222 — ARIARATHE IX EUSÈBE PHILOPATOR

Intaille plate des deux côtés.
Sardoine brune à voile grisâtre à la surface, dans une monture émaillée du xviii^e siècle.
Provenance : Cabinet du Roi ; attestée dans la collection en 1750.
Dimensions : h. 27 ; 1. 22 mm.

1Ariarathe IX Eusèbe, Philopator, roi de Cappadoce, orné du diadème aux bandelettes flottant le long du cou, est vu de profil à gauche (sur le moulage à droite).

2C’est presque avec certitude que nous pouvons attribuer ce portrait glyptique de dimensions importantes à Ariarathe, ce fils de Mithridate le Grand qui partagea la vie mouvementée de son père. Non seulement empreint par la personnalité de celui-ci au point d’imiter l’ordonnance de sa chevelure rappelant la crinière léonine de même que la grosse mèche retombant sur le front qui ressemble à l’anastolé d’Alexandre, il manifeste aussi le « pathos » de son existence personnelle, visible aussi sur les monnaies.

3Pour procéder à une telle identification, des notes biographiques pourraient livrer quelques éclaircissements.

4Vers 99 av. J.-C, Mithridate pénètre avec une armée en Cappadoce et y installe son fils sur le trône. Celui-ci, chassé par les Cappadociens et réinstallé par son père, prit le nom d’Ariarathe IX. Mais il dut encore disputer le règne sur la Cappadoce à Ariobarzane, membre de la noblesse cappadocienne soutenu par les Romains. Dans la campagne de 88 que Mithridate entreprit contre Rome, Ariarathe revêtit le commandement de l’armée qui traversa la Thrace. Il mourut en 86 en Thessalie, vaincu par Sylla.

5C’est des dernières années de sa vie que doivent dater les tétradrachmes qui montrent une tête aux contours semblables, un profil très pointu en avant, se retirant en haut et en bas malgré le menton saillant, mais d’un modelé plus accusé. Par contre les drachmes appartenant à une date antérieure révèlent les mêmes traits de caractère : le sourcil renforcé à la naissance du nez, la disposition des cheveux en un double alignement de mèches au-dessus du diadème, les narines et les lèvres soulignées, les mèches flottant dans la nuque¹.

6Si notre graveur a créé un type de portrait indépendant de celui de l’art monétaire, rendons-nous cependant compte des variantes que présentent les émissions monétaires elles-mêmes, telle encore celle à laquelle appartient l’exemplaire de l’Hunterian Collection à Glasgow².

7De toute façon, aussi bien l’intaille que la monnaie expriment des moments vécus au hasard, près de l’extraordinaire et de l’ordinaire caractérisant la vie de ce jeune prince au trône toujours chancelant.

8Quant au style de la gravure faite de lignes grossies tracées au moyen de la bouterolle maniée par à-coups rythmés, nous le distinguons sur des portraits séleucides tardifs d’Antiochos VIII Grypos et surtout de Philippe Philadelphe³ qui régna de 92 à 83 av. J.-C, mais aussi dans l’iconographie ptolémaïque⁴, par exemple les émissions de Ptolémée, frère de Ptolémée XII, roi de Chypre de 81 à 58 av. J.-C.⁵. On l’observe également sur un certain type de monnaies d’Ariarathe IX lui-même⁶ et sur l’exemplaire présenté ici (fig. 222 a). Sur quelques monnaies du Cabinet des médailles on remarque aussi les deux rangées de boucles parallèles se composant en partie de trois lignes, les cheveux serpentant au-dessus de la nuque.

9À la fois pathétique et grandiloquente mais d’une gravure plutôt fruste et grossière, cette intaille se situe donc au début du i^er siècle, mais plutôt vers la fin de la vie d’Ariarathe que des années de son premier règne lors de l’invasion de Mithridate en Cappadoce en 99 av. J.-C.⁷.

10Probablement vers 90-86 av. J.-C.

Bibliographie

Chabouillet n^o 2048 (Alexandre le Grand); Mariette, II n^o 84 (Mithridate); G.M.A. Richter, EGG n^o 600 (probably Alexander).

223 — ARIARATHE IX EUSÈBE PHILOPATOR (?)

Intaille plate montée en bague en feuille d’or.
Cornaline à surface usée dans les parties gravées hautement polies. Bague plate à l’intérieur, arrondie à l’extérieur, portant un chaton épaissi mais effrité du côté où l’intaille est enfoncée.
Provenance : Ancienne collection Péretié, chancelier à Beyrouth, puis De Clerq. Don H. de Boisgelin.
Dimensions : h. 13 ; 1. 10 (intaille) ; h. 18 ; 1. 18 (ext. de la bague) ; h. 13 ; 1. 15 (int. de la bague).

11Dessin fugitif et véhément d’un roi juvénile, aux cheveux serrés par un diadème. Il est vu de profil, le buste de trois-quarts de face.

12S’il est facile de situer ce portrait dans le cadre d’une des dynasties de l’Asie Mineure déchirées par des luttes internes et externes pendant la première moitié du i^er siècle av. J.-C, il est d’autant plus difficile d’identifier le personnage. Mais là aussi l’alternative s’impose entre l’un des fils de Mithridate ou l’un des cinq fils d’Antiochos VIII Grypos, roi de Syrie. Parmi ceux-ci c’est Démétrios III Philopator, qui régna entre 95 et 88 à Damas, qui offre une certaine similitude. On peut comparer l’œil saillant en pointe, la petite bouche, la chevelure entassée au-dessus du front. Mais le langage stylistique est moins grandiloquent que celui de notre ébauche sur cornaline, qui de ce point de vue se situe mieux à la cour de Mithridate. Quant au nez court séparé du front bombé par un angle prononcé, un rapprochement peut s’effectuer avec des effigies de Pharnace⁸. Mais la partie inférieure du visage en retrait sur la monnaie diffère du gros menton arrondi du nôtre. Ainsi la comparaison avec son frère aîné Ariarathe IX, roi de Cappadoce, joue encore mieux. Surtout la petite bouche à lèvres distantes doit être conforme à l’iconographie de ce prince à la grosse joue galbée⁹. Ariarathe avait à peine 22 ans quand il commanda l’armée de Mithridate contre Sylla et lorsqu’il trouva la mort en Thessalie en 86 av. J.-C.

13Les lignes chaotiques, hachurées rapidement, ne sont pas seulement caractéristiques des portraits de Pharnace ou mieux du fils d’Antiochos VIII Grypos, roi de Syrie, mais définissent le style hectique, le manque de direction, l’incohérence des lignes symbolisant les dynasties hellénistiques sombrant.

14Début du i^er siècle, probablement autour de 90-86 av. J.-C.

Bibliographie

De Ridder, Collection De Clercq n^o 2863.

224 — ROI DE CHARACÈNE

Intaille plate à la surface et convexe à la base. Grenat foncé. Cassure en bas, au bord.
Provenance : acquise le 3 février 1919 chez M. Feuardent, à Paris ; inv. N 4828.
Dimensions : h. 24 ; 1. 17 ; ép. 4 mm.

15Effigie d’un des rois de Characène. Sa tête, ornée du diadème, est vue de profil à gauche (sur le moulage à droite), son buste revêtu de la chlamyde fixée sur l’épaule par une fibule, de trois-quarts de face.

16C’est un des rares portraits glyptiques connus de ce royaume situé vers le Golfe Persique, dans le delta du Tigre et de l’Euphrate et qui, au i^e siècle av. J.-C, put se libérer du joug de l’Empire séleucide¹⁰. Relevons que les effigies monétaires d’Attambalos I^er offrent de pareils traits, le nez pointu, l’œil reculé sous une arcade sourcilière assez aplatie mais vigoureuse, dans un visage à peine dégagé de la chevelure abondante retombant en boucles à l’anglaise parallèles, plus courtes sur le front et pendant du diadème serré dont les bandelettes retombent en arrière. Semblables sont aussi la barbe frisée à pointe avancée, la moustache descendant de la lèvre supérieure¹¹.

17Cette proposition d’identification ne donne cependant pas entière satisfaction, bien que l’ordonnance de la chevelure corresponde à celle de l’intaille, qui n’est pas d’une gravure très raffinée. Par contre une parenté encore plus prononcée s’avère avec une monnaie représentant Tiraios II¹².

18La tête y développe la même structure oblongue, bâtie sur un cou d’une minceur égale¹³. On y compte le même nombre de neuf bouclettes retombant dans la nuque et sur le front, s’arrêtant sur l’arcade sourcilière fortement incisée et s’abaissant de la naissance du nez vers la tempe, parallèlement à la paupière incisée d’un égal appui. Avance de la même façon le grand nez à pointe accentuée, sur l’intaille, par la bouterolle, la bouche proéminente, fermée sur la monnaie. La barbe avancée et frisée est d’une silhouette presque identique, indiquée sur la monnaie en lignes zigzagantes ; sur l’intaille son volume est couvert de petits traits incohérents. Par contre les lignes zigzagantes réapparaissent sur l’intaille au sommet de la tête où elles indiquent la direction des cheveux ramenés vers le diadème.

19La concordance entre ces deux portraits étant convaincante pour admettre l’identité de la personne représentée, on peut cependant relever le travail plus soigné du coin monétaire et l’interprétation plus fugitive, expressive et sommaire de la gravure du grenat.

20Comme la monnaie, la gravure en pierre daterait, sans doute, du règne de Tiraios II, s’étendant entre les années 79/8 et 49 av. J.-C.¹⁴ et probablement de l’année même pendant laquelle cette monnaie a été frappée, donc vers 64 av. J.-C.

21De toute façon on acceptera plus facilement une effigie du jeune roi, donc plutôt du début que de la seconde moitié de son règne.

22Probablement vers 70 av. J.-C.

225 — ARCHÉLAOS, DERNIER ROI DE CAPPADOCE

Intaille à surface et base plates, à bords tranchés en biseau.
Sardoine brun foncé avec, d’un côté, des tâches bleuâtres.
Provenance : Collection Seyrig n^o 1973.1.514.
Dimensions : h. 13 ; 1. 13 ; ép. 2 mm.

23Roi portant le diadème aux bandelettes retombant dans le dos et se terminant par des franges, ramenées en avant sur chaque épaule.

24Bien que la comparaison de ce portrait avec l’effigie monétaire ne soit pas entièrement satisfaisante, on peut envisager probablement une identification avec Archélaos, dernier roi de Cappadoce, car certains traits caractéristiques en commun soutiennent cette proposition : la tête allongée au port droit, l’occiput arrondi, le cou droit en forme de colonne lisse au galbe délicatement accusé. Si la partie supérieure du profil est plus courte que sur la médaille, remarquons que l’exemplaire de la monnaie du British Museum montre le même défaut¹⁵ ainsi que la même courbe de la bandelette du diadème dont l’extrémité retombe en une ligne verticale au milieu de la tranche du cou.

25Relevons toutefois la gravure sobre, voire fruste, de l’intaille, de sorte qu’elle oblige à admettre l’œuvre d’un artiste différent qui s’exerça davantage dans le maniement de lignes parallèles assez expressives employées pour les cheveux, le sourcil, la narine, la moustache, la barbe, mais négligeait la forme plastique. Par contre le portrait de l’intaille montre la barbichette à poils fins que portaient Ariobarzane II et III et l’adversaire d’Archélaos, Ariarathe X¹⁶. Cette variété n’est pas un argument suffisant pour nous détourner de notre identification, car nous la constatons également pour des portraits romains de l’époque de Marc Antoine¹⁷. Or, la parenté des portraits de Marc Antoine avec ceux d’Archélaos s’expliquerait par le fait qu’Archélaos fut, comme roi de Cappadoce, la créature de l’Impérator romain. Celui-ci lui avait confié le trône de Cappadoce en 41 av. J.-C, comme le signale Strabon¹⁸, surtout à cause des charmes de sa mère Glaphyra. Mais malgré l’influence du général romain, il dut conquérir lui-même ce royaume en éliminant en 36 Ariobarzane III. Par la suite, il régna pendant plus de cinquante ans et mourut à Rome en 17 ap. J.-C.¹⁹.

26La monnaie reproduite ici peut être datée des années postérieures à 18-17 av. J.-C.²⁰. Il est probable que l’intaille montrant un style plus fruste soit d’une date antérieure, malgré l’aspect d’un homme d’âge plus avancé. Si le style se rapproche de celui des portraits de la fin de la République romaine, d’autres particularités (comme la bandelette se croisant avec le milieu de la tranche du cou) dérivent directement des portraits d’Ariarathe LX, roi de Cappadoce et de son supposé père Mithridate VI, roi du Pont²¹. En effet les rapports d’Archelaos avec Mithridate étaient étroits. Son arrière-grand-père fut le général le plus en vue de Mithridate et dirigea en 88-86 les opérations en Grèce contre Sylla qui se terminèrent près d’Orchomène par une défaite. Archélaos, le général, conclut à Dardanos le traité de la paix entre Sylla et Mithridate²². Son fils et petit-fils, le grand-père et le père d’Archélaos²³ furent, d’après les dispositions de Pompée le Grand, à partir de 63 grands-prêtres à Komana.

27Ainsi, tout en gardant des particularités de la royauté hellénistique, l’homme et son visage subirent l’influence romaine. La matière de l’intaille elle-même, — sardoine brune et plate — illustre l’adaptation au goût romain, comme nous le verrons notamment pour le portrait de Marc Antoine²⁴.

28Autour de la fin des années 40 à 20 av. J.-C

Bibliographie

H. Seyrig, Antiquités syriennes. Trois portraits de rois hellénistiques, Syria, XLIX 1972, pp. 117 sq. fig. 16.