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L'impossible Présidence impériale

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François Vergniolle de Chantal

Troisième partie. La permanence du syndrome wilsonien

Le principe sénatorial de réalité

Volltext

  • 1 Robert A. Dahl, « The Myth of the Presidential Mandate », Political Science Quarterly, vol. 105, a (...)
  • 2 Ainsi, à propos des midterms de 2010, on peut lire James W. Ceaser, « The Great Repudiation », 22 (...)

1Aux États-Unis, il ne suffit pas d’être élu pour gouverner. Toutes les institutions dépendantes du suffrage – les deux chambres du Congrès et la Présidence – en font l’expérience quotidienne. Même si la revendication d’un « mandat » populaire est systématique après chaque échéance électorale, elle ne correspond pas à la réalité des institutions américaines. Sa fréquence est inversement proportionnelle à sa réalité pratique1. Si une victoire à la présidentielle donnait un mandat populaire au nouvel élu, comme le dirent G.W. Bush en 2004 ou Obama en 2008, cela signifierait-il qu’une défaite aux midterms suivants, ce qui est le plus souvent le cas, doive entraîner sa démission ? Personne aux États-Unis ne poserait une telle question. Les défaites aux midterms peuvent être qualifiées de « répudiations » de l’action présidentielle, ce qui fut le cas pour Obama en 20102, mais le président, protégé par la séparation des pouvoirs, n’est pas mis en cause dans sa légitimité au point d’être forcé au départ.

2La vacuité relative de la notion de « mandat » dans le cadre des institutions américaines résulte de la configuration constitutionnelle. À l’inverse de régimes parlementaires où le Législatif est souverain, aucune institution n’y détient la pleine souveraineté. La Constitution, adaptée en son temps par le seul souverain reconnu aux États-Unis, le peuple (le « We The People » du préambule), répartit l’exercice des pouvoirs entre les trois institutions que sont la Présidence, le Congrès et la Cour suprême. Publius soulignait d’ailleurs la nature déléguée ou dérivée des pouvoirs attribués aux institutions – l’américain utilise les termes prosaïques de « branch » (de nos jours) ou de « department » (à la fin du xviiie) pour désigner les pouvoirs. Toutes les institutions sont là pour exprimer la volonté du peuple – comme le disait à nouveau Publius dans le numéro 65 du Fédéraliste, le système est « entièrement fondé sur l’élection » (wholly elective) – mais, selon la Constitution, aucun pouvoir ne représente l’ensemble de la population au sens où il serait un concentré ou un microcosme de l’ensemble de la nation. Certes, tous les élus se réclament, précisément, du peuple et se targuent d’en incarner la volonté : de Jackson à Obama en passant par Theodore et Franklin Roosevelt, le constat est le même. Les Leaders de majorités importantes au Congrès – de Newt Gingrich à John Bœhner, sans oublier Nancy Pelosi – firent de même. Mais cette rhétorique politique est en porte-à-faux par rapport à la configuration constitutionnelle du pays. En droit, seule la Constitution est l’expression directe du peuple. Tous les autres pouvoirs dérivent du cadre constitutionnel et le seul objet des élections est de légitimer l’occupant d’un poste défini au préalable par la loi fondamentale. Aux États-Unis, en l’absence de tout souverain autre que le peuple, les élus, y compris le président, ne représentent que leurs électeurs lors de la dernière campagne et n’exercent qu’un pouvoir partiel, toujours le même, celui que la Constitution leur attribue. Aucune institution ne bénéficie du plein exercice de la souveraineté car, en bonne logique, aucune institution ne peut être à la fois souveraine et limitée dans ses compétences.

3Le sénat contemporain, aussi bien dans son rôle délibératif que dans ses missions exécutives, est justement un constant rappel des limites de la gouvernance américaine. Les « mandats populaires » réclamés par la majorité de la chambre basse ou par le président se heurtent au mur sénatorial. La chambre haute fait peser sur tous ses partenaires institutionnels une obligation d’anticipation qui s’assimile à un contrôle a priori. C’est pourquoi le Sénat inscrit son action dans la perspective tracée par les fondateurs. Régulièrement bloqué, source de dysfonctionnements permanents, le Sénat actuel réussit aussi à assurer une forme de contrôle de l’Exécutif en faisant barrage à ses propositions. Élus d’un État et pourvus d’un veto procédural, les sénateurs se considèrent en fait comme des présidents en puissance. C’est qu’il existe un « paradoxe sénatorial » : si le Sénat contemporain semble remplir les missions que lui ont confiées les Pères Fondateurs, c’est parce qu’il a évolué différemment de ce qu’ils attendaient. Le paradoxe veut que les missions sénatoriales voulues par les fondateurs soient remplies précisément parce que le Sénat actuel, polarisé et procédurier, n’est pas ce qui était prévu en 1787.

Anmerkungen

1 Robert A. Dahl, « The Myth of the Presidential Mandate », Political Science Quarterly, vol. 105, automne 1990, p. 355-372.

2 Ainsi, à propos des midterms de 2010, on peut lire James W. Ceaser, « The Great Repudiation », 22 novembre 2010, Claremont Institute. Le texte est disponible en ligne : http://www.claremont.org/publications/crb/id.1759/article_detail.asp. De Grover Cleveland en 1894 à Bill Clinton un siècle plus tard, tous les présidents se sont accommodés des défaites de leur parti aux élections de mi-mandat, même les plus sévères.

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