1La MPAA présente volontiers l’avènement de la cotation en 1968 comme une sorte de « fin de l’Histoire ». Certes, le Code de Production et la Ligue de la Décence sont morts, et la critique de l’industrie a perdu en intensité, mais le temps ne s’est pas arrêté. Le système de classification peut se décrire suivant un modèle susceptible, comme les précédents, d’entrer en crise.

2Le contrôle des publics repose sur les prémisses suivantes :

• Le public est divisé en deux catégories : les adultes à qui l’on peut tout montrer (modèle libéral fondé sur la majorité politique) et les mineurs, soumis au contrôle parental.
• Cette délimitation d’un « public fragile » crée moins de problèmes que les découpages ethniques, économiques et sociaux de la période 1915-1934, car la barrière de l’âge est naturellement franchissable ; elle n’est donc pas dénoncée comme une discrimination.
• Le contrôle est réalisé par des personnes censées représenter le jugement d’un parent éclairé. Il n’y a pas de débat sur la réception et les conflits d’interprétation qu’elle peut engendrer, d’où la pauvreté formelle des solutions retenues pour abaisser la cote (coupures et caches virtuels sur les images).
• L’effet indésirable de l’expérience cinématographique est un traumatisme dans la construction de l’identité affective et sexuelle.
• La force du système tient à l’importante légitimité du dispositif (caractère volontaire, démarche d’information des parents) et au réseau d’intermédiaires qui le rend presque incontournable.

3Cette force s’amenuise pour des raisons technologiques et organisationnelles. Le système de protection de la jeunesse suppose une complète étanchéité des différents circuits de diffusion. Lorsqu’un producteur critique une cotation, Jack Valenti se contente de rappeler les justifications du système, mais dès que l’on conteste l’efficacité du contrôle des publics, il devient plus acerbe. Ainsi, quand le scénariste Joe Eszterhas conseille aux adolescents de présenter de fausses cartes d’identité pour voir Showgirls en salle, le président de la MPAA le traite de « malade désespéré1 » et qualifie ses propos de « tangiblement stupides »2.

4Alors que les techniques de copie numérique à bas prix menacent directement le contrôle de l’industrie sur ses réseaux de diffusion, l’on pourrait s’attendre à une remise en cause de la cotation liée au piratage qui brise l’hypothèse d’étanchéité du marché. Or rien ne se produit dans l’immédiat sur ce terrain, car tous les protagonistes vont se polariser sur un événement : la tuerie du 20 avril 1999, à Littleton (Colorado). Cette fusillade va déclencher un débat national sur la violence dans les médias et l’hypothèse d’un contrôle fédéral des industries de loisirs va redevenir d’actualité.