29 — ALEXANDRE LE GRAND

Camée de trois couches dont la base de calcédoine s’élève en hauteur variable dans la couche supérieure qui, par endroits comme au profil et à la tranche du cou, surplombe la base. En haut, à côté du diadème et du côté droit de la tranche du cou des trous de perforation d’environ 4 mm de profondeur sont entamés. Sardonyx brune passant dans le mauve (boucle au-dessus de la tempe, corne de bélier) ; blanc tirant sur le jaune (cheveux) ; gris-brunâtre (joue, visage) ; fond de calcédoine transparente, au revers recouvert d’or. Monture en or émaillé, selon E. Babelon, de la Renaissance. Provenance : Cabinet du roi. Figure dans l’inventaire de 1664.
Dimensions : h. 32 ; 1. 30 mm. Le relief est assez accentué.

1Alexandre le Grand portant le diadème, couvert au-dessus de l’oreille par la corne de Zeus Ammon. Il présente son profil droit.

2Cette tête d’Alexandre, due à l’interprétation d’un maître à la vision pénétrante, se situe parmi les portraits de ce roi les plus révélateurs. Comme d’autres effigies de ce roi, celle-ci se construit sur le principe du cercle se développant en relief circulaire1.

3Ce relief est aussi accentué par les contours surplombant la base, surtout par le profil se détachant du fond de couleur plus foncée. Ce profil rend toute la puissance de l’homme et du guerrier héroïque, le bas du front très proéminent presque bossu, son contour se retirant, vers le bas, dans un creux où prend naissance le nez à peine aquilin se prolongeant en pointe charnue sur les lèvres épaisses d’une petite bouche, le menton fort et compact mais sensible, légèrement doublé, exprimant la force de la volonté comme la joue tendue de grande surface, la pommette en relief et marquée d’une haute polissure.

4La partie la plus attrayante de ce visage devait être celle de l’œil au regard radiant au fond d’une cavité protégée par un sourcil relevé indiqué par une mince ligne rendue en relief. Cet œil à la pupille percée immédiatement sous la paupière ne jette pas seulement le regard vers le haut2, mais aussi, selon la source de lumière, vers l’avant et vers le bas, chargé d’une ardeur, celle de l’âme nourrie par la concentration invincible de la pensée émanant de la voûte puissante du front, exprimant la pensée pénétrante qui transgresse et dépasse, embrasse l’espace et le temps.

5S’unit à ce visage, qui devait impressionner ses contemporains, une chevelure en mouvement, la mèche partant vers le haut du front fuyant, relevée en vague majestueuse et retombant en ondulations, rendues dans les teintes foncée de l’onyx, sur la tempe. À cet élan de vague hardie s’ajoute celui des mèches serpentant de la nuque vers le cou ; de celles réparties en méduses crochues vers le bas où elles sont serrées par le diadème, repliant leurs pointes le long du contour de la corne de bélier, les autres aspirant vers le sommet de la tête.

6Ce mouvement engendré par un dynamisme hors du commun, la force concentrée exprimée dans le profil nous font supposer une date assez reculée de la facture de ce camée, proche encore du temps qu’Alexandre le Grand avait traversé lui-même. Quant au modelé du visage on peut découvrir une similitude avec les premières émissions de Ptolémée 1^er Soter, satrape d’Égypte, vers 318 av. J.-C3. Sur ces monnaies on constate une expression plus pathétique et un profil plus étiré. Certes, la coiffure se compare surtout avec celles des monnaies de Lysimaque4, têtes qui se caractérisent aussi par la corne de Zeus Ammon et par cette mèche remontant du front. Mais l’ordonnance de la chevelure est d’un dessin plus aéré, plus léger.

7Avec justesse Furtwängler avait déjà relevé la parenté stylistique de cet Alexandre avec le Zeus et la Méduse du Musée de l’Ermitage qu’il fait figurer l’un en face de l’autre5 et l’utilisation de couches de sardonyx analogue tirant dans des parties du visage légèrement sur le mauve. Pour le Zeus l’ordonnance analogue d’épaisses touffes de cheveux ondulants, ainsi que son profil à la saillie du front fuyant entrecoupé par une légère fossette rappelle celui de Ptolémée I^er Soter. Notons que le même type de Zeus apparaît aussi sur des monnaies des Lagides6. Il reçut son exaltation sur une vaste série de grandes monnaies émises par son fils Philadelphie7, après la mort d’Arsinoè II survenue en 270 av. J.-C. Mais ce fut aussi le gendre de Ptolémée I^er et de Bérénice, Pyrrhos, roi d’Épire, époux d’Antigone, fille8 d’un premier mariage de Bérénice, qui fit figurer un Zeus semblable sur ses monnaies9. On peut se rappeler qu’un autre gendre de Ptolémée Soter fut Lysimaque, roi de Thrace, qui autour de 300 av. J.-C, épousa Arsinoé âgée alors de 16 ans10. Sa dot a dû être aussi variée en joyaux sinon beaucoup plus prodigieuse que celle de sa demi-sœur Théoxénè, qui vers 300 fut donnée en mariage à Agathocle, roi de Syracuse11.

8C’est sans doute à ce milieu du fondateur de la dynastie hellénistique, la plus solide, ou à celle de son fils qu’appartenait ce camée montrant la tête d’Alexandre, comme ceux du Zeus et de la Méduse de l’Ermitage et celui du Zeus de Venise12, la Méduse13 en améthyste de la collection Colonna et le médaillon en améthyste de Cleveland, probablement une femme de diadoque ou peut-être Arsinoè II assimilée à Héra14.

9En comparaison avec ces joyaux l’Alexandre de Paris révèle une concentration intensifiée aussi par son format réduit. On peut constater que l’artiste aspirait non seulement à rendre un portrait mais aussi à livrer une synthèse d’un être au sujet duquel nous nous demandons toujours quelle était l’essence de son existence. D’ailleurs il ne tenait pas à préciser son âge ; au contraire, il fit dépasser largement l’aspect des 33 ans qu’Alexandre avait atteint. Il a su traduire sa nature invincible, sa force, son intelligence qui ne se limitait pas à l’invention de machines et de manœuvres de guerre, mais qui se fixait à l’angle de deux époques, celle d’une époque ancienne et celle présente s’avançant vers le futur, intelligence qui ne reflète pas seulement celle d’un pays, d’une cité mais du monde. Aussi la corne du bélier n’est-elle pas seulement la reprise d’une image monétaire, mais un symbole de divinité rappelant bien le pèlerinage d’Alexandre vers le sanctuaire de Zeus Ammon par lequel le roi se sentit attiré par une nostalgie irrésistible, le pothos (ingens cupido)15 vers l’irréel et la transcendance et l’ascendance divine. Ainsi comme fils de dieu se constitua-t-il vainqueur et souverain de l’œcumène16. Ainsi ce camée exprime-t-il aussi bien la « divinité » d’Alexandre que son caractère, message qu’il a laissé aux diadoques, notamment Ptolémée I^er Soter qui se fit lui-même représenter avec la corne de Zeus Ammon17, comme nous pouvons le conclure d’après l’interprétation de l’œuvre du graveur.

10Si l’on examine les détails de l’œuvre du graveur, en la comparant avec les deux camées du musée de l’Ermitage, on découvre une analogie très convaincante dans le procédé du maître graveur, non seulement dans le gonflement de la coiffure, mais dans les ondulations, les fines lignes tracées, la polissure parfaite, la bravoure incomparable de la maîtrise. Sans doute, ces deux camées sont dûs à la main d’un maître identique auquel on peut attribuer aussi notre effigie d’Alexandre et celle du Zeus en saphir de la collection Ionides, puis le buste d’Héraclès d’une collection privée italienne taillé en ronde-bosse dans un rubis d’une couleur rouge intense. Or le saphir porte les initiales de ce maître éminent, ΠY et non seulement les initiales mais aussi une calligraphie extrêmement pure, magistrale. Notons, de plus, que le saphir et le rubis sont des pierres d’une grande densité et dureté, extrêmement difficiles à graver. La technique de gravure des pierres précieuses est certes différente de celle des agates, mais la pénétration de l’esprit dont elles sont marquées atteint la même intensité. La parenté de style et de forme de ces deux pierres nous laisse supposer l’œuvre d’un même maître, dépassant de loin en pénétration tous les autres graveurs de cette époque. La précision et l’élégance du tracé, clair et incisif se retrouvent sur quelques gravures d’un Dexamenos, l’artiste le plus subtil qui ait anticipé la maîtrise du graveur d’Alexandre, Pyrgoteles, mais la taille, dans les œuvres que nous attribuons à ce dernier, est cependant d’une plus grande profondeur.

11L’Alexandre le Grand du Cabinet des médailles, qui provient de la collection de Louis XIV, révèle donc probablement un chef-d’œuvre de Pyrgoteles. Là, spécialement on peut constater à quel point le génie et la pensée se rencontrent.

12L’esprit et l’existence d’Alexandre restent incommensurables pour beaucoup. Le sens de son portrait, souvent imité mais jamais égalé reste un secret de Pyrgoteles, l’unique graveur auquel il ait permis de créer son effigie. Il est cependant probable que nous ayons maintenant la clé pour déchiffrer l’écriture de ce maître.

Bibliographie

Inventaire de l’année 1664 (n^o 218) ; Marion du Mersan, 1838, p. 115, n^o 120 ; Lenormant, Trésors des rois grecs, pl. V, n^os 3 et 5 ; Chabouillet, n^o 154 ; V. Duruy, Histoire des Grecs, t. III, p. 231 ; Babelon, Camées n^o 222 ; le même : Le Cabinet des Antiques, p. 215, pl. LVIII, fig. 2 ; le même, dans Daremberg-Saglio v. Gemmae, p. 1475, fig. 3512 ; Fr. Koepp, Ueber das Bildnis Alexanders des Grossen, 52. Winkelmannspro-gramm, Berlin, 1892, p. 13 et 31, note 37 ; JJ. Bernoulli, Die erhaltenen Darstellungen Alexanders des Grossen, Munich 1905, p. 124, qui refuse l’identification avec Alexandre, p. 125 « Zweifelhafte Aehnlichkeit (herabgezo-gene Brauen, Stumpfnase, Doppelkinn), dass man unmöglich mehr ein Bildnis des Alexan-der darin erkennen kann » ; Ed. Neuffer, Das Kostüm Alexanders des Grossen, Giessen, 1929, N 33, 1 ; J. Babelon, dans Démaréteion, I, n^o 3-4, p. 116,9 ; K. Gebauer, Alexander-bildnis und Alexandertypus, AM 63/64, 1938/39, pp. 32, 83, G 36

Pour la bibliographie plus récente, cf. Tonio Hölscher, Ideal und Wirklichkeit in den Bild-nissen Alexanders des Grossen, Heidelberg, 1971 ; G. Kleiner, Das Bildnis Alexanders des Grossen, JdI, 65/66, 1950/51, pp. 206 sq. ; M. Bieber, Alexander the Great in Greek and Roman Art, Chicago, 1964 ; E. von Scharzenberg, Der lysippische Alexander, B Jhb, 1967, p. 58 sq ; Vrai ou Faux, 1988 p. 50, n^o 5a, pl. II.

Voir les œuvres de base citées dans l’ouvrage de T. Hölscher (Schweitzer, Richter, Schefold). Voir aussi Claire Préaux, L’économie royale des Lagides, Bruxelles, 1939.

30 — ALEXANDRE LE GRAND

Camée de deux couches.
Sardonyx sur fond blanc bariolé de minuscules tâches grises (tête et cadre ressortant en couche brune). Autour de ce cadre en relief tourne une bande en onyx blanc, suivie d’une monture en or consistant en un fil d’or duquel se détache une rangée de dents en or alternant avec des feuilles semi-ovales émaillées blanches décorées en noir qui datent de la fin du xvii^e ou du début du xviii^e siècle.
Provenance : Fonds général ; attesté dans les collections en 1838.
Dimensions (du camée sans monture) : h. 23,5 ; 1  23,5 ; ép. 5,5 mm.

13Tête d’Alexandre le Grand portant le diadème et la corne de bélier de Zeus Ammon, vu de profil à droite.

14Si le camée précédent révèle la force innée et la stabilité d’une époque classique telle que celle des diadoques et des deux premières générations d’épigones, ce portrait, d’un format plus réduit et d’un relief moins accusé, exprime une période d’inquiétude et d’incertitude, un état non statique mais extatique. Ces tendances se révèlent d’ailleurs dans le globe oculaire distant des cils et sortant de l’orbite enfoncée sous un front puissant et prononcé. Cette pupille accusée comme une pointe peut être considérée comme une particularité, attestée au iii^e siècle, mais surtout caractéristique pour la période de la fin du ii^e ou du début du i^er siècle av. J.-C18. Nous l’observons également sur des portraits d’Alexandre émis par Mithridate à Mesembria et à Byzance19. Sur ces émissions on remarque aussi un cheminement tortueux, même un grouillement laid et impur des lignes indiquant la chevelure, notamment des mèches qui descendent sur la nuque, et un mouvement sinueux que désignent les bandelettes flottantes du diadème.

15Si d’autres détails comme la corne de bélier qui s’appuie sur l’oreille plus qu’elle ne la contourne, accusent une variante par comparaison avec les portraits d’Alexandre diffusés par Mithridate qui s’assimilait lui-même au roi de Macédoine20, nous pouvons reconnaître dans ce portrait probablement un descendant d’une autre variante d’images d’Alexandre, qui, à l’origine, furent diffusées par Lysimaque21. Surtout sur des monnaies émises vers 282, par Lysimaque, à Pergame22, le même type se retrouve, d’une ligne de profil semblable, aux lèvres charnues et informes, le nez plutôt court et pointu, avec une position de la corne de bélier et de la bandelette du diadème analogue, une ordonnance de la chevelure très semblable avec trois mèches retombant sur la tempe et le front et se distribuant en méduse au sommet de l’occiput. En dépit de certaines affinités, on ne rattachera cette œuvre ni à la cour de Lysimaque, ni à la dynastie séleucide23 ou ptolémaïque, bien que l’on retrouve le détail du cadre relevé et coloré entourant la tête d’un relief atténué sur un portrait représentant une des dernières Cléopâtres conservé au Musée de l’Ermitage24.

16La finesse de la gravure, maniérée, à tracé expressif, l’image bien proportionnée distante du bord souligné préfigurent l’épanouissement de la glyptique à Rome, à partir du temps de Sylla et surtout de Pompée le Grand, vainqueur de la troisième guerre contre Mithridate.

17Fin du II^e ou première moitié du i^er siècle av. J.-C.

Bibliographie

Babelon, Camées n^o 223 ; Marion du Mersan, p. 115, n^o 121 ; Chabouillet n^o 155 ; Gebauer, Alexanderbildnis, G 36, pp. 32, 83 ; Bernoulli, Alexander, p. 124, pl. 4, 14, qui ne voulait pas se prononcer sur l’authenticité sans avoir étudié la pièce.

31 — ALEXANDRE LE GRAND

Camée de deux couches.
Sardonyx blanc gris en bas, légèrement bleuâtre sur fond mottelé d’agate gris brun verdâtre, entouré d’une monture en or. Surface hautement polie.
Provenance : Cabinet du Roi ; décrit dans l’Inventaire de 1664, sous le n^o 73.
Dimensions : h. 11 ; 1. 10 ; ép. 3 mm.

18Tête d’Alexandre le Grand ornée du diadème et de la corne de bélier de Zeus Ammon.

19Il pourrait sembler impossible de dater ce camée qui répète l’effigie que Lysimaque avait copiée sans doute sur ses monnaies à partir d’une intaille ou d’un camée. Mais comme la phase nouvelle instaurée par Alexandre le Grand a produit des étapes différentes, ce camée reste encore attaché au monde des épigones. Miniature plus incisive et d’un format plus réduit que les joyaux précédents, elle se rapproche par son style de gravure des œuvres qu’un artiste a signées de son nom : Protarchos25. Or, c’est d’abord le format très petit qui peut suggérer une comparaison avec l’Aphrodite à l’épaule de laquelle s’accroche Eros26. Mollesse et rudesse à la fois, ainsi qu’une légère recherche du grotesque caractérisent les œuvres que nous connaissons de ce graveur. Si pour un portrait de héros l’artiste n’avait pas l’occasion d’accuser la rondeur qu’il prête aux corps de ses divinités, il a plutôt déployé ce style « hectique » de lignes incisées dans l’onyx blanc séparant les mèches de cheveux, lignes quelquefois anguleuses qui donnent un profil un peu entrecoupé et mouvementé descendant d’un front bossu d’une façon ondulante vers la bouche dont la lèvre supérieure s’avance.

20Ce profil, dont l’œil enfoncé dans une grande orbite à l’arcade sourcilière s’élevant rapidement de la naissance du nez, aurait pu être aussi bien celui d’un consul romain tel que Sylla27 ou d’un de ses contemporains, si la fameuse boucle ne venait pas couronner le front d’Alexandre, si le diadème ne retenait pas ses cheveux, et si la corne de bélier ne désignait pas ce fils de Zeus Ammon comme Alexandre. Le format de cette petite tête émergeant d’une surface ronde rappelle d’autre part un nombre considérable de monnaies romaines, notamment des années 80 et 70 av. J.-C.28. Imprégné de leur style un peu rude mais d’une expression forte et puissante, cet Alexandre aurait pu être fait pour un Romain. On se rappellera que pendant la première guerre contre Mithridate, Sylla avait envoyé à la cour de Ptolémée son questeur Lucullus pour obtenir des subsides, et que celui-ci revint d’Égypte muni d’une émeraude montrant le portrait du roi29. Lequel des généraux ou officiers romains qui participèrent aux manœuvres de guerre contre Mithridate n’aurait pas été sensible à l’idée de posséder une image d’Alexandre, héros mythique et légendaire qui devait correspondre le mieux à l’idéal du guerrier ? Il est possible que ce camée minuscule ait rempli cette fonction et qu’il fût l’œuvre de l’atelier de Protarchos, ce maître graveur que nous supposons avoir taillé des coins, notamment avec des animaux compacts, pleins de vigueur et légèrement teintés d’humour30. C’est sans doute de son temps que doit dater cet Alexandre.

21Probablement premier quart du i^er siècle av. J.-C.

Bibliographie

Babelon, Camées n^o 225 ; Chabouillet n^o 156 ; Inventaire de 1664, n^o 73 ; Gebauer, Alexanderbildnis, pp. 32, 83, qui se prononce d’une façon sommaire sur les camées Babelon n^os 223-225, dont, sans connaissance des originaux, on pourrait difficilement justifier l’authenticité ; Bernoulli, Alexander, p. 124.

32 — ALEXANDRE LE GRAND

Camée de deux couches.
Onyx blanc avec fêlures verticales et horizontales, sur fond de calcédoine légèrement grisâtre. Monture simple en or.
Provenance : Fonds général ; attesté dans les collections en 1858.
Dimensions : h. 18 ; 1. 15 mm.

22Alexandre le Grand orné de la corne de bélier et du diadème dont de courtes bandelettes se déroulent en haut et en bas derrière la nuque. Il est vu de profil à droite.

23Si le précédent Alexandre caractérise l’époque de Sylla, celui-ci semble plutôt se rapprocher de celle de Pompée le Grand. D’abord la tête ronde trahit une certaine mollesse et s’éloigne encore davantage du portrait du roi macédonien. On peut même dire que la mollesse de l’expression, le menton arrondi, la joue ronde, le profil rapetissé, font songer aux traits d’un Sextus Pompée qui, lui aussi, présente une bouche plutôt petite aux lèvres charnues31. C’est peut-être à ce culte du roi-héros, avec lequel Pompée le Grand fut comparé, que se rattache ce camée. Nous avons situé à la même époque de l’histoire la Méduse et l’Achille du graveur Pamphilos32 et les têtes de Méduse de Sosokles33 et de Diodotos34, qui nous paraissent exprimer la rancune ressentie surtout pendant les guerres civiles romaines. Sur la tête de Méduse de Pamphilos nous observons notamment des mèches de cheveux éparpillées sur la nuque d’une façon analogue. Si l’artiste s’est sans doute servi de modèles antérieurs pour disposer celles d’Alexandre, il a tracé des lignes parallèles serpentant d’une façon plutôt lente, qui forment des courbes et des crochets parfois cohérents, comme le démontre le large bandeau de cheveux longeant le visage et divisé en quatre groupes. Ainsi les cheveux couvrant l’occiput se divisent-ils en différents groupes dont chacun connaît son unité de lignes parallèles, soit celles qui ondoient en avant au-dessus de la corne de bélier, soit les trois mèches qui descendent du sommet de la tête, ou encore celles qui accusent une courbe dirigée horizontalement vers l’oreille. Comme celui de Pamphilos, le tracé des lignes se distingue également par une finesse et délicatesse extrêmes non dépourvues d’un certain désordre de pensée sinueuse, qui se soumet néanmoins à la synthèse du maître.

24S’il semble hardi d’attribuer ce camée à Pamphilos, maître d’un baroque tardif déjà un peu abusé, il est légitime de songer à son époque. Il serait issu de cette tradition des « Pompéiens », donc des partisans de Pompée le Grand, caractérisés par la tendance à une certaine mollesse bourgeoise qui anticipe déjà celle de l’époque d’Hadrien et qui est évidente surtout dans l’iconographie de ses fils.

25Ainsi ce camée s’insère-t-il parmi ceux de petit format de la fin de la République romaine.

26Milieu du i^er siècle, autour de 50-35 av. J.-C.

Bibliographie

Babelon, Camées n^o 224 ; Chabouillet n^o 157 ; Gebauer, Alexanderbildnis, pp. 32 et 83, sommairement mentionné, cf. ci-dessus n^o 30 ; Bernoulli, Alexander, p. 124.

33 — ALEXANDRE I^er BALA

Camée à deux couches blanc ivoire (casque et visage) avec des taches d’un brun cendré et d’un onyx blanc tirant sur le bleu, base brune, en bas, roussâtre, en transparence à taches brunâtres. Cassure en bas, la tranche du cou oblique semble moderne.
Provenance : Don du duc de Luynes, 1862.
Dimensions (sans cadre moderne) : h. 68 ; 1. 74 ; ép. 13 mm.

27Tête de souverain assimilé à Ares, au chef couvert par le casque panaché, orné de spirales relevées en pointe, au-dessus du front. Devant l’oreille laissée à découvert descend un long favori bouclé en haut et serpentant presque jusqu’au menton. Il est vu de profil à droite.

28Cette tête, qui semble représenter un dieu, trahit certains détails qui s’associent plus aisément avec un mortel et avec un genre de représentations humaines reliées à une tradition et à certaines modes. Relevons par exemple le favori très accentué, de plus, le nez long marqué d’une pointe plongeante.

29Plusieurs identifications pour ce portrait de souverain ont d’ailleurs été prononcées soit Alexandre le Grand soit Seleukos I^er, dont on fait valoir des casques similaires sur des effigies monétaires. Certes, l’effigie d’Alexandre a connu une large diffusion à travers les siècles de l’Antiquité et encore à la Renaissance. Mais une certaine divergence de sa physionomie, l’expression dépourvue de vitalité et empreinte plutôt d’un air formel et factice, nous suggèrent d’admettre une représentation d’un épigone portant le nom d’Alexandre.

30La question se pose cependant de savoir à quelle époque se situe l’exécution de cette pièce, d’une gravure classicisante presque impersonnelle et d’un poli discret, où luit le casque finement arrondi, la joue aplatie s’abaissant vers le nez droit légèrement étiré, le menton doucement arrondi au-dessous de la bouche entrouverte aux lèvres épaisses, même charnues, proéminentes. De la même élégance témoigne le bourrelet fin indiquant le sourcil à peine en relief, doucement arqué au-dessus de la paupière taillée en relief protégeant l’œil grand ouvert à la pupille taillée légèrement en relief. À ce canon, se distinguant par la discrétion des nuances, s’ajoute celui des couleurs de la calcédoine jouant sur les teintes ivoire, cendrée (le nez) et bleu-gris (le panache).

31Quant à la technique de la gravure, nous découvrons, malgré les surfaces lisses, quelque rudesse dans le traitement des détails, des accents marqués, par exemple dans le bord des lèvres, de la narine, des paupières. Le traitement du casque trahit cependant une façon peu habile, ainsi que les boucles s’étalant devant l’oreille, celles du haut taillées en relief, celles du bas incisées en lignes incohérentes. Ce dernier détail s’avère comme un trait caractéristique de l’époque hellénistique plutôt tardive, au moins du ii^e siècle av. J.-C. et surtout de sa seconde moitié. Ces tendances s’annoncent déjà sur le portrait de Démétrios i^er de cette collection (n^o 177) mais avec davantage de vigueur.

32Par contre l’incohérence des traits s’est installée sur le portrait qui représente probablement l’enfant-roi Antiochos V (n^o 178), décédé en 162 av. J.-C. Notons pour ce portrait le globe oculaire assez saillant comme celui de ce camée. Dans l’ambiance et l’attitude d’un formalisme désabusé et de fierté un peu vide et froide qu’expriment ces têtes de la dynastie séleucide, attitude qui devait encore se prononcer dans l’effigie d’Antiochos VII (n^o 84), nous situerions le mieux cette tête d’Achille ou d’Alexandre ou d’Alexandre en Achille. Mais parmi les souverains du milieu du ii^e siècle on s’oriente le mieux vers Alexandre I Bala. Et même pour une telle identification proposée, il faut garder certaines réserves. L’iconographie d’Alexandre i^er Bala, bien que restreinte, offre de grandes variantes35. Mais notons que le contour de la tête profonde des bustes de Heidelberg et de Genève attribués par O. Mørkholm36 à Alexandre Ier Bala, et aussi celui de certaines effigies monétaires, telle celle du Cabinet des Médailles de la Bibliothèque Nationale37, laissent transparaître une certaine similitude.

33Le passage d’une effigie plus tendue des monnaies vers cette forme d’une idéalisation classique pourrait être conçue facilement par un artiste recherchant la divinisation mais qui ne manque pas d’accuser certains côtés personnels, par exemple la bouche aux lèvres presque informes et inertes (cf. aussi les bustes ailés), le menton trop court et charnu, la joue plate. Notons que la statuette en bronze du Louvre attribuée par M. Jean Charbonneaux à Alexandre i^er Bala38, montre une forme d’idéalisation analogue mais d’un genre différent, ainsi que celle de Naples39.

34Pour cette raison on peut prendre en considération une identification avec Alexandre i^er Bala, qu’Attalos II, roi de Pergame présenta en 161 comme prétendant au trône séleucide. Comme prétendant à ce trône Alexandre aurait bien pu se coiffer d’un casque évoquant celui du fondateur de la dynastie, donc de Seleucos I^er Nicatôr40. Par le profil droit il se prêta d’ailleurs à une certaine similitude avec le diadoque41 ainsi qu’avec Alexandre.

35Alexandre I^er Bala régnant entre 150-145 av. J.-C, la facture de ce camée se situerait, avec la plus grande vraisemblance, dans ces années, et probablement à leur début, donc vers 150 av. J.-C

Bibliographie

Chabouillet, dans Gazette archéologique, t. X, 1885, pp. 396 sqq.

Babelon, Camées n^o 227, cf. aussi le même, Rois de Syrie, p. XVII, introduction.

34 — JEUNE PRINCE ASSIMILÉ À ALEXANDRE LE GRAND

Intaille à surface légèrement convexe et bords arrondis ; base plate.
Lapis-lazuli avec fêlure en haut.
Provenance : Egypte, legs E. Rutishauser ; inv. 1972-1354.
Dimensions : h. 26 ; 1. 19 ; ép. 3 mm.

36Buste de jeune prince assimilé à Alexandre le Grand. Vu de trois quarts de dos, la tête de profil à gauche, il est coiffé de la peau de lion dont une patte pend devant son épaule arrondie.

37Cette image d’Alexandre Héraclès est sans doute inspirée par celle d’Alexandre le Grand42 bien qu’elle se présente comme une interprétation d’héroïsme affaibli. Dans son expression comme dans sa composition, elle se confronte avec une série43 qui se poursuit encore sur une émission de deniers romains44. On constate aussi une affinité plus prononcée avec l’effigie de la cornaline de Berlin45 offrant cependant des divergences dans les détails.

38Le fait que cette image est taillée dans une surface convexe adoucit l’effet du relief, d’autant plus qu’elle n’est pas serrée dans l’espace comme le buste de Berlin. Par contre la position du buste dénudé est la même, l’épaule cependant un peu moins saillante mais d’une belle forme plastique. La position de la léonté est presque la même, la patte sous le menton rendue sur les deux pièces par deux rangées de globules ; celle pendant en arrière sur le lapis est moins précisée. L’ordonnance des mèches de la léonté couvrant la nuque se retrouve, à l’exception des deux traits manquants sur l’intaille du Cabinet des Médailles. Les petites bouclettes encadrant le front sont rendues d’une façon plus subtile, plus nerveuse, grâce à de minuscules traits hachurés. Dessinées d’une façon plus appuyée, presque en forme de coquilles, les trois boucles placées au-dessus de l’oreille tournent leurs pointes vers le haut.

39Sur le lapis, cette ordonnance des mèches courtes, tracées en deux traits parallèles, trahit moins de fantaisie, mais plutôt une certaine tendance d’un ensemble de lunules schématisées. Le tracé des longues lignes, telles celles indiquant le contour de la léonté, témoignent d’une mollesse que l’on constate aussi dans le dessin du sourcil rendu en ligne qui apparaît sur la cornaline de Berlin, sur le moulage avec une extrême précision. Mais sur les deux pierres, le sourcil en fine arcade redescend légèrement vers la tempe. Il est haussé au-dessus de l’œil enfoncé et séparé de celui-ci par une minime enflure de l’épiderme. Ce détail et le nez droit en pointe, la rondeur du menton, les contours du buste nous obligent à supposer non seulement la représentation du même modèle d’Héraclès, mais une éventuelle assimilation du même prince, certes ptolémaïque, avec le héros.

40Rappelons que la cornaline du British Museum46 représentant le même type d’Héraclès peut, en quelque sorte, être mise en rapport avec Ptolémée XI Alexandre II si nous admettons une effigie de l’adolescent.

41La question se pose donc de savoir si les deux intailles de Berlin et de Paris, représentent le neveu de ce dernier, Ptolémée XI Alexandre II.

42Sur deux empreintes de sceau trouvées à Efdou, H. Kyrieleis et A. Krug proposent une identification du portrait avec ce dernier47. Le profil diffère cependant un peu de celui des deux intailles par un nez plus court et plus épais. La séparation du front et du nez est marquée encore davantage.

43Ces variantes existent cependant aussi parmi des séries monétaires. Sans avoir des effigies de cette catégorie à disposition pour l’iconographie de ce jeune prince qui ne régna, en 80 av. J.-C, que pendant une période très courte, à peine trois semaines48, on peut évoquer encore une tête du Musée Gréco-Romain d’Alexandrie49 qui se rattache à l’iconographie d’Alexandre II. En effet, on peut essayer de faire quelques rapprochements à propos des grands yeux enfoncés.

44En outre, il sera permis de distinguer un semblable traitement de la chevelure chez le roi adolescent du British Museum, provenant de la Cyrénaïque, portrait qui sans doute se situe à l’époque du début du i^er siècle av. J.-C.50

45Cependant, en attendant une certitude d’identification, il est permis de dater cette effigie de la période à laquelle appartenait Ptolémée XI Alexandre II.

46Début du i^er siècle av. J.-C.

35 — PTOLÉMÉE XI ALEXANDRE II ASSIMILÉ À ALEXANDRE LE GRAND

Fragment d’une intaille plate des deux côtés. Cornaline.
Provenance : Trouvé à Rome. Collection Pauvert de la Chapelle.
Dimensions : h. 6 ; 1. 8 ; ép. 1,5 mm.

47Buste de jeune prince assimilé comme le précédent, à Alexandre le Grand, coiffé de la peau de lion, vu de profil à gauche (sur le moulage à droite).

48Malgré les traits efféminés, ce n’est pas Omphale51 qui est représentée sur cette intaille d’une gravure fine et précieuse, mais un Héraclès-Alexandre caractérisé par un style très apparenté à celui incisé dans le lapis-lazuli précédent.

49Si l’on compare cette tête fragmentaire avec celle du lapis-lazuli qui la précède, une parenté de style s’impose. Bien que des divergences soient apparentes, les similitudes sont encore plus frappantes, le nez à pointe proéminente, plutôt longue, les lèvres entrouvertes, le menton très arrondi et charnu trahissent une forte parenté. Notons aussi que le graveur n’aurait guère marqué une Omphale d’un croc si aigu dressé devant l’oreille. Mais ici cet Alexandre Héraclès a été caractérisé d’une façon excessive et, comme il me semble de la même lignée ptolémaïque, donc des derniers jalons de cette dynastie, s’assimilant à Héraclès, avec un fin décor de léonté qui trahit une stylisation plutôt artificielle de demi-bouclettes sans vigueur52. Il est probable que les deux effigies représentent le même héros, à la façon des gemmes correspondantes similaires de Berlin, de Londres et d’ailleurs53.

50Si cet essai d’identification peut être mis en question, les traits du visage tendus, l’œil à l’expression fanatisée, l’os avançant au-dessus de l’œil, surtout sur le lapis-lazuli, confirment le même caractère léonin.

51Relevons encore la notice d’E. Babelon indiquant que le fragment aurait été trouvé à Rome, ville d’où Ptolémée XI Alexandre II retourna à Alexandrie. La lumière intense de la cornaline témoigne du caractère morbide de l’Hellénisme tardif.

52Quant aux effigies que H. Kyrieleis54 propose pour le portrait de Ptolémée XI Alexandre II, elles ne seraient absolument pas contradictoires, même si on admet pour les images des cretules une technique de représentation plus rude.

53On peut donc certifier, pour les deux intailles, une tradition de gravure ptolémaïque qui se maintient encore pendant le i^er siècle av. J.-C.

54Premier tiers du i^er siècle av. J.-C.

Bibliographie

Babelon, Collection Pauvert de la Chapelle, n^o 117.

36 — MARC ANTOINE SOUS LES TRAITS D’ALEXANDRE

Camée de plusieurs couches.
Sardonyx brun foncé (cheveux, charnière ou bordure du casque, bords des feuilles de laurier, lion) ; blanche (couche inférieure des cheveux), visage gris foncé. Légers éclats au sommet de la tête, le fond a dû être cassé et réparé par un cadre retenu par une pièce en émail au dos suivant la monture en or émaillé datant du xviii^e siècle.
Provenance : Cabinet du roi. Décrit dans l’inventaire de 1664.
Dimensions : h. 37 ; 1. 35 mm (la couche du revers est surélevée à peu près de 5 mm au-dessus du fond).

55Probablement effigie de Marc Antoine, inspirée par celle d’Alexandre le Grand, orné de légers favoris, vu de profil à gauche. Il est coiffé d’un casque dont la bordure limite le front par une ligne droite oblique suivie d’une couronne droite indiquée par des feuilles de laurier pointues sur lesquelles un lion semble marcher. Des touffes de cheveux ondulants descendent vers la nuque.

56On verra sans doute un rapport entre cette effigie et celle d’Alexandre orné de la corne de Zeus Ammon à cause du format circulaire du camée qui est d’une dimension presque identique. Mais une étude approfondie de ce camée montre une divergence énorme : l’interprétation du visage est beaucoup plus sèche et la surface supérieure représentant le casque est totalement aplatie. Le visage a certes reçu un relief et un modelé remontant doucement de la ligne de contour surplombant finement la base vers la joue légèrement arrondie ; aussi est-il saillant au-dessus de la naissance du nez, mais tout apparaît sous une expression plus atténuée et certes dans une interprétation plus tardive, dépourvue de la haute tension lumineuse propre au génie et à la vie héroïque d’Alexandre le Grand. Bien que des détails telles que les lèvres épaisses de la bouche, plutôt petite, s’identifient avec ceux du roi macédonien, le profil du nez et du front séparés par un angle presque carré, trahit une coupe plus nette et l’œil plus avancé nous suggère que l’image représente peut-être une autre personne qu’Alexandre le Grand.

57Notons que le profil conçu dans le sens linéaire, à angle abrupt et aux traits horizontaux prononcés, trahit non seulement une expression romaine mais aussi un trait de caractère inhérent au type, plutôt généralisé chez les Romains. Et parmi un certain nombre d’entre eux, Alexandre le Grand apparaissait comme un modèle à suivre et à imiter ; nous pensons à Marc Antoine, même si l’artiste a pris quelque réserve pour se prononcer avec netteté. Relevons que la partie de l’œil au globe oculaire proéminent, bien que la pupille soit marquée d’une ponctuation, convient mieux au canon romain, ainsi que l’accentuation du sourcil s’avançant fortement au-dessus de l’œil dont le regard se fixe sur ce qui est imminent.

58Cette proéminence du sourcil s’accentuant juste au-dessus de l’œil par un léger hiatus se découvre aussi sur certaines monnaies de Marc Antoine55.

59Quant aux bustes de la grande sculpture c’est celui de Kingston Lacy56 qui montre sans doute un profil d’une certaine ressemblance.

60En contraste avec cette étude de caractère de haute qualité, celle du camée garde quelque chose de flou et d’impersonnel, exprimant simultanément l’allusion à l’image d’Alexandre qui se manifeste aussi dans les boucles tortueuses s’échappant du couvre-nuque du casque, indiquées comme celui-ci d’une façon linéaire et graphique.

61Ce casque n’est pas seulement celui d’un général, mais avant tout d’un général vainqueur, comme l’indique la couronne de laurier rendue par quatre paires de feuilles pointues et allongées, alignées en sens oblique. Si nous tenons pour certaine l’identification avec Marc Antoine, ce laurier peut se rapporter à une campagne victorieuse comme celle contre les Parthes, ou contre l’Arménie, suivie de son retour triomphal à Alexandrie avec le roi Artavasdes57. Et si le lion s’avance, grimpant sur cette couronne, se détachant sur un fond rempli d’incisions parallèles, délicates, il ne fait que s’insérer dans ce symbolisme exalté ici sur une surface plate, comme sur un tableau. Le lion était sans doute l’animal qui correspondait le mieux à son être, à la nature de Marc Antoine, lutteur ardu et jouisseur voluptueux. On se souvient que lui-même s’était amusé à dompter des lions et à traverser avec son amante l’Italie en 47 avant J.-C, dans un attelage de ces fauves58. En 43 av. J.-C. le lion fit son apparition sur des quinaires émis par le triumvir à Lugdunum. Il semble qu’il figure comme symbole astrologique59, mais il contient en même temps une allusion à la descendance du Triumvir d’Antéon, fils d’Héraclès60.

62C’est par ce symbole d’Héraclide que Marc Antoine se rapproche le mieux d’Alexandre. On peut même dire que ce lion ornant le casque montre davantage de ressemblance avec celui qui figure sur les monnaies d’Alexandre61, et même sur celles dues à Mazaïos sous les ordres du roi macédonien, qu’avec celui des quinaires cités ci-dessus.

63Cet animal rondelet, dont la queue se termine en pointe de lance, marchant comme l’animal répandant la terreur dans un paysage de rochers, le lion de Némée, monstre vaincu et tué par Héraclès, se présente cependant comme un faible fantoche et comme la décoration d’un général romain illustrant une victoire présumée62.

64Le camée se présente pourtant comme une œuvre imposante, qui se tient dans la lignée des effigies d’Alexandre, et qui par un symbole manifeste en même temps l’idéal héroïque et royal d’Héraclès, certes sous une forme un peu schématisée, expression que l’on retrouve sur des intailles hellénistiques tardives, surtout ptolémaïques63. Mais nous garderons plutôt en vue une relation avec Marc Antoine dont les traits essentiels du profil sont relevés, même si c’est d’une façon conventionnelle sans une interprétation du caractère, ni de l’âge de celui qui est représenté. On admettrait plutôt une image juvénile datant peut-être de la première rencontre du triumvir avec Cléopâtre, qui eut lieu en 41 av. J.-C, quand l’Héraclide s’occupait déjà des préparatifs de la première campagne contre les Parthes, conduite alors par Ventidius Bassus pendant que Marc Antoine passait son temps à la cour de Cléopâtre. Mais il peut aussi bien être d’une facture des années suivantes, notamment lors de l’alliance matrimoniale des deux souverains, la reine d’Égypte et le général romain, en automne de l’année 37, ou lors du triomphe qui fut fêté à Alexandrie en 34 avant J.-C64.

65En examinant les types monétaires du triumvir on admettrait peut-être plus aisément une date remontant vers 40 av. J.-C, car vers la fin des années 30 les traits de Marc Antoine se caractérisent par l’embonpoint, les favoris ornant le menton ayant disparu également.

66Sans aboutir à la fixation d’une date précise, une identification de ce portrait avec Marc Antoine sous les traits d’Alexandre paraît probable.

67Milieu du i^er siècle, probablement vers 40 av. J.-C.

Bibliographie

Inventaire de 1664, n^o 220 ; Visconti, Iconographie grecque, II, p. 104, pl. XLI, fig. 9 (attribué à Lysimaque) ; Marion du Mersan, 1838, p. 115, n^o 125 ; Ch. Lenormant, Trésor de numismatique, Rois grecs, p. 8 et pl. V, fig. 1 ; Chabouillet n^o 163 ; V. Duruy, Histoire des Grecs, III, p. 244 ; E. Babelon, le Cabinet des Antiques, p. 215 et pl. LVIII, fig. 3 ; le même, la gravure en pierres fines, p. 127, fig. 100 ; le même, Camées, n^o 221 ; J.J. Bernoulli, Die erhaltenen Darstellungen Alexanders des Grossen, Munich 1905, p. 132 ; J. Babelon, Alexandre le Grand au Cabinet des Médailles, Démareteion I, 1935, 116, fig. 10 ; K. Gebauer, Alexanderbildnis und Alexanderty-pus, Athen. Mitt. 63/64, 1938, pl. 4, fig. 16, G 45, p. 83.

37 — ALEXANDRE LE GRAND

Ronde bosse en marbre ou stuc brûlé, couleur ivoire, fissure à travers le visage.
Provenance : n^o d’inventaire N.7807. Acquis avec des fonds Rockfeller, chez M. R. Hase, 10, rue St-Georges, Paris IX.
Dimensions : h. 45 (avec cou) ; ép. 36 (nez-occiput) ; d. 39 mm (boucles à boucles).

Buste miniature en ronde bosse.

68Marbre blanc-gris ou stuc (?). Fêlure traversant le visage de la tempe droite jusqu’au-dessous de la bouche retombante, au bord du visage à sa gauche. D’autres fêlures moins visibles sur le front. Le côté gauche du nez a disparu, éclats également du côté droit, à la lèvre inférieure, au menton.

69Image d’Alexandre le Grand, aux cheveux divisés au milieu de la naissance du front et tombant de chaque côté en flammèches ondulantes, accompagnées d’autres mèches qui accusent le même mouvement. Les cheveux sont serrés par un diadème embrassant la calotte de l’occiput habillé par des mèches en forme de lunules dont les contours sont sèchement et rudement taillés dans la pierre. En haut de l’occiput une petite « méduse » est amorcée, mais pas poursuivie avec conséquence. En haut, le diadème est interrompu par un trou rectangulaire où un emblème a dû être fixé, soit le disque solaire, entouré en bas par le croissant de lune, soit le globe de l’univers65. En contraste avec les cheveux accolés à la calotte de l’occiput, ceux des côtés se développent en abondance, en grosses et longues mèches volumineuses, couvrant les oreilles, et se terminant du côté droit, en pointes crochues. Trois boucles similaires en vrilles retombent sur la nuque. Le buste est taillé à courte distance du pli du menton.

70Le visage est ovale et les tempes s’alourdissent vers les joues presque plates, inertes à partir des pommettes saillantes. Celles-ci s’arrondissent devant les yeux enfoncés, entourés en haut des bourrelets des paupières en forme d’arceaux, en bas, de bandes assez larges, à peine incurvées, sculptées en discret relief. Les globes oculaires saillants sont marqués au bord de l’iris tout comme la pupille enfoncée sous les paupières ; la gauche surtout touche le sourcil qui se dirige vers le haut en arcade de la naissance du nez en descendant jusqu’à la tempe. Le front très proéminent se retire sous les cheveux, excepté au centre où il est droit, presque bossu, et d’où, comme d’un pot, les mèches relevées retombent de chaque côté. La petite bouche légèrement entr’ouverte, la lèvre supérieure ondulante et en bourrelet accusé, mais sans modelé raffiné témoignent de la même rudesse que les cheveux.

71Si des détails comme la chevelure trahissent davantage l’agitation que la force, l’ensemble garde l’aspect du roi devenu modèle et idole, surtout à la basse époque de l’Empire.

72De la substance et de l’ardeur d’Alexandre rien n’est resté. Elles sont englouties dans la masse de la chair d’un visage accentuant la lourdeur de la matière comme on la découvre parfois dans des portraits de Septime Sévère66 où l’informe apparaît aussi dans les détails telle la barbe, qui se transforme en mèches ressemblant à des fleuves chargés de boue et où les joues s’enflent dans une désagréable mollesse.

73C’est de son époque ou plutôt de celle de son fils aîné Caracalla que daterait cet Alexandre. Il témoignerait de nouveau de cette vénération que le fils de Septime Sévère surtout voua à Alexandre67.

74Vers 200 après J.-C.

Bibliographie

J. Babelon, Alexandre le Grand au Cabinet des Médailles, Demaréteion, I, 1935, pp. 113 sqq.

38 — ALEXANDRE LE GRAND

Fragment d’un camée mutilé.
Onyx blanc grisâtre bleuté sur les bords, par endroits incisé, noirci et incrusté, sur fond brun noir se relevant du côté droit à la hauteur du nez. Base plate non polie. Surface, surtout de la joue, d’un poli luisant.
Provenance : Beyrouth. Acquis en 1970 ; n^o inv. 1970.454.
Dimensions : h. 8 ; 1. 8 ; ép. 4 mm.

75Fragment d’une tête de roi orné du diadème dont se détachent les rayons de la couronne radiée. Il est vu de profil à droite.

76Bien que le profil soit mutilé, on peut admettre que cette image de roi distingué par le diadème, dont se détachent quelques rayons, est une effigie d’Alexandre le Grand mais datant de la même période que les deux camées montrant Caracalla en selle à la guerre et à la chasse68. On sait d’ailleurs que cet empereur nourrissait une vénération spéciale pour Alexandre, manifeste aussi sur des bractéates avec l’image du Grand Roi attribuées à son temps69.

77Par le poli satiné des surfaces blanches et lisses, au galbe à peine nuancé, tirant sur le bleu à l’approche du fond, par l’incision profonde de la pupille, le bord de l’iris rendu sous forme d’un bourrelet ressemblant à un croissant qui pointe vers le haut, ce fragment de camée révèle des traits caractéristiques de cette période. En outre, l’incision du sourcil, les petites lignes subdivisant les cheveux, tantôt parallèles, tantôt accusant le désordre et un état chaotique, font partie d’une technique identique à celle des pierres suivantes et de la Méduse70.

78La provenance orientale de ce fragment de camée est d’ailleurs confirmée. La technique de la gravure, l’emploi de l’onyx blanc suggèrent une datation à l’époque des Sévères, surtout à la phase du « style brut » des dernières années de Caracalla. Son appartenance aux années autour de 215 est donc probable.

79Si les mutilations de cette pièce sont trop grandes pour qu’on puisse prétendre absolument qu’elle représente Alexandre assimilé à Sol, on peut avec la plus grande probabilité la situer à la cour de Caracalla dont des effigies dans le même style de gravure et dans le même genre d’onyx ont subsisté. En outre, lui-même était souvent assimilé à Sol. Toutefois le détail du front lisse et fuyant convient moins à cet empereur. C’est pour cette raison qu’on pensera davantage à une image d’Alexandre qu’il vénérait assidûment. On s’imagine aisément que, surtout pendant sa campagne contre les Parthes, en 216, il aurait favorisé la fabrication d’amulettes du roi qui pour lui était exemplaire et dont il revivra le destin de conquérant victorieux de l’Orient.

39 — ALEXANDRE LE GRAND ASSIMILÉ À HÉLIOS-SOL

Intaille plate des deux côtés.
Jaspe sanguin.
Provenance : Collection Frœhner, n^o 2250.
Dimensions : h. 19 ; 1. 15 ; ép. 3,5 mm.

80Profil d’Alexandre le Grand, assimilé à Sol, le buste drapé de la chlamyde, fixée sur l’épaule par une fibule. Six rayons émergent de la silhouette de sa tête. Le roi est caractérisé par la mèche relevée au-dessus du front l’« ἀναστολή », et par quatre mèches flottant autour du visage et sur la nuque.

81Une autre des images ou idoles miniatures d’Alexandre, probablement de l’époque des Sévères. Non seulement la matière, le jaspe sanguin, mais aussi la technique de la gravure sommaire et expressive, s’avèrent fréquents à cette époque.

82D’un buste élargi et d’une poitrine rendue en pointe, où le paludamentum est indiqué par des lignes plutôt rudes, la fibule par un volume informe, se dresse une tête à profil ferme, à nez droit, à bouche close, proéminente, sur un menton plutôt petit mais compact, l’œil ombragé en extase, le front recouvert en haut par une grosse mèche à pointe retombante, trahissant « l’anastolé ». L’épaisseur de ces mèches, l’une s’étalant sur la tempe et recouvrant, en haut, une autre mèche en forme de croissant pointant vers le cou, deux autres s’enchaînant, la dernière se courbant vers la nuque, trahit une certaine parenté avec des gravures d’un maître qui se situe au tournant de l’époque des Antonins vers celle des Sévères71. On y distingue aussi les traits plutôt fins, mais cohérents qui atténuent les volumes taillés en profondeur et relèvent les masses des boucles.

83À cette époque convient aussi la représentation d’Alexandre comme Sol, qui aurait pu se prêter comme métaphore pour les campagnes des trois empereurs, Marc Aurèle, Septime Sévère et Caracalla, campagnes entreprises dans la direction de l’Orient72.

84Certes, il y eut des représentations antérieures d’Alexandre assimilé à Sol ou Hélios73, mais c’est surtout à la fin des époques classiques et classicisantes, que son image de Sol devint une amulette rappelant les temps de la lumière. Comme travail artisanal cette intaille se situe le mieux dans cette période des deux dynasties, d’ailleurs reliées par le même nom des Antonins74 surtout sous ceux des Sévères qui nourrissaient une vénération particulière pour Alexandre le Grand75, notamment Caracalla.

40 — ALEXANDRE LE GRAND ASSIMILÉ À HÉLIOS-SOL

Intaille plate des deux côtés.
Jaspe rouge cassé légèrement en haut, aux bords tranchés en biseau.
Provenance : Collection Frœhner n^o 2252.
Dimensions : h. 13, 5 ; 1. 11, 5 mm.

85Alexandre en Hélios-Sol ; sa tête radiée est vue de face, ornée de douze rayons.

86Bien que la tête soit celle d’une poupée insipide aux yeux grand ouverts, les joues enflées, les narines indiquées par un seul trait parallèles aux lèvres, le visage oblong entouré d’une abondante chevelure descendant jusqu’à la nuque fait supposer une image populaire d’Alexandre qui s’ajoute au nombre de celles, connues, du Bas Empire (cf. n^o 39)76.

87Probablement début du iii^e siècle après J.-C.

41 — ALEXANDRE LE GRAND ASSIMILÉ À HÈLIOS-SOL

Intaille convexe des deux côtés.
Citrine claire, lumineuse, avec quelques ombres.
Provenance : Fonds général, attesté dans les collections en 1858.
Dimensions : h. 16 ; 1. 14 (avec monture) ; ép. 6 mm.

88Sol-Helios vu de profil à gauche, sur l’original à droite.

89Cette intaille d’une expression puissante, aux traits rendus avec fermeté et décision, s’ajoute aux précédentes tout en excellant par une dureté et un rythme de lignes expressives, parallèles, horizontales, indiquant les lèvres, le nez, l’œil ponctué.

90La grossièreté de cette gravure est adoucie par la couleur chatoyante de la gemme sur laquelle le graveur a tâché de marquer l’accent du regard d’Alexandre. Par son élan expressif, il se situe à la fin d’une époque de brutalité, incarnée probablement par Caracalla.

Bibliographie

Chabouillet, n^o 1475.