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L'incommunication

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Samuel Lepastier

Glossaire

Full text

1Les mots qui figurent dans le glossaire sont signalés par un astérisque* dans le texte.

2Dysphasie : le terme a été créé en 1973 par le neuropsychiatre Julian de Ajuriaguerra pour désigner un groupe d’enfants dont le développement du langage était problématique. La dysphasie, qui s’observe en l’absence d’anomalie de développement intellectuel global ou de défaut d’audition, est le plus souvent définie comme un trouble du langage survenant chez l’enfant, combinant dans des proportions variables l’expression et la compréhension, pour affecter la communication dans son ensemble. Le trouble est analysé à partir de trois axes : le premier étant l’appétence à communiquer ; le deuxième, la structure du langage ; et le troisième, l’étude du rôle du langage dans l’ensemble du fonctionnement mental. Si les causes de l’affection sont encore mal identifiées, elle est souvent accompagnée de troubles de la personnalité.

3État-limite : dès le milieu du xixe siècle, des aliénistes se sont posé la question des frontières de la folie afin de distinguer les patients qu’il convenait d’interner et ceux pour lesquels cette mesure était inutile. On retrouve une interrogation semblable dans la rédaction des expertises devant déterminer le degré de responsabilité d’un criminel. L’interrogation sur les états-limites, entre névrose* et psychose*, est revenue au premier plan des préoccupations cliniques dans la deuxième moitié du xxe siècle. Tout d’abord, les neuroleptiques découverts en 1952 ont atténué considérablement le retrait du monde de nombre de patients psychotiques au profit d’un traitement psychique. Et surtout, les psychanalystes ont constaté, lors de cures entreprises avec des patients apparemment sans difficultés excessives qu’à certains moments de l’analyse, du reste parfois très prolongés, ceux-ci utilisaient des modes d’expression et des mécanismes psychiques identiques à ceux des patients psychotiques. L’usage de la catégorie état-limite a permis de rendre compte, au moins provisoirement, de certains fonctionnements psychiques difficiles à rattacher à une structure névrotique.

4Névrose : la névrose est un concept clinique fondamental de la psychanalyse. Si le terme est employé depuis le xviiie siècle, c’est Freud qui lui a donné son sens actuel. La névrose est un trouble psychique dont le patient est conscient et qu’il ne parvient pas à surmonter, malgré ses efforts, tout en percevant douloureusement le caractère absurde de sa situation. Les névroses actuelles résultent d’une difficulté dans l’actualité de la vie du patient adulte tandis que les psychonévroses de défense sont l’expression manifeste d’un conflit psychique inconscient dont les racines remontent à l’enfance. Ici, le symptôme névrotique est l’expression d’un compromis entre des exigences pulsionnelles inconscientes et la conscience morale (le surmoi en termes psychanalytiques). En fonction de l’intensité du refoulement et du destin des affects, les psychanalystes reconnaissent deux grands types de fonctionnement névrotique : hystérophobique d’une part et obsessionnel de l’autre. L’évaluation des troubles ne se fait pas seulement sur l’existence ou non de symptômes mais bien davantage sur la qualité du compromis ainsi réalisé.

5Novlangue : la novlangue (de l’anglais newspeak) est un néologisme de George Orwell dans le roman 1984, qui anticipe un monde dominé par des régimes totalitaires. Dans un appendice, il détaille les principes de la novlangue, construite par suppression de mots inutiles et fusion d’autres mots : ainsi « mauvais » est remplacé par « inbon ». Le but est non seulement d’empêcher la formation d’un esprit critique par élimination du sens des nuances, mais surtout de rendre impensable le concept d’opposition car la novlangue, ignorant la contradiction, utilise la « double-pensée » : un même mot sert aussi bien à faire l’éloge d’un membre du parti qu’à accabler un opposant. Ainsi « canelangue » signifie la loyauté et l’éloquence pour un membre du parti et le verbiage insignifiant pour un opposant. La novlangue est proche des « processus primaires », mécanismes de formation des images du rêve et de la pensée délirante.

6Pathologie psychosomatique : terme qui désigne une maladie organique, quand on suppose qu’elle a été provoquée ou aggravée par des facteurs affectifs. Au sens strict, cette définition exclut l’hypocondrie et l’hystérie. Le domaine de la médecine psychosomatique est d’évolution récente et les controverses y restent vives. Néanmoins quelques points communs se sont dégagés. Ainsi, les caractères du symptôme ne sont pas nécessairement déterminés par le conflit psychique qui a pu être à son origine : par exemple, les peines de cœur ne déterminent pas nécessairement des problèmes cardiaques.

7Perversion : étymologiquement, perversion signifie chemin de traverse. Ce terme est utilisé dans deux sens sensiblement différents. La perversité est le désir de nuire à autrui, par recours à la malhonnêteté intellectuelle, pour mieux exercer son emprise sur lui. La perversion, au sens psychanalytique du terme, est originellement la satisfaction sexuelle obtenue exclusivement par une conduite déviante.

8Freud a introduit une révolution en 1905 en publiant Trois essais sur la sexualité infantile. Rompant avec les modes de pensée de son temps, il a montré que les « pervers » étaient plutôt des grands enfants que des dégénérés. Il a aussi montré que les actes pervers étaient, dans la plupart des cas, une fixation à une phase préliminaire du coït : ainsi, le sadisme est une exagération de l’étreinte amoureuse. Surtout, il a montré que l’ensemble des pratiques sexuelles était la résurgence d’expériences sensuelles de la première enfance, regroupées sous le terme de sexualité infantile. Il est amené à conclure que la névrose* est le négatif de la perversion : une personne obsessionnelle se faisant des reproches permanents et en proie au doute perpétuel, retourne sur elle-même des pulsions sadiques initialement dirigées sur autrui. Le terme de perversion sexuelle est ambigu parce désignant à la fois des actes sexuels déviants et des agressions sexuelles parfois criminelles, il n’échappe pas à un jugement de valeur négatif. Dans les perversions morales, telle la perversion narcissique décrite par le psychanalyste Paul-Claude Racamier, le sujet trouve sa satisfaction dans la transgression des règles.

9Phalanstère : du grec phalanx, formation militaire rectangulaire, et stereos, solide. Bâtiment de grande taille, destiné à abriter près de 2 000 sociétaires et à vocation coopérative que Fourier imagine et intègre dans un ensemble communautaire plus vaste, la phalange. Le phalanstère est en fait une exploitation agricole qui prévoit, à côté des logements privés, d’importants espaces de circulation et des structures destinées à la vie sociale et au loisir, et dont l’organisation générale vise à rendre attrayant le travail. On en trouve une exposition détaillée dans Description du phalanstère (1848) de Victor Considerant. Malgré bien des tentatives, rares furent les phalanstères ayant dépassé le stade du projet et donné lieu à des réalisations durables. Parmi les exceptions, on compte le célèbre familistère de Guise.

10Phase de latence : elle renvoie à la sexualité infantile, sans doute le concept le plus controversé de la psychanalyse. Classiquement, il était généralement admis que la sexualité naissait à l’adolescence. Si Freud, dans les débuts de sa pratique, était convaincu que les troubles psychiques de l’âge adulte étaient une conséquence tardive d’abus sexuels subis dans l’enfance, il montre par la suite que cela ne pouvait être vrai dans tous les cas. Au lieu de penser alors que ses patients affabulaient, il a estimé qu’ils exprimaient, non pas une « vérité matérielle » mais une « vérité historique » : la mise à jour d’une sexualité infantile jusque-là inconsciente. Celle-ci se développe à partir de la toute première expérience sensuelle que représente la tétée. De la même façon, dans la deuxième année de la vie, est investi le plaisir lié à la maîtrise de l’appareil musculaire. Enfin, il n’est pas rare que des enfants avant six ans aient recours à des gestes masturbatoires. Observé très tôt, le complexe d’Œdipe culmine vers quatre ou cinq ans pour se déployer aussi bien dans sa dimension « positive » (désir de l’union avec le parent de sexe opposé par élimination du parent de même sexe) que « négative » (désir de l’union avec le parent de même sexe par élimination du parent de sexe opposé). Quand l’enfant prend conscience du caractère irréaliste de ses désirs, il y renonce, se résout à grandir pour entrer dans la voie de l’identification avec l’espoir d’être à l’âge adulte comme ses parents.

11La sexualité infantile est mise en latence, rendant l’enfant apte à des investissements scolaires et culturels, comme le reconnaît la culture en fixant à sept ans l’âge de raison. Classiquement, la période de latence prend fin avec le réveil pulsionnel de la puberté, ce que les psychanalystes traduisent par l’expression d’évolution biphasique de la sexualité humaine. Chez les enfants présentant des difficultés affectives marquées, l’entrée dans la latence est retardée ou elle ne se fait pas. Nous observons alors de grands enfants ne cessant d’employer un vocabulaire extrêmement cru et dont l’imaginaire est constamment envahi par des images sexuelles ou scatologiques. De ce fait, les apprentissages scolaires leur sont moins accessibles. La difficulté à reconnaître la sexualité infantile est la principale raison pour laquelle la psychanalyse fait périodiquement l’objet de critiques passionnelles.

12Psychose : terme psychiatrique désignant des troubles psychiques qui conduisent le patient à perdre contact avec la réalité. Le délire est le symptôme essentiel des psychoses alors que les hallucinations ne sont pas toujours retrouvées. En cas de trouble aigu, désigné classiquement sous le terme de bouffée délirante, le patient, comme dans un rêve éveillé, vit son délire dans un état de grande confusion. Les risques de passage à l’acte sont très grands. Dans les psychoses au long cours, le délire est surtout raconté, ce qui permet, au moins dans certaines limites, d’anticiper les conduites du patient. La clinique psychiatrique française a classé les délires en fonction de leur niveau de structuration (très structuré chez le paranoïaque, moyennement structuré chez le schizophrène et non structuré dans les bouffées délirantes) ; leurs mécanismes (interprétation – raisonnement juste sur une base fausse – chez le paranoïaque, hallucination – perception extra-sensorielle rencontrée dans les bouffées aiguës, les schizophrénies et les psychoses hallucinatoires chroniques ; intuition – rencontrée dans les délires sensitifs et imaginatifs) et enfin leurs thèmes. Ainsi, ce n’est pas parce qu’une idée s’écarte des normes courantes qu’elle est nécessairement délirante comme à l’inverse, ce n’est pas parce qu’un fait est exact qu’il ne peut servir à un support délirant.

13Schizophrénie : le groupe des schizophrénies a été décrit par le psychiatre suisse Eugen Bleuler (1857-1939) en 1911. Cette forme grave de psychose au long cours touche entre 1 % et 2 % de la population adulte selon que l’on se réfère à la clinique française ou aux critères de la psychiatrie athéorique américaine. Classiquement, la schizophrénie débute au moment de l’entrée dans la vie adulte pour évoluer ensuite tout au long de l’existence. Plusieurs formes cliniques sont distinguées, en fonction des symptômes prédominants qui sont observés dans l’ensemble des cas.

14Le fonds commun est identique dans toutes les formes car l’affection est définie par la perte d’unité de la personne, par une dissociation et une discordance idéo-affective ; par exemple un patient peut pleurer en évoquant des pensées apparemment plaisantes comme il peut avoir le haut du visage triste et le bas plutôt gai. L’autisme (terme de Bleuler qui est un euphémisme pour « autoérotisme ») est constant dans la schizophrénie. En pratique, cela veut dire que le sujet est entièrement replié sur lui-même sans pouvoir entrer vraiment en contact avec les autres. C’est pourquoi, la maladie évolue spontanément vers le retrait social, l’apragmatisme et le déficit.

15Stéréotype : terme de psychologie sociale. Si plusieurs définitions peuvent en être données, l’usage du stéréotype consiste à attribuer à un groupe ou à une personne, une idée reçue ne souffrant pas de discussion. Il arrive que cette attribution constitue une prophétie auto-réalisatrice, notamment quand un stéréotype est largement partagé au sein d’une collectivité : par exemple, si l’on affirme que les membres d’un groupe sont inaptes au travail, ces derniers sont alors moins embauchés. Leur chômage important, qui est une conséquence, apparaît alors comme une confirmation de l’image initiale. Pour les psychanalystes, le stéréotype, quels que soient les éléments de réalité sur lesquels il prétend s’appuyer, est une projection ambivalente d’une partie de soi sur une personne ou sur un groupe. En appendice de son roman inachevé, Bouvard et Pécuchet, Gustave Flaubert a rédigé un Dictionnaire des idées reçues qui collectionne les stéréotypes les plus courants du xixe siècle en France, dont il est surprenant de constater aujourd’hui que, pour la plupart, ils n’ont guère vieilli.

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