Norbert Elias est né en 1897 dans une famille de la bourgeoisie juive allemande de Breslau, ville située aujourd’hui en Pologne1. En 1915, il passe sans transition de l’école à l’armée et se retrouve sur le front, dans la Somme.

À son retour, il commence des études de médecine et de philosophie à l’université de Breslau : « J’ai choisi la médecine avant tout parce que c’était le désir de mon père […] » (p. 41). Il finit par interrompre la médecine dont il reconnaît toutefois l’influence sur sa pensée : « […] Les sociologues qui n’ont pas fait des études de médecine parlent souvent de la société sans intégrer dans leur discours les aspects biologiques de l’homme » (p. 42-43).

Aussitôt sa thèse de philosophie soutenue (1924), il travaille dans une petite entreprise pour aider financièrement ses parents. La situation économique s’améliorant, il quitte alors Breslau pour aller à Heidelberg où il entreprend des études de sociologie. Il se lie d’amitié avec Karl Mannheim ; grâce à lui, il est invité dans le cercle de la veuve de Max Weber. En 1930, Mannheim lui propose de venir à Francfort pour y prendre un poste d’assistant. Sa thèse porte sur l’étiquette de la cour dans la France de l’Ancien Régime. Elle sera publiée en allemand en 1969, et en français sous le titre de La Société de cour en 1974.

Dès la montée du nazisme, il perd son poste et décide de quitter l’Allemagne (mars-avril 1933) ; il traverse la Suisse où il tente en vain de trouver un poste à l’université. Il s’installe à Paris jusqu’en 1935 : « J’aimais la culture française, et je parlais à l’époque un français presque parfait, presque sans accent » (p. 67). Il ne trouvera pas de travail.

Il se rend en Allemagne pour la dernière fois avant la guerre avant de partir pour l’Angleterre où ses parents lui rendront une dernière visite en 1938, mais refuseront d’y rester malgré ses efforts : « Je m’en souviens encore parfaitement… Je n’arriverais bien sûr jamais à surmonter cela » (p. 69). Son père décédera en 1940 à Breslau, puis sa mère sera déportée à Auschwitz, dont elle ne reviendra pas.

Pendant toute cette époque, Elias est plongé dans la rédaction de son ouvrage majeur, Über den Prozess der Zivilisation, qui sera publié à Bâle en 1939, et qui pour cette raison passera quasi inaperçu : « […] Je parvins à trouver un éditeur en Suisse qui était d’accord pour sortir le livre […]. Mon pauvre père dut donc aller voir les autorités nazies afin de solliciter une licence d’exportation » (p. 80). Il ne sera republié en allemand qu’en 1969 et traduit en français sous la forme de deux ouvrages, La Civilisation des mœurs en 1973 et La Dynamique de l’Occident en 1975.

En 1954, Elias reçoit une proposition de poste de lecturer à l’université de Leicester, dans le récent département de sociologie qu’il va grandement participer à développer : « […] Leicester, après Londres, devint l’un des principaux fournisseurs de sociologie en Angleterre » (p. 84). Parmi ces chercheurs en sciences sociales, on peut citer A. Giddens.

Entre 1962 et 1964, Elias accepte une chaire de sociologie à l’université du Ghana : « Ce fut pour moi une expérience extraordinaire, et c’est là que j’ai commencé à aimer profondément la culture africaine » (p. 87). Elias se met à collectionner des objets d’art africain qui le suivront toute sa vie.

À son retour en Europe, il sera professeur invité aux Pays-Bas et en Allemagne ; à partir de 1975, il va partager sa vie entre Amsterdam et Bielefeld (dès 1978). En 1979, il reçoit le prix Adorno pour l’ensemble de son œuvre. Elias meurt à quatre-vingt-treize ans, en 1990.

À noter que la Norbert Elias Foundation (Amsterdam) assure la conservation d’un fonds d’archives personnelles d’Elias, aide à la publication de ses manuscrits inédits et diffuse régulièrement une newsletter, Figurations (envoi gratuit sur demande à Saskia Visser, Secretary, NEF, J.J. Viottastraat 13, 1071 JM Amsterdam, The Netherlands). Le site de la NEF, très intéressant, est à l’adresse suivante : http://www.norberteliasfoundation.nl

Pour une première rencontre avec N. Elias et ses travaux, on pourra se reporter à une série de quatre émissions réalisées sous la direction de S. Chevalier et J.M. Privat pour Canal-U (Canal Socio), la web télévision de l’enseignement supérieur et de la recherche (http://www.canal-u.education.fr).

PRINCIPALES PUBLICATIONS TRADUITES EN FRANÇAIS

1973, La Civilisation des mœurs, Paris, Calmann-Lévy.

1974, La Société de cour, Paris, Calmann-Lévy.

1975, La Dynamique de l’Occident, Paris, Calmann-Lévy.

1981, Qu’est-ce que la sociologie ?, Paris, Pandora.

1985, La Société de cour, Flammarion, coll. Champs.

1987, La Solitude des mourants, Paris, Christian Bourgois.

1991, La Société des individus, Paris, Fayard.

1991a, Norbert Elias par lui-même, Paris, Fayard.

1991b, Mozart. Sociologie d’un génie, Paris, Seuil.

1993a, Engagement et distanciation. Contributions à la sociologie de la connaissance, Paris, Fayard.

1993b, Qu’est-ce que la sociologie ?, Paris, Éditions de l’Aube, coll. Agora.

1994, Sport et civilisation : la violence maîtrisée, Paris, Fayard (avec E. Dunning).

1995, « Sur le concept de la vie quotidienne », Cahiers internationaux de sociologie, vol. 99, p. 237-246.

1996, Du Temps, Paris, Fayard.

1997, Logiques de l’exclusion. Enquête sociologique au cœur des problèmes d’une communauté, Paris, Fayard (avec J.L. Scotson).

2002, Elias, Écrits sur l’art africain, Paris, Kimé.

2003, « Le repli des sociologues dans le présent », Genèses, 52, p. 133-151 (1987, 1^re édition en anglais).