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Bande dessinée et numérique

 | 
Pascal Robert

L’informatisation du processus de production de la bande dessinée

Julien Baudry

Texte intégral

La moulinette numérique.

L’informatisation du processus de production de la bande dessinée a connu deux phases. Dans un premier temps, dès les débuts des ordinateurs à interface graphique en 1984, certains dessinateurs se lancent dans l’aventure de la création de bandes dessinées assistée par ordinateur. Il s’agit alors d’une démarche, parfois militante, où le choix de l’outil numérique est assumé et mis en avant ou se justifie par la narration. C’est le cas de Gerbaud et Toffe qui publient dans Zoulou, en 1984, « Et Dieu naquit la femme », accompagné d’un manifeste provocateur qui annonce « la fin d’une époque peuplée de gommes et de crayons ». Les auteurs et éditeurs des quelques bandes dessinées réalisées par ordinateur jusqu’en 2000 revendiquent explicitement leur choix, soit comme argument publicitaire (Digitaline de Bob de Groot et Jacques Landrain en 1989), soit comme choix narratif (Yslaire et Mémoires du xxe ciel en 1997), soit par goût de l’expérimentation (Pierre-Yves Gabrion avec Shekawati en 1995, Fred Beltran avec Megalex en 1999).
À partir du milieu des années 1990 et surtout dans les années 2000 s’engage une seconde phase de généralisation de l’usage des outils informatiques. Il ne s’agit plus cette fois d’actes de différenciation mais, au contraire, d’une diffusion progressive de machines et de logiciels venant remplacer les techniques anciennes. Cette évolution touche à un rythme différent les étapes de la production d’une bande dessinée. La colorisation est rapidement et massivement informatisée, dès les années 1990. Vient ensuite le travail de retouche et le lettrage, parfois la mise en page de la planche. Le dessin en lui-même tarde à se voir remplacer par l’outil informatique : le processus de généralisation des tablettes graphiques qui, grâce au stylet, imitent le geste du dessin, intervient durant les années 2000 mais semble être très progressif.
De nos jours, ces pratiques sont devenues courantes et beaucoup de dessinateurs font parvenir les planches à l’éditeur sous la forme de fichiers numériques. De fait, la bande dessinée papier est déjà, indirectement, une bande dessinée numérique à certains stades de sa conception dans la mesure où l’éditeur scanne la planche pour l’impression. Les usages des dessinateurs rejoignent ici l’informatisation du monde de l’édition et de l’imprimerie, intervenue dès les années 1980‑1990.
Sans qu’il ne nous soit réellement possible d’en mesurer le degré, nous tenons à souligner combien la bande dessinée fait partie des arts où l’outil numérique n’a pas complètement supplanté les usages « mécaniques » traditionnels des artistes, contrairement à la littérature, au cinéma, à la télévision, et, dans une moindre mesure, à la photographie. Nombreux sont les dessinateurs qui produisent encore à la main, au moins jusqu’à l’étape de colorisation, y compris chez les auteurs publiant en ligne comme Marion Montaigne, même si la tablette graphique est très répandue chez les jeunes générations et que, pour certains, elle est même l’outil principal du dessin définitif, comme chez Arthur de Pins.

Table des illustrations

Légende La moulinette numérique.
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/20604/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 30k

Auteur

Archiviste-paléographe et docteur en histoire et sémiologie du texte et de l’image. Il est actuellement conservateur des bibliothèques à l’Université Bordeaux Montaigne. Il poursuit en parallèle ses activités de recherche autour d’un objet, la bande dessinée des xxe et xxie siècles, envisagée dans un contexte de création intermédiatique. Il a créé et tient depuis 2009 le blog Phylacterium (<http://www.phylacterium.fr/>) consacré à la bande dessinée, plus particulièrement à son versant numérique.

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont sous Licence OpenEdition Books, sauf mention contraire.

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