Internet et les différentes formes de diffusion ouverte participent-elles à la démocratisation de la science ?

1Dominique Wolton : Pour répondre à cette question, il faut poser trois préalables. Le premier, c’est qu’aucune « nouvelle » technologie de communication ne peut à elle seule provoquer une rupture. Il faut la rencontre entre un progrès technique et un projet politique pour qu’il y ait réellement une « révolution » dans la communication. La technique à elle seule ne suffit pas à transformer les rapports humains et sociaux. C’est cela l’idéologie technique, croire qu’un système technique, quel qu’il soit, modifie radicalement les rapports humains et sociaux. Il les influence, c’est évident, mais les bouleverser demande d’autres conditions, justement sociales et culturelles. Surdéterminer l’influence technique, c’est sombrer dans le technicisme, au demeurant rassurant. En un mot, il faut refuser la dichotomie actuelle qui fait du facteur technique le facteur déterminant. En réalité, il s’agit d’une interaction constante entre technique, société et culture, avec un primat pour la dimension culturelle.

2Le deuxième préalable est un constat : tout le monde est favorable à l’accès libre à l’information, la science ou la culture, depuis deux siècles. Qui peut être contre ? Et le progrès technique permet justement cet accès généralisé à la science. Mais le problème vient du fait que l’accès à l’information, en général, n’est pas un problème technique. La technique est toujours plus simple que la société, car cet accès « libre » se fait sur fond de concurrence effrénée et d’une guerre technologique et économique extrêmement dure. La liberté individuelle est un peu le prétexte et la caution… Il y a donc une contradiction entre cette concurrence et l’accès libre à l’information, à la science et à des connaissances.

3Enfin, troisième point, l’accès « universel » aux connaissances suppose deux conditions : d’une part, il faut que les récepteurs aient les capacités cognitives pour les recevoir, les interpréter, les utiliser ; d’autre part, il faut tenir compte des problèmes de diversité culturelle non résolus par l’accès libre. On ne comprend pas la même chose selon les pays, les cultures, les modèles éducatifs… Accéder à tout, plus ou moins facilement et gratuitement, ne suffit pas, hélas, à modifier les inégalités de tous ordres ni à supprimer les différences culturelles et géographiques. Le village global technique ne crée pas la communication globale. Il est une prouesse technique, non une réalité humaine.

4Il est donc trop simple de dire que la science ouverte contribue à la démocratisation. Certes nous sommes passés à un modèle de société ouverte, et rien ne se refermera jamais : il y aura toujours la mondialisation, les médias, les opinions publiques, les intérêts politiques et économiques liés aux sciences et aux techniques. Mais cela ne crée pas pour autant une mondialisation pacifique ; au contraire. Les scientifiques, par exemple, sont de plus en plus présents dans la société, contestés ou sollicités, en tout cas obligés de sortir de leur isolement, tout en devant préserver leur autonomie. Leur position est beaucoup plus complexe qu’autrefois car ils doivent apprendre à gérer ces deux dimensions, de la présence et du retrait. D’autant que la société a changé et n’accepte plus comme acquise « l’infaillibilité » des scientifiques, comme c’était le cas au xix^e siècle. Désormais, ceux-ci doivent composer avec les multiples logiques à l’œuvre dans les espaces publics médiatisés. Il peut y avoir simultanément une science ouverte, accessible, et des antagonismes économiques, politiques, ainsi que l’installation de nouveaux mécanismes de pouvoir. La société de la connaissance qui se dessine n’est ni irénique ni dépourvue d’antagonismes et de conflits d’intérêts.

Comment les institutions peuvent-elles arbitrer entre science ouverte et modèle marchand ?

5Cette utopie, au sens laudatif du terme, de la science ouverte est à la fois une idéologie et une réalité. Une réalité si on pense aux masses d’informations disponibles. Mais aussi une idéologie qui voudrait que l’on puisse se passer des intermédiaires et établir une communication « directe » entre le producteur de connaissances et les usagers. Or, il n’y a pas de connaissances sans professions intermédiaires, sans professeurs, journalistes, bibliothécaires, documentalistes, éditeurs… Il faut nécessairement des professions qui médiatisent la connaissance.

6Et c’est la responsabilité des chercheurs en tant que producteurs de connaissances que de réfléchir au statut des industries de la connaissance, aux conditions d’ouverture de la science, à la place centrale de la guerre économique dans les sciences et techniques, au maintien de l’indispensable pluralisme de toutes les formes de cultures, à ce qui relève de l’universel et de la connaissance, et à ce qui renvoie aux rapports de force cognitifs.

7Deux exemples de cette mutation. D’une part, la transformation radicale de la question des controverses. Avant, il y avait des controverses entre scientifiques mais elles ne concernaient que peu de personnes. L’espace public ouvert les rend plus visibles, mais ne les rend pas plus lisibles. En plus, et ceci est nouveau, leur échelle devient mondiale avec des controverses qui peuvent impliquer plusieurs points de vue scientifiques – comme on le voit pour les OGM, le climat, les nanotechnologies… – et mobiliser également les opinions publiques et les médias, sans parler des dimensions économiques presque omniprésentes. La mondialisation devient à la fois une ouverture, un espace public complexe et un nouveau théâtre de rapports de force. Il faut donc que les universitaires et les chercheurs acceptent d’exercer leur esprit critique sur les forces et limites de cette fantastique ouverture scientifique, phénomène beaucoup plus complexe que la simple performance technique. Ceux qui sont favorables à « l’ouverture » ne sont pas nécessairement du côté du « progrès » et ceux qui s’y opposent des « réactionnaires ».

8Pas facile de s’opposer à la vulgate commune. On retrouve d’ailleurs à chaque nouvelle technologie la même utopie d’un changement de la société. Pourtant, si depuis cent ans le progrès technique dans les technologies de communication est considérable, est-ce pour autant que les hommes se comprennent et se tolèrent mieux ? Il y a hélas peu de rapport entre le progrès scientifique et technique, indéniable dans le domaine de l’information et de la communication, et le « progrès » des hommes vers plus de compréhension. Le monde est un village global technique, mais cela ne suffit pas à changer la société, ni à réduire les conflits et les inégalités… C’est notamment la responsabilité du monde académique que de penser ces ruptures, progrès et contradictions.

9Pour penser les forces et les limites d’Internet en matière de production scientifique, il faudrait avoir une culture de la communication. Or, c’est un sujet que le milieu académique a, depuis plus de trente ans, refusé de penser. On a réfléchi un peu à la mutation du statut de l’information, on n’a pas pensé du tout la question de la communication, pourtant beaucoup plus complexe car elle pose la question de la relation, donc de l’altérité.

10Faute de réflexion théorique et paradigmatique, et faute d’un travail comparatif, les institutions scientifiques tâtonnent pour finalement se limiter le plus souvent à la seule réflexion sur les « usages », sans même interroger la continuité discutable entre information et communication, sans parler des rapports entre information, connaissance et communication.

11Autre problème : on a laissé ces questions aux seules sciences sociales. Or celles-ci ne sont pas les seules à être concernées, loin de là. C’est un enjeu commun qui est partagé par tous les domaines de la connaissance. Mais les sciences formelles, de la nature, de la vie, de la matière se défaussent volontiers de cette réflexion indispensable sur les sciences de l’homme et de la société, qui elles non plus, hélas, n’ont pas beaucoup réfléchi à ce nouveau paradigme, si ce n’est pour le critiquer, ou en tout cas sans y accorder beaucoup d’intérêt théorique. La communication ? La plupart du temps, elle est réduite à une caricature, à une volonté de manipuler. Bref, la communication, c’est de la « com ». Rien à penser. Les sciences sociales ont d’ailleurs considéré, à tort, qu’elles avaient une compétence « naturelle » pour penser ces questions, sans pour autant fournir l’attention théorique et épistémologique nécessaire.

12En réalité, face à ces nouveaux enjeux théoriques, personne n’a de compétence d’expertise a priori, et surtout il n’y a pas de travail en commun. Résultat, c’est souvent le technicisme qui l’a emporté, dans sa double face, critique ou laudative. Bref, la mobilisation intellectuelle et critique des scientifiques a été généralement insuffisante. Le monde académique, finalement fasciné lui aussi par la technique, a laissé de côté cette réflexion épistémologique indispensable sur les rapports entre information, connaissance et communication. Pour retrouver sa place dans une réflexion d’ensemble, le monde académique doit revenir à ses propres valeurs, ne pas accepter le rythme effréné des systèmes d’information, réfléchir enfin sur les enjeux théoriques de l’information et de la communication, admettre qu’il faut du temps, faire le tri, faire du comparatisme, produire des connaissances et rappeler que l’érudition est aussi indispensable que la course à la vitesse informationnelle technique.

Outre la vitesse informationnelle que vous évoquez, il va aussi falloir compter avec la quantité, les grandes masses de données. La déferlante annoncée des big data vous semble-t-elle de nature à bouleverser l’activité scientifique ?

13Oui les grandes masses de données* sont un progrès, parce que mieux vaut plus d’informations, que moins, mais le problème est beaucoup plus complexe. D’une manière générale, les big data*, le cloud computing, le libre accès, les biens communs… nourrissent les utopies qui peuvent virer au cauchemar dans cette identification de l’abondance au progrès. Effectivement, hier, tout était rare, aujourd’hui, tout est profusion. D’où l’idée simple, et fausse, selon laquelle l’abondance est synonyme d’émancipation. Ce lien s’est fait par rapport à l’histoire du progrès, pour l’énergie, l’alimentation, la ville… mais il est beaucoup plus compliqué avec Internet car il s’agit d’informations, c’est-à-dire de constructions mentales, de modèles cognitifs.

14La technologie, même si elle ressemble, avec l’ordinateur, au cerveau humain, ne suffit pas à bouleverser le comportement des Hommes, ni l’organisation de l’économie et de la société. L’abondance, sans pilotage, surtout dans un domaine culturel comme celui de l’information et de la communication, n’est pas un progrès en soi. L’information n’est jamais neutre et le lien se complique, dès qu’il y a pléthore, entre information, connaissance, culture et communication, pour les sciences, comme pour tout autre domaine. Paradoxalement, l’abondance ici ne simplifie pas les choses, parce que l’information est une donnée culturelle, et non naturelle.

15La chaîne vertueuse qui actuellement entoure Internet est la suivante : la profusion crée la liberté, la vérité, et l’égalité de tous devant l’accès et l’utilisation de l’information. Le paradis. Ce que l’économie capitaliste n’a pas réussi à faire, l’information le permet… Et chacun peut même devenir auteur-collaborateur, assurant la participation de tous. Ceci éveille le retour d’un rêve anarchiste du monde et de la connaissance, tel qu’il renaît d’ailleurs à chaque saut technologique. Ce sont le volume, la vitesse de circulation et d’interaction de l’information qui deviennent ici subversifs. Tout le problème, comme je le répète souvent, est qu’une révolution technique ne suffit pas à créer un projet politique. Mais l’idée actuelle dominante est que la démocratisation sera au bout des réseaux. La technique crée de la démocratie : avec l’abondance, c’en est fini de la propriété, du calcul et du pouvoir. Le volume devient libérateur.

16Du coup, les menaces que font peser aujourd’hui, sur la démocratie, l’essor d’Internet si peu réglementé et les problèmes posés notamment par l’expansion des big data, sont passées sous silence. Rien ou si peu sur l’immense concentration technique et économique du secteur, ni sur les rapports de force qui en résultent, ni sur l’espionnage généralisé… Tout est parfaitement compatible avec un usage « libre » par les individus. Rien ou si peu non plus sur les libertés publiques et privées, la confidentialité, la traçabilité, la protection des données. Rien ou si peu, enfin, sur la réorganisation des pouvoirs, la place de la régulation et de la réduction des inégalités, le respect de la diversité culturelle, ni sur la manière de concevoir les rapports entre information, culture, connaissance et communication…

17Silence également sur la question essentielle, quand il s’agit de connaissance, de la nécessité de l’épaisseur du temps. Rien non plus sur le rôle pourtant primordial de tous les « intermédiaires » dans l’accès à l’information et à la connaissance que sont les journalistes, professeurs, médecins, documentalistes… En gros de tous ceux qui sont détenteurs de savoir, capables de trier les informations, et que l’on considère aujourd’hui comme des « freins » à cette « démocratie pour tous ». La grande utilité des big data dépend pourtant précisément de l’existence préalable de ces communautés professionnelles qui sont les seules à posséder les compétences pour savoir quoi faire de ces milliards d’informations. La vitesse de circulation de l’information n’a rien à voir avec la lenteur des connaissances, et les intermédiaires sont la condition indispensable pour donner un sens aux grandes masses de données.

18Rien non plus sur la manière de résoudre les conflits inévitables, depuis le début de l’humanité, dus au fait que le pouvoir est toujours lié à la détention et à l’accumulation d’informations, et de secrets. L’information, comme le capital, s’accumule et crée des inégalités. Et plus il y a « d’égalité » dans la production, l’accès, la circulation, plus se mettront en place, ailleurs, des mécanismes secrets de hiérarchisation. Pourquoi d’un seul coup, les millions d’utilisateurs-créateurs voudraient-ils être égaux devant ce qui devient la ressource principale de pouvoir dans nos sociétés ? Pourquoi la NSA et tous les pouvoirs politiques, et militaires, continuent-ils à accumuler des informations secrètes sur les individus, les entreprises, les organisations, etc. ? Si l’abondance engendrait la vertu, cela se saurait depuis longtemps ! Trop d’informations ne suffisent pas à générer des connaissances, de la culture, ni à faciliter la communication.

Plus d’informations ne produirait donc pas plus de connaissances ?

19L’ambiguïté du mot informer est considérable. Il continue de signifier plusieurs choses à la fois, et toutes ne sont pas concernées de la même manière par la révolution d’Internet. C’est un second problème. En fait l’idée de profusion, comme source de liberté et d’égalité, correspond très bien au sens de ce que j’appelle l’information-service qui est la grande révolution d’Internet. Chacun accède plus ou moins librement, et progressivement de moins en moins gratuitement à une information-service. C’est d’ailleurs l’immense marché d’Internet de demain. Oui cela change la vie, mais tout est beaucoup plus compliqué pour les quatre autres sens du mot information que j’ai distingués dès 1987 (voir Wolton, 2012, p. 437). L’information-news, liée à la presse et au travail du journaliste. L’information-institutionnelle, la plus proche de l’information-service. L’information-connaissance qui est au cœur des enjeux des big data, beaucoup plus complexe et enjeu de pouvoir, liée aux modèles cognitifs, aux représentations des connaissances et du monde, aux inégalités… Depuis est apparue la cinquième catégorie, l’information relationnelle, liée à l’expansion des réseaux et des sites de rencontres.

20Peu de chose en commun entre ces cinq types d’information et le contresens vient du fait que la « révolution de l’information » est le plus souvent identifiée à l’information-service, alors que les quatre autres, et surtout l’information-connaissance, posent des problèmes d’une redoutable complexité, sans rapport avec la facilité de l’information-service. Le modèle de l’information-service, à la base de grands progrès offerts par Internet, n’est pas applicable facilement aux autres types d’information.

21De plus, le sentiment réconfortant de l’existence d’une « totalité » des informations accessibles est ambigu, au-delà même de la question des compétences pour les traiter. D’abord le lien information-connaissance est toujours aussi difficile. Ensuite, si l’idée du « tout » capté et utilisable s’impose, que reste-t-il de la création qui est toujours une rupture, ou le fruit de combinaisons « hasardeuses » ? Sans parler des ravages créés par le rapport compliqué entre l’oubli et les connaissances.

22La troisième objection porte sur les limites du modèle des grandes masses de données, qui est de pouvoir allier le « tout » et le plus « personnel ». En effet, ce qui séduit dans les big data, c’est non seulement l’idée de rassembler et de croiser toutes les informations sur un sujet, mais c’est aussi celle de pouvoir offrir simultanément des services personnalisés à des petites communautés, jusqu’à l’échelle la plus réduite, celle de l’individu. Pourquoi alors les médias de masse ont-ils toujours été critiqués par crainte de leur influence sur la société (on y retrouve aussi les deux échelles, individuelle et collective), alors qu’aucune suspicion n’est soulevée par l’accumulation des grandes masses de données ? Tout simplement parce que dans un cas, il s’agit de l’information vertueuse, avec Internet, et dans l’autre, avec les médias de masse, de la crainte ancestrale à l’égard de la communication ! Toujours les mêmes oppositions, fausses, entre l’information vertueuse et la communication dangereuse ! On rêve de 7,5 milliards d’internautes libres et multi-branchés, on dénonce sans fin l’aliénation de ces mêmes milliards d’individus devant la télé… Et l’on a d’autant moins peur des masses de données que grâce à ces mêmes ordinateurs, on peut segmenter, individualiser, personnaliser les flux d’information. Donc rien à craindre. On redoute « Big Brother » pour les médias de masse, pas pour les grandes masses de données… Cherchez l’erreur !

23La quatrième objection porte sur la perspective qui entoure les big data. C’est celle d’une « numérisation du monde ». Tout devient « donnée », selon un certain modèle de rationalité peu compatible avec l’irrationalité de l’Histoire et du monde. La numérisation du monde est censée « lisser » les différences et permettre une certaine cohérence, voire une logique et une raison. Il y a là, à la fois le rêve anarchiste de l’information pour tous et l’hypothèse d’un monde rationnel, en tout cas qui puisse rentrer, pour l’essentiel, dans les grandes banques et réseaux de données. Une contradiction rarement soulevée. Être interconnecté à une vaste échelle suppose un minimum de rationalité commune. Quid alors de l’altérité pourtant partout présente ? Y compris, et surtout, dans le domaine de la connaissance ? Le règne des réseaux conduit souvent à une unidimensionnalité pas toujours compatible avec la connaissance. D’ailleurs, l’originalité, le non conformisme, la nouveauté sont toujours une rupture par rapport à ce qui existe, et ne sont pas toujours complémentaires de ces grandes masses de données.

24On tombe sur l’objection que je fais souvent, « informer n’est pas communiquer ». Le message ne suffit pas à créer la relation, parce que la relation pose tout de suite la question de l’altérité. On passe du même à l’autre. Et c’est tout le problème de la communication ; la gestion de l’altérité, qui est mise entre parenthèse, avec la révolution de l’information. On assiste même à l’hypothèse inverse : croire que l’abondance de l’information crée l’abondance de la communication. Les grandes masses de données poussent au paroxysme le rêve, illusoire, de réduire l’incommunication et l’altérité propre aux relations sociales et humaines. En effet, au bout des réseaux, il n’y a pas d’autres réseaux, mais des sociétés, des hommes, des cultures, des langues, des symboles, des religions… que des différences ! Le volume de l’information, la puissance de calcul et la vitesse de circulation, et d’interaction de l’information, ne suppriment pas l’altérité.

25Si l’on veut que les grandes masses de données soient réellement un facteur de progrès, il faut trois conditions. Une réflexion critique épistémologique sur le statut des cinq types d’information, de nature différente, dont j’ai parlé. Un travail sur les rapports de plus en plus compliqués entre information, connaissance, culture et communication. Une analyse des conditions du pluralisme qui prenne en compte aussi bien la question de la régulation politique mondiale, afin d’éviter les effets de concentration bien connus, que celle de la traçabilité et de la protection des données personnelles.

26Autrement dit, l’abondance d’information ne relativise pas tous les problèmes posés par son explosion il y a un demi-siècle, elle les accentue, rappelant une fois de plus qu’une révolution technologique n’est rien sans un cadre culturel et politique. Ou pour le dire autrement, ce n’est pas aux sociétés de s’adapter à ce nouveau progrès technique, mais l’inverse, c’est au progrès technique d’être pensé par rapport aux besoins et aux règles de la société.