, amour et séduction sur Internet, 2012.

    6 C’est ce que relevait Eva Illouz dans Les Sentiments du capitalisme (2006).

    Auteur

    • Pascal Lardellier

      Professeur des universités, Sciences de l’information et de la communication
      CIMEOS 3S et Propedia (Groupe IGS, Paris), Université de Bourgogne, Dijon
      pascal.lardellier@u-bourgogne.fr

    Précédent Suivant
    Table des matières

    Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

    Voir plus de livres
    L'Asie-monde

    L'Asie-monde

    Chroniques sur l'Asie et le Pacifique 2002-2011

    Jean-François Sabouret (dir.)

    2011

    La Turquie au Moyen-Orient

    La Turquie au Moyen-Orient

    Le retour d’une puissance régionale ?

    Dorothée Schmid (dir.)

    2011

    The Asian side of the world

    The Asian side of the world

    Editorials on Asia and the Pacific 2002-2011

    Jean-François Sabouret (dir.)

    2012

    L'Asie-Monde - II

    L'Asie-Monde - II

    Chroniques sur l'Asie et le Pacifique 2011-2013

    Jean-François Sabouret (dir.)

    2015

    The Asian side of the world - II

    The Asian side of the world - II

    Chronicles of Asia and the Pacific 2011-2013

    Jean-François Sabouret (dir.)

    2015

    Le Président de la Ve République et les libertés

    Le Président de la Ve République et les libertés

    Xavier Bioy, Alain Laquièze, Thierry Rambaud et al. (dir.)

    2017

    De la volatilité comme paradigme

    De la volatilité comme paradigme

    La politique étrangère des États-Unis vis-à-vis de l'Inde et du Pakistan dans les années 1970

    Thomas Cavanna

    2017

    L'impossible Présidence impériale

    L'impossible Présidence impériale

    Le contrôle législatif aux États-Unis

    François Vergniolle de Chantal

    2016

    La révolution néolithique dans le monde

    La révolution néolithique dans le monde

    Jean-Paul Demoule (dir.)

    2010

    Sous les images, la politique…

    Sous les images, la politique…

    Presse, cinéma, télévision, nouveaux médias (xxe-xxie siècle)

    Isabelle Veyrat-Masson, Sébastien Denis et Claire Secail (dir.)

    2014

    Pratiquer les frontières

    Pratiquer les frontières

    Jeunes migrants et descendants de migrants dans l’espace franco-maghrébin

    Françoise Lorcerie (dir.)

    2010

    Les rhétoriques de la conspiration

    Les rhétoriques de la conspiration

    Emmanuelle Danblon et Loïc Nicolas (dir.)

    2010

    Voir plus de livres
    1 / 12
    L'Asie-monde

    L'Asie-monde

    Chroniques sur l'Asie et le Pacifique 2002-2011

    Jean-François Sabouret (dir.)

    2011

    La Turquie au Moyen-Orient

    La Turquie au Moyen-Orient

    Le retour d’une puissance régionale ?

    Dorothée Schmid (dir.)

    2011

    The Asian side of the world

    The Asian side of the world

    Editorials on Asia and the Pacific 2002-2011

    Jean-François Sabouret (dir.)

    2012

    L'Asie-Monde - II

    L'Asie-Monde - II

    Chroniques sur l'Asie et le Pacifique 2011-2013

    Jean-François Sabouret (dir.)

    2015

    The Asian side of the world - II

    The Asian side of the world - II

    Chronicles of Asia and the Pacific 2011-2013

    Jean-François Sabouret (dir.)

    2015

    Le Président de la Ve République et les libertés

    Le Président de la Ve République et les libertés

    Xavier Bioy, Alain Laquièze, Thierry Rambaud et al. (dir.)

    2017

    De la volatilité comme paradigme

    De la volatilité comme paradigme

    La politique étrangère des États-Unis vis-à-vis de l'Inde et du Pakistan dans les années 1970

    Thomas Cavanna

    2017

    L'impossible Présidence impériale

    L'impossible Présidence impériale

    Le contrôle législatif aux États-Unis

    François Vergniolle de Chantal

    2016

    La révolution néolithique dans le monde

    La révolution néolithique dans le monde

    Jean-Paul Demoule (dir.)

    2010

    Sous les images, la politique…

    Sous les images, la politique…

    Presse, cinéma, télévision, nouveaux médias (xxe-xxie siècle)

    Isabelle Veyrat-Masson, Sébastien Denis et Claire Secail (dir.)

    2014

    Pratiquer les frontières

    Pratiquer les frontières

    Jeunes migrants et descendants de migrants dans l’espace franco-maghrébin

    Françoise Lorcerie (dir.)

    2010

    Les rhétoriques de la conspiration

    Les rhétoriques de la conspiration

    Emmanuelle Danblon et Loïc Nicolas (dir.)

    2010

    Accès ouvert

    Accès ouvert freemium

    ePub

    PDF

    PDF du chapitre

    Suggérer l’acquisition à votre bibliothèque

    Acheter

    Édition imprimée

    • amazon.fr
    • decitre.fr
    • mollat.com
    • leslibraires.fr
    • placedeslibraires.fr
    ePub / PDF

    1 « Bienvenue à l’homme nouveau », propos recueillis par Elisabeth Lévy, Le Point no 2074 du 14 juin 2012, p. 100.

    2 Par cette locution, nous entendions dès 2004 (bibliographie) la nébuleuse des sites de rencontres, dans toute leur diversité thématique.

    3 « Ex », conjoint, etc. Nous y reviendrons plus loin en évoquant le roman éponyme…

    4 Ou apparentés, cf. le statut ambivalent « c’est compliqué » sur Facebook.

    5 Les Réseaux du cœur. Sexe, amour et séduction sur Internet, 2012.

    6 C’est ce que relevait Eva Illouz dans Les Sentiments du capitalisme (2006).

    L'Homme-trace

    X Facebook Email

    L'Homme-trace

    Ce livre est cité par

    • (2019) The Ritual Institution of Society. DOI: 10.1002/9781119508786.refs
    • (2020) The Trace Factory. DOI: 10.1002/9781119723189.refs
    • (2021) Performing Arts and Digital Humanities. DOI: 10.1002/9781119855569.refs
    • Galinon-Mélénec, Béatrice. (2017) Springer Proceedings in Complexity First Complex Systems Digital Campus World E-Conference 2015. DOI: 10.1007/978-3-319-45901-1_36
    • デュテイユ=オガタ, ファビエンヌ. 敦, 三浦. シュシェ, アンドレ. (2022) YouTubeからInstagramへ. Staps, n° 129. DOI: 10.3917/sta.129ja.0001
    • Duteil-Ogata, Fabienne. Miura, Atsushi. Suchet, André. (2020) Des vidéos YouTube à Instagram. Le corps des jeunes à l’ère du numérique, engagement et re-présentations. Staps, n° 129. DOI: 10.3917/sta.129.0005

    L'Homme-trace

    Ce livre est diffusé en accès ouvert freemium. L’accès à la lecture en ligne est disponible. L’accès aux versions PDF et ePub est réservé aux bibliothèques l’ayant acquis. Vous pouvez vous connecter à votre bibliothèque à l’adresse suivante : https://freemium.openedition.org/oebooks

    Suggérer l’acquisition à votre bibliothèque Acheter ce livre aux formats PDF et ePub

    Si vous avez des questions, vous pouvez nous écrire à access[at]openedition.org

    L'Homme-trace

    Vérifiez si votre bibliothèque a déjà acquis ce livre : authentifiez-vous à OpenEdition Freemium for Books.

    Vous pouvez suggérer à votre bibliothèque d’acquérir un ou plusieurs livres publiés sur OpenEdition Books. N’hésitez pas à lui indiquer nos coordonnées : access[at]openedition.org

    Vous pouvez également nous indiquer, à l’aide du formulaire suivant, les coordonnées de votre bibliothèque afin que nous la contactions pour lui suggérer l’achat de ce livre. Les champs suivis de (*) sont obligatoires.

    Veuillez, s’il vous plaît, remplir tous les champs.

    La syntaxe de l’email est incorrecte.

    Référence numérique du chapitre

    Format

    Lardellier, P. (2015). Un parcours littéraire et cinématographique. In B. Galinon-Melenec, S. Zlitni, & F. Liénard (éds.), L’Homme-trace (1‑). CNRS Éditions. https://doi.org/10.4000/books.editionscnrs.25588
    Lardellier, Pascal. « Un parcours littéraire et cinématographique ». In L’Homme-trace, édité par Béatrice Galinon-Melenec, Sami Zlitni, et Fabien Liénard. Paris: CNRS Éditions, 2015. https://doi.org/10.4000/books.editionscnrs.25588.
    Lardellier, Pascal. « Un parcours littéraire et cinématographique ». L’Homme-trace, édité par Béatrice Galinon-Melenec et al., CNRS Éditions, 2015, https://doi.org/10.4000/books.editionscnrs.25588.

    Référence numérique du livre

    Format

    Galinon-Melenec, B., Zlitni, S., & Liénard, F. (éds.). (2015). L’Homme-trace (1‑). CNRS Éditions. https://doi.org/10.4000/books.editionscnrs.25549
    Galinon-Melenec, Béatrice, Sami Zlitni, et Fabien Liénard, éd. L’Homme-trace. Paris: CNRS Éditions, 2015. https://doi.org/10.4000/books.editionscnrs.25549.
    Galinon-Melenec, Béatrice, et al., éditeurs. L’Homme-trace. CNRS Éditions, 2015, https://doi.org/10.4000/books.editionscnrs.25549.
    Compatible avec Zotero Zotero

    1 / 3

    CNRS Éditions

    CNRS Éditions

    • Mentions légales
    • Plan du site
    • Se connecter

    Suivez-nous

    • Facebook
    • X
    • Flux RSS

    URL : http://www.cnrseditions.fr

    Email : cnrseditions@cnrseditions.fr

    Adresse :

    15 rue Malebranche

    75005

    Paris

    France

    OpenEdition
    • Candidater à OpenEdition Books
    • Connaître le programme OpenEdition Freemium
    • Commander des livres
    • S’abonner à la lettre d’OpenEdition
    • CGU d’OpenEdition Books
    • Accessibilité : partiellement conforme
    • Données personnelles
    • Gestion des cookies
    • Système de signalement