1Comment en est-on arrivé là ? Pourquoi ce chaos malien ? Quelles tentatives d’implosion de l’intérieur, conjuguées aux pressions extérieures, en sont à l’origine ? Quels sont les enjeux géopolitiques et géostratégiques qui entourent cet État-nation longtemps présenté comme un « modèle démocratique » ? « Comprends ou tu seras dévoré », dit le Sphinx à Œdipe après lui avoir soumis son énigme. Pour ne pas être dévoré – dépecé ? –, on se doit de comprendre, sinon le sujet de l’histoire n’est plus l’acteur de son devenir. Les réponses à toutes ces questions ne peuvent être que multiples et partielles tant la situation politique dans cette région du monde est inextricable et confuse. Pour tenter de dégager et de baliser quelques pistes de compréhension, le présent chapitre se référera à l’histoire du septentrion malien – et plus précisément aux révoltes et rébellions touarègues –, combinée à une approche géopolitique des enjeux que revêt cette zone et qui relèvent des effets collatéraux de la guerre civile libyenne.

2Le Mali occupe une place géostratégique de premier plan dans cet espace ; de ce fait, sa déstabilisation généralisée a des répercussions sur les États riverains (plus particulièrement sur le Niger et, à un degré moindre, sur le Burkina Faso). Cette place particulière renvoie à un ensemble de spécificités qui font du Mali un carrefour mais aussi un espace de transit, caractéristique du Sahara balisé par des activités criminelles qui déterminent des limites spatiales, voire territoriales, fondamentalement flexibles. Ce pays doit être appréhendé comme une « zone tampon » entre le Maghreb, géographiquement, politiquement et économiquement bien identifié, et l’Afrique subsaharienne, en cours de remodelage politique et économique et dont les contours sont encore flous. Dans le contexte politique actuel, le Sahara est à la fois le centre et la périphérie à partir desquels les États riverains peuvent être déstabilisés. Pour l’heure, le septentrion malien relève de l’oxymore, tour à tour « centre de la périphérie » et « périphérie du centre », au gré des vicissitudes historiques et politiques. Contrairement aux idées reçues, le Sahara, perçu comme un territoire minéral inerte, est traversé par des dynamiques qui en font un espace de convergence en matière d’activités criminelles et, en même temps, un lieu de dispersion flexible, balisé par des repères clandestins et invisibles.

Les systèmes politiques touaregs et les rébellions

Une idéologie qui survit à la lente dilution des rapports sociaux

3Les systèmes politiques touaregs se caractérisent globalement par six groupes sociaux fondamentaux1, dont la structure pyramidale repose sur une hiérarchisation sociopolitique elle-même fondée sur une endogamie sociale. Cette pyramide se compose :

• de l’aristocratie guerrière, elle-même hiérarchisée en lignages dont celui de la chefferie, au sein duquel se transmet le pouvoir ;
• des tributaires2, dont la relation avec l’aristocratie est un rapport de subordination-soumission. Ils ne peuvent accéder à la chefferie et sont soumis à des prestations économiques autrefois codifiées ; selon la classification endogène, l’aristocratie et les tributaires relèvent de la catégorie juridique des « hommes libres » ;
• des religieux, détenteurs du savoir coranique et garants de l’application des règles, préceptes et rituels islamiques. Ils interviennent dans la gestion des conflits (héritage, mariage, divorce, patrimoine foncier, etc.) ;
• des artisans, appréhendés comme des « gens de caste », situés au bas de la pyramide sociale et appartenant juridiquement, comme les groupes précédents, à la catégorie des « hommes libres » ;
• des esclaves3, considérés comme des marchandises. Les esclaves n’ont pas d’existence sociale et ne peuvent donc accéder au politique. Sur le plan biologique, leur marqueur phénotypique et leur leucoderme les classent parmi les « Subsahariens » tandis que leurs propriétaires sont « méditerranéens ». Le critère biologique spécifique aux sociétés touarègues, arabes et maures, est fondamental ; il structure les représentations du politique et constitue le fondement de l’idéologie dominante qui tend à se pérenniser ;
• des affranchis : les esclaves sont consubstantiellement associés à la catégorie des affranchis (les Touaregs noirs, ou « Bellahs » en songoye)4 qui accèdent au statut juridique d’hommes libres tout en étant marqués à vie par leur ascendance.

4Telle était donc l’organisation globale des sociétés touarègues jusqu’à la conquête coloniale. Dans les faits, ce système ne régit plus les rapports sociaux. En revanche, il existe un décalage structurel entre le fonctionnement réel de ces derniers et l’idéologie qui les imprègne, car il n’y a pas de lien automatique entre la disparition de l’ancien ordre social, le rapport au politique et l’idéologie qui les sous-tendent : celle-ci persiste et s’autonomise, se transformant en rapport social. Le cadre dans lequel elle s’inscrivait n’étant plus, elle réactive les anciens rapports sociaux qui deviennent (dans un nouveau contexte politique) antagoniques, conflictuels et qui engendrent une autonomie du politique. Ces processus d’autonomisation idéologique se manifestent à l’intérieur des systèmes politiques touaregs et structurent une nouvelle arène politique au sein de laquelle s’affrontent l’ancienne aristocratie et l’ancienne couche sociale des tributaires (les anciens esclaves et affranchis sont exclus des jeux et enjeux de pouvoir qui se matérialisent à travers les affrontements opposant aristocratie et tributaires).

5La rupture des liens de dépendance et la disparition dans les faits de l’ancien ordre social ont conduit à la formation de nouvelles « communautés » telles que celle des Imghad et celle des Bellahs. La communauté des Imghad émerge dans l’arène politique à la faveur de la démocratie élective, dessaisissant l’aristocratie de ses prérogatives « naturelles » tout en affaiblissant l’autorité et l’influence de la chefferie. L’entrée en scène de ces représentants du peuple, démocratiquement élus, face à l’aristocratie, qui ne représente qu’elle-même et se perpétue par les liens du sang, constitue un bouleversement de premier plan. En effet, dans le contexte de la rébellion touarègue armée du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA), la communauté des Imghad est restée loyaliste, sans doute par fidélité à l’État malien, mais aussi par lucidité politique, afin de ne pas se retrouver de nouveau dans une relation de dépendance à l’égard de l’ancienne aristocratie « tribalisée ». L’État malien conditionne l’attitude politique aussi bien de la communauté des Imghad que de l’aristocratie. L’une privilégie des alliances qui tendent à se pérenniser et exerce ses pouvoirs au sein de l’armée5 et dans les appareils d’État. L’autre entretient des rapports d’alliance plus flexibles avec le pouvoir étatique, n’hésitant pas à s’y opposer violemment et à constituer des groupes armés pour imposer une indépendance qui a été rejetée par l’ensemble de la communauté internationale et par l’immense majorité des populations du septentrion malien.

6En définitive, oppositions et alliances, pour contradictoires qu’elles paraissent, sont pareillement éphémères et conjoncturelles, et participent du même processus d’autonomisation du politique, désormais libéré du carcan social d’autrefois fondé sur la domination de l’aristocratie. Ces évolutions conduisent à une rupture radicale entre le biologique et le politique, clarifiant celui-ci. Cette autonomisation engendre souvent des problèmes de leadership au niveau local et/ou régional et à une « tribalisation », voire à une « clanisation », du politique. Tel est actuellement le cas entre les Ifoghas et les Idnan6, deux « tribus » irréconciliables dès lors que se pose le problème du leadership local visant à une hégémonie régionale, qui s’opposera nécessairement à une autre hégémonie, celle des Songoye.

7Quant aux Bellahs, qui sont de culture touarègue7, ils sont exclus des enjeux de pouvoir internes à ces sociétés, qui entérinent ainsi leur non-existence sur le plan social. Certains d’entre eux se sont par conséquent affiliés au Collectif des ressortissants du Nord-Mali (COREN), créé en 1994, ou ont rallié les milices songoye Ganda Koye, instaurées en 1990. Ces milices sont consubstantielles aux rébellions armées touarègues et arabes du début des années 1990. Ce comportement politique témoigne de l’absence d’équivalence structurelle entre culture et politique. On assiste ainsi à une sorte de concomitance entre l’émergence de communautés nouvelles (celle des Imghad et celle des Bellahs) et la métamorphose des rapports sociaux antérieurs en « communautés » autonomes. Ces transformations entraînent l’apparition de nouveaux pouvoirs locaux et régionaux ainsi que de nouvelles figures du pouvoir constitutives du renouvellement des élites. C’est dans ce substrat sociopolitique interne qu’apparaissent les rébellions.

Les rébellions cycliques : de la colonisation à la loi de décentralisation

8Depuis la conquête coloniale, des rébellions armées touarègues, dont la nature et les objectifs varient en fonction des contextes politiques nationaux et internationaux, surviennent de façon cyclique. S’agit-il d’un irrédentisme politique à caractère ethnique ou, plus prosaïquement, de stratégies de positionnement (voire de conquête) de pouvoirs locaux dans les arènes politiques du moment, visant en quelque sorte à asseoir une hégémonie perdue et ainsi à détrôner une autre hégémonie, en l’occurrence celle des Songoye ? Ces rébellions participent d’une chaîne opératoire tout aussi cyclique qui se déroule comme suit : rébellion-désertion-accords de paix-intégration-rébellion, et ainsi de suite.

9Cinq révoltes et rébellions8 ont eu lieu sur la période 1916-2012. Nous nous pencherons d’abord sur les quatre premières et aborderons la cinquième dans la deuxième partie de ce chapitre. La première, menée par l’Aménokal Firhoun en 1916-1917, chef suprême de la grande « confédération » des Iwellemedden de l’Ouest9, se caractérise par une volonté farouche de s’opposer à la conquête militaire.

10La deuxième, celle de 1963-1964, initiée par des Kel Adagh10, abrite les germes d’un courant indépendantiste qui était partie prenante dans l’Organisation commune des régions sahariennes (OCRS)11, dont l’un des objectifs, alors que des richesses pétrolières et gazières avaient été découvertes au Sahara algérien12, était de séparer le Maghreb de l’Afrique subsaharienne. Cette rébellion s’inscrit dans le prolongement des turbulences politiques survenues au moment de la naissance de la Fédération du Mali (Conférence de Bamako des 29 et 30 décembre 1958), et qui se poursuivront jusqu’à l’éclatement de cette dernière fin août 1960 et la proclamation, le 22 septembre 1960, de l’indépendance du Soudan français, qui devient la République du Mali. Pendant cette période, la guerre d’Algérie bat son plein et la willaya de l’Extrême-Sud algérien est hébergée à Gao. À la suite des accords d’Évian, signés le 18 mars 1962, l’Algérie proclame son indépendance le 5 juillet, après cent trente-deux ans de colonisation, et affiche une orientation socialiste. Après avoir vaincu la révolte touarègue, l’État malien place le nord du pays sous administration militaire, en interdit l’accès aux étrangers, enfermant ainsi les Kel Adagh dans un « isolat » ethnique coupé des réalités nationales, les condamnant à une marginalisation politique et économique durable aux conséquences dramatiques, qui appellera de nouveaux soulèvements. L’Adagh, avec Taoudeni, devient ce qu’il est alors convenu d’appeler le « bagne » pour prisonniers politiques ; délinquants et criminels y sont également envoyés, ainsi que les militaires indisciplinés.

11La troisième rébellion, qui a lieu dans les années 1990-1995, émane également de l’Adagh. Elle survient dans le contexte d’un puissant mouvement social13 contre le régime dictatorial du général Moussa Traoré (alias GMT, au pouvoir de 1968 à 1991), suivi d’un coup d’État perpétré par le lieutenant-colonel Amadou Toumani Touré (ATT) et qui débouche sur la tenue d’une « Conférence nationale souveraine » instaurant la démocratie multipartite. Ces années constituent une période de transition durant laquelle le pouvoir d’État, considérablement affaibli, se reconstruit sur d’autres bases. Empreintes d’un fort caractère identitaire et « développementaliste », elles débouchent sur la signature, en 1992, du « Pacte national », dont l’un des dispositifs concerne le « Statut particulier du nord du Mali ». Le Pacte prévoit d’importantes avancées démocratiques telles que l’intégration de centaines de combattants dans les structures de l’État, notamment dans les forces de défense et de sécurité.

12La quatrième rébellion, initiée par des Kel Adagh de 2006 à 2007, intervient au moment des élections présidentielles au motif que le Pacte n’a pas été appliqué. Elle fera l’objet des « accords d’Alger », signés le 4 juillet 2006 entre l’État malien et les représentants touaregs de l’Alliance démocratique du 23 mai pour le changement (ADC), via la médiation de l’Algérie. Le point le plus important et le plus contesté par les détracteurs de ces accords concerne le processus de délocalisation des casernes militaires dans les zones urbaines et la création d’unités spéciales, composées d’ex-rebelles et d’éléments issus des régions nomades, et rattachées au commandement de la zone militaire. En d’autres termes, l’armée se retire d’une partie importante du territoire national où la souveraineté ne s’exerce plus, au profit des unités spéciales : il s’agit en quelque sorte d’une autonomie « non déclarée » et « informelle » assortie de la reconduction pour dix ans du régime fiscal préférentiel défini par le Pacte national.

13Cette période de l’histoire du Nord-Mali, qui s’étend sur une cinquantaine d’années, témoigne de turbulences politiques cycliques, révèle un affaiblissement pérenne de la souveraineté et de l’autorité de l’État malien, pour finalement aboutir à l’instauration d’une zone de non-droit. Cette histoire condensée du septentrion malien apparaît, comparée à celle, plus globale, du Mali, comme une histoire particulière, celle des confins maghrébo-ouest-africains, zone tampon aux frontières mouvantes et poreuses où l’on se bat et où toutes les activités illégales sont permises. Cette notion actualisée de « confins » fait du septentrion malien un espace stratégique et, à terme, géopolitique susceptible de déstabiliser les pouvoirs centraux étatiques14.

La cinquième rébellion : dynamiques internes et tensions géopolitiques

14La cinquième rébellion, initiée le 17 janvier 2012, intervient dans des contextes locaux, nationaux et internationaux inédits et en constante évolution15. Au niveau local, les transformations survenues dans les systèmes politiques touaregs, que nous avons évoquées précédemment, marquent la fin de l’organisation politique précoloniale et, à un degré moindre, coloniale. Ce changement se traduit par la rupture des liens de dépendance et l’émergence de groupes autrefois dominés (Imghad, Bellahs) qui acquièrent progressivement une autonomie politique, l’ancien ordre social ayant disparu. Parallèlement, l’ancienne aristocratie mise sur l’idéologie et le recours aux armes pour restaurer sa domination politique.

15Au niveau régional et national, on note d’abord une « banalisation » des activités criminelles à travers l’acheminement de drogues illicites (cocaïne et cannabis), dont le commerce augmente considérablement à partir de 2004-2005, puis à travers la branche saharienne d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) qui se sanctuarise à partir de 2007 dans le Djebel Timétrine16, à l’ouest de l’Adagh, vaste étendue de dunes d’où émerge un ensemble chaotique de rochers. Ces deux phénomènes intrinsèquement liés ont fait de cet espace désertique une zone de non-droit où règnent l’impunité17 et la corruption. Celle-ci bénéficie de complicités jusqu’au plus haut niveau de l’État qui est en délitement et dont la présence n’est plus que symbolique à Tombouctou, Gao et Kidal, les trois villes principales du Nord-Mali. Enfin, le septentrion, à l’instar du reste du territoire national, connaît un essor du secteur extractif (existant ou en devenir). En effet, avec neuf mines en exploitation, le Mali occupe la 3^e place des pays producteurs d’or18 sur le continent africain. Le pays abrite également de potentiels gisements de pétrole, de gaz19 et, plus récemment, des ressources d’uranium ont également été découvertes sur le site de Samit dans le bassin du Tilemsi, et seraient comparables à celles du bassin de Tin Mersoï dans l’Est nigérien. La vallée du Tilemsi est également riche en phosphates20, dont le prix sur le marché mondial est aujourd’hui en plein essor. Avant d’être saccagée par des membres du MNLA, Tassiga, dans le cercle d’Ansongo, disposait d’une mine de manganèse21 dont l’usine avait généré 140 emplois22 et ainsi favorisé le développement local. Elle possède d’importantes réserves estimées à 6 millions de tonnes. Ainsi, le nord du Mali, et plus particulièrement la région de l’Adagh, abrite différentes ressources, dont de l’uranium, qui sont des enjeux de pouvoir. L’ex-président ATT était parfaitement conscient des perspectives prometteuses23 qui s’ouvraient à l’extrême-nord du pays ainsi que de la production d’or déjà effective dans le Sud ; c’est pourquoi il avait chargé son ministre des Mines de démanteler toutes les structures de l’État relevant du secteur minier afin de les fusionner en une seule entité. Ce processus de « démantèlement-restructuration » devait s’accompagner d’un appel à candidatures internationales qui fut entravé par le coup d’État24 du 22 mars 2012. Gageons que cette importante réforme induisant une compétition élargie aurait permis à la Chine, et à d’autres, de se positionner et de répondre à cet appel d’offres, mais, pour l’heure, celle-ci ne fait pas partie des pays en lice pour l’obtention de permis de recherche et/ou d’exploitation. Cette ouverture sur le marché international encourage la compétition sourde, opaque et stratégique entre multinationales occidentales, groupes asiatiques et grandes sociétés nationales riveraines. La question du futur contrôle de l’exploitation des ressources de pétrole, de gaz et d’uranium du septentrion malien, qui passera par des relais politiques locaux et régionaux, constitue un enjeu de taille dans un contexte probable de reconfiguration territoriale (celle-ci sera fonction de la réorganisation de la gestion du politique qui découlera des prochaines négociations avec les groupes armés). Certaines parties intéressées ont déjà pris contact avec ces relais locaux, clientélistes et ethniques, en vue d’être le mieux placées. Cette compétition, discrète, n’est pas seulement malienne : elle est régionale et internationale, même si tous les concurrents n’en sont pas au même stade dans la réalisation de leur projet, les enjeux n’étant pas les mêmes pour tous.

16Au niveau international, les projets prometteurs d’exploitation des richesses minières du Nord-Mali se trouvent remis en question par les conséquences immédiates de la guerre civile libyenne, et notamment par l’arrivée de 70 véhicules chargés de matériel de guerre sophistiqué et acheminés par des djihadistes d’AQMI ainsi que par des Touaregs maliens et libyens qui créeront le MNLA (octobre 2011). La situation libyenne n’est pas qu’un révélateur, bien au contraire. Elle participe d’un probable processus de déstabilisation de l’espace saharo-sahélien, dont le Mali, pour les raisons évoquées précédemment, constitue le maillon le plus faible comparé aux autres États de la région regroupés au sein du Comité d’état-major opérationnel conjoint (CEMOC). Les répercussions directes et indirectes de « l’implosion » du Mali se font sentir en premier lieu au Niger, pays frontalier. Cet État enclavé a pu et su contenir et réguler rapidement l’afflux sur son sol de Nigériens, parmi lesquels des Touaregs, fuyant la guerre civile libyenne. Pour l’heure, les processus de déstabilisation se manifestent à plusieurs niveaux qui s’imbriquent les uns dans les autres, créant une atmosphère de crainte et de tensions latentes. Il convient toutefois de distinguer, au milieu de cet enchevêtrement, les facteurs de déstabilisation qui relèvent directement de la situation au septentrion malien, des autres, qui décuplent indirectement les effets des premiers. Parmi les sources de déstabilisation propres au Nord-Mali, citons à titre d’exemples :

• l’afflux de réfugiés maliens qui cherchent à s’insérer dans des milieux sociaux spatialement saturés et dans des écosystèmes précarisés et vulnérables. Il en découle une concurrence acharnée voire des conflicts entre les réfugiés et les autochtones, eux-mêmes soumis à une grande précarité alimentaire et économique ;
• les exactions violentes commises par des membres du MNLA en déroute, qui ont volé des têtes de bétail à des éleveurs peuls à la frontière nigéro-malienne, faisant plusieurs morts et générant des affrontements interethniques ;
• le vote d’un important complément budgétaire destiné à l’achat de deux hélicoptères dans le cadre de la lutte contre le terrorisme (et de la protection des sites uranifères et pétroliers), qui est synonyme d’endettement, donc de dépendance, et induit des formes de militarisation de l’économie du pays où gronde un profond malaise social qui fragilise le pouvoir en place.

17Tels sont les principaux facteurs de déstabilisation relevant directement de la situation au Nord-Mali, sur lesquels viennent se greffer des aléas climatiques aux conséquences catastrophiques – Tels sont les principaux facteurs de déstabilisation telles les inondations survenues lors de l’hivernage 2012 (entre juillet et septembre), qui ont fait des dizaines de morts, jeté à la rue des centaines de personnes et engendré une épidémie de choléra –, ainsi que les prises d’otages, la dernière en date25 ayant eu lieu dans la nuit du 14 au 15 octobre 2012 à Dakoro (Niger central), à l’initiative d’un groupe non identifié. Ces événements génèrent une situation de chaos que les djihadistes savent mettre à profit pour enrôler de nouvelles recrues.

18Pour l’heure, le Maghreb et plus particulièrement l’Algérie sont moins touchés, l’État algérien étant encore fort et organisé. Pourtant, le danger djihadiste persiste à travers la prise d’otages de diplomates détenus par le Mouvement pour l’Unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO) et le rôle joué par les narcotrafiquants dans l’acheminement de la cocaïne à destination de l’Europe et du Proche-Orient. Ces tensions internationales et nationales traversent des espaces au sein desquels se structurent et s’organisent les groupes armés.

Le salafisme djihadiste et les groupes armés

Groupes armés et terrorisme

19Ces rébellions armées surviennent lorsque le pouvoir central étatique est affaibli ou vacant. Ainsi procède le MNLA, issu de la fusion de plusieurs mouvements26. Son comité exécutif est composé de 6 membres27, tandis que le Comité de transition de l’État de l’Azawad (CTEA), né après la déclaration unilatérale de l’indépendance, est composé de 28 membres dont 24 Kel Tamacheq et 4 représentants des autres ethnies. Comment de telles instances dirigeantes peuvent-elles prétendre représenter les populations du septentrion malien alors que le MNLA28 est lui-même minoritaire dans les sociétés touarègues ? Pourquoi cette rébellion, dont les attaques sur les principales villes ont été commises avec la complicité voire la collaboration d’Ansar Eddine et de certains éléments d’AQMI, a-t-elle une telle portée ?

20Il importe ici de procéder à une clarification terminologique. Sur le plan ethno-géographique, le terme « Azawad » désigne un espace situé autour de Tombouctou et sillonné par les pasteurs maures bérabich et tormoz. Sa superficie est d’environ 380 km². À l’est de cet espace29 se situe l’Azawagh, essentiellement parcouru par les Kel Tamacheq Iwullemedden de l’Ouest. Plus à l’est se trouve l’immense territoire du Tamesna, où des Tamacheq maliens, algériens et nigériens vivent en nomades30.

21À l’évidence, il est impossible de donner une définition rigoureuse, anhistorique du terrorisme. Dès lors, ce terme ne permet pas de mieux comprendre ces mouvements armés ni les conditions ayant présidé à leur émergence. Quels seraient donc les critères fondamentaux permettant de caractériser les pratiques d’AQMI, d’Ansar Eddine, du MUJAO et du MNLA ? Selon nous, il convient de retenir, a minima, les trois suivants : prises d’otages assorties de demandes de rançons31 ; attentats (kamikazes ou non) à l’aide d’explosifs ; financement des activités terroristes.

22AQMI et le MUJAO32 répondent à ces trois critères. Ce n’est pas, pour l’heure, le cas d’Ansar Eddine, même si son leader Iyad ag Ghali a joué et continue de jouer un rôle dans la libération des otages. Ces trois mouvements se livrent à des activités criminelles (narcotrafic, traite d’êtres humains, trafic d’armes et divers commerces de contrebande), et le MUJAO comme Ansar Eddine appliquent à la lettre leur interprétation de la charia.

23Au-delà de la différence des objectifs respectifs d’Ansar Eddine et du MNLA, le premier étant politico-religieux et le second indépendantiste laïc, le MNLA, bien que participant à différents trafics illicites, ne répond pas aux trois critères avancés. En revanche, à l’instar des trois groupes armés djihadistes, il se rend coupable d’exactions criminelles (viols, vols, meurtres, déprédation, enrôlement d’enfants soldats, etc.) qui ont été dénoncées dans trois rapports33 et ont fait l’objet d’une demande d’enquête auprès de la Cour pénale internationale. Ni le MNLA ni les groupes armés djihadistes ne sont porteurs de projets progressistes en matière sociale, politique et économique34. Tous ont pris les armes sur la seule base de stratégies de conquête de pouvoirs politiques indépendants du pouvoir étatique malien. Tous sont susceptibles de développer des relations économiques avec des pays capitalistes : l’islam politique n’étant pas anticapitaliste, il peut s’inscrire dans la mondialisation financière et économique dominée par l’Occident. Face à ces « fronts armés » se constituent des milices d’autodéfense (consubstantielles aux rébellions armées) à caractère ethnique – telles que Ganda Koye, à dominante songoye, et Ganda Izo, majoritairement constituée, selon toute vraisemblance, de Peuls –, plus ou moins instrumentalisées par le pouvoir étatique. Soulignons qu’il s’agit là d’un pouvoir politique « fondé sur la terre », et non d’une conquête territoriale.

Rapprochement entre Touaregs du Nord-Mali et courants islamistes mondialisés

24« Les Kel Tamacheq sont des musulmans sunnites modérés étrangers à toute forme de fanatisme religieux. » Cette appréciation, qui a longtemps fait figure de vérité intangible, est actuellement remise en cause par le ralliement d’un certain nombre de Kel Tamacheq au salafisme djihadiste. L’islam politique a été introduit dans l’Adagh à la fin des années 1990 et au début des années 2000 par la secte islamiste Dawa. Celle-ci se présente souvent sous ses dehors les plus acceptables, à travers notamment ses actions humanitaires car elle intervient souvent auprès des pauvres et dispense un soutien moral et matériel aux populations confrontées à des catastrophes naturelles et délaissées par les pouvoirs centraux. Secte humanitaire « pacifiste », elle envoie des missionnaires dans différents pays à des fins de prosélytisme religieux, prône la charia et collecte des fonds pour financer le djihad. Sa doctrine politico-religieuse vise la fondation d’un État théocratique. Mais cette secte, dont le nom complet est « Jamaatud-Dawa », pratique en parallèle une activité humanitaire « islamiste ». Elle a été créée à Lahore (à la frontière indo-pakistanaise) par Hafiz Saeed, de nationalité pakistanaise, fondateur en 1987 du Markaz Dawa-wal-Irshad35, dont le bras armé, le Lashar-e-taïba (« L’armée de Dieu »), d’obédience wahhabite, a été interdit en 2002 par le président Musharaf. Il figure en effet sur la liste des organisations terroristes reconnues par les États-Unis, l’ONU, le Pakistan ainsi que d’autres États.

25Est-ce une réminiscence de ce même groupe qui, en 2003, sévissait dans la mosquée de Kidal sous la conduite d’Iyad ag Ghali ? Ce dernier ainsi qu’Ibrahim ag Bahanga et d’autres leaders des rébellions des années 1990 ont été envoyés au Pakistan où ils ont reçu une formation théologique et militaire36. Iyad ag Ghali, ex-leader du Mouvement populaire de l’Azawad (MPA), est également le fondateur de la secte islamiste Ansar Eddine Salafiya37 : son objectif est d’imposer la charia par la force sur l’ensemble du territoire malien. Tout comme le MUJAO et AQMI, Ansar Eddine Salafiya se livre à une interprétation archaïque et pathologique de la charia.

26À la différence du MNLA, dont l’idéologie relève d’une conception ethnique de la nation, Ansar Eddine Salafiya, qui se compose essentiellement de Tamacheq, de Maures et d’Arabes, transgresse ses racines ethnico-identitaires et sociales au nom de l’islam politique, seul à même, à ses yeux, de permettre la construction d’un État théocratique. Ainsi, Ansar Eddine Salafiya dépasse les clivages politiques partisans sur la question de l’ethnicité, qui divise les peuples, au profit d’un islam fédérateur et unificateur autour de la charia.

27L’échec politique et militaire du MNLA et des rébellions précédentes tient justement au fait que ces mouvements ne sont porteurs d’aucun projet de construction d’un État et que les tentations et tentatives allant dans ce sens sont entravées par un retour à la « tribalisation » du politique, particulièrement manifeste dans les luttes pour le leadership local et régional qui ne peut se consolider sans l’appui du pouvoir central étatique. Cette « tribalisation », voire cette « clanisation », est spécifique aux dynamiques internes qui régissent les systèmes politiques touaregs et qui sont incompatibles avec la centralité du pouvoir incarnée par l’État unitaire, l’État-nation. Même l’instauration d’un État fédéral risquerait d’induire des conflits interethniques, car les velléités hégémoniques des Touaregs s’opposeraient à celles des Songoye, obligeant les alliés respectifs des deux clans à prendre partir. Par conséquent, l’élément idéologique et politique qui domine est une conception sublimée de la nation, fondée sur l’ethnicité et la domination aristocratique, qui évacue la question de la centralité du pouvoir et des conditions d’exercice de celui-ci.

Les régions du nord du Mali entre ethno-territorialisation et promotion d’un ordre théologico-moral

28Il n’y aura pas, au Nord-Mali, de modification des frontières nationales héritées des accords conclus au moment de la décolonisation, ni de remise en cause des découpages territoriaux issus de la Conférence de Berlin de 1885. En revanche, on assiste d’ores et déjà à une reconfiguration de plusieurs zones d’influence internes à l’État malien ainsi qu’à une réorganisation des formes et modalités de gestion du politique au sein des États voisins. Ainsi, des territoires sont réorganisés selon des critères ethniques, ce qui implique la formation d’entités ethnico-territoriales (incarnées par des milices ethniques) incluant des noyaux djihadistes et dont la mission sera de contrôler les zones par lesquelles transitent les drogues illicites.

Ethno-territorialisation

29Les régions du Nord-Mali sont confrontées à l’effritement des pouvoirs d’État, qui cèdent la place à une constellation de pouvoirs locaux. Dans le cas des sociétés touarègues, ce phénomène se traduit par l’émergence de pouvoirs politiques et administratifs représentés par la communauté des Imghad et, à l’opposé, par des tentatives, de la part de l’ancienne aristocratie, de restaurer le pouvoir militaire. En effet, la chefferie touarègue n’a jamais été dotée de pouvoirs coercitifs lui permettant d’imposer ses directives à l’ensemble de ses pairs et de ses subalternes. Le chef suprême (l’aménokal) possédait une aura morale qui lui conférait une autorité politique plus symbolique qu’effective. Les rébellions successives n’ont fait qu’affaiblir les chefferies, qui se sont révélées incapables de contenir leurs administrés. Enfin, depuis l’époque coloniale, et notamment lors des rébellions, les chefferies ont toujours été du côté du pouvoir étatique.

30À ces processus contribue également l’émergence d’un nouveau pouvoir économique fondé sur le contrôle de l’acheminement des drogues illicites et exercé par des Bérabich et certains Tamacheq. Cette activité produit de substantiels bénéfices dont le blanchiment s’effectue par le biais d’investissements dans le foncier, l’immobilier et les transports, tant à Bamako que dans les grandes villes du nord du pays.

31Ces processus d’ethno-territorialisation pourraient être intégrés dans un système fédéral, lui-même en parfaite adéquation avec les exigences du capitalisme mondialisé actuellement en proie à une crise systémique. Un système politique (le fédéralisme) pourrait en effet être mis sur pied dans les grandes lignes, au sein duquel s’organiseraient de mini-formes politiques ethniques, tribales, émirales, le capitalisme ayant besoin de flexibilité et recelant de grandes capacités d’adaptation pour atteindre ses objectifs. L’instauration de systèmes fédéraux passe par la déstabilisation des États-nations et des régimes nationalistes – à caractère dictatorial ou non –, qui sont des obstacles à l’expansion du capitalisme, et s’appuie sur la violence armée (rébellions ou affrontements tribaux selon les cas).

Le projet de redressement moral

32Face à cette atomisation des pouvoirs, contraire à toute forme de centralisation, on assiste à un rétablissement de l’ordre social, imposé par des pratiques fondées sur des interprétations cruelles de la charia. Ce phénomène se traduit par une concentration des pouvoirs politico-religieux entre les mains des mouvements salafistes djihadistes sur l’ensemble du Nord-Mali. AQMI et d’autres groupes appartenant à la même mouvance visent dans l’idéal l’instauration d’un État théocratique ou, à défaut, la mise en place d’émirats. Parmi ces groupes, le MUJAO refuse toute négociation avec le médiateur burkinabé et ne veut composer qu’avec les Maliens, notamment les milices d’autodéfense et les milices loyalistes. À ce titre, il a invité les milices Ganda Koye, Ganda Izo, ainsi que d’autres Forces de libération des régions nord du Mali (FLN), fédérées fin 2012 au sein des Forces patriotiques de résistance (FPR), à se joindre à lui afin de sécuriser la région de Gao et la vallée du fleuve. Ansar Eddine est composé d’autochtones touaregs et maures, et son leader, Iyad ag Ghali, est bien connu des populations. L’ensemble de ces pouvoirs (qui cohabitent, se superposent, s’excluent, s’autonomisent, se combinent selon les circonstances) se caractérisent par un fort ancrage territorial et sont révélateurs de nouveaux processus de maillages territoriaux : on assiste ainsi à une ethno-territorialisation, souvent fondée sur les courants de trafics, mais également à un essaimage de petits émirats dont les assises urbaines se trouvent à Kidal et Tombouctou (Ansar Eddine Salafiya), Gao et Douentza (MUJAO), ainsi que dans le Djebel Timétrine, sanctuarisé par AQMI38.

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33La réunion du groupe de soutien et de suivi sur la situation au Mali, qui s’est tenue à Bamako le 19 octobre 2012, a modifié le contexte international. À cette occasion, la communauté internationale a en effet appelé d’une seule voix à une intervention militaire étrangère en vue de reconquérir le nord du Mali, en alliance étroite avec l’armée malienne, dont des éléments devront être correctement formés à la lutte contre le terrorisme. Elle a toutefois ajouté que les modalités d’organisation d’une telle opération, notamment sur les plans technologique, logistique et financier, restaient à préciser. Cette réunion, organisée sous l’impulsion de la France, constitue un tournant dans l’attitude de la communauté internationale à l’égard du Mali, qui fait ainsi son retour sur la scène diplomatique mondiale, les sanctions dont il avait fait l’objet à l’issue du coup d’État du 22 mars 2012 ayant été levées.

34Pourtant, les problèmes de fond demeurent, dont celui des groupes armés avec lesquels il serait préférable de poursuivre les négociations. Pour l’heure, de nombreuses voix estiment qu’Ansar Eddine Salafiya et ce qui reste du MNLA pourraient être des interlocuteurs potentiels. À cet égard, il importe de souligner que l’opinion publique, les associations, la société civile sont farouchement opposées à toute négociation avec ces mouvements armés qui sont à leurs yeux responsables de tous les maux actuels. Autre problème : l’ouverture de négociations avec ces deux groupes armés n’est-elle pas en soi anticonstitutionnelle, l’un – la rébellion touarègue laïque – revendiquant l’autodétermination, l’autre – Ansar Eddine Salafiya – visant des objectifs djihadistes et prônant une application stricte de la charia sur l’ensemble du territoire national ?

35D’une manière plus générale et au vu des situations politiques qui prévalent au Sahara (Libye, Mali, Niger) et au Maghreb (Tunisie, Algérie), on peut se poser la question suivante : le recours à la violence, dans les processus politiques auxquels nous assistons, ne viserait-il pas, à terme, à faire émerger un nouvel ordre mondial ? D’un point de vue stratégique, celui-ci s’appuierait sur des processus de déstabilisation généralisables qui procéderaient par phases : d’abord incarnés par des États dictatoriaux, ou perçus comme tels, ils seraient ensuite confirmés par des campagnes de propagande, puis reproduits par des États faibles. Ainsi, les ex-présidents tunisien (Ben Ali) et égyptien (Hosni Moubarak) ont été à l’origine du « Printemps arabe ». Ils ont été chassés du pouvoir par un immense mouvement d’opposition populaire et pacifiste qui, dans le cas de la Tunisie, a été détourné démocratiquement par le succès électoral du parti Ennahada. Ce ne fut pas le cas en Libye, où les opposants du colonel Kadhafi, à partir de Benghazi, ont eu recours aux armes. Il importe ici de souligner que cette région a toujours été opposée au régime de la Jamahiriya.

36Le Mali, quant à lui, est directement concernée par la guerre civile libyenne. La déstabilisation de l’État malien et, à terme, son implosion passent par le soulèvement de rébellions armées touarègues dont la dernière en date a été le cheval de Troie des projets politiques de la nébuleuse djihadiste. Ainsi, la mise en œuvre d’un nouvel ordre mondial, tout comme l’expansion du capitalisme mondialisé actuellement en crise, repose sur une stratégie de déstabilisation progressive qui vise d’abord les États (en commençant par les pays dotés d’un régime politique autoritaire, voire dictatorial), puis l’intérieur des États, procédant ethnie par ethnie le cas échéant. Une multitude de micro-territoires plus ou moins autonomes vis-à-vis de l’État central font alors leur apparition, mais sont néanmoins connectés à des courants transnationaux (mouvements salafistes, djihadistes ; trafics). Autrement dit, certains territoires dans d’autres pays d’Afrique de l’Ouest ou du Maghreb pourraient bien connaître des transformations semblables à celles observées au Nord-Mali.