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Hippolyte Carnot - 1801-1888

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Rémi Dalisson

Partie III. Retour d'exil et consécration républicaine (1852-1888)

Un modéré à l’épreuve de la Commune (1870-1871)

Texte intégral

  • 1 Hippolyte Carnot, note sur l’élection de 1868, AFP/HC/V/carton B, d5.
  • 2 La Lanterne, journal clandestin créé en 1868 est violemment antibonapartiste. Son auteur fut conda (...)

1Pour comprendre ce moment de la vie d’Hippolyte Carnot, il faut revenir un an environ avant la débâcle de Sedan. En ce printemps 1869, tout le monde en est persuadé, les élections législatives du 24 mai doivent confirmer la progression des républicains. Carnot, élu parisien depuis 30 ans est sûr de son fait : il se présente à Belleville, circonscription populaire qui doit lui assurer une réélection facile. Certes, de nouvelles étoiles républicaines sont apparues comme Gambetta « mis en lumière par le procès de la souscription Baudin1 », ou Rochefort auteur et directeur de la Lanterne2, mais rien ne semble pouvoir empêcher sa victoire.

Prélude à 1870 : une querelle de génération

  • 3 Charles Delescluze, né en 1808, proclama la République à Valenciennes en février 1848 et fut Commi (...)
  • 4 Léon Gambettta, dans Plaidoirie de Gambetta lors du procès Baudin.

2En se présentant sous l’étiquette de l’extrême gauche, Carnot pense facilement rallier les suffrages de la majorité des électeurs du XIXe et surtout du XXe arrondissement d’après la réforme. Le Nord-Est parisien (Montmartre, La Chapelle, La Villette, Belleville) est peuplé d’artisans, de petits commerçants et d’ouvriers qu’il pense acquis à sa cause. Mais c’est sans compter sur la nouvelle génération emmenée par le fougueux avocat Léon Gambetta, âgé de trente-six ans alors que lui fête ses soixante-huit printemps. Le poids des ans, mais aussi le souvenir de Juin et de ses démêlés impériaux, range Carnot dans la catégorie des « vieux candidats » (Victor Hugo) ou des « vieilles barbes » (Émile Ollivier). Surtout, Gambetta est plus célèbre qu’il ne le pense, notamment chez les ouvriers, depuis sa défense de Delescluze3, ancien transporté de Juin arrêté pour avoir voulu faire édifier un monument au député Baudin. Au procès du 14 novembre 1868, il prononce ainsi un implacable réquisitoire contre l’Empire : « Le pays a approuvé, dit-on, le coup d’État. Oui, grâce aux moyens de communication, la vapeur, le télégraphe, on a trompé Paris avec la province et la province avec Paris. Paris est soumis, affichait-on, quand Paris était assassiné, mitraillé ? […] La volonté du peuple ne saurait changer la force en droit, pour détruire le peuple4. » De ce jour, Gambetta devient le héraut (et héros) des opposants et, tout en multipliant les attaques contre l’Empire, cherche un enracinement local pour lancer sa carrière politique.

  • 5 Même si Gambetta perdit le procès (Delescluze est condamné à 6 mois de prison), il fit impression. (...)

3L’étoile montante des opposants décide de se présenter dans ce quartier populaire de Paris, mais aussi à Marseille. Mais dans la capitale, Carnot, par son ancienne implantation, par son engagement républicain, antibonapartiste et révolutionnaire risque de le gêner. De plus, malgré son triomphe5 au procès Delescluze, Gambetta est à l’époque classé comme libéral voire modéré. Il lui faut donc impérativement trouver de quoi séduire le petit peuple parisien pour prouver son républicanisme et, surtout, éclipser le souvenir de Carnot.

  • 6 Cité par Jean-Marie Mayeur, Léon Gambetta, La Patrie et la République, Paris, Fayard, 2008. p. 54.
  • 7 Léon Gambetta, « Lettres », citées par Patrick Harismendy, Sadi Carnot, op. cit., p. 46.

4Les négociations entre les deux hommes se passent mal et Gambetta fustige la « sottise impuissante et prétentieuse de vieux mage6 » d’un Carnot qui refuse de lui céder la place. Le jeune avocat, qui a compris que l’ancien ministre peut lui faire perdre l’élection, collabore alors au programme du Comité républicain local qu’il reprend à son compte le 5 mai 1869 sous le nom de Programme de Belleville. C’est pour lui l’occasion d’en finir avec « les bonzes – la génération modérée de 1848 – car l’avenir n’est pas à Carnot » qu’il traite par ailleurs de « fichue bête »7. Le programme qu’il endosse sans états d’âme est fort radical pour lui permettre de se proclamer seul « vrai » républicain de la circonscription. Il comporte de nombreux points progressistes voire révolutionnaires. Il demande ainsi l’élection des conseillers municipaux, des maires et des députés au suffrage universel, la liberté de la presse, la liberté d’association, la séparation de l’Église et de l’État et même le contrôle populaire sur tous les titulaires d’une fonction publique.

  • 8 Sur Léon Gambetta et le programme de Belleville, voir Jean-Marie Mayeur, Léon Gambetta, op. cit.
  • 9 Léon Gambetta, 15 mai 1869. Dans Jean-Marie Mayeur, Léon Gambetta, op. cit. p. 55-56.

5Surtout, dans le domaine de prédilection de Carnot, l’éducation, il préconise « l’instruction primaire laïque, gratuite et obligatoire, avec concours entre les intelligences d’élite pour l’admission aux cours supérieurs, également gratuits8 », autrement dit des mesures encore plus radicales que celles de 1848 puisqu’elles prévoient une ouverture du Primaire supérieur et du Secondaire au peuple. Pour le reste, profitant de son allant, lui qui est aussi bon tribun que Carnot est médiocre discoureur, il reprend de nombreux projets du député sortant. Gambetta s’engage en outre à siéger à Paris une fois élu : « Je serai particulièrement fier de vous représenter. […] Je suis à la fois votre mandataire et votre dépositaire. […] Voici mon serment : Je jure obéissance au présent contrat et, devant tant d’assurances et de radicalisme, je me considère comme votre homme à la vie, à la mort9. »

  • 10 La loi du 6 juin 1868 autorisa exceptionnellement les réunions politiques, uniquement en période é (...)

6La campagne du nouveau venu est menée tambour battant, dans la presse comme sur les estrades de salles combles10, avec une escouade de jeunes militants plus enflammés les uns que les autres représentant une « jeunesse qui ne jure que par Gambetta » (Jules Ferry). Et Gambetta ne se prive pas d’insister sur l’âge de son concurrent, sans doute trop sûr de lui voire naïf, et qui ne se méfie pas :

  • 11 Hippolyte Carnot, note sur l’élection, 1885, AFP/HC/V/Carton B, d5.

« Ils [Gambetta et ses hommes] firent des réunions, allèrent de cabaret en cabaret, d’atelier en atelier, répétant partout que j’étais vieux, fatigué, ne demandant pas mieux que de me reposer, qu’il fallait des hommes jeunes, résolus et hardis pour mettre à bas l’Empire. Et c’est ainsi que, tout en protestant d’un grand respect pour mon caractère, ils parvinrent à créer un courant opposé [à moi] parmi les jeunes gens et les ouvriers. […] J’ai paru dans une seule réunion publique à Belleville […] avec une certaine faveur […] J’eus la maladresse de vouloir expliquer les motifs qui avaient dû déterminer un certain nombre de républicains à voter les transportations pour soustraire les prisonniers à des violences sanglantes [celle des troupes de Cavaignac et des paysans]. Cette explication fut mal accueillie […], l’impulsion était dès lors donnée et irrésistible11. »

  • 12 Léon Gambetta, Lettre du 2 mars 1869. Dans Jean-Marie Mayeur, Léon Gambetta, op. cit.
  • 13 Voir Nathalie Bayon, « Jeunesse et genèse d’un groupe politique : le “groupe gambettiste” », Revue (...)
  • 14 Toutes les plus grandes villes comme Paris, Lyon, Marseille, Lille votèrent républicains en 1869 e (...)

7Cette fois, son légalisme (sur Cavaignac) et sa modération (sur les transportés qu’il faut protéger) le pénalisent devant des ouvriers qui n’ont pas oublié Juin. Les électeurs, séduits par les méthodes et les discours de Gambetta, l’élisent donc confortablement, à la « grande surprise de mes amis » rapporte Carnot. Le nouveau député veut alors tourner la page de la génération de 1848 en déclarant : « Il faut bien tôt ou tard finir par le parricide politique12. » La nouvelle génération républicaine des Floquet, Bert, Pelletan ou Spuller, tous nés entre 1826 et 183813, veut à tout prix conquérir le pouvoir dans une France où, pour l’instant, seules les villes votent pour les républicains14.

  • 15 Jules Grévy, dans Le temps, 23 avril 1873 à propos de la candidature du radical et ancien maire de (...)

8Les amis de Gambetta ont aussi compris qu’il faut passer des accords avec les républicains modérés comme Ferry, Grévy ou Favre pour séduire une majorité d’électeurs. Pour cela, il est impératif de se débarrasser de l’image sulfureuse des « anciens de 1848 » assimilés à des rouges trop « partageux », trop anticléricaux et sociaux pour ne pas effrayer les campagnes et le bourgeois. Il faut faire oublier l’Empire et ses opposants, les proscrits, la querelle du serment, les révoltes ouvrières et le caractère trop socialisant de Février 1848 pour conquérir ceux que Gambetta appelle « les classes nouvelles ». Il s’agit de la classe moyenne, mais aussi des paysans, loin d’être séduits par Marianne et toujours nostalgiques de la légende impériale. Comme dit Jules Grévy, acteur de 1830 et 1848, « quand le pays vient à la République […], il ne faut fournir des prétextes à ceux qui cherchent à l’effrayer15 ».

  • 16 Gambetta recueillit près de 60 % des suffrages exprimés, soit 217 444 voix contre 11 604 à Carnot. (...)
  • 17 Cité par Jean-Marie Mayeur, Léon Gambetta, op. cit., p. 55.
  • 18 Hippolyte explique : « Pourtant partout on a fait mon éloge, excepté dans certains journaux haineu (...)
  • 19 Il ne fut élu qu’au second tour de scrutin, le 6 juin 1869, face à Ferdinand de Lesseps (qui rempl (...)

9En recueillant deux fois moins de suffrages16 qu’un Léon Gambetta qui s’est affirmé, contrairement à lui, ennemi de tout compromis, Carnot prend conscience que son heure est passée. La prophétie de Gambetta : « Si je suis élu […], je serai une force indépendante de toute la vieille génération républicaine17 » semble se réaliser d’autant que nombre de républicains de 1848 sont en difficultés. Ses collègues de Février, Favre ou Garnier-Pagès sont poussés au ballottage par la nouvelle génération républicaine et difficilement élus au second tour, au prix de quelques alliances parfois contre nature. Et son amertume18 est d’autant plus grande qu’au mépris de ses promesses, son vainqueur choisit de représenter Marseille où il a été pourtant moins bien élu19 plutôt que Paris. Et Gambetta avait séduit la cité phocéenne par un programme beaucoup moins radical que celui de Belleville, et fort respectueux de « l’ordre ce principe fondamental de nos sociétés » selon ses mots !

  • 20 Carnot fut battu aux partielles du 22 novembre qui devaient pourvoir le siège laissé vacant par la (...)
  • 21 Alphonse Peyrat, né en 1812, opposant à l’Empire, exilé à Londres, rédacteur en chef du National p (...)

10Les déceptions se multiplient : en novembre 1870, Carnot est battu une seconde fois pour le siège qu’a refusé Gambetta par Henri Rochefort20. Il rumine amèrement ses deux échecs, surtout le premier, et se montre sous un jour orgueilleux assez inattendu. Plus de dix ans après les évènements, il explique encore « Peyrat21 me raconte que, lorsque Gambetta travailla à m’évincer pour me remplacer à la députation de Belleville, il lui en fit le vif reproche. Mais Gambetta passa outre ».

  • 22 Peut-être Gambetta se souvint-il de ce qu’il répondit après la défaite de Carnot : Peyrat lui avai (...)
  • 23 Yves Combeau, Paris et les élections municipales sous la IIIe République, Paris, l’Harmattan, 1998 (...)
  • 24 Menuisier et écrivain autodidacte, il fut élu représentant du peuple à la fois à Paris et dans le (...)

11C’est pourquoi, le 4 septembre 1870, juste après la proclamation de la République, Carnot est aussi ravi que surpris de se voir nommé « maire provisoire » du VIIIe arrondissement de Paris par le nouveau ministre de l’Intérieur du gouvernement de Défense nationale, son ancien adversaire Léon Gambetta22. Il ne se fait donc pas prier pour emménager 89 rue de Morny, de nos jours rue Pierre Charron, dans un arrondissement bourgeois surpris d’accueillir un tel homme. Mais le Gouvernement provisoire a tant besoin de cadres républicains pour stabiliser la jeune République née de la défaite, que toutes promotions sont bienvenues. Il doit aussi tenir ce Paris que les armées prussiennes atteignent rapidement et « donner à la capitale son empreinte politique, celle d’un personnel républicain qui est amené à jouer un rôle déterminant23 » en attendant le relais d’une province où Lyon et Marseille ont aussi proclamé la République. Carnot est donc le bienvenu et les hommes de 1848, que l’on avait enterré un peu vite, reviennent en partie aux affaires. Crémieux est ministre de la Justice, Favre aux Affaires étrangères, Le Flo à la Guerre, Simon à l’Instruction publique, Étienne Arago à la maire de Paris, Emmanuel Arago à l’Intérieur par intérim après Gambetta et Garnier-Pages, au gouvernement sans poste fixe. Ils voisinent avec la nouvelle génération emmenée par Pelletan, Rochefort et le ministre des Finances Picard, installée aux côtés des « modérés » comme Ferry, Secrétaire du gouvernement ou Magnin à l’Agriculture. La tendance est identique dans les mairies d’arrondissement avec les quarante-huitards comme Agricol Perdiguier24 adjoint dans le XIIe arrondissement, Henri Martin maire du XVIe arrondissement et Albert nommé à la « Commission des barricades ».

  • 25 Mais le taux d’abstention fut élevé (environ un petit tiers des inscrits) notamment dans les couch (...)
  • 26 Proclamation du maire du VIIIe arrondissement à ses administrés, 4 novembre 1870, AN 108 AP 4.

12Le 3 novembre, le gouvernement de Défense nationale décide d’organiser des élections pour retremper sa légitimité. En plein siège de Paris, cette première consultation est un véritable plébiscite pour la République. Elle recueille 300 000 suffrages, soit 85 % des inscrits civils y compris dans le VIIIe arrondissement, et ils ne sont que 50 000 à s’y opposer25. Le vieux Carnot est au comble de l’enthousiasme et déclare à ses administrés le soir même : « Le Gouvernement de défense nationale vient de retremper ses pouvoirs dans une acclamation nouvelle », avant de demander une même approbation à ses seuls électeurs : « Nous avons besoin de savoir si nos concitoyens nous gardent leur confiance26. » Cette onction électorale est d’autant plus nécessaire que, dès le 5 septembre, ce « miraculé » de la politique s’était mis au travail, tout en continuant sans relâche à peaufiner ses projets éducatifs et sociaux.

La guerre et la Commune, de nouveaux défis

13À la tête de son arrondissement, le nouveau maire travaille pour un gouvernement qui place ses pas, sinon dans ceux de la Seconde République, du moins dans ceux de la Première République, celle de son père. Le discours de Gambetta du 21 septembre en fait foi :

« Il y a 78 ans, à pareille heure, nos pères fondaient la République et se juraient à eux-mêmes, en face de l’étranger qui souillait le sol sacré de la Patrie de vivre libre ou mourir en combattant. […] Que le souffle puissant de nos devanciers passe sur nos âmes et nous vaincrons. Honorons aujourd’hui nos pères et devanciers et sachons faire comme eux forcer la victoire en affrontant la mort. Vive la France, vive la République ! »

  • 27 Hippolyte Carnot, notes sur le siège de Paris, 1872, AFP/HC/VI/carton B, d3, carton A, d1.

14Carnot lui répond dans la grande tradition de l’an II : « Ils [Paris et Gambetta] personnifient la France à outrance et l’on aurait voulu par lâcheté et égoïsme que Paris capitulât de suite et que l’on négocie au lieu de combattre. […] Le peuple de Paris se conduit pendant le siège avec une fermeté enjouée qui est son caractère27. »

  • 28 IL s’agit de cuisines collectives qui permettent de prendre des repas en commun et bon marché et p (...)
  • 29 Proclamation du maire du VIIIe, 18 septembre 1870, AN 108 AP 4.

15Pendant trois mois, le nouveau maire met donc ses pas dans ceux de son vainqueur de l’année précédente et organise la solidarité de son arrondissement avec les défenseurs de Paris et de la France. Comme ses collègues, il organise l’élection des membres de la Garde nationale locale, s’occupe de l’hygiène, des secours et de l’approvisionnement. Il met sur pied des « fourneaux économiques »28 de subsistances bon marché pour les civils et des distributions de vivres et matériel pour les soldats. Comme le dit son adjoint Corbon, « gardons nos ressources pour le combat, la défense du sol et la sauvegarde de la République29 ». Soucieux d’action, il adhère à de nombreux comités tels le Comité français de la société internationale de prévoyance en faveur des citoyens sous les armes le 28 octobre 1870, la Commission de secours à la misère pendant la durée du siège à laquelle il envoie chaque mois 150 francs, ou la Société de Secours Mutuels.

  • 30 Proclamation du maire du VIIIe, 26 septembre 1870, AN 108 AP 4.
  • 31 Proclamation du maire du VIIIe, 29 octobre 1870, AN 108 AP 4. C’est nous qui soulignons.
  • 32 Lettre du président de la Commission à Carnot le 28 octobre 1870, AFP/HC/carton B, d3.
  • 33 Lettre de Jules Favre à Hippolyte Carnot, décembre 1870, AN 108 AP 5.

16Mais, même en ces circonstances, Carnot, toujours président du conseil de surveillance du Siècle, n’oublie pas ses préoccupations sociales et éducatives. Ainsi, le 26 septembre, comme nombre de ses collègues maires, il déclare avoir « le plaisir et l’honneur d’informer les familles que la réouverture des écoles et salles d’asile communales aura lieu le mercredi 28 septembre30 ». Il met les écoles laïques de filles à disposition du public pour des vaccinations gratuites et des distributions de subsides aux familles pauvres. Et, pendant que la ration quotidienne de viande descend à 50 grammes par personne dans son arrondissement, les réflexes de 1848 ressurgissent : « il faut nourrir les indigents, […] les vêtir et signaler tout nouveau besoin au sentiment de fraternité. C’est lui donner ainsi une nouvelle occasion de s’exercer31 ». Dans ce registre, le 28 octobre, le président de la Conférence gratuite de la salle Gerson à la Sorbonne invite l’ancien ministre de l’Instruction « à faire des lectures de poésie populaire et démocratique32 ». En décembre 1870, Jules Favre le sollicite pour entrer dans une Commission pour l’étude des prisons. Pour le ministre des Affaires étrangères, il reste « par son caractère, par ses travaux et son talent si justement apprécié, une des personnes dont les idées à ce sujet peuvent être les plus utiles33 ». La Commission n’eut guère le temps de travailler, mais Carnot accepta d’y entrer pour renouer avec ses sujets de prédilection.

  • 34 Le nombre de votants diminua d’un tiers par rapport au scrutin de l’avant-veille. Et dans le VIIIe(...)

17Le 5 novembre, à sa grande joie, Carnot est finalement élu maire de son arrondissement et, malgré un taux d’abstention en hausse34, totalise 85 % des suffrages. Dans l’ensemble, les maires nommés sont d’ailleurs confirmés puisque onze d’entre eux sont élus, y compris des quarante-huitards comme son ami Arnaud de l’Ariège.

  • 35 Sur Jules Ferry, voir Jean-Michel Gaillard, Jules Ferry, Paris, Fayard, 1989 et Claude Lelièvre, J (...)
  • 36 Lettre du directeur du journal à Carnot, décembre 1870, AN 108 AP 5.

18Ainsi légitimé, le maire s’implique plus avant dans la marche de sa circonscription alors que les restrictions s’aggravent. Même le remplacement d’Étienne d’Arago à la mairie de Paris n’altère en rien sa détermination. Il est vrai que son remplaçant n’est autre que Jules Ferry, son compagnon de résistance, bon connaisseur de la capitale depuis qu’il fut « Délégué du gouvernement pour l’Administration du département de la Seine et de Paris ». Le nouveau maire est tout aussi déterminé que Carnot à organiser la résistance, y compris par le rationnement, d’où son surnom de « Ferry-Famine », sans oublier de se pencher sur les questions éducatives35. Quelque chose de l’atmosphère de 1848 semble alors planer sur Paris et guider Carnot. Il reçoit ainsi le 10 décembre 1870 une lettre lui demandant de collaborer au journal Le Progrès républicain « sous les auspices de notre ami Agricol Perdiguier […] et des immortels principes de 178936 », et sur la base d’un programme laïque où l’école aurait un rôle pivot. Ce nouveau journal annonce une devise, « ni réaction, ni révolution » qui correspond parfaitement aux vues et aux objectifs de l’ancien ministre.

  • 37 Lettre de l’association après son assemblée générale, Carnot, 20 septembre 1870, AFP/HC/carton B, (...)
  • 38 Note sans date, Hippolyte Carnot, AN 108 AP 5.

19Les premiers mois du siège, il tente de rationaliser le ravitaillement face à l’afflux de réfugiés, d’organiser la Garde nationale et de soulager les blessés et les indigents, sans jamais perdre de vue l’éducation. En tant que président de l’Association philotechnique pour l’Instruction gratuite des ouvriers, il publie le 20 septembre une proclamation expliquant que son association « fait acte d’adhésion aux principes et à l’acte patriotique du gouvernement de Défense nationale et émet le vœu qu’un décret établisse la gratuité de l’enseignement tous les degrés37 ». Un mois plus tard, il organise des « cours gratuits et subventionnés de dessin artistique et linéaire » et offre une des donations les plus élevées (25 000 francs) aux arrondissements éprouvés, pour laquelle Ferry le remercie. Il distribue aussi quelques subventions à L’oeuvre de l’assistance par le travail que la municipalité a rapidement mis en place. Et, bien entendu, la lutte contre les Prussiens va de soi « au nom des instincts guerriers de nos pères les Gaulois, […] pour disputer leurs foyers aux barbares38 ». Le patriotisme farouche semble alors remplacer chez ce germanophile patenté son amour de l’Allemagne.

  • 39 La Liberté, 8 et 28 février 1871, AN 108 AP 4 et 5.

20Cette action vaut à Carnot les railleries de la presse bonapartiste et antirépublicaine comme Le Gaulois ou Le Moniteur universel, ravis de discréditer un tel nom. Le journal conservateur la Liberté l’attaque rudement, le traitant de « mauvais maire […], fantaisiste organisateur de façon toute personnelle de la famine dans son arrondissement ». Et, plus perfide encore, ajoute « Carnot père avait organisé la victoire. N’est-ce pas trop demander à son fils d’organiser, dans une sphère plus modeste, l’alimentation de son arrondissement39 ? »

21La situation militaire s’aggrave rapidement, et la sortie des troupes parisiennes du général Trochu à Buzenval le 19 janvier 1871 tourne au fiasco. Le fossé entre Paris et la province s’approfondit alors et la position de la capitale devient intenable, d’autant que l’occupation pèse sur le pays. Une convention d’armistice est finalement signée par Jules Favre le 26 janvier, huit jours après la proclamation de l’Empire allemand dans la galerie des Glaces du château de Versailles. Elle prévoit des élections législatives pour le 8 février, délai intenable imposé par Bismarck, qui provoque l’éclatement du camp progressiste. Les républicains se divisent entre modérés, les « quatre Jules » (Ferry, Grévy, Simon, Favre), les futurs « opportunistes » partisans de la paix, et radicaux apôtres de la « guerre à outrance » voire de la « dictature politique » provisoire en souvenir de l’an II. Carnot appartient au camp des réalistes et penche pour une paix qui permettrait de consolider le régime et de s’attaquer aux problèmes sociaux. Il ne veut pas risquer de voir le régime démocratique échouer pour une cause qu’il estime perdue, d’autant que les signataires de l’armistice ont été désignés par un gouvernement démocratiquement élu depuis novembre et donc, pour lui, incontestable. À l’inverse, Gambetta qui dirige le camp de la guerre à outrance ne peut cautionner l’accord de Favre et démissionne de son poste de ministre de l’Intérieur le 6 février 1871 pour continuer la lutte.

  • 40 De nouvelles élections devraient avoir lieu rapidement, mais le déclenchement de la Commune va les (...)

22Une surréaliste campagne électorale commence alors dans un pays qui ne réunit aucune condition pour un scrutin honnête. Dans les quarante-trois départements occupés les réunions électorales sont interdites, près de 400 000 soldats sont prisonniers et la capitale est assiégée ! Plus que l’élection de députés, c’est la question de la poursuite ou non du conflit qui devient le véritable enjeu de ces élections. La « campagne électorale » dure à peine dix jours et les préfets pèsent de tout leur poids en faveur des listes favorables à la paix immédiate, tandis que l’occupant organise seul le scrutin dans les régions occupées. Le 8 février 1871 les Parisiens assiégés se déplacent donc pour la dernière fois (près de 330 000 votants, soit 60 % des inscrits) pour élire leurs représentants à l’Assemblée nationale. Les résultats sont nets : devant les difficultés du pays et grâce à une propagande efficace, partout, sauf dans la capitale, en Alsace-Lorraine et dans le Sud-Est, les partisans de la paix l’emportent grâce au vote de paysans épuisés par les levées de troupes et l’occupation. Sur les 768 sièges, seuls 675 sont pourvus à cause des élections multiples qui voient Thiers élu dans 26 départements, mais n’arriver que vingtième à Paris et Gambetta être élu dans 10 départements40. Les deux tiers des élus sont des provinciaux appelés les « ruraux », partisans de la paix immédiate pour éviter l’occupation totale et permettre le retour des prisonniers. Ils sont presque tous monarchistes ou conservateurs et honnissent Paris ainsi que les républicains, identifiés comme partisans de la guerre à outrance. C’est que la capitale détonne : les trois quarts de ses élus sont des radicaux et sur quarante-trois députés, seuls six dont Thiers, sont proches des « ruraux ». À l’exception de quatre socialistes, les autres sont des républicains avancés comme Blanc, arrivé en tête, Clémenceau, Rochefort ou Garibaldi qui ne peut siéger car il est étranger, sans oublier Victor Hugo. Les relations entre la capitale et la province n’ont alors jamais été aussi dégradées qu’en ce début d’année.

  • 41 Hippolyte Carnot, 1870, notes sur la guerre, AFP/HC/VI/carton A, d1 et carton B, d3.

23De son côté Carnot, déchiré entre passion républicaine et raison conciliatrice qui le pousse vers la paix, est élu à l’Assemblée pour la Seine-et-Oise, septième sur une liste de onze et plus de 20 000 voix sur 53 000 votants, face à des partisans de la poursuite de la guerre. Son vieil ami Henri Martin est élu à Paris, alors qu’Albert y est vaincu. L’ancien ministre de l’Instruction rejoint alors la gauche républicaine et vote le 26 février pour les préliminaires d’une paix qu’il estime, malgré tout, inévitable et raisonnable. Elle lui semble d’autant plus nécessaire que l’occupation de Presles lui laisse un souvenir cuisant. Les Prussiens y ont rudoyé le personnel, se sont installés dans les chambres de ses parents et ont dérobé quelques souvenirs de Lazare tels ses pistolets offerts par Napoléon Ier. Face à l’ennemi, le fils du Grand Carnot a gardé un silence réprobateur : « Les Prussiens ont trouvé un accueil froid et digne à Presles. Aucun des hôtes qui ont été forcés de les recevoir n’a consenti à manger avec eux à la même table, ce qui les a fort surpris tant on a médit sur le patriotisme français. […] Ils sont d’une saleté de sauvages41 ! »

  • 42 Il apporta même à Tours, où le gouvernement s’était replié, un modèle assez élaboré de mitrailleus (...)
  • 43 Pour la première citation, Patrice Harismendy, Sadi Carnot, op. cit., et pour la seconde Sadi Carn (...)

24C’est donc autant par inclinaison pour le compromis que par nécessité stratégique que, la mort dans l’âme, Carnot accepte l’idée d’une paix immédiate. Son fils aîné Sadi lui met cependant quelque baume au cœur, en montrant une fougue inattendue qui le réconforte. Dès le début la guerre et après la proclamation de la République, le jeune ingénieur s’est mis à la disposition du gouvernement de Défense nationale42. Nommé en janvier 1871 préfet de la Seine-Inférieure et « Commissaire extraordinaire de la République » dans les trois départements normands, il est chargé d’organiser la défense de la Basse-Seine au Havre, ce qu’il fait avec efficacité. Mais, dès les premières négociations avec les Allemands et les rumeurs d’armistice connues, le jeune préfet sort de sa réserve. Il écrit directement le 30 janvier au ministre de l’Intérieur et s’élève contre le projet de paix qu’il estime prématuré. Il rejette avec colère des élections à Assemblée qui ne permettront que de négocier la paix en position de faiblesse : « Au ministre Gambetta, Bordeaux, Fidèle aux sentiments qui l’ont toujours animée, la démocratie de la Seine-Inférieure émet le voeu suivant : Pas d’élections, lutte à outrance. » La veille du scrutin, n’ayant pas été écouté, il démissionne de son poste en refusant, par avance, une Chambre « composée de partisans de la paix à tout prix […], une Chambre telle que Bismarck la désire43 ».

  • 44 Il est troisième sur huit et obtient 41.000 voix sur 73.000 suffrages. Il devint même l’année suiv (...)

25Pourtant, dès le lendemain de son esclandre, la Côte-d’Or l’élit confortablement44 parmi ses représentants. À l’Assemblée nationale, il s’inscrit au groupe de la « gauche républicaine » dont il devient le secrétaire pour la législature. Dès lors, il combat sans faillir pour la République aux côtés de son père, ravi de constater que la relève politique et républicaine familiale est assurée.

26Pendant ce temps à Paris, les choses s’aggravent et le conflit s’envenime entre la capitale radicale et le reste du pays resté conservateur. Les attaques contre Carnot se font plus violentes, lui qui hésite entre sa morale, sa volonté de respecter le scrutin de Février favorable à la paix et la crainte de voir disparaître ce régime progressiste dans une lutte fratricide entre Paris et la province. Finalement les autorités parisiennes, en pleine en ébullition avec la création du « Comité central », socle de la Commune, tranchent. Elles annoncent pour le 26 mars 1871 des élections municipales destinées à retremper la foi militante et résistante des élus, voire à constituer un pouvoir communal face au gouvernement dirigé par Thiers et installé à Versailles avec l’Assemblée, symbole malheureux pour les démocrates.

  • 45 Sur la Commune de Paris, voir Jacques Rougerie, Paris libre, 1871, Paris, Point-Seuil, 2004.
  • 46 Hippolyte Carnot, notes sur le siège de Paris, 1872, AFP/HC/VI/carton B, d3.

27Cette fois-ci l’abstention est considérable, près de 50 % en moyenne avec des pointes à plus de 90 % dans les arrondissements bourgeois comme le VIIIe. Quatorze maires, dont Carnot, sont battus dès le premier tour et onze élus démissionnent immédiatement de leurs mandats. Les opposants et les modérés se sont abstenus en masse et c’en est fini de l’unité républicaine de la capitale. La radicale Commune prend le pouvoir contre Versailles et le reste du pays. La laissant aller vers son destin tragique45, Carnot se replie sur son dernier mandat de député de Seine-et-Oise en siégeant à Versailles avec les modérés. Étrange paradoxe : il choisit Versailles contre Paris, le symbole monarchique contre le symbole républicain. Mais l’Assemblée élue est d’abord pour lui le camp de la légitimité née de l’élection, avant d’être celui de l’ordre. Et sa profonde modération bourgeoise est bien trop effrayée par les communards et les radicaux pour qu’il fasse un autre choix. Il retrouve alors sa position d’observateur critique, légaliste et réformiste patenté qui fustige les extrêmes des deux bords. Il s’élève contre « la faute et le crime des monarchistes et bonapartistes qui troublent le pays en présence de l’ennemi », tout autant que contre « la faute et le crime de ceux qui se sont insurgés à Paris [les communards] en présence de l’ennemi46 ». Il se rapproche du « juste milieu » qu’il critiquait tant dans les années quarante, mais dont il était issu et qui est peut-être sa véritable inclinaison.

  • 47 Lettre de Marie Bossolies à Carnot, 16 juin 1871, AN 108 AP 5.

28Canot reste cependant une personnalité qui compte dans le débat politique et éducatif et, dès le début de l’été, il reçoit de nouveau des lettres d’anciens protégés, enseignants et enseignantes, qui témoignent d’une aura toujours intacte. Une institutrice lui écrit ainsi le 16 juin 1871, pour le remercier de son appui pour un poste : « Soyez assurée de mon dévouement aux élèves pour lesquelles vous montrez tant d’intérêt et que vous daignez me confier. Il sera le gage de toute la gratitude que je vous dois47. » Il est vrai que, même pendant le siège et les débuts de la Commune, Hippolyte a continué de travailler sur l’instruction populaire et publique.

Les projets scolaires du paris assiegé

  • 48 Voir Maurice Dommanget, Édouard Vaillant, un grand socialiste, Paris, Table ronde, 1956.
  • 49 Édouard Vaillant, présentation du décret sur l’enseignement, 2 avril 1871.

29Pendant les sept mois de son mandat parisien, Hippolyte Carnot est de tous les projets éducatifs républicains. La Commune, on le sait, a de nobles projets en partie repris par la Troisième République, comme la séparation de l’État et de l’Église. Surtout, sous la houlette d’Édouard Vaillant48, elle propose la création d’une école maternelle, la promotion d’une école primaire gratuite, obligatoire et laïque, complétée par un enseignement professionnel masculin et féminin. Pour Vaillant et les autres comme Louise Michel, il s’agit « d’apprendre à l’enfant à aimer et à respecter ses semblables, lui inspirer l’amour de la justice, lui enseigner qu’il doit s’instruire en vue de l’intérêt de tous. Tels sont les principes […] de l’instruction publique communale49 », bref de bâtir une éducation physique autant que morale, artistique autant que classique. Ce n’est que la reprise radicalisée des projets des républicains modérés et, on l’a vu plus haut, le résultat de tous les débats et théories éducatives brassés par le xixe siècle. Mais c’est aussi la suite logique des premières décisions des élus parisiens après la proclamation de la République.

  • 50 Voir Maurice Dommanget, L’enseignement, l’enfance et la culture sous la Commune, Paris, l’étoile, (...)

30En effet, si les élus parisiens, notamment Simon et Carnot, s’emparent de la question éducative dès septembre 1870, c’est que la situation n’est guère reluisante. Elle est certes meilleure que dans bien des campagnes, mais à la veille de la Commune, seuls 27 % des enfants d’âge scolaire sont inscrits dans des écoles communales, contre un tiers qui fréquente les écoles congréganistes. Et plus d’un autre tiers des enfants ne va jamais à l’école, car ils travaillent dans les usines qui ceinturent Paris pour rapporter un maigre complément de salaire au foyer. Enfin, une part difficilement quantifiable des inscrits à l’école n’y vient jamais, ou très épisodiquement pour les mêmes raisons50. En outre, une grande partie des enfants sont livrés à eux-mêmes puisqu’ils travaillent, malgré la loi de 1841, avant l’âge légal de 12 ans et jusqu’à 15 heures par jour. Quant aux plus jeunes de moins de six ans, ils sont souvent délaissés par leurs mères, elles aussi forcée de travailler pour compléter la paie des pères, quand il y en a. Et la situation des jeunes filles d’âge scolaires n’est guère meilleure que dans le reste du pays.

  • 51 Ancien inspecteur d’Académie à Paris, il fut nommé observateur des séances de la sous-commission C (...)
  • 52 Proclamation des élus du XIe arrondissement 1er octobre 1870, AN 108 AP 5.

31Dès les premiers jours d’octobre, la question scolaire revient donc sur le devant de la scène. Pour les républicains en général et Carnot en particulier, la question du rapport entre école et Église reste la clé des réformes, surtout dans « Paris la Républicaine ». Il s’agit là comme ailleurs de lutter contre la tutelle de l’Église sur l’école des filles – surtout – et des garçons, dans une capitale où les institutions religieuses pullulent. Les instructions locales en ce sens se multiplient. Un rapport d’Octave Gréard51, futur pilier de l’école de la Troisième République et déjà aux affaires scolaires parisiennes, met en garde les autorités. Il explique que, bien qu’il y ait plus d’écoles laïques que d’écoles congréganistes à Paris, ces dernières scolarisent plus d’enfants que les établissements publics. Il estime qu’il est temps de réagir au nom de la République nouvelle, du bien public et de l’égalité. Le populaire XIe arrondissement annonce donc début octobre : « La municipalité a décidé à l’unanimité qu’à partir de ce jour, l’enseignement donné aux enfants dans les écoles de cet arrondissement sera purement laïque. Les instituteurs seront choisis en dehors des corporations religieuses52. » Le non moins populaire XXe arrondissement suit quelques semaines plus tard.

  • 53 Hippolyte Carnot, notes sur la réforme de l’enseignement, novembre 1870, AFP/HC/VI, carton C, d6. (...)

32De son côté, Hippolyte ne reste pas inactif et trace les grandes lignes d’un système d’enseignement primaire qu’il découpe, comme le propose Gréard, en trois cycles, élémentaire, moyen et supérieur. Il développe surtout le programme élémentaire, socle de tout, avec toujours beaucoup d’Histoire faite « de récits anecdotiques oraux convenablement choisis. […] Ils auront pour but de faciliter l’intelligence des faits généraux53 » pour édifier les futurs citoyens.

  • 54 La revue se veut une réaction à l’histoire classique et défend une conception de l’histoire fondée (...)

33Mis au courant de l’activité de son ami Carnot et des projets de Gréard, Jules Simon, ministre de l’Instruction publique et des Cultes, écrit le 6 octobre 1870 aux maires d’arrondissements pour leur demander d’adhérer à sa « Commission pour l’instruction Primaire de la Seine », plus connue sous le nom de Commission d’enseignement. Carnot accepte immédiatement, comme Floquet, Emeric de Gérando ou Picard. Ils forment une Association pour la diffusion et la réforme de l’enseignement en France qui diffuse un programme en huit points. Il est fondé sur la gratuité et l’obligation, la mixité, la laïcisation de l’enseignement et de ses personnels, par ailleurs mieux formés, le contrôle étatique du privé, des réformes à chaque étape et l’ouverture de chaque niveau, dont le Professionnel, aux filles. On y retrouve d’autres connaissances de Carnot comme Goudchaux, Henri Martin, Vacherot, mais aussi de nouveaux venus comme Gabriel Monod, grand historien et futur fondateur de la Revue historique54.

34Désirant traiter de l’urgente question de l’Instruction publique, Jules Simon, qui consulte Carnot, expose ses objectifs influencés par la politique de son prédécesseur de 1848, jusque et y compris dans la volonté de réhabiliter les enseignants et le patriotisme :

  • 55 Bulletin de la Municipalité de Paris, no 6, 4 octobre 1870, Lettre de Simon aux maires, AN 108 AP (...)

« La gratuité, l’obligation, les droits et devoirs communs, la liberté sous condition de l’enseignement, le mode [nouveau] de nomination des instituteurs, leur traitement, leur retraite, les programmes identiques dans les écoles républicaines, les exercices corporels, si étrangement oubliés jusque-là. […] L’accès libre aux hautes études pour les sujets d’élite pauvres, la liberté d’enseignement. […] Ainsi nous ferons une race d’hommes inaccessibles à la peur, éclairés sur le devoir, débarrassés des anciens préjugés qui énervent les caractères et troublent l’intelligence, digne par ses lumières, son patriotisme et sa vertu de mettre fin à deux des plus grands fléaux de la terre : les privilèges et la guerre […]. La République ne peut être solidement rétablie que si nous parvenons à relever le niveau intellectuel et moral de notre pays. […] Il faut, dans l’enseignement des personnes éprouvées pour leur science, leur caractère et leurs aptitudes […], eux qui vont assister tous les jeunes au développement des libertés publiques. Encourageons-les, soutenons-les pour consolider la République et défendre la patrie. […] Partout, faisons des écoles pour que les enfants travaillent et s’instruisent pendant que leurs pères combattent et que leurs mères soignent leurs chers blessés55. »

  • 56 Rapport de la sous commission sur la situation des écoles parisiennes, 18 octobre 1870, AFP/HC/VI/ (...)

35Hormis la référence à la guerre, on retrouve là une grande partie de la lettre aux recteurs de 1848, sans parler du Manuel républicain, références suffisantes pour mobiliser et propager la République par les enseignants. Carnot approuve évidemment ce programme qui reprend ses idées, y compris dans le domaine de la liberté d’enseignement. Trois jours plus tard, sous l’impulsion de sa « Sous-commission » de cinq membres dont il est la figure de proue, la Commission adopte la liberté de l’enseignement en déclarant « l’enseignement est libre sous certaines conditions56 ». Il préconise même l’obligation de l’enseignement primaire, avec une école primaire et une salle d’asile laïque par commune, sa gestion par l’État et la gratuité des concours.

  • 57 Commission des écoles du IIIe arrondissement aux maires, octobre 1870, AN 108 AP 5.
  • 58 Rapport sur les salles d’asile, AFP/HC/VI, carton C, d6 et AFP/HC/PR carton « enseignement ».

36Chaque arrondissement, échelon responsable en matière de scolarité primaire, se dote ensuite d’une Commission spéciale des écoles, remplaçant les « Délégations cantonales pour l’école » du Second Empire, et chargée « préparer des mesures dans l’intérêt de l’éducation populaire57 ». Carnot y reprend ses thèmes favoris, notamment l’enseignement des « salles d’asile » en rappelant que « l’enseignement primaire commence à l’école maternelle qui doit préparer les enfants à recevoir un enseignement secondaire et professionnel58 ». Il propose un règlement de ces salles, dotées de bibliothèques adaptées aux petits, de « cabinet de sport » et d’ateliers. Il bâtit un programme complet d’enseignement pour chaque niveau, maternelle comprise, en alternant éducation intellectuelle, littéraire comme scientifique, artistique, physique et civique. Puis, il définit les conditions d’une véritable liberté de l’enseignement qui allierait tolérance, avec le libre choix des méthodes et des manuels, respect du bien commun par des déclaration d’ouvertures, des inspections et l’examens réguliers et l’obligation. Et il n’oublie pas la formation des enseignants avec l’École normale supérieure qui doit s’inspirer de l’Angleterre et délivrer un certificat d’aptitude à l’enseignement. Dans la droite ligne de ces projets, il assiste fort ému le 13 octobre 1870, à la séance qui décide la création, sur proposition de Gréard, d’une École normale d’instituteurs de la Seine qu’avait prévue son père 55 ans plus tôt. Elle sera inaugurée deux ans plus tard, en présence de Jules Simon.

  • 59 Hippolyte Carnot, notes sur l’enseignement et projet de réforme, novembre 1870, AFP/HC/VI/carton C (...)

37Il compte circonscrire l’enseignement privé, sans aller toutefois jusqu’à sa laïcisation totale. Les ouvertures d’écoles privées doivent être soumises à autorisation rectorale et municipale. Une fois l’autorisation donnée à une congrégation, son texte est affiché pendant deux semaines en mairie par souci de transparence. Dans les établissements privés alors totalement libres, les parents d’élèves seront associés à l’enseignement pour éviter tout endoctrinement congréganiste, et l’administration aura son mot à dire. Dans ce même souci d’équité, Carnot exige des examens fréquents et communs pour les écoles privées comme publiques : « Ces examens doivent constater les progrès des élèves et stimuler l’émulation des maîtres. […] Sans ces examens, l’obligation de l’instruction ne serait qu’un mot59. »

38C’est une nouvelle politique éducative qui considère l’instruction et la culture comme les bases du régime et de l’émancipation des citoyens. Cependant, pour un pouvoir qui se voulait l’héritier de la grande tradition éducative des projets révolutionnaires de 1789-1792 et de 1848, plus qu’à l’école, c’est dans la société qu’il faut développer l’instruction. Toutes les classes sociales, notamment les plus pauvres, doivent y avoir accès pendant le temps de travail comme pendant les loisirs. Un mois après ces grands principes et ces premières décisions, Jules Simon publie un long rapport sur les bibliothèques communales d’arrondissement gratuites, sujet sur lequel Carnot a déjà beaucoup travaillé, on l’a vu. Puis il publie un autre texte sur les bourses pour les lycées et les écoles normales de filles, sans oublier un véritable manifeste en faveur de l’enseignement agricole rénové.

  • 60 Rapport de Jules Clarette à Jules Ferry, 24 novembre 1870, AN 108 AP 5.
  • 61 « On sait les résultats excellents que peuvent produire les lectures bien choisies, sous l’inspira (...)

39Fin novembre, un rapport à Jules Ferry préconisait déjà des salles de lecture et de conférences dans chaque arrondissement, car « les bibliothèques communales sont des réserves de science et de dévouement […] Elles sont une amélioration apportée par l’administration nouvelle à l’avènement de la République. Elles répareront un jour le mal causé par l’ignorance née du despotisme60 ». Ce long rapport, placé sous les mânes de l’abbé Grégoire, Jean Macé et Jules Simon, mais aussi de la Société des amis de l’Instruction, de la Société Franklin pour la propagation des bibliothèques populaires rend un vibrant hommage à Hippolyte Carnot et à sa politique de 184861. Et l’ancien ministre de 1848 continue à travailler sur l’éducation des filles « aussi dignes de mérite que les hommes » dit-il, en espérant que les projets de la ville de Paris débouchent sur un plan national.

40Dans les semaines précédant la fin de son mandat, il écrit :

  • 62 Hippolyte Carnot, Note sans date, dossier 12, AN 108 AP 5.

« Nous avons demandé aux riches de quoi nourrir les pauvres, ils nous ont donné de l’argent. Nous leur avons demandés de quoi les vêtir, ils nous ont donné des vêtements. […] Aujourd’hui nous leur demandons de quoi les instruire et nous avons confiance qu’ils viendront à notre aide. Nourrissons aussi bien l’intelligence que les corps62. »

  • 63 Lettre de la Commission des écoles du 20 novembre 1870 aux maires, AN 108 AP 5, dossier 2.

41Puis, toujours respectueux du vote populaire, il rejoint le camp des républicains modérés qui pensent que la paix est nécessaire pour construire durablement la République, un camp que Gambetta rejoindra d’ailleurs quelques mois plus tard. Mais le gouvernement et la municipalité parisienne estiment que cette politique éducative démocratique doit être appliquée séance tenante, surtout depuis la nomination de Ferry comme maire. Une lettre de la Commission des écoles du 20 novembre prévoit ainsi d’annuler le budget pour l’instruction prévu par l’Empereur et propose « qu’aucune allocation ne soit portée ni aux sociétés […] ni aux écoles congréganistes […] et donc reportées en faveur des écoles laïques63 », avec application immédiate, y compris par la contrainte.

42Malheureusement, la guerre et l’Occupation, puis la proposition de paix et la division du camp républicain vont retarder ces projets pour une dizaine d’années. Mais ils disent l’importance, ou mieux l’urgence de la question éducative en cette fin de siècle et plus encore les empreintes laissés par les projets Carnot dans l’imaginaire éducatif républicain.

43En cette veille de Commune, l’Instruction publique apparaît plus que jamais comme le moyen de convertir le pays, notamment ses masses paysannes, à la République. Il reste aux républicains progressistes à conserver le pouvoir et pour cela à se détourner de la Commune trop radicale pour eux et les ruraux. Leur objectif est de gagner les élections puisque seul le suffrage valide le pouvoir. Pour ces réalistes, la voie de la légalité et de la conciliation apparaît donc la plus appropriée pour gagner le combat de l’Instruction et de la démocratie.

  • 64 Maire de Paris, tenu pour responsable des problèmes de ravitaillement de la ville pendant la guerr (...)
  • 65 Hippolyte Carnot, lettre au Comité central républicain du Havre, mai 1871, AFP/HC/VI/carton B, d3.
  • 66 La Commune proclame le 2 avril 1871 la séparation de l’Église et de l’État, l’instruction gratuite (...)

44Carnot prend donc immédiatement ses distances avec la Commune de Paris. Il suit Jules Ferry qui a fui Paris dans des circonstances dramatiques64. L’ancien maire du VIIIe arrondissement se réfugie à Presles au centre de sa nouvelle circonscription de Seine-et-Oise, qui devient un observatoire de l’évolution des événements. Ses sentiments sur la Commune sont très ambivalents. Elle est d’une part une « insurrection injustifiable contre la souveraineté nationale65 », mais aussi une utopie qui le fascine par son volontarisme éducatif66. Et s’il est partisan de la fermeté contre les insurgés, il proteste devant « les cruelles représailles » qui concluent cet épisode et lui rappelle les pires heures de Juin 1848.

  • 67 Catulle Mendes, Les 73 jours de la Commune de Paris, Paris, Lachaud, 1871, p. 323.

45La « semaine sanglante » du 21 mai au 28 mai 1871 voit en effet Paris incendié et l’armée, commandée par Mac-Mahon, reprendre méthodiquement la ville au canon. Les combats sont d’une rare violence et la répression féroce : « On amène les Fédérés, vingt par vingt ; on les condamne ; conduits sur la place, les mains liées derrière le dos, on leur dit : “Tournez-vous”. À cent pas il y a une mitrailleuse ; ils tombent vingt par vingt. Méthode expéditive. Dans une cour, rue Saint-Denis, il y a une écurie remplie de cadavres, j’ai vu cela de mes propres yeux67. » On tue sans distinction et des traces de poudre sur les mains peuvent condamner un homme.

  • 68 Georges Sand à Dumas fils, 24 avril 1871, Paul Lidsky Les écrivains contre la Commune, Paris, Masp (...)

46On estime à vingt mille le nombre d’exécutions sommaires, soit un quart de la population ouvrière de la ville, contre moins de mille décès dans l’armée de Versailles. Plus de dix mille condamnations, dont cent à mort, et près de cinq mille déportations en Nouvelle-Calédonie, comme Louise Michel qui a tant œuvré pour l’école populaire, sont prononcées. Paris perd plus de cent mille habitants qui fuient à travers un pays pour qui la Commune, « cette crise de vomissements, [...] ce règne des plus furieux, […] ces saturnales de la folie68 », devient un repoussoir absolu.

47Cette guerre civile semble éloigner la perspective d’une victoire prochaine des idées éducatives et républicaines de Carnot. Et, en attendant la stabilisation du régime, les questions éducatives, démocratiques et sociales sont plus que jamais présentes dans les débats avant que la République triomphante ne s’en empare définitivement en 1878.

Notes

1 Hippolyte Carnot, note sur l’élection de 1868, AFP/HC/V/carton B, d5.

2 La Lanterne, journal clandestin créé en 1868 est violemment antibonapartiste. Son auteur fut condamné pour outrage à la famille impériale et s’exila en Belgique. Son style gouailleur et percutant comme « la France contient [...] 36 millions de sujets, sans compter les sujets de mécontentement », lui vaut une forte popularité.

3 Charles Delescluze, né en 1808, proclama la République à Valenciennes en février 1848 et fut Commissaire de la République pour le Nord. Son journal Le Réveil défend l’Association internationale des travailleurs (l’Internationale) et s’oppose violemment à l’Empire. Il sera un des leaders de la Commune de Paris.

4 Léon Gambettta, dans Plaidoirie de Gambetta lors du procès Baudin.

5 Même si Gambetta perdit le procès (Delescluze est condamné à 6 mois de prison), il fit impression. Citons Henri Brisson qui résume l’impression produite par Gambetta au procès de 1868 : « La veille du procès, on parlait de Sadowa, du Mexique, du pape. Le lendemain, on ne parla plus que du 2 décembre, et, dévoilé, flétri dans son origine criminelle, l’Empire était condamné ».

6 Cité par Jean-Marie Mayeur, Léon Gambetta, La Patrie et la République, Paris, Fayard, 2008. p. 54.

7 Léon Gambetta, « Lettres », citées par Patrick Harismendy, Sadi Carnot, op. cit., p. 46.

8 Sur Léon Gambetta et le programme de Belleville, voir Jean-Marie Mayeur, Léon Gambetta, op. cit.

9 Léon Gambetta, 15 mai 1869. Dans Jean-Marie Mayeur, Léon Gambetta, op. cit. p. 55-56.

10 La loi du 6 juin 1868 autorisa exceptionnellement les réunions politiques, uniquement en période électorales.

11 Hippolyte Carnot, note sur l’élection, 1885, AFP/HC/V/Carton B, d5.

12 Léon Gambetta, Lettre du 2 mars 1869. Dans Jean-Marie Mayeur, Léon Gambetta, op. cit.

13 Voir Nathalie Bayon, « Jeunesse et genèse d’un groupe politique : le “groupe gambettiste” », Revue d’histoire du xixe siècle, 20/21.

14 Toutes les plus grandes villes comme Paris, Lyon, Marseille, Lille votèrent républicains en 1869 et les candidats bonapartistes perdirent 1 million de voix.

15 Jules Grévy, dans Le temps, 23 avril 1873 à propos de la candidature du radical et ancien maire de Lyon destitué par Napoléon III, Barodet à une législative partielle à Paris le 27 avril 1873.

16 Gambetta recueillit près de 60 % des suffrages exprimés, soit 217 444 voix contre 11 604 à Carnot. Il fut élu au premier tour avec un taux de participation de 81 % qui en disait long sur les attentes populaires.

17 Cité par Jean-Marie Mayeur, Léon Gambetta, op. cit., p. 55.

18 Hippolyte explique : « Pourtant partout on a fait mon éloge, excepté dans certains journaux haineux et jaloux comme le Réveil de Delescluze, le Rappel de Rochefort ou le Temps sous l’influence peut-être de Ferry, ami de Gambetta. L’avenir national de Peyrat m’a soutenu bravement ». Note de 1885, AFP/HC/V/Carton B, d5.

19 Il ne fut élu qu’au second tour de scrutin, le 6 juin 1869, face à Ferdinand de Lesseps (qui remplaçait au pied levé Thiers) dans une circonscription où le taux de participation ne fut que de 59 %.

20 Carnot fut battu aux partielles du 22 novembre qui devaient pourvoir le siège laissé vacant par la double élection de Gambetta. Il obtint 42,5 % des suffrages alors qu’il pensait avoir une légitimité bien supérieure à Rochefort. Mais la notoriété de ce dernier, depuis les obsèques de Victor Noir, fut plus forte.

21 Alphonse Peyrat, né en 1812, opposant à l’Empire, exilé à Londres, rédacteur en chef du National puis de la Presse fut l’initiateur de la souscription Baudin. Il est député de la Seine en février 1871. Hippolyte Carnot, note de 1885, AFP/HC/V/Carton B, d5.

22 Peut-être Gambetta se souvint-il de ce qu’il répondit après la défaite de Carnot : Peyrat lui avait dit : « Je vous souhaite de quitter la vie politique le front aussi haut et le caractère aussi calme que celui dont vous avez pris la place. Souvenez-vous de ce que je vous dis. Gambetta avait répondu : je m’en souviendrai ». Note de Carnot, AFP/HC/V/Carton B, d5.

23 Yves Combeau, Paris et les élections municipales sous la IIIe République, Paris, l’Harmattan, 1998, p. 28.

24 Menuisier et écrivain autodidacte, il fut élu représentant du peuple à la fois à Paris et dans le Vaucluse. Il opta pour Paris. Réélu à la Législative, il vota constamment avec l’extrême gauche, siégeant avec la Montagne comme « député ouvrier ». Il partit en exil après le coup d’État de 1851.

25 Mais le taux d’abstention fut élevé (environ un petit tiers des inscrits) notamment dans les couches populaires et blanquistes qui se méfiaient des « républicains modérés ». La victoire du « oui » fut plus forte encore si l’on ajoutait les votes des militaires : elle atteignit 90 % des inscrits.

26 Proclamation du maire du VIIIe arrondissement à ses administrés, 4 novembre 1870, AN 108 AP 4.

27 Hippolyte Carnot, notes sur le siège de Paris, 1872, AFP/HC/VI/carton B, d3, carton A, d1.

28 IL s’agit de cuisines collectives qui permettent de prendre des repas en commun et bon marché et parfois à perte. Cette technique s’est développée dans la seconde partie de l’Empire pendant les crises, souvent avec des subventions officielles. On les appelle parfois « soupes populaires ».

29 Proclamation du maire du VIIIe, 18 septembre 1870, AN 108 AP 4.

30 Proclamation du maire du VIIIe, 26 septembre 1870, AN 108 AP 4.

31 Proclamation du maire du VIIIe, 29 octobre 1870, AN 108 AP 4. C’est nous qui soulignons.

32 Lettre du président de la Commission à Carnot le 28 octobre 1870, AFP/HC/carton B, d3.

33 Lettre de Jules Favre à Hippolyte Carnot, décembre 1870, AN 108 AP 5.

34 Le nombre de votants diminua d’un tiers par rapport au scrutin de l’avant-veille. Et dans le VIIIe, le taux d’abstention fut de l’ordre 50 %.

35 Sur Jules Ferry, voir Jean-Michel Gaillard, Jules Ferry, Paris, Fayard, 1989 et Claude Lelièvre, Jules Ferry : la République éducatrice, Hachette éducation, 1999.

36 Lettre du directeur du journal à Carnot, décembre 1870, AN 108 AP 5.

37 Lettre de l’association après son assemblée générale, Carnot, 20 septembre 1870, AFP/HC/carton B, d3.

38 Note sans date, Hippolyte Carnot, AN 108 AP 5.

39 La Liberté, 8 et 28 février 1871, AN 108 AP 4 et 5.

40 De nouvelles élections devraient avoir lieu rapidement, mais le déclenchement de la Commune va les repousser en juillet (voir chapitre suivant).

41 Hippolyte Carnot, 1870, notes sur la guerre, AFP/HC/VI/carton A, d1 et carton B, d3.

42 Il apporta même à Tours, où le gouvernement s’était replié, un modèle assez élaboré de mitrailleuse qu’il avait inventée et il travailla avec Freycinet jusqu’en janvier 1871.

43 Pour la première citation, Patrice Harismendy, Sadi Carnot, op. cit., et pour la seconde Sadi Carnot à son père, février 1871, AFP/HC/VI/carton A, d2.

44 Il est troisième sur huit et obtient 41.000 voix sur 73.000 suffrages. Il devint même l’année suivante conseiller général de Côte-d’Or pour le canton de Nolay.

45 Sur la Commune de Paris, voir Jacques Rougerie, Paris libre, 1871, Paris, Point-Seuil, 2004.

46 Hippolyte Carnot, notes sur le siège de Paris, 1872, AFP/HC/VI/carton B, d3.

47 Lettre de Marie Bossolies à Carnot, 16 juin 1871, AN 108 AP 5.

48 Voir Maurice Dommanget, Édouard Vaillant, un grand socialiste, Paris, Table ronde, 1956.

49 Édouard Vaillant, présentation du décret sur l’enseignement, 2 avril 1871.

50 Voir Maurice Dommanget, L’enseignement, l’enfance et la culture sous la Commune, Paris, l’étoile, 1964.

51 Ancien inspecteur d’Académie à Paris, il fut nommé observateur des séances de la sous-commission Carnot, en tant que Directeur de l’enseignement primaire de la Seine. Il fut en suite Inspecteur général de l’instruction publique dès 1871 et s’occupa à divers postes de l’organisation de l’école à Paris jusqu’à sa mort en 1904. Il fonda l’organisation pédagogique du primaire en trois cours et organisa l’enseignement professionnel avec les « écoles d’apprentissage ». Voir Claude Lelièvre et Christian Nique, Bâtisseurs d’école, op. cit., p. 317-319.

52 Proclamation des élus du XIe arrondissement 1er octobre 1870, AN 108 AP 5.

53 Hippolyte Carnot, notes sur la réforme de l’enseignement, novembre 1870, AFP/HC/VI, carton C, d6. Pour le reste le programme se compose des mêmes matières qu’en 1848,

54 La revue se veut une réaction à l’histoire classique et défend une conception de l’histoire fondée sur le travail sur les archives et la référence aux sources. Elle pose les premières bases de l’histoire « méthodique » théorisée dans l’Introduction aux études historiques de Langlois et Seignobos en 1897. Il s’agit de faire la critique des sources, essentiellement écrites. Voir à ce sujet Christian Delacroix, François Dosse et Patrick Garcia, Les écoles historiques en France ( xixe- xxe), Paris, Gallimard, 2005.

55 Bulletin de la Municipalité de Paris, no 6, 4 octobre 1870, Lettre de Simon aux maires, AN 108 AP 4. On pourrait y ajouter une refonte totale des programmes nationaux, l’enseignement des filles, des personnels laïques et une amélioration du matériel pédagogique (AFP/HC/VI/carton C, d6). Rapport d’Albert le Roy à la séance de la sous-commission du 8 octobre 1870, AFP/HC/VI/carton C, d6 et AFP/HC/PR carton « enseignement ». Enseignement, instruction et rapports (1870-1871).

56 Rapport de la sous commission sur la situation des écoles parisiennes, 18 octobre 1870, AFP/HC/VI/carton C, d6. Les conditions sont l’âge et un certificat d’aptitude pour les enseignants, une déclaration aux recteurs et maires et des examens et inspections régulières par l’État dans les domaines hygiéniques, moraux et scolaires.

57 Commission des écoles du IIIe arrondissement aux maires, octobre 1870, AN 108 AP 5.

58 Rapport sur les salles d’asile, AFP/HC/VI, carton C, d6 et AFP/HC/PR carton « enseignement ».

59 Hippolyte Carnot, notes sur l’enseignement et projet de réforme, novembre 1870, AFP/HC/VI/carton C, d6.

60 Rapport de Jules Clarette à Jules Ferry, 24 novembre 1870, AN 108 AP 5.

61 « On sait les résultats excellents que peuvent produire les lectures bien choisies, sous l’inspiration de Monsieur Carnot ». Proclamation aux électeurs du VIIIe, novembre 1870, AN 108 AP 4.

62 Hippolyte Carnot, Note sans date, dossier 12, AN 108 AP 5.

63 Lettre de la Commission des écoles du 20 novembre 1870 aux maires, AN 108 AP 5, dossier 2.

64 Maire de Paris, tenu pour responsable des problèmes de ravitaillement de la ville pendant la guerre et fort brutal lors d’émeutes le 27 octobre 1870 (capitulation de Metz) et le 22 janvier 1871 (capitulation de Paris), « Ferry-famine » est victime d’agressions au début de la Commune. Il quitte la ville dès le lendemain du soulèvement, le 18 mars 1871. Il écrit le 2 juin : « Quel enfer ! Je m’en échappe, pour la première fois depuis dix jours […]. C’est le domaine de l’incendie et de la mort. » Il vouera une véritable détestation contre le Commune de Paris qui lui coûtera cher en 1885, au moment d’accéder à la responsabilité de Président de la République.

65 Hippolyte Carnot, lettre au Comité central républicain du Havre, mai 1871, AFP/HC/VI/carton B, d3.

66 La Commune proclame le 2 avril 1871 la séparation de l’Église et de l’État, l’instruction gratuite, laïque et obligatoire pour les garçons et les filles qui le font rêver.

67 Catulle Mendes, Les 73 jours de la Commune de Paris, Paris, Lachaud, 1871, p. 323.

68 Georges Sand à Dumas fils, 24 avril 1871, Paul Lidsky Les écrivains contre la Commune, Paris, Maspéro, 1970. La Commune est aussi un conflit dont la légende noire est immédiatement créée, notamment sur la base de photographies retravaillées par la propagande Versaillaise.

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