Version classiqueVersion mobile

Hippolyte Carnot - 1801-1888

 | 
Rémi Dalisson

Partie II. Du ministère au coup d'État : espoir social & projets (1848-1851)

Le service de l’État et le rêve d’une éducation populaire (mars 1848-mai 1848)

Texte intégral

  • 1 Hippolyte Carnot évoque ainsi la manifestation du 1er mars 1848 en faveur de l’éducation populaire (...)

1Le ministère Carnot est aussi bref, 125 jours, que fécond et novateur. Conscient de la fragilité du régime, le ministre de l’Instruction ouvre simultanément tous les dossiers avec un seul objectif : éduquer pour conforter la République et assurer le bon fonctionnement de la démocratie. L’urgence est d’autant plus grande que, sur fond de crise économique et de redressement des opposants, les manifestations en faveur d’un changement éducatif se multiplient1. Or, l’État manque de personnels dévoués pour appliquer ses réformes. C’est donc dans le domaine de la formation des cadres administratifs que commence, fin février, la rénovation civique et politique voulue par le ministère.

La matrice de l’école d’administration

  • 2 Hippolyte Carnot, Mémorial, dossier 7.
  • 3 Hippolyte Carnot, Mémorial, dossier 10.
  • 4 Hippolyte Carnot, D’une école d’administration, Versailles, Aubert, 1878, p. 18.
  • 5 Jules Simon, débats sur la suppression de l’école, janvier 1849, cité par Hippolyte Carnot, Idem, (...)

2Comme « l’édifice de l’Éducation nationale sera entrepris à la fois par la base et le sommet […], il devient indispensable dans une démocratie que les Assemblées législatives, les Conseils départementaux, municipaux, les services matériels se peuplent d’hommes instruits2 ». La question des personnels administratifs, surtout de haut niveau, se pose dès le 25 février, quand chaque ministre républicain constate ce manque criant. François Arago, nouveau ministre de la Marine et des Colonies, explique que l’on « manque de sujets instruits, capables et moraux vis-à-vis de l’administration3 ». Carnot le reconnaît : « J’avais entendu dans ma jeunesse des acteurs importants de notre première Révolution se plaindre de la peine qu’ils avaient eue à remplacer l’ancien personnel administratif, et j’entendais précisément autour de moi des plaintes du même genre4. » Il faut dire que la crainte de voir l’administration monarchiste refuser de jouer le jeu du nouveau pouvoir est justifiée, autant pour des raisons idéologiques qu’à cause du clientélisme éhonté du précédent régime. À l’instar de ses collègues, le ministre de l’Instruction pense qu’il est temps de « fermer la porte au favoritisme » dans l’appareil d’État et « d’ouvrir celle des capacités pour rendre les protections inutiles5 » pour mettre en adéquation le nouveau régime et son administration.

  • 6 Hippolyte Carnot, D’une école d’administration, op. cit., p. 12 et 18.

3Il n’est surtout pas dupe des conversions subites à la République, si bien décrites par Flaubert dans Bouvard et Pécuchet, et reste sceptique sur le dévouement de l’ancienne administration. Il sait qu’« un gouvernement qui apporte un esprit nouveau est souvent obligé, faute d’agents préparés à le servir, d’utiliser un personnel élevé dans des traditions différentes, mais qui a du moins la pratique des affaires. […] Quand on veut obtenir un bon travail, on s’adresse à l’homme de métier6 ». Il est donc préférable que ces hommes soient, sinon républicains, du moins bien disposés envers les principes qu’ils doivent faire appliquer. Le besoin « d’une pépinière de jeunes sous-officiers capables de remplacer immédiatement leurs supérieurs empêchés » est si patent qu’un tel projet préparé par l’ancien pouvoir dort dans les tiroirs du ministère. Présenté en 1844, il avait été rejeté à une voix près, puis repris en 1846 par Salvandy, le prédécesseur de Carnot à l’Instruction, avant de finir aux oubliettes.

  • 7 Hippolyte Carnot, idem, p. 10.
  • 8 Ce qui est différent de la neutralité politique. Les nouveaux administrateurs pourront avoir leurs (...)
  • 9 Hippolyte Carnot dans Paul Carnot, Hippolyte Carnot et le ministère, p. 55-60.

4En théorie les choses sont simples : « Chaque profession nécessite un apprentissage qui se fait dans un but personnel et qui peut-être laissé à l’initiative personnelle. Mais la profession d’administrateur s’exerçant dans l’intérêt de tout le monde […], l’apprentissage ne doit pas se faire à l’aventure. L’éducation des serviteurs de l’État est un devoir de l’État7. » Il est donc hors de question de laisser cette haute mission à l’initiative privée, à des écoles libres ou des traditions locales échappant à tout contrôle. En outre, pour les hommes de Février, service de l’État ne rime pas avec neutralité au sens phique8 du terme. Ses serviteurs doivent « créer un foyer où rayonnât sur toute la France la lumière républicaine », promouvoir les valeurs philosophiques des droits de l’homme et de l’organisation démocratique de la cité, ce qui ne les empêche nullement d’avoir une opinion politique. Il est en outre délicat de demander à des hommes d’Église ou à des institutions privées d’établir « une pépinière pour les services publics » comme le dit Carnot. Si le consensus gouvernemental est large en faveur d’une école d’administration « qui se lie intimement à celle d’un régime républicain9 », ses modalités d’application sont moins évidentes.

  • 10 Hippolyte Carnot, Mémorial, dossiers 7-10.
  • 11 Carnot en supprime les cinq chaires traditionnelles, trop monarchiques voire d’esprit ultra.

5Plusieurs hypothèses sont étudiées et le ministre, grand admirateur de la Prusse qui avait créé un enseignement des « sciences de l’État » en 1727, songe immédiatement au modèle allemand des chaires rattachées à des Facultés. Mais la centralisation et le souci français d’égalité le rendent irréalisable : « Quel modèle aurait-on préféré le prussien, l’autrichien, le bavarois ?10 » De leur côté, les institutions qui pourraient convenir sont soit trop partiales (la chaire d’Histoire moderne est encore très conservatrice), soit en plein remaniement comme le Collège de France11, également marqué par l’ancien régime.

6L’accord se fait rapidement sur la création d’une école spéciale, tradition révolutionnaire par ailleurs, sur le modèle de Polytechnique. La Haute Commission entérine le projet et, le 8 mars, le Gouvernement provisoire publie un décret ainsi libellé : « une école d’administration, destinée au recrutement des diverses branches d’administration dépourvues jusqu’à présent d’écoles préparatoires, sera établie sur des bases analogues à l’école Polytechnique ». À l’issue de leur scolarité dans cet établissement d’enseignement supérieur, les élèves feront un stage en fonction de leur classement de sortie, comme les polytechniciens aux Mines, aux Ponts ou à Fontainebleau. Puis ils intégreront les différents ministères, car l’école nouvelle sera plurielle en matière de sciences morales et politiques.

  • 12 Le gouvernement n’alloua qu’une modeste somme de 5 000 francs, soit moins de dix pour cent de la s (...)
  • 13 Hippolyte Carnot, Mémorial, dossiers 7-10.

7Reste à concrétiser le projet dans un contexte difficile. Le budget n’allouant qu’une faible subvention12 au futur institut, le ministère improvise. Après bien des recherches, il choisit d’implanter l’école dans un « vieux bâtiment très délabré et destiné à une prochaine démolition », près du lycée Louis-le-Grand, rue Saint-Jacques. L’édifice n’est autre que « l’ancien collège du Plessis qui avait déjà servi de berceau à l’École normale » avant qu’elle ne s’installe rue d’Ulm. Les compagnons du ministre et quelques ouvriers apportent gratuitement des tables et quelques tableaux, remettent les salles en l’état, et « voilà notre école fondée13 » !

8Mais le problème le plus sensible reste celui les enseignants et, là encore, Carnot improvise en empruntant (le mot est de lui) des professeurs au « célèbre établissement scolaire » qu’est le Collège de France alors en plein chambardement. À sa grande joie, nombre d’enseignants comme Reynaud, Le Play, Ampère, Franck, Focillon, Souvestre et d’autres acceptent d’enseigner et d’organiser les examens. L’école est donc en quelque sorte jumelée — le ministre dit « annexée » — au Collège de France, ce qui en diminue le coût et renforce les deux institutions par une saine émulation, sur le modèle du partenariat entre l’École normale et les Facultés des lettres et des sciences.

9Reynaud compose les programmes en veillant à l’équilibre entre enseignements professionnels, scientifiques et littéraires. Il trouve un directeur provisoire, l’ingénieur des Mines Sénarmont qui accepte le titre des « Directeur des études » avec Le Play. Tous deux sont d’anciens polytechniciens, ce qui en dit long sur le poids du modèle révolutionnaire. Il ne reste qu’à recruter des élèves, logiquement admis sur concours en gage d’égalité républicaine. L’arrêté ministériel du 10 avril fixant les conditions d’inscription est classique, avec ses limites d’âge et de nationalité, et une épreuve d’admissibilité avant celle d’admission. Un arrêté du 22 du même mois exempte, comme les polytechniciens, les futurs étudiants et lauréats du service militaire pour service rendu à l’État. Après l’annonce des épreuves, plus de 900 candidats s’inscrivent pour 200 places et participent au concours à Paris et dans vingt-deux centres provinciaux, Algérie comprise. Ce nombre est ramené à six pour l’admission définitive.

10Conformément aux souhaits du ministre, les épreuves doivent déterminer les capacités de raisonnement (ce Carnot appelle « le bon sens ») et l’appétit de savoir des candidats plus que la somme de leurs connaissances encyclopédiques. Les premiers reçus ne sont que 152, car les épreuves sont très sélectives et la réputation du nouveau système encore faible. Une fois entrés dans l’école, les étudiants sont réunis « très républicainement » dit Carnot, et suivent avec enthousiasme des enseignements donnés par les meilleurs spécialistes du Collège de France. Puis l’école est officiellement inaugurée par… le ministre successeur d’Hippolyte Carnot, le 8 juillet, deux jours après sa démission sur laquelle nous reviendrons.

  • 14 Hippolyte Carnot, cité dans Jean-Noël Jeanneney, « L’ENA de 1848 », dans le Monde, série « Concord (...)

11Les programmes sont éclectiques : à côté de l’enseignement professionnel, une « large place est faite aux études scientifiques, mais aussi littéraires qui meublent l’intelligence et leur donnent de l’ampleur14 ». On enseigne l’architecture, le dessin, l’histoire de l’art et les religions orientales, ce qui surprend pour des administratifs. Sur le modèle des séminaires prussiens, chaque cours est répété en petits groupes puis discuté avec des maîtres de conférences comme à l’École normale supérieure et dans les universités allemandes. Ce mélange de pédagogie active et civique, d’influences culturelles diverses, concrètes autant qu’intellectuelles, scientifiques autant que littéraires et de débats correspond au grand élan fraternel de Février autant qu’aux observations des voyages de Carnot.

  • 15 Un rapport officiel de l’Assemblée nationale en 1848 en fait un bilan très positif.

12Dès lors, l’école se structure progressivement. Elle compte deux catégories d’étudiants, les internes et les externes. Pour les premiers, qui se destinent expressément aux services publics, la vie en collectivité, l’internat, le partage des valeurs et des travaux sont une école de vie et de désintéressement. Cet ascétisme est encore dans la tradition révolutionnaire qui voulait que l’État prenne totalement en charge ses futurs serviteurs. Les externes sont des étudiants plus classiques qui viennent approfondir leurs connaissances, recevoir une éducation aux principes du service de l’État et obtenir un diplôme original, la licence es-administration. À leur sortie de l’école, les deux groupes doivent suivre une année de stage dans les diverses administrations publiques, avant d’obtenir des postes définitifs et d’être régulièrement évalués par des inspecteurs. Ce système recueille un tel assentiment chez les hommes politiques15 que, même après le départ de Carnot en juillet 1848, l’école subsiste. Cavaignac chargera ainsi le nouveau ministre de l’Instruction, Vaulabelle, de préparer un texte pour la pérenniser sur la base d’un rapport officiel positif de l’Assemblée nationale.

  • 16 Voir V. Wright, « L’école nationale d’administration de 1848 à 1849 », Revue historique, janvier-m (...)

13Mais après le traumatisme de juin, l’école, qui mêle valeurs républicaines et mérite laïc, suscite de plus en plus de réserves en dépit du soutien du ministère de l’Instruction et de Cavaignac. Les corps et institutions censés collaborer, notamment la faculté de Droit, bastion du conservatisme, rechignent à fournir des séquences aux étudiants. En outre, depuis les élections d’avril, dans un contexte à présent favorable à ses idées d’ordre, l’Église proteste sans répit auprès du gouvernement contre sa perte d’influence sur la haute administration. Dès la rentrée de novembre 1848, l’établissement est donc mis sur la sellette. Dans l’imaginaire et les représentations politiques, il reste en effet associé à la république de Février, république sociale et militante que l’opinion et les conservateurs veulent oublier après les élections d’avril et les massacres de juin. La presse et les élus multiplient les critiques contre l’école qui voit ses candidats disparaître16 : ils ne sont plus que 235 pour la rentrée de novembre, quatre fois moins qu’au printemps précédent. Pire, lors d’un débat budgétaire en novembre, un amendement est déposé par la majorité pour rétablir les cinq chaires du Collège de France que Carnot avait transféré à son nouvel institut.

  • 17 Hippolyte Carnot, D’une école d’administration, op. cit., p. 23

14Enfin, l’élection de Louis-Napoléon Bonaparte à la présidence de la République en décembre 1848 change totalement la donne. L’heure n’est plus aux idéaux républicains autrement qu’en apparence, comme le montre la nomination au ministère d’un monarchiste clérical de haute volée, le comte de Falloux. Dès janvier 1849, « la réaction s’étant installée avec Monsieur de Falloux au Ministère, […] commença contre l’École nationale d’Administration une campagne qui annonçait le parti pris de la détruire17 ». Les cours de l’école sont suspendus, puis partiellement repris, avant d’être une seconde fois suspendus. En décembre, la discussion du rapport de l’Assemblée sur l’école est elle aussi interrompue. L’avenir est si sombre que les élèves de la première promotion pétitionnent avec des nouveaux étudiants pour demander le maintien de l’école. Mais rien ne peut arrêter la réaction et, le 22 janvier 1849, deux projets de loi du ministre Falloux scellent son arrêt de mort. Le premier supprime purement et simplement le projet de loi qui devait la pérenniser et le second réintègre le socle de ses enseignements, le droit public et administratif, dans les seules facultés.

  • 18 Carnot y est même battu. Nous y reviendrons dans le chapitre suivant.

15Les défenseurs de l’institut ont beau proposer un nouveau projet de loi aussi favorable que le rapport de l’Assemblée, rien n’y fait. Les élections de mai 184918, qui renforcent encore la majorité conservatrice et cléricale, portent le coup de grâce au rêve de Carnot. Le 9 août, la nouvelle Assemblée décide donc de supprimer définitivement l’école par 370 voix contre 124. Le droit public et administratif, matières promises aux facultés six mois plus tôt, y sont même supprimées.

  • 19 On leur concède tout juste la confirmation de leur exemption du service militaire.

16Les étudiants sont dispersés dans le pays19. Rarement réinscrits dans les universités de droit ou médecine, ils doivent chercher de nouveaux emplois alors qu’ils sont étiquetés républicains, lourd handicap en ces temps de réaction. Si la plupart finissent par décrocher des emplois dans l’administration, le privé, voire à l’Assemblée législative, tous se regroupent en une Association des anciens élèves de l’école d’administration destinée à aider les membres de l’école dans le besoin. Elle tient banquet tous les ans et y invite systématiquement son fondateur, qui fait toujours un discours. Ainsi, lors de l’anniversaire de l’ouverture de l’école qui réunit une cinquantaine d’élèves et de professeurs en juillet 1850, Carnot dresse un bilan de l’aventure avortée :

  • 20 Hippolyte Carnot, Agenda, 1850, 11 juillet, AFP/HC/IV/carton E.

« Ils m’invitent au Palais national. On me donne la place d’honneur […] Au dessert, je prends la parole et je dis à peu près ceci. Vous êtes les représentants d’une de mes pensées les plus chères, d’une pensée à laquelle je suis demeuré profondément attaché malgré les échecs qu’elle a subis. L’école […] était destinée à devenir […] une digne sœur de l’école polytechnique […] pour les sciences morales et politiques et une pépinière où l’État se préparerait des fonctionnaires pour tous les services civils. Les deux écoles formant le couronnement d’un système complet d’éducation nationale essentiellement démocratique devant offrir les moyens de recruter […] dans tous les rangs de la population française. [...] Lorsqu’un jour notre République sera gouvernée par des hommes qui mettront leur gloire à sa conservation et à son développement, leur premier soin sera de relever l’école d’administration20. »

  • 21 En 1872, Boutiny créé le Collège libre de sciences politiques, future « Sciences-Po Paris » qui re (...)
  • 22 Hippolyte Carnot, Agenda, 1850, 18 juillet.

17L’ancien ministre ne manque aucun des banquets suivants, même sous le Second Empire qui le pourchasse. Il peaufine des projets qui progressent dans l’esprit des gouvernants sans toutefois être réalisés sous l’égide publique21. Ces réunions sont toujours tolérées par l’État, y compris sous l’Empire « phénomène unique et […] bien intéressant22 » qui prouve la pertinence de la question. Dans sa brochure publiée en 1878, Hippolyte conclut avec un brin de nostalgie teinté d’espoir :

  • 23 Hippolyte Carnot, Rapport à l’Assemblée nationale, no 8, 6 mai 1878. p. 7.

« Trente ans ont passé depuis cette époque. Si l’École normale d’administration avait continué d’être […], elle eût formé des générations de jeunes administrateurs, de diplomates, de financiers qui n’auraient pas manqué à la France dans les épreuves qu’elle a traversées. Elle eut signifié que le règne de la corruption et de la faveur était fini, et que celui de la justice lui succède23. »

18Ainsi sera formée l’élite de la nation, « fondée sur le mérite et non la naissance » martèle Carnot, c’est-à-dire les serviteurs de la haute fonction administrative. Si le besoin de cadres convertis aux valeurs de 1789 et de 1848 est impérieux, pour le ministre, l’essentiel reste l’ensemble de la nation, et d’abord les adultes, ouvriers et paysans depuis toujours écartés du monde du savoir. C’est donc vers eux qu’il se tourne dès mars 1848.

Éduquer le peuple sans répit

  • 24 Hippolyte Carnot dans Paul Carnot, Hippolyte Carnot et le ministère, p. 52.

19Dès février, un large mouvement en faveur de l’instruction des adultes se développe au gouvernement et dans les associations. Comme Carnot aime à le souligner, « l’instruction des adultes n’a pas plus été négligée [que celle des enfants] de ma part24 ». Dans ce souci se mêlent d’anciennes influences philanthropiques, franc-maçonnes et saint-simoniennes, voire charitables. On y ajoutera le républicanisme et les doctrines comme le socialisme, le fouriérisme, même le communisme qui veulent tous émanciper la classe ouvrière naissante. Ce consensus dans le camp « progressiste » se résume par l’expression d’instruction populaire que les innombrables sociétés pour l’Instruction prêchent depuis plus de vingt ans.

  • 25 Sur 300 000 conscrits en 1848, plus de 112 000 ne savent ni lire, ni écrire. Si l’on prend les plu (...)
  • 26 Hippolyte Carnot, Mémorial, dossier 14.

20Pour Carnot, les choses sont simples : son éducation, ses études, ses observations et ses convictions l’incitent à ne laisser aucun citoyen, et même aucune citoyenne, à l’écart de l’instruction. Cette instruction, qui doit être équilibrée, sera en outre permanente et en perpétuel renouvellement, car l’urgence est grande. Le dernier rapport sur l’alphabétisation des jeunes recrues montre ainsi « qu’un tiers d’une génération qui fait l’espoir et la force de la patrie est plongée dans les ténèbres de l’ignorance ; quelle honte25 ! » L’éducation populaire et l’instruction auront donc des vertus civiques pour « rendre la République si bonne et si aimable que personne ne pourra la haïr26 », notamment les ruraux ballottés entre rumeurs sur les partageux et soumission au clergé et aux notables antirépublicains.

  • 27 Hippolyte Carnot, Mémorial, dossier 10. C’est une préfiguration du Tour de la France par deux enfa (...)
  • 28 Hippolyte Carnot, Mémorial, dossier 17.

21L’éducation pour les adultes sera donc totale, technique comme intellectuelle et morale, fondée sur l’observation du patrimoine et de la nature autant que sur la lecture et l’étude. Ainsi viendra « un temps où, grâce au progrès des moyens de transport, un tour de France sera le complément de l’éducation française27 ». Il faut pour cela des enseignants qualifiés et expérimentés comme ces « professeurs de lycées [parisiens] qui ont eu l’excellente inspiration de consacrer leurs heures de loisir à l’enseignement des adultes28 ».

22Les paysans, soit les deux tiers de la population, qui ne bénéficient d’aucune structure associative et sont éloignés des villes et des écoles, sont la cible prioritaire du ministre. Ce sont eux qu’il faut prioritairement convertir par la lecture, clé de l’instruction et de l’émancipation, et mener jusqu’aux maisons d’école :

  • 29 Hippolyte Carnot, notes préparatoires à la loi de 1848, AFP/HC/IV/carton B, d5.

« Les maîtres, devenus bibliothécaires leur feront la lecture, à haute et intelligible voix, pourront les instruire, les intéresser et […] les passionner pour la vie politique du pays. Les enseignants en l’état de leurs disponibilités prodigueront des enseignements généraux pour l’état agricole et des lectures à la maison d’école ou à la mairie, pour l’instruction civique et même la littérature29. »

  • 30 Hippolyte Carnot, Mémorial, dossier 21.
  • 31 Jules Simon à Carnot, 8 juillet 1848, AFP, HC/IV/carton B, d6. Deux personnes allant de village en (...)

23En attendant que les vocations se multiplient, et en partant du constat que « nous manquons de livres de lecture pour le peuple comme il y en a ailleurs30 », le ministre met sur pied vaste réseau public des bibliothèques communales de toutes tailles. Il charge l’éditeur Paulin de rassembler des collections de livres les plus variés possible dans chaque quartier des villes et chaque canton rural pour les mettre gratuitement à la disposition du peuple. Il crée également toute une gamme d’établissements complémentaires comme les bibliothèques spéciales près des facultés pour mettre le savoir le plus savant à la disposition du plus grand nombre. Sur une idée de Jules Simon, il entend créer des bibliothèques populaires et rurales qu’il rebaptise « collections circulantes » avec des enseignants qui « parcourraient les petits villages et porteraient aux enfants isolés l’instruction qu’ils ne pourraient trouver ailleurs31 ». Les « bibliothécaires missionnaires » de ces établissements itinérants seront des « instituteurs conservateurs de la petite bibliothèque populaire », qui guideront le public, contrôleront les prêts et pourront lire à la demande.

  • 32 Carnot évoque Corneille, Molière, Michelet, Martin, la Fontaine, Racine, Boileau, Voltaire ou Rous (...)
  • 33 Carnot parle « d’accoutumer les ouvriers à entendre un meilleur langage que celui qu’ils allaient (...)
  • 34 Voir Jean-Yves Mollier, Le camelot et la rue. Politique et démocratie au tournant des xixe et xxe  (...)
  • 35 Pour toutes les citations sur les bibliothèques, Hippolyte Carnot, Mémorial, dossier 10.

24L’objectif est d’offrir le meilleur de la culture française au peuple32, de l’ouvrir aux grands textes édifiants comme aux ouvrages historiques et moraux, sans oublier la presse. Le ministre exige donc des garanties et convient que seul l’État peut vérifier la qualité (et la moralité33) des lectures populaires. Il entend lutter contre les conséquences négatives du colportage d’ouvrages bon marché34, alors en plein essor grâce aux nouveaux moyens de transport. Car, si ce nouveau mode d’acculturation du peuple habitue les paysans à la lecture, il répand aussi « la superstition, les romans licencieux, les croyances dans les fées » auxquelles un esprit rationel et prude ne doit pas croire. Pour moraliser ces nouveaux usages, le ministre prévoit donc que les inspecteurs de l’Instruction primaire « veillent à la répartition des livres et des lots de livres » d’un point de vue quantitatif autant que qualitatif. Grâce à cette action volontariste et souvent bénévole, Carnot est persuadé que « se rependra rapidement le goût des lectures utiles dans le peuple35 ».

  • 36 Cité par Paul Carnot, Hippolyte Carnot et le ministère, p. 53.
  • 37 Hippolyte, Carnot, Mémorial, dossier 6.

25C’est dans cette optique bibliophile qu’il faut replacer la création, au printemps 1848, d’un Service officiel des lectures publiques du soir. L’objectif est toujours le même : donner le meilleur au peuple. C’est ce qu’explique Émile Deschanel : « Le ministre de la République voulut que le peuple souverain eût, lui aussi, ses lecteurs et professeurs36. » Ce service, aussi politique que moral, rappelle les séances organisées par les philanthropes ou les saint-simoniens, censées remplacer les cabarets et les bals trop arrosés. Elles permettront à l’ouvrier (et plus tard au paysan) fatigué « du labeur quotidien de trouver un asile commode, un plaisir qui porterait avec lui l’instruction, de bons conseils et la familiarité des grands esprits de notre race37 ». Il s’agit de vulgariser les textes patrimoniaux et, si besoin, de les commenter pour « instruire noblement les auditeurs en les amusant », raconte l’ancien saint-simonien Sainte-Beuve. Le programme de ces lectures doit donc être varié pour ne point lasser. Les grands classiques comme Corneille et Molière alternent avec l’Histoire à la Michelet qui a une fonction civique évidente, et des comédies ou des chansons comme celles de Béranger.

  • 38 Cité par Paul Carnot, Hippolyte Carnot et le ministère, p. 54.
  • 39 Hippolyte Carnot, Mémorial, dossier 13.

26Les premières séances parisiennes devant des ouvriers et des artisans pleins de respects sont un succès « dans un silence attentif où les moindres impressions se peignent sur les visages38 ». Le ministre relève des réactions amusées aux comédies, patriotes à l’évocation des grandes batailles comme Crécy, critiques devant un style ampoulé et déroutées devant les Fables de la Fontaine. Dans cette logique le ministère envisage la création d’une Athénée libre sur les modèles allemand et américain. Il s’agit de réunir quelques professeurs dans un amphithéâtre ou dans d’anciennes salles de spectacles pour donner un enseignement libre et gratuit, ouvert à tous et délivré « des pionniers dans des domaines encore inexplorés39 » des sciences et des techniques.

  • 40 Ce ne sont pas les Cours complémentaires de deux ans après le Cours moyen de la IIIe République qu (...)
  • 41 Cette expression popularisée dans les Lieux de mémoire de Pierre Nora désigne le récit patriotique (...)
  • 42 Voir Christian Amalvi, Les héros de l’Histoire de France. Comment les personnages illustres de la (...)
  • 43 Hippolyte Carnot, Mémorial, dossier 14.

27Ces lectures et enseignements seront complétés par des cours complémentaires40 ouverts à tous, enfants comme adultes. Ils approfondiront les sujets auxquels tient Carnot, notamment l’Histoire, mère de toutes les disciplines qu’il qualifie de « sel de l’esprit ». Il la juge d’autant plus importante pour la cohésion civique qu’elle doit bâtir un « récit national »41 avant l’heure. Centrée sur la France, elle doit être omniprésente dans les cours et les programmes, mais aussi dans la vie quotidienne par des remises de récompenses ou médailles. Ces récompenses seront dédiées aux héros de la République et à « ceux qui ont honoré la France » comme Jeanne d’Arc, Duguesclin, Descartes, Papin ou Turgot, soit rigoureusement le même Panthéon que Lavisse et ses collègues bâtiront sous la Troisième République42. Ainsi, « ces images exciteront la curiosité. Ils liront ou se feront lire l’histoire de nos illustrations nationales43 ». Mais le ministre va plus loin, il s’intéresse à l’Histoire en tant que science. Sans elle on « bâtit sur du sable », car elle aide à développer l’esprit critique et civique. Pour cela, elle doit respecter des procédures, être aussi attrayante qu’édifiante sans trop de stéréotypes, mais pleine de rigueur méthodique :

  • 44 Hippolyte Carnot, « Notes sur l’histoire », 1848, AFP/HC/IV/carton A et B, AN 108 AP 2.

« Autrefois, le fait et la réflexion qu’ils inspiraient étaient le fondement de l’Histoire. Elle manquait par là de vie, de sens moral, de conclusion philosophique. Peut-être doit-on lui donner aujourd’hui un sens contraire et civique […] sans tomber dans le sens commun. Mais elle doit rester un rassemblement de documents […] afin que l’historien puisse les étudier, les classer, les coordonner et les juger44. »

  • 45 Hippolyte Carnot, Mémorial, dossiers 19-20.

28À ces « éléments d’histoire et de géographie nationale », il ajoute le français, le droit public et l’hygiène, sans oublier la gymnastique pour améliorer la santé des plus démunis. Il s’agit là de la version pour adulte de ce que l’école nouvelle et l’instruction républicaine proposeront à tous les enfants de France. Ces cours doivent même mettre l’art à la portée de tous à travers la promotion du patrimoine : « Existe-t-il moyen plus puissant d’éducation populaire45 ? », dit-il en parlant de l’art en général et des Beaux-Arts en particulier.

  • 46 Voir les ouvrages de Maurice Agulhon en bibliographie et Paul Poirrier « Le concours de la Républi (...)
  • 47 Hippolyte Carnot, Mémorial, dossier 19.

29C’est dans ce cadre qu’il s’intéresse au concours de figures de la République lancé le 11 mars 1848 pour définir « la composition de la figure symbolique de la République française ». Elle est destinée à orner la médaille commémorative de Février et à devenir l’emblème de la Nation : ce sera donc Marianne46. Il juge que « la statuaire doit être particulièrement cultivée dans une République » et qu’il faut faire des statues, non plus combattantes, mais victorieuses « comme une mère qui protège, qui assure l’égalité entre tous ses enfants47 ». L’art doit descendre dans la rue, aller à la rencontre du public, surtout celui qui en a été privé. Carnot envisage donc une vaste redistribution des lieux culturels et artistiques parisiens, en attendant ceux de province. Il compte créer un « palais des sciences et des arts » au Luxembourg, organiser des expositions permanentes de peintures et de sculptures souvent gratuites, à la place des expositions occasionnelles. Et pour faire œuvre incontestable, il songe à nommer un « conseil disciplinaire » composé d’hommes de lettres qui jugeront la valeur artistique et civique des œuvres et des livres mis à la disposition du grand public. Il adjoint à ces mesures une formation professionnelle qui sera, après l’éducation intellectuelle, le second pilier de l’Instruction populaire.

30Le 29 mars, le ministre fonde avec treize professeurs l’Association Philotechnique destinée à donner aux ouvriers les connaissances professionnelles et techniques nécessaires aux métiers modernes. L’association s’accorde sur des cours de géométrie, de grammaire, d’algèbre, de mécanique et de dessin délivrés dans les salles de la Halle aux draps, puis à l’école Turgot. Les professeurs de lycées parisiens sont les premiers sollicités par l’association pour compléter la formation en Histoire et en Droit. L’expérience démarre début avril avec 150 ouvriers teinturiers du faubourg Saint-Marcel qui s’initient aux connaissances scientifiques dans l’amphithéâtre de l’école de pharmacie. Rapidement, cet enseignement professionnel s’étend en province, comme à Orléans, avant de disparaître dans le tumulte de Juin.

31Carnot veut aller plus loin et songe à des « clubs-écoles » sur le modèle écossais des « Mécanic-institutions », c’est-à-dire des salles de conférences, des bibliothèques et des cours permanents pour les ouvriers dans des bâtiments jouxtant les usines. Tenu au courant des travaux de Braille, il s’intéresse aussi aux sourds et aux aveugles, pour lesquels il compte multiplier les institutions spécialisées dépendant de son ministère, et non plus de l’Intérieur.

  • 48 Hippolyte Carnot dans Paul Carnot, Hippolyte Carnot et le ministère, p. 68.
  • 49 Hippolyte Carnot dans Paul Carnot, Hippolyte Carnot et le ministère, p. 69.
  • 50 Hippolyte Carnot, Circulaire aux recteurs mars 1848 dans Paul Carnot, Idem, p. 22-29.
  • 51 Hippolyte Carnot, Mémorial, dossiers 12 et 14.

32Enfin, il estime que la République doit faciliter la mobilité sociale en soutenant les familles modestes. Leurs enfants, « que la fortune a moins heureusement dotés que la nature48 », pourront prolonger leurs études grâce à l’État. Il s’inspire en cela des idées révolutionnaires, notamment de la constitution de 1793, qui proclame le droit réciproque pour chaque citoyen « d’attendre de la société les moyens d’acquérir les connaissances et instructions qui peuvent contribuer à son bonheur dans sa profession ». Le plus juste moyen d’y parvenir reste les bourses d’État « qui doivent se transformer en système généreux et régulier d’adoption en faveur des élèves d’élite des écoles primaires49 ». Les collèges ou établissements secondaires devront ainsi préparer gratuitement les enfants méritants des classes populaires aux examens et concours d’entrée des grandes écoles « dont le recrutement ne s’opérait qu’à des conditions inabordables à la majorité des citoyens50 ». L’objectif reste de substituer le mérite et l’effort au favoritisme et à l’arbitraire. Ce système des bourses, que le ministre rebaptise « brevet d’honneur pour les fils du peuple », couplé avec le concours qui sélectionne sur les seules capacités, créera une sorte de méritocratie républicaine prémonitoire. Chaque grande école doit être accessible aux classes populaires et être « essentiellement démocratique, car dès que l’on s’éloigne des milieux populaires, il devient difficile de juger les dispositions de l’esprit public. […] Les hommes de pouvoir ont besoin dans une démocratie de se retremper périodiquement dans l’onde nationale51 ».

  • 52 Voir à ce sujet Mona Ozouf, La fête révolutionnaire, Paris, Gallimard, 1974 et Rémi Dalisson, Célé (...)
  • 53 Voir Rémi Dalisson, Les trois couleurs, Marianne et l’Empereur, Pairs, Boutique de l’histoire, 200 (...)
  • 54 Hippolyte Carnot, Mémorial, dossier 13.
  • 55 Voir Maurice Agulhon, « Fêtes spontanées et fêtes organisées à Paris en 1848 », dans Jean Ehrard e (...)

33Pour couronner cette démocratisation, Carnot songe à l’une des méthodes les plus originales de la Révolution : la pédagogie civique par les fêtes publiques52. Fin février, il a déjà expérimenté leurs vertus citoyennes en participant à la plantation d’un arbre de la Liberté, pratique rituelle en 184853, dans les jardins de Saint-Nicolas à Paris. Dans cet établissement spécialisé dans l’éducation des enfants d’ouvriers, la cérémonie est placée sous le signe des Trois Couleurs. Le clergé bénit l’arbre comme le veut l’usage, en présence du maire de l’arrondissement. Le discours du ministre est édifiant : « L’arbre que vous plantez est jeune comme la République elle-même […] Il étendra sur vous ses rameaux, de même que la République étendra sur la France les bienfaits de l’Instruction populaire. […] Les bons écoliers deviennent les bons citoyens. » Les fêtes républicaines ont bien « un caractère d’enseignement moral et d’éducation publique54 » qui en fait un excellent vecteur des principes républicains que ne dédaigne pas le Gouvernement provisoire55. Le ministre de l’Instruction a été aussi impressionné par la « Fête de la concorde » du 21 mars, entre la Bastille et le Champ de Mars, avec ses défilés, sa statuaire civique, ses revues d’œuvres industrielles, ses hymnes à la République et son enthousiasme réformateur. Cette pédagogie civique lui a semblé efficace grâce à sa représentation symbolique du régime et sa « foule d’hommes obéissant à une inspiration commune ».

34Puisque c’est à l’État de proposer ces spectacles emblématiques pour inspirer les citoyens et les faire participer à ses réformes, Carnot publie le 27 mars un arrêté organisant un concours de « composition de chants nationaux » pour les cérémonies nationales. Il y prévoit une récompense pour les vainqueurs, une médaille attribuée par un jury où siège Musset, mais le temps lui manquera une fois encore.

  • 56 Dans Le peuple, publié en 1846, Michelet écrit que « l’éducation doit […] se poursuivre dans les f (...)
  • 57 Rapport Reynaud sur la fête de l’enfance, 1848, cité par Paul Carnot, Hippolyte et le ministère, p (...)

35Le prototype de ces cérémonies didactiques réunissant adultes et enfants dans le culte de la République sera une fête de l’enfance (ou des écoles) célébrée tous les ans au mois de mai. Inspirée des célébrations révolutionnaires, de Jules Michelet56 autant que de l’Allemagne et de son Maiertag (Jour de mai), elle récompensera les élèves méritants et incarnera la fraternité. Elle aura donc une double fonction. D’une part, couronner le principe du concours et des bourses d’État, puisque les enfants les plus méritants recevront un brevet d’admission gratuit dans les lycées, les écoles d’art et métiers, les fermes modèles ou les écoles d’apprentissage. D’autre part, selon le rapport Reynaud, elles rassembleront la jeunesse qui y défilera avec les salles d’asiles, les écoles primaires et les lycées. Leurs meilleurs élèves, seront récompensés « non point d’une couronne, symbole d’une vanité que la République condamne, mais d’un rameau de fleur du printemps57 » avant un banquet fraternel. Si le temps avait été donné à Carnot, l’héritage civique de 1789 et les novations fraternelles et sociales de 1848 auraient été ainsi réunis en un même lieu, sous les yeux de la population tous âges confondus. Mais ces projets restent tributaires des réalités politiques, en particulier de ces fameuses élections au suffrage universel masculin prévues pour avril.

Le choc des élections d’avril

  • 58 On citera la tentative avortée du Gouvernement provisoire de dissoudre, le 14 mars, les bataillons (...)

36Les élections posent un redoutable problème au Gouvernement provisoire. Les échos qui remontent des campagnes et des villes de province autant que les luttes politiques parisiennes témoignent d’une division du pays qui n’augure rien de bon. Depuis mars, le fossé entre les bourgeois et le peuple, entre les tendances socialisantes et modérées du pouvoir, entre le Paris révolutionnaire et la campagne conservatrice, n’a cessé de se creuser58.

  • 59 Hippolyte Carnot, Mémorial, dossier 23.
  • 60 Blanqui demande, fin mars, « l’ajournement indéfini des élections et l’envoi dans les départements (...)

37À l’instar de Carnot, les hommes de 1848, peu suspects de socialisme, mais fervents républicains pressentent que le scrutin risque d’être défavorable aux espoirs de Février, autant par idéologie que par manque d’habitude de vote. Et l’immense majorité de la population rurale ne prise guère le régime, ce qui rend les projets éducatifs visant à émanciper les électeurs encore plus urgents. Début mars, le ministre de l’Instruction s’inquiète, « c’est la passion, et non la raison » qui risque de guider une opinion publique « très fractionnée qui obéit aux impressions les plus diverses59 ». Si, à la demande des républicains avancés60 qui comprennent que la partie va mal tourner, le scrutin est repoussé de quelques jours, le temps presse et il importe d’éclairer au plus vite les Français.

  • 61 Hippolyte Carnot, Mémorial, dossier 8 et Hippolyte Carnot et le ministère, 6 mars 1848.

38Carnot a fort bien compris que c’est d’instruction civique dont ont besoin les ruraux : « Donnons des notions claires et précises sur les institutions républicaines dans les campagnes […] pour mettre ainsi les mœurs du peuple en harmonie avec les institutions de la république nouvelle61. »

  • 62 Hippolyte Carnot, Mémorial, dossier 13.

39Mais il est bien tard et les semaines de fin mars du début avril ne sont qu’une suite de manifestations et de contre-manifestations parisiennes. S’y affrontent les modérés, voire les conservateurs aux républicains sociaux ou socialistes, parfois unis pour des raisons diamétralement opposées contre le Gouvernement provisoire. L’Hôtel de Ville est en permanence sous le feu des insurgés, les clubs s’agitent, les esprits s’échauffent, les cris de haine comme « À mort la République » ou « À bas les bourgeois » redoublent. Pour Carnot, toujours soucieux de ne pas diviser son camp à la veille du scrutin, plutôt que de réprimer les meneurs, il importe de répondre positivement aux demandes populaires pour éviter une nouvelle émeute. Il redoute par-dessus tout les « esprits échauffés par les clubs, par les plantations d’arbres de la Liberté trop bruyantes et […] les menaces 62 ». Sa description du Paris au printemps 1848 fait écho à celle, classique et cynique, de Flaubert dans l’Éducation sentimentale :

« Frédéric et Hussonnet visitèrent tous les clubs, ou presque tous, les rouges et les bleus, les furibonds et les tranquilles, les puritains, les débraillés, les mystiques et les pochards, ceux où l’on décrétait la mort des rois, ceux où l’on dénonçait la fraude de l’épicerie, et, partout, les locataires maudissaient les propriétaires, la blouse s’en prenait à l’habit et les riches conspiraient contre les pauvres. »

40Le moindre incident peut mettre le feu aux poudres. Le 16 avril, une manifestation parisienne sans but réel, née de l’agitation des clubs et des rumeurs, jette sur le pavé plusieurs milliers d’ouvriers face aux gardes nationaux des quartiers bourgeois, mobilisés pour défendre l’Hôtel de Ville. Les esprits s’échauffent vite contre les manifestants et les socialistes, tandis que la Garde soutient le gouvernement de la République menacé, dit-on, par les « rouges ». L’affrontement est évité de justesse, mais la journée marque les esprits. Colportée et déformée par les rumeurs les plus alarmistes, elle inquiète dans les campagnes. On y rapporte que le pouvoir légal risque de tomber aux mains des « partageux » comme le prouve le rappel dans la capitale de quelques régiments de troupes.

  • 63 D’ailleurs en partie rédigée par Georges Sand (voir plus loin).

41Le climat est encore alourdi par les maladresses des préfets, ces « commissaires de la République » qui doivent organiser les élections. Parfaits républicains, souvent jeunes et inexpérimentés, ils ont des personnalités contrastées (on y trouve aussi bien Delescluze, futur communard qu’Émile Ollivier, futur ministre de Napoléon III) et prennent des mesures d’urgence, comme l’ouverture « d’Ateliers nationaux locaux », qui sont parfois mal préparées et mal comprises. Ils épurent avec fougue l’administration et s’aliènent les notables ou les religieux. Ainsi à Lyon, Emmanuel Arago, le fils du scientifique, réquisitionne et taxe la richesse, expulse les Jésuites et s’aliène l’essentiel de la bourgeoisie de la ville. Pour couronner le tout, une célèbre circulaire du ministre de l’Intérieur Ledru-Rollin63 du 8 avril invite les commissaires à favoriser l’élection d’authentiques républicains pour éviter une réaction monarchiste dans les campagnes. Mais, malgré cela, la campagne électorale se déroule librement et sans aucune censure.

42Le climat n’en reste pas moins délétère, fait de méfiance, de règlements de comptes et de rumeurs d’exactions dans les villes et à Paris, que « la province allait juger » selon le joli mot de Maurice Agulhon lors des élections du 23 avril. Il s’agit alors d’élire l’Assemblée chargée de préparer la nouvelle constitution et de gérer la crise.

  • 64 L’exemple le plus célèbre est celui d’Alexis de Tocqueville qui conduisit ses paysans voter au che (...)

43Ce jour-là, le peuple élit pour la première fois au suffrage universel 900 députés (des « représentants du peuple », selon la terminologie d’alors) à une Assemblée unique. Peu habitués au vote et peu alphabétisés, les nouveaux électeurs sont parfois conseillés par les notables64 et les curés au chef-lieu de canton avant de glisser leur bulletin dans l’urne. Ils sont d’autant plus aidés qu’ils doivent écrire eux-mêmes les noms des candidats choisis, puisque le scrutin est de liste.

  • 65 Garnier-Pagès raconte dans Histoire de la révolution de 1848 : « Certes, bien des influences s’éta (...)

44Ce premier vote est cependant un immense succès (plus de 83 % de votants), qui prouve l’intérêt des Français pour le débat politique et valide une consultation finalement assez honnête65. Les résultats sont contrastés et significatifs : les républicains les plus à gauche (Raspail, Blanqui, Cabet) sont les grands battus du jour, mais les plus conservateurs comme Thiers le sont tout autant. C’est une voie médiane et modérée, prônée par le National, que prend l’Assemblée constituante : ni révolution sociale, ni retour monarchique, mais l’ordre sage d’une République plus proche de 1789 et 1792 que de 1793 et de la Terreur, et expurgée des rêves socialisants de Février. La ligne du Gouvernement provisoire triomphe puisque tous ses membres sont élus dans la Seine. Lamartine (par ailleurs élu dans dix départements) obtient le plus de suffrages, devançant tous les modérés du gouvernement (Dupont de l’Eure, François Arago, Garnier-Pagès, Marrast ou Crémieux et bien sûr Carnot). Puis viennent les radicaux comme Ledru-Rollin (vingt-quatrième élu), Flocon (vingt-sixième) et, plus loin encore, les socialistes comme Louis Blanc (vingt-neuvième).

  • 66 Il obtint 195 608 voix sur 267 888 votants.
  • 67 Proclamation de Carnot le 10 avril 1848 aux électeurs de Beaune, dans La tribune, journal de Côte (...)

45Pour sa part, le ministre de l’Instruction publique est facilement réélu, neuvième sur trente-quatre66, juste derrière Béranger et loin devant Cavaignac. Pourtant, il a été sollicité dans d’autres circonscriptions, surtout celle de la Côte-d’Or. Et, pour une fois, il a accepté, puisque les candidatures multiples sont permises : « Si le pays qui a été le berceau de ma famille veut bien m’adopter, j’en serai heureux et fier. […] Je le regarderai tout à la fois comme un hommage dans ma personne à la mémoire de mon père et comme un témoignage de confiance dans mon dévouement à la patrie67. » À son grand désarroi, il n’est pas retenu dans la circonscription, à l’inverse de son collègue Ledru-Rollin. Tout cela est vite oublié après sa réélection à Paris qu’il décrit comme « une nouvelle forme d’adhésion politique aux institutions républicaines ».

  • 68 Le 4 mai, date pacifiée et légaliste, modérée et sage devient fête nationale officielle de la Répu (...)

46La victoire des membres du gouvernement l’enthousiasme tant qu’il évoque l’ouverture de l’Assemblée constituante le 4 mai68 avec un lyrisme bien dans l’esprit eschatologique de Février 1848. C’est que la circonstance est historique : pour la première fois, la légitimité républicaine se fonde sur le suffrage universel et libre. Carnot se souvient avec émerveillement du pavoisement des rues de la capitale, de l’acclamation des élus, des fanfares qui les accompagnent au « Palais législatif ». Dans la nouvelle assemblée, si nombreuse qu’elle déborde dans la cour du Palais-Bourbon, les députés sont réunis dans un bâtiment provisoire. Ils reprennent les noms hérités de 1789 : l’extrême gauche est qualifiée de montagnarde, les républicains des jacobins. L’esprit de la « glorieuse Révolution » semble renaître chez des élus qui ne s’appellent que « citoyens », se saluent par l’expression « Salut et fraternité », entonnent des chants révolutionnaires et confirment la devise de la République. On inscrit Liberté, Égalité, Fraternité au fronton des mairies et parfois des écoles, sur les arbres de la Liberté, voire sur quelques églises. Lors de la séance inaugurale de l’Assemblée, Carnot défend ces valeurs, y compris la neutralité confessionnelle : « Les membres du clergé qui conservent la soutane dans cette assemblée laïque ont tort […] d’affecter le caractère clérical en accomplissant une œuvre politique ». Dans l’enthousiasme, il pense que Lamartine ferait un excellent président de la République et la séparation du gouvernement provisoire le remplit d’espoir. L’enthousiasme est tel, que les élus proclament une deuxième fois la République dans le Palais-Bourbon. Puis ils l’annoncent une troisième fois sur les marches de l’Assemblée « à la face du soleil, en face de l’héroïque peuple parisien » selon le député Babaud-Laribière, en criant dix-sept fois « Vive la République ».

  • 69 Hippolyte Carnot, Mémorial, dossier 15.
  • 70 Yannick Marec, « Entre répression et conciliation sociale : les réactions aux émeutes rouennaises (...)
  • 71 Il s’agit dans l’ordre d’Arago, Garnier-Pagès, Marie, Lamartine, Ledru-Rollin.

47Ainsi, les fondements du régime sont à présent l’Assemblée modérée, élue au suffrage universel plutôt que les barricades trop radicales, ce qui n’altère en rien l’optimisme de Carnot : « l’Assemblée constituante est l’objet de toutes les espérances et les confiances69 ». Mais cette espérance se heurte vite aux réalités. Avant même la fin du mois, des émeutes éclatent dans quelques villes de province telles Limoges ou Rouen. Dans la ville normande, où l’industrie drapière est en plein essor, la suppression des Ateliers nationaux locaux entraîne affrontements et barricades, vite réprimés dans le sang70. À Paris, une « Commission exécutive », sorte de présidence tournante qui rappelle l’an III, est instituée en attendant la proclamation de la constitution. La commission, composée de modérés71 confortés par les élections d’avril, s’empresse d’exclure les représentants les plus avancés du premier cercle du pouvoir. À leur place apparaissent des hommes d’ordre comme le général Cavaignac, ancien d’Algérie nommé ministre de la Guerre. Ce sont tous des républicains sincères, souvent catholiques intransigeants, mais aussi farouches opposants au socialisme effrayés par les ouvriers dont ils souhaitent écarter les représentants du pouvoir.

  • 72 On pourrait lui ajouter Flocon ministre de l’Agriculture, ce qui est paradoxal quand on sait les r (...)

48Finalement, il ne reste guère que Carnot72 pour représenter les tendances progressistes du gouvernement et incarner, à sa manière certes modérée, l’esprit généreux et social à défaut d’être socialiste, de Février. Les élections d’avril ont incontestablement porté un rude coup aux hommes les plus avancés, aux révolutionnaires et autres blanquistes. L’heure n’est plus aux espoirs sociaux et ouvriéristes des premiers jours de la Révolution, mais bien à la prudente modération, à l’ordre sage face à une « gauche » qui se radicalise et effraie. À l’orée de mai, les Ateliers nationaux, si emblématiques de Février, semblent alors menacés.

49C’est dans ce contexte, entre exaltation personnelle, confiance en sa « mission éducative », déceptions ouvrières, peur paysanne et tensions politiques et économiques que Carnot va tenter de concrétiser ses rêves éducatifs avant de les présenter au Parlement.

Notes

1 Hippolyte Carnot évoque ainsi la manifestation du 1er mars 1848 en faveur de l’éducation populaire sous la direction des épouses de Lamartine et Jules Mallet. Les banderoles portent des slogans comme : « Éducation pour tous les enfants du peuple, Crèches, salles d’asiles, écoles d’apprentissage, principe sacré de la famille ».

2 Hippolyte Carnot, Mémorial, dossier 7.

3 Hippolyte Carnot, Mémorial, dossier 10.

4 Hippolyte Carnot, D’une école d’administration, Versailles, Aubert, 1878, p. 18.

5 Jules Simon, débats sur la suppression de l’école, janvier 1849, cité par Hippolyte Carnot, Idem, p. 23.

6 Hippolyte Carnot, D’une école d’administration, op. cit., p. 12 et 18.

7 Hippolyte Carnot, idem, p. 10.

8 Ce qui est différent de la neutralité politique. Les nouveaux administrateurs pourront avoir leurs préférences politiques ou partisanes, à condition de respecter certaines valeurs philosophiques et certains principes républicains et de s’insérer dans le cadre républicain.

9 Hippolyte Carnot dans Paul Carnot, Hippolyte Carnot et le ministère, p. 55-60.

10 Hippolyte Carnot, Mémorial, dossiers 7-10.

11 Carnot en supprime les cinq chaires traditionnelles, trop monarchiques voire d’esprit ultra.

12 Le gouvernement n’alloua qu’une modeste somme de 5 000 francs, soit moins de dix pour cent de la somme que le ministère jugeait nécessaire à la constitution décente de l’Institut.

13 Hippolyte Carnot, Mémorial, dossiers 7-10.

14 Hippolyte Carnot, cité dans Jean-Noël Jeanneney, « L’ENA de 1848 », dans le Monde, série « Concordance des temps », 27 août 1987.

15 Un rapport officiel de l’Assemblée nationale en 1848 en fait un bilan très positif.

16 Voir V. Wright, « L’école nationale d’administration de 1848 à 1849 », Revue historique, janvier-mars 1976, Paris, p. 21-42. La presse se demande quel est l’intérêt d’étudier la civilisation chinoise, la peinture ou la zoologie pour de futurs administrateurs.

17 Hippolyte Carnot, D’une école d’administration, op. cit., p. 23

18 Carnot y est même battu. Nous y reviendrons dans le chapitre suivant.

19 On leur concède tout juste la confirmation de leur exemption du service militaire.

20 Hippolyte Carnot, Agenda, 1850, 11 juillet, AFP/HC/IV/carton E.

21 En 1872, Boutiny créé le Collège libre de sciences politiques, future « Sciences-Po Paris » qui remplissait en partie les mêmes fonctions que l’école de Carnot. Mais outre qu’elle était privée, et donc réservée à l’élite, elle n’était qu’une annexe de la faculté de Droit et n’ouvrait pas explicitement aux grands corps de l’État.

22 Hippolyte Carnot, Agenda, 1850, 18 juillet.

23 Hippolyte Carnot, Rapport à l’Assemblée nationale, no 8, 6 mai 1878. p. 7.

24 Hippolyte Carnot dans Paul Carnot, Hippolyte Carnot et le ministère, p. 52.

25 Sur 300 000 conscrits en 1848, plus de 112 000 ne savent ni lire, ni écrire. Si l’on prend les plus âgés, la proportion est encore supérieure à ce tiers qui a bénéficié de la loi Guizot. Mémorial de 1848, dossier 17.

26 Hippolyte Carnot, Mémorial, dossier 14.

27 Hippolyte Carnot, Mémorial, dossier 10. C’est une préfiguration du Tour de la France par deux enfants de Mlle Fouillé (G. Bruno), bréviaire d’histoire et géographie patriotique qui fit le succès de l’école de la IIIe République. Voir « Le tour de la France par deux enfants », Jacques et Mona Ozouf dans les Lieux de mémoire, op. cit., t. I, p. 291-322.

28 Hippolyte Carnot, Mémorial, dossier 17.

29 Hippolyte Carnot, notes préparatoires à la loi de 1848, AFP/HC/IV/carton B, d5.

30 Hippolyte Carnot, Mémorial, dossier 21.

31 Jules Simon à Carnot, 8 juillet 1848, AFP, HC/IV/carton B, d6. Deux personnes allant de village en village liraient le journal aux paysans ou apporteraient des ouvrages en échange du gîte et du couvert.

32 Carnot évoque Corneille, Molière, Michelet, Martin, la Fontaine, Racine, Boileau, Voltaire ou Rousseau.

33 Carnot parle « d’accoutumer les ouvriers à entendre un meilleur langage que celui qu’ils allaient écouter dans certains clubs », Hippolyte Carnot et le ministère, p. 52.

34 Voir Jean-Yves Mollier, Le camelot et la rue. Politique et démocratie au tournant des xixe et xxe siècles, Paris, Fayard, 2004.

35 Pour toutes les citations sur les bibliothèques, Hippolyte Carnot, Mémorial, dossier 10.

36 Cité par Paul Carnot, Hippolyte Carnot et le ministère, p. 53.

37 Hippolyte, Carnot, Mémorial, dossier 6.

38 Cité par Paul Carnot, Hippolyte Carnot et le ministère, p. 54.

39 Hippolyte Carnot, Mémorial, dossier 13.

40 Ce ne sont pas les Cours complémentaires de deux ans après le Cours moyen de la IIIe République qui servent à préparer le « Primaire supérieur » ou font fonction de Primaire supérieur dans les petites communes.

41 Cette expression popularisée dans les Lieux de mémoire de Pierre Nora désigne le récit patriotique, centralisateur construit par les historiens du xixe siècle (Michelet et surtout Lavisse) tout à la gloire de la construction de la nation. Le récit national met en avant la grandeur du pays, ses hauts faits et des personnages emblématiques et glorieux. Il édulcore les pages délicates de l’histoire nationale, naturalise (et républicanise) le patriotisme et a une fonction mobilisatrice évidente.

42 Voir Christian Amalvi, Les héros de l’Histoire de France. Comment les personnages illustres de la France sont devenus familiers aux Français, Privas, 2001.

43 Hippolyte Carnot, Mémorial, dossier 14.

44 Hippolyte Carnot, « Notes sur l’histoire », 1848, AFP/HC/IV/carton A et B, AN 108 AP 2.

45 Hippolyte Carnot, Mémorial, dossiers 19-20.

46 Voir les ouvrages de Maurice Agulhon en bibliographie et Paul Poirrier « Le concours de la République, 1848 » dans Art et Pouvoir de 1848 à nos jours, Paris, La documentation pédagogique, CNDP, 2006, p. 8-12.

47 Hippolyte Carnot, Mémorial, dossier 19.

48 Hippolyte Carnot dans Paul Carnot, Hippolyte Carnot et le ministère, p. 68.

49 Hippolyte Carnot dans Paul Carnot, Hippolyte Carnot et le ministère, p. 69.

50 Hippolyte Carnot, Circulaire aux recteurs mars 1848 dans Paul Carnot, Idem, p. 22-29.

51 Hippolyte Carnot, Mémorial, dossiers 12 et 14.

52 Voir à ce sujet Mona Ozouf, La fête révolutionnaire, Paris, Gallimard, 1974 et Rémi Dalisson, Célébrer la Nation. Les fêtes nationales en France de 1789 à nos jours, Paris, Nouveau Monde, 2009.

53 Voir Rémi Dalisson, Les trois couleurs, Marianne et l’Empereur, Pairs, Boutique de l’histoire, 2004 et Garnier-Pagès, Histoire de la révolution de 1848, Paris, Pagnerre, 1866, Tome IV. Il explique que « les plantations d’arbres de la Liberté s’étaient multipliées à l’infini ». p. 188.

54 Hippolyte Carnot, Mémorial, dossier 13.

55 Voir Maurice Agulhon, « Fêtes spontanées et fêtes organisées à Paris en 1848 », dans Jean Ehrard et Paul Viallanex (dir.) Les Fêtes de la Révolution. Colloque de Clermont-Ferrand, Paris, Clarveuil, juin 1977.

56 Dans Le peuple, publié en 1846, Michelet écrit que « l’éducation doit […] se poursuivre dans les fêtes de tout genre ». Dans Nos fils, en 1866, il consacre tout un chapitre à « l’éducation par la fête ».

57 Rapport Reynaud sur la fête de l’enfance, 1848, cité par Paul Carnot, Hippolyte et le ministère, p. 56.

58 On citera la tentative avortée du Gouvernement provisoire de dissoudre, le 14 mars, les bataillons les plus bourgeois de la Garde nationale, les « Compagnies d’élite » les mieux armées et les plus conservatrices. Leur manifestation (dite des « bonnets à poil ») fait reculer le gouvernement dès le 16 mars.

59 Hippolyte Carnot, Mémorial, dossier 23.

60 Blanqui demande, fin mars, « l’ajournement indéfini des élections et l’envoi dans les départements de citoyens chargés d’y apporter la lumière ». Cité dans Michel Offerlé, Un homme, une voix ? op. cit., p. 22.

61 Hippolyte Carnot, Mémorial, dossier 8 et Hippolyte Carnot et le ministère, 6 mars 1848.

62 Hippolyte Carnot, Mémorial, dossier 13.

63 D’ailleurs en partie rédigée par Georges Sand (voir plus loin).

64 L’exemple le plus célèbre est celui d’Alexis de Tocqueville qui conduisit ses paysans voter au chef-lieu de canton. « Tous les hommes se mirent à la file deux par deux, suivant l’ordre alphabétique ; je voulus marcher au rang que m’assignait mon nom car je savais que dans les temps démocratiques il faut se faire mettre à la tête du peuple ». Voir Alain Garrigou, Histoire sociale du suffrage universel, Paris, Point-Seuil, 2002, p. 81.

65 Garnier-Pagès raconte dans Histoire de la révolution de 1848 : « Certes, bien des influences s’étaient exercées, combattues : influences de fortune, de position, d’amitiés, de talent, de religion, d’opinions. […] Mais la liberté présidait à ce mouvement général, […] pas une contrainte, pas une pression, le peuple vivait sa vie ». Dans Michel Offerlé, Une homme, une voix ? op. cit., p. 57.

66 Il obtint 195 608 voix sur 267 888 votants.

67 Proclamation de Carnot le 10 avril 1848 aux électeurs de Beaune, dans La tribune, journal de Côte d’or et Saône et Loire, 20 avril 1848, AFP, HC/IV/carton B, d 6.

68 Le 4 mai, date pacifiée et légaliste, modérée et sage devient fête nationale officielle de la République et non pas le 23 février, anniversaire d’une insurrection sociale et peu contrôlée bref, pour tout dire bien trop subversive. Voir Rémi Dalisson, Les trois couleurs, Marianne, op. cit., p. 153 et suivantes.

69 Hippolyte Carnot, Mémorial, dossier 15.

70 Yannick Marec, « Entre répression et conciliation sociale : les réactions aux émeutes rouennaises d’avril 1848 », dans Jean-Luc Mayaud (dir.), 1848, Colloque international du cent cinquantenaire de la Révolution de 1848, Éditions Créaphis, Paris, p. 331-357.

71 Il s’agit dans l’ordre d’Arago, Garnier-Pagès, Marie, Lamartine, Ledru-Rollin.

72 On pourrait lui ajouter Flocon ministre de l’Agriculture, ce qui est paradoxal quand on sait les rapports difficiles les deux hommes.

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont sous Licence OpenEdition Books, sauf mention contraire.

Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search