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Hollywood face à la censure

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Olivier Caïra

Deuxième partie. Le temps du Code (1934-1968)

Un modèle de contrôle de la réception

Texte intégral

1Au terme de trois décennies de discours et d’action de la PCA, nous définirons la logique de contrôle de la réception comme suit :

  • Le public n’est plus considéré comme passif ; il est doué de capacités interprétatives.
  • Durant les premières années d’application du Code, il n’y a plus de séparation a priori entre différents publics ; un film doit être visible par tous ou modifié.
  • Le contrôle est réalisé par des cinéphiles.
  • Ces personnes préfèrent la réécriture des œuvres à la coupure.
  • L’effet indésirable de l’expérience cinématographique est le péché, la transgression de règles morales et non légales. Tandis qu’entre 1915 et 1934, on souhaitait dissuader les jeunes filles de tenter des aventures sexuelles en leur montrant que « cela finit mal », on affirme désormais que « c’est mal » par une rhétorique de la damnation.
  • La force du système repose sur la capacité de coercition du symbiote ; sa légitimité tient à sa capacité de dialogue, au retour d’expérience qu’il fournit à la production.
  • 1 Cité par Walsh Frank R., op. cit., p. 236.

2La puissance de la PCA se mesure à l’importance des changements qu’elle impose dans des adaptations d’œuvres majeures. Faire du cardinal de Richelieu un simple duc dans une adaptation d’Alexandre Dumas ou supprimer l’élément homosexuel des pièces de Tennessee Williams ne pose pas de réels problèmes aux studios. Comme le dit Darryl F. Zanuck de la Fox durant la controverse autour de The Keys of the Kingdom (1944) : « Dans Grapes of Wrath [John Ford, 1940], nous avons supprimé l’un des éléments les plus importants du livre, la famine, et pourtant les gens l’ont trouvé très proche du roman. Personne n’a protesté quand nous avons éliminé certaines grèves dans How Green Was My Valley [John Ford, 1941]1 ».

3Le temps du Code demeure une époque complexe, qui révèle toutes les ambiguïtés organisationnelles et morales de l’autorégulation. Impossible de cerner la part exacte des contraintes censoriales dans la constitution de la norme hollywoodienne, mais le lien entre la toute puissance de la PCA et « l’âge d’or » du cinéma américain nous semble évident. Jamais, dans un État démocratique, la configuration des coûts d’acceptabilité n’a été aussi complexe :

  • Commissions locales de censure jusque dans les années 1950-60 ;
  • Commissions de censure et/ou de classification pour les marchés étrangers, dans des régimes politiques variés, surtout durant les années 1930 ;
  • Ligue de la Décence et autres groupes de pression focalisés sur le cinéma ;
  • Interventions gouvernementales durant la Seconde Guerre mondiale, par le biais de l’Office of War Information ;
  • Pressions sur l’industrie liées à la guerre froide et au MacCarthysme.

4La recherche de rentabilité sur un marché mondial, malgré de lourds coûts fixes et de fortes contraintes d’acceptabilité, favorise l’émergence d’une norme esthétique et narrative.

5Nous allons voir, dans la période contemporaine, se desserrer lentement l’étau des contraintes d’acceptabilité, du fait d’une double tendance : d’une part, le discrédit croissant des corps intermédiaires en tant qu’obstacles au libre choix des individus ; d’autre part, l’apparition de nouvelles sources d’inquiétude pour les États et les groupes de pression (télévision, jeu vidéo, jeu de rôle ou musiques urbaines).

6Période de calme relatif, donc, après les tempêtes dont nous sortons, mais également période de mutation des circuits de distribution. Le cinéma pour adultes, péniblement né dans les années 50-60, en pâtira le premier. La censure cède la place à des mécanismes de marché dont les effets sur l’offre ne sont pas moindres.

Notes

1 Cité par Walsh Frank R., op. cit., p. 236.

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