La diversité culturelle
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1Les mots qui figurent dans le glossaire sont signalés par un astérisque* dans le texte.
2Acculturation : le préfixe « a » n’est pas privatif ici mais vient du latin ad. Il indique un mouvement de rapprochement. Autrement dit, ce terme désigne d’abord les relations qui s’établissent entre les cultures, leur interpénétration, en sachant cependant que les rapports interculturels ne se jouent pas à armes égales, car la culture la plus puissante s’impose progressivement, même si l’assimilation, c’est-à-dire la perte totale de la culture d’origine au profit d’une autre, est un phénomène plutôt rare.
3Anomie (anomique) : absence de références à des normes sociales provoquant un intense désarroi chez un individu, et par extension (comme l’a proposé Durkheim à la fin du xixe siècle), état d’une société dans laquelle les normes sont absentes ou contradictoires.
4Communautarisme (communautariste) : généralement employé en France dans sa dimension critique et péjorative, pour désigner le repli sur la culture d’origine. Le communautarisme se développe sur le terreau de l’exclusion, de la précarité et de l’anomie* car il offre un refuge chaleureux, solidaire, tissé de certitudes. Il restaure la dignité de chacun en suscitant le sentiment d’appartenance à des univers de valeurs et de représentations qui diffèrent de celui qu’impose la mondialisation*, quand cette dernière tend à faire des modes de vie occidentaux le seul modèle d’identification possible et l’aune selon laquelle s’évalue la valeur de chacun. La contrepartie est une soumission forte aux formes d’autorité en place, aux valeurs et au fonctionnement du système communautaire, sans pouvoir critiquer ni mettre en question les inégalités qu’il suscite. Le risque est celui de l’exclusion de l’autre comme celui d’être marginalisé par les autres, c’est enfin celui d’en être soi-même exclu pour ne pas s’être suffisamment soumis aux règles de son fonctionnement et de perdre alors tout ce qu’il apporte.
5Connectique : elle regroupe les techniques liées aux connexions physiques des liaisons électriques, et par extension les liaisons dessinant les réseaux. Les progrès de la connectique et du signal permettent de mettre en relation directe toujours plus de personnes et de machines dispersées de par le monde à des coûts toujours plus faibles ; elle est à l’origine de la révolution des moyens de communication dans laquelle nous sommes entrés.
6Cosmopolitisme (cosmopolite) : terme dont on trouvera l’origine ancienne chez les stoïciens qui affirmaient que les hommes sont citoyens d’une polis étendue à l’univers tout entier, (le Kosmos). Le cosmopolitisme désigne le versant positif de la mondialisation* culturelle valorisant l’infinie diversité des hommes, de leurs modes de vie et de leurs cultures*. Le cosmopolitisme est la conjonction, plutôt que le métissage, de plusieurs identités*, une manière de reconnaître et de valoriser les différences, d’en faire une richesse collective. Contrairement à l’universalisme*, il offre une vision de l’humanité non pas fondée sur un plus petit dénominateur commun abstrait (l’être humain), mais sur une prise en compte de la pluralité (culturelle, linguistique, etc.) qui la caractérise de fait. Le développement d’une sensibilité cosmopolitique est fortement lié à l’essor de l’individualisme* dans les sociétés modernes et au processus de mondialisation.
7Cultural Studies : courant de recherche sur les cultures populaires qui se développe en Angleterre à la suite de la publication, en 1957, du livre de Richard Hoggart The uses of Literacy, traduit et publié en France une bonne dizaine d’années plus tard sous le titre La culture du pauvre. En 1964, Hoggart crée le Centre contemporain d’études culturelles à l’Université de Birmingham, qui sera dirigé ensuite par Stuart Hall, autre figure incontournable du mouvement. Les études culturelles anglo-saxonnes ont bouleversé durablement le paysage, au demeurant assez désertique, des recherches sur les cultures populaires, en s’intéressant aux styles de vie et aux usages médiatiques de la classe ouvrière anglaise. Des développements ultérieurs vont aussi s’intéresser aux mouvements féministes et homosexuels (gender, cultural et queer studies) et plus généralement aux productions culturelles de toutes les minorités ethniques et sociales.
8Culture(s) : pour prendre en considération la diversité sémantique de ce mot, il n’est pas inutile de l’aborder par sa dimension étymologique. Le sens figuré du mot culture (le terme désignait jusque-là le soin apporté à la terre) s’est développé au xviiie siècle, qui est tout à la fois celui des Lumières et le sommet de la domination aristocratique. Culture, toujours employé au singulier, reflète l’humanisme et l’universalisme* des philosophes. En même temps le sens du mot se développe en relation avec les modes de vie, la courtoisie, et l’attention portée aux arts libéraux par l’aristocratie alors à son apogée. Le sens est proche de celui de civilisation, aussi employé au singulier ; en considérant que le progrès est universel, les élites des nations les plus avancées ouvrent la voie. La notion de culture au sens anthropologique du terme vient plus tard, avec la prise de conscience que la diversité des peuples n’est pas seulement due à un retard de certains sur le chemin du progrès. Edward Burnet Tylor est sans doute, en 1871, le premier à lui donner son sens holiste* et anthropologique, elle désigne « la connaissance, les croyances, l’art, la morale, le droit, les coutumes, et les autres capacités et habitudes » acquises par l’homme en tant que membre d’une société. Quelques années plus tard, Franz Boas (1858-1942, considéré comme l’un des fondateurs de l’ethnologie) y ajoute la conception relativiste du terme où chaque culture forme un tout cohérent et fonctionnel, unique et spécifique.
9Dialogue interculturel (ou dialogue des cultures) : à différencier de la négociation (comme procédure orientée vers un compromis) et de la conversation (comme simple échange) ; dans son modèle idéal, il implique la bienveillance, la tolérance, le respect, l’égalité et la gratuité dans l’échange d’idée, en prenant en considération que des différences profondes liées à la culture* prise dans son sens holiste*, structurent les mentalités des interlocuteurs. Ces conditions sont très rarement remplies dans la vie réelle. Repris aujourd’hui dans le débat public sous la forme plus générale du « dialogue des cultures ».
10Diaspora : mot dont le sens s’est historiquement forgé à partir de la dispersion des juifs dans l’Antiquité. Par extension, il désigne les communautés, souvent organisées en réseau, d’étrangers dispersés géographiquement mais liés entre eux par une culture* commune, une religion, la référence au pays d’origine.
11Holiste (holisme) : (du grec ancien holos « la totalité, l’entier ») est un néologisme récent (1926). En sciences humaines, l’approche holiste s’intéresse à la culture* d’une société saisie dans sa totalité, comme un ensemble complexe, dynamique et cohérent, dont les éléments constitutifs sont en interrelation et doivent être étudiés comme tels. Elle considère que l’individu est, partiellement au moins, déterminé par le tout dont il fait partie.
12Identité : étymologiquement, l’identité désigne à la fois l’unicité (ce qui fait qu’une personne est elle et pas une autre) et la similitude (du latin identitas, idem, le même). L’identité d’un groupe social se construit, elle aussi, en reproduisant cette ambiguïté, dans un mouvement à double sens, d’altérité et d’unification. D’altérité, c’est-à-dire d’affirmation de la différence et de reconnaissance par l’autre de cette différence, qui rend unique. Dans le même temps, tout groupe est l’objet d’un processus d’unification interne, d’un travail sur lui-même, par lequel les individualités qui le composent s’intègrent dans le partage d’une même culture*. Aujourd’hui plus que jamais, l’identité culturelle d’une personne est une constellation de plusieurs identifications particulières à autant d’instances culturelles d’appartenance.
13Idéologie : dans une perspective marxiste, l’idéologie est un reflet, inversé, manipulateur, de la réalité sociale. Dans une perspective plus compréhensive, l’idéologie peut être définie comme un système de pensée qui a pour fonction de garantir la cohésion de la société en justifiant l’ordre social en place. La cohésion d’une société n’est donc pas uniquement assurée par la force (la violence légitime du pouvoir), mais aussi par une structure sociale inconsciente : l’idéologie.
14Individualisme : le mot renvoie à une conception politique et morale qui tend à privilégier les droits, les intérêts et la valeur du sujet au détriment de ceux du groupe (famille, clan, corporation, etc.) et de la sphère publique. Tocqueville puis Durkheim se sont employés à distinguer l’individualisme de l’égoïsme. Tandis que les personnes égoïstes ne partagent plus aucune valeur et sont menacées de ne plus pouvoir faire société, les personnes individualistes ont en commun une sacralisation de la personne humaine, de la liberté individuelle, de la dignité et de l’égalité.
15Mondialisation/Globalisation : les deux termes sont le plus souvent employés pour désigner un même processus, celui de l’interconnexion des réseaux de transport et de communication, la circulation des marchandises, des images et des idées autour de la planète, conduisant au brassage des cultures*. Le terme de globalisation qui s’est imposé dans la plupart des langues est la traduction anglo-saxonne du mot mondialisation. En France, certaines subtilités sémantiques réserveraient le terme de globalisation à l’universalisation des principes rationnels capitalistes occidentaux, tandis que celui de mondialisation renverrait plutôt au développement planétaire des technologies et des échanges économiques, sociaux ou culturels.
16Populisme (populiste) : en politique, le terme a d’abord désigné des mouvements de revendication paysans et ouvriers, aux États-Unis, en Russie, dans la deuxième moitié du xixe siècle. Puis il a désigné des groupes politiques qui s’opposaient au parlementarisme, à la démocratie représentative accusée de corruption et de défense des intérêts d’une classe restreinte. Cela s’est illustré en France à travers le boulangisme, puis le poujadisme et dans des groupes d’extrême droite. Les traits récurrents du populisme sont la dénonciation des élites, la volonté de nettoyer des pouvoirs corrompus, de les balayer. Il joue sur l’appel à des leaders autoritaires et à la nécessité d’un pouvoir fort, en se revendiquant d’être le porte-parole d’un peuple méprisé par ses dirigeants. En littérature, le courant populiste veut faire du peuple le personnage central du roman, parce qu’il serait l’oublié des écrivains très rarement issus des classes populaires. Depuis 1931, le prix du roman populiste récompense une œuvre romanesque qui « préfère les gens du peuple comme personnages et les milieux populaires comme décors à condition qu’il s’en dégage une authentique humanité ».
17Standardisation : processus de normalisation consistant à vouloir réduire la variété des possibilités créatrices par une mise en relation des systèmes scientifiques, techniques, industriels. Le principe de normalisation est né de la philosophie des Lumières et de sa volonté d’universalisme*, pour faciliter les processus d’intelligence collective indispensables au travail des cartographes, des encyclopédistes ou des naturalistes. À la Révolution française, la normalisation des poids et mesures, par l’adoption d’un système métrique universel, a incontestablement contribué à l’essor des sciences, des techniques et du commerce. Le monde industriel, le fordisme en particulier, a développé les processus de standardisation parce qu’ils sont indispensables à la production de masse, à la simplification du travail et à l’interchangeabilité des travailleurs. Elle est un facteur de progrès dans la mesure où elle permet la coopération et la rationalisation. En même temps, elle contribue inéluctablement à la perte de la diversité, à la suprématie des systèmes de production et de distribution les plus puissants et à l’obsolescence, voire à la disparition des autres.
18Troisième mondialisation (ou l’autre mondialisation) : D. Wolton introduit ce terme avec le livre éponyme (2003) pour signaler l’importance croissante des problématiques de culture* et de respect de la diversité culturelle dans la mondialisation contemporaine. Celle-ci comporte trois dimensions.
19La première, politique, a consisté, à la sortie de la Seconde Guerre mondiale, à construire les cadres d’une communauté mondiale, dont l’ONU et ses agences sont le symbole, pour essayer de construire une enceinte de délibération et de décisions politiques communes à tous les régimes. L’ONU devient la seule « grammaire » politique du monde ouvert, le seul lien permanent de « palabre », c’est-à-dire de communication, d’échanges et d’interactions pour éviter la guerre.
20La deuxième, économique, est liée au libéralisme économique et à la fin de la guerre froide. Il n’existe qu’un seul monde, un seul marché. C’est la globalisation*, avec les tentatives de régulation de l’OMC, avec le risque de l’enrichissement des riches, l’appauvrissement des pauvres et l’émergence des pays du BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine).
21La troisième, liée à l’explosion de la diversité culturelle et aux enjeux politiques qu’elle soulève. Pour D. Wolton, il devient urgent de prendre en considération la diversité des cultures en train de se restructurer et d’organiser au niveau mondial leur cohabitation. À défaut, à la lutte contre les inégalités économiques et sociales, se substituera la violence des affrontements interculturels.
22Universalisme : principe selon lequel une croyance, une opinion, une idée, des savoirs, des valeurs ont vocation à s’étendre au monde entier.
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