1. L'eau, une ressource multiforme
p. 249
Texte intégral
1La thématique de l’eau est tout autant un enjeu de société qu’une question environnementale ou économique ; et cet enjeu varie dans le temps et dans l’espace, comme le montrent les deux premiers articles de ce chapitre. Cette problématique a, par ailleurs, pris une ampleur de plus en plus importante au fur et à mesure de l’urbanisation des populations (cf. VI.4).
2La dimension technique associée à cette ressource a longtemps prévalue sur les autres dimensions : les réponses aux questions de répartition de la ressource, d’assainissement *, d’accès à l’eau en tant que ressource pour les activités économiques, qu’elles soient agricoles ou industrielles, ou plus largement humaines, ont principalement été apportées sous une forme technique. Le constant développement des technologies mobilisées dans le domaine de l’eau est illustré par nombre d’articles de ce livre ; il a permis de faciliter les usages de l’eau, de réduire les conflits autour de cette ressource, notamment dans les zones faiblement dotées via le transfert des ressources d’un espace à l’autre, ou, plus récemment, par la transformation de la ressource hydrique jusque-là impropre aux usages humains (comme la désalinisation, cf. V.14). Notons néanmoins que la priorité donnée à cette entrée technique relève d’un choix politique plus ou moins explicité.
3Si cette dimension technique reste très prégnante, la dimension économique est cependant un facteur important, qui a été constamment associé à la ressource. L’eau est un bien économique spécifique, qui pose aux économistes un défi analytique (cf. VI.14). Cette dimension renvoie aux coûts de l’accès à la ressource, à leurs mesures, aux différents agents qui en supportent la charge, aux régulations qui y sont associées, en termes de droits, de prix ou d’arrangements entre acteurs. Il est à noter qu’à cet égard, dans les pays développés, l’orientation politique donnée à la gestion de l’eau évolue : au départ centrée sur une augmentation de l’offre de la ressource, la politique comme les discours visent de plus en plus à réguler la demande. Toutes ces questions sont abordées dans ce chapitre, qui montre ainsi en quoi l’eau est une ressource économique convoitée, dont la gestion fait appel à des instruments spécifiques, construits et mis en œuvre au fil du temps.

Le barrage romain de Cornalvo, en Espagne, construit en 130 ap. J. C. et toujours en usage. © C. Morlock
4La dimension politique de cette thématique a longtemps été masquée par ces dimensions techniques et économiques. Pourtant, l’eau est au centre des relations de pouvoir à une échelle géopolitique, comme à une échelle plus locale. Cette approche politique conduit à ouvrir le spectre des dimensions à prendre en compte : l’eau n’est pas seulement une ressource économique utilisable, mais aussi une ressource paysagère et une ressource pour la biodiversité, ce qui engendre également des confrontations entre les usages des biens et les services rendus par l’eau.
5Enfin, les articles de ce chapitre abordent aussi la question de la variabilité de la ressource comme source de vulnérabilité des sociétés humaines, tant par rapport aux crues que par rapport aux sécheresses. Cette vulnérabilité est susceptible dans le futur d’être exacerbée par les modifications climatiques qui conduisent à (re)mettre au premier plan des enjeux sociaux jusque-là considérés comme régulés.
Auteur
Aménagement et urbanisme, Professeure à l’Université Paris Est Créteil, Directrice de l’Institut d'Urbanisme de Paris, LAB'URBA, Marne-la-Vallée, p. 249.
corinne.larrue@univ-paris-est.fr
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