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La formation de l’Irak contemporain

 | 
Pierre-Jean Luizard

Livre VII. Les ulémas chiites et l'édification d'un état arabe local sous mandat

Introduction à la septième partie

Texto completo

1L’installation d’un régime de mandat allait inaugurer une nouvelle phase de l’histoire de l’Irak. Le retour à Baghdâd, le 11 octobre 1920, de l’ancien résident permanent, sir Percy Cox, allait marquer le début du processus de fondation des institutions de « l’État local » sous mandat, qui est à l’origine de l’État moderne irakien. Celui qui avait assumé la fonction d’officier politique général des forces britanniques depuis le début de l’occupation de la Mésopotamie en 1914, et qui était devenu gouverneur civil général au moment de l’occupation de Baghdâd en 1917, jusqu’à son remplacement par son bras droit, sir Arnold Wilson, se voyait à présent chargé de la mise en application du mandat. Ce fut à travers l’établissement d’une administration locale « à la façade arabe » en remplacement de l’administration militaire directe des Britanniques.

  • 1 A propos du congrès du Caire, voir :
    — Gertrude Bell : « The Letters of Gertrude Bell » - 2 volumes (...)
  • 2 Rajâ’ Ḥasanî al-Kḥattâb : « Ta’sîs al-jaysh al-’irâqî wa taṭawwur dawrih as-siyâsî min 1921 ḥattâ (...)

2Le premier pas concret sur la voie de la création d’un « État local » fut donc la formation en 1920 d’un gouvernement national provisoire, dont le résident confia la direction à Ἀbd ar-Raḥmân al-Gaylânî, important notable sunnite et chef des « ashrâf » de Baghdâd. Un premier gouvernement irakien fut proclamé le 25 octobre 1920, mais celui-ci n’exista de façon effective que le 11 novembre, après que le résident eût exposé une orientation et des directives pour son action. Sir Percy Cox fit entrer au sein du conseil consultatif des personnalités appartenant aux plus grandes familles sunnites du pays. Il fallait un chef à ce gouvernement, qui symbolisât en même temps la tête de l’État. Le gouvernement britannique choisit, parmi de nombreux candidats, l’émir Fayṣal, l’un des fils du chérif Ḥusayn afin qu’il soit roi d’Irak. Fayṣal reçut officiellement la couronne du « royaume d’Irak » le 23 août 1921, après avoir été désigné de façon définitive au congrès du Caire présidé par sir Winston Churchill, le 12 mars 19211. Quant à la fondation de l’armée irakienne, le gouvernement provisoire prit la décision de sa constitution, le 6 janvier 1921, mais c’est également lors du congrès du Caire qu’elle fut officiellement instituée2. L’administration mandataire devait ensuite œuvrer à la formation d’une Assemblée irakienne, à laquelle elle assigna la tâche de voter la loi fondamentale, c’est-à-dire la Constitution, et la loi de la Chambre des députés, puis de signer le traité anglo-irakien. L’Assemblée tint sa première session le 27 mars 1924, adopta les deux lois, et approuva le traité, le protocole, et les quatre accords annexes, lors des sessions suivantes. Selon les termes des quatre accords, l’action des fonctionnaires britanniques au sein de l’appareil d’État irakien devenait institutionnelle, ainsi que la présence militaire britannique et l’extraterritorialité judiciaire et financière dont jouissaient les Britanniques présents sur le territoire irakien. De plus, ils donnaient au haut-commissaire britannique le droit de veto dans tous les domaines de la vie politique du pays. Le 2 août 1924, la dissolution de l’Assemblée fut décidée, alors qu’elle venait de ratifier la loi électorale, la dernière pièce manquant à l’édifice constitutionnel dont la raison d’être était de légitimer le mandat. Le gouvernement irakien, pour sa part, avait approuvé le traité qui reprenait les dispositions du mandat tout en entretenant l’illusion d’un contrat librement consenti entre deux pays souverains. Sur l’ordre de Fayṣal, le chef du gouvernement signa ce traité le 10 octobre 1922, le protocole le 20 avril 1923, et les quatre accords annexes le 25 mars 1924.

3Une fois que l’administration mandataire eut achevé de constituer la plupart des institutions de l’État local, le gouvernement britannique présenta à la Société des Nations les pièces nécessaires à la continuation de son mandat sur l’Irak, que la S.D.N. approuva le 27 septembre 1924. Quant à l’élection de la Chambre des députés, elle se fit entre novembre 1924 et mai 1925, ce qui permit à l’assemblée de tenir sa première session le 16 juillet 1925.

4Les cinq premières années du mandat coincidaient ainsi à la période de fondation des institutions de l’État local, par le biais duquel le mandat et la domination britannique pouvaient revendiquer une apparente légitimité. Le processus de formation de l’État allait bénéficier des transformations sociales qui favorisèrent l’émergence de forces dont les intérêts et les orientations politiques propres s’harmonisaient avec ceux du mandat et de l’État.

5En revanche, le mandat et son projet étatique se heurtèrent à l’hostilité farouche de larges secteurs de la population. Cette opposition se composait de plusieurs tendances. Toutefois, celle des « mujtahid-s » représentait le courant le plus puissant, et c’est à ce titre qu’elle prit la tête de l’ensemble de l’opposition.

Notas

1 A propos du congrès du Caire, voir :
— Gertrude Bell : « The Letters of Gertrude Bell » - 2 volumes - Londres - 1947 -page 431.
— Philip Ireland : « Ἰraq, A Study in Political Development » - Russell & Russell New-York - 1970 - pages 311-318.

2 Rajâ’ Ḥasanî al-Kḥattâb : « Ta’sîs al-jaysh al-’irâqî wa taṭawwur dawrih as-siyâsî min 1921 ḥattâ 1941 » (la Fondation de l’armée irakienne et l’évolution de son rôle de 1921 à 1941) - Thèse de doctorat présentée à l’Université de Baghdâd - publiée à Baghdâd - 1976.

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