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Les sens du Halal

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Florence Bergeaud-Blackler

Première partie. Le halal comme espace normatif

Les vicissitudes de l’application d’une norme de bien-être animal en abattage rituel

François Hochereau et Adel Selmi

Texte intégral

Introduction

  • 1 Florence Bergeaud-Blackler, “Animal Right Movements and Ritual Slaughter : Autopsy of a Moribund C (...)
  • 2 Directive communautaire 93/119/CE du conseil du 22 décembre 1993 sur la protection des animaux au (...)

1S’il est un domaine où le Halal a connu une médiatisation particulière, dépassant de loin le cadre de la communauté musulmane, c’est celui de la polémique autour du développement de l’abattage rituel. Faisant suite à un reportage en 2012 du magazine de France 2 Envoyé spécial sur les abattoirs français, de nombreuses critiques se sont élevées contre ce mode d’abattage sans étourdissement préalable des animaux. Traditionnellement plus discrètes sur la protection des animaux en abattoir, les associations de défense des animaux vont ainsi se montrer plus virulentes en agissant sur le registre émotionnel de la vision d’images d’animaux égorgés pour stigmatiser des pratiques rituelles jugées rétrogrades et douloureuses pour les animaux1. En effet, si depuis 1993, la réglementation européenne en matière d’abattage impose un tel étourdissement, pour « épargner aux animaux toute douleur ou souffrance évitable au moment de la saignée »2, le culte musulman (comme juif) bénéficie d’une dérogation qui l’en dispense. L’abattage rituel exige dans ces deux religions que l’animal reste conscient lors de sa mise à mort (et donc non étourdi).

  • 3 Le Figaro et Le Monde datés du 10 juin 2010
  • 4 Ce décalage sera toujours d’actualité trois ans plus tard dans un rapport de l’Agence nationale de (...)
  • 5 Le rapport du Comité permanent de coordination des inspections (Coperci) réalisé à la demande des (...)

2Or, en 2010, un regroupement d’associations de protection animale avait adressé une lettre ouverte au président de la République pour dénoncer le fait que « l’abattage sans étourdissement préalable tendait à devenir la norme pour certaines espèces (ovines et même bovines) »3, induisant là une régression notoire en matière de protection animale au regard des connaissances scientifiques4 acquises sur les douleurs animales. Il appuyait ses dires par un rapport de l’administration française qui concluait d’un développement d’un abattage rituel qui va bien au-delà de la consommation halal surtout en ovin (80 % de l’abattage) mais aussi en bovin, ceci pour des raisons essentiellement économiques mais aussi pratiques5.

  • 6 Un nouveau règlement européen (CE) no 1099/2009 sur la protection des animaux au moment de leur mi (...)
  • 7 Arrêté du 28 décembre 2011 relatif aux conditions d’autorisation des établissements d’abattage à d (...)
  • 8 Arrêté du 31 juillet 2012 relatif aux conditions de délivrance du certificat de compétence concern (...)
  • 9 Entré en vigueur le 1er janvier 2006, le Paquet Hygiène ou « Food Law » vise à harmoniser le nivea (...)

3Sous la pression sociétale, mais aussi dans la perspective de l’harmonisation européenne des pratiques d’abattage au regard de la protection animale6, la France va renforcer sa législation pour encadrer plus fortement l’abattage sans étourdissement. Deux arrêtés successifs (28 décembre 20117 et 31 juillet 20128) vont imposer une traçabilité plus forte des viandes abattues, afin de limiter toute généralisation intempestive, mais aussi une professionnalisation accrue de ce mode d’abattage. L’abattage halal se voit ainsi mis sous pression entre le respect de principes religieux ancestraux, le développement peu maîtrisé du halal dans la filière d’abattage et le renforcement des réglementations sanitaires et protection animale. Il se trouve aujourd’hui à un carrefour stratégique au regard de ces exigences éthiques, économiques et réglementaires sous la contrainte du principe de traçabilité « de la fourche à la fourchette » qui régit depuis 2006 les filières agroalimentaires, au travers du paquet Hygiène9.

4Nous nous proposons dans ce texte de revenir sur la structuration du « champ du halal » au rythme des controverses sur l’étourdissement des animaux à l’abattage et des réglementations qui en découlent en matière de protection animale. Cela nous conduit à détailler les controverses autour de l’étourdissement des animaux avant leur mise à mort au travers de l’encadrement réglementaire de l’abattage rituel. Nous expliciterons alors les modalités d’application des arrêtés du 28 décembre 2011 et du 31 juillet 2012, tant sur le registre économique (traçabilité des flux d’animaux), pratique et technique des manières de tuer les animaux que cognitif par la certification des compétences requises pour ce faire. Outre une recension d’archives et de documents divers, notre enquête réalisée durant l’été 2013 s’est appuyée sur des entretiens ciblés sur les parties prenantes de l’abattage halal (pouvoirs publics, scientifiques, certificateurs, industriels, consommateurs, associations de protection animale).

La structuration progressive du « champ du halal » par la réglementation sur l’abattage

  • 10 Nous pouvons citer à ce titre, le Codex Alimentarius sur la définition des aliments halal. In Code (...)
  • 11 Décret no 64-334 du 16 avril 1964 sur la protection de certains animaux domestiques et conditions (...)
  • 12 Le droit à la liberté de religion, reconnu de longue date et entériné par l’article 9 de la conven (...)

5Au niveau international, un certain nombre de textes donnent des définitions relatives au caractère rituel des aliments et au caractère halal10. Ils pointent notamment le fait que l’animal doit être vivant ou réputé vivant au moment de l’abattage. Or, suite à la généralisation des méthodes d’étourdissement en abattoir en France, à partir des années 6011, la question se pose de l’acceptabilité de cet étourdissement par le rite musulman. Pour éviter d’aborder de front la question, le législateur va lui accorder un statut d’exception comme dans la plupart des pays européens12.

  • 13 Décret no 80-791 du 1er octobre 1980, abrogé par Décret no 97-903 du 1er octobre 1997.
  • 14 Institution créée en 1808 par Napoléon Ier pour administrer le culte israélite en France, sur le m (...)
  • 15 Arrêté du 1er juillet 1982.

6À l’origine, les préoccupations de l’État français concernant l’abattage halal visent au départ à éradiquer l’abattage clandestin pour des raisons sanitaires13. Elles vont chercher ensuite à spécifier son cadre d’exercice par une procédure d’agrément des sacrificateurs. Cet encadrement va d’abord s’appliquer au kasher car il existe de longue date un Consistoire central israélite de France14 qui, en tant qu’institution représentative de la religion juive, devient l’autorité légitime pour habiliter les sacrificateurs juifs (shoshet)15, mais ce sont les préfectures qui accordent des autorisations ponctuelles à certains bouchers ou restaurateurs halal d’abattre leurs animaux en abattoir, du fait de l’absence d’une instance religieuse faisant autorité en la matière.

  • 16 Directive communautaire 93/119/CE du conseil du 22 décembre 1993 sur la protection des animaux au (...)

7Il faut attendre 1993 à la suite de la création du marché unique européen (1992) pour qu’une véritable tentative d’harmonisation des processus d’abattage et une traçabilité des produits carnés se mettent en place. Comme le souligne Florence Bergeaud-Blacker (2008), le premier objectif de la directive communautaire du 22 décembre 199316, qui systématise l’étourdissement des animaux avant abattage, est « avant tout économique pour que les mesures prises pour la santé et la protection des animaux n’agissent pas comme des barrières techniques aux échanges » (ibid. : 108). L’enjeu est bien plus de parvenir à une libre concurrence en harmonisant autant que possible les pratiques d’abattage, que de veiller à la protection animale.

  • 17 Article 2 de la directive 93/119/CE. Cette autorité religieuse opère pour les dites dispositions s (...)
  • 18 Projet de proposition de règlement (CEE) COM (91) 136 sur la protection des animaux au moment de l (...)
  • 19 La Conférence des rabbins européens a défendu l’absence d’étiquetage, pour des raisons politiques, (...)

8La dérogation accordée à l’abattage rituel est alors conditionnée par l’existence d’une autorité compétente responsable du contrôle de son application17. Au départ, le projet initial de la directive 93 prévoyait une traçabilité et un étiquetage des produits issus de l’abattage rituel à l’attention des consommateurs finaux18. Mais cette disposition soulève la réprobation de la Conférence des rabbins européens qui parviennent, aux termes d’intenses négociations, à faire amender le texte argumentant du risque que cet étiquetage fait peser sur les filières rituelles19. Les attendus en matière d’abattage rituel qui vont finalement subsister dans la directive finale se résument à veiller à ce qu’une « autorité religieuse » soit responsable de l’application du rite et notamment de l’agrément des sacrificateurs.

  • 20 Première mosquée construite en France métropolitaine, pour rendre hommage aux 70 000 morts de conf (...)
  • 21 Arrêté du 15 décembre 1994 relatif à l’agrément d’un organisme religieux habilitant des sacrificat (...)
  • 22 Dès les années 1980, l’industrie d’abattage et le négoce misent sur le Halal comme « marché de dég (...)
  • 23 Arrêtés du 27 juin 1999 d’organismes religieux habilitant des sacrificateurs rituels.

9La directive 93 relance donc la nécessité d’une autorité musulmane qui serait en charge de superviser le contrôle de l’abattage rituel halal. L’Éat s’adresse donc à la Mosquée de Paris qui constitue un interlocuteur historique en matière de religion musulmane20 et prépare la rédaction d’un décret sur le modèle de la « cacherout juive » avec un accord d’exclusivité entre les abattoirs français et la Mosquée de Paris21. À peine signé, il est immédiatement dénoncé par les industriels français de l’abattage22, soucieux de préserver une marge de manœuvre en diversifiant les autorités religieuses compétentes. Cela conduit l’État à accréditer deux autres mosquées : les Grandes mosquées de Lyon et d’Évry23.

10Si la législation sur l’abattage rituel va permettre un développement accéléré de l’abattage et du marché halal, l’information fournie au consommateur sur le mode d’abattage et la garantie d’un produit halal comme non halal s’avère problématique (Bergeaud-Blackler, 2004a). Les modalités d’application de la dérogation à l’étourdissement restant cependant imprécises, ce sont les abattoirs eux-mêmes qui en définissent les conditions sans véritable contrôle des services de l’État (Dunoyer, 2008). Dans les faits, ils ne se donnent pas la peine d’anticiper avec précision les débouchés en circuit halal ; elles abattent un tonnage supérieur à ce qui peut être écoulé, les surplus étant dirigés vers les circuits conventionnels (Bergeaud-Blackler, 2006). Cela induit un problème de cohérence réglementaire puisque la viande distribuée aux consommateurs non musulmans devrait être abattue avec étourdissement. Pour les associations de protection animale, ces consommateurs ne bénéficient plus de la garantie apportée par la réglementation d’épargner à l’animal toute douleur ou souffrance évitable.

  • 24 Règlement no 1099/2009 du 24 septembre 2009 sur la protection des animaux au moment de leur mise à (...)
  • 25 Lettre de l’association ASIDCOM du 8 mars 2010 à l’attention du Président de la Commission Europée (...)

11Au nom du Consommateur, elles vont donc relancer le débat au niveau européen sur l’étiquetage systématique des viandes halal et l’exemption d’étourdissement accordée à l’abattage rituel (Bergeaud-Blackler, 2004b). Le lobbying de ces associations conduit la commission européenne à lancer en 2006 le projet Dialrel (« Dialogue sur les abattages religieux ») en cherchant à associer les différentes parties prenantes (communautés religieuses, expertises vétérinaires et scientifiques, association de défense des animaux). Il s’agit en fait de proposer des voies d’amélioration du bienêtre animal en abattage rituel dans la perspective de l’application du prochain règlement européen sur l’abattage des animaux24. Les recommandations concernent la conduite des animaux et leur immobilisation pour améliorer l’acte d’abattage et le bien-être animal, les conditions d’une bonne saignée des animaux par l’aiguisage et le choix du couteau et la connaissance de la physiologie de l’animal, et enfin la reconnaissance des signes d’inconscience ou de perte de conscience chez les animaux (Dialrel, 2010). Le projet conclut cependant que l’absence d’étourdissement pre mortem accentue les souffrances animales, ce qui provoque la contestation d’un certain nombre d’acteurs-consommateurs halal qui s’élèvent contre le parti pris du groupe de travail en faveur de l’étourdissement et l’absence de dialogue avec les différentes parties prenantes25.

La controverse sur l’étourdissement des animaux en abattage rituel

  • 26 La première condition pour que l’abattage de l’animal soit Halal est que l’animal soit vivant avan (...)
  • 27 La religion musulmane n’ayant pas de clergé et donc de hiérarchie centralisée, différents muftis p (...)
  • 28 Le Conseil Islamique du Fiqh de l’Organisation de la Conférence Islamique et le savant Muhammad al (...)
  • 29 Le Conseil permanent de la recherche et de la fatwa de Riyad tout comme le Conseil Islamique du Fi (...)

12Un des points centraux de la controverse réside donc dans la compatibilité de l’étourdissement (et par extension de l’abattage industriel) avec les principes de l’abattage rituel. Alors que les autorités religieuses juives se montrent intransigeantes vis-à-vis de tout compromis sur cette question, la position du culte musulman est au départ plus diversifiée. Pour les uns, tout mode d’étourdissement doit être banni, car il présente un risque de tuer l’animal avant sa mise à mort par égorgement26. D’autres mettent en avant l’accent que le Coran met sur le respect de l’animal pour adopter une attitude plus conciliante à l’égard de l’étourdissement sous réserve qu’il ne provoque pas la mort de l’animal. Cette diversité de prise de position se retrouve dans les fatwas émises sur la question27. Les fatwas qui tolèrent l’étourdissement imposent que le procédé ne provoque pas la mort avant la saignée et n’influence pas son état de santé, c’est-à-dire qu’il doit reprendre une vie normale si la saignée n’est pas exécutée28. D’autres fatwas considèrent à l’inverse que tout type d’étourdissement ne peut être toléré29.

13L’absence de consensus religieux sur la compatibilité de l’étourdissement sur l’abattage halal conduit les parties prenantes à déplacer le débat sur la réversibilité de l’étourdissement. La controverse se place alors sur le registre technique des méthodes d’étourdissement et de leurs effets sur l’animal. Il en existe trois qui sont pratiquées en abattoir (INRA, 2009 : 221-227) : la première est mécanique avec soit une perforation du cerveau soit un enfoncement de la boîte crânienne ; la seconde est électrique (électronarcose) par application d’un courant électrique ; la dernière est gazeuse par inhalation de dioxyde de carbone.

  • 30 INRA, Rapport d’expertise sur les douleurs animales, ibid., p. 222.
  • 31 « La tension appliquée doit être comprise entre 100 et 400 volts ; l’intensité du courant doit êtr (...)
  • 32 ASIDCOM (Association de Sensibilisation, d’Information et de Défense du COnsommateur Musulman) not (...)

14Les techniques d’étourdissement mécaniques ne sont pas autorisées en abattage halal (Le Coran interdit d’assommer un animal ou de le blesser), de même que les méthodes gazeuses qui sont susceptibles de causer un étouffement (par suffocation de l’animal) assimilable à une strangulation (interdit du Coran) (OMS, 1999). La controverse sur la réversibilité de l’étourdissement ne porte donc véritablement que sur la méthode électrique par électronarcose. Son efficacité pose cependant problème. Ainsi un rapport de l’INRA30 rapporte des échecs d’électronarcose, que ce soit sur les moutons suite à des problèmes de positionnement des électrodes ou de paramétrage de l’équipement, ou sur les volailles qui rétractent leurs têtes suite à des chocs électriques au moment de rentrer dans le bain, parce que leurs ailes sont plus basses que la tête ou parce que l’eau électrifiée déborde du bain. L’importance de bons réglages fait que la Ligue Islamique Mondiale l’autorise sous réserve de l’application de réglages précis du dispositif électrique (comme elle l’avait spécifiée dans un congrès sur la question de l’abattage sans étourdissement en 198531). Mais, comme l’explique un expert national sur les questions d’abattage et de bien-être animal, « si l’abattoir souhaite garantir le respect de l’abattage halal, il va diminuer l’intensité du courant32, mais cela provoque des défauts d’étourdissement et donc un mauvais respect de la réglementation en matière de protection animale à l’abattoir. D’un autre côté, si l’intensité du courant est trop puissante, l’animal risque de mourir des suites du choc électrique. »

  • 33 Mostafa Brahami, spécialiste de la jurisprudence islamique, et Fethallah Otmani, ancien porte-paro (...)

15Face à cette incertitude sur l’efficacité de l’étourdissement électrique, un certain nombre d’organismes de certification refusent l’utilisation de l’électronarcose sur les volailles, confortés en outre par des expertises musulmanes33. Ce refus n’est pas sans conséquence, comme l’illustre la récente polémique autour du transformateur de produits Halal Isla Délice :

  • 34 Cette décision fait suite à un reportage sur le marché du Halal dénonçant le fait que les poulets (...)
  • 35 http://www.saphirnews.com/Isla-Delice-AVS-les-raisons-d-un-divorce-inattendu_a15786.html.

En 2013, le certificateur halal AVS décide de ne plus travailler avec l’abattoir fournisseur d’Isla Delice (très gros fournisseur français de produits carnés halal) qui a choisi de généraliser l’étourdissement préalable à l’abattage par choc électrique (électronarcose) à toute sa production. En fait, cette pratique avait eu cours durant les quatorze années de collaboration avec AVS, mais ce dernier souhaitait l’interdire du fait des suspicions qui pèsent sur l’abattage des poulets halal34. Jean-Daniel Hertzog, patron d’Isla Delice explique qu’il n’a pas les moyens de trouver un abattoir alternatif assurant les mêmes volumes de production et qui respecte les nouvelles exigences d’AVS35.

16Au-delà de contraintes de bien-être animal, le conflit de contraintes propres à tout abattoir, pour concilier des exigences de cadence et de productivité pour des raisons économiques avec des exigences de bien-être animal lors de l’abattage, est rendu encore plus complexe avec l’intégration de contraintes rituelles. Les volailles ayant la particularité de remuer énormément, l’électronarcose permet de les contenir et de les abattre à des cadences plus élevées. Cet aspect est au cœur d’enjeux économiques déterminants, comme l’explique le directeur d’un site de transformation halal :

  • 36 Entretien repris de Felix Jourdan (2013 : 24).

« Soit vous travaillez avec des abattoirs plus petits, soit vous baissez la cadence de 20 à 25 %. Mais nous ce qu’on fait c’est qu’on travaille avec des abattoirs plus petits, parce que les gros abattoirs de poulet par exemple qui font 10 000 poulets à l’heure, on ne peut pas faire du halal. Le halal vous pouvez le faire sur des abattoirs qui ont des cadences de cinq à six mille poulets/heure. Donc, nous notre choix c’est d’aller vers des plus petits abattoirs de manière à ce que le changement soit moins important parce que les grands abattoirs de toute façon, ça les intéresse pas36. »

  • 37 Rapport de l’Académie vétérinaire de France au ministre de l’agriculture et de la pêche sur le deg (...)
  • 38 Coran, Sourate 2 : verset 173.

17Outre le risque d’abattre des animaux morts, la seconde critique adressée à l’électronarcose par certains acteurs du halal porte sur le fait que l’étourdissement entraverait la bonne effusion du sang lors de l’égorgement, de sorte que celui-ci finit par être en bonne part absorbé par les chairs. De fait, un rapport de l’académie vétérinaire pointe le risque d’une insuffisance de la saignée des animaux ou d’hémorragies dans les muscles suite au choc électrique37. Or le sang est un interdit de l’Islam, car c’est une souillure38. Cette préoccupation éthique sanitaire est mise en avant par les associations musulmanes hostiles à l’électronarcose et qui tentent ainsi de l’argumenter sur un registre sanitaire.

  • 39 ASIDCOM, ibid., p. 23.

18Le rapport de 2008 d’ASIDCOM argumente ainsi que « lors d’abattage rituel 70 % environ du sang total est émis, alors que cette valeur n’atteint que 30 % dans le cas d’un assommage suivi d’une saignée. L’égorgement direct permet d’évacuer un maximum du sang à l’extérieur du corps pour donner une viande plus saine à la consommation et qui se conserve plus longtemps »39.

  • 40 Œuvre d’Assistance aux Bêtes d’Abattoir, association de protection des animaux dont la fondatrice (...)

19Cela provoque une contre-expertise de la part de l’OABA40 sous la forme d’un doctorat vétérinaire (Thiery-Pigé, 2009) qui, à partir d’une synthèse bibliographique scientifique, montre que l’étourdissement électrique ne conduit pas à une dégradation de la qualité de la viande, contrairement à ce qu’avancent les défenseurs de l’abattage rituel.

  • 41 La plus connue d’entre elles, souvent rapportée sur les sites islamiques est celle qu’ont mené Wil (...)

20Si la commission européenne insiste sur la nécessité de s’appuyer sur des données scientifiquement validées, elle se trouve avec l’abattage rituel face à un dilemme. En effet, un rapport scientifique de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) conclut qu’il convient de donner la priorité, dès lors que cela est possible, aux méthodes d’étourdissement induisant simultanément ou consécutivement l’inconscience et la mort (EFSA, 2004). Ces résultats scientifiques sont alors contestés par les autorités musulmanes comme juives qui avancent d’autres études scientifiques41.

21Par ailleurs, Joe M. Regenstein (2012), professeur en Sciences de l’alimentation à l’université de Cornell (USA), considère ainsi que le vocabulaire utilisé : étourdissement, inconscience, douleur… n’est pas toujours bien défini peut avoir un impact significatif sur la façon dont le consommateur comprend les enjeux et la façon dont les scientifiques encadrent la recherche. Il pointe notamment l’absence de rigueur de certains travaux scientifiques qui sont utilisés politiquement en Europe comme la preuve que l’abattage rituel serait inhumain.

22De même, Temple Grandin (1994), sommité mondialement reconnue en matière de comportement animal, constate que la réaction comportementale des veaux était plus élevée quand une main est agitée devant leurs visages (ce qui est le cas lors d’un étourdissement) que lors d’un abattage kasher « bien fait ».

23La question de la réversibilité et de l’efficacité de l’étourdissement donne ainsi lieu à de multiples controverses en fonction de l’intrication entre des techniques utilisées, de leur compatibilité avec les principes religieux, des contraintes industrielles rencontrées ou de leur impact sur la qualité sanitaire et gustative des viandes.

Le renforcement de la réglementation bien-être animal en abattage rituel

  • 42 Règlement européen (CE) no 1099/2009 sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort.
  • 43 Communication de la Commission au Parlement Européen, au Conseil et au Comité Economique et Social (...)

24Dans l’esprit initial de la réglementation 2009 applicable au 1er janvier 201342, il ne s’agit pas de rendre les textes plus prescriptifs, mais plutôt de s’orienter vers des obligations de résultat en lieu et place des obligations de moyens qui ont prévalu par le passé. À ce titre, la réglementation 2009 constitue un projet pilote pour la commission européenne en matière de bien-être animal dans la mesure où il préfigure sa stratégie future qui s’appuierait sur des indicateurs basés sur l’animal (animal-based measurements)43.

  • 44 Règlement européen (CE) no 1099/2009, considérants 20 et 25.

25L’enjeu réglementaire devient donc cognitif et moins normatif, puisqu’il s’agit de produire des indicateurs afin d’évaluer l’efficacité des procédures d’abattage en conditions réelles44.

26Que ce soit pour défendre l’abattage rituel ou avec un étourdissement préalable, un des arguments est celui de la souffrance animale corrélée au savoir-faire des opérateurs à pratiquer les bons gestes de mise à mort. Un formateur en abattoir remarque ainsi :

« La bête, elle ne souffre pas forcément plus si l’abattage rituel est bien fait, que le couteau est bien aiguisé, que la personne qui le fait est professionnelle (…) Malheureusement ce n’est pas toujours le cas. »

  • 45 Commentaires de Fethallah Otmani d’AVS (http://www.avs.fr/pub/602.pdf).
  • 46 Le rapport d’expertise de l’INRA confirme un taux relativement élevé d’échec d’étourdissement par (...)

27Si les défenseurs de l’abattage rituel reconnaissent ce problème de compétence des opérateurs45, ils soulignent l’importance des échecs de l’étourdissement en raison d’un mauvais usage46 ou réglage des équipements. C’est justement sur cette question d’appréciation de la douleur animale et de formation des opérateurs que va porter la réglementation à venir sur la protection animale en abattoir.

28En fait la controverse ne porte pas seulement sur l’analyse scientifique de la souffrance infligée à l’animal, mais plus globalement sur le contexte sociotechnique de l’abattoir : la mécanisation du travail, l’accroissement des cadences, le savoir-faire et les outils des opérateurs, les dispositifs de contention utilisés, qui sont autant de facteurs susceptibles d’influer sur le bien-être animal. Temple Grandin (1993) montre l’important de fixer des règles claires concernant l’organisation du travail et assure une formation adéquate du personnel pour qu’il puisse les appliquer pour améliorer la prise en charge des animaux comme de ses conditions de travail.

  • 47 Arrêté du 28 décembre 2011 relatif aux conditions d’autorisation des établissements d’abattage à d (...)

29Pour encadrer la pratique rituelle, le législateur français va promulguer un arrêté le 28 décembre 2011 qui subordonne l’obtention de la dérogation d’étourdir les animaux à une autorisation préfectorale, les abattoirs devant justifier « de la présence d’un matériel adapté et d’un personnel dûment formé, de procédures garantissant des cadences et un niveau d’hygiène adaptés à cette technique d’abattage ainsi que d’un système d’enregistrements permettant de vérifier que l’usage de la dérogation correspond à des commandes commerciales qui le nécessitent47 ». C’est donc une manière pour le législateur, faute de pouvoir trancher la question scientifico-religieuse de répondre à l’ambition initiale de la directive de 93.

Le système d’enregistrement des commandes

  • 48 Pour des raisons d’ailleurs plus économiques que religieuses pour ce qui concerne la clientèle mus (...)
  • 49 Le rapport du Coperci (2005) précité estimait que pour vendre un kilo de viande halal, il fallait (...)

30La traçabilité des prises de commandes halal vise en fait à limiter les risques de généralisation de l’abattage sans étourdissement pour des raisons de commodité. Un audit récent du ministère de l’agriculture commandité par le CGAAER (Conseil Général de l’Alimentation, de l’Agriculture et des Espaces Ruraux) conclut ainsi : « Il existe une situation fragile où l’abattage rituel pourrait devenir la norme au lieu de rester une pratique dérogatoire. La cadence est un élément essentiel pour lequel les professionnels préfèrent un abattage sans étourdissement, qu’ils justifient en disant qu’ils peuvent ainsi pratiquer une commercialisation d’opportunité dans le circuit halal. » (CGAAER, 2011). Or que ce soit en halal (et bien plus en kasher qui élimine de nombreux animaux après abattage lors du contrôle des viandes par la betiqua), la demande spécifique de morceaux tels que les avants ou certains abats48 génèrent une augmentation du nombre d’animaux abattus rituellement, supérieure à la réalité de la demande pondérale49. Par ailleurs, comme le remarque un responsable d’abattoir :

« Les commandes, c’est souvent au jour le jour. On ne sait jamais exactement ce qu’on va pouvoir vendre. Et de fait, quand on rentre un bovin, ça fait des tas de pièces différentes à vendre. Jusqu’à présent, on peut aller chercher quelques pièces particulières correspondant aux modes de consommation des uns et des autres, cela permet d’éviter le gaspillage. »

31Organiser la traçabilité des prises de commandes peut ainsi conduire à fermer certains débouchés ou à déclasser les viandes, ce qui peut fragiliser économiquement des abattoirs déjà très malmenés par la concurrence internationale, notamment allemande (Sénat, 2013).

La présence d’un matériel adapté

  • 50 Entretien chef de ligne de production en abattoir.

32Le second point concerne le matériel de contention et d’immobilisation des animaux. Celui utilisé pour les bovins est généralement le box rotatif, sorte de « gros tonneau » ajusté aux dimensions de l’animal venant ainsi le bloquer, en laissant uniquement la tête dépasser à l’avant du box. Le box est ensuite retourné pour que l’animal se retrouve la tête et donc le cou en bas pour qu’il puisse être plus facilement saigné50. Mais le box met un certain laps de temps pour bloquer et retourner l’animal. Felix Jourdan (2013, p. 21) retrace ainsi un débat dans le bureau du directeur entre le vétérinaire, le chef de ligne, le distributeur et le directeur de l’abattoir :

33Le vétérinaire explique ainsi que « le bovin est un animal qui ne supporte pas ne pas être sur ses quatre pattes, il faut le contenir, les animaux quand même ils vocalisent on les entend, enfin je veux dire ça se passe pas simplement quoi (…) tout ce temps de préparation avant de pouvoir le saigner génère beaucoup de peur et de souffrance. »

34Le chef de ligne déclare de son côté qu’il ne voit pas plus de stress et de souffrance pour l’animal qu’il soit étourdi ou non, en ajoutant « lorsque la bête est étourdie, on lui perce la tête, donc c’est pas bien drôle non plus quoi ». Un distributeur travaillant avec l’abattoir, lui aussi de passage dans le bureau, remarque que « le temps que la bête se retrouve les quatre fers en l’air, elle stresse quand même beaucoup plus. »

35Le directeur de l’abattoir soutient que l’animal « égorgé ne souffre pas, sincèrement s’il est bien fait il ne souffre pas. Parce que je vais vous dire un animal abattu au pistolet il peut souffrir aussi, imaginez qu’il bouge au dernier moment qu’il tape pas où il faut le gars (…) un bon sacrificateur il a un couteau qui coupe très bien, l’animal ne sent rien, dès qu’il est retourné l’animal il attend pas il le sacrifie. »

36Ce à quoi le vétérinaire rétorque que « le coup de pistolet dans la très très très grande majorité des cas c’est efficace dès la première fois et tout de suite, il y a pas à s’y reprendre, ce qui n’est pas le cas de la saignée  ».

  • 51 Grandin T., Discussion of research that shows that Kosher or Halal Slaughter without stunning caus (...)
  • 52 Règlement européen (CE) no 1099/2009, Article 15, « Opérations de prise en charge et d’immobilisat (...)
  • 53 C’est un comité d’experts qui tire son origine du Farm Animal Welfare Council crée en 1959 par le (...)
  • 54 FAWC, « Cattle inversion for religious slaughter », lettre adressée au bureau du bien-être animal (...)

37Certaines études scientifiques montrent de fait que, pour les bovins, le box de contention rotatif pose davantage de problèmes de protection animale que le box fixe, non rotatif (EFSA, 2004). Même les scientifiques qui défendent de l’abattage rituel reconnaissent qu’avec le box de retournement, les bovins adultes peuvent aspirer du sang après l’égorgement, ce qui rend l’abattage en en position debout préférable51. Si la réglementation 2009 proscrit ce type d’équipement pour l’abattage standard, elle va le maintenir par dérogation pour l’abattage rituel52. Elle demande cependant, dans son article 27, qu’au plus tard le 8 décembre 2012, une étude scientifique soit réalisée pour comparer, au regard du bienêtre des animaux, les systèmes d’immobilisation des bovins par renversement aux systèmes dans lesquels ils sont maintenus en position verticale, ceci afin de statuer sur le maintien de la dérogation. Cela conduit le Farm Animal Welfare Committee (FAWC)53 à avancer sa propre étude, dès le 12 avril 2012, afin de faire pression pour interdire les box rotatifs ; il parvient ainsi à faire entériner cette interdiction par le gouvernement britannique (dont il est le principal conseiller en matière de bien-être animal) au cours de l’année 201454.

  • 55 Direction Générale de la SANté et de la protection des COnsommateurs, Commission européenne.
  • 56 Study comparing systems restraining bovine animal by inversion or other unnatural position with sy (...)
  • 57 Au titre des communautés religieuses concernées, Bruno Fiszon, grand rabbin, conseiller scientifiq (...)

38Cette pression va conduire la DG SANCO55 à commanditer une étude globale dans les différents pays européens sous la forme du projet BOREST56 en prenant en compte à la fois les aspects relatifs au bien-être animal et les aspects socio-économiques57.

Un personnel dûment formé

  • 58 Arrêté du 31 juillet 2012 relatif aux conditions de délivrance du certificat de compétence concern (...)

39Le troisième point sur lequel va porter l’encadrement de l’abattage rituel concerne la formation des opérateurs qui fait l’objet d’un second arrêté obligeant tous les opérateurs d’abattoir intervenant au poste d’abattage à être titulaires d’un certificat de compétence58. Mais derrière une simple mise à niveau (qui conditionne néanmoins la poursuite de l’activité puisqu’un examen d’aptitude ponctue la formation), des problèmes se posent, notamment celui de la barrière de la langue, comme l’explique un responsable de chaîne :

« Beaucoup de sacrificateurs ne parlent pas français, comment les former (…) c’est quand même un examen avec quarante questions par espèce (…) mon sacrificateur ça fait bientôt quinze ans que je le connais, (…) pour lui faire passer cette épreuve, je ne sais pas comment on va faire. »

  • 59 Règlement européen (CE) no 1099/2009, Article 7, « Niveau et certificat de compétence » et considé (...)

40Pour reprendre l’esprit de la réglementation, l’obligation réside dans la capacité des opérateurs à interpréter les comportements des animaux et de reconnaître les signes de sensibilité qu’ils expriment59. Cet apprentissage sur l’animal, est en fait plutôt bien vécu car, pour les opérateurs, parler de leur activité est perçu comme une revalorisation de leur métier. Comme le rapporte un des formateurs rencontrés : « Ils sont plutôt curieux d’apprendre des choses sur le comportement animal et comprennent que cela peut les aider dans leur travail de manipulation des animaux. »

  • 60 Les sacrificateurs musulmans doivent ainsi procéder à des contrôles systématiques pour s’assurer q (...)

41Comme nous l’avons signalé, l’enjeu majeur de la réglementation 2009 réside cependant dans l’obligation de résultat en matière de douleur animale, basée sur l’enregistrement de la perte de tout signe de conscience et de sensibilité chez les animaux abattus60. Or, l’obtention d’indicateurs fiables sur la douleur animale reste sujette à débat, comme le montre l’expertise INRA de 2009. Celle-ci reconnaît que l’interprétation des encéphalogrammes lors de l’abattage reste problématique, les données étant parfois incohérentes sans compter avec la difficulté technique de la mesure (ESCO, 2009 : 220). Quant aux critères comportementaux qui constituent une autre alternative, les réflexes oculaires et respiratoires (les plus pratiques à identifier pour les opérateurs) ne permettent pas de distinguer exactement l’état d’inconscience. S’il existe donc des difficultés d’évaluer la réussite de la saignée par l’évaluation de l’inconscience, on peut à l’inverse statuer de son échec par la persistance des signes de conscience (Espallarguas, 2009).

  • 61 Note de service N2012-8056 du 13 mars 2012, modifiée par la Note de service N2012-8250 du 5 décemb (...)

42Cela oriente l’évaluation de la douleur animale sur l’obligation de respecter une certaine durée de conscience probable à la suite de la saignée. Une évaluation de l’ANSES (2012), s’appuyant sur le constat que certains animaux restaient conscients après 45 secondes, recommande de les maintenir durant toute cette durée dans les équipements de contention, de laisser l’animal « sur la zone d’affalage pendant 45 secondes supplémentaires puis de procéder à un étourdissement post-jugulation en cas de conscience persistante de l’animal après 90 secondes61 ». Cette recommandation va se traduire dans la réglementation par la transformation de l’obligation de résultats de perte de conscience de l’animal vers une obligation de moyens en termes d’une durée à respecter entre la saignée et le découpage de l’animal.

  • 62 En 2009, les 39 abattoirs industriels (35 privés et 4 publics) qui traitaient plus de 10 000 tonne (...)

43Ce n’est ici plus tant la compétence du sacrificateur qui compte pour évaluer la perte de conscience que le respect d’un temps d’attente. Mais cette nouvelle contrainte de délai va fortement perturber les cadences rapides d’abattage imposées par des contraintes socio-économiques valorisant un volume toujours plus important d’animaux traités62. La réglementation sur la protection animale a de fait un impact économique fort, comme l’explique un responsable d’abattoir :

« Il est clair que c’est une contrainte d’organisation, il faut des gens qui connaissent tout ça, qui surveillent tout ça, c’est aussi une contrainte de temps avec des temps d’attente assez longs. »

44Un vétérinaire-inspecteur constate de son côté :

  • 63 On comprend ainsi mieux les contraintes de l’abatteur d’Isla Delices et la polémique avec AVS au m (...)

« Avec cette réglementation, vu que ça prend beaucoup plus de temps et que c’est beaucoup plus compliqué, il y a quand même beaucoup d’abatteurs qu’essayent de convaincre leur client halal qu’il vaudrait mieux faire un étourdissement préalable63. »

45L’organisme de certification halal AVS confirme ainsi :

  • 64 Direction Départementale de la Protection des Populations (DDPP) qui regroupe notamment les vétéri (...)

« Les conditions draconiennes imposées par l’arrêté de 2011, auxquelles s’ajoutent parfois le zèle de certains agents (des DDPP64), finissent par dissuader les quelques abattoirs français qui respectaient l’abattage rituel sans assommage (…) certains de nos partenaires ont dû rompre nos relations communes, l’agrément leur ayant été refusé par la DDPP ».

46Un des certificateurs halal rencontrés reconnaît ainsi :

« La cadence, la rentabilité, le coût, ce sont des éléments de pression qui font plier pas mal d’organismes de certification qui finissent par accepter l’électronarcose… »

Un encadrement économique du halal, vecteur d’une traçabilité implicite

47Que ce soit de manière explicite pour répondre à l’attente des associations de protection animale, ou implicite par le biais de contraintes économiques ou d’organisation du travail, la réglementation sur la protection animale participe d’un encadrement de plus en plus étroit du halal. L’obligation de traçabilité des prises de commandes, pour éviter un abattage rituel de commodité, imprime une contrainte très forte, car il s’agit implicitement d’un mode d’étiquetage indirect même s’il reste invisible aux yeux du consommateur final. S’il n’est pas stigmatisant, il n’en contribue pas moins à une fragilisation de la filière halal qui ne doit son existence qu’à sa gestion par les industriels comme « marché de dégagement » (Bergeaud-Blacker, 2001) et à la facilité d’écouler les produits vers la filière halal ou traditionnelle au gré des commandes au jour le jour.

48Cette obligation de prévoir l’offre correspondant à la demande ressemble en fait à un compromis sur l’étiquetage des viandes, maintes fois réclamé par les associations de protection animales (plus que de consommateurs) ou les pouvoirs publics nationaux et européens, mais à chaque fois recalé au nom de la liberté d’exercice des cultes religieux comme de l’équilibre économique des filières d’abattage. Encore récemment, le rapport du Sénat sur la mission sur la filière viande remet l’étiquetage obligatoire du mode d’abattage (Senat, 2013, Proposition no 39, p. 19) au centre des débats, pour susciter là encore la réprobation des cultes et des industriels au nom de l’équilibre économique des filières par ailleurs mis à mal par la concurrence internationale.

49De quelle nature sera la traçabilité demandée aux abattoirs ?

50Nul ne le sait encore puisque les modalités exactes du contrôle ne sont pas connues.

51Il n’en reste pas moins qu’elles contribueront fortement à structurer le « champ du halal ».

En réponse à la réglementation, quelle normalisation communautaire du halal ?

  • 65 http://www.asidcom.org/Norme-Halal-Autriche-avec.html.

52Le halal se trouve ainsi au carrefour d’enjeux réglementaires extrêmement prégnants qui suscitent le besoin de statuer sur ce qui fait norme dans le halal. À la suite de la création d’une norme halal en Autriche en 200965, une réflexion s’était engagée en 2010 sur la possibilité d’un standard européen, animé pour la France par l’Agence française de normalisation (AFNOR) réunissant des représentants de l’État, des industriels, des syndicats de l’industrie agro-alimentaire ainsi que des représentants du culte musulman. Cela a conduit le Conseil français du culte musulman (CFCM) a relancer son projet de charte halal, en 2010 également, afin de contrebalancer la menace d’une normalisation imposée « de l’extérieur ».

  • 66 http://www.questionhalal.com/wp-content/uploads/2011/01/Charte_Halal_du_CFCM.pdf.

53La charte, qui aborde l’abattage sur le plan théologique et pratique, demande notamment l’interdiction de l’étourdissement des animaux dans la chaîne halal66 s’opposant ainsi frontalement à la politique des organismes de certification des trois mosquées : la SFCVH-mosquée de Paris, l’ACMIF-mosquée d’Évry et l’ARGML-mosquée de Lyon qui autorisent sous des conditions variées l’électronarcose avant abattage.

  • 67 http://www.asidcom.org/+Charte-Halal-du-CFCM-2ieme+.html.
  • 68 http://www.asidcom.org/IMG/pdf/Enquete_certificateurs_halal_ASIDCOM_2009.pdf.
  • 69 http://www.debat-halal.fr/blog/les-organismes-de-controles/.

54Cette charte va être cependant rapidement dénoncée (pour des raisons politiques) par l’Union des organisations islamiques de France (UOIF) qui s’oppose implicitement à ce que le CFCM soit le seul garant de la certification halal, en demandant à ce que tous les acteurs du halal soit directement impliqués dans la définition et le contrôle de cette norme ; l’UOIF conteste également l’inégalité de position des parties prenantes par le pouvoir d’agrément historiquement attribué aux trois mosquées (Paris, Evry, Lyon).67 De fait, il existe une vingtaine de certificateurs (on parle même d’une cinquantaine) sur le marché du halal, dont ceux des trois mosquées institutionnelles (le SFCVH-mosquée de Paris, l’ACMIF-mosquée d’Evry et l’ARGML-mosquée de Lyon) et tous n’ont pas la même politique en termes de cahier des charges, autorisant ou non l’électronarcose ou l’étourdissement pré ou post-saignée68. Comme le pointe l’UOIF, « Le marché du Halal en France souffre avant tout de la déficience du contrôle et non de l’absence d’une charte ». En effet, la diversité des positionnements des organismes de certification, qui sont en concurrence mutuelle, conduit à une grande diversité de contrôles69, qui permet notamment aux industriels concernés de choisir le certificateur qui satisfait le mieux leurs propres contraintes.

55Pour conclure, le halal reste tributaire de contraintes économiques qui sont à l’origine de son développement exponentiel par les industriels de la viande, mais aussi le cadre structurant dans lequel il doit désormais trouver sa place. L’univers des abattoirs est historiquement et présentement un lieu hautement réglementé, que ce soit au niveau sanitaire, hygiénique, juridique, économique (Muller, 2008). L’abattage rituel se trouve donc pris dans un cadre normatif et technique extrêmement contraignant, face auquel les instances concernées ont très peu de prise, d’autant qu’aujourd’hui le contrôle en termes d’hygiène, de traçabilité, de productivité, de qualité est assuré par les entreprises elles-mêmes (Bonnaud, 2012).

  • 70 Cela conduit les abattoirs à réserver des jours spécifiques au Kasher, parce que ce sont des perso (...)
  • 71 http://www.saphirnews.com/CFCM-une-charte-halal-necessaire-et-attendue-mais-perfectible_a12187.htm

56Si l’abattage kasher de par sa centralisation historique, la maîtrise du contrôle de l’abattage et de la qualité des viandes parvient à négocier un espace à part « hors marché »70, il n’en va pas de même du halal qui peine à se structurer politiquement et doit trouver les compromis nécessaires pour permettre aux musulmans de manger de la viande tous les jours à bon prix, tout en cherchant à mieux se définir lui-même. Comme le pointe Florence Bergeaud-Blacker, si une charte est nécessaire, « son intransigeance vis-à-vis de l’étourdissement ne tient pas en compte les progrès techniques, les conséquences économiques, les souffrances animales dans un contexte de production massive71 ». De fait, en l’état, la charte (et les vicissitudes de sa négociation qui l’accompagnent) fragilise plus qu’elle ne renforce la position des certificateurs comme des consommateurs halal, face à des contraintes économiques et industrielles qui sont aujourd’hui indirectement renforcées par la réglementation sur la protection animale.

57L’adaptation à la dérogation à l’étourdissement a désormais un coût pour le halal, qui auparavant était masqué. Pour le compenser, il semble que les consommateurs musulmans doivent désormais accepter (à l’instar des juifs) un coût plus élevé de la viande abattue selon un rite halal par rapport à ce qu’il était jusqu’alors.

Bibliographie

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Thiery-Pige E., Etourdissement électrique des animaux de boucherie : acceptabilité par les communautés religieuses, Thèse de doctorat Vétérinaire, ENV Alfort, 2009.

Notes

1 Florence Bergeaud-Blackler, “Animal Right Movements and Ritual Slaughter : Autopsy of a Moribund Campaign”, in Nilüfer Göle, Islam and Public Controversy in Europe, February 2014.

2 Directive communautaire 93/119/CE du conseil du 22 décembre 1993 sur la protection des animaux au moment de leur abattage ou de leur mise à mort.

3 Le Figaro et Le Monde datés du 10 juin 2010

4 Ce décalage sera toujours d’actualité trois ans plus tard dans un rapport de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail qui, regroupant un panel d’experts, conclut ainsi que « l’étourdissement avant l’égorgement reste la méthode minimisant les douleurs » (ANSES, 2013, p. 14).

5 Le rapport du Comité permanent de coordination des inspections (Coperci) réalisé à la demande des ministères de l’intérieur et de l’agriculture et de la pêche, par une lettre de mission le 21 février 2005, visait à aider les pouvoirs publics à avoir une vue d’ensemble du Halal, de la production à la consommation.

6 Un nouveau règlement européen (CE) no 1099/2009 sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort doit entrer en application à partir du 1er janvier 2013.

7 Arrêté du 28 décembre 2011 relatif aux conditions d’autorisation des établissements d’abattage à déroger à l’obligation d’étourdissement des animaux.

8 Arrêté du 31 juillet 2012 relatif aux conditions de délivrance du certificat de compétence concernant la protection des animaux dans le cadre de leur mise à mort.

9 Entré en vigueur le 1er janvier 2006, le Paquet Hygiène ou « Food Law » vise à harmoniser le niveau de sécurité sanitaire en impliquant l’ensemble des acteurs de la chaîne alimentaire, depuis la production primaire, animale et végétale jusqu’au consommateur (« de la fourche à la fourchette »), en officialisant la responsabilité des professionnels et en optimisant les contrôles des autorités sanitaires (Règlement CE no 178/2002).

10 Nous pouvons citer à ce titre, le Codex Alimentarius sur la définition des aliments halal. In Codex Alimentarius, Directives générales pour l’utilisation du terme "Halal", CAC/GL 24-1997.

11 Décret no 64-334 du 16 avril 1964 sur la protection de certains animaux domestiques et conditions d’abattage.

12 Le droit à la liberté de religion, reconnu de longue date et entériné par l’article 9 de la convention européenne des droits de l’homme, conduit la plupart des pays européens à admettre un statut dérogatoire pour l’abattage rituel (Andriantsimbazovina, 2009).

13 Décret no 80-791 du 1er octobre 1980, abrogé par Décret no 97-903 du 1er octobre 1997.

14 Institution créée en 1808 par Napoléon Ier pour administrer le culte israélite en France, sur le modèle des deux autres religions officielles (catholique et protestante).

15 Arrêté du 1er juillet 1982.

16 Directive communautaire 93/119/CE du conseil du 22 décembre 1993 sur la protection des animaux au moment de leur abattage ou de leur mise à mort.

17 Article 2 de la directive 93/119/CE. Cette autorité religieuse opère pour les dites dispositions sous la responsabilité du vétérinaire officiel, tel que défini dans le règlement (CE) no 854/2004.4.

18 Projet de proposition de règlement (CEE) COM (91) 136 sur la protection des animaux au moment de leur abattage et de leur mise à mort, communication de M. Mac Sharry, DG Agriculture, VI/B. 11.2, PVET/FR/0041, 17 avril 1991 (Bergeaud-Blacker, 2008 : 111).

19 La Conférence des rabbins européens a défendu l’absence d’étiquetage, pour des raisons politiques, matérielles et organisationnelles : politiques, car tout étiquetage stigmatiserait l’absence d’étourdissement et par là la communauté juive (Erlanger, 2006) ; matérielles du fait du rôle majeur du système de la cacheroute dans l’autofinancement de la communauté religieuse ; organisationnelles, car le contrôle de la cacheroute leur procure de l’autorité et du pouvoir tant sur leurs communautés que vis-à-vis des États (Bauer, 1996 ; Bergeaud-Blacker, 2008).

20 Première mosquée construite en France métropolitaine, pour rendre hommage aux 70 000 morts de confession musulmane morts pour la France, elle fait dans une certaine mesure office de mosquée mère des mosquées françaises.

21 Arrêté du 15 décembre 1994 relatif à l’agrément d’un organisme religieux habilitant des sacrificateurs rituels.

22 Dès les années 1980, l’industrie d’abattage et le négoce misent sur le Halal comme « marché de dégagement » (Bergeaud-Blackler, 2001) pour vendre les viandes issues des avants et des abats privilégiés par la clientèle musulmane alors qu’elles sont délaissés par les autres consommateurs qui privilégient les morceaux arrières (faux-filet, entrecôte, rumsteak). Le marché du Halal permet ainsi la viabilité économique d’une filière d’abattage et notamment des petits abattoirs ruraux alors en grande difficulté par leur obligation à se soumettre à des normes d’hygiène et sanitaire de plus en plus drastiques.

23 Arrêtés du 27 juin 1999 d’organismes religieux habilitant des sacrificateurs rituels.

24 Règlement no 1099/2009 du 24 septembre 2009 sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort.

25 Lettre de l’association ASIDCOM du 8 mars 2010 à l’attention du Président de la Commission Européenne et du Commissaire de DGSANCO, concernant le projet DIALREL. (http://www.asidcom.org/IMG/pdf/lettre__ASIDCOM_Projet_DIALREL.pdf).

26 La première condition pour que l’abattage de l’animal soit Halal est que l’animal soit vivant avant la saignée et ne meure que par celle-ci. Tout artifice pré ou post mortem susceptible de tuer l’animal est donc proscrit.

27 La religion musulmane n’ayant pas de clergé et donc de hiérarchie centralisée, différents muftis peuvent émettre des fatwas contradictoires comme c’est le cas pour l’étourdissement.

28 Le Conseil Islamique du Fiqh de l’Organisation de la Conférence Islamique et le savant Muhammad al-Ashqar ont ainsi été interrogés sur la licéité des différentes méthodes d’étourdissement, et ont tous deux répondu qu’elles étaient autorisées si elles n’entrainaient pas la mort de l’animal (Brahami et Otmani, 2010, p. 146-47).

29 Le Conseil permanent de la recherche et de la fatwa de Riyad tout comme le Conseil Islamique du Fiqh du Congrès Islamique ont quant à eux interdit l’utilisation de toute forme d’étourdissement (Brahami et Otmani, ibid., p. 150-51).

30 INRA, Rapport d’expertise sur les douleurs animales, ibid., p. 222.

31 « La tension appliquée doit être comprise entre 100 et 400 volts ; l’intensité du courant doit être comprise entre 0,75 et 1 ampère dans le cas des moutons et entre 2 et 2,5 ampères dans le cas des bovins ; l’application du courant électrique doit durer entre 3 et 6 secondes. In (OMS, 1999, L’abattage rituel en Islam, p. 13).

32 ASIDCOM (Association de Sensibilisation, d’Information et de Défense du COnsommateur Musulman) note ainsi qu’en 2008, dans le cahier des charges de certains certificateurs Halal, il était précisé que : « Le voltage peut être baissé par le contrôleur en cas de fatigue ou de stress constaté sur un lot de volailles à abattre. » (Asidcom, 2008, p. 22).

33 Mostafa Brahami, spécialiste de la jurisprudence islamique, et Fethallah Otmani, ancien porte-parole d’AVS (Certificateur Halal qui a bâti toute sa réputation sur le respect d’un « pur Halal » : http://www.halal-avs.com/) et membre de l’UFCM (Union Française des consommateurs musulmans) rapportent ainsi plusieurs études qui vont dans ce sens, affirmant qu’un nombre considérable de volailles peuvent être tuées par le choc électrique (24 % dans certains cas, 17 à 37 % dans d’autres). In (Brahami et Otmani, ibid.)

34 Cette décision fait suite à un reportage sur le marché du Halal dénonçant le fait que les poulets « Halal » étaient abattus de la même manière que les poulets « conventionnels », c’est-à-dire avec électronarcose avant saignée. In Feurat Alani, « Marche du Halal : les dessous d’un business », reportage diffuse sur Canal + en 2011 et sur D8 en 2013, 26 mn.

35 http://www.saphirnews.com/Isla-Delice-AVS-les-raisons-d-un-divorce-inattendu_a15786.html.

36 Entretien repris de Felix Jourdan (2013 : 24).

37 Rapport de l’Académie vétérinaire de France au ministre de l’agriculture et de la pêche sur le degré de réversibilité de l’étourdissement des animaux d’abattoir tel qu’il est pratiqué en France, décembre 2006.

38 Coran, Sourate 2 : verset 173.

39 ASIDCOM, ibid., p. 23.

40 Œuvre d’Assistance aux Bêtes d’Abattoir, association de protection des animaux dont la fondatrice Jacqueline Gilardoni fut à l’origine du décret de 1964 imposant la généralisation des méthodes d’étourdissement en abattoir (Entretien Jean-pierre Kieffer, Président de l’OABA).

41 La plus connue d’entre elles, souvent rapportée sur les sites islamiques est celle qu’ont mené Wilhelm Schulze et ses collègues à l’École de médecine vétérinaire de l’Université de Hanovre entre 1974 et 1978 pour tenter d’objectiver la douleur animale en comparant des méthodes d’abattage des moutons et des veaux avec et sans étourdissement pour conclure que « la manière islamique de l’abattage est la méthode la plus humaine de l’abattage et que l’étourdissement au pistolet, pratiquée en Occident, provoque une douleur intense à l’animal ». http://en.wikipedia.org/wiki/Wilhelm_Schulze.

42 Règlement européen (CE) no 1099/2009 sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort.

43 Communication de la Commission au Parlement Européen, au Conseil et au Comité Economique et Social Européen sur la stratégie de l’Union européenne pour la protection et le bien-être des animaux au cours de la période 2012-2015.

44 Règlement européen (CE) no 1099/2009, considérants 20 et 25.

45 Commentaires de Fethallah Otmani d’AVS (http://www.avs.fr/pub/602.pdf).

46 Le rapport d’expertise de l’INRA confirme un taux relativement élevé d’échec d’étourdissement par pistolet laissant penser que cette méthode peut également être une source de douleur intense (ibid. : 225). Quant à la qualité de l’électronarcose, elle dépend de l’état d’entretien de l’équipement et du paramétrage du système (ibid. : 222)

47 Arrêté du 28 décembre 2011 relatif aux conditions d’autorisation des établissements d’abattage à déroger à l’obligation d’étourdissement des animaux.

48 Pour des raisons d’ailleurs plus économiques que religieuses pour ce qui concerne la clientèle musulmane.

49 Le rapport du Coperci (2005) précité estimait que pour vendre un kilo de viande halal, il fallait abattre trois kilos.

50 Entretien chef de ligne de production en abattoir.

51 Grandin T., Discussion of research that shows that Kosher or Halal Slaughter without stunning causes pain, February 2010.
http://www.grandin.com/ritual/slaughter.without.stunning.causes.pain.html ; Temple Grandin va par la suite proposer un classement des systèmes d’immobilisation en cas d’abattage rituel en fonction de leur niveau de bien-être animal in http://www.grandin.com/ritual/evaluation.restraint.methods.kosher.halal.html.

52 Règlement européen (CE) no 1099/2009, Article 15, « Opérations de prise en charge et d’immobilisation dans les abattoirs ».

53 C’est un comité d’experts qui tire son origine du Farm Animal Welfare Council crée en 1959 par le gouvernement britannique pour être la première instance gouvernementale à légiférer au nom du bien-être animal.

54 FAWC, « Cattle inversion for religious slaughter », lettre adressée au bureau du bien-être animal du DEFRA (Department For Environment, Food & Rural Affairs, 12 avril 2012.

55 Direction Générale de la SANté et de la protection des COnsommateurs, Commission européenne.

56 Study comparing systems restraining bovine animal by inversion or other unnatural position with systems maintaining animals in the up-right position taking into account the welfare aspects as well as the socio-economic implications, DG SANCO (EU), december 2012 (cf. site de Florence Bergeaud-Blacker qui y participle pour la France).

57 Au titre des communautés religieuses concernées, Bruno Fiszon, grand rabbin, conseiller scientifique du grand rabbin de France et en contact régulier avec le CFCM (Comité du culte musulman) nous explique ainsi que l’abandon du box rotatif fait courir le risque d’une saignée mal faite, car plus délicate à réaliser avec un animal qui bougera plus et un effort physique beaucoup plus important pour l’opérateur. Pour les abattoirs, cela ralentirait surtout la chaîne et poserait de toute façon la question de la formation des opérateurs. Tout cela a un coût et n’irait pas forcément dans le sens de plus de bien-être animal (Entretiens avec Bruno Fiszon et de représentants de filière d’abattage).

58 Arrêté du 31 juillet 2012 relatif aux conditions de délivrance du certificat de compétence concernant la protection des animaux dans le cadre de leur mise à mort.

59 Règlement européen (CE) no 1099/2009, Article 7, « Niveau et certificat de compétence » et considérant 28.

60 Les sacrificateurs musulmans doivent ainsi procéder à des contrôles systématiques pour s’assurer que les animaux ne présentent aucun signe de conscience ou de sensibilité avant de mettre fin à leur immobilisation et ne présentent aucun signe de vie avant l’habillage ou l’échaudage. In Règlement européen (CE) no 1099/2009, Article 5, Alinea 2.

61 Note de service N2012-8056 du 13 mars 2012, modifiée par la Note de service N2012-8250 du 5 décembre 2012, ayant pour objet l’entrée en application au 1er juillet 2012 du décret et de l’arrêté du 28 décembre 2011 relatifs à l’autorisation des établissements d’abattage à déroger à l’obligation d’étourdissement des animaux.

62 En 2009, les 39 abattoirs industriels (35 privés et 4 publics) qui traitaient plus de 10 000 tonnes de gros bovins par an représentaient 71 % du tonnage abattu en France pour seulement 18 % du nombre d’établissements (CGAER, ibid.)

63 On comprend ainsi mieux les contraintes de l’abatteur d’Isla Delices et la polémique avec AVS au moment même où l’arrêté de 2011 est en train d’être appliqué.

64 Direction Départementale de la Protection des Populations (DDPP) qui regroupe notamment les vétérinaires-inspecteurs en abattoir.

65 http://www.asidcom.org/Norme-Halal-Autriche-avec.html.

66 http://www.questionhalal.com/wp-content/uploads/2011/01/Charte_Halal_du_CFCM.pdf.

67 http://www.asidcom.org/+Charte-Halal-du-CFCM-2ieme+.html.

68 http://www.asidcom.org/IMG/pdf/Enquete_certificateurs_halal_ASIDCOM_2009.pdf.

69 http://www.debat-halal.fr/blog/les-organismes-de-controles/.

70 Cela conduit les abattoirs à réserver des jours spécifiques au Kasher, parce que ce sont des personnes habilitées par la Commission Rabbinique qui vérifient toutes ces conformités. Du fait de ces contrôles renforcés, de nombreux animaux sont éliminés, ce qui constitue un fort manque à gagner pour l'abattoir. Toutes ces contraintes de temps de contrôle et de sélection des animaux se voient alors rétribuées par les commanditaires Kasher sur la base du nombre d'animaux abattus et non ceux effectivement commercialisés. Ce surcoût est permis par les prix élevés de la viande Kasher, sachant que l'abattoir écoule de son côté les viandes déclassées dans des circuits parallèles où s'approvisionnent les boucheries Halal. (Entretien directeur abattoir).
Le surcoût serait particulièrement élevé dans le cas des volailles, ce qui a conduit le consistoire à contractualiser avec des abattoirs qui se sont spécialisés sur le kasher avec des débits très faibles d’animaux. (Entretien Responsable rabbinique).

71 http://www.saphirnews.com/CFCM-une-charte-halal-necessaire-et-attendue-mais-perfectible_a12187.html

Auteurs

Chargé de recherches, INRA SADAPT, francois.hochereau@ivry.inra.fr.

Chargé de recherches, INRA LISIS, adel.selmi@versailles.inra.fr.

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